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Code civil du Québec
 DISPOSITION PRÉLIMINAIRE
[Expand]LIVRE PREMIER : DES PERSONNES
[Expand]LIVRE DEUXIÈME : DE LA FAMILLE
[Expand]LIVRE TROISIÈME : DES SUCCESSIONS
[Expand]LIVRE QUATRIÈME : DES BIENS
[Collapse]LIVRE CINQUIÈME : DES OBLIGATIONS
 [Collapse]TITRE PREMIER : DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL
  [Expand]CHAPITRE I - DISPOSITIONS GÉNÉRALES
  [Collapse]CHAPITRE II - DU CONTRAT
   [Expand]SECTION I - DISPOSITION GÉNÉRALE
   [Expand]SECTION II - DE LA NATURE DU CONTRAT ET DE CERTAINES DE SES ESPÈCES
   [Collapse]SECTION III - DE LA FORMATION DU CONTRAT
    [Expand]§1. Des conditions de formation du contrat
    [Collapse]§2. De la sanction des conditions de formation du contrat
     [Collapse]I - De la nature de la nullité
       a. 1416
       a. 1417
       a. 1418
       a. 1419
       a. 1420
       a. 1421
     [Expand]II - Des effets de la nullité
     [Expand]III - De la confirmation du contrat
   [Expand]SECTION IV - DE L’INTERPRÉTATION DU CONTRAT
   [Expand]SECTION V - DES EFFETS DU CONTRAT
  [Expand]CHAPITRE III - DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE
  [Expand]CHAPITRE IV - DE CERTAINES AUTRES SOURCES DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE V - DES MODALITÉS DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VI - DE L’EXÉCUTION DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VII - DE LA TRANSMISSION ET DES MUTATIONS DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VIII - DE L’EXTINCTION DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE IX - DE LA RESTITUTION DES PRESTATIONS
 [Expand]TITRE DEUXIÈME : DES CONTRATS NOMMÉS
[Expand]LIVRE SIXIÈME : DES PRIORITÉS ET DES HYPOTHÈQUES
[Expand]LIVRE SEPTIÈME : DE LA PREUVE
[Expand]LIVRE HUITIÈME : DE LA PRESCRIPTION
[Expand]LIVRE NEUVIÈME : DE LA PUBLICITÉ DES DROITS
[Expand]LIVRE DIXIÈME : DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
 DISPOSITIONS FINALES
 
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Article 1416

 
Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991
 
Livre CINQUIÈME : DES OBLIGATIONS \ Titre PREMIER : DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL \ Chapitre DEUXIÈME - DU CONTRAT \ Section III - DE LA FORMATION DU CONTRAT \ 2. De la sanction des conditions de formation du contrat \ I - De la nature de la nullité
 
 

À jour au 8 juin 2024
Article 1416
Tout contrat qui n’est pas conforme aux conditions nécessaires à sa formation peut être frappé de nullité.
1991, c. 64, a. 1416
Article 1416
Any contract which does not meet the necessary conditions of its formation may be annulled.
1991, c. 64, s. 1416

Annotations
Code civil du Québec annoté (2023) par Jean-Louis Baudouin et Yvon Renaud (mise à jour no. 7)Information
FermerExtraits de : Baudouin, Jean-Louis et Renaud, Yvon, Code civil du Québec annoté, 26e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2023 (version intégrale dans eDOCTRINE).

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Les obligations (2024), vol. 1, par Vincent KarimInformation
FermerExtraits de : Karim, Vincent, Les obligations, vol. 1, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2024 (version intégrale dans eDOCTRINE).

La recherche en jurisprudence est à jour au 1er mars 2024.
ANNOTATIONS
1. Notions générales

1957. Cet article édicte le principe général quant à la possibilité de déclarer la nullité absolue ou relative d’un contrat, lorsque les conditions imposées par la loi pour sa validité n’ont pas été respectées2852. En d’autres termes, le défaut de respecter ces conditions peut donner lieu à la nullité du contrat, qui peut être dans certains cas la nullité relative, dans d’autres, la nullité absolue.

A. L’intervention judiciaire

1958. Les parties peuvent conclure une convention aux termes de laquelle le contrat entaché d’un vice de formation sera déclaré nul. Il n’est pas nécessaire qu’une telle convention soit entérinée par la Cour2853. Cependant, si les parties ne s’entendent pas sur l’annulation de leur contrat, l’intervention du tribunal sera inévitable. En effet, que la nullité du contrat soit relative ou absolue, une intervention judiciaire directe par voie principale ou par voie d’exception est nécessaire dans un cas comme dans l’autre pour faire constater par le tribunal la cause de nullité du contrat et ainsi la prononcer2854. En d’autres termes, la nullité du contrat ne peut faire l’objet d’une décision unilatérale prise par l’une des parties, mais doit être vérifiée et prononcée par le tribunal en l’absence d’une entente entre ces derniers. De plus, cette intervention devient aussi nécessaire puisque toute entente entre les parties contractantes visant à déclarer le contrat nul sera inopposable au tiers ayant acquis un droit de l’une d’elles à la suite de la conclusion de ce contrat. Même l’une des parties à cette entente pourra ultérieurement mettre sa validité en question en invoquant l’une des causes pour lesquelles le contrat peut être annulé.

B. Source de la nullité
1) Conventionnelle

1959. Les parties peuvent s’entendre pour déclarer nul leur contrat. Elles ne peuvent cependant convenir de la nullité de leur contrat et ainsi conclure une entente au détriment de l’intérêt d’un tiers ayant acquis un droit à la suite de la conclusion de ce contrat2855 ; ce dernier peut valablement s’opposer à toute entente qui ne tient pas compte de ses droits acquis de bonne foi et la faire déclarer inopposable à son égard. Ainsi, bien que les cocontractants aient le pouvoir de convenir de la nullité de leur entente, ils ne peuvent cependant y inclure une condition qui, si elle n’est pas remplie, entraînera sa nullité2856.

2) Judiciaire

1960. À défaut d’une entente bilatérale sur la nullité du contrat, les parties devront avoir recours au tribunal, afin que celui-ci vérifie si les conditions requises par la loi en matière de nullité sont rencontrées2857. Dans l’affirmative, ce dernier peut prononcer la nullité du contrat.

1961. Par ailleurs, notons qu’il n’est pas nécessaire, pour obtenir la nullité d’un acte juridique en matière contractuelle, que la cause de nullité soit expressément prévue par un texte de loi. En effet, le principe du droit français « pas de nullité sans texte » ne s’applique pas en matière contractuelle2858.

1962. Il importe cependant de souligner que le juge peut dans certains cas, rejeter la demande en nullité et accorder une réduction des obligations ou l’allocation de dommages-intérêts2859. Peut-on dire que le juge ne peut user de ce pouvoir discrétionnaire que dans les cas prévus à l’art. 1408 C.c.Q., c’est-à-dire lorsque l’action en annulation est fondée sur la lésion ? Nous pensons que l’article 1407 C.c.Q.2860 accorde aussi au tribunal le pouvoir de réviser le contrat lorsque l’action est fondée sur le dol ou la crainte2861.

1963. La nullité du contrat peut être demandée soit par voie principale, c’est-à-dire par une action ayant pour objet principal une demande en nullité, soit invoquée par voie d’exception, c’est-à-dire par voie de défense2862 et demande reconventionnelle. L’article 2882 C.c.Q. reprend la règle de l’article 2246 C.c.B.-C. et, par conséquent, la nullité invoquée par voie d’exception n’est pas sujette à prescription2863. Ainsi, une partie contractante peut, dans sa défense et demande reconventionnelle, invoquer la nullité du contrat même lorsque l’action en nullité est prescrite. Cependant, une telle demande ne peut être accueillie à moins que la demande principale ne puise son fondement de la même source, soit du même contrat que celui faisant l’objet de la demande reconventionnelle en nullité (art. 172 C.p.c.). À titre d’exemple, en cas d’une action en paiement du prix intentée par le vendeur d’une entreprise ou d’un bien quelconque, l’acheteur peut toujours invoquer dans sa défense et sa demande reconventionnelle, la nullité du contrat de vente pour cause de dol ou de crainte ou d’un autre vice quelconque.

1964. Il arrive que l’acheteur dispose d’un délai pour payer le prix et que l’action en nullité du contrat se prescrive avant l’action en paiement du prix. En effet, cette dernière action est assujettie à un délai de prescription qui ne commence à courir qu’après l’échéance de l’obligation de paiement du prix. Dans ce cas, l’acheteur qui ne peut plus demander la nullité du contrat par une demande principale peut toujours invoquer cette nullité en défense et en demande reconventionnelle.

1965. Il importe toutefois de noter que le droit de demander la nullité du contrat en défense et demande reconventionnelle est assujetti aux mêmes conditions que la demande principale. Ainsi, l’acheteur qui a confirmé tacitement ou expressément son contrat frappé de nullité peut voir sa demande reconventionnelle en nullité rejetée de la même façon que s’il avait fait cette demande par voie principale.

C. La portée de la nullité
1) Non-respect des formalités contractuelles édictées par la loi

1966. L’article 1416 C.c.Q. complète les articles 1385 et 1414 C.c.Q. en prévoyant la nullité du contrat qui ne respecte pas les conditions nécessaires à sa formation. Ainsi, dans le cas d’un contrat nécessitant un écrit, le défaut de respecter cette formalité entraîne la nullité de l’acte2864.

1967. Le Code civil prévoit de nombreuses situations où des formalités contractuelles spécifiques doivent être respectées sous peine de nullité. En matière de bail de logement par exemple, la sous-location sans le consentement du locateur peut être frappée de nullité (1870 C.c.Q.)2865. De même, la vente à une personne physique d’un immeuble à usage d’habitation par un constructeur ou un promoteur doit être précédée d’un contrat préliminaire qui respecte les prescriptions de l’article 1786 C.c.Q., dûment signé et contenant une clause précisant la faculté de dédit afin d’être conforme aux conditions de sa formation (1785 C.c.Q.)2866.

2) En cas d’une fraude à la loi ou d’une contravention à l’ordre public

1968. Cet article permet aussi d’annuler un contrat conclu à la suite d’une fraude à la loi2867 ou dans le but ou avec l’intention de contourner l’application d’une loi d’ordre public2868. Il s’applique également à tout contrat issu d’une situation frauduleuse. Ce contrat doit être frappé de nullité, car en donnant une forme légale à une situation de fait, les contractants cherchent à renforcer la violation de l’ordre public. La disposition de l’article 1416 C.c.Q. sanctionne ce genre de contrat, puisqu’il s’agit d’une règle générale qui reçoit application à tout contrat ne remplissant pas les conditions requises par la loi quant à sa validité ou étant le fruit d’un état de fait qui constitue une contravention à l’ordre public de direction. Ainsi, même en cas d’entente entre les parties, un contrat ne peut être rédigé de manière à écarter, atténuer ou alourdir les règles d’ordre public2869.

3) Manquement à l’obligation de bonne foi

1969. Cette règle générale sanctionne également tout contrat lorsque l’un des contractants, au moment de sa formation, viole une obligation imposée par une disposition d’ordre public telle que, par exemple, le défaut de remplir l’obligation de bonne foi lors des négociations que l’article 1375 C.c.Q. lui impose.

1970. Certains auteurs2870 sont d’avis que l’absence de bonne foi lors des négociations ne permet pas d’annuler le contrat sur la base de l’erreur économique, puisque cela aurait pour effet d’instaurer la notion de lésion entre majeurs qui est clairement prohibée par l’article 1405 C.c.Q. Bien que cette opinion soit conforme à la règle générale en matière de lésion entre majeurs, il ne faut cependant pas exclure la possibilité de sanctionner des situations où le manquement à une obligation de bonne foi peut être la cause principale de l’erreur économique. Il faut se rappeler que l’économie de l’ensemble des règles applicables en matière de formation des contrats milite pour la sanction du manquement à l’obligation de bonne foi d’une partie ayant mené l’autre à commettre une erreur économique2871. Dans bien des cas, l’octroi des dommages-intérêts pourrait être justifié lorsque la preuve démontre le manquement à l’obligation d’information du débiteur et le lien de causalité entre ce défaut et le préjudice subi par le créancier de cette obligation2872.

1971. Le manquement à l’obligation de bonne foi tellement grave, eu égard au préjudice subi par le créancier, peut justifier la nullité du contrat. La règle prévue à l’article 1375 C.c.Q., peut avoir une sanction autonome, même si les faits reprochés au débiteur sont insuffisants pour conclure à l’existence de l’un des vices de consentement prévus aux articles 1400 à 1406 C.c.Q. Ainsi, lorsque l’erreur commise par le contractant porte sur la valeur économique de l’objet du contrat, la violation de l’obligation de bonne foi peut justifier la nullité du contrat ou une condamnation en dommages-intérêts, même si l’erreur sur la valeur économique n’est pas sanctionnable en vertu de l’article 1400 C.c.Q.2873. Prononcer la nullité du contrat ou accorder des dommages-intérêts au contractant ayant commis une erreur sur la valeur économique du bien, en raison du manquement à l’obligation de bonne foi par l’autre contractant, ne met pas en question l’enseignement doctrinal et jurisprudentiel en matière de lésion entre majeurs.

1972. En effet, lorsque la preuve démontre une contravention à l’obligation de bonne foi et un lien entre cette contravention et l’erreur sur la valeur économique du contrat, il serait difficile de rejeter la demande en nullité ou en réduction du prix du contractant dont la liberté contractuelle a été malmenée. Un tel contrat ne repose pas sur une base légitime puisqu’il n’est pas conforme aux conditions nécessaires à sa formation. L’article 1399 C.c.Q. exige, pour que le contrat soit valablement formé, que le consentement donné par l’une ou l’autre des parties contractantes soit éclairé. On doit donc conclure que les conditions de formation du contrat ne sont pas remplies, lorsqu’une partie contractante donne un consentement non éclairé découlant d’un manquement par l’autre partie à son obligation de bonne foi. Il n’est pas nécessaire que ce consentement non éclairé constitue l’un des vices de consentement prévus aux articles 1400 à 1406 C.c.Q. pour être sanctionné. Dans ce cas, le recours peut être basé, d’une part, sur la disposition de l’article 1375 C.c.Q. qui exige, comme condition à la formation du contrat, une conduite de bonne foi de la part de toutes les parties et, d’autre part, sur celle de l’article 1416 C.c.Q. qui prévoit la sanction de l’absence des conditions nécessaires à la formation du contrat.

1973. Rappelons que l’erreur sur la valeur économique même si elle constitue une erreur sur un élément essentiel ayant déterminé le consentement du contractant qui s’est trompé, ne peut être sanctionnée selon la règle prévue à l’article 1400 C.c.Q. Une telle sanction rétablit indirectement la lésion entre majeurs que le législateur n’a pas voulu reconnaître comme cause de nullité du contrat à l’article 1405 C.c.Q. Cette règle que l’on peut toujours affirmer, n’empêche pas de faire la distinction entre une erreur sur la valeur économique du contrat commise par le contractant sans pouvoir reprocher une faute quelconque à l’autre contractant et une erreur dont la commission est due à un manquement à l’obligation d’information de l’autre contractant. Dans le premier cas, l’erreur économique n’est pas sanctionnable alors que dans le deuxième, on ne cherche pas à sanctionner cette erreur, mais plutôt la contravention à la règle de bonne foi par le débiteur de l’obligation d’information.

1974. Lorsque les faits établis en preuve sont suffisants pour conclure à l’existence d’un dol ayant provoqué l’erreur sur la valeur économique du bien dans l’esprit du contractant, la sanction qui s’impose est celle prévue à l’article 1407 C.c.Q. en matière de dol. Par contre, si la preuve démontre que les faits ou les actes reprochés au défendeur sont insuffisants pour conclure au dol, l’erreur sur la valeur économique du bien ne peut être sanctionnée selon l’article 1401 C.c.Q. Le tribunal peut cependant, imposer une sanction en vertu des articles 1375 et 1416 C.c.Q. s’il arrive à la conclusion que les faits reprochés à l’autre contractant constituent une violation à son obligation de bonne foi lors des négociations du contrat. Le manquement à cette obligation constitue une faute qui ne résulte pas nécessairement de la mauvaise foi de son débiteur, condition essentielle à l’existence du dol. Une personne peut, en l’absence de mauvaise foi, contrevenir à son obligation de renseigner son interlocuteur lors de négociations d’un contrat et ainsi engager sa responsabilité, conformément aux articles 1375 et 1458 C.c.Q.

1975. On peut penser que la sanction d’une erreur économique due au manquement à l’obligation d’information pourrait mettre en question la stabilité des relations contractuelles et risquerait de rétablir indirectement la lésion comme cause de nullité du contrat. Il nous semble que cette crainte ne pourrait être justifiée lorsque l’on cherche à établir un équilibre entre la moralité contractuelle et la stabilité des relations contractuelles. Au contraire, on renforce cette stabilité par la sanction du manquement à l’obligation de bonne foi, à condition que cette notion soit bien cernée et utilisée avec discernement. Le contractant, conscient que toute conduite non conforme aux exigences de bonne foi sera sanctionnée, cherche à éviter dès le départ, tout manquement à son obligation de bonne foi. Refuser de sanctionner une contravention à l’obligation d’information par crainte de rétablir la lésion comme cause de nullité du contrat ou mettre la stabilité des relations contractuelles en jeu, revient à encourager l’immoralité et l’injustice contractuelle.

1976. Il existe actuellement une controverse au sein de la doctrine quant à la sanction de la violation de l’obligation de bonne foi. Le manquement à cette obligation peut-il faire l’objet d’une sanction autonome ? Dans la mesure où le manquement à l’obligation de bonne foi ne donne pas lieu à un cas de vice de consentement suffisant pour appliquer l’article 1407 C.c.Q., quelle sera alors la sanction applicable ? Refuser toute sanction à ce manquement ne risque-t-il pas de créer une zone grise à l’intérieur de laquelle tombent des cas pouvant être une source d’injustice contractuelle ? Aucune disposition ne laisse entendre que le législateur a limité la sanction en matière de formation du contrat aux cas des vices de consentement prévus aux articles 1400 à 1407 C.c.Q.

1977. Au contraire, plusieurs dispositions prévoient des sanctions à la formation du contrat et établissent les conditions de leur application. Il suffit de citer à titre d’exemple, l’article 440 C.c.Q. (contrat de mariage), 1824 C.c.Q. (contrat de donation), 2693 C.c.Q. (contrat hypothécaire), 1398 C.c.Q. (absence d’aptitude), etc. Il nous semble que la règle de bonne foi prévue à l’article 1375 C.c.Q. doit être traitée de la même manière et selon le même raisonnement que l’on applique au cas prévu à l’article 1398 C.c.Q., où l’absence d’aptitude chez le majeur contractant donne lieu à la nullité du contrat conclu par celui-ci. S’il est vrai que le contrat ne peut être valide à moins que le consentement à ce contrat ne soit donné par une personne apte à s’obliger, il est également vrai que ce contrat ne peut être valablement formé lorsque l’un des contractants manque à son obligation de bonne foi. La règle générale de l’article 1416 C.c.Q. prévoit expressément que le contrat qui n’est pas conforme aux conditions nécessaires à sa formation peut être frappé de nullité. Cette disposition, jumelée à celle prévue à l’article 1375 C.c.Q. qui exige la bonne foi lors de la formation du contrat, justifie une sanction autonome pour le manquement à cette obligation qui peut être la nullité, à condition que la preuve établisse d’une part, un manquement sérieux par le débiteur à son obligation de bonne foi envers un créancier ayant les mains propres et, d’autre part, que ce manquement était déterminant dans la conclusion du contrat ou dans l’acceptation des stipulations principales par le créancier de l’obligation2874. L’acceptation des stipulations accessoires par ce dernier ou la perte des quelques avantages secondaires ne peut justifier la nullité du contrat, une telle situation, en l’absence d’autres dispositions applicables, risque de demeurer, malheureusement, sans sanction.

4) Inaptitude du contractant à s’obliger

1978. Enfin, l’article 1398 C.c.Q. exigeant l’aptitude du contractant à s’obliger au moment où il donne son consentement, est générateur d’une sanction autonome au cas où cette condition ne serait pas remplie. La disposition prévue à cet article, jumelée à celle prévue à l’article 1416 C.c.Q., donne lieu à un recours en nullité pour celui qui a donné un consentement alors qu’il n’en avait pas l’aptitude. Son consentement n’est pas éclairé soit parce qu’il a été donné sous l’effet de l’alcool, de la drogue, des médicaments2875 ou parce que la personne souffre d’une déficience mentale. Dans ce cas, ce n’est pas seulement la qualité du consentement qui est entachée d’un vice, mais aussi la volonté même de la personne de le donner qui peut être absente.

D. Les effets de la nullité

1979. Lorsque le tribunal est saisi d’une demande en nullité d’un acte juridique, il ne dispose d’aucune marge de manœuvre et il ne peut que conclure à sa nullité lorsque l’une des conditions requises à sa formation fait incontestablement défaut2876. L’annulation du contrat donne lieu à la restitution intégrale des prestations par les parties2877.

1980. Cependant, dans le cas d’un contrat annulé en raison d’une violation des règles portant sur la capacité, la personne protégée n’est tenue à la restitution des prestations reçues que jusqu’à concurrence de son enrichissement dont la preuve incombe à son cocontractant2878. Le but de cette exception prévue à l’article 1706 C.c.Q., est d’éviter l’appauvrissement du patrimoine de la personne protégée tout en s’assurant que cette dernière ne bénéficie pas d’un enrichissement injustifié au détriment de son cocontractant. Par ailleurs, cette exception à la règle doit recevoir une application stricte puisqu’il s’agit d’une exception à une règle fondamentale prévoyant la restitution intégrale. Ainsi, cette exception ne s’applique pas au cas d’un contractant mineur qui a atteint à la date de la demande en nullité, l’âge de la majorité et qui tire encore des avantages du contrat faisant l’objet de sa demande. De plus, le tribunal a la faculté de déroger à cette exception en cas de faute lourde ou intentionnelle de la part de la personne protégée qui a rendu la restitution impossible2879.

2. Délai de prescription

1981. L’action en nullité se prescrit généralement par un délai de 3 ans lorsqu’il s’agit d’une action personnelle (art. 2925 C.c.Q.) et par un délai de 10 ans si l’action en nullité vise un contrat ayant pour objet un droit réel immobilier (art. 2923 C.c.Q.)2880. Ces délais de prescription commencent à courir à compter de la connaissance de la cause de la nullité par celui qui l’invoque ou à compter de la cessation de la violence ou de la crainte (art. 2927 C.c.Q.)2881.

1982. Ainsi, le délai de prescription de l’action en nullité d’un contrat dont la formation ne respecte pas une formalité essentielle prescrite par une disposition de la loi que celle-ci soit ou non d’ordre public, est de trois ans. Ce délai commence à courir à compter de la date de la découverte de la non-conformité du contrat et non pas à compter de sa conclusion (art. 2927 C.c.Q.). C’est le cas lorsqu’un contrat de droit public a été conclu sans passer par un appel d’offres alors que la loi régissant l’organisme public en question l’exige pour l’attribution du contrat2882.

1983. Il importe toutefois de noter que la nullité du contrat doit être demandée dans ces délais lorsqu’elle est invoquée par voie principale, c’est-à-dire par une action directe ayant pour objet principal la demande en nullité. Par contre, la nullité peut être invoquée en tout temps (art. 2882 C.c.Q.), même si l’action directe en nullité est prescrite, lorsque cette nullité est invoquée par voie d’exception, c’est-à-dire en défense comme un moyen qui tend à repousser une action directe. Cependant, il faut que la demande principale à l’encontre de laquelle on invoque en défense la nullité puise son fondement dans le contrat dont la nullité est invoquée (art. 172 C.p.c.).


Notes de bas de page

2852. Les conditions de formation du contrat se retrouvent aux articles 1385-1415 C.c.Q. Cet article reprend le même principe que l’article 1000 C.c.B.-C.

2853. Côté c. Alma (Ville d’), AZ-50389152, 2006 QCCS 4809, [2006] R.D.I. 690.

2854. Beaudoin c. Université de Sherbrooke, AZ-50433823, J.E. 2007-1120, 2007 QCCS 2291, [2007] R.J.Q. 1343 ; Taschereau c. Media5 Corporation, 2021 QCCQ 13465, AZ-51820352 ; J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, Les obligations, nos 386 et suiv., pp. 466 et suiv.

2855. Voir l’art. 1700 ou 1701 C.c.Q.

2856. Investissement Mékinac inc. c. 3064310 Canada inc., AZ-50644384, J.E. 2010-1085, 2010EXP-1986, 2010 QCCA 1104.

2857. Voir à titre d’illustration : Wyke et Optimal Robotics (Canada) Corp., 2003 QCCRT 435, AZ-50186687, D.T.E. 2003T-828, [2003] R.J.D.T. 1273 (C.R.T.).

2858. J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, Les obligations, nos 386 et suiv., pp. 466 et suiv.

2859. Voir l’art. 1408 C.c.Q. ; voir aussi à cet effet : M. TANCELIN, Sources des obligations : l’acte juridique légitime, n° 193.1, p. 129.

2860. Voir nos commentaires sur les articles 1401, 1407 et 1408 C.c.Q.

2861. Gagné c. Gilbert, AZ-94031176, J.E. 94-792 (C.Q.) ; Beauchamp c. Relais Toyota Inc., 1995 CanLII 5304 (QC CA), AZ-95031146, J.E. 95-613, [1995] R.J.Q. 741 (C.A.).

2862. Voir nos commentaires sur l’article 1420 C.c.Q. ; voir aussi Paradis c. Merrett, AZ-95031232, J.E. 95-1039 (C.Q.).

2863. Voir nos commentaires généraux faits en début de cette section ; Banque canadienne impériale de commerce c. Thibeault, AZ-83031080, J.E. 83-399 (C.P.) ; Pageau c. Thériault, AZ-50373908, B.E. 2006BE-704, 2006 QCCS 2640, [2006] R.L. 200.

2864. Commission scolaire Crie c. Lefebvre, AZ-95029092, D.T.E. 95T-960 (C.S.) ; St-Évariste-de-Forsyth (Municipalité de) c. Club des 1000 inc., 1997 CanLII 9333 (QC CS), AZ-97021627, J.E. 97-1588 (C.S.) ; Lévesque c. Carignan, AZ-98026278, B.E. 98BE-481 (C.S.) ; Groupe Sutton accès inc. c. Côté, 2000 CanLII 18394 (QC CQ), AZ-00031176, J.E. 2000-657, REJB 2000-17691 (C.Q.) ; Chamberland c. Choinière, 2000 CanLII 17574 (QC CQ), AZ-50071434, J.E. 2000-1045, REJB 2000-17852 (C.Q.).

2865. Gestion Rimap ltée c. Dubé, AZ-50278854, J.E. 2004-2210 (C.Q.), appel accueilli (C.A., 2005-04-06), 500-09-014020-036.

2866. Silva c. Poirier, 2002 CanLII 38104 (QC CQ), AZ-50132726, J.E. 2002-1276, [2002] R.J.Q. 1817 (C.Q.) ; George c. Garneau, AZ-51287288, J.E. 2016-1010, 2016EXP-1825, 2016 QCCS 2234.

2867. Eurosun inc. c. Lignes aériennes Globe Azur inc. (Air Club international), AZ-97021220, J.E. 97-587 (C.S.).

2868. Boucher c. Landry, AZ-50268699, B.E. 2005BE-128 (C.Q.).

2869. Investissement Mékinac inc. c. 3064310 Canada inc., AZ-50644384, J.E. 2010-1085, 2010EXP-1986, 2010 QCCA 1104.

2870. J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, Les obligations, n° 216, pp. 330-331 ; D. LLUELLES et B. MOORE, Droit des obligations, nos 927 et suiv., pp. 473-476.

2871. Yoslovitch c. Tabor, 1995 CanLII 3806 (QC CS), AZ-95021216, J.E. 95-573, [1995] R.J.Q. 1397 (C.S.) ; Manoir Le Flandre inc. c. Chabot, 2001 CanLII 40189 (QC CS), AZ-50105400, J.E. 2002-78 (C.S.).

2872. 9054-0402 Québec. inc. c. Centre de santé Minceur inc., 2000 CanLII 14682 (QC CQ), AZ-50075236, J.E. 2000-1081 (C.S.).

2873. Remax de l’Estuaire inc. c. Lauzier, 1998 CanLII 10742 (QC CQ), AZ-98031333, J.E. 98-1689, REJB 1998-5017 (C.Q.) ; Gingras c. Abergel, AZ-99031237, J.E. 99-1192, [1999] R.D.I. 504, REJB 1999-13306 (C.Q.) ; Investissements François Adrar inc. c. Sidibé, 2023 QCTAL 9388, AZ-51926496.

2874. Bolduc c. Decelles, 1996 CanLII 4344 (QC CQ), AZ-96031110, [1996] R.J.Q. 805, [1996] R.R.A. 528 (rés.) (C.S.).

2875. Archambault c. Lévêque, 1998 CanLII 9347 (QC CS), AZ-98021685, J.E. 98-1438, REJB 1998-06678 (C.S.).

2876. Abdalla c. Kassis, AZ-51255773, J.E. 2016-434, 2016EXP-838, 2016 QCCS 603 ; D. LLUELLES et B. MOORE, Droit des obligations, n° 1087, p. 586.

2877. Voir aussi nos commentaires sur l’article 1422 C.c.Q.

2878. Voir l’art. 1706 C.c.Q. ; voir aussi nos commentaires sur les articles 1406, 1407 et 1422 C.c.Q.

2879. J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, Les obligations, n° 400, pp. 479-481 ; voir aussi nos commentaires sur les articles 1406, 1407 et 1422 C.c.Q.

2880. Voir nos commentaires généraux sur l’ordre public et la nullité (art. 1410 à 1424 C.c.Q.) sous le titre « La prescription de l’action en nullité ».

2881. Octane Stratégie inc. c. Montréal (Ville de), AZ-51233047, J.E. 2015-1946, 2015EXP-3561, 2015 QCCS 5456.

2882. Voir à titre d’exemple les articles 573 et suivants de la Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C-19.

Wilson et Lafleur

La diffusion de l'ouvrage Les obligations, vol. 1 de Vincent Karim, et publié par Wilson et Lafleur, est rendue possible grâce à une licence accordée au CAIJ par Wilson et Lafleur.

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Législation citée (Québec et CSC)  
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Concordances  
 
 
  • Code civil du Bas Canada : art. 1000
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Commentaires du ministre de la Justice  
 
Article 1416 (LQ 1991, c. 64)
Tout contrat qui n'est pas conforme aux conditions nécessaires à sa formation peut être frappé de nullité.
Article 1416 (SQ 1991, c. 64)
Any contract which does not meet the necessary conditions of its formation may be annulled.
Sources
C.C.B.C. : article 1000
O.R.C.C. : L. V, article 47
Commentaires

Cet article pose le principe fondamental de la nullité, relative ou absolue, comme sanction juridique s'attachant au défaut du respect d'une condition de fond ou de forme essentielle à la formation du contrat et à sa validité.


Il est introductif d'une série de règles énonçant les principaux éléments de ce qu'il convient d'appeler la théorie des nullités en droit québécois.


Extrait de : Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice - Le Code civil du Québec , t. 1, Québec, Les Publications du Québec, 1993.
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Débats parlementaires et positions  
 
 

1.  Code civil du Québec, LQ 1991, c. 64, a. 1416

 
Référence à la présentation : Projet de loi 125, 1re sess, 34e lég, Québec, 1990, a. 1412.
 
Étude détaillée dans le Journal des débats :
 
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Les lois du Québec sont reproduites avec l'autorisation de l'Éditeur officiel du Québec.
Les Code civil du Bas Canada et Code civil du Québec (1980) sont reproduits avec l'autorisation de Wilson et Lafleur.