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Code civil du Québec
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  [Expand]CHAPITRE I - DISPOSITIONS GÉNÉRALES
  [Expand]CHAPITRE II - DU CONTRAT
  [Expand]CHAPITRE III - DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE
  [Expand]CHAPITRE IV - DE CERTAINES AUTRES SOURCES DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE V - DES MODALITÉS DE L’OBLIGATION
  [Collapse]CHAPITRE VI - DE L’EXÉCUTION DE L’OBLIGATION
   [Collapse]SECTION I - DU PAIEMENT
    [Expand]§1. Du paiement en général
    [Expand]§2. De l’imputation des paiements
    [Collapse]§3. Des offres réelles et de la consignation
      a. 1573
      a. 1574
      a. 1575
      a. 1576
      a. 1577
      a. 1578
      a. 1579
      a. 1580
      a. 1581
      a. 1582
      a. 1583
      a. 1584
      a. 1585
      a. 1586
      a. 1587
      a. 1588
      a. 1589
   [Expand]SECTION II - DE LA MISE EN OEUVRE DU DROIT À L’EXÉCUTION DE L’OBLIGATION
   [Expand]SECTION III - DE LA PROTECTION DU DROIT À L’EXÉCUTION DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VII - DE LA TRANSMISSION ET DES MUTATIONS DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VIII - DE L’EXTINCTION DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE IX - DE LA RESTITUTION DES PRESTATIONS
 [Expand]TITRE DEUXIÈME : DES CONTRATS NOMMÉS
[Expand]LIVRE SIXIÈME : DES PRIORITÉS ET DES HYPOTHÈQUES
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[Expand]LIVRE NEUVIÈME : DE LA PUBLICITÉ DES DROITS
[Expand]LIVRE DIXIÈME : DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
 DISPOSITIONS FINALES
 
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Article 1576

 
Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991
 
Livre CINQUIÈME : DES OBLIGATIONS \ Titre PREMIER : DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL \ Chapitre SIXIÈME - DE L’EXÉCUTION DE L’OBLIGATION \ Section I - DU PAIEMENT \ 3. Des offres réelles et de la consignation
 
 

À jour au 8 juin 2024
Article 1576
Les offres réelles faites par déclaration judiciaire qui ont pour objet une somme d’argent ou une valeur mobilière, doivent être complétées par la consignation de cette somme ou de cette valeur, suivant les règles du Code de procédure civile (chapitre C-25.01).
1991, c. 64, a. 1576; N.I. 2016-01-01 (NCPC)
Article 1576
The tender of a sum of money or securities made by a judicial declaration shall be completed by deposit of the sum or the securities, in accordance with the rules of the Code of Civil Procedure (chapter C-25.01).
1991, c. 64, s. 1576; I.N. 2014-05-01; I.N. 2016-01-01 (NCCP); 2016, c. 4, s. 193

Annotations
Code civil du Québec annoté (2023) par Jean-Louis Baudouin et Yvon Renaud (mise à jour no. 7)Information
FermerExtraits de : Baudouin, Jean-Louis et Renaud, Yvon, Code civil du Québec annoté, 26e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2023 (version intégrale dans eDOCTRINE).

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Les obligations (2024), vol. 2, par Vincent KarimInformation
FermerExtraits de : Karim, Vincent, Les obligations, vol. 2, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2024 (version intégrale dans eDOCTRINE).

La recherche en jurisprudence est à jour au 1er mars 2024.
ANNOTATIONS
1. Généralités

1428. Cet article reprend la règle prévue à l’article 216 du Code de procédure civile avec certaines modifications. Elle restreint d’une part, son application à des offres faites par déclaration judiciaire et d’autre part, à des offres portant sur des valeurs mobilières, comme un titre négociable valant participation au capital d’une compagnie ou d’une société par actions ou une souscription à un emprunt d’un organisme privé ou public.

2. Le mécanisme des offres réelles

1429. Selon cette nouvelle disposition, les offres réelles faites dans le cadre d’une procédure judiciaire (déclaration, défense, etc.) doivent être complétées par la consignation de la somme d’argent ou de la valeur mobilière1627. Cette consignation, pour qu’elle soit valable, doit être faite suivant les règles du Code de procédure civile. Pour que des offres faites par déclaration judiciaire soient libératoires et équivalent à un paiement de la somme due, elles doivent être inconditionnelles. Il faut cependant distinguer entre une consignation effectuée afin d’obtenir l’exécution d’une obligation par l’autre partie, et une consignation faite en attendant que le tribunal tranche la question du litige opposant les parties. Cette distinction est importante car dans le premier cas, la consignation peut être conditionnelle, alors que dans le second cas, on ne demande pas l’exécution d’une obligation, mais bien une décision judiciaire sur la suffisance et la validité de l’offre de paiement. La consignation de la somme d’argent ne peut donc être conditionnelle à la décision judiciaire1628.

A. Caractère obligatoire de la consignation

1430. Selon les articles 215 et 216 du Code de procédure civile, la somme offerte doit être consignée auprès d’une société en fiducie et le récépissé est versé au dossier de la Cour. Le dépôt de la somme offerte dans le compte en fidéicommis du procureur de l’offrant débiteur ne constitue pas une consignation au sens de l’article 1576 C.c.Q. et de l’article 215 C.p.c. Par conséquent, l’offre n’est pas légale et ne produit aucun effet libératoire pour le débiteur1629.

1431. La nouvelle phraséologie de l’article 1576 C.c.Q. précise que les offres réelles faites par déclaration judiciaire et qui ont pour objet une somme d’argent doivent être consignées alors que, selon l’article 215 C.p.c., toute offre réelle qui a pour objet une somme d’argent doit être complétée par la consignation1630. Est-ce à dire que les offres réelles qui ne sont pas faites en cours d’instance ne doivent pas être complétées par la consignation?

1432. Les dispositions traitant de l’offre et de la consignation (art. 1581 à 1589 C.c.Q.) permettent de confirmer que toute offre de paiement, pour qu’elle soit réelle, légale et libératoire pour le débiteur, doit être complétée par une consignation conformément à l’article 1583 C.c.Q. Ce dernier article complète l’article 1576 C.c.Q. Il fait de la consignation une continuité de l’offre faite par le débiteur. Dans un contexte extrajudiciaire, la consignation peut s’avérer utile au débiteur qui désire se libérer du paiement des intérêts mais ne sera pas obligatoire1631.

1433. Une telle offre doit être maintenue et confirmée en tout temps jusqu’à ce qu’un tribunal la constate et la déclare réelle, légale et par conséquent libératoire pour le débiteur. La consignation devient donc un moyen permettant de vérifier le caractère sérieux de l’offre du débiteur et, qu’avec le temps, il ne l’a pas retirée. De plus le débiteur est libéré en mettant à la disposition du créancier la somme due ou le bien faisant l’objet de l’offre. Il serait donc impensable et injuste de libérer le débiteur de son obligation envers le créancier sans vérifier ni s’assurer que la somme ou le bien est toujours à la disposition du créancier, ce dernier ayant toujours la possibilité de l’accepter et d’en prendre possession malgré son refus initial. La consignation est donc un moyen permettant de vérifier les caractères sérieux et définitif de l’offre du débiteur mais aussi de s’assurer que le créancier, pouvant en tout temps revenir sur son refus, puisse recevoir la somme offerte ou le bien dû sans être obligé d’en faire la demande au débiteur.

1434. Lorsqu’une partie effectue le paiement de la somme qu’elle considère être due par voie d’offres réelles et de consignation, sa déclaration judicaire déposée au greffe de la cour est suffisante dans la mesure où elle est aussi inscrite au plumitif du dossier. Cela dit, aucune autre preuve ne sera requise pour établir l’existence de l’offre et de la consignation1632.

B. L’encaissement de la somme consignée

1435. L’article 215 (2) du Code de procédure civile permet à la partie adverse de toucher la somme d’argent ou la valeur mobilière consignée à la suite d’offres inconditionnelles faites en une instance sans compromettre les droits de cette dernière quant au surplus. Ainsi, à titre d’exemple, en cas de litige, l’encaissement des sommes consignées sera autorisé si la contestation ne porte pas sur le quantum1633. Cependant, dans le cas d’une offre conditionnelle, le créancier ne peut pas toucher ces sommes sans encourir le risque de porter atteinte à son droit à recouvrer le solde de sa créance1634.

1436. Il importe toutefois de noter que, conformément à la règle prévue à l’article 1561 al. 2 C.c.Q., il est impossible de soumettre des offres conditionnelles lorsque l’existence de la créance n’est pas contestée et que le litige porte uniquement sur le quantum1635. Dans ce cas, la quittance exigée par le débiteur après l’encaissement des sommes faisant l’objet des offres ne peut pas être reconnue comme étant une condition du retrait de ces sommes. Ainsi, permettre que la quittance soit une condition à l’offre dans le cas de retrait par la partie adverse de sommes consignées, serait illégal puisque à l’instar de l’article 1561 al. 2 C.c.Q., l’article 215 (2) C.p.c. prévoit expressément que le créancier ne renonce pas au surplus de sa créance auquel il a toujours droit par le biais du retrait des sommes consignées. Empêcher le créancier de retirer ces sommes porterait non seulement atteinte à son droit à sa créance mais pourrait aussi le forcer à renoncer à son action par crainte de ne pouvoir recouvrer aucun montant de sa créance lorsque la situation financière du débiteur n’est pas rassurante en raison d’un manque de fond. Rappelons à cet effet que les sommes offertes et consignées sont une reconnaissance du débiteur qu’il doit ces sommes1636.

1437. De plus, malgré le fait que la loi exige la consignation des sommes faisant l’objet des offres réelles faites par déclaration judiciaires et suivant les règles du Code de procédure civile, le tribunal ne fera pas nécessairement échec au recours de l’offrant si ces dernières règles ne sont pas respectées. Cette situation particulière se présentera dans des recours en passation de titres ou encore dans le cas particulier où le créancier n’a jamais eu l’intention d’encaisser les sommes consignées durant l’instance1637.

3. Le cas de l’action en passation de titre

1438. Selon la jurisprudence, l’exigence de la consignation est une formalité essentielle lorsqu’il s’agit de l’exécution d’une obligation préjudiciable comme dans le cas d’une action en passation de titre1638. Ce type de recours a fait l’objet d’un grand nombre de jugements. Nos tribunaux ont reconnu que l’action en passation de titre devait être précédée de formalités essentielles. Si l’action est intentée par le promettant-vendeur, celui-ci doit remettre ses titres de propriétaire au notaire instrumentant et, par la suite, mettre le promettant-acheteur en demeure de signer l’acte de vente qu’il aura préalablement signé et d’acquitter le prix convenu1639. Si c’est le promettant-acheteur qui agit en passation de titre, il doit faire préparer un acte de vente conforme à la promesse, le signer et consigner le prix de vente convenu. Ces formalités ont pour but de s’assurer qu’en tout temps, celui qui intente l’action est disposé à exécuter sa propre obligation avant d’exiger l’exécution de celle de son cocontractant1640. Le tribunal ne peut accueillir la demande en passation de titre qu’après avoir vérifié à la lumière de la preuve soumise, que toutes les conditions requises pour sa recevabilité ont bien été remplies1641, notamment celle relative à la garantie que le vendeur reçoive le prix de vente.

A. Le défaut de consignation : évolution jurisprudentielle
1) Historiquement

1439. Le fait pour le promettant-acheteur de ne pas avoir consigné le prix total convenu dans la promesse lors de l’institution de l’action en passation de titre constitue-t-il une fin de non-recevoir à celle-ci? Plusieurs décisions récentes ont établi une règle relative au moment de la consignation du prix. Avant 1988, la jurisprudence exigeait que le prix convenu soit consigné lors de l’institution des procédures. Le fait de ne pas avoir consigné le prix à ce moment-là constituait une fin de non-recevoir. Par la suite, la Cour d’appel, dans l’arrêt Association des harmonistes du Québec c. Thouin1642, a considéré la consignation du prix comme un formalisme désuet auquel l’on peut remédier en cours d’instance.

1440. La jurisprudence récente, en s’appuyant sur l’article 25 du Code de procédure civile et sur la philosophie plus souple et plus libérale du rôle de la procédure dans notre système judiciaire, tempère l’ancienne règle jugée trop sévère et permet expressément que les offres réelles et la consignation du prix d’achat puissent être faites après l’introduction de l’instance1643. Rappelons toutefois que l’absence de consignation donne ouverture à un moyen dilatoire1644. Le tribunal peut par exemple refuser le recours en passation de titre pour plusieurs causes, notamment lorsque la consignation du prix de vente a été effectuée de façon tardive sans que les circonstances le justifient1645. De plus, la tolérance du tribunal à l’égard de l’absence de consignation dépendra des circonstances particulières du dossier. Ainsi, pourraient être pris en considération par le tribunal lors de l’exercice de son pouvoir de discrétion la bonne foi du promettant-acheteur, son sérieux ainsi que la disponibilité réelle des fonds pour acquitter le prix de vente1646.

1441. La décision Houlachi c. Bray1647 est aussi venue étendre la portée du jugement rendu dans l’affaire Association des harmonistes du Québec en accordant un délai de trente jours après le délibéré du juge au fond afin de permettre à l’acheteur de régulariser la situation et de procéder à la consignation. Bien que les tribunaux aient réitéré à plusieurs reprises le principe selon lequel le dépôt du prix d’achat constitue une formalité essentielle dans le cadre d’une action en passation de titre, dans aucune des causes une omission n’a-t-elle été fatale aux procédures. Afin de préserver l’importance de l’offre de paiement et de la consignation, on ne doit pas pour autant tomber dans un formalisme désuet et injustifié. En décidant autrement, on risquerait de privilégier l’exigence de la stricte conformité de l’acte proposé aux dépens de l’équité et de la bonne foi.

B. Conditions d’application de l’exception jurisprudentielle
1) Facteurs pris en considération

1442. Le principe qui gouverne l’action en passation de titre oblige à s’assurer que les deux parties ont la volonté et les moyens d’acquitter leurs obligations respectives. Cela requiert, de la part de l’acheteur, une intention claire et une démonstration de sa capacité de respecter les stipulations de la promesse et, plus particulièrement, la condition de payer le prix. Dans l’exercice de sa discrétion, le tribunal évaluera si le promettant-acheteur est de bonne foi, c’est-à-dire s’il a la volonté de payer le prix total et s’il a la capacité de le faire. Cette bonne foi sera évaluée en fonction d’une application juste et moderne des règles des articles 6, 7 et 1375 C.c.Q.1648.

1443. Avant l’arrêt Houlachi, les tribunaux étaient assez souples dans l’appréciation des conditions d’une consignation, mais ils exigeaient généralement qu’elle soit faite au plus tard lors de l’audition. En ce sens, l’arrêt Houlachi crée un précédent en accordant un délai de trente jours du jugement pour que la consignation du prix soit effectuée. Ce délai correspond à celui de l’appel : le jugement devient exécutoire à l’expiration de ce délai ; si le défaut de signer l’acte de vente persiste, le promettant-acheteur ayant consigné le prix conformément à ce jugement, peut obtenir le titre sur simple présentation du jugement. Par contre, le jugement ne doit pas avoir pour effet de transférer la propriété avant le paiement du prix selon les modalités de l’offre.

1444. Désormais, lorsque le promettant-acheteur offre de payer le prix au vendeur et que celui-ci refuse sans raison valable de recevoir le paiement et de donner suite à sa promesse, il n’est plus possible de soumettre l’offrant-acheteur à une formalité injustifiée. En effet, il n’est pas équitable qu’un acheteur de bonne foi ne puisse exercer son recours légal à cause de règles anachroniques. De même, on ne doit pas permettre à un vendeur de mauvaise foi de se cacher derrière une formalité et ainsi lui permettre d’échapper à ses obligations assumées dans la promesse.

1445. L’article 25 C.p.c. stipule que l’inobservation des règles qui ne sont pas d’ordre public ne pourra affecter le sort d’une demande que s’il n’y a pas été remédié alors qu’il était possible de le faire. Ces dispositions ont été interprétées de manière à faciliter la marche normale du procès plutôt qu’à la retarder ou y mettre fin prématurément. En s’appuyant sur ces dispositions, les tribunaux ont décidé que la consignation du prix lors de l’institution des procédures est une formalité à laquelle le promettant-acheteur peut remédier, selon l’article 168 C.p.c., au plus tard lors de l’audition. Cette approche, fondée sur le principe selon lequel le fond prime sur la forme, n’a pas pour effet de faire échec à l’application de la règle faisant du dépôt du prix d’achat une condition essentielle pour que le tribunal accueille une action en passation de titre. S’il est vrai que l’absence de dépôt ne peut être fatale aux procédures, il est également vrai que le promettant-acheteur est obligé d’y remédier pour pouvoir obtenir un jugement en passation de titre.

2) La consignation est toujours requise

1446. L’approche adoptée dans l’arrêt Houlachi a été suivie par les tribunaux dans plusieurs cas1649. Il est cependant difficile d’étendre ou de généraliser la portée de ce jugement qui, en réalité, n’a pas modifié l’état de droit tel que connu et appliqué depuis l’arrêt Association des harmonistes du Québec. En effet, la règle demeure que la consignation du prix convenu dans une promesse d’achat doit être consignée par le promettant-acheteur lors de l’institution de son action en passation de titre selon les règles du Code civil du Québec ou du moins fournir un engagement bancaire irrévocable, comme le permet maintenant l’article 1574 alinéa 2 du Code civil du Québec.

1447. La jurisprudence ne tient cependant plus cette règle de consignation à la rigueur, mais au contraire à la suite des arrêts Association des harmonistes du Québec et Houlachi, plusieurs jugements sont venus confirmer que la consignation ne constitue plus une condition sine qua non à la recevabilité de l’action. En effet, il n’est plus obligatoire que la consignation soit faite en même temps que l’institution des procédures. Le promettant-acheteur peut toujours remédier à ce défaut de forme avant le début du procès (art. 168 C.p.c.). Il peut également démontrer que le montant du prix était disponible chez le notaire instrumentant et qui, par la suite, était en mesure d’acquitter ce prix si le promettant-vendeur avait modifié sa position en acceptant de se conformer à son engagement pris dans la promesse. Cependant, la preuve de capacité ou de moyens de payer le prix reste toujours une question de faits à être appréciée par le tribunal. Chaque cas constitue un cas d’espèce et le juge de l’instance doit faire son évaluation de la capacité du promettant-acheteur de fournir au promettant-vendeur le paiement total de prix à la lumière de la preuve documentaire soumise qui peut, le cas échéant, être corroborée et consolidée par le témoignage de personnes détenant les informations pertinentes quant à la garantie offerte pour assurer à ce dernier la réception du prix en même temps que le transfert du droit de propriété à l’acheteur1650.

3) Le principe de l’exception d’inexécution

1448. Rappelons que l’obligation de consigner le prix dans le cadre de l’action en passation de titre est fondée sur le principe de l’exception d’inexécution. Dans une promesse bilatérale, comme dans tout contrat synallagmatique, le promettant-acheteur qui reproche au promettant-vendeur le défaut de respecter sa promesse, ne doit pas être lui-même en défaut de remplir ses propres obligations, notamment celle de payer le prix. Il doit donc remplir son obligation principale, soit le paiement du prix, pour que son action en passation de titre soit accueillie par le tribunal, à défaut de quoi ce dernier n’a d’autre choix que d’accueillir les moyens de défense invoqués par le promettant-vendeur, soit l’exception d’inexécution.

1449. Dispenser le promettant-acheteur de compléter son offre de paiement du prix par la consignation de la somme d’argent rend difficile toute vérification du caractère sérieux de son offre. De plus, si le jugement accueille l’action en passation de titre alors que le prix n’est pas consigné, des négociations postérieures pourraient retarder indûment le transfert de propriété et rendre ainsi l’exécution du jugement de première instance impossible. En effet, à l’expiration du délai prévu au jugement de première instance, et si le défendeur ne signe pas l’acte de vente proposé par le demandeur, le jugement vaut titre de propriété. À moins que le jugement ne soit conditionnel à la consignation du prix, ce qui est difficilement concevable, la propriété pourrait être transférée au promettant-acheteur, alors que le prix n’est ni payé, ni consigné.

4) Le caractère exceptionnel du principe de l’arrêt Houlachi

1450. Même si un jugement peut, depuis l’arrêt Houlachi, accorder au promettant-acheteur un délai pour consigner le prix, cette possibilité doit être restreinte à des cas exceptionnels. Aussi, pour obtenir un jugement avec un délai pour consigner le prix, le promettant-acheteur doit convaincre le tribunal que toutes les conditions requises pour réaliser la vente conformément à la promesse ont été remplies par lui, que son offre de payer le prix est toujours sérieuse, que le montant du prix était disponible au moment de cette offre dans le compte en fidéicommis du notaire instrumentant, lors de l’institution de l’action, ainsi qu’au moment de l’audition. De plus, il doit prouver la mauvaise foi du vendeur, et plus particulièrement que son refus d’encaisser le prix était injustifié et sans motifs valables. Le tribunal doit tenir compte de l’ensemble des circonstances, de la conduite de chacune des parties lors de la conclusion de la promesse, avant l’institution des procédures, ainsi que tout au long de l’instance, de sorte que son jugement accueillant l’action en passation de titre et donnant un délai au promettant-acheteur pour consigner le prix constituera une sanction de la mauvaise foi du vendeur1651.


Notes de bas de page

1627. Il est essentiel de consigner les originaux des certificats d’actions ou de valeurs mobilières afin que la consignation soit valable et complète. Voir à cet effet : Biern-Boyd c. Cinar Corp., AZ-50149526, J.E. 2003-86 (C.S.).

1628. 156046 Canada Inc. c. Laoun, 1992 CanLII 3735 (QC CA), AZ-93011070, J.E. 93-83, [1993] R.D.J. 277 ; 152633 Canada inc. c. Monde des véhicules récréatifs inc., AZ-97021123, J.E. 97-376 (C.S.).

1629. Voir : Nordic Development Corp. c. Omniplast Inc., AZ-95023048, [1995] R.D.I. 389 (C.S.) ; Silent Signal Inc. c. Pervin, AZ-96021580, J.E. 96-1427 (C.S.) ; Bailey c. Chagnon, 1996 CanLII 12371 (QC CS), AZ-96021928, J.E. 96-2231, [1996] R.D.J. 566 (C.S.) ; Chénier c. Robichaud, 1997 CanLII 9222 (QC CS), AZ-97021239, J.E. 97-675 (C.S.).

1630. Pabla c. Pilikian, AZ-75021223, [1975] C.S. 669 ; Construction Miroka Ltée c. Racicot, AZ-79022552, J.E. 79-1004 (C.S.).

1631. Centres d’achats Beauward ltée c. Société de gestion Mathers inc., AZ-50356247, 2006 QCCS 804.

1632. Entreprises LT ltée c. Gestion Michel Lagacé Inc., 2023 QCCA 357, AZ-51923466.

1633. Degremont ltée c. Léger, AZ-50396466, 2006 QCCA 1396 ; rappelons que l’exigence d’une quittance n’est pas une condition, voir à ce sujet nos commentaires sur l’article 1573 C.c.Q.

1634. Ferblanterie SKV (Québec) inc. c. Constructions Ferclau inc., 2005 CanLII 41691 (QC CQ), AZ-50267305, B.E. 2006BE-160 : Pour que les offres soient libératoires, il faut qu’elles aient été faites sans condition afin de permettre à la partie adverse de toucher ces sommes d’argent sans mettre en péril son droit au recouvrement de sa créance.

1635. Canada Gum Ltd c. E.Electric inc., 1983 CanLII 2725 (QC CA), AZ-83122027, [1983] R.D.J. 303 (C.A.) ; Banque de Montréal c. La Prudentielle, Cie d’assurance Ltée, 1988 CanLII 720 (QC CA), AZ-88011670, J.E. 88-956, [1988] R.D.J. 165 (C.A.) et Bistricer c. Ederhy, AZ-02019180, B.E. 2002BE-992 (C.A.) : L’exigence d’une quittance assortie à des offres consignées ne constitue pas une condition si le droit à la créance n’est pas contesté, mais seulement le quantum.

1636. Degremont ltée c. Léger, AZ-50396466, J.E. 2006-2201, 2006 QCCA 1396 ; voir aussi : l’article 1573 C.c.Q. et nos commentaires sur cet article.

1637. Alexandre c. Dufour, 2004 CanLII 76618 (QC CA), AZ-50283347, J.E. 2005-36, [2005] R.D.I. 1, [2005] R.J.Q. 1 (C.A.).

1638. Brandt Plumbing Co. c. Montreal Boys’ and Girls’ Association, AZ-82021056, J.E. 82-143 (C.S.) ; Drapaniotis c. Estate of the Late Szoel Soroka, AZ-82021059, J.E. 82-144 (C.S.) ; Gelber c. 128613 Canada Inc., 1988 CanLII 788 (QC CA), AZ-88011770, J.E. 88-988, [1988] R.D.I. 388, [1988] R.D.J. 267 (C.A.) ; Lemerise c. Construction G. Proulx & Frères Inc., AZ-90023019, [1990] R.D.I. 320 (C.S.).

1639. Exception faite cependant du cas où le promettant-acheteur est en demeure de plein droit. Voir nos commentaires sur l’article 1580 C.c.Q. ; voir aussi : Cantin-Roy c. Rivard, 1997 CanLII 9149 (QC CS), AZ-97021703, J.E. 97-1719, REJB 1997-07536 (C.S.).

1640. Voir V. KARIM, « Les recours appropriés en cas d’offre ou de promesse acceptée : l’action en passation de titre, l’action en exécution forcée et l’action en dommages-intérêts », R. du N., vol. 94, n° 3, septembre-octobre 1991, p. 3.

1641. Wilson c. Dagenais, AZ-50861956, 2012EXP-3201, 2012 QCCS 2449.

1642. Association des harmonistes du Québec Inc. c. Thouin, 1987 CanLII 930 (QC CA), AZ-88011128, J.E. 88-113, 10 Q.A.C. 221, [1988] R.D.I. 29, [1987] R.D.J. 561, [1988] R.J.Q. 124 (C.A.) ; Bernadi c. Immeubles Donora Ltée, AZ-88021272, J.E. 88-667, [1988] R.D.I. 281 (C.S.) ; Gelber c. 128613 Canada Inc., 1988 CanLII 788 (QC CA), AZ-88011770, J.E. 88-988, [1989] R.D.I. 388, [1988] R.D.J. 267 (C.A.) ; Bhandori c. 129440 Canada Inc., 1989 CanLII 884 (QC CA), AZ-89011787, J.E. 89-1282, [1989] R.D.I. 729, [1989] R.D.J. 405 (C.A.) ; Bruyère c. 104937 Canada Inc., AZ-89021291, J.E. 89-1116, [1989] R.J.Q. 1924 (C.S.) ; Lemerise c. Construction G. Proulx & Frères Inc., AZ-90023019, [1990] R.D.I. 320 (C.S.).

1643. Couture Carlyle inc. c. Gérald O’Reilly et al., 2001 CanLII 25475 (QC CS), AZ-50098344, J.E. 2001-1504 (C.S.).

1644. Estmount Medical Building c. 126149 Canada inc. et al., AZ-86011011, J.E. 86-76 (C.A.).

1645. Wilson c. Dagenais, AZ-50861956, 2012EXP-3201, 2012 QCCS 2449.

1646. Couture Carlyle inc. c. Gérald O’Reilly et al., 2001 CanLII 25475 (QC CS), AZ-50098344, J.E. 2001-1504 (C.S.).

1647. Houlachi c. Bray, 1997 CanLII 7108 (QC CA), AZ-97011868, J.E. 97-2114, REJB 1997-03174 (C.A.).

1648. Houlachi c. Bray, 1997 CanLII 7108 (QC CA), AZ-97011868, J.E. 97-2114, REJB 1997-03174 (C.A.) ; Bergeron c. Ayotte, AZ-5969075, J.E. 2006-2223, 2006 QCCQ 3306, [2006] R.D.I. 819.

1649. Roussel c. Rodrigue, 1998 CanLII 9777 (QC CS), AZ-98021805, J.E. 98-1740, REJB 1998-08216 (C.S.) ; Gouverneur inc. c. Morris Bailey Enterprises, AZ-99021080, J.E. 99-197 (C.S.) ; Croteau c. Murphy, AZ-99021354, J.E. 99-729, [1999] R.D.I. 227, REJB 1999-11869 (C.S.) ; Dumont c. Rioux, 1999 CanLII 11663 (QC CS), AZ-99021581, J.E. 99-1191, REJB 1999-13137 (C.S.) ; Immeubles Aimé Deslauriers ltée c. 2413-4520 Québec inc., AZ-00026221, B.E. 2000BE-435 (C.S.) ; Ferme A. Larouche & Fils inc. c. Tremblay, 2000 CanLII 18627 (QC CS), AZ-00021426, J.E. 2000-898, REJB 2000-18255 (C.S.) ; Construction R.M.T. inc. c. 1840-1497 Québec inc., AZ-00021662, J.E. 2000-1316, REJB 2000-18909 (C.S.) ; Biron c. St-Aubin, 2000 CanLII 18901 (QC CS), AZ-00022048, J.E. 2000-2053, REJB 2000-20415 (C.S.) ; Projets d’aménagements cosmopolites P.D.C. inc. c. Hudon, 2000 CanLII 29910 (QC CS), AZ-00022072, J.E. 2000-2097, [2000] R.D.I. 661, REJB 2000-20597 (C.S.) ; Goupil c. Guimond, 2001 CanLII 39029 (QC CS), AZ-01026208, B.E. 2001BE-463, [2001] R.L. 287 (C.S.) ; Gestion Mystic inc. c. 2863-2321 Québec inc., 2001 CanLII 40045 (QC CS), AZ-01021647, J.E. 2001-1243 (C.S.) ; Marinakis c. Miller, AZ-50955920, J.E. 2013-889, 2013 QCCS 1484 (inscription en appel).

1650. Marinakis c. Miller, AZ-50955920, 2013 QCCS 1484 (inscription en appel).

1651. Houlachi c. Bray, 1997 CanLII 7108 (QC CA), AZ-97011868, J.E. 97-2114, REJB 1997-03174 (C.A.) ; Roussel c. Rodrigue, 1998 CanLII 9777 (QC CS), AZ-98021805, J.E. 98-1740, REJB 1998-08216 (C.S.) ; Dumont c. Rioux, 1999 CanLII 11663 (QC CS), AZ-99021581, J.E. 99-1191, REJB 1999-13137 (C.S.) ; Gestion Mystic inc. c. 2863-2321 Québec inc., 2001 CanLII 40045 (QC CS), AZ-01021647, J.E. 2001-1243 (C.S.).

Wilson et Lafleur

La diffusion de l'ouvrage Les obligations, vol. 2 de Vincent Karim, et publié par Wilson et Lafleur, est rendue possible grâce à une licence accordée au CAIJ par Wilson et Lafleur.

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Législation citée (Québec et CSC)  
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Concordances  
 
 
  • Code civil du Bas Canada : Aucune
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Commentaires du ministre de la Justice  
 
Article 1576 (LQ 1991, c. 64)
Les offres réelles faites par déclaration judiciaire qui ont pour objet une somme d'argent ou une valeur mobilière, doivent être complétées par la consignation de cette somme ou de cette valeur, suivant les règles du Code de procédure civile.
Article 1576 (SQ 1991, c. 64)
The tender of a sum of money or securities made by a judicial declaration which is recorded shall be completed by deposit of the sum or the securities, according to the rules of the Code of Civil Procedure.
Sources
C.P.C. : article 189 al.2
Commentaires

Cet article rappelle dans le Code civil l'exigence, prévue au second alinéa de l'article 189 C.P.C., voulant que les offres réelles d'une somme d'argent faites par déclaration judiciaire soient complétées par la consignation de cette somme, en étendant l'application d'une telle exigence aux offres réelles portant sur des valeurs mobilières.


Il renvoie, quant aux modalités de la consignation, aux règles du Code de procédure civile, plus particulièrement à celles prévues aux articles 189 et 189.1.


Extrait de : Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice - Le Code civil du Québec , t. 1, Québec, Les Publications du Québec, 1993.
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Débats parlementaires et positions  
 
 

1.  Code civil du Québec, LQ 1991, c. 64, a. 1576

 
Référence à la présentation : Projet de loi 125, 1re sess, 34e lég, Québec, 1990, a. 1573.
 
Étude détaillée dans le Journal des débats :
 
 

2.  Loi visant à assurer une meilleure concordance entre les textes français et anglais du Code civil, LQ 2016, c. 4, a. 193

 
Référence à la présentation : Projet de loi 89, 1re sess, 41e lég, Québec, 2016, a. 193.
 
Étude détaillée dans le Journal des débats :
 
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Les lois du Québec sont reproduites avec l'autorisation de l'Éditeur officiel du Québec.
Les Code civil du Bas Canada et Code civil du Québec (1980) sont reproduits avec l'autorisation de Wilson et Lafleur.