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Code civil du Québec
 DISPOSITION PRÉLIMINAIRE
[Expand]LIVRE PREMIER : DES PERSONNES
[Expand]LIVRE DEUXIÈME : DE LA FAMILLE
[Expand]LIVRE TROISIÈME : DES SUCCESSIONS
[Expand]LIVRE QUATRIÈME : DES BIENS
[Collapse]LIVRE CINQUIÈME : DES OBLIGATIONS
 [Collapse]TITRE PREMIER : DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL
  [Expand]CHAPITRE I - DISPOSITIONS GÉNÉRALES
  [Collapse]CHAPITRE II - DU CONTRAT
   [Expand]SECTION I - DISPOSITION GÉNÉRALE
   [Expand]SECTION II - DE LA NATURE DU CONTRAT ET DE CERTAINES DE SES ESPÈCES
   [Collapse]SECTION III - DE LA FORMATION DU CONTRAT
    [Collapse]§1. Des conditions de formation du contrat
     [Expand]I - Disposition générale
     [Expand]II - Du consentement
     [Expand]III - De la capacité de contracter
     [Collapse]IV - De la cause du contrat
       a. 1410
       a. 1411
     [Expand]V - De l’objet du contrat
     [Expand]VI - De la forme du contrat
    [Expand]§2. De la sanction des conditions de formation du contrat
   [Expand]SECTION IV - DE L’INTERPRÉTATION DU CONTRAT
   [Expand]SECTION V - DES EFFETS DU CONTRAT
  [Expand]CHAPITRE III - DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE
  [Expand]CHAPITRE IV - DE CERTAINES AUTRES SOURCES DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE V - DES MODALITÉS DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VI - DE L’EXÉCUTION DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VII - DE LA TRANSMISSION ET DES MUTATIONS DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VIII - DE L’EXTINCTION DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE IX - DE LA RESTITUTION DES PRESTATIONS
 [Expand]TITRE DEUXIÈME : DES CONTRATS NOMMÉS
[Expand]LIVRE SIXIÈME : DES PRIORITÉS ET DES HYPOTHÈQUES
[Expand]LIVRE SEPTIÈME : DE LA PREUVE
[Expand]LIVRE HUITIÈME : DE LA PRESCRIPTION
[Expand]LIVRE NEUVIÈME : DE LA PUBLICITÉ DES DROITS
[Expand]LIVRE DIXIÈME : DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
 DISPOSITIONS FINALES
 
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Article 1411

 
Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991
 
Livre CINQUIÈME : DES OBLIGATIONS \ Titre PREMIER : DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL \ Chapitre DEUXIÈME - DU CONTRAT \ Section III - DE LA FORMATION DU CONTRAT \ 1. Des conditions de formation du contrat \ IV - De la cause du contrat
 
 

À jour au 8 juin 2024
Article 1411
Est nul le contrat dont la cause est prohibée par la loi ou contraire à l’ordre public.
1991, c. 64, a. 1411
Article 1411
A contract whose cause is prohibited by law or contrary to public order is null.
1991, c. 64, s. 1411

Annotations
Code civil du Québec annoté (2023) par Jean-Louis Baudouin et Yvon Renaud (mise à jour no. 7)Information
FermerExtraits de : Baudouin, Jean-Louis et Renaud, Yvon, Code civil du Québec annoté, 26e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2023 (version intégrale dans eDOCTRINE).

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Les obligations (2024), vol. 1, par Vincent KarimInformation
FermerExtraits de : Karim, Vincent, Les obligations, vol. 1, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2024 (version intégrale dans eDOCTRINE).

La recherche en jurisprudence est à jour au 1er mars 2024.
ANNOTATIONS
1. Généralités

1864. Cet article complète l’article 1373 C.c.Q., tout comme le précédent, et énonce la sanction du contrat dont la cause est prohibée par la loi ou contraire à l’ordre public. Il rappelle ainsi que le principe de la liberté contractuelle n’est pas absolu et que la supériorité de la loi et de l’intérêt de la société doit primer sur cette liberté.

1865. À l’instar du droit antérieur, le législateur n’a pas expressément défini le contenu de l’ordre public, laissant ainsi aux tribunaux le soin de le faire2716. Toutefois, il a fait disparaître la notion de bonnes mœurs de l’article 13 C.c.B.-C.2717. Cette référence étant désuète et dépassée, il convient dorénavant de référer à la notion d’« ordre public » qui est d’ailleurs en constante évolution (art. 9 C.c.Q.).

2. Les formes de l’ordre public économique

1866. L’ordre public économique est de deux genres2718. Il est dit de protection lorsque l’intention du législateur est de protéger l’intérêt d’un individu ou d’un groupe d’individus2719 et il est dit de direction lorsque le législateur vise à protéger l’intérêt public en général.

A. Ordre public de protection

1867. L’ordre public de protection a pour but de rétablir une équité contractuelle à l’égard d’une partie qui se trouve dans une position économique faible et fragile. L’acte ou le contrat contraire à l’ordre public de protection ne peut donc être frappé que de nullité relative. Cette nullité ne peut être invoquée que par la personne en faveur de qui elle est établie2720. Sous l’ancien droit, les tribunaux avaient généralement refusé de reconnaître contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs des clauses contractuelles abusives2721, puisque l’équité contractuelle n’était pas reconnue comme un principe d’ordre public. Dans le Code civil du Québec, l’équité, la justice contractuelle et la bonne foi dans les relations contractuelles constituent l’ordre public de protection. À titre d’exemple, les dispositions prévues aux articles 1375, 1435 à 1437 et 1604 C.c.Q. amènent à constater à quel point le législateur tient à ce que l’équité et la justice contractuelles soient omniprésentes dans les relations contractuelles2722.

B. Ordre public de direction

1868. L’ordre public de direction vise, pour sa part, la protection de l’intérêt public général et tente d’imprégner aux agissements des individus une direction politique, sociale ou économique déterminée2723. L’acte ou le contrat qui y contrevient, est frappé de nullité absolue et peut être invoqué par toute personne ayant un intérêt né et actuel. De plus, un tel contrat ne peut être confirmé par les parties contractantes2724. Par ailleurs, il importe de noter qu’en principe il appartient à la partie qui demande l’exécution d’une obligation de prouver le caractère licite de celle-ci2725.

3. Cause ou objet illicite du contrat

1869. Une distinction s’impose quant à la cause du contrat et son objet. En effet, bien que l’objet du contrat soit tout à fait légitime, il est possible d’envisager des situations où les motifs ayant poussé les parties à le conclure soient illégaux ou illicites. L’article 1412 C.c.Q. définit précisément l’objet du contrat, concept abordé de façon objective et distinct de la cause du contrat qui elle se rapporte à des considérations subjectives, propres à chacune des parties au contrat2726. Il en est ainsi lorsqu’un mandat est donné à une personne afin d’agir comme prête-nom. L’objet du contrat est licite, mais la cause ayant motivé le mandant à y consentir est illégale parce qu’il cherche à faire indirectement ce que la loi lui interdit de faire lui-même. Les fins illicites constituant la cause qui est à l’origine de l’existence du contrat affectent sa validité et le rendent annulable2727.

1870. Selon la Chambre des notaires2728, plusieurs problèmes se posent quant à l’application de la nouvelle disposition. D’abord la définition même de la notion de cause à l’article 1410 C.c.Q. est inadéquate « puisqu’il n’y a pas une cause du contrat, mais plusieurs causes du contrat, c’est-à-dire autant de causes qu’il y a de parties ». À son avis, l’article 1411 C.c.Q. est également inadéquat dans le sens où il est difficile de considérer un contrat nul si sa cause est nulle. La Chambre avait donc suggéré d’écrire que le « contrat qui est conclu pour des motifs illicites est nul de nullité absolue »2729. À tout égard, il nous semble qu’il n’est pas nécessaire de le préciser de cette façon. Il est reconnu que tout contrat peut avoir plusieurs causes, mais chacune est propre à chaque contractant. Il suffit, pour que l’article 1411 C.c.Q. s’applique, que la cause ayant motivé l’un des contractants soit illicite ou contraire à l’ordre public.

1871. Dans un deuxième temps, la Chambre des notaires soulève un problème auquel avait remédié l’O.R.C.C.2730, mais qui n’a pas été repris par le législateur. En effet, l’O.R.C.C. avait proposé une disposition prévoyant que le contractant qui poursuit un but illicite ne puisse invoquer sa propre turpitude pour demander la nullité du contrat2731 lorsque son vis-à-vis est de bonne foi. La Chambre des notaires proposait que la nullité absolue sanctionne tout contrat conclu en raison de motifs illicites, mais que cette nullité soit inopposable au contractant de bonne foi. Ces propositions n’ont pas été retenues, et on peut à juste titre se demander quel sort est réservé au contrat lorsqu’une des parties poursuit un but illicite inconnu de l’autre partie, ce contrat est-il alors annulable ? La réponse à cette question ne peut être qu’affirmative étant donné que la nullité du contrat doit être déterminée en tenant compte, du moins selon l’article 1411 C.c.Q., de la légitimité et la licéité de sa cause et non pas de la bonne foi de l’une des parties contractantes, bien que cette bonne foi puisse être prise en considération par le tribunal, soit pour ordonner la restitution des prestations déjà fournies, soit pour lui accorder des dommages-intérêts, même si la nullité du contrat est prononcée.

1872. Le Code civil du Québec ne requiert donc pas la connaissance du contractant du motif illicite qui a poussé son cocontractant à s’engager. La bonne ou mauvaise foi des parties est sans importance, puisque la nullité sera accordée dès qu’une contravention à une loi ou une disposition d’ordre public sera constatée. De plus, même la partie qui poursuit un but illégitime peut demander la nullité de son contrat, mais elle risque fortement d’être condamnée, non seulement aux dépens, mais aussi à payer des dommages-intérêts à l’autre contractant qui, lors de la conclusion du contrat, ignorait ce but illégitime2732.

1873. La sanction étant la nullité absolue, elle peut être invoquée par toute personne ayant un intérêt à voir le contrat annulé. De plus, lorsque l’intérêt public est en jeu, l’engagement dont la cause est illicite doit être sanctionné d’office par le juge, même si les parties ne soulèvent pas la nullité de leur contrat2733. Ce contrat n’est d’ailleurs pas susceptible de confirmation puisque la confirmation d’un contrat entaché de nullité absolue est juridiquement impossible2734.

1874. Par ailleurs, le contrat ou l’acte déclaré nul en raison de sa cause illicite et prohibée par l’ordre public ne pourra pas servir de fondement à une action en justice sans que d’autres actes ou faits juridiques soient allégués à l’appui du recours2735. De même, une demande en exécution forcée d’un contrat illégal devra être rejetée en raison de l’impossibilité d’y donner suite ou de sanctionner le défaut de la partie défenderesse de se conformer à un engagement illicite2736.

1875. Certains auteurs2737 sont d’avis que seul le contractant qui poursuivait un but légitime lors de la conclusion du contrat peut demander la nullité. Sur le plan pratique, il est difficile de se rallier à cette opinion, car le tribunal saisi d’une demande en nullité ne peut la rejeter pour le motif que le demandeur est le contractant responsable de l’immoralité ou de l’illégitimité du contrat. Il doit au contraire prononcer la nullité du contrat puisqu’il a le devoir d’invoquer d’office la nullité absolue. De plus, refuser de prononcer la nullité et d’accueillir le recours en répétition pourrait constituer, dans certains cas, une approbation de l’enrichissement injustifié. À titre d’illustration, un contractant qui verse de l’argent afin de se joindre à une chaîne pyramidale doit pouvoir intenter un recours en répétition de l’indu. Le tribunal conserve toutefois son pouvoir d’accueillir ou non sa demande selon les circonstances. Rejeter automatiquement une telle demande au motif que le contractant a participé à une activité criminelle, faisant ainsi preuve d’un manque de prudence et de clairvoyance, reviendrait à consentir à l’enrichissement injustifié de l’instigateur de ce système2738. Il s’agit d’évaluer le niveau de participation du contractant qui réclame la restitution suite à l’annulation du contrat. Une participation plus active et plus consciente du contractant aux activités illicites du système pyramidal pourra entraîner une restitution partielle des sommes versées2739.

A. Obligation ou prestation illicite

1876. Il n’est pas nécessaire que l’objet ou la cause du contrat soit contraire à l’ordre public pour que le contrat soit déclaré nul, mais il suffit que l’objet de la prestation ou de l’obligation soit contraire à une disposition d’ordre public de direction. En un tel cas, le tribunal peut non seulement déclarer la clause ou les clauses relatives à l’objet de l’obligation nulles, mais il peut aussi déclarer la nullité du contrat. Cette solution s’impose nonobstant la règle prévue à l’art. 1438 C.c.Q. lorsque les conséquences pouvant résulter de l’exécution de la prestation ou de l’obligation en question sont graves et immorales. Ainsi, une entente intervenue entre deux conjoints ayant pour objet la cession de la part de l’un deux dans l’immeuble moyennant le consentement de l’autre conjoint à ce que la garde des enfants soit accordée au cédant devra être déclarée contraire à l’ordre public. Il faut noter que dans certains cas particuliers, l’objet de l’obligation peut être lié à la cause de l’entente. Ce qui est illégal et contraire à l’ordre public dans ce genre d’ententes, c’est la contrepartie que le cessionnaire offre au cédant, soit la garde des enfants, alors que cette question est d’ordre public de direction devant être décidée et accordée à l’un des parents selon l’intérêt des enfants et non pas moyennant l’exécution d’une obligation ou la fourniture d’une prestation par le parent qui cherche à avoir la garde de ses enfants2740.

4. La nullité comme sanction

1877. Le législateur ne précise pas le caractère de la nullité qui sanctionne un contrat dont la cause est prohibée par la loi ou contraire à l’ordre public. En effet, l’article 1407 du P.L. 125, qui prévoyait expressément la nullité absolue pour le contrat dont la cause est prohibée ou contraire à l’ordre public, n’a pas été repris par le législateur. Pour déterminer la nature de la nullité qui frappe le contrat, les tribunaux seront donc appelés à appliquer les critères prévus aux articles 1416 et 1421 C.c.Q.

A. Nature de la nullité
1) Relative ou absolue

1878. Pour qualifier la nullité de relative ou, au contraire, d’absolue, il faut examiner les dispositions législatives, à l’aide des nouveaux critères d’ordre public de direction et de protection, afin de déterminer si le législateur entend protéger l’intérêt général ou les intérêts particuliers. Le tribunal saisi d’une demande en nullité d’un contrat qui contrevient à une disposition impérative, doit donc procéder à une analyse de l’objectif fixé par le législateur en créant cette règle impérative qui limite la liberté contractuelle. Si le tribunal, après cette analyse, arrive à la conclusion que le but visé par le législateur est de protéger l’intérêt général, la sanction de la violation de la disposition doit être la nullité absolue2741. Par contre, lorsque la règle est imposée par le législateur pour protéger les intérêts particuliers, même si elle a un caractère d’ordre public, la sanction doit être la nullité relative.

1879. Ainsi, à titre d’exemple, un contrat conclu en contravention au sous-paragraphe 128(1)b) de la Loi sur le Barreau2742 doit être sanctionné par la nullité absolue. Les dispositions de cette loi concernant l’exercice de la profession d’avocat sont d’ordre public général, et tendent à protéger l’intérêt de la collectivité. Une convention portant sur la rédaction d’actes de procédure doit être, comme tout contrat, conforme aux dispositions impératives concernant les conditions de formation du contrat, prévues aux articles 1411, 1416 et 1417 C.c.Q. Or, une telle convention contrevient au sous-paragraphe 128(1)b) de la Loi sur le Barreau, lorsqu’elle a pour objectif de confier la rédaction d’actes de procédure à une personne qui n’est pas membre du Barreau du Québec. Par ce fait même, elle contrevient aussi à l’article 1411 C.c.Q., lequel prévoit que la cause du contrat ne doit pas être contraire à l’ordre public. Elle sera donc frappée de nullité (art. 1416 C.c.Q.). Cette nullité est absolue, étant donné que la disposition prévue au sous-paragraphe 128(1)b) de la Loi sur le Barreau est d’ordre public général.

2) Simple ou partielle

1880. La Cour suprême, dans l’affaire Fortin c. Chrétien2743, a établi une distinction entre la nullité simple et la nullité partielle. Après avoir conclu que la nullité de la convention de rédaction des actes de procédure était absolue, la Cour devait répondre à la question de savoir si la nullité de ce contrat affectait la validité des actes de procédure qui en découlaient. La Cour a décidé que ces actes de procédure étaient valides. Aussi, elle a jugé que le principe de la nullité partielle prévu à l’article 1438 C.c.Q., ne s’applique pas en l’espèce. Elle a admis que l’acte de procédure rédigé suite à la conclusion de la convention déclarée nulle était un acte juridique distinct, exprimant la seule volonté du justiciable de faire valoir ses droits. Cet acte de procédure a donc pour but la représentation du justiciable devant les tribunaux et ne peut être le résultat direct de la convention. Il n’est donc pas nécessaire d’appliquer la disposition de l’article 1438 C.c.Q. afin de maintenir l’acte de procédure. Bien que la nullité de la convention de rédaction d’actes de procédure soit absolue, elle est aussi une nullité simple, et ne peut, par conséquent, affecter la validité de l’acte de procédure. Selon les principes de la nullité simple, la nullité d’un contrat ne peut avoir d’incidence sur le sort d’un autre acte juridique distinct qui n’est pas son accessoire, lorsqu’il n’existe aucune réelle interdépendance entre les deux. Par contre, lorsqu’un acte ou un contrat est l’accessoire d’un autre qui est frappé de nullité, ou lorsqu’il y a une réelle interdépendance entre les deux, la nullité du contrat accessoire emporte alors la nullité du contrat principal.

1881. Dans certains cas, il est difficile de mettre en évidence l’intérêt visé par la disposition d’ordre public. Il faut alors trouver quel fondement prédomine dans le cas d’espèce pour qualifier la nullité qui sanctionne sa violation. En cas de doute, le législateur a créé une présomption en faveur de la nullité relative des contrats2744. En général, la cause du contrat prohibée par la loi ou contraire à l’ordre public politique et social doit être sanctionnée par une nullité absolue, puisque l’intérêt général est en jeu2745. Le contrat est alors réputé n’avoir jamais existé2746 et chacune des parties doit alors restituer à l’autre les prestations reçues (art. 1422 C.c.Q.). Les tribunaux admettent, dans le cas de nullité d’un contrat basé sur une considération illégale, l’action en répétition de l’indu puisqu’elle a les mêmes effets que la nullité2747 en ce qui a trait à la restitution par les parties de leurs prestations.

B. Cas d’illustration

1882. Les tribunaux ont toujours sanctionné les contrats conclus pour des motifs illicites, immoraux, qui contreviennent à l’ordre public général et social. En général, la convention est illégale lorsque, par sa cause, elle contrevient à une disposition impérative d’une loi ou viole un principe légal d’ordre public2748.

1883. Ainsi, une convention ayant pour but de permettre à l’un des cocontractants une évasion fiscale ou de se mettre à l’abri de poursuites de ses créanciers est une convention illégale puisque sa cause est contraire à l’ordre général2749. De même, la convention contenant une clause par laquelle les copropriétaires indivis renoncent à leur droit de demander le partage des droits indivis est illégale et contraire à l’ordre public puisqu’elle viole le principe de droit bien établi dans notre droit, à l’effet que nul n’est tenu de demeurer dans l’indivision. Par contre, une clause pénale prévoyant une pénalité pour l’un des copropriétaires indivis qui demande le partage des droits indivis ne constitue pas une renonciation anticipée à son droit de demander le partage et ne viole pas le principe légal d’ordre public2750. Ne contrevient également pas à l’ordre public un contrat publicitaire conclu avec une agence d’escorte, puisque les services d’escortes en tant que tels ne sont pas prohibés par la loi2751. Enfin, un contrat par lequel un époux consent à verser une pension alimentaire à un enfant qui n’est pas le sien en vertu du principe in loco parentis, n’est pas non plus contraire à l’ordre public2752.

1) Contrat de gestation avec une mère porteuse

1884. Le contrat relatif à une mère porteuse doit être déclaré nul tel que le prévoit l’article 541 C.c.Q. puisqu’il est contraire à l’ordre public de direction. En interdisant les contrats avec des mères porteuses, le système judiciaire souhaite lutter contre la marchandisation de la personne humaine. Cependant, la notion d’ordre public n’a pas un caractère souverain et péremptoire2753.

1885. Il importe de noter que la convention de gestation pour autrui ne peut faire l’objet d’une demande en exécution forcée. Elle ne peut non plus faire l’objet d’une demande de restitution de prestation reçue suite au refus de la femme de se conformer à son engagement. Bref, une telle convention ne doit pas recevoir application, ni directement, ni indirectement. Ainsi, la femme de l’homme ayant conclu l’entente avec la mère porteuse ne peut s’adresser à la cour et demander la modification du registre de l’état civil de l’enfant afin que son nom figure sur ce registre à la place de celui de la mère biologique de l’enfant. Une telle demande vise l’application indirecte d’un contrat frappé de nullité absolue.2754

1886. Le tribunal peut se trouver en présence d’une situation découlant d’un contrat avec une mère porteuse sans être toutefois saisi d’une demande en nullité de l’entente. Bien que le tribunal puisse prononcer d’office la nullité d’un tel contrat compte tenu de la nullité absolue qui sanctionne ce type de contrat, il peut être confronté à un problème lié à l’intérêt de l’enfant plutôt que le droit et les obligations des parties à l’entente. En effet, l’intérêt de l’enfant est une question d’ordre public et primordiale devant primer sur toute autre question qui intéresse les parties ou l’ordre public en général. Ainsi, l’enfant doit être considéré comme un tiers à l’entente et non pas comme un objet, de sorte qu’une priorité doit lui être accordée en tenant compte de ses besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques. À titre d’exemple, lorsqu’une entente implique plusieurs personnes, soient une donneuse d’ovule, une autre porteuse de l’enfant et une troisième intéressée par la naissance de l’enfant et qui est prête à le prendre en charge, le tribunal peut se voir forcer d’accorder l’enfant à la personne qui voulait l’enfant. Une telle décision peut être justifiée par l’intérêt et la protection de l’enfant lorsque la femme donneuse d’ovule et la femme porteuse ne sont pas intéressées à l’avoir. Autrement dit, par sa décision, le tribunal ne donne pas effet à l’entente, il cherche plutôt les moyens permettant la protection de l’enfant2755.

1887. Plusieurs facteurs peuvent influencer la décision du tribunal lors de son évaluation de la situation relative à un enfant. Ainsi, la non-rémunération de la mère porteuse, la bonne foi et l’absence de machination de la part de toutes les personnes concernées sont des éléments importants à considérer par le tribunal2756. Celui-ci peut prendre une décision dans l’intérêt de l’enfant même si une telle décision paraît être considérée comme une confirmation de l’entente illégale. C’est le cas lorsque la mère porteuse n’a reçu aucune rémunération, mais elle a conclu l’entente dans le cadre d’un projet familial permettant à un couple d’avoir un enfant alors que ce couple se trouve dans l’incapacité naturelle et biologique de l’avoir. Il ne faut pas se fier à l’apparence, même si la décision de la Cour laisse penser qu’elle est conforme à l’entente conclue entre les parties. Il ne s’agit pas d’une décision contraire à l’ordre public puisque la décision pourra être la conséquence de l’application d’une hiérarchie entre des questions qui sont d’ordre public, mais que l’une doit avoir préséance sur l’autre. Une distinction s’impose entre le cas qui exige une protection de l’intérêt de l’enfant du cas où l’une des parties demande au tribunal de lui accorder un droit ou de sanctionner un défaut d’exécution d’une obligation prévue dans l’entente. Dans ce dernier cas, le tribunal ne doit pas hésiter à rejeter une telle demande en concluant à la nullité de l’entente2757.

1888. Il importe donc de noter que l’intérêt de l’enfant doit primer toute autre question à caractère purement juridique. Il en est ainsi lorsqu’un couple ayant eu recours à une mère porteuse qui ne réside pas dans la province du Québec, mais qui tente d’adopter l’enfant par la suite. Le tribunal qui statue sur ce genre de demande d’adoption ne doit pas la rejeter pour le simple fait que la mère porteuse n’est pas intervenue dans le processus d’adoption pour y donner son consentement formel. C’est l’intérêt de l’enfant qui doit, dans certains cas, avoir préséance sur le contexte juridique et les circonstances ayant entouré la naissance de l’enfant2758.

1889. Le rôle du tribunal saisi d’une demande d’adoption, n’a pas pour objet de sanctionner la conduite des personnes ayant recours aux mères porteuses, mais bien de déterminer le statut de l’enfant qui existe et ses droits selon la loi. Ainsi, la seule présence au contrat intervenu entre les parties de clauses pouvant être déclarées nulles et non exécutoires selon le droit québécois ne doit pas nécessairement faire échec au processus d’adoption ; l’adoption doit être considérée de façon autonome et dissociée de la nullité du contrat.

1890. En cas d’une demande d’adoption, il n’appartient pas au tribunal de juger la pratique de certains pays et de se pencher sur la légalité de la convention en elle-même. Au contraire, il doit alors se pencher sur l’intérêt de l’enfant né et doit le confier vraisemblablement aux personnes qui désirent réellement assumer le rôle parental à son égard, car refuser l’adoption en un tel cas reviendrait à faire reposer sur le dos de cet enfant le comportement des parents. La Cour d’appel a d’ailleurs admis que l’adoption de l’enfant par les personnes ayant contracté avec la mère porteuse peut constituer la solution la moins insatisfaisante, et vraisemblablement celle dans le meilleur intérêt de l’enfant. Ainsi, dans le contexte d’une ordonnance de placement en vue d’adoption, le tribunal doit appliquer les conditions énoncées à l’article 543 C.c.Q. afin d’assurer son intérêt sans égard aux circonstances de sa naissance2759.

1891. Compte tenu des circonstances particulières au dossier, ces exceptions jurisprudentielles motivées par la primauté de l’intérêt de l’enfant ne mettent pas pour autant l’application de la règle qui exige le consentement des deux parents à l’adoption. Ainsi, lorsque le nom de la mère porteuse se trouve sur l’acte de naissance de l’enfant avec celui du père biologique, sa renonciation à ses droits parentaux et à la reconnaissance d’un lien légal entre elle-même et l’enfant ne dispense le demandeur d’obtenir son consentement qui demeure nécessaire pour permettre l’adoption à moins qu’un tel consentement ne soit difficile à obtenir. L’absence d’autorité parentale de la mère porteuse sur l’enfant ne supprime pas le lien filial établi par la loi. De plus, une entente de maternité de substitution et une renonciation par la mère porteuse à ses droits ne peuvent substituer à son consentement libre et éclairé à l’adoption. Ce consentement à l’adoption peut cependant être exprimé par la signature de la mère porteuse sur l’acte de naissance avec une mention claire que l’adoption puisse avoir lieu. Enfin, il est à noter que l’article 541 C.c.Q. n’est pas une exigence prévue à l’article 543 C.c.Q.2760.

1892. Même lorsque la mère porteuse est résidente du Québec, le tribunal ne peut, au détriment de l’intérêt de l’enfant, invoquer comme motif que l’acceptation du document visant à légaliser le statut de l’enfant et auquel la mère porteuse a consenti équivaut à valider la convention de mère porteuse. La sanction prévue à l’article 541 C.c.Q. doit se limiter aux effets de la convention entre les parties contractantes sans élargir son application à des questions qui concernent l’intérêt de l’enfant de sorte que celui-ci doit être mis à l’écart des conséquences qui découlent d’une telle sanction. Enfin, il faut noter que ces exceptions à la loi ne peuvent être assimilées à une exécution forcée d’un contrat de gestation qui est toujours impossible2761.

1893. D’ailleurs, la loi n’impose pas à la femme qui met au monde un enfant de déclarer sa filiation. L’article 114 C.c.Q. énonce en effet que seuls la mère ou le père peuvent déclarer la filiation de leur enfant à leur égard. Même si la femme est identifiée par l’accoucheur, elle a le droit de ne pas apparaître sur l’acte de naissance du nouveau-né. Cette situation, bien qu’elle soit anormale, doit être traitée de la même manière que celle où personne ne s’étonne de la mention « non déclaré » à l’égard de la filiation paternelle de l’enfant2762.

2) Violation des lois de l’impôt

1894. En matière de nullité absolue, on trouve dans la jurisprudence de nombreux cas où le tribunal a sanctionné par la nullité absolue l’entente intervenue entre les parties lorsque celle-ci avait un objet illicite ou une cause illicite2763 visant ainsi à frauder les lois sur l’impôt. Le tribunal doit d’office soulever cette nullité et la prononcer même s’il n’était pas saisi d’aucune demande en nullité par les parties2764. Ainsi, les tribunaux de première instance sanctionnent fréquemment, de nullité absolue, toute entente ou convention impliquant l’évitement de taxes ou d’impôts que les parties doivent normalement payer2765.

1895. Lorsqu’il est question de lois fiscales, il importe de ne pas confondre la situation où les parties concluent un contrat en fraude des lois fiscales qui sont d’ordre public et celle où la transaction des parties, bien que transgressant la loi, n’est pas conclue avec l’objectif de frauder.

1896. La jurisprudence s’est déjà penchée au fil des ans sur la validité d’une entente visant le travail « au noir » où le salaire n’est pas déclaré aux autorités fiscales puisque la rémunération est payée comptant2766. Elle s’est déjà prononcée aussi sur la validité d’une entente faite dans le but d’éviter le paiement de l’impôt ou d’émettre des factures fictives qui seront utilisées pour diminuer le paiement de l’impôt ou de récupérer injustement des impôts payés pour les années précédentes. Elle sanctionne sévèrement ce genre de contrat en refusant la demande de la partie lésée qui cherche à obtenir soit l’exécution du contrat, soit une compensation pour ses prestations ou pour une mauvaise exécution par l’autre partie de ses obligations. Les tribunaux possèdent cependant un pouvoir discrétionnaire leur permettant, malgré l’illégalité du contrat, de trancher les droits de l’une des parties selon leur mérite, compte tenu des circonstances et de son rôle moins important dans la proposition de conclure un contrat en violation des dispositions d’ordre public2767.

1897. Il faut cependant faire la distinction entre une entente qui vise à contourner l’application des dispositions impératives et une entente simulée ayant pour objet de cacher la nature ou l’objet de la transaction intervenue entre les parties. Dans ce dernier cas, la validité du contrat peut être mise en question par un tiers qui pourra le faire déclarer inopposable à son égard, sans qu’il ne soit nécessairement frappé d’une nullité dans la mesure où il ne contrevient à aucune disposition d’ordre public de direction2768. Ainsi, dans le cadre d’un contrat d’entreprise prévoyant des travaux de rénovation sur un immeuble, le client ne peut non plus, sauf dans certaines circonstances particulières, réclamer des dommages-intérêts pour la mauvaise exécution des travaux après avoir conclu une entente dont l’un des buts manifestes est l’évitement fiscal2769.

1898. Dans certains cas, le tribunal peut facilement identifier la règle à laquelle l’entente contrevient, mais, parfois, la situation factuelle peut donner lieu à une confusion quant à la règle applicable pour sanctionner cette illégalité. Ainsi, l’entente intervenue entre les parties peut être illégale et contrevenir à l’ordre public en raison de la cause ayant motivé les parties à sa conclusion ou lorsque l’objet de la prestation est prohibé. Dans les deux cas, il s’agit d’une entente devant être sanctionnée par la nullité absolue, car les parties cherchent à déjouer le système mis en place par les lois fiscales afin de se procurer des avantages au détriment de l’intérêt de la collectivité2770. Alors, la cause ayant motivé les parties à conclure leur entente est la procuration d’avantages fiscaux indus.

a) Nullité partielle

1899. Dans bien des cas, le tribunal limite la nullité à la clause qui contrevient à une disposition d’ordre public. Bien qu’il soit un gardien de l’intérêt général, le Tribunal peut conclure à la nullité partielle lorsque le reste du contrat ne contrevient pas aux dispositions d’ordre public. À titre d’illustration, la nullité intégrale du contrat de travail ou de transaction au noir n’est pas toujours la sanction appropriée2771. Ainsi, avant de déclarer la nullité absolue et intégrale de la convention, il importe que le tribunal examine certains aspects précis et particuliers de la convention afin de déterminer la portée de la violation de l’ordre public. Ce n’est qu’à la suite de cet examen attentif que l’on pourra sanctionner le contrat soit dans son intégralité soit partiellement en invalidant uniquement la ou les clauses qui contreviennent aux dispositions d’ordre public.

1900. La Cour supérieure dans l’affaire Peter c. Fiasche2772 a énuméré certains éléments auxquels le tribunal devrait se référer avant de prononcer la nullité intégrale d’une convention même si le paiement des taxes a été écarté. Il importe d’abord que le tribunal détermine si les parties ont éludé les taxes alors que la transaction était une transaction taxable au sens des lois fiscales. Par la suite, il peut vérifier si l’exclusion des taxes était un élément essentiel ou déterminant de l’engagement des parties. Ce n’est que lorsqu’il arrive à une constatation affirmative que la cause principale et unique ayant motivé les parties à conclure le contrat en question était de contourner l’application des dispositions d’impôts que ce contrat devra être sanctionné par la nullité absolue et intégrale. Ainsi, lorsque le motif principal pour lequel l’une des parties accepte de conclure son contrat avec l’autre partie consiste au seul fait que cette dernière accepte de travailler au noir, il va sans dire que l’exclusion du paiement des taxes constitue un élément essentiel et déterminant de l’engagement des parties2773. Dans le cas contraire, seule la clause éludant les taxes sera déclarée nulle alors que le reste du contrat sera jugé valide. En effet, comme l’exprimait la juge Danielle Richer dans l’affaire Sperandio, les prestations rendues dans le cadre de la convention ne sont pas nécessairement illégales et contraires à l’ordre public du simple fait que les taxes n’ont pas été chargées ni même payées, c’est pourquoi, il n’y a pas lieu d’ordonner la nullité intégrale dans tous les cas impliquant un contrat de travail au noir ou une transaction pour laquelle les taxes n’ont pas été exigées2774.

b) Restitution des prestations

1901. Il semble que la majorité de la jurisprudence appuyée par la doctrine opte pour une décision qui décourage les fraudeurs qui cherchent à conclure des ententes en violation des lois sur les impôts ou d’autres dispositions qui sont d’ordre public. Ce courant jurisprudentiel écarte le principe d’équité et n’accepte pas d’assimiler le refus d’appliquer la règle de restitution à une immoralité. Il est incompréhensible d’accepter de comparer l’immoralité des auteurs de la violation des disposions d’ordre public adaptées par le législateur pour protéger l’intérêt de la société à une situation pouvant donner lieu à l’enrichissement de l’une des parties, et ainsi la qualifier d’immortalité pour la simple raison que celle-ci n’est pas condamnée à la restitution de ce qu’elle a reçu en vertu du contrat. Il est certain que l’une des parties peut s’enrichir suite à une décision qui prononce la nullité d’un contrat sans ordonner aux parties de restituer les prestations qu’elles ont reçues en vertu de ce contrat. Bien que cet enrichissement dérange le principe de l’équité et de la justice naturelle, le tribunal ne doit pas avoir aucune sympathie pour la partie lésée au risque d’encourager la récidive.

1902. Le tribunal peut cependant exceptionnellement condamner une partie à une restitution partielle ou totale des prestations qu’elle a reçues lorsque la situation révèle qu’elle était l’instigatrice de la violation de la loi alors que l’implication de l’autre partie n’était que secondaire et que la nature de ses activités démontrent qu’elle n’aura pas une autre occasion de conclure un contrat semblable. Une telle décision peut être justifiée par le fait que l’une des parties doit assumer une part de responsabilité dans la conclusion du contrat, moins importante que l’autre et qu’une restitution partielle peut éviter une situation pouvant déconsidérer la justice2775.

c) Applications jurisprudentielles

1903. Également, sera considérée contraire à l’ordre public l’entente qui vise à permettre à une partie d’utiliser, en fraude des lois fiscales, des factures fictives afin de pouvoir en réclamer certains avantages fiscaux. C’est le cas notamment lorsqu’un entrepreneur inclut dans ses dépenses des factures de fournitures de services émises par des sous-traitants qui, dans les faits, n’ont pas exécuté les prestations qui y sont prévues et pour lesquelles il prétend avoir payé le coût2776. De même, le contrat doit être déclaré nul de nullité absolue lorsqu’une entreprise cherche par le recours à ce type de contrats l’obtention de façon détournée des subventions provenant des fonds publics2777.

1904. Il est également illégal et nul de nullité absolue, le contrat de vente qui prévoit un paiement effectué en comptant dans le but d’éviter de payer des taxes et de soustraire ce revenu aux autorités fiscales2778.

1905. L’entente, qu’elle soit faite par écrit ou verbalement, est frappée d’une nullité absolue lorsqu’elle prévoit que l’entrepreneur en construction sera rémunéré en argent comptant et sans inclure la perception requise des taxes. Dans ce cas, le tribunal peut utiliser son pouvoir discrétionnaire non seulement pour refuser d’accorder la restitution des prestations2779, mais aussi pour traiter la demande de l’une des parties relatives à l’exécution du contrat. Il peut ainsi rejeter la demande du client d’obtenir des dommages-intérêts pour la mauvaise exécution des travaux lorsque l’évitement fiscal est un objectif du contrat convenu entre les parties, car cet objectif est contraire à l’ordre public2780. Il peut également rejeter la demande de l’entrepreneur visant l’obtention du solde du prix convenu.

1906. Est également nul l’acte dont l’objet est la cession d’une fausse créance dont une partie du prix a été obtenue par un stratagème frauduleux impliquant des factures et des avances d’actionnaires fictives. Dans ce dernier cas, l’objet de la prestation et la cause du contrat visent à éluder les lois fiscales, qui sont d’ordre public2781. À cet effet, il convient de rappeler qu’il puisse être difficile dans certains cas de distinguer l’objet de la prestation et la cause du contrat afin de déterminer lequel est contraire à l’ordre public, cela n’empêche pas que la nullité absolue soit accordée par le tribunal si l’un des deux s’avère prohibé ou contraire à l’ordre public.

1907. Enfin, il arrive que la cause du contrat soit valable, mais que celui-ci contienne une clause portant sur des prestations ayant un objet prohibé par la loi parce qu’il est contraire à l’ordre public. Dans ce cas, c’est l’article 1373 alinéa 2 C.c.Q. qui sanctionne cette contravention. Il en est ainsi lorsque les parties concluent un contrat, mais y introduisent une clause permettant à l’une ou aux deux parties de tirer un avantage fiscal ou de se soustraire au paiement de l’impôt par l’engagement de payer comptant un prix réduit, sans payer de taxes ou de l’impôt sur les revenus2782.

C. Effets de la nullité : restitution des prestations

1908. En principe, l’annulation du contrat doit donner lieu à la restitution des prestations par chaque partie en vertu de la règle édictée à l’article 1422 C.c.Q.2783. Cependant, l’article 1699 C.c.Q. permet exceptionnellement au tribunal de refuser d’accorder la restitution des prestations pour plusieurs motifs, notamment lorsqu’une telle prestation a pour effet d’accorder un avantage injuste à une partie. Ainsi, il sera possible que le contractant qui poursuivait une fin illégale demande la nullité du contrat et la restitution des prestations, afin d’obtenir un avantage indu2784.


Notes de bas de page

2716. Gooding c. Edlow Investment Corp., AZ-66021072, (1966) C.S. 436 ; Cameron c. Canadian Factors Corp. Ltd., 1970 CanLII 163 (CSC), AZ-71111016, (1971) R.C.S. 148 ; 1970 CanLII 163 (CSC), [1966] B.R. 921 ; Hecke c. Cie de Gestion Markoutaire Ltée, AZ-72111003, (1972) R.C.S. 22.

2717. Voir : J.-L. BAUDOUIN, « L’ordre public et les bonnes mœurs en droit privé », (1953) 13 R. du B. 381 ; A. PERREAULT, « Ordre public et bonnes mœurs », (1949) 9 R. du B. 1.

2718. Voir à cet effet nos commentaires généraux concernant les articles 1410-1413 C.c.Q.

2719. Garcia Transport Ltée c. Cie Trust Royal, 1990 CanLII 3439 (QC CA), AZ-90011390, J.E. 90-555, [1990] R.J.Q. 925 (C.A.) ; 1992 CanLII 70 (CSC), AZ-92111081, [1992] 2 R.C.S. 499 (C.S. Can.).

2720. Voir nos commentaires sur les articles 1420 et 1421 C.c.Q.

2721. St-Laurent c. Lapointe, [1950] B.R. 229 ; Caisse populaire de Scott c. Guillemette, [1962] B.R. 293. La renonciation à une disposition d’ordre public n’est valide que si elle est consentie après l’acquisition du droit, et non avant : Commission des normes du travail c. D. Bertrand et Fils inc., AZ-01031518, D.T.E. 2001T-992, J.E. 2001-1889 (C.Q.).

2722. Québec (Sous-ministre du Revenu) c. B. (A.-J.), 1997 CanLII 8322 (QC CS), REJB 1997-00825 ; Fortin c. Chrétien, 1998 CanLII 12628 (QC CA), AZ-99011089, J.E. 99-242, REJB 1998-09966 (C.A.).

2723. Voir à titre d’illustration : IMS Expert-conseil inc. c. Consultants VFP inc., AZ-50338738, 400-17-000518-031, (08-06-2005) (C.S.).

2724. Le droit au maintien dans les lieux est un droit protégé par l’ordre public de protection : 3377181 Canada inc. c. Sommereyns, AZ-01021586, J.E. 2001-1130 (C.S.) ; voir art. 1418 C.c.Q. et nos commentaires sur les articles 1416 et 1421 C.c.Q.

2725. El Roi, llc. c. Pousoulidis, AZ-50392386, 2006 QCCS 5093.

2726. Voir nos commentaires sur cet article.

2727. Vaillancourt c. Cliche, AZ-50311569, B.E. 2005BE-595 (C.Q.) ; St-Jules c. Roy, AZ-50428920, 2007 QCCS 1813.

2728. Mémoire sur le projet de loi 125, juillet 1991, art. 1407.

2729. Ibid.

2730. Voir l’article 8 C.c.Q.

2731. Voir : Roy c. Beaudouin, (1922) 33 B.R. 220.

2732. D. LLUELLES et B. MOORE, Droit des obligations, nos 1081-1082, p. 586.

2733. Méca-Fab inc. c. 2952-2356 Québec inc., AZ-50810338, 2011 QCCS 6447.

2734. Côté c. Stadacona Insurance Co., (1882) 6 R.C.S. 193 ; Association St-Jean-Baptiste de Montréal c. Brault, (1900) 30 R.C.S. 598 ; Montréal Investment and Realty Co. Ltd. c. Sarault, (1915) 24 B.R. 249 ; (1918) 57 R.C.S. 464 ; Turbide c. Tremblay, (1927) 65 C.S. 254 ; Langelier c. Demers, (1928) 66 C.S. 120 ; Cloutier c. Poirier, (1929) 35 R.L.n.s. 436 ; Gadbois c. Montréal Exhibition Co. Ltd., (1930) 36 R. de J. 478 ; Coutu c. Gauthier, (1933) 54 B.R. 183 ; Rodier c. Fabrique de la Paroisse de Ste-Hélène, (1944) B.R. 1 ; Marquis c. Promotion & Succès ltée, AZ-75031016, (1975) C.P. 125 ; Buissière c. Caron, AZ-77121030, (1977) R.P. 156 ; Béland c. Thibeault, AZ-98031064, J.E. 98-437, REJB 1997-08165 (C.Q.).

2735. Voir à titre d’illustration : Allard c. Socomar international (1995) inc., 2001 CanLII 25158 (QC CS), AZ-50083073, J.E. 2001-588 (C.S.) : dans cette affaire, l’acte de cession sur lequel était fondé la réclamation fut déclaré nul puisqu’il constituait un élément indissociable d’une opération frauduleuse de simulation mise au point pour créer des avances fictives et ainsi éluder les dispositions des lois fiscales.

2736. Ouellette c. Croteau, 2002 CanLII 32883 (QC CS), AZ-50114422, J.E. 2002-947 (C.S.).

2737. J. PINEAU, D. BURMAN et S. GAUDET, Théorie des obligations, nos 171-174, pp. 323-329.

2738. Nadeau c. Doyon, AZ-93031344, J.E. 93-1434, [1993] R.J.Q. 2267 (C.Q.) ; Dugal c. Villaume, AZ-96031321, J.E. 96-1566 (C.Q.) ; Boucher c. Landry, AZ-50268699, B.E. 2005BE-128 (C.Q.).

2739. Voir nos commentaires sur l’article 1699 C.c.Q. ; voir à titre d’illustration : Lacasse c. Jorge, AZ-50234381, B.E. 2004BE-654 (C.Q.).

2740. A.H. c. K.B., AZ-51775182, 2021 QCCA 1043.

2741. Il en sera ainsi notamment en cas de violation d’une disposition de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3 : Électrique Glaswerk inc. c. Axa Boréal Assurance inc., 2005 QCCA 942, AZ-50337163, J.E. 2005-1913, [2005] R.J.Q. 2518 (C.A.).

2742. Loi sur le Barreau, RLRQ, c. B-1.

2743. Fortin c. Chrétien, AZ-50098522, 2001 CSC 45, [2001] 2 R.C.S. 500 (C.S. Can.).

2744. V. KARIM, « L’ordre public en droit économique », dans Les Cahiers de Droit, vol. 40, n° 2, 1999.

2745. Sauvé c. Ville St-Laurent, [1956] B.R. 70 ; Tremblay c. Chartrand, [1957] B.R. 456 ; L’Espérance c. Dubreuil, [1969] R.L. 531 (C.P.).

2746. Voir : In re Réserves du Nord (1973) Ltée ; Biega c. Druker, AZ-82011037, [1982] C.A. 181, J.E. 82-213 (C.A.).

2747. Normand c. Holiday Magic Ltd., AZ-76021040, [1976] C.S. 116 ; St-Pierre c. Richard, AZ-85031200, J.E. 85-980 (C.P.) ; Nadeau c. Doyon, AZ-93031344, [1993] R.J.Q. 2267 (C.Q.).

2748. Pageau c. Lebel, [1958] C.S. 320 ; Castonguay c. Villemaire, [1959] C.S. 401 ; Cormier c. Tremblay, AZ-64021079, (1964) C.S. 518 ; Gagnon c. Faisfay Corporation Ltd., AZ-78033023, [1978] C.P. 158, J.E. 78-88 (C.P.) ; Cataford c. Moreau, 1978 CanLII 1920 (QC CS), AZ-78022312, [1978] C.S. 933, J.E. 78-548 (C.S.).

2749. Bock et Tétreau Inc. c. Corp. Eagle Lumber Ltée, 1993 CanLII 3882 (QC CA), AZ-93011600, J.E. 93-1041 (C.A.) ; Durand c. Drolet, 1993 CanLII 4058 (QC CA), AZ-93011804, J.E. 93-1493, [1994] R.L. 300 (C.A.).

2750. 2855-7346 Québec Inc. c. 2847-3254 Québec Inc., 1994 CanLII 3630 (QC CS), AZ-94021626, J.E. 94-1607, [1994] R.D.I. 601 (C.S.).

2751. Quebecor MediaPages c. Airapetian, AZ-51013942, J.E. 2013-1970, 2013EXP-3631, 2013 QCCQ 12770.

2752. Droit de la famille — 192615, 2019 QCCS 5514, AZ-51654833.

2753. Adoption — 1445, AZ-51080725, 2014 QCCA 1162.

2754. Droit de la famille — 215, AZ-51734275 2021 QCCS 25 ; Requête pour permission d’appeler est rejetée, Droit de la famille — 21263, AZ-51748601, 2021 QCCA 368.

2755. Adoption — 1445, AZ-51080725, 2014 QCCA 1162 ; Adoption — 1631, AZ-51308225, 2016 QCCQ 6872 ; contra : Adoption — 1549, AZ-51194625, 2015 QCCQ 7955.

2756. Adoption — 161, AZ-51244745, J.E. 2016-146, 2016EXP-314, 2016 QCCA 16.

2757. Adoption — 1445, AZ-51080725, 2014 QCCA 1162.

2758. Adoption — 1445, AZ-51080725, 2014 QCCA 1162 ; Adoption — 1631, AZ-51308225, 2016 QCCQ 6872 ; contra : Adoption — 1549, AZ-51194625, 2015 QCCQ 7955 ; Adoption — 16199, AZ-51319654, 2016 QCCQ 8951.

2759. Adoption — 1631, AZ-51308225, 2016 QCCQ 6872.

2760. Adoption — 1874, AZ-51478883, 2018 QCCQ 1694.

2761. Adoption — 161, AZ-51244745, J.E. 2016-146, 2016EXP-314, 2016 QCCA 16.

2762. Ibid.

2763. Voir nos commentaires sur les articles 1410 à 1413 C.c.Q. et une abondante jurisprudence relative à la nullité des ententes dont la cause est contraire à l’ordre public.

2764. Deslongchamps c. Fortin, AZ-97036427, B.E. 97BE-721 ; Allard c. Socomar International (1995) inc., 2001 CanLII 25158 (QC CS), AZ-50083073, J.E. 2001-588 ; 9268-4042 Quebec inc. c. 9301-0163 Quebec inc., AZ-51504992, 2018 QCCS 2668.

2765. Lafrance c. Carter, AZ-51461502, 2018 QCCQ 198.

2766. Godler c. Bélanger, AZ-50308652, B.E. 2005BE-509 (C.S.) ; Maluorni c. Izzo, AZ-50732529, 2011EXP-1155, 2011 QCCQ 1950, [2011] R.L. 8. Voir aussi : Girouard c. Toitures Yves Daigneault inc., AZ-50809192, 2011 QCCQ 14844.

2767. Distribution Chauffage solaire inc. c. Desroches, AZ-51315272, 2016 QCCQ 8178.

2768. Dion c. Deschênes, AZ-51018132, 2013 QCCQ 13434.

2769. Cauchon c. Mailhot, AZ-50928506, 2012 QCCQ 16082.

2770. Deslongchamps c. Fortin, AZ-97036427, B.E. 97BE-721 ; Riccio c. Di Raddo, AZ-50663694, 2010 QCCQ 6889.

2771. Lafrance c. Carter, AZ-51461502, 2018EXP-566, 2018 QCCQ 198 ; Peter c. Fiasche, 2000 CanLII 18426 (QC CS), AZ-01021007, J.E. 2001-101 ; Favreau c. Cusson, AZ-51533924, 2018EXP-2953, 2018 QCCQ 7105 ; Sperandio c. 3095-9571 Québec inc. (Construction Melcon), 2005 CanLII 22056 (QC CS), AZ-50319394, B.E. 2005BE-1127.

2772. Peter c. Fiasche, 2000 CanLII 18426 (QC CS), AZ-01021007, J.E. 2001-101.

2773. Favreau c. Cusson, AZ-51533924, 2018 QCCQ 7105.

2774. Sperandio c. 3095-9571 Québec inc. (Construction Melcon), 2005 CanLII 22056 (QC CS), AZ-50319394, B.E. 2005BE-1127.

2775. St-Pierre c. Faubert, AZ-51276509, 2016 QCCQ 2175.

2776. Amiante SPEC inc. c. R, AZ-50557112, 2009 CAF 139.

2777. Rebuts de l’Outaouais inc. c. Roy, AZ-51465625, 2018 QCCQ 424.

2778. Riccio c. Di Raddo, AZ-50663694, 2010 QCCQ 6889.

2779. Riccio c. Di Raddo, AZ-50663694, 2010 QCCQ 6889 ; Maluorni c. Izzo, AZ50732529, 2011 QCCQ 1950, [2011] R.L. 8 ; contra, voir : Dion c. Soucy, 2012 QCCQ 3084.

2780. Cauchon c. Mailhot, AZ-50928506, 2012 QCCQ 16082.

2781. Allard c. Socomar International (1995) inc., 2001 CanLII 25158 (QC CS), AZ-50083073, J.E. 2001-588.

2782. Deslongchamps c. Fortin, AZ-97036427, B.E. 97BE-721 ; Lafrance c. Carter, AZ-51461502, 2018 QCCQ 198.

2783. El Roi, llc. c. Pousoulidis, AZ-50392386, 2006 QCCS 5093.

2784. Voir : Desrochers c. Gauthier, AZ-50298916, B.E. 2005BE-343 (C.Q.) ; J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, Les obligations, n° 368, pp. 450-451.

Wilson et Lafleur

La diffusion de l'ouvrage Les obligations, vol. 1 de Vincent Karim, et publié par Wilson et Lafleur, est rendue possible grâce à une licence accordée au CAIJ par Wilson et Lafleur.

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Législation citée (Québec et CSC)  
Lancer une requête de législation citée, pour l'article, en
 
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Concordances  
 
 
  • Code civil du Bas Canada : art. 989, 990
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Commentaires du ministre de la Justice  
 
Article 1411 (LQ 1991, c. 64)
Est nul le contrat dont la cause est prohibée par la loi ou contraire à l'ordre public.
Article 1411 (SQ 1991, c. 64)
A contract whose cause is prohibited by law or contrary to public order is null.
Sources
C.C.B.C. : articles 989, 990
O.R.C.C. : L. V, article 8 al.2 et 3
Commentaires

Cet article complète le précédent en sanctionnant de nullité tout engagement ayant à sa base des motifs ou des résultats recherchés illégaux, illicites ou immoraux.


Conforme au droit antérieur, il reprend sensiblement l'énoncé de la première phrase de l'article 989 C.C.B.C., de même que celui de l'article 990 du même code. Avec l'article 1410 qui précède, cet article est le complément du second alinéa de l'article 1385; il doit se lire également à la lumière des articles 1416 à 1421.


Extrait de : Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice - Le Code civil du Québec , t. 1, Québec, Les Publications du Québec, 1993.
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Débats parlementaires et positions  
 
 

1.  Code civil du Québec, LQ 1991, c. 64, a. 1411

 
Référence à la présentation : Projet de loi 125, 1re sess, 34e lég, Québec, 1990, a. 1407.
 
Étude détaillée dans le Journal des débats :
 
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Les lois du Québec sont reproduites avec l'autorisation de l'Éditeur officiel du Québec.
Les Code civil du Bas Canada et Code civil du Québec (1980) sont reproduits avec l'autorisation de Wilson et Lafleur.