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Code civil du Québec
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 [Collapse]TITRE PREMIER : DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL
  [Expand]CHAPITRE I - DISPOSITIONS GÉNÉRALES
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   [Expand]SECTION I - DISPOSITION GÉNÉRALE
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   [Expand]SECTION III - DE LA FORMATION DU CONTRAT
   [Expand]SECTION IV - DE L’INTERPRÉTATION DU CONTRAT
   [Collapse]SECTION V - DES EFFETS DU CONTRAT
    [Expand]§1. Des effets du contrat entre les parties
    [Expand]§2. Des effets du contrat à l’égard des tiers
    [Collapse]§3. Des effets particuliers à certains contrats
     [Collapse]I - Du transfert de droits réels
       a. 1453
       a. 1454
       a. 1455
     [Expand]II - Des fruits et revenus et des risques du bien
  [Expand]CHAPITRE III - DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE
  [Expand]CHAPITRE IV - DE CERTAINES AUTRES SOURCES DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE V - DES MODALITÉS DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VI - DE L’EXÉCUTION DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VII - DE LA TRANSMISSION ET DES MUTATIONS DE L’OBLIGATION
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 DISPOSITIONS FINALES
 
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Article 1455

 
Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991
 
Livre CINQUIÈME : DES OBLIGATIONS \ Titre PREMIER : DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL \ Chapitre DEUXIÈME - DU CONTRAT \ Section V - DES EFFETS DU CONTRAT \ 3. Des effets particuliers à certains contrats \ I - Du transfert de droits réels
 
 

À jour au 8 juin 2024
Article 1455
Le transfert d’un droit réel portant sur un bien immeuble n’est opposable aux tiers que suivant les règles relatives à la publicité des droits.
1991, c. 64, a. 1455
Article 1455
The transfer of a real right in immovable property may not be set up against third persons except in accordance with the rules concerning the publication of rights.
1991, c. 64, s. 1455; I.N. 2014-05-01

Annotations
Code civil du Québec annoté (2023) par Jean-Louis Baudouin et Yvon Renaud (mise à jour no. 7)Information
FermerExtraits de : Baudouin, Jean-Louis et Renaud, Yvon, Code civil du Québec annoté, 26e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2023 (version intégrale dans eDOCTRINE).

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Les obligations (2024), vol. 1, par Vincent KarimInformation
FermerExtraits de : Karim, Vincent, Les obligations, vol. 1, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2024 (version intégrale dans eDOCTRINE).

La recherche en jurisprudence est à jour au 1er mars 2024.
ANNOTATIONS
1. Notions et portée de la règle

3143. Cet article4507 confirme l’application des règles de la publicité des droits en matière immobilière lors du transfert d’un droit réel portant sur un bien immeuble. Ainsi, dans le cas de l’aliénation successive d’un immeuble à des personnes différentes, le titulaire du droit réel sur l’immeuble est la personne qui a fait publier son titre en premier. Cette réserve concernant la publicité des droits en matière immobilière s’applique au transfert de tout droit réel immobilier.

3144. Ce sont les dispositions contenues au livre De la publication des droits qui dictent que les parties doivent passer un acte conforme aux exigences imposées par les règles régissant la publicité foncière4508. Cette exigence ne change cependant rien au fait que le transfert du droit de propriété ait lieu entre les parties contractantes lors de l’échange de consentements4509. Ce n’est qu’au niveau de l’opposabilité du transfert du droit de propriété aux tiers que cette exigence joue un rôle4510.

3145. Ainsi, entre les parties au contrat, le droit de propriété sur un immeuble se transmet par le simple échange de consentements, mais ce n’est qu’après sa publication au registre de la publicité foncière approprié que ce transfert produira ses effets à l’égard des tiers (art. 2941 C.c.Q.)4511. Ainsi, l’acquisition d’un droit par une personne de bonne foi n’a pas pour effet de la dispenser de la nécessité de la publication de ce droit afin de le rendre opposable aux tiers4512. Cette exigence a pour but d’assurer la stabilité et la sécurité des transactions immobilières. D’ailleurs, le législateur a introduit au Livre de la publication des droits certaines règles particulières qui dérogent aux règles de droit commun régissant le transfert des droits réels en raison de l’importance des transactions immobilières et leurs conséquences économiques sur le patrimoine des parties contractantes, de même que sur les droits des tiers ont justifié l’adoption de ces règles particulières.

3146. C’est pour cette raison que le législateur a voulu donner préséance au respect et à l’observation des formalités en matière de publicité sur la règle de bonne ou de mauvaise foi en matière contractuelle. Il n’est pas inutile de rappeler, à cet égard, que l’acquéreur subséquent d’un droit réel immobilier, même s’il était de mauvaise foi, a préséance sur un acquéreur antérieur de bonne foi qui a fait défaut de publier son droit ou qui l’a publié postérieurement à ce dernier.

3147. L’acquéreur mis en possession de l’immeuble ne détient pas un titre de propriété opposable aux tiers par le seul effet de la possession. Pour que son titre de propriété soit opposable, il doit faire l’objet d’une inscription au registre foncier de l’immeuble selon les formalités requises par la loi. Le défaut d’une telle publicité ne met pas en cause la validité du contrat de vente qui lie toujours les parties contractantes, mais rend les droits réels acquis par l’acheteur inopposables aux tiers. Le vendeur qui manque à son obligation de procurer à l’acheteur un titre de propriété libre de tous droits, tel que requis par l’article 1723 C.c.Q., en raison de la conclusion d’une vente subséquente ou d’une hypothèque avec une tierce personne, engage sa responsabilité envers l’acheteur. Ce dernier peut alors obtenir de son vendeur une compensation pour les pertes et les dommages subis à cause de son défaut de garantir un bon titre de propriété.

3148. Il y a lieu de rappeler que l’inscription d’un acte de vente au registre approprié est une formalité essentielle à sa publicité4513. Le dépôt du contrat de vente au bureau de la publicité foncière ne suffit pas pour le rendre opposable à un tiers acquéreur d’un droit réel sur le même immeuble4514.

3149. L’article 2943 C.c.Q.4515 met en place une présomption simple de connaissance des droits inscrits aux registres de la publicité des droits à l’égard de l’acquéreur d’un bien ou de celui qui publie un droit sur le même bien. Le deuxième alinéa de cet article énonce également qu’une personne qui, en pareilles circonstances, s’est abstenue de consulter le registre approprié ne pourra repousser cette présomption de connaissance en invoquant sa bonne foi. Par cette disposition, le législateur impose ainsi à tout acquéreur d’un droit réel le devoir de consulter le registre approprié afin de se renseigner sur les droits qui y sont inscrits4516. Ainsi, l’acheteur d’un immeuble qui n’est pas en mesure de repousser cette présomption ne peut pas tenir le vendeur responsable des droits inscrits au registre de l’immeuble en vertu de la garantie prévue aux articles 1721 et suivants C.c.Q., à moins de faire la preuve que son ignorance de ces droits est due à la mauvaise foi du vendeur ou à une faute qu’il a commise lors de la vente.

3150. Par ailleurs, la règle prévue à l’article 2944 C.c.Q. est à l’effet que l’inscription d’un droit réel immobilier au registre foncier emporte, à l’égard de tous, son existence présumée. Il s’agit cependant d’une présomption simple réfragable qui peut, aux termes de l’article 2847 C.c.Q., être repoussée par une preuve probante. Selon l’article 2944 C.c.Q., pour être de bonne foi et avoir un titre de propriété immobilier opposable aux tiers, l’acquéreur n’est tenu qu’à une connaissance des droits qui sont déjà publiés au registre foncier approprié. Par conséquent, toute connaissance d’une vente d’un immeuble ou tout autre droit réel affectant un immeuble ne fait pas de l’acquéreur un acquéreur de mauvaise foi, dans la mesure où cette vente ou le droit réel n’a fait l’objet d’aucune inscription au registre de l’immeuble. L’acquéreur d’un droit réel immobilier publié peut se fonder, de bonne foi, sur les inscriptions du registre foncier pour avoir un titre opposable aux tiers. De plus, le régime de la publicité est fondé sur l’inscription des droits et non pas sur l’enregistrement des documents. Le tiers de bonne foi peut donc s’en remettre aux inscriptions du registre sans avoir à consulter des pièces justificatives.

3151. Bien que ces règles affectent la moralité contractuelle et mettent en question le concept de bonne foi introduit dans le Code civil du Québec4517, il semble que le législateur ait créé une catégorie particulière d’acquéreur de bonne ou de mauvaise foi en introduisant ces règles en matière de publicité. Cette dérogation imposée peut se justifier par la stabilité et la sécurité des transactions immobilières qui semblent avoir été non seulement un but, mais également un guide pour le législateur lors de la codification.

3152. La règle établie à l’article 2963 C.c.Q. confirme également que la connaissance acquise d’un droit non publié ne supplée jamais au défaut de publicité4518. Il semble donc que la simple connaissance d’un acte de vente non publié ne peut préjudicier un droit de propriété établi dans un acte de vente publié conformément aux règles prévues aux articles 2938 et suivants C.c.Q. Rappelons à cet effet que la règle prévue à l’article 2941 al. 1 C.c.Q. stipule que la publicité des droits les rend opposables aux tiers lorsque la loi le prévoit et leur donne effet. Par conséquent, l’opposabilité des droits publiés vise à la fois la protection des contractants et celle des tiers en mettant à leur disposition les informations pertinentes relativement au bien affecté par ces droits4519.

3153. Par l’adoption des articles 1455 et 2941 al. 1 C.c.Q. en matière de transfert de droits réels immobiliers, le législateur, contrairement à la règle applicable en matière de vente mobilière prévue à l’article 1454 C.c.Q., ne fait pas de la bonne foi une condition à l’opposabilité d’un titre de propriété dûment publié. En effet, aucune distinction n’est faite à l’article 1455 C.c.Q. entre un acquéreur d’un droit réel de bonne foi de celui de mauvaise foi. La lecture de cet article, conjointement avec les dispositions prévues aux articles 2941 al. 1 et 2963 C.c.Q., laisse entendre en effet que la connaissance par un acquéreur subséquent d’une vente antérieure non publiée ne peut avoir pour effet d’annuler les effets de la publicité et ainsi rendre l’acte de vente publié sans effet et inopposable à l’acquéreur antérieur du même immeuble.

3154. Le législateur ayant fait de l’opposabilité un objectif fondamental de la publicité, il est impensable de croire qu’une simple connaissance d’un droit existant mais non publié puisse affecter les effets de la publicité. En décider autrement revient à mettre en question l’objectif que le législateur a voulu réaliser en édictant les règles en matière de publicité. La sanction qui doit être imposée à un acquéreur subséquent, de mauvaise foi, et qui a complété toutes les formalités de la publicité relatives à son titre, ne peut être qu’une condamnation en dommages-intérêts.

3155. Ce raisonnement trouve également son fondement dans d’autres dispositions législatives. Ainsi, l’article 1397 C.c.Q. prévoit que le contrat fait en violation d’une promesse de contracter est opposable au bénéficiaire de la promesse, même si le cocontractant du promettant-vendeur est de mauvaise foi, et limite les recours du bénéficiaire de la promesse non respectée à un recours en dommages-intérêts. La preuve de la connaissance de la promesse de contracter par le tiers serait alors suffisante pour démontrer sa mauvaise foi et permettre à ce bénéficiaire, dont la promesse n’a pas été respectée d’obtenir des dommages-intérêts.

3156. Enfin, l’article 72(1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité prévoit une exception à son application lorsqu’elle est incompatible avec les règles de droit commun, telles que les dispositions relatives au droit de propriété et aux règles de publicité. Ainsi, l’article 1455 C.c.Q. s’applique à tout bien immeuble qui se situe au Québec, même après la faillite de son propriétaire4520. En d’autres mots, le fait que la faillite de la personne soit régie par la Loi sur la faillite et l’insolvabilité ne met pas fin à l’application des règles régissant les droits relatifs à un immeuble, lesquelles doivent toujours avoir préséance.

2. Exceptions à la règle

3157. Que se passe-t-il en présence d’une offre de vente acceptée ou encore en présence d’une vente qui n’a pas été publiée ? Doit-on alors adopter le même raisonnement et permettre à l’acquéreur subséquent de rendre son titre opposable à l’acquéreur antérieur malgré sa connaissance réelle ou présumée du droit de ce dernier ? La réponse à cette question dépendra de la nature et de l’étendue de la preuve soumise relativement aux faits et aux circonstances qui ont entouré la vente subséquente ainsi que de son inscription au registre de la publicité approprié.

3158. Le tribunal ne doit pas tolérer une complicité entre le vendeur et un acquéreur subséquent. Il faut distinguer, à cet égard, la connaissance de la mauvaise foi de l’acquéreur subséquent4521 qui, malgré sa connaissance d’une vente antérieure conclue entre son vendeur et un premier acquéreur, décide intentionnellement et délibérément de conclure un contrat de vente avec le même vendeur et de faire échec à la première vente et d’en empêcher la publicité. L’ignorance ou l’inexpérience ne peut être en ce sens synonyme de mauvaise foi4522. L’intention de la personne sera véritablement un facteur déterminant de la mauvaise foi4523. De plus, les circonstances ayant entouré la deuxième vente peuvent être un facteur qui s’ajoute à la connaissance de la vente antérieure pour conclure que la preuve est suffisante pour repousser la présomption de bonne foi de l’acquéreur subséquent4524.

3159. C’est dans une telle perspective que l’on peut affirmer que les règles qui établissent les effets de la publicité des droits ne cherchent pas à enlever toute protection du premier acquéreur qui aurait été victime d’une collusion entre son vendeur et un acquéreur subséquent qui connaissait l’existence de la première vente. Il nous semble que l’acquéreur subséquent de mauvaise foi ne peut opposer son titre en se fondant sur l’inscription du droit de propriété de son vendeur, tout en sachant que ce droit n’existait plus en raison d’une vente antérieure. Celui-ci se trouve alors acquéreur d’un bien dont le vendeur n’était plus le véritable propriétaire et qui a procédé conséquemment à la vente du bien d’autrui4525. C’est le cas aussi lorsqu’un vendeur prend avantage du fait que l’acte de vente d’un immeuble n’est pas encore publié pour consentir à une servitude de passage sur ce même immeuble, au bénéfice d’un tiers4526. L’acquéreur de l’immeuble peut alors demander la radiation de cette servitude puisqu’elle a été consentie par une personne qui n’était plus la propriétaire.

3160. D’ailleurs, l’article 2944 C.c.Q. est à l’effet que l’inscription d’un droit sur le registre des droits personnels et réels mobiliers ou encore sur le registre foncier emporte présomption simple, à l’égard de tous, de l’existence de ce droit. Cette présomption étant simple4527, le premier acquéreur pourra la repousser en établissant en preuve, non seulement la connaissance de l’existence de la vente antérieure par l’acquéreur subséquent, mais également la collusion entre ce dernier et le vendeur au moment de la vente subséquente. Il ne sera alors pas nécessaire que la preuve démontre l’existence d’une fraude. Il suffira que la preuve révèle une certaine complicité ou encore une collusion entre le vendeur et l’acquéreur subséquent, dont le but était d’empêcher l’inscription du titre de propriété du premier acquéreur et de priver, conséquemment, la vente antérieure de ses effets. Une telle preuve pourra justifier l’annulation de la vente publiée par l’acquéreur subséquent et donner la possibilité pour le premier acquéreur de revendiquer le bien en publiant son titre de propriété4528.

A. Opposabilité des droits publiés envers l’acheteur

3161. Il est important de noter que, dans le cadre d’un contrat de vente, il ne sera pas nécessaire que le vendeur déclare les droits publiés préalablement à la vente puisque l’acheteur est présumé ou réputé les connaître (art. 2943 C.c.Q.). Cette présomption de connaissance fera ainsi échec à la garantie du droit de propriété retrouvée à l’article 1723 C.c.Q. Cependant, si le droit affectant l’immeuble a été publié avant son immatriculation, ou s’il est sans immatriculation4529, l’acheteur pourra invoquer la garantie du droit de propriété s’il parvient à repousser la présomption de connaissance des droits publiés4530. Il en va de même lorsqu’un propriétaire subdivise un lot qui a fait l’objet de l’inscription d’un droit, mais qu’à la suite de la création des nouveaux lots issus de la subdivision, il s’est limité à inscrire sur le registre de chacune d’elles une simple référence aux droits publiés dans l’ancien registre.

B. Le cas de la prescription acquisitive

3162. La prescription acquisitive est un moyen d’acquérir le droit de propriété par la possession matérielle d’un bien appartenant à autrui, à condition que le possesseur se comporte comme le véritable propriétaire. L’intention d’agir ainsi est présumée dès lors que la personne a le bien en sa possession (art. 921 C.c.Q.). La possession doit être paisible, continue, publique et non équivoque pour produire ses effets (art. 922 C.c.Q.). Dans le cas du possesseur de bonne foi qui détient un bien meuble, le délai de la prescription acquisitive est de trois ans à compter de la dépossession du propriétaire (art. 2917 et 2919 C.c.Q.). Le délai est de 10 ans pour les biens immobiliers, ou pour les biens mobiliers dont le possesseur est de mauvaise foi. La bonne ou la mauvaise foi du possesseur d’un bien immobilier n’est pas pertinente pour que la prescription acquisitive produise ses effets (art. 2918 C.c.Q.)4531. Cela va de soi, puisque les immeubles étant tous publiés, ou presque, au registre foncier, le possesseur d’un bien immeuble est présumé connaître l’existence de cette publicité en vertu de l’article 2943 C.c.Q. Tout possesseur d’un bien immeuble est ainsi de mauvaise foi, détenant le bien et se comportant comme le propriétaire de celui-ci malgré sa publication. La mauvaise foi n’altère cependant pas le bénéfice de la prescription acquisitive, et permet au possesseur d’acquérir le bien à la suite de l’écoulement du délai.

3163. Pour que le possesseur d’un immeuble s’en voie attribuer le droit de propriété, il doit effectuer une demande en justice et obtenir un jugement qui le déclare propriétaire (art. 2918 C.c.Q.). La Cour suprême a décidé que le jugement rendu à la demande du possesseur du bien est déclaratoire et non attributif du droit de propriété. En effet, ce jugement vise à reconnaître les droits préexistants du possesseur, et non pas à les créer. Il faut ainsi noter que la prescription acquisitive a effet peu importe si le droit de propriété du bien détenu par le possesseur est publié dans un registre, comme le prévoit l’article 2957 C.c.Q., qui stipule que la publicité n’interrompt pas le cours de la prescription. Ainsi, un immeuble détenu durant dix années consécutives par une personne autre que le propriétaire, mais qui se comporte comme le propriétaire du bien, deviendra la propriété de ce possesseur à la fin de ce délai et à condition d’obtenir un jugement déclaratoire portant sur son droit de propriété, et ce, sans égard à la date à laquelle le droit de propriété éteint par la prescription fut publié au registre foncier4532.

3164. Il importe de noter que la prescription acquisitive d’un droit de propriété peut avoir pour objet l’immeuble entier ou une partie de celui-ci. C’est le cas lorsque la personne utilise seulement une partie d’un terrain ouvertement et publiquement pendant au moins 10 ans sans aucune opposition de la part du véritable propriétaire. Ainsi, un propriétaire d’un terrain qui empiète sur le terrain de son voisin en utilisant un emplacement de stationnement de ce dernier aux vues et aux sues de tous, de façon continue, durant plus de 10 ans se verra accorder le droit de propriété de cet emplacement4533.

3165. La prescription acquisitive produit ses effets à l’encontre de l’acquéreur de l’immeuble, de sorte que la partie du délai de prescription déjà écoulée avant cette acquisition se comptabilise toujours, et le délai de 10 ans continue son cours pour le reste. En d’autres mots, l’acquéreur d’un immeuble doit subir les effets de la prescription déjà produits à l’encontre de son prédécesseur, de sorte que le délai ne sera pas interrompu ou suspendu, et continue à courir à l’encontre du nouveau propriétaire de l’immeuble.


Notes de bas de page

4507. Cet article reprend la réserve du premier alinéa de l’article 1027 C.c.B.-C.

4508. Cette exigence de l’acte notarié dans tous les cas de vente d’immeubles constitue la pratique générale et évite ainsi les incertitudes et les contestations. Voir à cet effet : Raymond de Rosa Inc. c. Dupuis, [1958] B.R. 94 ; Léo Perrault c. Blouin, [1959] B.R. 764 ; Benoit c. Alie, [1960] C.S. 39 ; Lynch c. Bouchard et al., [1960] C.S. 384.

4509. Voir nos commentaires sur l’article 1453 C.c.Q. Il y a cependant une exception : dans un contrat de courtage immobilier, le transfert de propriété est reporté au moment de la conclusion de l’acte de vente : Amiska corp. c. Bellerive, 2001 CanLII 27963 (QC CA), AZ-50098257, J.E. 2001-1382, [2001] R.J.Q. 1495, [2001] R.D.I. 406 (C.A.).

4510. Voir les articles 2938, 2941 al. 1, 2943, 2944, 2962 et 2963 C.c.Q. Dans Québec (Procureur général) c. Péloquin, 1999 CanLII 11564 (QC CS), AZ-99021765, J.E. 99-1537, REJB 1999-14150 (C.S.), un contrat verbal sui generis, accordant un droit de superficie, n’ayant pas été publié au bureau de la publicité des droits, fut jugé inopposable au tiers acquéreur dont les droits furent enregistrés.

4511. Chaput c. Hébert, (1932) 53 B.R. 47 : c’est le contrat qui est créateur de droits entre les parties. Leur publicité n’a pour finalité que la protection des tiers acquéreurs et des créanciers ; voir également Banque Canadienne Nationale c. Lachance, (1933) 54 B.R. 344 ; Beauregard c. Place Primevère Inc., AZ-50297146, 2005 QCCA 156.

4512. Grenier c. Dumas, 2024 QCCS 398, AZ-52003499.

4513. La seule réquisition d’inscription au bureau de la publicité des droits ne saurait valoir publicité, aux termes de l’article 2934 C.c.Q. ; la publicité des droits résulte de l’inscription véritable de ceux-ci aux registres ; voir : D.-C. LAMONTAGNE et P. DUCHAINE, La publicité des droits, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2004.

4514. Voir : Lépine c. Caisse populaire Ste-Thérèse de Blainville, AZ-86021374, J.E. 86-811, [1986] R.J.Q. 2107, [1986] R.D.I. 492 (C.S.) ; Cyr c. Brossard, 1993 CanLII 4240 (QC CA), AZ-93011981, J.E. 93-1840, [1993] R.D.I. 576 (C.A.) ; Simard-Frounfelker c. Rogers-McClary, 1993 CanLII 4371 (QC CA), AZ-94011098, J.E. 94-83, [1994] R.J.Q. 37, [1994] R.D.I. 22 (C.A.).

4515. Modification législative adoptée le 5 décembre 2000 et entrée en vigueur le 9 octobre 2001 par l’article 13 de la Loi modifiant le Code civil et autres dispositions législatives relativement à la publicité foncière, L.Q. 2000, c. 42.

4516. 9305823 Canada inc. c. Yadong, 2023 QCCQ 10590, AZ-51996181.

4517. Voir les articles 6, 7 et 1375 C.c.Q.

4518. Léveillé c. Caisse populaire Desjardins de Ste-Anne-des-Plaines, AZ-94021264, J.E. 94-713, [1994] R.D.I. 255 (C.S.) : sans un écrit dûment publié, un droit de superficie conventionnel ne peut être opposé à un tiers dont les droits sont enregistrés, bien qu’il en ait une connaissance acquise.

4519. R.R. et Guérard, AZ-50740029, 2011 QCCS 1562.

4520. Bédard (Syndic de), 1999 CanLII 11564 (QC CS), AZ-50317704, J.E. 99-1537, REJB 1999-14150.

4521. Voir : Masella c. Nettoyeur Eden inc., AZ-93011318, J.E. 93-560, [1993] R.J.Q. 1703 (C.A.) : « La mauvaise foi est plus qu’une simple faute ou négligence. Elle emporte, en principe, la connaissance effective de la réalité » ; voir aussi : V. KARIM, « Preuve et présomption de bonne foi », (1995-96) 26 R.D.U.S. 429, p. 437.

4522. Voir Morgan, Ostiguy & Hudon Ltée c. Sun Life Assurance Co. of Canada, AZ-75011134, [1975] C.A. 473.

4523. Voir : Zappa c. Gagnon, (1938) 64 B.R. 433 ; Les entreprises Jean M. Saurette c. Marois, AZ-75021024, [1975] C.S. 91.

4524. Voir : Tardif c. Fortier, AZ-50303655, [1946] B.R. 356 ; V. KARIM, « Preuve et présomption de bonne foi », (1995-96) 26 R.D.U.S. 429, p. 435 ; Grenier c. Dumas, 2024 QCCS 398, AZ-52003499.

4525. Voir art. 1713 C.c.Q.

4526. Blanchette c. Perron, 2014 QCCS 4426, AZ-51109810 ; Grenier c. Dumas, 2024 QCCS 398, AZ-52003499.

4527. Voir art. 2847 C.c.Q.

4528. Le premier acquéreur peut intenter une action en nullité de la vente ainsi qu’une action en revendication du bien, conformément aux articles 1713 et 1714 C.c.Q.

4529. Un immeuble sans immatriculation peut être situé sur une zone non cadastrée, ou être cadastré et porté sur l’index des immeubles ; voir à ce sujet Guité c. Laurin, AZ-51381837, 2017 QCCQ 2930.

4530. Guité c. Laurin, AZ-51381837, 2017 QCCQ 2930.

4531. Dupuy c. Gauthier, AZ-50961398, 2013 QCCA 774 ; Dion c. Ouellet-Latulippe, AZ-50514037, 2008 QCCA 1812.

4532. Ostiguy c. Allie, AZ-51380813, 2017 CSC 22.

4533. Ibid.

Wilson et Lafleur

La diffusion de l'ouvrage Les obligations, vol. 1 de Vincent Karim, et publié par Wilson et Lafleur, est rendue possible grâce à une licence accordée au CAIJ par Wilson et Lafleur.

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Législation citée (Québec et CSC)  
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Concordances  
 
 
  • Code civil du Bas Canada : art. 1027 al. 1, 1472 al. 2 (2098)
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Commentaires du ministre de la Justice  
 
Article 1455 (LQ 1991, c. 64)
Le transfert d'un droit réel portant sur un bien immeuble n'est opposable aux tiers que suivant les règles relatives à la publicité des droits
Article 1455 (SQ 1991, c. 64)
The transfer of a real right in an immovable property may not be set up against third persons except in accordance with the rules concerning the publication of rights.
Sources
C.C.B.C. : articles 1027 al.1, 1472 al.2 (2098)
O.R.C.C. : L. V, articles 77, 390 al.2, 481 al.2
Commentaires

Cet article reprend, en étendant son application au transfert de tout droit réel, la réserve énoncée dans le premier alinéa de l'article 1027 C.C.B.C. sur les règles relatives à la publicité des droits, en matière immobilière. Cette réserve, qui trouve son application première en cas d'aliénation successive d'un immeuble à deux personnes différentes, permet alors d'attribuer définitivement le droit réel à la personne qui, la première, aura fait publier son titre.


Extrait de : Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice - Le Code civil du Québec , t. 1, Québec, Les Publications du Québec, 1993.
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Débats parlementaires et positions  
 
 

1.  Code civil du Québec, LQ 1991, c. 64, a. 1455

 
Référence à la présentation : Projet de loi 125, 1re sess, 34e lég, Québec, 1990, a. 1451.
 
Étude détaillée dans le Journal des débats :
 
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Les lois du Québec sont reproduites avec l'autorisation de l'Éditeur officiel du Québec.
Les Code civil du Bas Canada et Code civil du Québec (1980) sont reproduits avec l'autorisation de Wilson et Lafleur.