3. — Des
qualités et des vices du consentement
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3. — Qualities and
defects of consent
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Art. 1398. Le consentement doit être donné par une personne qui, au temps où
elle le manifeste, de façon expresse ou tacite, est apte à s’obliger.
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Art. 1398. Consent may be given only by a
person who, at the time of manifesting such consent, either expressly or
tacitly, is capable of binding himself.
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C.C.B.-C.
986. (3) Sont incapables de contracter :
Les mineurs et les majeurs sous régime de
protection, dans les cas et suivant les dispositions prévues par la loi;
Ceux à qui des dispositions spéciales de la
loi défendent de contracter à raison de leurs relations ensemble, ou de l’objet
du contrat;
Les personnes aliénées ou souffrant d’une
aberration temporaire causée par maladie, accident, ivresse ou autre cause, ou
qui, à raison de la faiblesse de leur esprit, sont incapables de donner un
consentement valable.
O.R.C.C. (L. V, DES OBLIGATIONS)
28. Le
consentement n’est pas valable lorsqu’il émane d’une personne qui, au moment où
elle le donne, est privée de discernement.
P.L. 125
1394. (1) Le consentement doit être donné par une personne qui, au temps où elle
le manifeste, de façon expresse ou tacite, est apte à s’obliger.
En l’absence d’un consentement, le contrat
est nul, de nullité absolue.
C.c.Q. : art. 154, 156 et suiv., 256 et suiv., 1385,
1709 et 1783.
[Page 430]
1. Notions générales et portée de la règle
1006. Cet article
précise la nature du consentement devant être donné pour que le contrat soit
valablement formé. Le ministre de la Justice prévoit dans ses commentaires « que le consentement, pour être valable,
doit émaner d’une personne qui, au moment où elle le donne, a conscience de ce
qu’elle fait et est donc apte à contracter, à s’obliger à faire ou à ne pas
faire quelque chose ».
A. Distinction
entre les notions d’aptitude et de capacité
1007. Dans un
premier temps, il faut noter que l’aptitude dont il est question à cet article
diffère de la notion de capacité que l’on retrouve à l’article 1385 C.c.Q..
L’article 1385 C.c.Q. fait référence à la notion de capacité de contracter,
alors que l’article 1398 C.c.Q. exige quant à lui que les parties aient l’aptitude
requise pour s’obliger. La doctrine fait la
distinction entre inaptitude et incapacité en ce que la capacité est une
qualité de la personne alors que l’inaptitude relève plutôt de la qualité du
consentement donné ou de la volonté de contracter.
1008. Par ailleurs,
on peut également faire la distinction entre l’inaptitude naturelle et l’incapacité
juridique. L’inaptitude
naturelle est celle qui est reliée à un élément de la nature tel que les
facultés affaiblies existantes depuis la naissance de la personne ou survenues
à la suite d’une maladie, d’un accident ou d’un événement dommageable. L’inaptitude
peut aussi être due à une inhabileté momentanée à donner un consentement valide
alors que l’incapacité juridique est celle à laquelle la loi accorde un traitement
spécial, comme la minorité ou le cas d’un majeur qui voit sa capacité
restreinte par une disposition de loi. L’intérêt de
cette distinction se situe au niveau de la preuve et de l’existence même du
consentement.
1009. Dans le cas d’une
incapacité juridique, la preuve sera faite par la communication d’un document
établissant l’âge de la personne ou
[Page 431]
par la démonstration d’un
cas visé par les articles 1709 et 1783 C.c.Q. Dans ces cas, le consentement
existe, mais sa validité est mise en question. Alors que dans le cas d’une inaptitude naturelle, la preuve ne sera pas
toujours facile parce que la personne ayant déjà atteint l’âge de dix-huit ans
accomplis est présumée avoir la capacité d’exercer ses droits civils (art. 153
et 154 C.c.Q.). Pour établir l’inaptitude naturelle, il faut repousser cette
présomption simple de capacité par la preuve que le majeur, au moment où il a
donné son consentement à l’acte dont on demande la nullité, n’était pas dans un
intervalle de lucidité. Dans ce cas, on cherche à démontrer l’absence du
consentement en raison de l’inhabilité qui empêche naturellement la personne de
donner un consentement éclairé. Enfin, il faut mentionner l’exception d’un
majeur qui est sous un régime de protection ouvert par un jugement qui établit
une présomption de droit et absolue quant à son inaptitude d’exercer ses droits
civils.
1010. On constate
dans certains cas que la distinction n’est pas clairement établie entre l’inaptitude
de la personne due à une aberration mentale, à une faiblesse d’esprit ou à un
état de santé qui affaiblit sa capacité intellectuelle et la difficulté de la
personne de comprendre le contenu, l’importance et les conséquences de l’acte
juridique proposé. Dans ce dernier cas, la difficulté de la personne de comprendre
et d’apprécier la portée de l’acte proposé peut être due seulement à l’inexpérience,
à l’ignorance ou à un manquement de connaissance dans le domaine de contrat en
question. Dans ce cas, le consentement donné par la personne sans se faire
aider par un conseiller pouvant lui fournir les explications et les
informations pertinentes et nécessaires pour pouvoir exprimer sa volonté en
toute connaissance de chose ne constitue aucunement un cas pouvant être régi
par la disposition prévue à l’article 1398 C.c.Q. Même si le consentement donné
n’est pas éclairé, il ne peut être dû à un cas d’inaptitude.
1011. La règle
prévue à l’article 1398 C.c.Q. vise les personnes qui en raison d’une
aberration mentale ou d’une faiblesse d’esprit ne peuvent être en mesure de
faire l’évaluation du contenu de l’acte, de sa valeur et de l’importance des
conséquences qui en découlent. Il s’agit des personnes qui en raison de leur
état d’esprit sont inaptes à donner un consentement réfléchi et intelligent, et
ce, sans égard à leur volonté de consentir ou non à l’acte, alors que cette
volonté peut aussi être mise en question.
1012. En somme,
pour qu’un acte soit déclaré nul pour cause d’inaptitude, il est important d’analyser
le niveau d’aberration mentale dont la personne est atteinte. Ainsi, un acte
sera déclaré nul pour défaut
[Page 432]
d’inaptitude si le
testateur ou le contractant n’est pas en mesure de comprendre
la portée de
l’acte proposé et ainsi d’exprimer
une volonté de le conclure en
raison de sa faiblesse d’esprit. La personne qui ne se trouve pas dans une lucidité lui permettant de jouir d’une capacité intellectuelle normale ne pourra pas
donner un consentement pouvant être l’issue d’une évaluation et d’une appréciation objectives
de l’importance de l’acte et de ses conséquences. Il n’est pas nécessaire de démontrer que le cocontractant ait une aliénation complète, mais il suffira de démontrer
que ce dernier ne jouisse pas de ses capacités intellectuelles pour comprendre
de façon raisonnable la portée de l’acte signé.
B. Consentement
libre et éclairé
1013. L’article 1398 C.c.Q., qui
reprend la règle prévue au dernier alinéa de l’article 986
C.c.B.-C., exige par l’expression « être apte à s’obliger » que
le contractant ait l’aptitude à contracter, c’est-à-dire qu’il soit à même de
donner un consentement réfléchi et en toute connaissance de cause. Il va donc
au-delà de la condition relative à la capacité que nous retrouvons à l’article
154 C.c.Q., qui énonce que « la capacité du majeur ne peut être limitée
que par une disposition expresse de la loi ou par un jugement prononçant l’ouverture
d’un régime de protection ». Ce dernier article vise seulement le cas des personnes prévues aux articles 1709
et 1783 C.c.Q., des mineurs prévus aux articles 155 à 174 C.c.Q. et des majeurs
sous la protection de la loi visés par les articles 281 à 294 C.c.Q.
1014. La règle prévue à l’article 1398 C.c.Q. vise le cas de toute autre personne majeure qui, au moment de l’engagement,
n’avait pas l’aptitude à s’engager ou à s’obliger. Il peut s’agir de personnes
souffrant d’une aliénation, d’une aberration mentale, d’une faiblesse d’esprit,
qui sont sous l’effet de la drogue ou de l’alcool
au moment où elles s’engagent ou simplement de personnes qui sont sous le choc,
assommées et anéanties lors de la transaction,
mais qui n’ont cependant
[Page 433]
jamais fait l’objet
d’un jugement limitant leur capacité ou les plaçant sous la
protection de la loi. Un simple inconfort psychologique,
des confusions ou difficultés de mémoire ou l’âge
avancé d’un individu ne constitue toutefois
pas un motif suffisant pour vicier le consentement.
1015. Enfin, l’article 1398 C.c.Q.,
exigeant l’aptitude du contractant à s’obliger au moment où il donne son
consentement, est générateur d’une sanction autonome. La disposition prévue à
cet article, jumelée à celle prévue à l’article 1416 C.c.Q., donne lieu à un
recours en nullité pour celui qui a donné un consentement alors qu’il n’en
avait pas l’aptitude.
1) Cas d’inaptitude à
donner un consentement libre et éclairé
1016. Lors de son
évaluation de la capacité de la personne, le tribunal doit prendre en considération toutes les circonstances entourant le
consentement à l’acte attaqué. Il ne suffit pas d’évaluer les conditions
mentales et physiques de la personne en question, mais il faut aussi prendre en
considération le comportement et la conduite de l’autre partie à l’acte. Ainsi,
le consentement d’une personne au contrat ne peut être éclairé soit parce qu’il
a été donné sous l’effet de l’alcool, de la drogue, des médicaments ou parce
que la personne souffre d’une déficience mentale. Dans ce cas, ce n’est pas
seulement la qualité du consentement qui est entachée d’un vice, mais aussi la
volonté même de la personne de le donner qui est absente.
1017. La personne qui se trouve dans un état de santé grave accompagné de
symptômes dépressifs ou dans un état d’esprit affaibli par les médicaments et
la maladie est une personne
inapte à donner un consentement éclairé. La nature de l’acte juridique ou du
contrat auquel cette personne consent peut aussi être prise en considération.
Ainsi, une personne affaiblie physiquement et mentalement par la maladie et les
effets des médicaments est une personne vulnérable, fragile et
[Page 434]
susceptible d’être facilement influençable par ses proches. À titre d’illustration,
une personne malade qui se trouve en phase terminale peut, sous l’influence d’une
personne qui lui exprime de la sympathie et de la compassion, modifier son
testament pour privilégier cette dernière. C’est avec raison que le législateur
a édicté la règle de l’article 761 C.c.Q. qui prévoit la nullité de tout legs fait par une personne qui
reçoit des soins et des services à une personne œuvrant au sein de l’établissement
de santé ou de services sociaux qui lui offre. De même, une personne peut
disposer d’une entreprise ou d’un bien sous la pression de sa maladie et en
raison de son état dépressif alors qu’elle n’aurait pas agi de la sorte si elle
avait été dans son état normal. Au même titre, une personne qui souffre d’Alzheimer
à un stade relativement avancé, n’a pas la capacité de signer un mandat d’inaptitude
concernant la gestion de ses biens. À l’inverse,
une personne peut être affectée d’une maladie, telle que l’Alzheimer modéré
selon des expertises médicales, sans toutefois devenir inapte à consentir à un
mandat en cas d’inaptitude. Dans ce cas, le
mandat auquel la personne a consenti ne peut être déclaré nul en l’absence d’une
preuve qui démontre le contraire.
1018. Il faut noter cependant que la présomption simple de capacité de la
personne ayant atteint l’âge de la majorité peut être repoussée par une preuve
médicale démontrant que cette personne n’est pas apte à exercer ses droits
civils. La preuve médicale en question doit démontrer qu’il est plus probable
qu’au moment où la personne a donné son consentement, son jugement était altéré
soit en raison de sa maladie ou des médicaments qu’elle prenait et qui l’ont
embrouillée ou désorientée. Notons cependant que le fait que la personne soit
atteinte d’une maladie en phase terminale peut être un élément à considérer par
le juge, mais il ne signifie pas nécessairement qu’elle est incapable de
consentir à un acte juridique. En d’autres termes,
pour renverser la présomption de capacité, le demandeur doit établir en preuve
que la capacité de la personne était affectée soit par la maladie ou par les
médicaments qu’elle prenait en raison de celle-ci. La preuve que la personne
était souvent sous l’effet de drogues ou de l’alcool peut également renverser
la présomption de capacité.
1019. Il ne faut toutefois pas confondre les exemples précédents avec le cas
d’une personne qui donne son consentement à un testament ou à un mandat en
prévision de l’inaptitude sous l’influence indue d’un
[Page 435]
proche. Ce dernier
force ainsi la personne à consentir à un legs à cause de manœuvres de
manipulation en vue d’obtenir un avantage soit au détriment d’un autre
légataire, soit au détriment de la personne qui donne le mandat en prévision de
son inaptitude. En effet, une personne âgée peut facilement être influençable
sans qu’elle ne soit nécessairement dans un état de dépression ou dans un état
mental ou intellectuel affaibli par la maladie, les traitements et les
médicaments. Dans une telle situation, le testament ou le mandat d’inaptitude
peut être annulé en raison d’un vice de consentement dû à la captation ou à une erreur provoquée par les
manœuvres de manipulation d’un proche ou d’un tiers qui entretient des
relations amicales ou professionnelles avec la personne qui donne son
consentement.
1020. De plus, il n’est pas nécessaire que l’individu dont la capacité est
mise en question soit affecté d’une insanité complète, mais il suffit de
prouver, dans le cas d’une personne affectée d’une maladie cognitive
dégénérative, un état d’aliénation ou de faiblesse d’esprit qui rendait cette
personne incapable au sens de la loi de donner un consentement libre et éclairé.
Il n’est pas nécessaire non plus de qualifier la cause exacte de l’insanité,
mais celle-ci doit toutefois être sérieuse et permettre d’aller un peu plus
loin que simplement mettre en doute la capacité de l’individu.
1021. Ainsi, par exemple, la preuve de signes d’une mémoire défaillante n’est
pas suffisante pour démontrer l’incapacité d’un individu, mais elle pourra
cependant renverser le fardeau de preuve de sorte qu’il appartiendra dès lors à
la partie prétendante à la validité de l’acte de démontrer qu’au moment de sa
conclusion l’individu avait la capacité d’y donner son consentement.
En d’autres termes, le demandeur en nullité doit mettre en preuve certains
éléments permettant de conclure à une présomption de fait suffisant pour
convaincre le tribunal que la personne ayant consenti à l’acte attaqué n’était
pas dans un état habituel de capacité. Cette preuve doit être plus solide qu’un
simple doute pour
[Page 436]
que le fardeau de
preuve soit renversé. En un tel cas, il appartient à la partie adverse de
fournir par une preuve probante que l’individu était dans un intervalle de
lucidité au moment où il a donné son consentement à l’acte.
1022. Notons que le
tribunal n’est pas tenu de se prononcer sur la raisonnabilité des décisions
prises par l’individu dont la capacité est contestée. Sa tâche se limite à s’assurer
que ce dernier avait conscience de ce qu’il faisait et qu’il a exprimé sa
volonté en toute connaissance de chose alors qu’il avait l’aptitude de le
faire. Dans le cas où ces conditions ont été remplies, le tribunal se doit de
respecter les décisions prises par celui-ci même si elles semblent être déraisonnables
pour le tribunal. Il faut démontrer de
manière prima facie qu’il n’avait pas la jouissance de ses facultés
mentales ou qu’il était incapable d’apprécier ou de comprendre la valeur de ses
actes.
1023. La preuve de
la notoriété de l’inaptitude d’une personne sera suffisante pour déclarer l’acte
nul. La notion de notoriété au sens de la loi, implique qu’un fait est notoire
lorsque le voisinage, les habitants de la localité, les personnes proches de la
personne souffrant d’inaptitude connaissent et savent qu’elle en souffre.
Cependant, le fait que l’inaptitude soit connue des personnes intimes de la
famille de cette personne considérée comme inapte et connue également des
intervenants médicaux et sociaux ne suffit pas pour pouvoir qualifier de
notoire l’inaptitude de cette personne. Ce fait
notoire doit donc être connu aussi de tous. En d’autres termes, les témoignages
sur l’état mental de la personne doivent provenir non seulement de son
entourage intime, mais aussi des personnes et des habitants de sa localité afin
que l’inaptitude soit considérée notoire et que ces témoignages puissent
constituer une preuve substantielle pour conclure au caractère notoire de l’inaptitude
de la personne.
[Page 437]
1024. Le Dictionnaire de droit définit, de façon générale, le terme « notoire » comme une situation où un très grand nombre de personnes connaît un
fait de façon sûre et certaine. La jurisprudence
complète cette définition de manière plus précise en invoquant que ce fait
notoire d’incapacité doit être établi en prenant en compte le milieu dans
lequel vit l’inapte, c’est-à-dire son voisinage. Ainsi, il doit être établi en
preuve que le voisinage de la personne inapte savait que cette dernière était
privée d’un usage notoire de ses capacités mentales, et ce, en se basant sur
les actes, les dires et le comportement quotidien de cette personne. Cette
reconnaissance au vu de sa communauté représente une notoriété suffisante pour
permettre d’avancer la situation d’inaptitude de la personne.
C. Cas d’incapacité
1) Cas du mineur
1025. L’article 152 C.c.Q.
stipule que l’âge de la majorité est fixé à 18 ans. Avant d’atteindre cet âge,
la personne est alors mineure, ne pouvant exercer tous ses droits civils. L’article
155 C.c.Q. ajoute que le mineur,
exceptionnellement, peut exercer ses droits civils dans la seule mesure prévue
par la loi. En effet, certaines dispositions prévoient des exceptions
permettant au mineur d’accomplir certains actes lorsque les conditions prévues
dans ces dispositions sont rencontrées. À titre d’exemple, on peut énumérer la
règle prévue à l’article 156 C.c.Q., qui permet au mineur âgé de 14 ans et plus
de conclure des actes relatifs à son emploi, à l’exercice de son art ou de sa
profession. Dans ces cas, le mineur est réputé être majeur pour ces actes, ce
qui signifie que la lésion ne peut être invoquée par lui ou par son tuteur pour
faire annuler l’acte accompli par le mineur seul à moins que cet acte ne puisse
être remis en question par un majeur.
1026. Rappelons que
la lésion est une cause de nullité du contrat pour le mineur lorsque l’obligation
assumée par ce dernier est excessive eut égard, entre autres, aux avantages que
le mineur retire de son contrat. Effectivement, l’article 163 C.c.Q. prévoit
que l’acte accompli seul par le mineur peut être annulé ou les obligations qui
en découlent réduites lorsque l’acte en question lui cause un préjudice.
Il faut comprendre de cette disposition que l’incapacité juridique à elle seule
ne
[Page 438]
suffit pas pour obtenir
la nullité du contrat conclu par un mineur, il faut également faire la preuve d’une
lésion au sens de l’article 1406 al. 2 C.c.Q.
1027. En l’absence d’une disposition législative qui exclut expressément la
possibilité d’invoquer la lésion par le mineur pour des actes autorisés tel que
le prévoient les articles 156 et 157 C.c.Q., la lésion demeure une cause de
nullité du contrat pour le mineur. De plus, certaines dispositions interdisent
complètement l’accomplissement par le mineur de certains actes. Ainsi, le mineur
ne peut tester aucune partie de ses biens (art. 708 C.c.Q.) ni consentir à son
mariage tant qu’il n’a pas atteint seize ans accomplis. Ces actes faits par le
mineur seul alors que la loi ne lui permet pas d’agir seul ou représenté sont
nuls de nullité absolue (art. 161 C.c.Q.).
2) Cas du majeur dont la
capacité est restreinte
1028. L’article 154 C.c.Q.
énonce que la capacité du majeur ayant atteint l’âge de 18 ans ne peut être
limitée que par une disposition expresse de la loi ou par un jugement prononçant
l’ouverture d’un régime de protection. En conformité avec cette disposition,
les articles 1709 et 1783 C.c.Q. interdisent à certains majeurs d’accomplir les
actes visés par ces deux dispositions.
1029. Ainsi, l’article
1709 C.c.Q. interdit à la personne chargée de vendre le bien d’autrui de se
porter acquéreur d’un tel bien. Il en est de même pour celui qui est chargé d’administrer
les biens d’autrui. De même, l’administrateur d’une personne morale, le
liquidateur testamentaire, le tuteur, le curateur, le séquestre et le
mandataire sont affectés par cette même interdiction. Le but de celle-ci est d’éviter
que les mandataires ou les administrateurs du bien d’autrui ne se trouvent en
conflit d’intérêts en cherchant à se privilégier au détriment des personnes
envers lesquelles ils sont supposés agir en toute loyauté.
1030. Il importe de
mentionner que la violation de cette disposition ne sera sanctionnée que par la nullité relative étant donné qu’il s’agit
d’une règle d’ordre public de protection. En effet, seule la personne que cette
disposition entend protéger peut invoquer la nullité du contrat. La personne
visée par l’interdiction ne peut donc soulever sa propre violation de cette
règle et le juge lui-même ne peut l’invoquer d’office en l’absence d’une
demande en nullité soumise par la personne protégée.
1031. Quant à l’article
1783 C.c.Q., il s’agit d’une disposition d’ordre public de direction qui vise à
protéger la réputation et la confiance
[Page 439]
du public dans le système judiciaire. Il interdit aux juges, aux
avocats, aux notaires et officiers de justice de se porter
acquéreurs de droits litigieux sous peine de nullité absolue du contrat.
La contravention à cette disposition peut être invoquée par les deux parties au
contrat, par le juge d’office même en l’absence d’une demande formulée à cet
effet et par toute autre personne pouvant avoir intérêt de voir le contrat
annulé. Ainsi, même si la créance acquise par l’avocat de son client a fait l’objet
d’un jugement, elle pourra toujours être un droit litigieux au sens de l’article
1783 C.c.Q. Il suffit qu’un autre
créancier du même débiteur mette en question l’opposabilité de cette créance
pour en faire un droit litigieux qui tombe sous l’interdiction prévue à cet
article, empêchant ainsi l’avocat du client bénéficiaire de cette créance de s’en
porter acquéreur.
3) Majeur sous la
protection de la loi
1032. Certains
majeurs, en raison de leur inaptitude de donner un consentement éclairé,
peuvent faire l’objet d’un jugement qui leur ouvre un régime de protection dont
l’étendue varie selon la gravité de l’inaptitude de la personne en question. Ce
jugement établit une présomption de droit de l’incapacité de contracter du
majeur à qui on a ouvert le régime de protection. Ainsi, le tribunal ouvre au
majeur un régime de curatelle lorsqu’il est établi que son inaptitude à prendre
soin de lui-même et à administrer ses biens est totale et permanente. Le
curateur nommé pour ce majeur aura à prendre soin du bien-être de ce dernier et
à le représenter dans l’exercice de ses droits civils. Par contre, lorsque l’inaptitude
du majeur en question à prendre soin de lui-même ou à administrer ses biens est
partielle ou temporaire, le tribunal ouvre pour lui un régime de tutelle.
Ainsi, le tuteur à la personne et aux biens représente le majeur dans l’exercice
de ses droits civils dans les cas et pour les actes prévus dans le jugement.
Dépendant de l’état de santé du majeur, il arrive que le tribunal dresse une
liste des actes pouvant être accomplis par ce dernier seul, limitant ainsi sa
capacité de faire tout autre acte qui n’est pas laissé pour lui expressément
dans le jugement.
a) Mandat donné en
prévision d’inaptitude
1033. Lors de l’examen
d’une demande en homologation d’un mandat donné par un majeur en prévision de
son inaptitude, le tribunal peut refuser la demande même si l’inaptitude est
établie en preuve. La
[Page 440]
décision doit toujours
être justifiée et prise dans l’intérêt du majeur sans égard à la validité du
mandat. Le tribunal n’est pas lié par le mandat donné lorsque les circonstances
justifient que la demande en homologation soit rejetée pour ouvrir, à la place,
un régime de protection plus approprié. C’est le cas lorsque la portée du
mandat est trop large, alors que le majeur est affecté d’une inaptitude
partielle justifiant l’ouverture d’un régime qui ne restreint pas indûment sa
capacité, mais qui lui offre la protection requise.
Ainsi, dans le cas où le tribunal conclurait à l’inaptitude partielle du
majeur, il devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et décider d’ouvrir un
régime de protection de la nature d’une tutelle au majeur, qui serait alors
dans son intérêt en lui permettant de préserver une certaine autonomie. Le
tribunal doit rendre la décision qui convient à l’intérêt du majeur lorsque le
mandat donné en prévision de son inaptitude prévoit l’ouverture d’une curatelle
alors que celle-ci ne serait pas appropriée dans les circonstances.
Il faut noter que l’homologation d’un mandat donné en prévision d’inaptitude
vise une protection semblable à
celle procurée par l’ouverture d’un régime de curatelle où le majeur ainsi
protégé est réputé totalement inapte. Une telle homologation place le majeur
dans une situation qui équivaut à la curatelle en raison des pouvoirs confiés
au mandataire et qui sont assimilables à ceux que l’on accorde au curateur.
D. Recours
prévus en cas d’inaptitude
1034. Une personne
inapte à s’obliger, au sens de l’article 1398 C.c.Q., qui conclut un contrat
peut donc en demander la nullité. Dans le cas d’un
mineur, les articles 156 et suiv. C.c.Q. déterminent les conditions requises pour que la nullité de son
contrat soit prononcée. Si la personne inapte est majeure et qu’elle a fait l’objet
d’un jugement, le contrat alors conclu, soit avant
ou après le jugement, sera soumis aux dispositions des articles 256 et suiv.
C.c.Q. qui en déterminent les conditions de nullité.
[Page 441]
1035. Dans le
cas d’une personne inapte qui n’est ni mineure ni un majeur protégé, les conditions requises pour la nullité de son contrat ont été déjà élaborées par la jurisprudence sous le
régime de l’ancien Code civil,
plus précisément en vertu de l’article 986 al. 3 C.c.B.-C..
1036. Ainsi, le
majeur qui cherche à faire annuler son contrat doit faire la preuve de son
inaptitude au moment où il a donné son consentement puisqu’il est présumé apte
à contracter (art. 153 et 154 C.c.Q.). En d’autres
termes, la capacité du majeur contractant est présumée selon la loi et il lui
appartient de faire la preuve de son inaptitude.
Également, pour réussir dans ses démarches visant à obtenir la nullité de son
contrat, il doit faire outre la preuve de son inaptitude, la preuve d’un
préjudice quelconque que lui cause le contrat. Sans cette preuve, la demande en
nullité doit être rejetée. La demande en nullité doit également être rejetée
lorsque le majeur n’offre pas la restitution de la prestation qu’il a reçue en
vertu du contrat attaqué.
1037. Par ailleurs,
notons que la capacité à consentir au moment de la conclusion de l’acte est la
règle et que l’inaptitude est l’exception. Ainsi,
contrairement au cas des majeurs protégés, où l’inaptitude est présumée par le
jugement, le majeur non protégé a le fardeau de repousser la présomption de
capacité et, par conséquent, d’établir qu’au moment où son consentement a été
donné, il n’était pas apte à s’obliger.
E. Fardeau de
preuve
1038. Ainsi, afin de pouvoir obtenir la nullité du contrat, la personne qui invoque
sa maladie ou son état de santé mentale pour faire annuler un contrat doit
faire une preuve par expertise qu’au moment où elle a donné son consentement au
contrat en question, elle n’était pas en mesure de constituer un raisonnement
valable ni d’apprécier la portée et l’étendue de son engagement.
Elle doit prouver que son jugement
[Page 442]
était altéré par la maladie, les effets des médicaments et des traitements. En d’autres termes,
il faut que l’expertise médicale démontre qu’à l’époque de la signature du contrat que l’on cherche à annuler, la personne se trouvait dans un état d’esprit affaibli et qu’elle n’était pas en mesure d’évaluer les avantages et les inconvénients que ce contrat représente pour elle.
1039. La preuve de l’inaptitude peut être établie par présomption tirée d’un
jugement ayant ouvert un régime de protection pour le majeur lorsque ce
jugement fait état de la cause qui a donné lieu à l’ouverture de ce régime et
qui remonte dans le temps à une date déterminée. Ainsi, tout acte juridique
peut être annulé selon les articles 284 ou 290 C.c.Q. s’il était accompli par
le majeur avant l’ouverture du régime de protection, mais durant la période de l’existence de la cause ayant justifié l’ouverture
de ce régime et s’il y a aussi preuve d’un préjudice qui en découle. De même, l’inaptitude
peut être établie par le dépôt d’un jugement prononçant l’homologation d’un
mandat donné en prévision d’inaptitude. L’acte
juridique accompli antérieurement peut être annulé à condition de faire la preuve
que la cause ayant justifié l’homologation existait au moment du consentement à
cet acte et qu’elle était notoire ou connue de l’autre contractant.
1040. Cependant, la preuve sera insuffisante si elle démontre seulement que
la personne se trouvait dans un état dépressif modéré ou léger, même si cet
état était accompagné de crises d’angoisse et d’anxiété.
De plus, une personne peut difficilement faire annuler un contrat lorsque son
dossier médical ne démontre pas qu’elle se trouvait dans un état pouvant affecter
sa capacité mentale et intellectuelle lors de la conclusion du contrat.
En effet, il faut faire la distinction entre un état de santé qui affecte la
capacité de la personne au niveau de son intelligence et de sa capacité de
réflexion et une situation où la personne
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agit avec désintéressement en raison de motifs personnels
qui n’ont pas de lien avec sa maladie ou son état mental.
1041. En
général, l’expertise médicale se fait à une époque où le contractant ne se
trouve plus nécessairement dans le même état de santé qu’au moment où il a
consenti au contrat. Dans ce cas, l’expert
peut fonder son expertise sur le dossier médical du contractant. La preuve peut
aussi être corroborée par le témoignage des professionnels de la santé ayant
traité le contractant concerné.
1042. Lorsque la
validité de l’acte juridique conclu par le majeur inapte est contestée, l’intéressé
a le fardeau de renverser la présomption de capacité par la présentation d’une
preuve médicale ou la preuve de faits et de circonstances suspectes de nature à
faire naître un doute sérieux quant à la capacité du majeur.
En effet, puisqu’en droit québécois la capacité du majeur est présumée, la
partie qui soulève l’incapacité pour obtenir la nullité du contrat doit faire
la preuve que l’individu n’était pas apte à s’engager au moment où il a donné
son consentement à ce contrat. En l’absence d’une
expertise médicale objective ou de témoignages précis portant sur des
comportements et des actes révélateurs de l’inaptitude, il serait difficile de
conclure à la nullité du contrat. Ainsi, le simple
fait, par exemple, qu’une donation soit suivie peu de temps après par le
suicide ou le décès
du donateur ne suffit pas à constituer un doute sérieux quant à la capacité du
donateur au
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moment de la donation.
De même, une insécurité psychologique résultant d’une situation familiale
difficile ne permet pas de conclure à un consentement vicié.
Également, la simple preuve que la partie contractante souffrait d’un cancer du
cerveau et qu’elle se retrouvait dans un état d’esprit anormal en raison du
décès de son conjoint au moment de la conclusion du contrat, ne constitue pas
une preuve suffisante permettant de conclure à son inaptitude.
Une allégation d’incapacité ou un simple doute n’est donc pas suffisant pour
permettre de renverser la présomption de capacité établie à l’article 154 C.c.Q..
1043. La Cour d’appel a d’ailleurs réitéré la nécessité de démontrer par une
preuve prépondérante, conformément à l’article 2804 C.c.Q., l’existence d’un état habituel d’aliénation mentale ou de
faiblesse d’esprit afin de pouvoir renverser le fardeau de preuve sur les
épaules de celui qui soutient la validité du contrat.
Il convient toutefois de souligner que la preuve de démence n’est pas requise
et que la démonstration d’une faiblesse d’esprit est suffisante.
1044. La preuve doit généralement révéler qu’au moment où le majeur non
protégé a donné son consentement à l’acte juridique,
il ne possédait pas le pouvoir intellectuel ni l’aptitude pour contrôler son
esprit et ainsi peser la valeur de l’acte qu’il pose ou les conséquences qui en
découlent. En d’autres termes, est inapte celui qui n’a pas la capacité de
comprendre la portée de son acte et des conséquences que celui-ci peut
entraîner. Une preuve prima facie mettant sérieusement en doute la
capacité mentale d’une partie contractante sera suffisante pour déplacer le
fardeau de la preuve et le faire reposer sur la partie
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soutenant la validité
de l’acte. Une fois la
présomption de capacité mentale écartée, il revient à cette dernière de prouver
que son cocontractant avait l’aptitude de s’obliger lorsqu’il a donné son
consentement à cet acte. En un tel cas, l’aptitude
du majeur doit être établie par une preuve probante et non pas un simple
témoignage que ce dernier paraissait tout à fait apte au moment de la
conclusion du contrat. Notons à cet effet
que la capacité est une question de droit qui relève de la discrétion du
tribunal, mais le juge, pour déterminer si le majeur était ou non apte à s’obliger,
doit d’abord procéder à l’évaluation de l’ensemble de la preuve soumise.
1) La preuve en matière
de testament
1045. L’article 703 C.c.Q.
prévoit que toute personne ayant la capacité requise peut, par testament,
régler de manière différente que celle prévue dans la loi la dévolution de ses
biens au moment de son décès. Pour qu’un testament soit valide, le testateur
devait être apte au moment de consentir à son testament
et son consentement devait être libre et éclairé.
1046. La capacité de tester est reconnue lorsque la personne est
juridiquement apte et exprime sa volonté de tester. Il s’agit de mettre en
preuve l’ensemble des faits relatifs à la préparation et à la signature de l’acte
et qui démontrent que la personne était en mesure de donner un
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consentement. Cela
signifie que la capacité de tester doit être évaluée au moment où le testament
est signé. Ainsi, pour être considéré apte à tester, le testateur doit jouir de
ses capacités intellectuelles de disposer de ses biens d’une manière plutôt que
d’une autre, de comprendre le sens et d’apprécier la portée de la disposition
qu’elle va faire et de s’y arrêter volontairement.
1047. Il incombe à la partie qui demande la nullité de l’acte de faire la
preuve de l’incapacité de la personne de tester puisque chacun est présumé être
sain d’esprit. Cependant, dans une première étape, il suffit de mettre en doute
de manière générale, la capacité de la personne de tester. Cela se fait par la
preuve de l’existence d’un état habituel d’aliénation ou de faiblesse d’esprit.
À défaut de faire la preuve d’un état habituel d’insanité, la demande en
nullité du testament sera rejetée et la validité de celui-ci demeure. Par
contre, la preuve de simples indices qui soulèvent le doute quant à la capacité
de tester peut constituer une preuve prima facie
que le testateur n’était pas apte à donner un
consentement au moment de la signature de l’acte. Si la capacité est mise en
doute, par une preuve prima facie, le fardeau de preuve se déplacera
alors vers la partie qui prétend à la validité de l’acte.
La partie aura alors le fardeau de prouver sa capacité de tester en démontrant
un intervalle de lucidité et ce, même au moment où elle présente une situation
d’affaiblissement mentale.
1048. Il appartient donc à la partie qui invoque l’inaptitude ou l’absence de
consentement libre et éclaire de faire une preuve démontrant que le testateur n’était
pas apte à consentir au testament ou que son consentement était vicié soit par
l’erreur, la crainte ou la captation. Ainsi, il n’est pas suffisant d’invoquer
la maladie du testateur pour invalider un testament, mais le demandeur doit
aussi prouver les effets que cette maladie avait eus sur l’aptitude du
testateur et/ou sur sa capacité de donner un consentement éclairé au testament.
a) Fardeau de preuve et
présomption de capacité
1049. Aux termes des articles 153 et 154 C.c.Q., la capacité
du majeur de tester se présume. Afin de repousser
cette présomption, la personne qui cherche à obtenir la nullité du testament
doit faire la preuve prépondérante de l’incapacité du testateur au moment où il
a
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donné son consentement.
Cependant, il suffit pour la personne qui invoque la nullité de mettre en doute
la capacité générale de consentir du testateur par une preuve prima facie démontrant sérieusement l’insanité d’esprit
du testateur. Il y aura alors renversement
du fardeau de preuve de sorte qu’il appartient alors à celui qui soutient la
validité du testament de faire une preuve prépondérante de la lucidité ou de la
capacité de tester du testateur lors de la signature du testament.
1050. Le simple doute quant à l’aptitude du testeur au moment où il a
consenti à son testament sera cependant insuffisant pour opérer ce renversement
du fardeau de preuve. En effet, la preuve prima facie doit reposer sur
un fondement solide.
1051. Également, la simple preuve de l’âge du testateur et de la
détérioration progressive de son état de santé ne sera pas suffisante pour
conclure à l’incapacité du testateur. L’article 48
de la Charte des droits et libertés de la personne édicte le droit d’une
personne âgée à la protection contre toute forme d’exploitation. La liberté de
tester des personnes âgées ne doit cependant pas être restreinte au nom de leur
sécurité. La Cour d’appel est venue à la conclusion que cet article ne
restreignait pas automatiquement la liberté de tester de la personne âgée et
que chaque cas devait être analysé selon les circonstances.
1052. La
jurisprudence et la doctrine s’accordent sur les éléments à prendre en
considération afin de déterminer la capacité de tester.
Ainsi, le testateur doit être en mesure d’apprécier la
portée du testament et de ses dispositions. Il doit également saisir le sens de
ces dernières et s’y arrêter avant d’apposer sa signature sur un testament
notarié.
[Page 448]
1053. Afin d’établir
l’aptitude en preuve, il faut notamment démontrer que le testateur avait au
moment du consentement au testament, une mémoire suffisante, un degré de compréhension adéquat, une volonté
d’agir et une habileté intellectuelle suffisante pour porter un jugement. En d’autres
termes, le testateur doit avoir l’aptitude de prendre des décisions adéquates
et être en mesure d’évaluer la situation en tenant compte de toutes les
circonstances et faisant appel à sa mémoire et à sa compréhension. Ainsi le
testateur peut être en mesure de donner un consentement valable au testament
lorsqu’il est juridiquement apte à s’obliger alors qu’il a aussi la volonté de
tester.
1054. Il faut
cependant noter que la prise d’une décision appropriée ne peut se faire par une
personne n’ayant pas l’aptitude d’envisager diverses possibilités et d’évaluer
leur portée et leurs conséquences. Ainsi, le fait d’être en mesure de répondre
à des questions simples ne peut être une preuve suffisante de l’aptitude du
testateur de saisir les conséquences qui découlent de l’acte qu’il envisage d’accomplir.
À titre d’illustration, le testateur qui ne pouvait pas se concentrer ni même
écouter son notaire puisqu’il est fortement médicamenté, ne pouvait avoir la
capacité de tester et celle-ci sera alors mise en question.
1055. Il ne faut
pas écarter une preuve corroborée qui démontre que le testateur a manifesté à
plusieurs reprises son désir de faire hériter ses enfants lorsque cette volonté
a également été confirmée devant le notaire instrumentant. Une preuve cohérente
permet ainsi de faire la démonstration d’un intervalle de lucidité au moment de
la signature de l’acte juridique. Il convient de
souligner que le rôle du tribunal est de déterminer si le testateur avait la
capacité ou non de conclure un testament et non de porter un jugement moral sur la façon dont celui-ci a choisi
de léguer ses biens.
i) Dossier médical
1056. La preuve de
l’inaptitude du testateur peut se faire par le dépôt devant la Cour de son
dossier médical. La jurisprudence a déjà accepté plusieurs motifs justifiant la
communication intégrale du dossier médical et social lors d’une instance en
annulation de testament. La prise en considération de ce dossier peut être
motivée par la pertinence
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et l’importance des données
qui s’y trouvent. Ainsi, en l’absence d’autres moyens
pour parvenir à faire la preuve de
l’inaptitude, il est loisible à la
Cour de permettre la communication de son dossier médical.
La même solution peut être adoptée lorsqu’il est question de l’état de santé
physique du testeur et de ses capacités cognitives et visuelles.
L’autorisation de communiquer le dossier médical peut être dans l’intérêt de la
justice puisque la divulgation des informations contenues dans ce dossier peut
être la seule preuve pertinente dans le cadre d’une action en annulation de
testament. Il faut donc évaluer
chacun des éléments contenus dans le dossier médical à la lumière des faits
propres au cas d’espèce et ainsi de décider de l’importance et de la pertinence
de ces éléments pour établir la vérité quant à l’aptitude du testateur.
ii) Témoignage du notaire instrumentant
1057. Le témoignage d’un notaire affirmant que le testateur avait la capacité
au moment de son consentement au testament, ne peut avoir la même force
probante que le témoignage d’un expert psychiatrique qui est en général requis.
Cette affirmation ne peut être toujours suffisante pour démontrer que le
testateur avait la capacité requise pour consentir à son testament. Bien que l’on
puisse supposer que le notaire aurait refusé d’accomplir l’acte demandé s’il
avait constaté l’incapacité de la personne devant y donner son consentement, on
doit noter qu’il n’appartient pas cependant au notaire de vérifier la capacité
d’un testateur et a fortiori de remplacer l’expert dans son évaluation
de la capacité de ce dernier.
b) Consentement libre :
la captation
1058. Le tribunal peut conclure à la captation lorsque la preuve qui lui a été soumise démontre que le testateur n’a
pas donné un consentement libre et éclairé en raison de gestes ou de manœuvres
dolosives du défendeur ayant pour but de monter le testateur à l’encontre d’autres
proches. Afin d’être
considérées comme étant dolosives, les manœuvres doivent avoir influencé de
manière déterminante le
[Page 450]
consentement du testateur.
La captation peut être prouvée par tous les moyens de preuve notamment par des
présomptions graves, précises et concordantes.
À la lumière d’une preuve concluante, la Cour peut sanctionner ces gestes par l’annulation
du testament.
1059. Il ne lui
suffit pas de démontrer que le légataire favorisé a eu des comportements
cherchant à s’attirer les largesses d’une personne âgée ou d’un malade ou
encore avait multiplié les témoignages d’affection à son égard puisque de tels
comportements peuvent être normaux dans une relation entre personnes ayant des
liens de parenté et d’amitié. Le fait que le légataire désigné ait multiplié
les visites d’un malade ou ait exprimé beaucoup de sympathie et d’affection à
son égard ne démontre pas nécessairement la captation.
1060. Le testament
ne pourra être annulé si la preuve de la captation se limite à des moyens licites. Au contraire, un demandeur qui cherche
à faire annuler un testament pour le motif de captation, doit démontrer que le
bénéficiaire du testament a eu recours à des manœuvres dolosives afin de rendre
confus le testateur et ainsi exercer sur lui une influence indue et trompeuse.
Notons que plusieurs situations de fait ont été retenues par la jurisprudence
comme étant des indices de captation, soit par exemple, lorsque l’hériter qui
est l’auteur des comportements dolosifs choisit le notaire instrumentant et lui
donne des directives quant à la rédaction et au contenu du testament ou lorsqu’il
reçoit des dons et avantage avant la mort du testateur. De même, on peut
conclure à la captation lorsque l’auteur de la captation est le liquidateur de
la succession, et qui s’empresse
de partager les biens après le décès ou qu’il refuse de rendre compte de son
administration des biens peut permettre de soupçonner la captation.
1061. L’omniprésence
d’un héritier et son influence dans la vie du testateur, en particulier lorsque
ce dernier est vulnérable, sont également des indices de la captation.
Ces manœuvres dolosives se réalisent aussi par l’interception de la correspondance
du testateur, le dénigrement de ses proches, son isolation des personnes qui
étaient toujours présentes dans sa vie ou bien la réanimation dans son esprit d’une
ancienne aversion dans le but de jouir sur lui d’une emprise absolue. La
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preuve de ces
situations de fait, leur fréquence et leur importance peuvent amener à la
conclusion que le testament a été fait sous captation.
1062. À l’examen de la jurisprudence, on constate qu’il arrive parfois que d’autres
membres de la famille du testateur ne se trouvent pas dans la même localité ou
la même ville où ce dernier se trouve, de sorte que ces personnes chères ne
peuvent visiter régulièrement le testateur alors qu’il est malade. En raison de
cette situation, l’auteur de la captation cherche à profiter pour alimenter la
haine du testateur à l’égard de ses autres personnes chères qui sont ses
héritiers, et ce, par le recours à des propos visant à établir la différence,
la négligence ou le manque d’appréciation ou d’affection de celles-ci envers le
testateur. Cependant, le fait que la personne qui était désignée légataire a
fréquenté bien souvent le malade ou la personne âgée n’établit pas
nécessairement les éléments constitutifs de la captation.
Celle-ci doit plutôt être démontrée par la preuve de
propos de dénigrement envers les autres proches ou bien par des manœuvres
faisant croire au malade ou à la personne âgée qu’il est le seul à s’occuper de
lui et à prendre soin de son bien-être pour le reste de ses jours de sorte que
le testateur sous cette influence croit nécessairement qu’il est la seule
personne de son entourage sur qui
il peut compter.
1063. Il est important de ne pas confondre la captation
qui a pour but d’annuler le testament et un recours pour
faire déclarer un héritier indigne d’hériter en vertu de l’article 621 C.c.Q.
En effet, l’article 621 C.c.Q. permet au tribunal de déclarer indigne de
succéder la personne qui s’est comportée de manière à contribuer à la confusion
de la personne notamment en cherchant à l’influencer et à provoquer un certain
malaise entre elle et d’autres proches. Ainsi, l’individu peut être déclaré
indigne de succéder lorsqu’il cherche à prendre avantage d’une personne plus
fragile et à la gêner ou l’influencer dans la préparation ou la rédaction de
son testament par un comportement hautement répréhensible qui dénote une
mauvaise foi ou par la tenue de propos discriminatoires à l’égard d’autres
proches.
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