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Code civil du Québec
 DISPOSITION PRÉLIMINAIRE
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  [Expand]CHAPITRE II - DU CONTRAT
  [Expand]CHAPITRE III - DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE
  [Expand]CHAPITRE IV - DE CERTAINES AUTRES SOURCES DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE V - DES MODALITÉS DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VI - DE L’EXÉCUTION DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VII - DE LA TRANSMISSION ET DES MUTATIONS DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VIII - DE L’EXTINCTION DE L’OBLIGATION
  [Collapse]CHAPITRE IX - DE LA RESTITUTION DES PRESTATIONS
   [Expand]SECTION I - DES CIRCONSTANCES DANS LESQUELLES A LIEU LA RESTITUTION
   [Collapse]SECTION II - DES MODALITÉS DE LA RESTITUTION
     a. 1700
     a. 1701
     a. 1702
     a. 1703
     a. 1704
     a. 1705
     a. 1706
   [Expand]SECTION III - DE LA SITUATION DES TIERS À L’ÉGARD DE LA RESTITUTION
 [Expand]TITRE DEUXIÈME : DES CONTRATS NOMMÉS
[Expand]LIVRE SIXIÈME : DES PRIORITÉS ET DES HYPOTHÈQUES
[Expand]LIVRE SEPTIÈME : DE LA PREUVE
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[Expand]LIVRE NEUVIÈME : DE LA PUBLICITÉ DES DROITS
[Expand]LIVRE DIXIÈME : DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
 DISPOSITIONS FINALES
 
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Article 1706

 
Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991
 
Livre CINQUIÈME : DES OBLIGATIONS \ Titre PREMIER : DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL \ Chapitre NEUVIÈME - DE LA RESTITUTION DES PRESTATIONS \ Section II - DES MODALITÉS DE LA RESTITUTION
 
 

À jour au 8 juin 2024
Article 1706
Les mineurs et les majeurs sous tutelle ou mandat de protection ne sont tenus à la restitution des prestations que jusqu’à concurrence de l’enrichissement qu’ils en conservent; la preuve de cet enrichissement incombe à celui qui exige la restitution.
Ils peuvent, toutefois, être tenus à la restitution intégrale lorsqu’ils ont rendu impossible la restitution par leur faute intentionnelle ou lourde.
1991, c. 64, a. 1706; 2020, c. 11, a. 77
Article 1706
Minors and persons of full age under tutorship or under a protection mandate are bound to make restitution of prestations only to the extent of the enrichment they retain from them; proof of such enrichment is borne by the person claiming restitution.
They may, however, be bound to make full restitution where restitution has become impossible through their intentional or gross fault.
1991, c. 64, s. 1706; I.N. 2014-05-01; 2016, c. 4, s. 208; 2020, c. 11, s. 77

Annotations
Code civil du Québec annoté (2023) par Jean-Louis Baudouin et Yvon Renaud (mise à jour no. 7)Information
FermerExtraits de : Baudouin, Jean-Louis et Renaud, Yvon, Code civil du Québec annoté, 26e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2023 (version intégrale dans eDOCTRINE).

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Les obligations (2024), vol. 2, par Vincent KarimInformation
FermerExtraits de : Karim, Vincent, Les obligations, vol. 2, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2024 (version intégrale dans eDOCTRINE).

La recherche en jurisprudence est à jour au 1er mars 2024.
ANNOTATIONS
1. Généralités

4380. Cet article prévoit les modalités particulières de la restitution des prestations lorsqu’une personne protégée est partie à l’acte anéanti rétroactivement ou visé par le régime. Reprenant et clarifiant la règle prévue à l’article 1011 C.c.B.-C., l’article 1706 C.c.Q. s’applique aux mineurs et aux majeurs sous tutelle.

4381. Règle générale, l’annulation du contrat donne lieu à la restitution intégrale des prestations par les parties. Cependant, dans le cas d’un contrat annulé en raison d’une violation des règles portant sur la capacité, la personne protégée n’est tenue à la restitution des prestations reçues que jusqu’à concurrence de son enrichissement dont la preuve incombe à son cocontractant5968. Le but de cette exception prévue à l’article 1706 C.c.Q., est d’éviter l’appauvrissement du patrimoine de la personne protégée, tout en s’assurant que cette dernière ne bénéficie pas d’un enrichissement injustifié au détriment de son cocontractant. Par ailleurs, cette exception à la règle doit recevoir une application stricte, puisqu’il s’agit d’une exception à une règle fondamentale prévoyant la restitution intégrale. Ainsi, cette exception ne s’applique pas au cas d’un contractant mineur qui a atteint, à la date de la demande en nullité, l’âge de la majorité et qui tire encore des avantages du contrat faisant l’objet de sa demande. De plus, le tribunal a la faculté de déroger à cette exception en cas de faute lourde ou intentionnelle de la part de la personne protégée qui a rendu la restitution impossible5969.

4382. Sous le droit antérieur, les mineurs et les majeurs déclarés incapables n’étaient tenus de restituer que ce dont ils s’étaient enrichis5970, exception faite au principe de la restitution in integrum. Cette règle, qui est maintenue à l’article 1706 C.c.Q. sous une formulation différente, prévoit que ces personnes « ne sont tenues à la restitution des prestations que jusqu’à concurrence de l’enrichissement qu’elles en conservent ». Elle vise donc la protection des mineurs et des majeurs sous tutelle qui sont protégées par la loi. À titre d’exemple, un mineur non émancipé qui vend seul un bien pour la somme de 5000 $ et dépense 1000 $ pour se payer un voyage ne devra rendre que les 4000 $ qui lui restent si le contrat de vente est annulé.

4383. Il incombe toutefois au contractant du mineur ou du majeur sous tutelle de faire la preuve de cet enrichissement. À défaut d’une telle preuve, la personne protégée ne peut être tenue à aucune restitution, à l’exception du bien qu’elle a reçu en vertu d’un contrat anéanti.

4384. L’article 1706 C.c.Q. ne trouvera donc pas application dans la situation où le majeur sous tutelle ne bénéficie d’aucun enrichissement, comme c’est par exemple le cas lorsque le contrat conclu en est un de donation. Dans cette situation, seul le cocontractant devra restituer le bien reçu en exécution du contrat en vertu de 1699 C.c.Q. Aussi, la personne protégée qui engage des frais de services, de repas ou d’hébergement alors que son incapacité était notoire se verra restituer l’ensemble des prestations ainsi versées et ce, bien qu’ayant effectivement bénéficié de ces services, puisqu’elle n’en conserve aucun enrichissement5971.

4385. Par ailleurs, la personne protégée et son tuteur doivent collaborer à la restitution du bien reçu, sinon ils pourraient devenir de mauvaise foi, et ainsi commettre une faute donnant lieu à l’application de la règle prévue à l’alinéa 2 de cet article.

A. Le mineur

4386. Cette règle est d’application stricte. Par exemple, elle ne s’applique pas à ce qui a été payé après la majorité, même si le contrat a été conclu pendant la minorité. Dans ce cas, le régime général reste valable5972, et celui qui conclut à l’annulation doit restituer les prestations en nature ou par équivalence. Cette règle permet donc d’éviter l’enrichissement indu de la personne protégée au détriment de son contractant, en permettant à ce dernier de récupérer les prestations fournies sans pour autant appauvrir le patrimoine de la personne protégée5973.

B. Le majeur
1) Contrat conclu avant l’ouverture du régime de tutelle

4387. La question se pose de savoir si l’article 1706 C.c.Q. s’applique à un contrat conclu par un majeur avant l’ouverture pour lui d’un régime de tutelle, mais qui sera annulé après l’ouverture de ce régime, conformément à l’article 290 C.c.Q. Rappelons que cet article permet au tribunal d’annuler les actes conclus par les majeurs antérieurement à la tutelle lorsque la cause ayant donné lieu à l’ouverture du régime de protection était notoire ou connue de l’autre contractant. La jurisprudence, sous l’ancien régime, a réglé ce genre de cas selon la règle générale en matière de nullité qui oblige chaque partie à restituer à l’autre les prestations qu’elle a reçues.

4388. Il nous semble que cette jurisprudence n’est plus valable et ne correspond plus à la nouvelle économie des dispositions du Code civil du Québec. La règle prévue à l’article 1706 C.c.Q. établit une exception à la règle générale voulant que toutes les parties soient tenues à la restitution. Bien qu’elle codifie la règle prévue à l’article 1011 C.c.B.-C., elle élargit sa portée et son champ d’application. Cette disposition s’applique dorénavant non seulement au mineur et au majeur en tutelle, mais à toute personne protégée5974. Par cette expression, il faut entendre non seulement les mineurs et les majeurs sous la protection de la loi, mais aussi le majeur qui conclut un contrat alors qu’il souffre d’une maladie mentale ayant donné lieu par la suite à une ouverture de régime de protection. Il est difficile de refuser l’application de cette disposition alors que la cause qui a donné lieu à l’ouverture d’un régime de protection pour le majeur existait lors de la conclusion du contrat en question5975.

4389. Ainsi, une maladie ou une aliénation mentale ayant justifié l’ouverture d’un régime de protection et la nullité du contrat conclu antérieurement à l’ouverture du régime, doit justifier également l’application de la règle de l’article 1706 C.c.Q. Celui-ci a pour but les mêmes objectifs visés par l’article 290 C.c.Q., soit la protection d’une personne majeure n’ayant pas la capacité de contracter. Le fait que cette incapacité ou inaptitude n’était pas encore établie ou reconnue par un jugement lors de la conclusion du contrat ne doit pas empêcher l’application de la disposition de l’article 1706 C.c.Q.5976.

4390. Le majeur doit pouvoir bénéficier de cette protection une fois que les conditions requises par l’article 290 C.c.Q. sont réunies. Premièrement, il faut que le majeur soit déclaré un majeur sous la protection de la loi par un jugement. Deuxièmement, il faut que la cause ayant donné lieu à l’ouverture du régime de protection ait déjà été notoire ou connue du cocontractant lors de la conclusion du contrat qui a été déclaré nul par la Cour5977. Tel que souligné par la Cour suprême, pour qu’un fait soit notoire au sens de la loi, il faut qu’il soit généralement connu, qu’il soit su qu’il existe non seulement par quelques intimes ou quelques hommes de science, mais aussi par les habitants du voisinage ou de la localité. La présomption de capacité est alors écartée et cette incapacité étant alors présumée de tous, l’ignorance de cette situation de fait notoire ne pourra être invoquée5978.

4391. Une question se pose à savoir si le tribunal arrive à la conclusion que la cause qui a donné lieu à l’ouverture d’un régime de protection pour un majeur était notoire, doit ou peut considérer le cocontractant de ce dernier de mauvaise foi en raison de cette notoriété. Rien n’empêche le tribunal de conclure à la mauvaise foi du cocontractant même lorsque celui-ci prétend avoir ignoré la maladie ou l’inaptitude de son contractant. Le critère applicable pour déterminer si le cocontractant majeur connaissait ou devait connaître la cause d’inaptitude est celui d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Ce qui compte pour le tribunal est la perception qu’une personne raisonnable aurait pu avoir sur le majeur inapte et non pas la perception subjective et personnelle du cocontractant de celui-ci.

4392. Rappelons que le caractère notoire de l’incapacité, ou la connaissance de cet état du cocontractant, constitue une condition sine qua none de l’annulation rétroactive du contrat en vertu de l’article 290 C.c.Q. L’ignorance de cet état de fait ne pouvant être invoqué puisque la notoriété vaut alors publicité.

4393. Enfin, il importe de souligner que le cocontractant de la personne protégée sera vraisemblablement tenu aux frais liés à la restitution la plupart du temps, conformément à l’article 1705 C.c.Q.5979.

2) Majeur ayant donné un mandat en prévision d’inaptitude

4394. Certains auteurs5980 sont d’avis que l’article 1706 C.c.Q. ne s’applique pas à un majeur ayant donné un mandat en prévision d’inaptitude et ce, même après l’homologation du mandat. Selon cette opinion, l’acte passé par le majeur inapte postérieurement à l’homologation du mandat ne pourrait pas être annulé en se basant sur l’article 1406 C.c.Q. L’article 1706 C.c.Q. ne s’appliquerait pas non plus à son cas et le majeur inapte devrait restituer les prestations qu’il a reçues en vertu du contrat.

4395. Il n’y a pas lieu de faire cette distinction entre un majeur pour qui l’on a ouvert un régime de tutelle sans avoir fait préalablement un mandat d’inaptitude et un majeur ayant fait un tel mandat homologué par la suite par le tribunal. En premier lieu, le législateur a consacré une série d’articles dans le Code civil, soit les articles 2166 à 2174 C.c.Q., au mandat donné en prévision d’inaptitude. Ce mandat ne peut être homologué par le tribunal, à moins que les conditions requises par la loi pour l’ouverture d’un régime de protection ne soient remplies. De plus, la requête en homologation doit être signifiée au majeur lui-même et à l’un des membres proches de sa famille. Le tribunal doit évaluer le dossier de la même façon qu’il évaluerait une requête pour l’ouverture d’un régime de tutelle pour ce majeur. La seule différence entre ces deux façons de procéder consiste dans le fait que dans le premier cas, le majeur a déjà choisi à l’avance la personne qui sera chargée de prendre soin de lui et d’administrer ses biens, alors que dans le deuxième cas, il faut faire réunir un conseil de famille qui devra recommander une personne pour être désignée ou nommée par le tribunal à titre de tuteur ou curateur pour le majeur.

4396. Dans les deux cas, le jugement rendu par le tribunal ouvre un régime de protection pour le majeur inapte avec toutes les conséquences et les effets juridiques qui en découlent. D’ailleurs, l’article 269 C.c.Q. prévoit que toute personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier, y compris le mandataire désigné par le majeur, peut demander l’ouverture d’une tutelle. Le mandataire désigné ne peut assumer ses tâches qu’une fois que le jugement d’homologation de son mandat est rendu. Il est d’une pratique courante que le majeur choisisse à l’avance une personne en qui il a confiance pour s’occuper de lui et de ses affaires.

4397. En homologuant le mandat en prévision d’inaptitude, le tribunal, une fois que les conditions de l’ouverture du régime de protection ont été établies en preuve, donne acte à la volonté exprimée par le majeur relativement au choix de la personne pouvant s’occuper de lui alors qu’il était, à l’époque de la rédaction du mandat, en pleine capacité. Il faut donc écarter toute distinction entre un jugement homologuant un mandat d’inaptitude et un jugement d’ouverture d’un régime de protection. Dans les deux cas, le jugement doit produire les mêmes effets et aboutir au même résultat, soit la protection du bien-être du majeur et la sauvegarde de ses intérêts.

4398. Par conséquent, l’article 1706 C.c.Q. qui prévoit une exception à la règle en matière de restitution doit bénéficier à tous les majeurs devenus inaptes à contracter ou à s’occuper de leurs affaires. Que l’inaptitude donne lieu à une ouverture d’un régime de tutelle ou à une homologation du mandat donné en prévision d’inaptitude, le majeur doit bénéficier de la même protection offerte par la loi. D’ailleurs, le Code civil prévoit dans les deux cas la fin du régime de protection en suivant les mêmes formalités et en exigeant les mêmes conditions5981.

4399. En conclusion, une fois le mandat donné en prévision d’inaptitude homologué par le tribunal, le majeur-mandant doit être considéré comme un majeur sous la protection de la loi au sens de l’article 1706 C.c.Q.5982.

2. Notion de faute lourde ou intentionnelle

4400. Enfin, le dernier alinéa de l’article 1706 C.c.Q. impose dorénavant la restitution intégrale des prestations que les personnes protégées ont reçues, lorsqu’elles rendent impossible la restitution5983 par leur faute intentionnelle ou lourde5984. Il appartient cependant au contractant de la personne protégée de faire la preuve de cette faute. À défaut d’une telle preuve, la règle prévue au premier alinéa doit rencontrer son application. Par contre, lorsqu’une telle preuve est faite, la personne protégée est tenue conformément à la règle prévue à l’article 1701 C.c.Q., à la restitution de la valeur la plus élevée entre la valeur du bien au moment de sa réception ou celle au moment de sa perte ou de son aliénation ou bien sa valeur au moment de la restitution en nature.

4401. Il importe cependant de noter que certains majeurs protégés qui souffrent d’une maladie grave pouvant affecter, voir anéantir sérieusement leurs capacités de discernement de sorte que ce majeur ne puisse commettre une faute même simple. Il devient alors difficile de faire la preuve de la faute de ce majeur protégé, en raison du fait qu’un élément essentiel constitutif de celle-ci est absent, soit la capacité de discernement. En d’autres termes, même si l’acte commis par ce majeur qui n’a plus la raison peut constituer normalement une faute pour une personne ayant la capacité juridique requise en matière de responsabilité, un tel acte ne peut être qualifié de faute pouvant ainsi donner lieu à l’application du dernier alinéa de l’article 1706 C.c.Q.5985.

A. Notion de faute intentionnelle

4402. Commet une faute intentionnelle le contractant qui n’exécute pas son obligation de manière intentionnelle ou qui essaie faussement de faire croire à son créancier qu’il est dans l’impossibilité de l’exécuter. Le majeur commet donc une faute intentionnelle lorsqu’il rend délibérément impossible la restitution, ce qui démontre une intention de causer un préjudice à son cocontractant. Cette faute intentionnelle suppose un acte malhonnête, accompli délibérément5986.

B. Notion de faute lourde

4403. La faute lourde est définie par l’article 1474 C.c.Q. et se veut une conduite qui dénote, de la part de son auteur, une insouciance5987, une imprudence5988 ou une négligence grossière5989. Commet une faute lourde, le débiteur de l’obligation qui, face à une situation, adopte une attitude, pose des gestes ou se place dans un état d’omission qui démontre un mépris total des intérêts d’autrui et une insouciance quant aux conséquences qui en résultent.

4404. Pour déterminer la nature de la faute reprochée au débiteur, le tribunal doit, d’une part, appliquer un critère objectif d’une personne raisonnable se trouvant dans la même situation et à la place du débiteur et, d’autre part, tenir compte de l’ensemble des circonstances particulières au cas en question5990.

4405. Il incombe évidemment au créancier de l’obligation de restitution de faire la preuve des faits permettant de conclure à l’existence d’une faute lourde. En l’absence d’une telle preuve, le contractant ne peut obtenir la restitution de la prestation qu’il a fournie à la personne protégée. Notons à cet effet que les conditions d’exécution de l’obligation peuvent aussi influer sur la qualification de la faute lourde.

4406. Dans le cas où le débiteur d’une obligation commet une série de négligence ou de fautes simples lors de l’exécution de son obligation, chaque faute s’apprécie individuellement de sorte que l’on ne peut pour autant conclure à l’existence d’une faute lourde, du simple fait qu’il y ait plusieurs fautes distinctes. Cependant une succession d’erreurs inacceptables permet de conclure à l’existence d’une faute lourde. Les fautes répétées et de même nature dénotent une négligence grossière et ne permettent pas au débiteur d’opposer à son créancier, sa clause de non-responsabilité5991.


Notes de bas de page

5968. Voir nos commentaires sur les articles 1406, 1407, 1416 et 1422 C.c.Q.

5969. J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, Les obligations, n° 400, pp. 479-481 ; voir aussi nos commentaires sur les articles 1406, 1407 et 1422 C.c.Q ; J.B. c. C. V., 2023 QCCS 1983, AZ-51944657.

5970. Voir : J. PINEAU, « Théorie des obligations », dans La réforme du Code civil, vol. 2, Québec, P.U.L., 1993, n° 77, p. 90.

5971. D.S. c. Manoir des sables inc., AZ-50486715, 2008 QCCQ 2713.

5972. Voir : Rosconi c. Dubois, 1951 CanLII 39 (SCC), [1951] R.C.S. 554.

5973. Voir : Morin c. Dion, [1957] C.S. 53 ; Côté c. Larouche Auto Ltée, [1977] C.P. 163.

5974. J.B. c. C.V., 2023 QCCS 1983, AZ-51944657.

5975. Ibid.

5976. Ibid.

5977. Voir contra : Dumont c. Rioux, 1999 CanLII 11663 (QC CS), AZ-99021581, J.E. 99-1191, REJB 1999-13137 (C.S.).

5978. Voir : Rosconi and Lussier v. Dubois et al., 1951 CanLII 39 (SCC), AZ-50293064, [1951] R.C.S. 554. Voir aussi : Cossette c. Bruneau, 2008 QCCQ 3247, AZ-50486933 ; J.B. c. C.V., 2023 QCCS 1983, AZ-51944657.

5979. Ibid.

5980. J. PINEAU, D. BURMAN et S. GAUDET, Théorie des obligations, nos 112.1, 128, pp. 239 et suiv. 392.

5981. Voir les articles 295 et suiv., 2172 et 2173 C.c.Q.

5982. Voir : F. DUPIN, « Chroniques. Protection des personnes inaptes : l’intérêt et l’autonomie du majeur protégé », (1997) 57 R. du B. 164 ; E. DELEURY et D. GOUBAU, Le droit des personnes physiques, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1994, p. 316, n° 408.

5983. Voir : Garage Maurice Girard Ltée c. Hénault, AZ-63021049, (1963) C.S. 253 ; J.P. Charbonneau Auto Ltée c. Therrien, [1967] R.L. 251 (C.P.).

5984. Voir la définition de la faute lourde prévue à l’article 1474 C.c.Q. Voir aussi : J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, Les obligations, n° 921, p. 1138.

5985. Voir en ce sens : J.-L. BAUDOUIN, P. DESLAURIERS et B. MOORE, La responsabilité civile, n° 1-740, p. 698.

5986. Voir nos commentaires sur l’article 1474 C.c.Q.

5987. Marcotte c. Réfrigération Climat Technic inc., AZ-99026221, B.E. 99BE-418 (C.S.) ; Huot c. Système de sécurité Nasa inc., 2001 CanLII 24486 (QC CQ), AZ-50085593, J.E. 2001-1216 (C.Q.) : Le défaut de renseigner l’acheteur sur le mode de fonctionnement d’un appareil peut dans certains cas, dénoter une insouciance constitutive d’une faute lourde.

5988. Québec (Procureur général) c. Vibert, AZ-04019062, B.E. 2004BE-285 (C.A.) : L’absence de signalisation lors du creusage d’un fossé sur une route désaffectée constitue une imprudence qui engage la responsabilité de l’État.

5989. Boréal Assurances inc. c. Immeubles Cominar inc., 1996 CanLII 11989 (QC CS), AZ-99121016, [1999] R.L. 174 (C.S.) ; Poissonnerie Bari c. Gestion Inter-parc inc. (National Tilden), 2002 CanLII 111 (QC CS), AZ-50110904, J.E. 2002-322 (C.S.).

5990. CGU Insurance Co. of Canada c. Transport Papineau inc., 2003 CanLII 74905 (QC CS), AZ-50213872, J.E. 2004-460 (C.S.).

5991. Tremblay c. Banque Nationale du Canada, 2003 CanLII 20864 (QC CQ), AZ-50187210, [2003] R.R.A. 1477 (C.Q.).

Wilson et Lafleur

La diffusion de l'ouvrage Les obligations, vol. 2 de Vincent Karim, et publié par Wilson et Lafleur, est rendue possible grâce à une licence accordée au CAIJ par Wilson et Lafleur.

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Législation citée (Québec et CSC)  
Lancer une requête de législation citée, pour l'article, en
 
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Concordances  
 
 
  • Code civil du Bas Canada : art. 1011
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Commentaires du ministre de la Justice  
 
Article 1706 (LQ 1991, c. 64)
Les personnes protégées ne sont tenues à la restitution des prestations que jusqu'à concurrence de l'enrichissement qu'elles en conservent; la preuve de cet enrichissement incombe à celui qui exige la restitution.

Elles peuvent, toutefois, être tenues à la restitution intégrale lorsqu'elles ont rendu impossible la restitution par leur faute intentionnelle ou lourde.
Article 1706 (SQ 1991, c. 64)
Protected persons are bound to make restitution of prestations to the extent of the enrichment they derive from them; proof of such enrichment is borne by the person claiming restitution.

A protected person may, however, be bound to make full restitution where restitution has become impossible through his intentional or gross fault.
Sources
C.C.B.C. : article 1011
O.R.C.C. : L. V, articles 54, 126
Commentaires

Cet article reprend, en les clarifiant, les règles admises, notamment d'après l'article 1011 C.C.B.C., concernant les modalités particulières de la restitution des prestations, en présence de personnes protégées.


Le droit antérieur, à partir des règles relatives à la lésion ou à la restitution de l'indu, reconnaissait en effet l'existence d'une exception au principe de la restitution intégrale des prestations au profit du mineur ou du majeur protégé, lesquels n'étaient tenus que dans la mesure où ils avaient tiré profit des prestations reçues.


Une telle exception était parfois exclue, cependant, lorsque la personne protégée, douée de raison — le cas du mineur —, avait effectué une manœuvre dolosive pour tromper le contractant ou l'autre partie quant à sa qualité ou à sa capacité.


L'article 1706 énonce donc expressément les solutions du droit antérieur.


L'exigence d'une faute commise par la personne protégée que prévoit ce second alinéa indique par ailleurs clairement que les personnes non douées de raison sont exclues de l'application de cette règle.


Extrait de : Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice - Le Code civil du Québec , t. 1, Québec, Les Publications du Québec, 1993.
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Débats parlementaires et positions  
 
 

1.  Code civil du Québec, LQ 1991, c. 64, a. 1706

 
Référence à la présentation : Projet de loi 125, 1re sess, 34e lég, Québec, 1990, a. 1699.
 
Étude détaillée dans le Journal des débats :
 
 

2.  Loi visant à assurer une meilleure concordance entre les textes français et anglais du Code civil, LQ 2016, c. 4, a. 208

 
Référence à la présentation : Projet de loi 89, 1re sess, 41e lég, Québec, 2016, a. 208.
 
Étude détaillée dans le Journal des débats :
 
 
 
Référence à la présentation : Projet de loi 18, 1re sess, 42e lég, Québec, 2019, 75 (bloc 11)
 
Étude détaillée dans le Journal des débats :
 
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Les lois du Québec sont reproduites avec l'autorisation de l'Éditeur officiel du Québec.
Les Code civil du Bas Canada et Code civil du Québec (1980) sont reproduits avec l'autorisation de Wilson et Lafleur.