Art. 1463. Le commettant est tenu de réparer le préjudice causé par la faute de
ses préposés dans l’exécution de leurs fonctions; il conserve, néanmoins, ses
recours contre eux.
|
|
Art. 1463. The principal is bound to
make reparation for injury caused by the fault of his subordinates in the
performance of their duties; nevertheless, he retains his remedies against
them.
|
C.C.B.-C.
1054. (7) Les
maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs
domestiques et ouvriers, dans l’exécution des fonctions auxquelles ces derniers
sont employés.
O.R.C.C. (L. V, DES OBLIGATIONS)
99. Le commettant répond du dommage dont ses préposés sont responsables
dans l’exécution de leurs fonctions.
C.c.B.-C. : art. 1054.
C.c.Q. : art. 1526, 1457, 1470, 2073, 2164 et 2301.
1. Distinction
avec le droit antérieur
3554. Cet article
reproduit, sous une nouvelle formulation, la règle édictée au septième alinéa
de l’article 1054 C.c.B.-C. selon laquelle le commettant ou l’employeur a une
obligation de garantie envers les tiers à l’égard de toute faute commise par l’un
de ses préposés dans
[Page 1479]
l’exécution de ses
fonctions. Il confirme l’interprétation
donnée par la jurisprudence et la doctrine à l’article 1054 al. 7 C.c.B.-C.
3555. Il faut ajouter que malgré la responsabilité du commettant à l’égard
des tiers, celui-ci conserve ses recours contre le préposé fautif,
comme dans le droit antérieur.
3556. Le législateur profite de cette codification pour modifier la
terminologie employée. Ainsi, les termes « domestique » et « ouvrier »
sont remplacés par celui de « préposé », qui correspond davantage au
langage usuel. Le terme « commettant » définit la personne qui a le pouvoir direct de
contrôle, de surveillance et de direction sur son préposé, c’est-à-dire le
pouvoir de lui donner des ordres sur la manière d’exécuter sa fonction.
2. Conditions
requises à la responsabilité du commettant
3557. Les trois conditions essentielles à l’application de la présomption de
responsabilité contre le commettant sont les suivantes : la preuve d’une
faute personnelle du préposé, la preuve du lien de
[Page 1480]
préposition
(pouvoir de contrôle) et la preuve que le préposé se trouvait dans l’exécution
de ses fonctions au moment du fait dommageable.
La démonstration de ces éléments par le demandeur peut être faite par tous les
moyens, y compris par la présomption de fait.
3558. Le
commettant peut s’exonérer en démontrant que les conditions d’application du
régime de l’article 1463 C.c.Q. ne sont pas réunies.
Il sera notamment possible pour le commettant de s’exonérer dès lors que le
fardeau de preuve relatif à l’établissement de la faute de son représentant ou
de son préposé n’a pas été adéquatement établi par la partie demanderesse. En
effet, il ne suffit pas de démontrer que le préposé ait agi dans le cadre de
ses fonctions et qu’il existe un lien de subordination entre le commettant et
ce dernier, mais il faut aussi établir en preuve la faute commise par le
préposé qui constitue la condition essentielle requise par l’article 1463 C.c.Q.
Ainsi, en l’absence d’une quelconque preuve de faute commise par le préposé, la
responsabilité de celui-ci ne peut être engagée ce qui signifie que la preuve
requise par cette disposition pour la responsabilité du commettant ne pourra
pas être valablement établie de sorte que la demande en justice contre ce
dernier doit aussi être rejetée. Cela étant dit, aucune demande d’indemnisation
introduite à l’encontre du commettant ne saurait être favorablement accueillie
par le tribunal en l’absence d’une preuve de la faute reprochée à son préposé.
3559. Il est
également possible pour le commettant de prétendre que la faute commise par le
préposé est intervenue dans le cadre de ses
[Page 1481]
fonctions et non dans
leur exécution. C’est le cas lorsqu’une
entreprise de courtage démontre, par une preuve prépondérante, que le
conseiller financier à qui le demandeur reproche une faute dans la gestion de
son portefeuille, n’a pas agi dans l’exercice de ses fonctions ou qu’il a
outrepassé son mandat. Le commettant peut
également s’exonérer de toute responsabilité en faisant la preuve qu’il s’agit
d’un cas de force majeure, d’une faute de la victime ou d’un tiers (art. 1470 C.c.Q.). À l’inverse, une entreprise de
courtage qui n’a pas surveillé adéquatement son conseiller qui ne vendait pas
les produits adéquats à ses clients, sera tenue responsable, dû à son
manquement de surveillance à l’endroit de son employé qui ne détenait pas les
diplômes nécessaires.
A. La
détermination du lien de subordination
1) Dans les contrats de travail
3560. Il nous
semble que le critère déterminant doit être l’existence d’un lien de
subordination. D’ailleurs, les tribunaux ont déjà retenu le lien de
subordination comme fondement de rapport commettant-préposé.
La démonstration du pouvoir de contrôle même
momentané sur le préposé suffit
pour établir l’existence du lien de préposition, même si le commettant n’exerce
pas le pouvoir de contrôle dont il dispose. Il n’est pas
nécessaire que ce contrôle s’exerce physiquement ou matériellement. Il suffit
que le contrôle soit intellectuel, virtuel ou immatériel. Ainsi, la personne
qui agit simplement pour rendre service peut tout de même devenir
temporairement un préposé et engager la responsabilité de son commettant.
[Page 1482]
3561. Le droit ou le pouvoir de donner des instructions quant à l’exécution
du travail ne constitue pas le seul critère pour conclure à l’existence d’un
lien de préposition. Ainsi, le maître de l’ouvrage ou l’entrepreneur général
peut donner des instructions à un sous-traitant relativement à l’exécution des
travaux prévus dans son contrat. Ce pouvoir de donner des instructions ne crée
pas pour autant un lien de préposition entre les parties.
De même, un entrepreneur dépêché sur les lieux d’un sinistre par un assureur
afin de réaliser des travaux d’urgence ne devient pas pour autant le préposé de
ce dernier. Le fait de donner des
directives générales sur les travaux à effectuer ne permet pas non plus de
conclure à l’existence d’un pouvoir de contrôle de commettant.
Également, la demande d’exécution de travaux sans effectuer de surveillance sur les lieux ne crée pas de lien
de préposition entre la personne qui fait la demande et celle qui exécute les
travaux. Il faut, en plus, un certain contrôle.
Il importe toutefois de faire la distinction entre la personne ayant un droit
de contrôle, une obligation de surveiller les travaux et de donner des
directives quant à leur exécution et la personne qui ne dispose pas de ce droit
et qui n’est pas non plus tenue à une telle obligation. Dans ce dernier cas, il
n’y a pas de rapport commettant-préposé, surtout en l’absence d’un lien de
subordination. Par contre, dans le premier cas, il peut y avoir un rapport
commettant-préposé lorsque le critère du lien de subordination est rempli et ce
même si le droit de contrôle ou de surveillance n’est pas exercé. Quand le
prétendu commettant n’est pas en mesure de donner les directives à l’autre
personne à cause d’un manque de connaissance, il est impossible de conclure à
un lien de préposition.
3562. Chaque cas constitue un cas d’espèce et l’application d’un seul critère
ne suffit pas à lui seul. Il faut d’abord tenir compte de la situation existant
entre les parties et de l’ensemble des faits établis
[Page 1483]
afin d’y appliquer par
la suite, les différents critères élaborés par la jurisprudence
et d’en arriver à une conclusion satisfaisante. Ainsi, l’existence de lien de
préposition a été admise dans des contrats d’entreprise qui ne sont normalement
pas propices à ce type de relation. Il s’agit
cependant là de situations particulières parce que le contrat d’entreprise,
comme le contrat de louage, ne crée pas, par sa nature, de lien de préposition
entre les parties.
3563. Il convient de souligner que le lien de préposition peut exister en
dehors de toute relation contractuelle, et même à l’occasion de services rendus
gratuitement par l’auteur des faits dommageables, au bénéfice d’une autre
personne. Par contre, on ne
retrouve pas ce type de lien dans les relations d’entraide entre voisins lorsqu’aucune
des parties ne donne d’instructions
ou exerce un pouvoir sur l’autre dans le cadre de l’activité réalisée.
2) Dans l’exercice d’une profession
3564. Les tribunaux énoncent certaines réserves quand vient le temps de
retenir la responsabilité d’un professionnel comme commettant d’un autre
professionnel qu’il emploie. Le régime de
responsabilité de l’article 1463 C.c.Q.
s’applique toutefois lorsqu’il apparaît que le professionnel employé ne dispose
pas d’un niveau d’indépendance suffisant envers son employeur.
Les relations professionnelles ne sont pas propices à l’établissement d’une
relation commettant-préposé.
[Page 1484]
3565. Dans le domaine médical, la responsabilité de l’hôpital ou d’une
clinique ne peut être retenue pour une faute commise par un médecin. Le concept
de lien de préposition ne reçoit pas d’application car le professionnel de la
santé bénéficie d’une autonomie octroyée par des dispositions législatives.
Aussi, la responsabilité d’un hôpital ne peut être retenue pour la faute du
médecin exerçant sa profession dans ses locaux, dans la mesure où ce dernier ne
dispose d’aucun pouvoir de contrôle sur les actes posés par le médecin.
Par conséquent, le médecin répond de ses propres actes. Le fait que le médecin
bénéficie d’un traitement particulier de la part de l’hôpital ne peut être un
critère permettant de conclure à l’existence d’un lien de préposition entre eux.
Ce principe s’étend également aux cliniques privées qui n’exercent pas non plus
un pouvoir de contrôle, de surveillance ou de direction sur le travail du
médecin. Quant au personnel
infirmier, la faute reprochée qu’elle relève ou non de l’acte médical notamment
des gestes du personnel infirmier,
la responsabilité de l’hôpital à titre de commettant est alors engagée.
De plus, la faute commise par un résident sous la supervision d’un médecin,
engage la responsabilité de ce dernier dans la mesure où la faute est réputée
avoir été commise dans l’exécution de ses fonctions, lors d’un acte médical.
3566. La
responsabilité d’un fonds d’assurance de responsabilité professionnelle ne peut
pas être recherchée sur la base de l’article 1463 C.c.Q., car le professionnel n’est pas le préposé de l’ordre.
Il importe toutefois de ne pas confondre l’obligation de l’assureur de réparer
le préjudice causé par son assuré et son obligation en tant que commettant de
son courtier. Ainsi, la responsabilité d’un cabinet d’assurances peut être
retenue à titre de commettant dans certaines situations, soit lorsque l’un
[Page 1485]
de ses agents en
assurance cause un préjudice à un client en raison de son manquement à son
obligation de conseil.
3567. Il ne faut pas confondre le courtier en assurance de l’agent. Le
courtier en assurance est un authentique expert-conseil et non pas un
mandataire attitré d’un assureur, comme l’agent en assurance. En matière d’assurance
de dommage, ce dernier entretient un lien d’exclusivité avec un seul assureur,
ce qui n’est pas le cas lorsqu’on parle du courtier en assurance de dommages,
qui offre au public un choix de différents produits d’assurance de plusieurs
assureurs. Par ailleurs, puisque
l’agent entretient un lien exclusif avec l’assureur, celui-ci peut être
considéré comme son commettant et sera par conséquent tenu de réparer le préjudice
causé par son agent dans l’exécution de ses fonctions, conformément à l’article
1463 C.c.Q..
3) Dans le cadre de l’exercice des fonctions
3568. Quant à la notion d’exécution des fonctions, les tribunaux semblent
avoir délimité trois catégories distinctes de situations pouvant survenir.
Ainsi, la faute du préposé est susceptible de se produire dans l’exercice
normal de ses fonctions. Il s’agit de cas d’incompétence dans l’exécution d’une
tâche rattachée à la fonction du préposé. Il en
[Page 1486]
est ainsi de la
compagnie d’assurance dont le représentant manque à son devoir d’information à
l’égard du détenteur de la police ou ne lui obtient pas une couverture adéquate.
Cela se produit également lorsqu’un employé omet de transmettre une information
donnant lieu à une situation qui conduit à la saisie d’un véhicule.
La responsabilité d’une municipalité peut également être retenue en raison des
fausses déclarations de ses employés. Elle pourra ainsi être tenue d’indemniser
des personnes ayant acquis la propriété d’un terrain ou signé une offre d’achat
pour un terrain après les fausses déclarations ou les informations erronées
fournies par son urbaniste. De même, l’inspecteur
qui émet un permis malgré la non-conformité des installations engagera lui
aussi la responsabilité de la municipalité qui l’emploie.
3569. Soulignons
que les commettants ne sont pas exonérés des actes criminels ou délictueux si
les faits révèlent que ceux-ci ont été commis par les préposés dans l’exécution
de leurs fonctions et qu’ils ont bénéficié à l’employeur.
Le caractère délictuel de l’acte n’aurait pas pour effet de faire sortir le
préposé du cadre de son lien de préposition ou de l’exécution de ses fonctions.
Ainsi, la responsabilité d’un établissement peut être admise pour les blessures
infligées par un préposé qui tentait de faire respecter un règlement.
De même, le propriétaire d’un logement engage sa responsabilité pour la
conduite discriminatoire
[Page 1487]
du concierge qui
applique ses consignes ou, par exemple, il
refuse de louer un logement pour un motif discriminatoire.
La responsabilité d’un magasin peut aussi être retenue pour la conduite peu
cavalière de ses gardiens de sécurité lors de vérifications effectuées afin d’éviter
les vols à l’étalage.
3570. Les fautes
commises par le préposé peuvent survenir alors qu’il n’exécute pas ses
fonctions comme l’employeur le lui a demandé ou en ne respectant pas les
consignes données. Dans ces cas
particuliers, afin d’engager la responsabilité du commettant, la faute du
préposé doit avoir été commise dans l’exercice de ses fonctions et doit pouvoir
bénéficier au moins partiellement au commettant.
C’est le cas lorsque des actes frauduleux commis par le directeur d’un
établissement financier permettent à celui-ci d’accorder des prêts et d’augmenter
son chiffre d’affaires. Dans un tel cas, la
notion d’intérêt permet de décider si l’acte a été posé par le préposé dans l’exécution
des fonctions ou non. Même lorsque le préposé agit sans recevoir de mandat ou d’ordre
autorisant son action, il suffit que le commettant en tire bénéfice pour que l’acte
du préposé soit considéré avoir été posé dans l’exécution de ses fonctions. Tel
est le cas d’un témoignage diffamatoire produit par le représentant d’une
entreprise au profit de son employeur. Toutefois,
[Page 1488]
lorsque la preuve
démontre que le préposé agissait à l’insu de son commettant et dans un intérêt
personnel, la responsabilité du commettant ne peut être retenue.
Ainsi, lorsqu’un employé encaisse des chèques de clients afin d’en retirer un
bénéfice personnel, la responsabilité du commettant ne peut être engagée
puisque ce dernier ne bénéficie aucunement d’une telle manœuvre frauduleuse. Au
contraire, elle en subit un préjudice et une perte. L’employé ne fait que se
servir de son titre pour bénéficier exclusivement de ses fonctions.
3571. Enfin,
donnent ouverture à la responsabilité du commettant, certaines fautes commises
sur les lieux de travail ou durant les heures de travail mais ne relevant pas
de la sphère normale des activités du préposé, telle que définie par les
instructions du commettant. Seules les deux premières possibilités sont
soumises à l’application de l’article 1463 C.c.Q..
3572. L’exclusion,
par la loi, de l’intervention du tuteur du mineur âgé de 14 ans et plus (art.
156 C.c.Q.) dans la conclusion de son contrat de travail rend difficile la
tenue de la responsabilité de ce dernier pour une faute commise au cours de l’exécution
du travail du mineur. Le seul responsable d’une telle faute sera le commettant
en raison d’une présomption implicite de la délégation de l’obligation de
contrôle et de surveillance du tuteur du mineur au commettant. La victime
pourra cependant chercher exceptionnellement la responsabilité du tuteur pour
une faute commise par le mineur alors qu’il est au travail, sous le contrôle et
la surveillance du commettant, si elle réussit à faire la preuve que cette
faute est due ou est reliée à la mauvaise éducation du mineur. En faisant cette
preuve, le commettant pourra aussi tenir le tuteur responsable pour l’indemnité
qu’il a dû payer à la victime.
3573. Incidemment,
sont clairement exclus du champ d’application de l’article 1463 C.c.Q. les
actes qui contreviennent aux instructions
[Page 1489]
définissant le mode d’exécution
et le cadre d’une fonction ainsi que ceux posés dans l’intérêt personnel
exclusif du préposé. Ainsi, la
responsabilité d’une entreprise de courtage ne peut être retenue en raison des
malversations faites à son insu par l’un de ses conseillers indépendants dans
le cadre d’une entente secrète conclue avec des épargnants.
Toutefois, un syndicat a l’obligation de réparer le préjudice causé par les
propos haineux et méprisants tenus par ses agents.
Il en va de même pour les propos diffamatoires prononcés lors d’une émission
radiophonique par l’animateur d’une station de radio : la responsabilité
des dirigeants de la station est alors engagée,
surtout s’ils ne les dénoncent pas ou s’ils ne s’en dissocient pas, dans la
mesure où de tels propos constituent implicitement le genre de propos qu’ils
attendent de leur animateur. De même, un réseau de télévision sera responsable
en raison d’un reportage diffamatoire diffusé sur ses ondes.
3. Fondement
de la responsabilité du commettant
3574. La responsabilité du commettant s’ajoute à celle de son préposé qui
demeure responsable de sa propre faute, ce qui permet
à la victime de poursuivre les deux. La responsabilité du commettant et celle
du préposé ne sont pas solidaires puisqu’il ne s’agit pas d’une faute
[Page 1490]
commune ou de deux
fautes distinctes ayant causé un même dommage au sens de l’article 1526 C.c.Q..
3575. La responsabilité du commettant est fondée sur une garantie économique
et non sur un régime de faute imputable au commettant. Aussi, le régime de responsabilité
présumée ne permet pas au commettant de s’exonérer en prouvant l’absence de la
faute personnelle. L’existence ou non d’une
faute de la part du commettant n’a d’ailleurs pas d’importance à l’ouverture du
régime énoncé à l’article 1463 C.c.Q..
3576. Notons cependant que le commettant qui a commis une faute dans le choix
ou la surveillance du préposé peut voir sa responsabilité engagée selon les
règles générales de l’article 1457 C.c.Q.. Un employeur ayant
agi raisonnablement ne pourra être tenu responsable de la faute commise par son
préposé. Pour se dégager de toute responsabilité, il devra prouver qu’il a
sélectionné son préposé conformément aux normes applicables dans le domaine
professionnel en cause. Dans le cas
contraire, les règles de la solidarité pourraient s’appliquer. Ainsi, un
employé inexpérimenté qui se voit confier une mission au cours de laquelle il
cause un préjudice à une personne, peut appeler son employeur en garantie afin
de le tenir seul responsable de l’indemnisation de la victime.
[Page 1491]
3577. Le
commettant est responsable du préjudice causé par la faute de son préposé dans
l’exécution de ses fonctions conformément à l’article 1463 C.c.Q., sans qu’il
ne soit nécessaire de prouver que ce commettant a lui-même commis une faute. La
responsabilité du commettant et celle de son préposé ne pourraient être in
solidum en raison du fait que le demandeur peut, conformément à l’article
2896 C.c.Q., amender sa demande introductive d’instance afin d’ajouter comme
nouveau défendeur le commettant du préposé. Se faisant, l’interruption de la
prescription vis-à-vis du préposé interrompt aussi celle à l’égard du
commettant. Le demandeur qui a
obtenu un jugement constatant la faute du préposé lors de l’exercice de ses
fonctions et une condamnation de lui payer une indemnité pour les dommages qui
en résultent, peut, compte tenu de l’article 2896 C.c.Q., poursuivre par la
suite le commettant puisque l’interruption du délai de prescription continue
jusqu’à ce que le jugement rendu contre le préposé revêt la force de chose
jugée.
3578. Cette
responsabilité constitue en quelque sorte une garantie pour la victime de
recevoir l’indemnité pour le préjudice résultant des actes accomplis par le
préposé dans l’exécution de ses fonctions. La
responsabilité légale du commettant ne bénéficie en aucun cas au préposé auteur
des dommages causés à la victime. Le préposé poursuivi seul ne peut forcer son
commettant à intervenir dans le litige ni lui réclamer une partie du montant
auquel il sera condamné à payer à la victime à moins de faire la preuve que l’acte
dommageable a été accompli en raison des directives et des instructions données
par son commettant. Au contraire, le commettant poursuivi par la victime peut
appeler son préposé en garantie et ainsi, le forcer à intervenir dans la
poursuite dirigée contre lui en raison de sa faute.
3579. Le commettant
peut également réclamer au préposé par un recours récursoire le montant total
qu’il sera condamné à verser à la victime pour les dommages causés par la faute
commise dans l’exercice de ses fonctions, à moins que cette faute ne soit due
aux instructions données par le commettant ou à la nature du travail confié au
préposé.
[Page 1492]
Le commettant est
ainsi dans une situation semblable à celle de la caution qui aurait renoncé au
bénéfice de discussion envers le créancier. Il dispose donc des mêmes recours
que ceux offerts à une caution qui se voit obligée d’acquitter la dette à la
place du débiteur principal.
3580. La présomption de l’article 1463 C.c.Q. étant seulement établie en faveur de la victime, le préposé
poursuivi ne peut appeler le commettant en garantie ou le poursuivre pour le
remboursement des dommages qu’il a acquittés.
3581. La
jurisprudence a vu, dans l’article 1054 C.c.B.-C., une présomption irréfragable
de responsabilité dès que toutes les conditions d’application du régime de
responsabilité du commettant étaient réunies.
La formulation de la règle prévue à l’article 1463 C.c.Q. ne permet pas de
mettre en doute le maintien du caractère irréfragable de la présomption de
responsabilité du commettant, bien que cette question ne fasse pas l’unanimité
chez les auteurs.
4. La
responsabilité liée à la personnalité du préposé
3582. Le problème
de la détermination de la responsabilité du commettant dans les cas de vice de
personnalité du préposé n’a pas été réglé par le Code civil du Québec. A
priori, il semblait raisonnable de croire que l’on se dirigeait vers une
solution qui nierait la responsabilité du commettant lorsque le préposé, alors
qu’il se trouve sur les lieux de son travail, cause un préjudice en raison de
traits particuliers de sa personnalité. Toutefois, la
jurisprudence subséquente à l’entrée en vigueur de l’article 1463 C.c.Q. ne
semble pas avoir favorisé cette proposition. Ainsi, la responsabilité de l’employeur a été retenue pour des propos
racistes tenus par l’un de ses représentants à l’égard d’une cliente qui
tentait d’annuler un contrat d’achat de publicité.
De même, un
[Page 1493]
centre d’aide pour
personnes ayant des problèmes de santé mentale a été tenu responsable des actes de discrimination et de harcèlement sexuel d’un psychologue y
travaillant. Il est à noter que le régime de responsabilité de l’article 1463 C.c.Q. agit à titre supplétif et permet de
retenir la responsabilité de l’employeur dans les hypothèses d’atteintes aux
droits protégés par la Charte. En effet, une
atteinte aux droits protégés par la Charte des droits et libertés de la
personne représente une faute civile et la responsabilité de l’employeur
peut être soulevée en vertu de l’article 1463 C.c.Q.. On y trouve une
application particulière en matière de harcèlement sexuel. Le propriétaire d’un
immeuble peut être tenu responsable des excès de caractère de son concierge
alors que ce dernier avait commis des actes de vandalisme sur l’automobile du
plaignant et plusieurs abus de pouvoir (quatre plaintes justifiées menant à une
arrestation) à l’égard du conjoint d’une locataire.
3583. En général, la jurisprudence a retenu la responsabilité du commettant
pour les dommages résultant du comportement agressif d’un de ses préposés à l’égard
d’un tiers ou d’un autre employé. Cependant lorsque la
violence est le fait d’un représentant de l’employeur et qu’elle vise l’un des
préposés, la responsabilité du commettant sera retenue personnellement en vertu
de l’article 1457 C.c.Q..
3584. Bien que la Cour d’appel ait clairement affirmé qu’il est difficile de
retenir la responsabilité d’un commettant pour un problème de
[Page 1494]
personnalité de son employé,
il n’en reste pas moins que les décisions
précitées ne soulèvent nullement l’existence de tels vices, pourtant évidents.
Au surplus, la responsabilité du propriétaire de l’immeuble
a été retenue en vertu de l’article
1463 C.c.Q., car il avait mal choisi son concierge et ne
le surveillait pas adéquatement. Or, de tels arguments
ne devraient pas être pris en compte pour instaurer le mécanisme de
responsabilité prévu à l’article 1463 C.c.Q. Le mauvais choix d’un préposé ou un encadrement insuffisant de
ses activités entraîne la responsabilité civile de l’employeur, lorsque la
faute est causale, uniquement sous le chef de l’article 1457 C.c.Q. Il ne faut
surtout pas confondre la faute de l’employeur avec celle de son préposé. L’article
1463 C.c.Q. ne représente qu’une garantie économique pour les victimes, dans la
mesure où les préposés sont bien souvent insolvables. D’ailleurs, la
responsabilité d’un employeur pour les vices de personnalité d’un préposé
devrait être retenue uniquement lorsque les conditions de l’article 1457 C.c.Q.
sont réunies, c’est-à-dire lorsque l’employeur prend connaissance ou ne peut
ignorer un problème de personnalité flagrant de son préposé, soit au moment de
l’embauche, soit lors de la période de formation ou encore ultérieurement.
3585. Soulignons
que les fautes commises par les préposés d’une personne morale n’engagent la
responsabilité de cette dernière qu’à titre de commettant.
Notons aussi qu’un organisme sans but lucratif peut être tenu responsable des
actes de ses employés. Ainsi la responsabilité d’une commission scolaire a été
admise dans le cas où un enseignant a séduit une élève et a agi de façon
inappropriée à son égard.
3586. Les
municipalités, à titre de commettantes des policiers sont souvent amenées à
réparer les dommages causés par ces derniers dans l’exercice de leurs fonctions.
Cependant, lorsqu’ils interviennent
[Page 1495]
comme agent de la paix à
la demande du ministre de la Sécurité publique ou de la Sûreté du Québec, ils
sont réputés être représentants du Procureur général.
Toutefois, le seul fait d’intervenir en dehors de son territoire ne fait pas de
cet agent de la paix un préposé du ministère de la Sécurité publique, il
demeure un préposé de la ville qui l’emploie.
Enfin, il faut rappeler que la responsabilité de la municipalité peut également
être engagée en raison de fautes commises par ses représentants ou
fonctionnaires.
3587. L’article 1463 C.c.Q. doit recevoir une interprétation
restreinte afin de limiter son application à l’obligation de réparer le dommage
causé par l’employé à autrui. En effet, l’acte préjudiciable commis par l’employé
peut être aussi sanctionné par une condamnation à payer des dommages
exemplaires ou punitifs lorsqu’un tel acte a été commis de mauvaise foi ou en
violation d’un droit de la personne de la victime. L’employeur, à moins d’une
preuve contraire qui démontre son implication ou sa tolérance d’un comportement
de son employé, ne peut être tenu à payer les dommages exemplaires dont ce
dernier est redevable.
[Page 1496]