§ 2. — Du fait ou de la faute
dautrui
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§ 2. — Act or fault of another
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Art. 1459. Le titulaire de l’autorité parentale est tenu de réparer le préjudice
causé à autrui par le fait ou la faute du mineur à l’égard de qui il exerce
cette autorité, à moins de prouver qu’il n’a lui-même commis aucune faute
dans la garde, la surveillance ou l’éducation du mineur.
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Art. 1459.
A person having parental authority is bound to make reparation for injury
caused to another by the act, omission or fault of a minor under his
authority, unless he proves that he himself did not commit any fault with
regard to the custody, supervision or education of the minor.
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Celui qui a été déchu de l’autorité parentale
est tenu de la même façon, si le fait ou la faute du mineur est lié à l’éducation
qu’il lui a donnée.
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A person deprived of parental authority is bound in the
same manner, if the act, omission or fault of the minor is related to the
education he has given to him.
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C.C.B.-C.
1054. (2)
Le titulaire de l’autorité parentale est responsable du
dommage causé par l’enfant sujet à cette autorité;
(6) La
responsabilité ci-dessus a lieu seulement lorsque la personne qui y est
assujettie ne peut prouver qu’elle n’a pu empêcher le fait qui a causé le
dommage.
O.R.C.C.
97. Les père
et mère sont tenus d’assurer avec prudence et diligence l’éducation et la
surveillance de leur enfant mineur.
Ils sont responsables du dommage causé par
celui-ci, sauf s’ils prouvent qu’ils n’ont pas commis de faute.
C.c.Q. : art. 186, 594 et suiv., 600, 1460, 1519 et 1526.
C.c.Q. (1980) : art. 648.
C.c.B.-C. : art. 1054.
1. Notions
générales
3498. Cet article énonce que les
parents, ou plus exactement les titulaires de l’autorité parentale, sont
responsables des fautes ou des
[Page 1457]
faits dommageables
commis par les mineurs sur lesquels ils exercent ou ont exercé
l’autorité parentale.
3499. L’autorité parentale est conférée
aux parents sur leurs enfants mineurs par les articles
597 et suivants du Code civil du Québec. Malgré un divorce ou une séparation de corps, les parents conservent
leur autorité parentale. Cependant, seul le
parent qui a la garde de l’enfant répond du préjudice causé par un défaut de
surveillance. Par contre, les deux parents répondent du préjudice résultant d’un
défaut d’éducation.
3500. L’application du régime de l’article 1459 C.c.Q. requiert, outre la preuve du dommage et du lien de causalité,
celle de la filiation entre l’enfant et le défendeur,
de la minorité de l’enfant et du fait dommageable de ce dernier.
3501. Le premier
alinéa édicte une présomption simple de responsabilité contre le titulaire de l’autorité
parentale pour le préjudice causé par le mineur doué de raison ou pour l’acte
du mineur non doué de raison, mais seulement dans les cas où cet acte aurait
représenté une faute, n’eût été de l’absence de raison du mineur.
Le législateur met donc fin à la controverse sur la nécessité de démontrer qu’une
faute a été commise par l’enfant afin de pouvoir engager la responsabilité des
parents.
3502. Ainsi, les
titulaires de l’autorité parentale sont présumés fautifs bien que, dans
certains cas, leur faute soit prouvée sans qu’on ait besoin d’invoquer la
présomption de responsabilité. La présomption de l’article
1459 C.c.Q. fait en sorte que la victime n’a pas à démontrer un lien entre la
faute ou l’acte dommageable et le défaut de surveillance
[Page 1458]
ou la mauvaise éducation des titulaires de l’autorité parentale. La faute des titulaires
de l’autorité parentale est donc présumée en faveur de la victime.
3503. Cet
article codifie l’enseignement d’un courant jurisprudentiel qui impute à la
responsabilité des titulaires de l’autorité parentale, non seulement la faute
de l’enfant mineur doué de raison, mais aussi tout fait
dommageable du mineur privé de raison. Dans ce dernier cas, la victime ne peut se prévaloir de
la présomption de responsabilité établie à l’article 1459 C.c.Q., à moins de
faire la preuve que l’acte posé par l’enfant non doué de raison constituerait
une faute civile s’il avait été posé par une personne ayant la capacité de
discernement. À titre d’illustration, dans le cadre d’un jeu de lance-bâton, l’enfant
qui rate sa cible et blesse un autre participant ne commet pas de faute.
Cet acte, qui ne constitue pas une faute pour un enfant doué de raison, ne peut
donc donner lieu à l’application de la présomption prévue à cet article s’il a
été commis par un enfant non doué de raison.
3504. Il importe de
noter que la responsabilité des titulaires de l’autorité parentale n’empêche
pas l’application du régime de responsabilité générale. Ainsi, l’enfant doué de
raison peut également être poursuivi personnellement en vertu du régime de l’article
1457 C.c.Q..
3505. La
présomption de responsabilité du titulaire de l’autorité parentale ne peut être
invoquée par la partie qui tente de se disculper,
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mais joue uniquement
en faveur du tiers qui a subi un dommage. Ainsi, la défenderesse
à une action en responsabilité ne peut invoquer la présomption de responsabilité à l’encontre
des titulaires de l’autorité parentale qui ont commis une faute dans la surveillance et l’éducation de l’enfant
mineur afin de se disculper de sa propre responsabilité. Cette présomption s’applique
lorsque l’enfant cause un dommage à un tiers et non lorsqu’il se blesse
lui-même. D’ailleurs, l’article
1459 C.c.Q. énonce expressément qu’il
doit s’agir d’un préjudice causé « à autrui » par le mineur
et non pas lorsque celui-ci est la personne ayant subi le préjudice. En d’autres
termes, une partie défenderesse ne peut prétendre avoir subi un préjudice comme
conséquence des blessures que s’est infligées un enfant et qui constituent le
fondement de son action en dommages-intérêts.
2. La
présomption : moyens de la
repousser
3506. Il est
possible pour le titulaire de l’autorité parentale de repousser la présomption
établie à l’article 1459 C.c.Q. en démontrant qu’il n’a commis aucune faute
dans la garde, la surveillance ou l’éducation du mineur.
À ce sujet, un lien étroit unit les preuves de bonne éducation et de surveillance
adéquate. La preuve de la bonne
éducation sert, dans bien des cas, à appuyer celle de la surveillance adéquate.
Elle ne crée cependant aucune présomption quant à l’accomplissement adéquat du
devoir de surveillance des parents. La preuve de bonne éducation ne peut que
corroborer la preuve de certains faits relatifs à la surveillance de l’enfant
par ses parents. Ainsi, si les parents ont failli à leur devoir de surveillance
et qu’un fait dommageable est alors commis par leur enfant, la seule preuve de
bonne éducation serait vraisemblablement insuffisante pour convaincre le juge
du procès. Une preuve de nature générale, comme la preuve de bonne éducation,
qui vérifie le comportement des parents, ne devrait pas
être prise en considération par les
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tribunaux lorsque
les parents sont responsables d’une faute directe, à savoir un manquement à leur
devoir de surveillance adéquate.
3507. Notons cependant que la prévisibilité de l’acte posé peut avoir une
incidence sur l’évaluation du défaut de surveillance des parents. Ainsi, en cas
de gestes spontanés et irréfléchis, la responsabilité des parents ayant assuré
la bonne éducation de leur enfant et lui ayant apporté la surveillance
nécessaire ne saurait être retenue. En effet, les
parents ne peuvent adopter des solutions radicales lorsque l’événement était
imprévisible et que l’enfant n’avait pas d’antécédents. Tel est le cas d’un vol
par effraction commis par un mineur. On ne peut en effet reprocher à des
parents responsables les gestes imprévisibles de leur enfant et ce, même si ces
derniers présentaient une attitude turbulente.
Il en est de même lorsqu’un enfant n’ayant aucun antécédent de violence blesse
une autre personne lors d’une bagarre qu’il n’a pas provoquée. Cet événement
isolé et imprévisible ne peut alors engager la responsabilité du parent.
3508. Par contre, le parent qui, ayant connaissance des difficultés de
comportement de son enfant, ne s’intéresse pas à son activité ne remplit pas
son obligation de surveillance. Ainsi, dans le cas d’une
agression sexuelle commise par un mineur, la responsabilité des parents peut
être retenue en dépit du caractère imprévisible du geste, si les parents ne
font pas la preuve que leur attitude n’a en aucune façon favorisé un tel
comportement chez leur enfant.
3509. Cette règle
rencontre une exception, soit le cas d’un parent ayant perdu l’autorité
parentale, puisqu’il ne pourra alors se voir imposer un devoir de surveillance.
Dans une telle situation, une preuve de bonne éducation suffirait à repousser
la présomption instaurée par l’article 1459 C.c.Q. à l’endroit de ce parent.
[Page 1461]
3510. De plus, la jurisprudence a identifié certains actes ou certains comportements de la part des
titulaires de l’autorité parentale pouvant constituer une faute. Ainsi, le fait
de laisser un enfant utiliser un objet dangereux peut constituer un acte fautif.
La conduite d’une motocyclette par un enfant de 11 ans peut engager la
responsabilité du titulaire de l’autorité parentale qui en a permis l’utilisation.
De même, la conduite d’un tracteur pour la tonte de la pelouse par un enfant de
13 ans et demi, même s’il en
connaît parfaitement le maniement, peut néanmoins permettre de conclure au
manque de surveillance de l’enfant dans l’utilisation d’un objet dangereux.
3511. De la même façon, les mauvais conseils ou les mauvais exemples donnés
par les titulaires de l’autorité parentale rendent ces derniers responsables du
préjudice causé à autrui par ceux à l’égard desquels ils exercent cette
autorité. Lorsque la preuve
démontre que le comportement fautif des enfants, comme des insultes proférées
en public et des agissements barbares de façon à nuire à la réputation d’une
personne, est effectué avec l’approbation, même tacite, des titulaires de l’autorité
parentale, il serait tout à fait déraisonnable et illogique d’exonérer ces
derniers de leur responsabilité.
3512. Lors de l’évaluation de la qualité de l’éducation reçue par le mineur,
on tient compte de la nature des relations entre le mineur et le titulaire de l’autorité
parentale. Le fait d’avoir de bonnes relations avec l’enfant mineur ne suffit
cependant pas à renverser la présomption de responsabilité des titulaires de l’autorité
parentale. Il va de soi que les
enfants en bas âge nécessitent une surveillance accrue.
[Page 1462]
3. Absence des parents
3513. L’absence des titulaires de l’autorité parentale lorsque le préjudice
est causé ne constitue pas nécessairement une cause d’exonération.
Pour qu’il y ait exonération, il faut que ceux-ci réussissent à démontrer que
leur absence n’était pas fautive et qu’elle les a rendus incapables de prévenir
la faute ou le fait dommageable par des moyens raisonnables.
3514. L’utilisation
de l’expression « à moins de
prouver qu’il n’a lui-même commis aucune faute dans la garde » alourdit considérablement le fardeau de preuve du
titulaire de l’autorité parentale qui tente de renverser la présomption de
responsabilité, en faisant un fardeau
dont il est difficile de se décharger. En effet, comment peut-on prouver une absence
de faute dans la garde, la surveillance et l’éducation d’un enfant alors une
faute commise dans l’éducation du mineur bien avant les événements
pourrait-elle faire en sorte d’empêcher le titulaire de l’autorité parentale de
s’exonérer ?
3515. Sous le Code
civil du Bas-Canada, le titulaire de l’autorité devait simplement prouver
qu’il avait bien élevé ou surveillé le mineur, qu’il lui avait donné une
éducation adéquate. Le tribunal jugeait
que la preuve d’une bonne éducation générale était suffisante.
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3516. Il nous semble que, dans le droit actuel, le titulaire de l’autorité
parentale ne peut s’exonérer de sa responsabilité par une simple preuve de l’absence
de négligence. Il doit, au
contraire, faire la preuve qu’il est présent dans la vie du mineur et qu’il
participe activement et continuellement à son éducation et sa surveillance en
lui donnant les bons exemples et en prenant à son égard les mesures appropriées
lorsque nécessaire. Cette preuve doit être considérée suffisante pour repousser
la présomption. On ne peut, en effet, exiger du titulaire de l’autorité
parentale d’être en présence du mineur vingt-quatre heures par jour et sept
jours par semaine ou rejeter sa preuve
et le condamner parce qu’il n’a pas pris des mesures plus sévères pour éviter
que son enfant ne commette le fait dommageable qui est essentiellement
imprévisible.
3517. D’ailleurs, les tribunaux accordent une marge d’appréciation non
négligeable aux parents qui doivent faire la preuve d’une bonne éducation. Ils
reconnaissent qu’une telle preuve repose, dans la grande majorité des cas, sur
des généralités et qu’une recette établie et infaillible n’existe pas.
À titre d’illustration, le fait pour un père d’avoir dit à son fils de ne pas
jouer avec le feu suffit comme preuve de bonne éducation dans le cas d’un
enfant partiellement responsable d’une explosion ayant grièvement blessé un de
ses amis. De même, le fait pour
une mère, dont le fils multiplie les frasques, de consulter des spécialistes
est un facteur atténuant permettant de repousser la présomption.
Aussi, le fait pour les parents d’adopter des mesures plus strictes envers leur
[Page 1464]
enfant en raison de ses
agissements peut être pris en compte lors de l’appréciation de leur
responsabilité.
3518. Le titulaire de l’autorité parentale peut être une personne autre que
la mère ou le père, par exemple le tuteur désigné par le tribunal (art. 186 C.c.Q.). L’autorité parentale peut aussi
être exercée par délégation. Ainsi, un centre d’accueil pour mineurs peut
assumer l’autorité parentale et engager sa responsabilité civile à l’égard de
la victime ayant subi un préjudice causé par le mineur si l’on démontre sa
négligence dans la surveillance de ce mineur (art. 1460
C.c.Q.).
4. La fin
de l’autorité parentale
3519. La responsabilité des détenteurs de l’autorité parentale cesse avec la
majorité de l’enfant ou lorsque l’enfant
est émancipé. Les parents peuvent s’exonérer
de leur responsabilité lorsque leur enfant mineur est déclaré émancipé ou
simplement émancipé. En effet, le mineur émancipé peut établir son propre
domicile et cesse alors d’être sous l’autorité de son père et de sa mère.
Cependant, les parents peuvent être responsables si l’on prouve que le fait
dommageable est lié à une faute dans l’éducation du mineur émancipé alors qu’il
était encore sous leur autorité.
3520. Le deuxième alinéa de l’article 1459 C.c.Q. précise que la déchéance de l’autorité parentale n’écarte pas
pour autant l’application de la présomption de responsabilité à l’égard de ceux
qui en font l’objet. Aussi, bien que ceux qui fassent l’objet d’une déchéance
de l’autorité parentale n’aient pas la garde ou la surveillance du mineur, ils
demeurent néanmoins responsables pour les actes dommageables qui peuvent
découler de l’éducation donnée au mineur avant la déchéance.
La déchéance n’est donc pas une cause d’exonération de responsabilité. Le
[Page 1465]
titulaire déchu de l’autorité
parentale doit prouver qu’il n’a commis aucune faute ou que le préjudice ne
résulte pas de l’inexécution de son devoir, afin de repousser la présomption de
responsabilité qui pèse contre lui. Mais, de façon générale, le parent qui n’a
plus de contacts continus avec l’enfant depuis plusieurs années peut
difficilement être tenu responsable d’un défaut d’éducation.
3521. Si ni l’un ni l’autre des titulaires de l’autorité parentale ne peut s’exonérer,
leur obligation est solidaire (art. 600 C.c.Q.). Puisque les parents
exercent ensemble l’autorité parentale, il est tout à fait naturel qu’ils
soient tous les deux responsables du préjudice causé par leur enfant mineur.
3522. Par contre,
le tribunal a déjà jugé que bien que l’article 600 C.c.Q.
prévoit que les père et mère exercent maintenant ensemble l’autorité parentale,
la responsabilité des parents en vertu de l’article 1054
C.c.B.-C. n’était pas solidaire, puisque la solidarité ne
se présume pas et cet article n’établissait pas clairement cette solidarité.
3523. Or, à l’instar de l’article 1054 C.c.B.-C., l’article 1459 C.c.Q. ne mentionne pas la responsabilité solidaire des titulaires de l’autorité
parentale. Puisque la solidarité ne se présume pas, doit-on en conclure que
leur responsabilité n’est que conjointe ? Des auteurs sont d’avis qu’il faut
pencher en faveur de la solidarité. En effet, l’application de la règle de l’article
1526 C.c.Q., selon laquelle l’obligation
extracontractuelle de réparation est solidaire, semble tout indiquée compte
tenu de l’obligation imposée aux parents d’exercer ensemble la garde, la surveillance et l’éducation de l’enfant. De
plus, l’obligation imposée aux titulaires de l’autorité parentale pourrait être
qualifiée d’obligation indivisible aux termes de l’article 1519 C.c.Q.
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