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Code civil du Québec
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  [Collapse]CHAPITRE VII - DE LA TRANSMISSION ET DES MUTATIONS DE L’OBLIGATION
   [Expand]SECTION I - DE LA CESSION DE CRÉANCE
   [Collapse]SECTION II - DE LA SUBROGATION
     a. 1651
     a. 1652
     a. 1653
     a. 1654
     a. 1655
     a. 1656
     a. 1657
     a. 1658
     a. 1659
   [Expand]SECTION III - DE LA NOVATION
   [Expand]SECTION IV - DE LA DÉLÉGATION
  [Expand]CHAPITRE VIII - DE L’EXTINCTION DE L’OBLIGATION
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 DISPOSITIONS FINALES
 
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Article 1655

 
Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991
 
Livre CINQUIÈME : DES OBLIGATIONS \ Titre PREMIER : DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL \ Chapitre SEPTIÈME - DE LA TRANSMISSION ET DES MUTATIONS DE L’OBLIGATION \ Section II - DE LA SUBROGATION
 
 

À jour au 8 juin 2024
Article 1655
La subrogation consentie par le débiteur ne peut l’être qu’au profit de son prêteur et elle s’opère sans le consentement du créancier.
Il faut, pour que cette subrogation soit valable, que l’acte de prêt et la quittance soient faits par acte notarié en minute ou par acte sous seing privé établi en présence de deux témoins qui le signent. En outre, il doit être déclaré, dans l’acte de prêt, que l’emprunt est fait pour acquitter la dette, et, dans la quittance, que le paiement est fait à même l’emprunt.
1991, c. 64, a. 1655
Article 1655
Subrogation may not be made by a debtor in favour of anyone except his lender and it takes effect without the consent of the creditor.
In order for subrogation to be valid in this case, the loan instrument and the acquittance shall each be made in the form of a notarial act en minute or by a private writing drawn up before two witnesses who sign it. In addition, a statement shall be made in the loan instrument that the loan is granted for the purpose of paying the debt, and, in the acquittance, that the debt is paid out of the loan.
1991, c. 64, s. 1655

Annotations
Code civil du Québec annoté (2023) par Jean-Louis Baudouin et Yvon Renaud (mise à jour no. 7)Information
FermerExtraits de : Baudouin, Jean-Louis et Renaud, Yvon, Code civil du Québec annoté, 26e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2023 (version intégrale dans eDOCTRINE).

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Les obligations (2024), vol. 2, par Vincent KarimInformation
FermerExtraits de : Karim, Vincent, Les obligations, vol. 2, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2024 (version intégrale dans eDOCTRINE).

La recherche en jurisprudence est à jour au 1er mars 2024.
ANNOTATIONS
1. Notions générales
A. Évolution et portée de la règle

3618. Cet article reprend les règles prévues à l’article 1155 al. 2 C.c.B.-C. relatives à la nature et aux conditions strictes de fond et de forme requises pour la validité de la subrogation conventionnelle consentie par le débiteur.

3619. Dans un premier temps, l’article prévoit expressément que la subrogation conventionnelle consentie par le débiteur ne peut s’effectuer qu’au profit de son prêteur. Cette hypothèse exceptionnelle peut sembler étrange à première vue, puisque le débiteur dispose à son gré de droits qui appartiennent à son créancier. Son application ne doit pas être élargie, afin d’empêcher quiconque de trouver dans la disposition de l’article 1655 C.c.Q. un moyen de contourner l’application de l’article 1656 C.c.Q. en matière de subrogation légale lorsque les conditions ne peuvent être remplies. Ainsi, un avocat ayant droit à des honoraires professionnels ne peut invoquer l’article 1655 C.c.Q. et offrir au créancier hypothécaire de son client qui a déjà intenté une requête en délaissement, de payer sa créance, à la condition de consentir à une subrogation en sa faveur4795.

3620. Bien que cette règle ne s’explique que par des raisons historiques, elle a récemment eu un regain de faveur lorsque les taux d’intérêt ont subi des fluctuations rapides et diverses4796. Dans un contexte où la libre concurrence entre les institutions financières est omniprésente, ces fluctuations permirent en effet aux débiteurs de se débarrasser de leurs prêts lorsqu’ils portaient des intérêts à un taux élevé, pour profiter de nouveaux emprunts moins onéreux4797.

3621. Ainsi, le débiteur, qui convient avec un tiers que ce dernier sera subrogé dans les droits de son créancier, doit le faire au profit de son prêteur4798. Notons que cette subrogation ne nécessite pas le consentement du créancier.

3622. On doit toutefois se demander si une clause par laquelle le débiteur renonce à l’avance à ce droit au profit du créancier serait nulle et de nul effet4799. Une clause prévoyant le consentement préalable du premier prêteur à la subrogation est invalide, car une telle clause équivaudrait à une renonciation prématurée par le débiteur aux droits qui lui sont conférés par la loi, notamment à l’article 1655 C.c.Q. et à l’article 10(1) de la Loi sur l’intérêt4800.

3623. Se pose toutefois le problème de déterminer si une clause prévoyant un terme serait aussi invalide ; par conséquent, le débiteur serait en droit de subroger un autre prêteur dans le droit de son créancier originaire, alors que le terme est stipulé au bénéfice de ce dernier ou des deux parties. Ce problème a soulevé une controverse au sein de la jurisprudence. Certains jugements4801 ont considéré l’article 1155 al. 2 C.c.B.-C. comme étant d’ordre public et ayant pour effet de rendre nulle toute renonciation de la part du débiteur à consentir à une subrogation sans le consentement préalable du créancier. De plus, deux jugements ont assimilé la clause du terme à une renonciation prématurée du droit à la subrogation conventionnelle consentie par le débiteur et déclaré cette clause invalide et contraire à l’ordre public4802. Selon cette jurisprudence, la clause du terme stipulée au bénéfice du créancier ne peut empêcher le débiteur de payer par anticipation, étant donné que ce paiement se fait dans le cadre d’une subrogation conventionnelle consentie par ce dernier4803. Le droit du débiteur de rembourser par anticipation ne lui est acquis que postérieurement à la formation du contrat ; par conséquent, il ne peut y renoncer lors de la signature de l’acte de prêt.

B. Objectif et caractère de la disposition

3624. L’article 1655 C.c.Q., comme l’article 1155 al. 2 C.c.B.-C., est une disposition d’intérêt général visant à assurer à la fois la protection du débiteur et l’intérêt de la société en général. Le but recherché par cette disposition est d’éviter un abus de la part du créancier originaire qui, malgré l’échéance de l’obligation et le droit du débiteur d’acquitter sa dette, refuse de recevoir paiement pour empêcher ce dernier de contracter un nouvel emprunt auprès d’un nouveau prêteur à un taux d’intérêt plus avantageux. Cette protection qu’offre la subrogation conventionnelle consentie par le débiteur tire ses origines historiques d’un édit d’Henri IV datant de mai 1609, les motifs ayant justifié son émission sont résumés par un auteur comme suit :

3625. Les débiteurs de rentes constituées aux taux de 8 1/3 cherchèrent à emprunter au taux de 6 1/4 pour rembourser leur dette en profitant de la réduction de la rente. Mais les capitalistes exigeaient des garanties que beaucoup de débiteurs ne pouvaient fournir qu’en subrogeant les nouveaux prêteurs aux droits des créanciers primitifs. Cette subrogation ne pouvait se faire que du consentement des créanciers, et ceux-ci naturellement refusaient de recevoir le remboursement de capitaux […] Le mauvais vouloir des créanciers, dit Henri IV, privait les débiteurs du bénéfice de la rente. Il n’y avait qu’un moyen de briser leur résistance, c’était de permettre aux débiteurs de subroger les prêteurs sans le consentement des créanciers, et au besoin malgré leur opposition4804.

3626. Bien que ces prémisses historiques puissent constituer la base de tout raisonnement donnant aux articles 1155 al. 2 C.c.B.-C. et 1655 C.c.Q. le caractère d’une disposition d’ordre public, elles ne peuvent toutefois servir de fondement pour donner à l’article 1155 al. 2 C.c.B.-C. (devenu l’article 1655 C.c.Q.) l’interprétation et la portée que lui a données la jurisprudence dans les affaires Banque Royale du Canada c. Caisse populaire de Rock Forest et 2752-0436 Québec inc. c. Trust Général du Canada. En effet l’article 1655 C.c.Q. est muet à cet égard contrairement à l’article 1654 C.c.Q. qui énonce le caractère impératif de la règle voulant que la subrogation consentie par le créancier s’opère sans le consentement du débiteur. Aussi, nous croyons que le législateur, s’il avait voulu faire de cette disposition une disposition d’ordre public ayant la même portée que celle donnée par la jurisprudence minoritaire à l’article 1155 al. 2 C.c.B.-C., aurait dû la rédiger de façon à ce que son caractère soit aussi impératif4805. La disposition de l’article 1655 C.c.Q. peut être considérée d’ordre public, mais à condition de lui attribuer une portée restreinte et conforme à l’intention du législateur. Le caractère impératif de cette disposition doit seulement viser la situation du créancier qui refuse un paiement par subrogation après l’échéance de l’obligation du débiteur4806. Le fait que, contrairement à l’article 1654 C.c.Q., l’expression « malgré toute disposition contraire » ne se trouve pas dans le libellé de l’article 1655 C.c.Q., permet de conclure que le législateur voulait limiter la portée et l’étendue de l’interdiction prévue à cet article pour permettre l’insertion de clauses autres que celle qui oblige le débiteur à obtenir le consentement du créancier à une subrogation, telle la clause de terme en faveur du créancier.

3627. Toute interprétation faisant de l’expression « s’opère sans le consentement du créancier », une disposition d’ordre public de la même portée que celle de l’article 1654 C.c.Q., doit être écartée. La décision contraire aura pour effet non seulement de contredire certaines dispositions fondamentales de notre droit civil, mais également de les rendre inapplicables et sans aucune valeur juridique ; c’est le cas, à titre d’exemple, de l’article 1511 C.c.Q. qui prévoit que : « Le terme profite au débiteur, sauf s’il résulte de la loi, de la volonté des parties ou des circonstances, qu’il ait été stipulé en faveur du créancier ou des deux parties. La partie au bénéfice exclusif de qui le terme est stipulé peut y renoncer […] ». Ainsi, permettre au débiteur de subroger un tiers dans le droit de son créancier alors que le terme est stipulé en sa faveur, revient d’une part, à forcer ce dernier à recevoir le paiement, et d’autre part, à faire perdre à cet article son utilité et sa raison d’être. En outre, cette interprétation aura pour effet de créer une instabilité et une incertitude dans les relations contractuelles, plus particulièrement dans les cas de prêts à terme et d’hypothèques fermées.

3628. Consciente de cette réalité, la Cour supérieure, dans un autre jugement4807, a rejeté la thèse développée dans l’affaire 2752-0436 Québec inc. c. Trust Général du Canada, et a considéré que la clause de terme stipulée en faveur du créancier a pour effet de retarder toute subrogation conventionnelle que le débiteur entend consentir en vertu de l’article 1155 C.c.B.-C. en faveur d’un nouveau créancier, sans toutefois enlever à cet article son caractère d’ordre public.

3629. Quoi qu’il en soit, la controverse soulevée à propos de l’interprétation de l’article 1155 al. 2 C.c.B.-C. est désormais réglée par l’adoption de l’article 1655 C.c.Q., qui vient de faire l’objet d’un jugement4808. En effet, le tribunal a rejeté la requête du débiteur par laquelle il demandait l’autorisation de la Cour pour payer son créancier originaire contre son gré dans le cadre d’une subrogation consentie par lui.

C. Obligation à terme

3630. L’existence d’une clause de terme prévue en faveur du créancier empêche le débiteur de payer par anticipation. Ce raisonnement est conforme à l’économie du Code civil du Québec, plus particulièrement à l’article 1511 C.c.Q. qui permet de stipuler dans un contrat de prêt un terme en faveur du créancier uniquement. Cet article doit être pris en considération lorsqu’un cas de subrogation consentie par le débiteur se présente. Il faut donc rejeter la thèse voulant que le caractère d’ordre public de l’article 1655 C.c.Q., rende nulle et inopposable au débiteur la clause de terme stipulée en faveur du créancier. Le caractère d’ordre public de cet article ne peut tenir en échec une clause de terme. Sa portée ne peut être que restreinte, car sa raison d’être est d’interdire la renonciation expresse à toute subrogation lorsque la dette est échue et le débiteur a un droit légitime de la payer.

3631. L’article 1655 C.c.Q. vise seulement à protéger le débiteur et à lui fournir le moyen d’agir lorsque le créancier refuse de recevoir le paiement alors que la dette est échue et ce, dans le but de l’empêcher d’obtenir sa libération. Dans ce cas, le débiteur, pour ne pas rester dans un état d’assujettissement, peut subroger le nouveau prêteur dans les droits de son créancier sans avoir à obtenir son consentement. En somme, la finalité de l’article 1655 C.c.Q. est de venir à bout du refus injustifié du créancier originaire de recevoir paiement alors que l’obligation du débiteur est déjà échue à l’expiration du terme stipulé ou si elle n’est pas échue, le terme est stipulé uniquement en faveur de ce dernier4809.

3632. Il est parfaitement logique et conforme à l’esprit même de l’article 1655 C.c.Q. de conclure que la subrogation consentie par le débiteur n’est possible que si la dette est échue, ou le terme stipulé uniquement en faveur du débiteur ; car si ce terme est stipulé seulement en faveur du créancier ou des deux parties, le débiteur ne peut forcer son créancier à recevoir un paiement anticipé en recourant à la subrogation4810.

3633. Dès lors, le droit du débiteur de procéder à un paiement par subrogation lorsque sa dette est échue est le même indépendamment de l’interprétation que l’on donne à l’article 1655 C.c.Q., qu’il soit d’ordre public ou non. Le droit du débiteur de consentir à une subrogation ne sera pas affecté en cas de refus par le créancier de recevoir paiement sans motif valable.

1) Exception : article 10(1) de la Loi sur l’intérêt

3634. Dans certains cas, le débiteur peut cependant consentir à une subrogation sans le consentement du créancier qui bénéficie d’une clause stipulant un terme en sa faveur. C’est le cas lorsque le terme est stipulé pour une durée de plus de cinq ans. L’article 10(1) de la Loi sur l’intérêt, permet au débiteur le remboursement anticipé de sa créance après cinq ans avec une pénalité de trois mois d’intérêts lorsque les conditions de son application sont réunies. L’article 10(1) de la Loi sur l’intérêt, d’ordre public, a préséance sur l’article 1511 C.c.Q.4811. C’est le cas aussi lorsque le contrat de prêt est régi par la Loi sur la protection du consommateur4812 prévoyant à l’article 93 le droit du consommateur de s’acquitter de son obligation en tout temps avant échéance.

2. Conditions de validité
A. Formalités exigées par l’article 1655 C.c.Q.

3635. Compte tenu du caractère exceptionnel de la subrogation consentie par le débiteur, le législateur a cru opportun de maintenir les formalités exigées antérieurement sous l’ancien régime. Contrairement aux propositions de l’O.R.C.C.4813, l’article 1655 C.c.Q. ne supprime donc pas le formalisme de l’acte notarié ou devant témoins, et ce, afin d’éviter les risques de fraudes. L’acte de prêt et la quittance doivent donc être conclus par acte notarié en minute ou par acte sous seing privé signé devant deux témoins4814. De plus, l’acte d’emprunt doit déclarer que la somme prêtée est destinée à acquitter la dette et la quittance doit mentionner que le paiement est fait à même l’emprunt.

3636. Les conditions relatives au fond et à la forme de la convention de subrogation consentie par le débiteur doivent être observées pour éviter que sa validité ne soit mise en question. Il s’agit d’un droit strict dont le respect est nécessaire pour éliminer les abus ou la fraude, étant donné que la subrogation consentie par le débiteur transporte au subrogé des droits appartenant au créancier, sans la participation ni le consentement de celui-ci4815.

3637. Enfin, le droit du débiteur de consentir à une subrogation sans le consentement de son créancier permet d’éliminer les frais d’une nouvelle hypothèque. En effet, le débiteur n’aura à assumer que les frais d’un acte d’emprunt personnel et d’une quittance faits sous seing privé. Cette technique permet d’éviter la radiation, au Bureau de la publicité, de l’hypothèque qui garantit la créance, tout comme dans un transport de créance. Cette hypothèque fera l’objet d’une radiation seulement lors du remboursement total de la créance au créancier qui est subrogé aux droits de l’ancien créancier, ce qui permet au nouveau créancier d’obtenir le même rang hypothécaire que détenait l’ancien créancier.

B. Offre et consignation

3638. Lorsque le débiteur est en droit d’acquitter sa dette, mais que le créancier refuse de recevoir le paiement anticipé, le débiteur doit procéder par voie d’offres réelles et consignation de la totalité de la somme due en capital et intérêt conformément aux articles 1573 et 15784816. À défaut de procéder ainsi, le tribunal ne pourra accorder au débiteur une quittance4817. Advenant le cas où il n’y a pas eu offre réelle et consignation de la part du débiteur et que le créancier refuse de manière abusive de recevoir paiement dans l’unique intention d’entreprendre un recours hypothécaire et devenir propriétaire de l’immeuble, le tribunal peut alors décider de sanctionner un tel comportement du créancier par le rejet de son action4818. Il s’agit là d’une sanction conforme à la règle qui prévoit que la bonne foi doit gouverner la conduite des parties dans leurs rapports contractuels lors de l’extinction de l’obligation (art. 1375 C.c.Q.).

3. Distinction avec la novation

3639. Il importe finalement de ne pas confondre la subrogation et la novation. En effet, il s’agit de deux concepts diamétralement opposés puisque la novation crée un nouveau lien de droit par la substitution d’une dette par une autre alors que la subrogation a pour effet de substituer le subrogé au subrogeant dans ses droits existants.

3640. Cette distinction peut être dans certain cas difficile à faire lorsque les parties introduisent dans leur convention des éléments propres à chacune de ces institutions juridiques. Il appartient cependant au tribunal de déterminer la nature de la convention à la lumière de l’ensemble de la preuve qui lui est soumise et en tenant compte aussi de l’intention commune des parties.

3641. Ainsi, l’existence d’un contrat de prêt et d’une quittance avec une référence spécifique aux dispositions de l’article 1655 C.c.Q. doivent être un indice significatif quant à la nature de l’opération juridique que les parties ont voulu conclure4819. Le tribunal doit d’abord accorder une importance particulière au motif qui est à l’origine de l’opération juridique. Ainsi, le débiteur motivé par l’obtention d’un taux d’intérêt plus avantageux cherche à remplacer son créancier par un nouveau en procédant par une subrogation. Le fait qu’il est en plein droit de rembourser son prêt et la référence dans la convention à l’article 1655 C.c.Q. doivent guider le tribunal dans ses démarches pour déterminer la nature de la convention.


Notes de bas de page

4795. Caisse populaire St-Joseph de Hull c. Bégin, 1995 CanLII 3833 (QC CS), AZ-95021274, J.E. 95-725, [1995] R.J.Q. 1080 (C.S.).

4796. Charron Excavation inc. (Syndic de) (In re Charron Excavation inc. : Raymond, Chabot inc. c. Placements suclo ltée), 1998 CanLII 11306 (QC CS), AZ-99021180, J.E. 99-405, [1999] R.D.I. 139 (C.S.), règlement hors cour (C.A., 2007-03-06), 500-09-007606-999) ; Compagnie de fiducie Peoples c. Desaulniers, AZ-50366696, J.E. 2006-1033, 2006 QCCS 1844 (C.S.).

4797. Ibid. ; M. POULIN et C. LEBLANC, « La subrogation par le débiteur : une technique de l’ancien droit à la mode d’aujourd’hui », (1982-83) 85 R. du N. 49.

4798. Caisse populaire Desjardins de Windsor c. Groupement forestier de Nicolet-Yamaska inc., AZ-50413813, B.E. 2007BE-680, 2007 QCCQ 299 (C.Q.).

4799. Banque Royale du Canada c. Caisse populaire de Rock Forest, AZ-92021184, J.E. 92-547, [1992] R.D.I. 327, [1992] R.J.Q. 987 (C.S.) ; 2752-0436 Québec inc. c. Trust Général du Canada, AZ-93021333, J.E. 93-970, [1993] R.J.Q. 1438 ; Hua c. Patenaude, 2003 CanLII 886 (QC CS), AZ-50202738, J.E. 2003-2053 (C.S.).

4800. Voir : Couture c. Couturier, AZ-78021116, J.E. 78-286, [1978] C.S. 532 ; Bousquet c. Cie Trust National ltée, 1983 CanLII 2645 (QC CS), AZ-83021577, J.E. 83-1005 (C.S.) ; Locations Lutex Ltée c. Banque royale du Canada, AZ-84021363, J.E. 84-733 (C.S.) appel rejeté (C.A., 1986-02-07), 500-09-000815-845, 1986 CanLII 3616 (QC CA), AZ-86011063, J.E. 86-233, [1986] R.L. 42 ; Amparo Construction inc. c. Cie d’assurance Standard life, AZ-86021362, J.E. 86-777, [1986] R.D.I. 522, [1986] R.J.Q. 2030 (C.S.), appel rejeté (C.A., 1990-03-16), 500-09-001019-868, 1990 CanLII 3480 (QC CA), AZ-90011441, J.E. 90-631, [1990] R.L. 196 ; Fortier c. Caisse populaire de la colline, AZ-86021029, J.E. 86-202, [1986] R.D.I. 57, [1986] R.J.Q. 57 (C.S.). Voir : V. KARIM, « L’ordre public en droit économique : contrats, concurrence, consommation », (1999) 40 C. de D. 403.

4801. Voir : Banque Royale du Canada c. Caisse populaire de Rock Forest, AZ-92021184, J.E. 92-547, [1992] R.D.I. 327, [1992] R.J.Q. 988 (C.S.) ; 2752-0436 Québec inc. c. Trust Général du Canada, AZ-93021333, J.E. 93-970, [1993] R.J.Q. 1438 (C.S.), appel déserté (C.A., 2000-05-17), 500-09-001057-934 ; Serre c. Banque de Montréal, AZ-95031205, J.E. 95-944 (C.Q.).

4802. Voir : 2752-0436 Québec inc. c. Trust Général du Canada, AZ-93021333, J.E. 93-970, [1993] R.J.Q. 1438 (C.S.), appel déserté (C.A., 2000-05-17), 500-09-001057-93 ; Serre c. Banque de Montréal, AZ-95031205, J.E. 95-944 (C.Q.).

4803. Banque Royale du Canada c. Caisse populaire de Rock Forest, AZ-92021184, J.E. 92-547, [1992] R.D.I. 327, [1992] R.J.Q. 988 (C.S.) ; 2752-0436 Québec inc. c. Trust Général du Canada, AZ-93021333, J.E. 93-970, [1993] R.J.Q. 1438 (C.S.), appel déserté (C.A., 2000-05-17), 500-09-001057-934 ; Serre c. Banque de Montréal, AZ-95031205, J.E. 95-944 (C.Q.).

4804. F. LAURENT, Principes de droit civil français, 3e éd., Tome 18, Paris, Marescq, 1878, p. 56-57.

4805. Voir toutefois les commentaires de la Chambre des notaires, Mémoire P.L. 125, juillet 1991, art. 1652, qui suggérait le contraire.

4806. Collin c. Banque de Montréal, AZ-99036514, B.E. 99BE-934 (C.Q.) ; L. Payette, Les sûretés réelles dans le Code civil du Québec, n° 360, p. 142 ; R. COMTOIS et Y. DESJARDINS, « Le jugement Durand et la subrogation », (1995-96) 98 R. du. N. 232-256, p. 232.

4807. Voir : Turmel c. Compagnie Trust Nord-américain, AZ-94021419, [1994] R.D.I. 506, [1994] R.J.Q. 1677 (C.S.).

4808. Voir : Entreprises Gexpharm inc. c. Service de santé du Québec, 1994 CanLII 3809 (QC CS), AZ-94021424, J.E. 94-1141, [1994] R.J.Q. 1696 (C.S.).

4809. Collin c. Banque de Montréal, AZ-99036514, B.E. 99BE-934 (C.Q.) ; Compagnie de fiducie Peoples c. Desaulniers, AZ-50366696, J.E. 2006-1033, 2006 QCCS 1844 (C.S.). Requête en rejet d’appel rejetée (C.A., 2006-12-11), 500-09-016628-067, AZ-50422683. Appel rejeté (C.A., 2007-10-18), 500-09-016628-067, 2007 QCCA 1445, AZ-50455482, 2007BE-1086.

4810. Contra voir : Hua c. Patenaude, 2003 CanLII 886 (QC CS), AZ-50202738, J.E. 2003-2053 (C.S.) : Malheureusement, certains jugements qui ne sont pas motivés font référence à d’autres jugements qui ont déjà reconnu le droit au débiteur à procéder à un paiement par subrogation sans toutefois indiquer les motifs qui justifient l’application de la règle alors que ces jugements ne sont plus d’actualité.

4811. Voir : Entreprises Gexpharm Inc. c. Services de santé du Québec, 1994 CanLII 3809 (QC CS), AZ-94021424, [1994] R.J.Q. 1696 (C.S.) ; voir nos commentaires sur l’article 1511 C.c.Q.

4813. Art. 224.

4814. Voir : Routhier c. Routhier, 2004 CanLII 25834 (QC CQ), AZ-50217403, J.E. 2004-531 (C.Q.) : Le tribunal conclut qu’il ne peut s’agir, en l’espèce, d’une subrogation conventionnelle selon l’article 1655 C.c.Q., car la quittance faite sous seing privé n’a pas été établie en présence de deux témoins qui l’ont signée.

4815. Hickey c. Luisi, AZ-93023010, [1993] R.D.I. 115 (C.S.).

4816. Voir nos commentaires sur les articles 1573 et 1578 C.c.Q.

4817. Malka (Syndic de), 1997 CanLII 10823 (QC CA), AZ-97011219, J.E. 97-439 (C.A.).

4818. Ibid.

4819. Compagnie de fiducie Peoples c. Desaulniers, AZ-50366696, J.E. 2006-1033, 2006 QCCS 1844 (C.S.). Requête en rejet d’appel rejetée (C.A., 2006-12-11), 500-09-016628-067, AZ-50422683. Appel rejeté (C.A., 2007-10-18), 500-09-016628-067, 2007 QCCA 1445, AZ-50455482, B.E. 2007BE-1086.

Wilson et Lafleur

La diffusion de l'ouvrage Les obligations, vol. 2 de Vincent Karim, et publié par Wilson et Lafleur, est rendue possible grâce à une licence accordée au CAIJ par Wilson et Lafleur.

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Législation citée (Québec et CSC)  
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Concordances  
 
 
  • Code civil du Bas Canada : art. 1155 par. 2
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Commentaires du ministre de la Justice  
 
Article 1655 (LQ 1991, c. 64)
La subrogation consentie par le débiteur ne peut l'être qu'au profit de son prêteur et elle s'opère sans le consentement du créancier.

Il faut, pour que cette subrogation soit valable, que l'acte de prêt et la quittance soient faits par acte notarié en minute ou par acte sous seing privé établi en présence de deux témoins qui le signent. En outre, il doit être déclaré, dans l'acte de prêt, que l'emprunt est fait pour acquitter la dette, et, dans la quittance, que le paiement est fait à même l'emprunt.
Article 1655 (SQ 1991, c. 64)
Subrogation may not be made by a debtor in favour of anyone except his lender and it takes effect without the consent of the creditor.

In order for subrogation to be valid in this case, the loan instrument and the acquittance shall each be made in the form of a notarial act en minute or by a private writing drawn up before two witnesses who sign it. In addition, a statement shall be made in the loan instrument that the loan is granted for the purpose of paying the debt, and, in the acquittance, that the debt is paid out of the loan.
Sources
C.C.B.C. : article 1155 para. 2
O.R.C.C. : L. V, article 224
Commentaires

Cet article reprend, en en modifiant la présentation, les règles du deuxième cas énoncé par l'article 1155 C.C.B.C., concernant la nature et les conditions particulières de fond et de forme qui caractérisent la subrogation consentie par le débiteur.


L'article ne supprime pas le formalisme de l'acte notarié ou devant témoins qui entourait auparavant cette espèce de subrogation conventionnelle, afin d'éviter les risques de fraudes.


Ce type de subrogation présente une certaine particularité sur le plan juridique, en ce que le débiteur se trouve à transférer au subrogé des droits qui appartiennent à son créancier sans la participation ou le consentement de ce dernier. Toutefois, au plan pratique, ce type de subrogation permet parfois au débiteur de se soustraire à une créance dont les charges et conditions lui paraissent trop onéreuses, en contractant une nouvelle dette avec des conditions plus avantageuses. Bien que la disposition ait pu être considérée désuète et n'ait pu être expliquée que par une raison historique, elle a eu un regain de faveur au moment où les taux d'intérêt ont subi des fluctuations rapides.


Extrait de : Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice - Le Code civil du Québec , t. 1, Québec, Les Publications du Québec, 1993.
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Questions de recherche  
 
Les recherchistes du CAIJ ont identifié la législation, la jurisprudence et la doctrine sur :
 
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Débats parlementaires et positions  
 
 

1.  Code civil du Québec, LQ 1991, c. 64, a. 1655

 
Référence à la présentation : Projet de loi 125, 1re sess, 34e lég, Québec, 1990, a. 1652.
 
Étude détaillée dans le Journal des débats :
 
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Les lois du Québec sont reproduites avec l'autorisation de l'Éditeur officiel du Québec.
Les Code civil du Bas Canada et Code civil du Québec (1980) sont reproduits avec l'autorisation de Wilson et Lafleur.