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Code civil du Québec
 DISPOSITION PRÉLIMINAIRE
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[Expand]LIVRE TROISIÈME : DES SUCCESSIONS
[Expand]LIVRE QUATRIÈME : DES BIENS
[Collapse]LIVRE CINQUIÈME : DES OBLIGATIONS
 [Collapse]TITRE PREMIER : DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL
  [Expand]CHAPITRE I - DISPOSITIONS GÉNÉRALES
  [Collapse]CHAPITRE II - DU CONTRAT
   [Expand]SECTION I - DISPOSITION GÉNÉRALE
   [Expand]SECTION II - DE LA NATURE DU CONTRAT ET DE CERTAINES DE SES ESPÈCES
   [Collapse]SECTION III - DE LA FORMATION DU CONTRAT
    [Collapse]§1. Des conditions de formation du contrat
     [Expand]I - Disposition générale
     [Expand]II - Du consentement
     [Collapse]III - De la capacité de contracter
       a. 1409
     [Expand]IV - De la cause du contrat
     [Expand]V - De l’objet du contrat
     [Expand]VI - De la forme du contrat
    [Expand]§2. De la sanction des conditions de formation du contrat
   [Expand]SECTION IV - DE L’INTERPRÉTATION DU CONTRAT
   [Expand]SECTION V - DES EFFETS DU CONTRAT
  [Expand]CHAPITRE III - DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE
  [Expand]CHAPITRE IV - DE CERTAINES AUTRES SOURCES DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE V - DES MODALITÉS DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VI - DE L’EXÉCUTION DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VII - DE LA TRANSMISSION ET DES MUTATIONS DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE VIII - DE L’EXTINCTION DE L’OBLIGATION
  [Expand]CHAPITRE IX - DE LA RESTITUTION DES PRESTATIONS
 [Expand]TITRE DEUXIÈME : DES CONTRATS NOMMÉS
[Expand]LIVRE SIXIÈME : DES PRIORITÉS ET DES HYPOTHÈQUES
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[Expand]LIVRE DIXIÈME : DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
 DISPOSITIONS FINALES
 
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Article 1409

 
Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991
 
Livre CINQUIÈME : DES OBLIGATIONS \ Titre PREMIER : DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL \ Chapitre DEUXIÈME - DU CONTRAT \ Section III - DE LA FORMATION DU CONTRAT \ 1. Des conditions de formation du contrat \ III - De la capacité de contracter
 
 

À jour au 20 février 2024
Article 1409
Les règles relatives à la capacité de contracter sont principalement établies au livre Des personnes.
1991, c. 64, a. 1409
Article 1409
The rules relating to the capacity to contract are established principally in the Book on Persons.
1991, c. 64, s. 1409; I.N. 2014-05-01

Annotations
Code civil du Québec annoté (2023) par Jean-Louis Baudouin et Yvon Renaud (mise à jour no. 6)Information
FermerExtraits de : Baudouin, Jean-Louis et Renaud, Yvon, Code civil du Québec annoté, 26e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2023 (version intégrale dans eDOCTRINE).

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Les obligations (2020), vol. 1, par Vincent KarimInformation
FermerExtraits de : Karim, Vincent, Les obligations, vol. 1, 5e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2020 (version intégrale dans eDOCTRINE).

La recherche en jurisprudence est à jour au 1er mars 2020.
III — DE LA CAPACITÉ - DE CONTRACTER

 

III — CAPACITY - TO CONTRACT

 

 

Art. 1409. Les règles relatives à la capacité de contracter sont principalement établies au livre Des personnes.

 

Art. 1409. The rules relating to the capacity to contract are established principally in the Book on Persons.

C.C.B.-C.

985. Toute personne est capable de contracter, si elle n’en est pas expressément déclarée incapable par la loi.

986. Sont incapables de contracter :

[Page 638]

Les mineurs et les majeurs sous régime de protection, dans les cas et suivant les dispositions prévues par la loi;

Ceux à qui des dispositions spéciales de la loi défendent de contracter à raison de leurs relations ensemble, ou de l’objet du contrat;

Les personnes aliénées ou souffrant d’une aberration temporaire causée par maladie, accident, ivresse ou autre cause, ou qui, à raison de la faiblesse de leur esprit, sont incapables de donner un consentement valable.

O.R.C.C. (L. V, DES OBLIGATIONS)

10. Les règles relatives à la capacité de contracter sont principalement établies au livre Des personnes.

C.c.Q. : art. 153, 154, 156 et suiv., 256, 283 et suiv., 287 à 290, 293, 294, 1409, 1709, 1783 et 1813.

C.c.B-C. : art. 985 et 986.

1. Généralités

1508. Cette disposition renvoie aux règles énoncées au Livre premier, Des personnes, au titre De la capacité des personnes2295. Ce renvoi a paru préférable, puisque non seulement les règles qui ont trait à la capacité de contracter sont-elles directement liées au droit des personnes et non au droit des obligations, mais aussi « parce qu’elles ne constituent réellement que des applications de règles, par ailleurs plus générales, gouvernant l’exercice même des droits civils ou visant l’ensemble des actes juridiques »2296.

1509. De façon plus précise, l’article 1409 C.c.Q. réfère principalement aux articles 153, 154, 156 et suiv. C.c.Q. qui traitent de la majorité et de la minorité des personnes et qui prévoient la règle générale selon laquelle « la capacité du majeur ne peut être limitée que par une disposition expresse de la loi ou par un jugement prononçant l’ouverture d’un régime de protection ». Sont aussi visés les articles 256, 283 et suiv., 287 à 290, 293 et 294 C.c.Q. qui ont trait aux régimes de protection du majeur, soit la curatelle, la tutelle et le conseiller au majeur.

1510. D’autres règles relatives à la capacité de contracter sont réunies aux articles 1709, 1783 et 1813 C.c.Q. L’article 1709 C.c.Q. prévoit

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qu’en matière de vente, celui qui est chargé de la vente du bien d’autrui ne peut se rendre personnellement acquéreur du bien. Il en est de même pour celui qui est chargé d’administrer le bien d’autrui ou de surveiller l’administration qui en est faite. En matière de vente de droits litigieux, l’article 1783 C.c.Q. précise que les juges, avocats, notaires et officiers de justice ne peuvent se porter acquéreurs de tels biens et, enfin, en matière de donation, l’article 1813 C.c.Q. établit que le mineur ou le majeur protégé, même représenté par son tuteur ou curateur, ne peut donner que des biens de peu de valeur.

1511. Enfin, notons que l’article 1398 C.c.Q. ne traite pas de la capacité de contracter, mais plutôt de l’aptitude2297. C’est avec raison que le législateur a voulu maintenir la règle prévue à cet article dans le livre qui traite des obligations. La règle exigeant l’aptitude au moment où un contractant donne son consentement à un contrat ne constitue pas une règle relative à la capacité de contracter, mais une règle relative à la qualité du consentement2298. C’est pourquoi il y a lieu de parler d’un vice de consentement lorsque le contractant est inapte à s’obliger au moment où il a donné son consentement au contrat. Le fait que le contractant soit présumé avoir la capacité de contracter en raison de sa majorité, n’empêche pas que son consentement compte tenu de son inaptitude, ne soit ni éclairé, ni réfléchi, ni voulu2299.

2. Notion et critères

1512. Les articles 1410 à 1413 C.c.Q. renvoient à la notion d’ordre public2300. Une disposition peut être qualifiée d’ordre public lorsque le législateur le mentionne explicitement ou implicitement ou lorsque les tribunaux en décident ainsi.

1513. Il arrive fréquemment que le législateur détermine ce qui constitue l’ordre public dans ses textes législatifs, lorsqu’il emploie des expressions telles que « ordre public » ou « réputée non écrite ou sans effet », ou encore par l’emploi de la mention « nullité absolue », ou lorsqu’il

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dicte la règle et termine la disposition avec l’expression nonobstant ou malgré toute stipulation contraire. Lorsqu’aucune indication quant au caractère d’ordre public de la disposition ne peut être dégagée du texte même, le tribunal aura alors à trancher en appliquant divers critères élaborés par la jurisprudence2301. D’abord, il faut délimiter le but ou l’objectif de la disposition et, en cas de difficulté, le tribunal peut se référer au contexte historique qui a amené le législateur à adopter une telle disposition. Par la suite, il faut évaluer s’il existe des raisons sérieuses qui motivent une restriction au principe de la liberté contractuelle et de la libre négociation. Enfin, le tribunal doit veiller à équilibrer les intérêts des parties en cause et ceux de la collectivité, en tenant compte de l’objectif de la disposition et des motifs invoqués au profit d’une restriction de la liberté contractuelle.

1514. Par ailleurs, les tribunaux sont souvent appelés à se prononcer sur la validité d’un contrat ou d’une clause contractuelle, et ce, même en l’absence d’une disposition législative traitant de la question. En effet, la notion d’ordre public ne se limite pas au concept législatif, mais peut être également constituée par des décisions judiciaires, puisque les tribunaux ont, même en cas de vide législatif, le devoir de sanctionner et de modeler la notion, en tenant compte des valeurs fondamentales de la société2302. À titre d’exemple, on peut penser au concept d’ordre public en matière de clauses de non-concurrence dans les contrats de travail qui, avant d’être intégré à la législation québécoise aux articles 2089 et 2095 C.c.Q. était de création jurisprudentielle. Ce processus créatif a été utilisé afin d’imposer des limites précises et raisonnables à des clauses cherchant à restreindre la liberté de travail d’un employé dans l’avenir afin de les rendre conformes à l’ordre public2303.

3. La classification de l’ordre public

1515. Il convient d’apporter une distinction entre l’ordre public politique qui vise à protéger l’administration de la justice, l’organisation de l’État, les corporations professionnelles et la famille, et l’ordre public économique qui réglemente plus particulièrement le transfert de biens et de services. Lorsque l’ordre public a comme but la sauvegarde de l’individu et de ses intérêts, il s’agit d’ordre public de protection alors que

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lorsqu’il promeut une conduite politique ou économique déterminée, il est alors question d’ordre public de direction.

1516. Il existe plusieurs catégories d’ordre public parmi lesquelles il importe de faire la distinction. Notons d’abord la distinction entre l’ordre public politique et l’ordre public économique. L’ordre public économique varie selon le secteur d’intervention dans lequel il tire sa source, ce qui nous mène forcément à établir la différence entre l’ordre public économique de direction et l’ordre public économique de protection. Cette dernière distinction est toutefois reliée à la finalité visée par l’ordre public, soit la protection de l’intérêt public ou la protection des intérêts particuliers ou privés. Dans ce dernier cas, on parle d’un ordre public qui est au service de l’individu, telle que la Loi sur la protection du consommateur, les dispositions sur le bail résidentiel et les dispositions relatives à certains contrats2304.

A. L’ordre public politique et moral

1517. L’ordre public politique et moral vise à établir certaines règles régissant les activités des citoyens, afin d’assurer le bon fonctionnement de la société. Ces règles ont pour but la protection de certaines institutions essentielles, le bon fonctionnement de la société et de l’État, en sanctionnant la conduite des individus qui porte atteinte à la conservation de l’ordre public. Ainsi, les lois ayant trait à l’administration de la justice, à l’organisation de l’État, de même que la législation administrative et fiscale relèvent de l’ordre public politique. Par exemple, ces règles rendent invalides les contrats visant la corruption des fonctionnaires et la fraude fiscale. Les règles entourant l’organisation des corporations professionnelles sont aussi d’ordre public politique2305.

1518. L’ordre public politique protège également la famille ainsi que d’autres institutions sociales essentielles. Pour ce faire, le législateur impose des règles visant la protection de certaines valeurs morales telles la filiation, en interdisant d’établir la filiation d’un enfant par convention de sorte que tout contrat de procréation ou de gestation pour le compte d’autrui sera entaché d’une nullité absolue2306.

1519. Il importe toutefois de noter que le principe visant à interdire et à invalider certaines conventions souffre d’exceptions pouvant rencontrer leur application en présence de situations factuelles et juridiques qui impliquent un intérêt à caractère public et social. Il en est

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ainsi lorsqu’une convention conclue dans un autre pays en conformité avec ses lois et ses règlements, a déjà créé une situation mettant l’intérêt de l’enfant en question. En un tel cas, la demande en homologation pour légaliser la situation doit être accueillie afin que la filiation qui a été établie conformément à cette convention puisse produire son plein effet2307. De même, la filiation établie par un tribunal étranger ayant compétence et en toute légalité doit avoir effet au Québec et, ce, même si elle est issue d’une convention prohibée par une disposition d’ordre public telle que celle prévue à l’article 540 C.c.Q. qui interdit la conclusion d’une convention de procréation ou de gestation pour le compte d’autrui.

1520. L’ordre public politique et moral a donc pour objectif une certaine organisation de la société pour ne pas dire organisation de la moralité. Il a certainement comme dogme l’harmonisation de la société. Ainsi, un individu ne doit pas se comporter, poser des gestes ou accomplir des actes pouvant frustrer la moralité de ses concitoyens ou troubler la paix sociale. Le concept de l’ordre public peut être établi en tenant compte de ce qui peut être acceptable par la majorité des membres de la société.

1) Sanctions

1521. Les effets de la nullité d’un contrat conclu en violation de l’ordre public politique et moral ne sont pas identiques à ceux de la nullité d’un contrat allant à l’encontre de l’ordre public économique, même s’il s’agit d’une disposition d’ordre public de direction, et cela, bien qu’il soit question de nullité absolue dans les deux cas. Ainsi, dans le cas d’un contrat contrevenant à une disposition d’ordre public politique et moral, les tribunaux ne s’intéressent pas à la partie lésée et ne lui accordent aucune protection lui permettant d’être remise en état, lorsque celle-ci a été sciemment partie à l’infraction commise en violation de l’ordre public. La jurisprudence2308 a déjà appliqué l’adage Nemo auditur propriam turpitudinem allegans2309 et elle crée une exception au principe de la restitution en distinguant entre le contrat nul parce qu’il est contraire à l’ordre public économique et celui qui est nul parce qu’il contrevient à l’ordre public politique et moral (autrefois les bonnes mœurs). De son côté, la partie lésée à la suite de la déclaration de nullité

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d’un contrat portant atteinte à l’ordre public économique pourra être remise en état. Cependant, il y a lieu de mentionner que, dans certains cas, les tribunaux ont ordonné la restitution même si le contrat avait été conclu en violation de l’ordre public politique et moral2310.

1522. Une partie de la doctrine fait une distinction entre les contrats immoraux et les contrats illicites. Dans le premier cas, il ne faut pas accorder la restitution, mais tout simplement le principe Nemo auditur propriam turpitudinem allegans. Dans le second cas, la restitution doit être ordonnée lorsque le paiement a été fait en vertu d’un contrat illicite. Le même raisonnement doit s’appliquer lorsque la partie qui réclame la restitution est une victime qui n’a joué aucun rôle immoral. Par contre, la restitution doit être refusée à un cocontractant qui est partie à une infraction criminelle lors de la conclusion du contrat. Il ne doit pas y avoir de recours civil pour répéter ce qu’il a payé. En cas d’immoralité partagée, il n’y a pas lieu à la restitution non plus.

2) Hiérarchie

1523. À l’intérieur même de l’ordre public politique et moral, une hiérarchie s’impose en fonction des intérêts en cause et selon leur portée et leur étendue. Les droits et libertés reconnus et protégés par la Charte des droits et libertés de la personne sont pour la plupart des droits et libertés individuels. Ainsi, lors de l’exercice de ses droits et libertés, l’individu sera parfois confronté à certaines restrictions imposées dans une volonté de préserver la paix et l’harmonie sociale. L’exercice des droits et libertés fondamentales et individuelles doit donc, souvent au nom de l’ordre politique et social, être limité2311. L’article 9.1 de la Charte québécoise2312 est un article limitatif illustrant justement la notion d’ordre politique et moral en démontrant un caractère non absolu aux droits et libertés inclus dans la Charte, car les droits et libertés individuels doivent s’harmoniser avec le bien-être de la société collective2313. À titre d’exemple, un individu peut, en vertu de la liberté d’expression,

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exprimer en public ses opinions personnelles sur certaines pratiques gouvernementales ou sur la façon dont la société doit s’organiser. Il ne lui est toutefois pas permis d’inviter la société à la révolution ou à troubler l’ordre public sous prétexte qu’il dispose de la liberté d’expression. Cette liberté doit alors être tempérée afin qu’un ordre social puisse régner.

1524. Même si la liberté d’expression est un droit fondamental et d’ordre public, elle ne doit pas être utilisée d’une manière pouvant semer la tension ou pour véhiculer une propagande haineuse au sein des composantes de la société. S’il est vrai que la liberté d’expression, protégée par les chartes canadienne et québécoise, est une question qui intéresse l’ordre public, il est également vrai que la préservation de la paix et l’harmonie au sein de la société est aussi d’ordre public et doit avoir préséance. Cette primauté implique que la liberté individuelle d’expression devra parfois s’incliner. Tout comportement ou conduite ayant pour effet de troubler la paix sociale ne doit pas être permis ou toléré sous prétexte qu’il fait l’objet d’une protection par nos chartes.

1525. De la même façon, la liberté de religion doit recevoir une interprétation conforme à l’ordre de priorité qui se dessine à l’intérieur de l’ordre public. Bien qu’il soit reconnu que la liberté de religion est une liberté fondamentale et que toute atteinte à cette liberté doit se faire dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique, il faut reconnaître qu’il existe inévitablement des limites réelles à cette liberté. Il en est ainsi lorsque l’adoption d’une loi raisonnable dans une société libre et démocratique est justifiée par l’intérêt collectif et ce, nonobstant le fait que cette loi porte atteinte à la liberté de religion d’un groupe minoritaire de citoyens2314.

1526. Enfin, l’article premier de la Charte canadienne2315 permet aussi la possibilité de déroger par une règle de droit aux droits et libertés fondamentaux véhiculés dans la Charte canadienne, pourvu qu’un tel empiètement soit justifié et raisonnable dans une société libre et démocratique.

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a) Exercice de réconciliation entre deux droits constitutionnels : le concept de l’accommodement raisonnable

1527. La question du port du kirpan dans les écoles a été tranchée par la Cour suprême en 19872316 dans un jugement où la Cour la plus haute du pays a décrété que la prohibition totale du port du kirpan dans les écoles enfreignait la liberté de religion et dévalorisait ce symbole religieux. Aux yeux de la Cour, cette prohibition « envoie aux élèves le message que certaines religions ne méritent pas la même protection que d’autres ». La Cour suprême rejette l’argument selon lequel le kirpan est une menace à la sécurité puisque le poignard, d’une vingtaine de centimètres « n’a pas été à ce jour associé à aucun incident violent ». Le port de ce symbole religieux est depuis autorisé en milieu scolaire, sous réserve toutefois de certaines mesures d’encadrement.

1528. Doit-on voir dans cette décision une reconnaissance que la liberté de religion n’a pas de limites et que le débat sur cette question est clos. Une telle idée doit être exclue catégoriquement car la Cour suprême a clairement reconnu à maintes reprises que la portée de la liberté de religion peut être restreinte lorsque la liberté d’une personne d’agir suivant ses croyances est susceptible de porter atteinte à l’exercice des droits d’autrui ou d’y causer préjudice2317. D’ailleurs, la Cour suprême a réitéré indirectement son invitation au gouvernement de poser des restrictions internes à la portée de la liberté de religion2318.

1529. La Cour suprême a examiné la possibilité de procéder en suivant la méthode déjà appliquée, à savoir la réconciliation entre deux droits constitutionnels, lorsqu’il y a une atteinte apparente et un conflit opposé entre ces droits. La Cour est arrivée à la conclusion que le port du kirpan ne porte aucune atteinte apparente à un autre droit fondamental et qu’il n’y a pas lieu d’appliquer la méthode de réconciliation, puisque seule la liberté de religion était invoquée devant elle. En d’autres termes, la Cour affirme que dans cette affaire, la liberté de religion qui réside dans le port du kirpan n’entre en conflit avec aucun autre droit constitutionnel. Partant de cette prémisse, la Cour suprême, en s’appuyant sur le concept de la liberté de religion qu’elle a déjà défini dans

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l’arrêt Big M Drug Mart Ltée2319, arrive à la conclusion que le jeune sikh croit sincèrement que, pour se conformer à sa religion, il doit porter le kirpan. En l’absence de motifs valables, il n’y a pas lieu de restreindre cette liberté de religion.

1530. La Cour suprême a justifié sa décision, d’une part, par le principe d’accommodement raisonnable basé sur un compromis entre la majorité et le représentant d’une minorité. Selon la Cour, ce compromis consiste en la solution suggérée par la Commission scolaire Marguerite-Bourgeois (CSMB) permettant le port du kirpan à l’école, sous les vêtements, à condition qu’il soit cousu dans un étui de tissu. À tout égard, le raisonnement de la Cour d’appel2320 respecte davantage le principe de l’intérêt public de la collectivité qui souscrit à l’idée que, même si l’interdiction de porter le kirpan porte atteinte à la liberté de religion, cette prohibition est motivée par l’article premier de la Charte. Les établissements scolaires ont une obligation fondamentale d’assurer la sécurité des élèves afin de promouvoir un milieu qui favorise l’apprentissage scolaire. Le port du kirpan est un droit individuel qui peut effectivement contrevenir à l’intérêt de la société en général par la dangerosité de cet objet qui empêche d’assurer la sécurité de ses membres, d’autant plus que des armes semblables sont prescrites par la Commission scolaire et que celles-ci ont déjà été impliquées dans des incidents. Conclure autrement menace certainement l’intégrité physique de la clientèle scolaire et engendre des risques pour préserver la paix et l’harmonie sociale. Finalement, autoriser une telle demande d’accommodement revient à souscrire à une contrainte excessive.

1531. Il nous semble que la question du port du kirpan dans les écoles est loin d’être réglée de façon définitive. En effet, il suffit que la solution proposée par la commission scolaire ne soit pas respectée de façon adéquate et appropriée pour que le débat se retrouve à nouveau devant les tribunaux, pour ne pas dire que tout incident impliquant un porteur du kirpan fasse resurgir le problème. Doit-on comprendre de

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l’argument évoqué que la survenance d’un incident violent relié au port du kirpan pourra modifier la position de la Cour suprême. La question peut être aussi soulevée à nouveau si jamais une telle tolérance implique des coûts excessifs dus à des problèmes d’application, notamment à la protection de la sécurité et des libertés de la société en général.

1532. Une question se pose à savoir s’il faut continuer à traiter chaque cas comme s’il s’agissait d’un cas d’espèce et procéder à chaque fois à une analyse contextuelle et factuelle ou bien s’il n’est plus approprié d’élaborer une hiérarchie qui pourra trouver application et servir de guide face à ce genre de situation. En attendant que l’État remplisse son rôle et choisisse les restrictions à imposer selon les circonstances, rien n’empêche les juges des cours inférieures de procéder eux-mêmes à l’établissement, en matière d’ordre public, de la hiérarchie adéquate et nécessaire au bon fonctionnement de notre société tout en respectant son caractère multiculturel.

1533. Bien que l’on soit en faveur des droits des minorités religieuses et d’une place mutuellement acceptable aux individus et aux groupes permettant une vie sociale conforme autant que possible aux prescriptions de leur religion, l’intérêt général de la société peut justifier l’imposition de certaines limites à la manifestation des symboles religieux. Dans le cas du port du kirpan en milieu scolaire, la réalité sociale impose une limite à l’expression et à l’apparence des symboles religieux puisque celles-ci doivent céder le pas à la paix, à l’harmonie et à la sécurité de l’ensemble de la population. Il s’agit d’une question de stabilité sociale qui ne vise pas nécessairement à restreindre ou à limiter la liberté de religion. Au contraire, elle cherche plutôt à organiser et à encadrer les apparences et les expressions en public des gestes et des symboles religieux.

1534. Certes, le concept d’accommodement raisonnable peut s’avérer une solution valable pour bien des problèmes soulevés par l’exercice de la liberté de religion. Ce concept est devenu depuis quelques années une exception consentie par les tribunaux à des personnes à l’égard desquelles l’application de la règle générale aura un effet discriminatoire, donc lorsqu’elle porte atteinte à l’exercice de leurs droits fondamentaux. L’accommodement raisonnable naît donc suite à une opposition entre le respect des droits d’autrui et la nécessité de créer une seule société avec les mêmes valeurs sociales2321. Le droit à l’égalité, formellement garanti dans nos chartes et lois, est la source du devoir

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d’accommodement raisonnable avec lequel les tribunaux sont venus ajouter considérablement à notre droit en marge de la législation actuelle2322.

1535. Il faut cependant se préparer à confronter d’autres problèmes à l’avenir où ce concept ne pourrait pas nécessairement être la source d’une solution adéquate. De plus, le fait de recourir trop souvent à l’application de ce concept pourrait contribuer à l’installation d’une multitude de concepts d’ordre communautaire qui risquent, en cas d’incompatibilité ou de contradiction, de constituer un dilemme en soi. Afin d’éviter une telle situation, il est temps d’élaborer et d’établir les éléments constitutifs d’un ordre social permettant l’existence d’une société harmonieuse. À cet effet, les spécialistes dans les relations sociales et les juristes devront continuer leurs réflexions sur la notion d’accommodement raisonnable, car avec leur formation ils pourront apporter une vision conceptuelle des accommodements raisonnables beaucoup plus près de la réalité sociale, contrairement à une analyse parfois plus superficielle que l’on a observée en réaction à des décisions judiciaires2323.

1536. Il faut éviter tout décalage entre la raison juridique et l’opinion publique. La sécurité, ou à tout le moins le sentiment d’être en sécurité et en paix dans une société, ne peut être déterminé selon un critère seulement subjectif. Au contraire, cet état d’esprit doit être déterminé selon un critère objectif, basé sur la croyance raisonnable de la collectivité ou de la majorité de la collectivité. Il ne suffit donc pas d’assurer la collectivité que la conduite d’un individu ou d’un groupe d’individus ne présente pas une dérogation aux valeurs sociales reconnues, ni un danger ou un risque pour la sécurité et la paix sociale, mais au contraire, il faut qu’une telle assurance soit le résultat d’une conviction qui puise sa source de l’impression ressentie par la majorité de la société. Même s’il peut être vrai que l’exercice d’un droit ou d’une liberté par un individu ou un groupe minoritaire dicté par ses convictions religieuses, politiques ou morales, ne constitue pas une dérogation aux valeurs sociales reconnues collectivement depuis toujours, ni un danger en soit, il n’est pas moins probable que le comportement en question crée un sentiment d’insécurité au sein de la collectivité, nuisant par le fait même au maintien d’un équilibre et d’une paix sociale.

1537. En somme, le respect de la liberté de conscience, de religion ou de toute autre forme d’expression des différences individuelles doit s’harmoniser au devoir d’assurer la sécurité et le bien-être de la collectivité. Alors que bien souvent, dans une société les droits des uns

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affronteront incontestablement les droits des autres, la vie à l’intérieur d’une société impose certaines restrictions à l’exercice des droits et libertés individuels que l’on doit accepter pour permettre la mise en place d’une société organisée et fonctionnelle2324. À ce titre, l’intérêt d’un individu ou d’un groupe d’individus occupera un échelon inférieur à celui de l’intérêt général de l’ensemble de la collectivité dans la hiérarchisation de l’ordre public2325.

1538. Lorsque l’on veut justement écarter un droit individuel, il faut préalablement vérifier si un droit fondamental est affecté, car si tel n’est pas le cas, l’exercice de réconciliation n’a pas lieu d’être, étant donné l’absence de conflit entre deux droits2326. Par contre, lorsqu’il y a atteinte apparente et conflit opposé entre ces deux droits, il faut appliquer la méthode de la réconciliation entre deux droits constitutionnels. À titre d’illustration, la Cour suprême du Canada est venue à la conclusion qu’une délimitation adéquate des droits en jeu permettait d’éviter tout conflit alors qu’elle était appelée à statuer sur la façon de concilier la liberté de religion d’un petit groupe de personnes avec le droit à l’égalité qui préoccupait l’ensemble de la société2327. Elle confirme que ces droits peuvent coexister et rappelle que la Charte doit s’interpréter comme un tout, de manière à éviter de privilégier un droit au détriment d’un autre.

1539. L’article 9.1 de la Charte2328 permet aux tribunaux d’assurer la cohésion sociale et le bien-être général des citoyens du Québec par la nécessité de concilier les droits et libertés individuelles avec les valeurs démocratiques actuelles2329. L’exercice de conciliation se distingue fortement de la recherche d’un simple accommodement, car il ne s’agit pas ici de faire une évaluation subjective des droits et valeurs de la personne, mais plutôt de prendre en considération l’intérêt de la société

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en premier. L’examen qui vise à concilier les droits qui entrent en conflit doit être représentatif des valeurs publiques, de la volonté de protéger l’intérêt général de la société et l’ordre public. Le recours à l’approche de conciliation peut mener dans certains cas à des décisions choquantes pour une partie de la population2330. En effet, si un droit comme celui de la liberté de religion ne peut s’exercer de façon compatible avec l’intérêt général de la collectivité et ne peut s’harmoniser avec l’ordre public, l’atteinte à ce droit pourra être valable. Notons à cet effet que la conciliation doit aussi tenir compte du Code civil du Québec qui définit de façon précise le principe d’ordre public.

1540. Ainsi, la Cour suprême est allée trop loin dans certaines décisions en accordant le droit à un élève de porter son kirpan à l’intérieur de la commission scolaire, laissant de côté la notion de réconciliation entre deux droits. Elle a donné à la liberté de religion une portée infinie en oubliant de restreindre celle-ci dans la mesure où son exercice vient porter atteinte aux droits d’autrui2331. Il faut admettre que la Cour suprême a surpris la majorité des citoyens par ses décisions, notamment dans l’affaire du kirpan où sa décision était vue comme visant à faire subir à l’ensemble des élèves de la communauté scolaire les risques du kirpan en menaçant leur intégrité physique et en créant un climat plus tendu.

1541. Lorsqu’il est question de l’intérêt d’un individu par rapport à celui d’un autre, le même genre de limitation pourra survenir. Cette fois-ci cependant, la limitation ne sera pas rendue possible en raison de la différence de rang de priorité des droits des individus entre eux, mais plutôt parce que les droits et libertés d’un individu vont s’exercer dans la mesure où ils ne portent pas atteinte et n’empiètent pas sur ceux d’un autre individu ayant droit au même traitement. Il ne s’agit pas de subordonner les droits des uns à ceux des autres mais de permettre leur coexistence. Il est primordial que la liberté d’un individu s’arrête là où commence celle d’un autre afin que la société soit assurée que tout fonctionne normalement et avec harmonie2332. En effet, la liberté d’expression ou la liberté de religion devront être tempérées lorsqu’elles viennent

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affecter le droit au respect de la vie privée des autres individus2333. Il sera alors important de concilier tous ces droits afin de s’assurer de ne pas favoriser un droit au détriment d’un autre par un accommodement raisonnable.

1542. C’est ainsi qu’il faut concevoir la hiérarchisation au sein de la notion d’ordre public, en donnant un ordre de priorité particulier selon les intérêts que l’on vise à protéger et à défendre. Cette forme d’encadrement social nous paraît nécessaire, voire même essentielle, au maintien et à la préservation de la paix, l’harmonie et la stabilité à l’intérieur d’une société démocratique. L’encadrement social ci-haut décrit varie cependant d’intensité à l’intérieur des différentes sociétés occidentales selon leur composition et les valeurs fondamentales qui y sont préconisées. À titre d’exemple, la France et le Canada ont adopté des vues différentes en ce qui a trait au port de symboles religieux dans les lieux publics. En France, les mesures d’accommodements sont beaucoup moins nombreuses et par conséquent, on retrouve davantage de limitations et d’interdictions.

1543. Dans le même ordre d’idées, doit-on, au nom de la liberté de presse ou d’expression, tolérer ou permettre certaines publicités qui ne sont d’aucune utilité mais qui représentent, à certains égards, un jeu de provocation ? Il nous semble que la société a la responsabilité de ne pas permettre ce genre de publicité ou d’information même si le but recherché est de provoquer un débat avec une communauté religieuse ou un groupe social.

1544. Toute information ou publicité provocatrice est contraire à l’ordre public politique et social et doit être interdite et prohibée pour assurer l’harmonie et la cohabitation au sein de la société. La liberté de presse doit s’exercer dans le respect des religions. Une société multiculturelle ne doit pas permettre une publicité qui sera le germe d’une crise pouvant constituer une menace pour la paix sociale.

1545. La liberté d’expression ne doit pas non plus permettre de tourner en ridicule une croyance, qu’elle soit politique, religieuse ou autre. Rien ne justifie de ridiculiser sans raison valable une communauté religieuse ou culturelle. Il est difficile de défendre une publicité ou une information qui risque d’offenser une communauté ou la mettre en colère. De plus, cette liberté deviendra préjudiciable et nuisible pour la société en cas d’une publicité faite de façon gratuite et dans des circonstances qui ne la justifient pas.

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1546. Toute société civilisée doit se donner comme objectif le respect de ses communautés qui ne peut être assuré que par un respect mutuel entre celles-ci. Pour ce faire, elle doit sanctionner toute publicité pouvant inciter à la haine contre une communauté religieuse ou un groupe social. La liberté de presse et d’expression a ses limites et doit s’exercer avec prudence et en toute responsabilité.

b) Critères

1547. La Cour suprême a établi certains critères susceptibles d’influencer la mesure à prendre comme accommodement raisonnable2334. Par la suite, ces critères ont étés illustrés dans une décision relative au droit du travail rendue par la Cour d’appel et qui peuvent être d’application générale lors de l’examen d’une demande relative à un accommodement raisonnable2335. Ainsi, le coût financier relié à la mesure d’accommodement peut être pris en considération. Une évaluation des dépenses et des coûts reliés à l’implantation de l’accommodement peut forcément influencer la mesure d’accommodement.

1548. De plus, l’atteinte au droit, au contrat ou à la convention collective doit nécessairement diriger les tribunaux selon le niveau d’affectation de l’atteinte. Aussi, l’aspect psychologique, ou le moral du personnel dans le cadre du droit du travail, est un élément à ne pas négliger. Effectivement, dans le raisonnement de la Cour d’appel2336 de l’affaire portant sur le kirpan, il était manifeste que permettre un tel accommodement pouvait créer des effets psychologiques graves, soit un sentiment d’insécurité chez les membres de cette commission scolaire. Il est tout aussi pertinent de vérifier l’interchangeabilité des effectifs et des installations pour évaluer la possibilité de s’adapter aux circonstances ou à la situation particulière qui se présente. La recherche d’autres options disponibles pourrait aussi aider à valider la mesure d’accommodement2337. Finalement, lorsque la sécurité des individus est menacée, l’appréciation des risques est un facteur d’évaluation d’une importance cruciale. Tous ces critères aident nécessairement les tribunaux afin de permettre la mesure d’accommodement ou de la prescrire, mais ils ne sont pas exhaustifs. De plus, chacun des facteurs que l’on pendra en

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considération devra être confronté au droit fondamental de l’individu qui est atteint et variera selon les circonstances en l’espèce2338.

1549. Bien que l’obligation d’accommodement trouve sa source du corpus législatif qui veut que chaque individu ait une atteinte minimale à ses droits, il ne faut pas permettre de faire subir des contraintes excessives à la majorité de la population sous prétexte qu’un règlement neutre cause un préjudice à un groupe restreint d’individus2339. Il ne faut pas donner à l’obligation d’accommodement raisonnable une interprétation large, car elle doit s’inscrire dans les limites de la raison sans créer une contrainte excessive2340. Comme l’a noté la Cour d’appel, l’acceptation du port du kirpan est un accommodement qui crée une contrainte excessive, soit un affaiblissement de la sécurité et de la protection de l’ensemble des élèves qui fréquentent la même école2341. Notons cependant que la notion de contrainte excessive ou celle qui est raisonnable varie selon les circonstances du cas en question2342.

3) Libertés et droits fondamentaux appliqués à la sphère contractuelle

1550. Il est important de rappeler que tout contrat dont l’objet est contraire à l’ordre public politique et moral est frappé de nullité absolue et n’est pas susceptible d’être ratifié par les parties. Il est toutefois possible qu’une partie décide volontairement et clairement de renoncer à un de ses droits fondamentaux en adhérent à un contrat. Dans une telle situation, il ne devrait pas être possible de permettre à un cocontractant de nier un engagement contractuel et de chercher à y contrevenir au nom de la liberté d’expression ou d’une pratique religieuse. Bien que la Cour suprême en ait décidé autrement dans une décision majoritaire, elle a néanmoins formellement énoncé le principe auquel il est possible de volontairement renoncer à un droit fondamental, mais à condition de le faire clairement, précisément et explicitement2343. En effet, dans

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cette affaire, même si le contractant a adhéré à une clause lui interdisant de construire une structure quelconque dans sa convention de copropriété, ce qui, par le fait même, l’empêchait de bâtir son installation religieuse, il n’aurait pas renoncé à son droit de liberté de religion de façon volontaire et explicite.

1551. Les motifs de la dissidence de cet arrêt semblent mieux correspondre aux préceptes de notre droit civil et ont même été repris par la suite dans un jugement de la Cour suprême2344. En effet, la dissidence nous indique que la clause qui porte atteinte à la liberté de religion pour la partie a une raison d’être, non seulement pour établir l’harmonie générale de l’immeuble, mais aussi pour l’intérêt de l’ensemble des citoyens de la société qui souhaite le maintien des obligations contractuelles2345. Cette clause ne devrait donc pas, dans pareilles circonstances, être déclarée nulle.

1552. Plus tard, la Cour suprême a rappelé l’importance de la stabilité contractuelle en faisant respecter une clause qui avait été négociée entre les parties même si elle restreignait considérablement les droits du plaignant2346. Elle affirme donc qu’il n’est pas contraire à l’ordre public de limiter ses droits et libertés de façon contractuelle. En fait, pour que l’objet du contrat soit valable, deux formalités doivent être rencontrées, soit la non-prohibition par la loi ni être contraire à l’ordre public. Lorsque toutes ces conditions prévues par la loi sont rencontrées et que l’objet du contrat n’est pas contraire à l’ordre public, il faut respecter la paix sociale par le respect du principe de stabilité contractuelle. À la lumière de cette décision, il ne serait pas possible de solliciter un accommodement raisonnable à une obligation contractuelle librement contractée. Il est pertinent de mentionner qu’avant l’arrivée de la Charte, les tribunaux, en s’appuyant sur les principes, rejoignaient le raisonnement de cet arrêt, c’est-à-dire qu’ils favorisaient l’autonomie et l’équilibre contractuel au détriment des droits et libertés, à condition toutefois que le cocontractant ait donné un consentement volontaire, libre et éclairé2347.

1553. Somme toute, dans un objectif de respect et de maintien de la stabilité contractuelle, il serait important que les tribunaux soient

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conscients qu’un cocontractant ne peut utiliser la Charte pour se soustraire à ses obligations contractuelles en la détournant de son but véritable, soit celui de maintenir une paix sociale. Autrement dit, la sécurité contractuelle et la sécurité juridique en général doivent l’emporter sur la simple méconnaissance du droit invoqué par le demandeur pour se libérer de ses obligations dûment contractées. Conclure autrement entraînerait d’importantes conséquences juridiques puisque les individus n’auraient qu’à prétendre la violation d’un droit de la Charte pour se permettre de violer leurs obligations contractuelles.

4) Neutralité religieuse de l’État

1554. La Charte des droits et libertés de la personne nous démontre implicitement et explicitement par son contenu que l’État doit rester neutre à l’égard de toutes les religions et qu’il ne doit favoriser aucunes mœurs ni aucune conviction, croyance ou coutume2348. Tout cela afin d’assurer le droit à l’égalité, car la neutralité de l’État permet à l’ensemble des citoyens d’exercer dans toute égalité ses propres pratiques religieuses2349. De plus, la neutralité de l’État permet à tous et chacun de profiter de leur droit à la liberté de conscience et de religion. Pour bénéficier pleinement de ce droit, il faut nécessairement qu’il y ait absence de coercition ou de contrainte2350. Ainsi, l’État ne peut venir dicter le comportement de tout individu ou contrôler ses croyances et pratiques de façon indirecte, car il viendrait restreindre son droit à la liberté, à moins de le faire afin de préserver l’ordre public ce qui est de toute évidence nécessaire pour l’ordre et la sécurité publics. À titre d’illustration, la Loi sur le dimanche, d’inspiration chrétienne, fut déclarée inopérante et a depuis été abrogée parce qu’elle était contraire à la neutralité religieuse de l’État2351.

1555. Dans le débat public qui anime la société depuis 2007, l’obligation d’accommodement raisonnable est parfois mise en opposition avec cette obligation de neutralité religieuse de l’État. On peut voir un paradoxe qui ne doit pas exister si l’État remplissait réellement ces deux obligations de façon cohérente. En effet, l’obligation de neutralité

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religieuse de l’État et l’obligation d’accommodement raisonnable visent le même objectif, soit de permettre l’exercice des libertés fondamentales de conscience et de religion. Dans le premier cas, le principe veut empêcher l’État de mettre son autorité au service d’une conception religieuse particulière alors que dans le deuxième cas, on cherche à permettre aux individus d’exprimer librement leur ferveur sans toutefois provoquer la collectivité.

5) L’application d’accommodement raisonnable en droit

1556. On peut accommoder, pour ne pas dire tolérer, certains comportements ou permettre certains ajustements dans la mesure où les effets se limitent aux parties concernées. Ce qu’il faut entendre par les parties concernées est deux individus et non pas un groupe d’individus. Par contre, cet accommodement doit être refusé lorsqu’il pourra mettre en question ou contrevenir à des principes fondamentaux sur lesquels la société a été fondée et s’est développée. Il en est ainsi lorsqu’on demande d’appliquer des coutumes et des principes religieux, qui vont à l’encontre de l’ordre public politique, social et moral.

1557. À titre d’illustration, peut-on exiger d’une demande d’un groupe religieux de recourir à l’arbitrage et non aux tribunaux de droit commun pour régler les effets accessoires de mariage selon les principes religieux des parties ? Le législateur, comme les tribunaux, ne doit pas hésiter à refuser une telle idée. Il ne s’agit pas ici d’une question d’accommoder ou non ce groupe social, mais on parle plutôt de l’organisation de la société dans son ensemble. Il ne faut pas négliger les risques que représente pour les femmes une loi autorisant l’arbitrage religieux en matière familiale. L’État a incontestablement une responsabilité accrue de tenir compte des pressions sociales qui influent sur la décision des parties de s’en remettre à l’arbitrage religieux.

1558. Peut-on imaginer, avec les différents groupes communautaires et religieux, quelle serait la situation à l’avenir si on ouvre cette possibilité alors que la population dans son ensemble regroupe toute une mosaïque de groupes religieux et communautaires ? Il ne faut pas se retrouver dans quelques années en présence de tribunaux privés ou d’arbitrages devant lesquels les citoyens seraient traités différemment selon leur appartenance religieuse ou communautaire. À cet effet, permettre la création d’une telle société revient à semer tous les éléments destructifs de son existence en tant que société ou pays et ce, pour ne pas dire des bombes à retardement. L’acceptation du multiculturalisme est même reconnue et protégée dans les textes législatifs, permettant à

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tous et chacun de s’épanouir dans la même société malgré les différences de culture ou de religion2352.

1559. La majorité des citoyens peut ne pas être consciente du danger et continuer ainsi à agir avec la même tolérance. Il est cependant temps de se réveiller avant qu’il ne soit trop tard. De même, il importe de regarder ce qui se passe ailleurs dans certains pays qui ont choisi de permettre à leurs groupes communautaires et religieux d’avoir leurs propres tribunaux et leur propre législation pour régler des questions qui relèvent forcément de l’unique compétence de l’État. En comparant le résultat, on peut voir à quel point certains de ces pays ont fini par éclater. Si ce n’est pas le cas, d’autres vivent un déchirement social et ethnique, pour ne pas dire une guerre civile.

1560. La grande majorité de la population est en faveur d’une société multiculturelle puisque cela constitue sa richesse même. Toutefois, ce multiculturalisme devient un élément à risque lorsqu’on n’offre pas à son milieu les conditions d’intégration et d’épanouissement pour former une société harmonieuse. En effet, bien que le multiculturalisme soit une richesse permettant à une société de se développer davantage et de faire un progrès vers un rayonnement social culturel et économique, il peut tout de même avoir des retombées néfastes et devenir, avec le temps, destructif. Il devient ainsi lorsque, au lieu de s’intégrer au sein d’une seule société, les groupes culturels s’isolent et s’enferment sur eux-mêmes. Ce comportement aura pour conséquence la création d’enclaves sociétales qui cohabitent les unes à côté des autres avec des lignes de démarcation et le risque que des conflits éclatent entre ces groupes.

1561. Bien que l’on soit en faveur des droits des minorités religieuses et d’une place mutuellement acceptable face aux individus et aux groupes pour leur permettre une vie sociale conforme, autant que possible, aux prescriptions de leur religion, l’intérêt général de la société peut justifier l’imposition de certaines limites à la manifestation des symboles religieux. Ceux-ci se devront de parfois céder le pas à la paix, à l’harmonie sociale et à la sécurité de l’ensemble de la population.

1562. Il ne faut pas, sous des pressions plus ou moins justifiées et par des prétextes de discrimination, adopter des décisions qui en fin de compte peuvent constituer en elles-mêmes une discrimination à l’égard de la collectivité ou du moins à l’égard de la majorité de la société. Autrement dit, la crainte d’une discrimination à l’égard de certains

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groupes minoritaires ne doit pas amener à discriminer l’ensemble de la société et à la provoquer à tort ou à raison parce que dans ce cas, il y aura actions et réactions qui se multiplieront avec le temps et finiront par la création de groupes sociaux isolés avec moins de facteurs communs entre eux.

1563. Il ne suffit pas d’être une société accueillante, mais il faut faire tout ce qui est nécessaire pour conserver et renforcer cette qualité. Ce renforcement et ce développement ne peuvent se réaliser que par l’intégration de ces différents groupes dans une société d’accueil qui elle-même finit par subir l’influence de ce multiculturalisme et se transforme avec le temps en société ouverte, particulière et riche par la contribution de ses membres à tous les niveaux, soit culturel, économique, intellectuel et industriel.

1564. Afin d’éviter une situation regrettable, les tribunaux se doivent d’être conscients des enjeux sociaux et rendre les décisions appropriées pour que tout élément de distinction négatif soit évité dans les relations entre les différentes composantes de la société. Tout en espérant, d’autre part, que les politiciens aient le courage de légiférer pour établir une balise de règlements. Ainsi, il serait peut-être question un jour d’organiser une société saine, harmonieuse et fonctionnelle.

B. L’ordre public économique

1565. L’ordre public économique, quant à lui, vise l’établissement de règles portant sur les échanges de biens et de services. Cet ordre public tend à contrôler le contenu des contrats plutôt que d’interdire le contrat en lui-même comme dans le cas de l’ordre public politique.

1) L’ordre public de direction

1566. L’ordre public de direction vise la protection de l’intérêt public en général et tente d’imprégner aux agissements des individus une direction politique, sociale ou économique déterminée. Il permet donc d’assurer l’implantation d’une politique d’économie dirigée.

1567. La disposition est d’ordre public de direction lorsque la règle prévue transcende le seul intérêt individuel et s’attache davantage à l’intérêt collectif. Dans ce cas, la renonciation à son application n’est pas permise par l’une ou l’autre des parties au contrat parce que l’intérêt visé par le législateur est celui de la société dans son ensemble2353. C’est pourquoi toute violation de cette disposition sera sanctionnée par

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la nullité absolue. À titre d’exemple, le législateur a édicté des règles favorisant la libre concurrence ainsi que des limitations aux prix et aux salaires afin de contrer l’inflation.

1568. Le législateur prévoit expressément la nullité absolue comme sanction du contrat contrevenant à l’ordre public de direction, et elle peut être invoquée par toute personne ayant un intérêt né et actuel. De plus, un tel contrat ne peut être confirmé par les parties contractantes, car il n’est pas dans l’intérêt général que des actes contrevenant à des dispositions d’ordre public de direction produisent des effets juridiques au même titre que des actes valides2354. Ainsi, un contrat portant sur une transaction de drogue est nul de nullité absolue, l’objet de la prestation contractuelle étant illégal et contraire à l’ordre public social.

1569. Il arrive que, face à certains régimes contractuels ou certaines dispositions, il soit plus difficile d’établir de façon nette et précise le genre d’ordre public en cause. En effet, le caractère dualiste de la législation portant sur ces régimes rend plus complexe la question de savoir si l’on est en présence de l’ordre public de protection ou de direction. En matière de louage résidentiel par exemple, certaines dispositions visent à la fois les intérêts du locataire et ceux de l’ensemble des citoyens2355. Afin de déterminer le type de nullité applicable en cas de violation, il est nécessaire de déterminer la protection qui est garantie de manière prépondérante par la disposition. Dans ce contexte, lorsqu’il n’est pas possible de déterminer la règle dominante pour qualifier correctement l’ordre public applicable étant donné que les deux concepts se présentent de manière équivalente, il faut donner préséance à l’ordre public de direction. Ce raisonnement semble tout à fait logique puisque l’intérêt général prime sur les intérêts particuliers. À titre d’exemple, les tribunaux ont déjà décidé que la garantie légale prévue à l’article 2118 C.c.Q. est à la fois d’ordre public de protection et de direction. Elle vise non seulement la protection de l’intérêt du client partie au contrat de construction, mais aussi la sécurité de la collectivité2356.

2) L’ordre public de protection

1570. Contrairement à l’ordre public de direction, dans le cas d’une règle d’ordre public de protection, la partie que cette règle vise à

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protéger peut renoncer au bénéfice qu’elle lui garantit2357. On reconnaît ce type d’ordre public à la lecture du texte législatif qui vise la protection d’intérêts particuliers ou privés, généralement ceux de la partie la plus démunie dans un rapport de forces entre cocontractants. On trouve plusieurs lois sujettes à ce type d’ordre public, notamment les lois concernant la protection du consommateur, les lois établissant des exigences en matière de permis et de qualification professionnelle, les lois sur les normes du travail, les lois relatives au logement résidentiel.

1571. La sanction de la violation de l’ordre public de protection est la nullité relative. Celle-ci ne pourra être invoquée que par la personne que la loi entend protéger2358. En pratique, il n’est pas toujours simple d’établir la nature de la nullité qui sanctionne la violation puisqu’une même disposition peut à la fois viser l’intérêt particulier et l’intérêt général. À titre d’exemples, les articles 1411 et 1413 C.c.Q. qui sanctionnent la nullité d’un contrat dont l’objet ou la cause sont contraires à l’ordre public ne précisent pas le caractère de la nullité. Il faut alors examiner, à l’aide des nouveaux critères d’ordre public de direction et d’ordre public de protection, les dispositions de la loi afin de déterminer si le législateur entend protéger l’intérêt général ou les intérêts particuliers.

1572. Le tribunal saisi d’une demande en nullité d’un contrat qui contrevient à une disposition impérative doit donc procéder à une analyse de l’objectif fixé par le législateur en créant cette règle impérative qui limite la liberté contractuelle. Si le tribunal, après cette analyse, arrive à la conclusion que le but visé par le législateur est de protéger l’intérêt général, la sanction de la violation de la disposition doit être la nullité absolue. Par contre, lorsque la règle est imposée par le législateur pour protéger l’intérêt de certains particuliers, même si elle a un caractère d’ordre public, la sanction doit être la nullité relative.

4. La sanction de la violation de l’ordre public : nullité absolue ou nullité relative

1573. La codification des articles 1416 à 1424 du Code civil du Québec tient compte de l’évolution de la théorie des nullités, bien que celle-ci ne soit pas une découverte récente du législateur québécois, mais une notion dont on retrace l’origine dans le droit romain et l’ancien droit français. Malgré le principe général de la liberté contractuelle, la formation d’un contrat a toujours été soumise à certaines conditions

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de validité que les parties au contrat doivent respecter. Le défaut de respecter l’une ou l’autre de ces conditions peut donner lieu à la nullité du contrat2359. Ces conditions peuvent porter, soit sur la forme du contrat ou soit sur une condition de fond qui doit être rencontrée lors de l’échange du consentement des parties. Le législateur a codifié dans le Code civil du Québec certaines règles jurisprudentielles développées sous le Code civil du Bas-Canada et qui sont relatives à la sanction des vices de formation des contrats, tout en laissant aux tribunaux la possibilité, dans certains cas particuliers, d’accorder une réduction du prix ou d’allouer des dommages-intérêts afin de remédier aux vices de formation d’un contrat2360.

1574. La nullité est absolue ou relative selon le but et les objectifs poursuivis par le législateur par l’imposition de la condition de formation du contrat. Lorsque la loi ne précise pas le caractère de la nullité, c’est la distinction entre la notion d’« intérêt général » et celle d’« intérêt particulier » qui permet de le déterminer. Ainsi, lorsque le législateur cherche à protéger l’intérêt des contractants (intérêt privé), il s’agit d’une nullité relative; lorsque dans d’autres cas, il cherche à protéger l’intérêt général (intérêt public), il s’agit d’une nullité absolue. Certaines nullités demeurent toutefois difficiles à classifier, mais le législateur a créé une présomption en faveur de la nullité relative des contrats à l’article 1421 C.c.Q. Cette présomption témoigne du préjugé favorable du législateur envers la nullité relative et élimine les difficultés de classification en cas de doute.

1575. Enfin, dans certains cas, une disposition peut viser à la fois les intérêts particuliers et l’intérêt public. À titre d’exemple, la garantie du constructeur relative à la solidité de l’immeuble est à la fois d’ordre public de protection et de direction. Cette disposition a pour objet d’assurer la qualité et la solidité de l’ouvrage, dans un souci de ne pas compromettre la sécurité tant du maître de l’ouvrage que du public en général. Par conséquent, toute renonciation à cette garantie est illégale et sans effet. Il en est de même pour la règle relative au logement impropre à l’habitation prévue à l’article 1913 C.c.Q. Cette règle est considérée comme étant d’ordre public de direction, car elle porte non seulement sur la protection du locataire et de sa famille, mais aussi sur celle du public. Le tribunal peut, à l’occasion de tout litige relatif au bail, déclarer d’office qu’un logement est impropre à l’habitation.

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1576. Dans un autre ordre d’idée, soulignons que la clause qui est nulle ne rend pas le contrat invalide quant au reste, à moins qu’il n’apparaisse que le contrat doive être considéré comme un tout indivisible2361.

A. Sanction de la violation de l’ordre public en matière d’assurance

1577. En matière d’assurance, l’article 2414 C.c.Q. rend nulle toute clause qui accorde au preneur, à l’assuré, à l’adhérent ou au titulaire du contrat moins de droits que les dispositions du chapitre consacré aux assurances. Il en est de même pour une clause qui concerne l’intérêt d’assurance ou le droit des tiers lésés en matière d’assurance responsabilité. Le législateur en matière d’assurances terrestres, cherche donc à protéger non seulement le preneur, mais aussi les tiers ayant un intérêt dans le contrat d’assurance. Cette disposition d’ordre public a une portée générale permettant ainsi au tribunal d’intervenir pour invalider ou déclarer inopposable toute stipulation pouvant contrevenir à une disposition prévue dans le chapitre relatif aux assurances et qui accorde moins de droits aux personnes intéressées par le contrat d’assurance que par la disposition en question (adhérent, preneur, assuré, bénéficiaire, tiers dans un contrat d’assurance responsabilité).

1578. Il en est ainsi lorsqu’une clause prévoit que le contrat entrera en vigueur lors de la livraison de la police d’assurance-vie; cette clause est illégale et sans effet lorsque la date de la livraison de la police est postérieure à la mise en vigueur de celle prévue par la loi. Par contre, les parties peuvent convenir d’une date de prise d’effet antérieure à la date d’entrée en application prévue par la loi puisque cette clause favorise l’assuré. Dans le même ordre d’idées, l’article 2441 C.c.Q. rend inopérante toute clause d’exclusion pour cause de suicide au-delà d’une période de deux ans d’assurance ininterrompue. Bien que ces dispositions en matière d’assurance soient d’ordre public, il s’agit d’un ordre public de protection. Dans ce cas, la nullité d’une clause ne peut être invoquée que par les personnes protégées par la loi.

1579. La Cour suprême2362 a confirmé la décision de la Cour d’appel du Québec ayant condamné une compagnie d’assurance à payer le

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montant de l’indemnité d’une assurance-vie au bénéficiaire désigné. Dans cette affaire, l’assureur a refusé de payer à l’épouse de l’assuré le montant de l’indemnité de l’assurance vie, car le décès de l’assuré a été causé par un acte criminel qu’il a lui-même commis. En l’espèce, l’acte criminel commis par l’assuré ne constituait pas un acte à caractère intentionnel, puisque la preuve n’a permis d’établir aucun fait pouvant indiquer qu’il recherchait la réalisation du risque et du dommage. La compagnie d’assurance a même admis que l’assuré, lorsqu’il a commis l’acte criminel causant sa mort, n’avait pas l’intention de mettre fin à ses jours. Cependant, la compagnie d’assurance a invoqué le principe d’ordre public selon lequel « nul ne peut profiter de son propre acte criminel » pour l’opposer à l’épouse bénéficiaire du contrat d’assurance.

1580. Bien que la Cour suprême, à l’instar de la Cour d’appel, ait refusé à l’assureur d’opposer ce principe au bénéficiaire innocent, elle a cependant laissé entendre que l’assureur aurait pu se libérer de son obligation envers le bénéficiaire si le contrat d’assurance avait contenu une clause d’exclusion de garantie expresse en cas de décès lors de la perpétration d’un acte criminel. La Cour suprême est loin d’avoir tranché définitivement, par son arrêt, la question déjà soulevée par la compagnie d’assurance. En effet, la réaction prévisible des compagnies d’assurance sera d’introduire dans leurs contrats de telles clauses expresses d’exclusion de garantie.

1581. La Cour suprême et la Cour d’appel n’ont évidemment pas traité de la validité d’une telle clause d’exclusion puisqu’elles n’étaient pas saisies de cette question, et c’est simplement en obiter qu’elles ont mentionné cette possibilité. La question restera donc à régler, quand, le cas échéant, un bénéficiaire contestera la validité d’une telle clause.

1582. Il n’existe aucune disposition législative traitant de façon spécifique et particulière de la validité d’une telle clause. Il appartiendra donc aux tribunaux d’évaluer sa validité à la lumière des principes généraux applicables en matière d’assurance. Ils peuvent ainsi élaborer les critères de validité de cette clause et établir des limites et des restrictions à son application. Une telle clause peut être ainsi déclarée contraire à l’ordre public. Rappelons que la notion d’ordre public n’est pas uniquement constituée de dispositions législatives, mais englobe également le concept déjà développé par les tribunaux et la doctrine. En effet, les tribunaux sont souvent appelés à se prononcer sur la validité d’un engagement ou d’une clause contractuelle en l’absence d’une disposition législative. Ils ont le devoir de le sanctionner et de le modeler en appliquant les principes de droit pertinents, et en tenant compte des valeurs fondamentales.

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1583. Si la loi permet (art. 2402 C.c.Q.) à l’assureur d’exclure par une clause expresse, spécifique et précise, le paiement du montant de l’indemnité de l’assurance en cas d’acte criminel commis par l’assuré, cette possibilité n’est pas sans restrictions. Une telle clause ne peut être opposable qu’à l’assuré lui-même, mais elle est inopposable à un tiers ou à un bénéficiaire innocent. La disposition d’ordre public qui empêche un criminel de toucher le bénéfice de l’assurance à la suite de son propre crime, ne permet pas à l’assureur de s’en prévaloir afin d’empêcher un bénéficiaire innocent de réclamer le montant de l’indemnité en vertu d’un contrat d’assurance.

1584. L’article 2414 C.c.Q. peut rendre nulle toute clause qui accorde au bénéficiaire d’un contrat d’assurance moins de droits que les dispositions législatives du chapitre consacré aux assurances. Ainsi, l’article 2441 C.c.Q. rend inopposable et sans effet, au-delà de deux ans ininterrompus, la clause qui exclut le paiement de l’indemnité en vertu d’une police d’assurance-vie en cas de suicide par l’assuré. Cette disposition accorde une protection au bénéficiaire d’une assurance-vie, en prévoyant le droit à l’indemnité, même dans un cas de suicide de l’assuré, si le suicide survient après deux d’assurance ininterrompue. Par l’application de l’article 2414 C.c.Q. et, par analogie, des dispositions de l’article 2441 C.c.Q., qui sont d’ordre public, la clause prévoyant expressément que l’assureur n’est pas tenu de verser l’indemnité. Si l’assuré perd la vie lors de la perpétration d’un acte criminel, peut être également déclarée inopérante et sans effet à l’égard du bénéficiaire après deux ans d’assurance-vie ininterrompue.

1585. En dépit du principe selon lequel l’assureur n’assure jamais la faute intentionnelle de l’assuré, le législateur a créé plusieurs exceptions qui font échec à son application; les plus pertinentes sont celles qui visent à protéger les tiers ou les bénéficiaires innocents contre les conséquences de l’activité criminelle de l’assuré, ou à ne pas permettre à l’assureur d’opposer au bénéficiaire les causes de nullité ou d’échéance qui sont purement personnelles à l’assuré2363. On peut également citer, à titre d’exemple, l’article 2441 C.c.Q. qui limite l’exclusion de garantie expresse en cas de suicide à une durée de deux ans, alors que l’attentat commis par l’assuré à sa vie est un acte intentionnel. Il est donc tout à fait plausible que ces règles s’appliquent lorsque l’assuré commet un acte criminel sans avoir l’intention de mettre fin à ses jours. S’il est vrai que, dans ce dernier cas, l’assuré commet un acte criminel sans vouloir

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mettre fin à sa vie (mais dans un but illégal et illégitime), il est également vrai, au moins du point de vue moral, que l’assuré qui se suicide commet ainsi un acte criminel, parce que rien ne l’autorise à s’enlever la vie.

1586. Enfin, dans certains cas, il est difficile de mettre en évidence l’intérêt visé par la disposition d’ordre public. Il faut alors trouver quel fondement prime en l’espèce afin de qualifier le caractère de la nullité qui sanctionne sa violation. En cas de doute, le législateur a créé une présomption en faveur de la nullité relative des contrats.

B. Personnes pouvant invoquer la nullité

1587. La nullité peut faire l’objet d’une action directe ou être invoquée en défense. Afin de déterminer les personnes qui peuvent intenter un recours en nullité, il faut, en premier lieu, se référer au principe général de l’article 85 du Code de procédure civile2364, qui exige un intérêt « suffisant » pour intenter un recours en justice. Il s’agit, en outre, d’un intérêt pécuniaire, puisqu’un intérêt purement moral ne semble pas suffire2365. Par la suite, il faut établir la nature de la nullité qu’on entend invoquer afin de déterminer, de façon encore plus précise, qui peut ou non exercer ce recours.

1588. Les articles 1418 et 1420 C.c.Q. traitent respectivement, et de façon spécifique, des personnes qui peuvent intenter un recours en nullité absolue et en nullité relative2366.

C. La prescription de l’action en nullité

1589. Selon l’article 2927 C.c.Q.2367, la prescription de l’action en nullité court à partir de la connaissance de la cause de la nullité ou de la cessation de la violence ou de la crainte. Cependant, afin d’établir le délai précis, il faut se référer à l’article 2925 C.c.Q. qui énonce, entre autres,

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que les actions portant sur un droit personnel ou un droit réel mobilier se prescrivent par trois ans2368.

1590. Un auteur2369 est d’avis que la codification des articles relatifs à la prescription de l’action en nullité risque de causer un problème d’interprétation lorsqu’elle vise la nullité d’un contrat portant sur un droit réel immobilier. En effet, selon l’article 2923 C.c.Q., la prescription de l’action portant sur un bien immobilier étant de dix ans, on peut alors se demander si l’action en nullité d’un contrat portant sur un bien immobilier sera de dix ans au lieu de trois ans ou s’il faut plutôt considérer cette action comme une action personnelle qui se prescrirait alors par trois ans, comme le suggère d’ailleurs cet auteur2370. Nous pensons plutôt qu’en cas de doute sur le délai à appliquer à une telle situation, il faut en faire bénéficier le demandeur, détenteur du droit à l’action en nullité, et lui accorder le délai de dix ans (art. 2923 C.c.Q.). Les principes de justice et d’équité nous amènent à opter pour l’application des dispositions de l’article 2923 C.c.Q. dans une telle situation en attendant, bien sûr, que le législateur y apporte les précisions qui s’imposent. Rappelons toutefois que malgré le court délai de prescription de l’action en nullité, l’exception en nullité peut toujours être invoquée par la partie défenderesse à l’action2371.

1591. Par ailleurs, nous sommes d’avis qu’une distinction s’impose entre la prescription d’une action en nullité relative et celle d’une action en nullité absolue. En effet, le caractère absolu d’une nullité rend l’action en nullité imprescriptible dans ces circonstances2372. Même si le principe général est à l’effet que toute action est prescriptible, nous ne pouvons nous joindre à l’opinion générale lorsqu’il s’agit de nullités absolues2373. En effet, dans un premier temps, il est impensable qu’un contrat frappé d’une nullité absolue en raison de sa contravention à une disposition d’ordre public politique et social devienne valide à l’expiration du

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délai de prescription. Dans un deuxième temps, le contrat, qui ne peut être confirmé par la volonté expresse des parties contractantes, ne saurait être valide par le simple écoulement du temps et l’expiration d’un délai quelconque. Enfin, nous voyons difficilement comment l’action en nullité absolue serait prescriptible et par conséquent rejetée pour ce motif par le juge, alors que celui-ci a le devoir de soulever d’office cette nullité sans aucune restriction dans le temps.

1592. La doctrine moderne estime généralement que le Code civil ne fait plus de distinction entre la prescription de la demande en nullité absolue et celle de la demande en nullité relative. Selon elle, le délai de prescription établi par le Code civil du Québec, et ce, quel que soit le type de nullité invoqué, est de trois ans. Ainsi, toujours selon la doctrine moderne, la théorie classique, à savoir que le droit d’invoquer la nullité de l’acte entaché de nullité absolue est imprescriptible, ne peut être retenue. Bien que la prescription de l’action en nullité d’un acte violant l’ordre public politique et moral ne soit pas souhaitable, cette doctrine soutient que l’on doit admettre la prescription en raison du fait que la nullité d’un tel acte est prévue par un texte législatif et que reconnaître la prescription d’un recours en nullité absolue permet d’assurer la stabilité de la justice. À son avis, la prescription d’un tel recours n’a pas pour effet de rendre valable un contrat qui ne l’est pas, mais plutôt de prévenir les actions réelles ou personnelles que le créancier pourrait vouloir intenter à l’encontre de son cocontractant2374.

1) Cas d’illustration

1593. En droit québécois, certains contrats sont interdits expressément par le législateur. Mentionnons, outre la convention de procréation (art. 541 C.c.Q.), le mariage d’un mineur (art. 373 et 161 C.c.Q.). Bien que ces actes soient entachés de nullité absolue, la loi ne reconnaît absolument pas leur existence, et ce, contrairement à d’autres contrats qui sont également entachés de nullité absolue parce qu’ils ne remplissent pas les conditions requises par la loi pour leur validité (comme le contrat d’hypothèque immobilier (art. 2693 C.c.Q.), le contrat de mariage (art. 440 C.c.Q.), le contrat de donation (art. 1824 C.c.Q.)). Ces contrats qui sont annulables pour vice de formation sont reconnus par la loi et leur existence n’est pas interdite ni prohibée. D’où la distinction entre les actes frappés de nullité absolue parce qu’ils contreviennent à l’ordre public de direction, mais dont l’existence n’est pas interdite par la loi, et les actes frappés d’une nullité absolue, dont l’existence est expressément

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prohibée par la loi. Dans le premier cas, la prescription du droit d’invoquer la nullité absolue est concevable pour la stabilité de la justice, alors que, dans le second cas, la prescription n’est pas nécessairement souhaitable puisque l’intérêt général qui est le fondement même de l’interdiction de ces actes s’oppose à ce que le droit d’invoquer la nullité absolue s’éteigne par la prescription.

1594. Ces types de conventions, dont la loi ne reconnaît pas l’existence d’une manière ou d’une autre, ne peuvent être confirmés par la volonté des parties et leur nullité ne peut être couverte par le seul effet de l’écoulement du temps, comme nous l’avons déjà mentionné. La nullité absolue peut être invoquée en tout temps, par toute personne ayant un intérêt à le faire et le juge a le devoir de la soulever d’office sans aucune limite dans le temps.

1595. D’ailleurs, le législateur a exceptionnellement reconnu dans certains cas précis l’imprescriptibilité d’une action lorsque l’ordre public politique et moral est en cause. À titre d’exemple, l’article 380 al. 2 C.c.Q., prévoit que l’action en nullité du mariage est irrecevable s’il s’est écoulé trois ans depuis la célébration du mariage. Cependant, lorsque le mariage n’a pas été célébré en respect des prescriptions légales alors que ces dernières sont d’ordre public, l’action en nullité peut toujours être intentée, indépendamment du délai écoulé depuis sa célébration.

1596. Il en est ainsi lorsque le mariage implique un mineur âgé de moins de seize ans. La loi interdit, sous peine de nullité absolue, le mariage avant l’âge de seize ans. En effet, l’article 6 de la Loi d’harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil2375 prévoit que « nul ne peut contracter mariage avant d’avoir atteint l’âge de seize ans ». Il est tout à fait normal qu’un mariage impliquant un mineur de moins de seize ans soit toujours annulable, puisqu’il s’agit d’une interdiction totale et absolue.

1597. De même, le mariage d’une personne déjà mariée sera toujours annulable, quel que soit le nombre d’années écoulées depuis sa célébration. Rappelons qu’il est d’ordre public qu’une personne mariée ne peut se remarier tant que son divorce n’a pas fait l’objet d’un jugement définitif rendu par un tribunal compétent selon les lois canadiennes. Ce deuxième mariage est non seulement illégal, mais aussi contraire à l’ordre public politique et moral. Le fait que cette personne se retrouve plus tard libérée de son premier mariage par un jugement de divorce ne légalise pas pour autant le deuxième mariage célébré avant le divorce. À cet effet, l’article 7 de la Loi d’harmonisation stipule que « nul ne peut

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contracter un nouveau mariage avant que tout mariage antérieur ait été dissous par le décès ou le divorce ou frappé de nullité ».

1598. Une troisième situation est le mariage entre collatéraux (frères, sœurs, oncles, nièces, etc.). De même, la Loi sur le mariage (degrés prohibés)2376 stipule, à son article 2 (2), que le mariage entre personnes ayant des liens de parenté en ligne directe, par consanguinité ou adoption, en ligne collatérale, par consanguinité, s’il s’agit de frère et sœur ou de demi-frère et demi-sœur, et en ligne collatérale, par adoption, s’il s’agit de frère et sœur, est prohibé. Notons que l’écoulement du temps ne peut le rendre ni légal ni valide. Ce mariage interdit pour cause de moralité ne sera jamais accepté ou confirmé, quel que soit le délai écoulé entre sa célébration et la demande en justice invoquant la nullité.

1599. Dans ces trois exemples, l’action en nullité de mariage ne peut pas être prescrite, car le mariage, non seulement était et demeure nul, mais n’existe même pas légalement. Un mariage qui n’existe pas aux yeux de la loi lors de sa célébration ne pourra jamais exister postérieurement, quelque soit le délai écoulé. Il s’agit d’une théorie bien connue en droit civil français, à savoir la théorie de l’inexistence du contrat interdit. C’est cette théorie de l’inexistence de l’acte de mariage qui constitue le fondement du principe de la non-prescriptibilité de l’action en nullité.

1600. Dans toutes ces situations, le mariage n’existe pas, car il n’est pas reconnu par la loi. L’interdiction d’un mariage sera toujours sanctionnée par la loi et les tribunaux. Toute personne intéressée peut invoquer l’inexistence légale d’un mariage interdit, c’est-à-dire sa nullité. Le juge, en tant que gardien de l’ordre public, peut toujours l’invoquer d’office en l’absence de toute demande par les personnes impliquées dans un litige qui lui est soumis.

1601. Il faut toutefois noter que, malgré le caractère absolu de la nullité, l’action en nullité peut être prescrite dans bien des cas. En effet, le juge doit concilier deux principes fondamentaux dans le droit québécois, soit celui voulant que toute action est prescriptible et celui qui a trait à la notion de contrat nul puisqu’il n’a aucune existence, notion développée en droit français et par Mignault2377.

1602. Un dernier exemple de l’imprescriptibilité d’une action en nullité sera le testament fait par une personne mineure. Rappelons que l’article 708 C.c.Q. prévoit que le mineur ne peut tester d’aucune partie de ses biens si ce n’est que des biens de peu de valeur. Le testament fait

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par une personne alors qu’elle était mineure sera toujours frappé d’une nullité absolue (art. 161 C.c.Q.), même si la personne devenue plus tard majeure ne révoque pas son testament. En effet, le défaut de révoquer son testament après avoir atteint l’âge de la majorité, ne peut jamais être interprété comme une confirmation ou ratification de ce testament. D’ailleurs, l’art. 1418 al. 2 C.c.Q. prévoit expressément que le contrat ou l’acte frappé de nullité absolue n’est pas susceptible de confirmation.

1603. En somme, nous sommes d’avis que le juge saisi d’une demande en nullité doit, lorsque la question de prescription est soulevée, faire la distinction entre une disposition d’ordre public de direction économique et une disposition d’ordre public politique et moral de direction. C’est seulement dans le cas d’un contrat contrevenant à l’ordre public de direction économique que l’action en nullité absolue doit être assujettie à un délai de prescription. Par contre, il doit rejeter tout moyen de défense fondé sur la prescription lorsque la disposition à laquelle contrevient le contrat est d’ordre public politique et moral, car la loi ne reconnaît pas l’existence de ce contrat ni dans le passé ni dans l’avenir et elle l’interdit expressément.

5. La rétroactivité d’une disposition d’ordre public

1604. Les dispositions du Code civil du Québec en matière de nullité sont, en règle générale, d’application immédiate2378.

1605. Bien que le principe général de non-rétroactivité ne reçoive en droit canadien et québécois aucune consécration dans un texte législatif, les tribunaux l’ont toujours reconnu et affirmé. Ainsi, la Cour suprême du Canada a décidé que : « Selon le principe général, les lois ne doivent pas être interprétées comme ayant une portée rétroactive, à moins que le texte de la loi ne le décrète expressément ou n’exige implicitement une telle interprétation »2379.

1606. Lorsque la loi est muette sur le principe général de la non-rétroactivité, il y a possibilité d’interpréter la nouvelle loi ou la nouvelle disposition pour voir s’il y a lieu de lui attribuer une portée rétroactive.

1607. La question qui se pose maintenant est de savoir si une disposition d’ordre public, en cas de silence du législateur sur la possibilité de l’interpréter rétroactivement, peut s’appliquer à un contrat conclu

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avant son entrée en vigueur. Dans l’affirmative, quels sont les critères à retenir pour déterminer si telle disposition doit avoir un effet rétroactif ? Premièrement, en dehors d’une loi expressément rétroactive, une nouvelle disposition, même d’ordre public, ne peut, en principe s’appliquer à un contrat formé avant son entrée en vigueur. Deuxièmement, en suivant le principe établi par la Cour suprême, même si le texte exige implicitement une interprétation, en présence d’un texte donnant lieu à plusieurs interprétations, on doit opter pour celle qui permet à la nouvelle disposition de prendre seulement effet dans l’avenir. Troisièmement, en dehors d’une disposition expressément rétroactive, la jurisprudence et la doctrine s’accordent pour dire qu’une nouvelle disposition ne peut s’appliquer à une situation survenue avant son entrée en vigueur. Quatrièmement, il y a lieu, lors de la détermination de la rétroactivité, de distinguer entre une disposition d’ordre public de direction et celle d’ordre public de protection.

1608. En effet, certaines dispositions d’ordre public de direction, notamment d’ordre public politique et moral, peuvent s’appliquer non seulement aux faits accomplis ou survenus postérieurement à leur entrée en vigueur, mais aussi à la validité du contrat même.

1609. Quant à la validité du contrat, la disposition sera mise en pratique si un vide législatif existait avant son adoption. Au contraire, si le contrat avait valablement été formé en vertu d’une loi antérieure, il est inconcevable qu’une nouvelle disposition, même d’ordre public de direction, puisse invalider un contrat conforme à la loi en vigueur lors de sa formation, à moins d’une stipulation expresse prévoyant la rétroactivité.

1610. C’est le cas d’une convention de procréation conclue avant l’adoption et l’entrée en vigueur de l’article 541 C.c.Q. Rappelons qu’aucune disposition législative ne traitait de la validité ni des effets d’une telle convention dans le Code civil du Bas-Canada. Cette convention, déjà en cours avant l’entrée en vigueur de l’article 541 C.c.Q., sera sanctionnée par la nullité absolue. Il est impensable qu’un tribunal refuse de sanctionner la violation de cette convention d’ordre public politique et moral pour la simple raison que la nouvelle règle d’ordre public établie par l’article 541 C.c.Q. est postérieure à sa conclusion. Les raisons sérieuses ayant justifié l’adoption de la nouvelle règle, l’incompatibilité de la convention de procréation avec les objectifs visés par le législateur, et les préjudices sociaux en résultant doivent amener le tribunal à conclure à l’application rétroactive de cette règle.

1611. Par contre, s’il s’agit d’une disposition d’ordre public de protection, la nouvelle règle ne pourra régir la forme ni la validité du

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contrat déjà en cours. En effet, lorsque l’ordre public est de protection, une nouvelle disposition ne peut invalider un contrat déjà conclu avant son entrée en vigueur, sauf si ce dernier avait pour but d’échapper à l’application future d’une telle disposition ou de la contourner. Dans ce cas, il faudrait notamment faire la preuve de la mauvaise foi du ou des contractants.

1612. Une nouvelle disposition d’ordre public de protection peut cependant invalider une clause contenue dans un contrat conclu antérieurement à son entrée en vigueur, lorsque les faits qui donnent lieu à l’application de cette clause se produisent après la prise d’effet de la nouvelle règle ou lorsque ces faits se produisent avant, mais que la procédure a été entamée postérieurement à celle-ci. À titre d’exemple, la règle prévue dans le deuxième alinéa de l’article 1604 C.c.Q. est d’ordre public de protection. Cette règle, de droit nouveau, invalide une clause résolutoire que les parties auraient pu inclure dans leur contrat. Ainsi, le créancier ne peut procéder à la résolution ni à la résiliation du contrat lorsque le défaut du débiteur est de peu d’importance, il a seulement droit à la réduction de sa propre obligation, et si celle-ci ne peut avoir lieu, il doit exercer un recours en dommages-intérêts. Le législateur a voulu protéger les droits du débiteur, surtout lorsqu’il s’agit de contrats d’adhésion où l’insertion de clauses résolutoires plus ou moins imposées à l’une des parties est pratique courante. Le législateur cherche par la nouvelle règle à établir une certaine équité et justice contractuelle. Ces objectifs, qui constituent le fondement juridique de la nouvelle disposition, doivent également justifier son application à une situation juridique survenue alors qu’elle est en vigueur indépendamment de la date de formation du contrat contenant la clause résolutoire.

1613. On peut se demander, lorsque des faits surviennent après l’entrée en vigueur d’une nouvelle disposition d’ordre public, alors que ces derniers résultent d’un contrat conclu antérieurement, s’il faut parler de rétroactivité ou tout simplement d’effet immédiat de la loi. À vrai dire, ce que l’on cherche à ce moment-là, c’est à appliquer la nouvelle disposition à un droit prévu dans un contrat antérieur, mais exercé postérieurement à son entrée en vigueur.

1614. En appliquant la nouvelle disposition d’ordre public, le tribunal ne cherche pas à s’immiscer dans le passé, puisque les droits acquis des parties ne seront pas touchés par cette application; au contraire, elle ne modifie que le droit ou la situation prévue par les parties, mais qui n’est exercé ou réalisé qu’après l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition. En d’autres termes, la nouvelle règle d’ordre public ne peut régir ou régler que l’exercice futur du droit prévu dans le passé.

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Cette application ne peut changer une situation juridique déjà accomplie ou les droits acquis des parties, à moins d’une stipulation expresse de rétroactivité dans la loi. Ce principe du respect des droits acquis est souvent confondu avec celui de la non-rétroactivité.

1615. En somme, la démarche judiciaire pour décider de l’application d’une nouvelle règle d’ordre public à un contrat en cours se révèle très difficile et fait appel à une volonté et à un raisonnement exceptionnel de la part du juge2380.

6. La renonciation à une règle d’ordre public

1616. La renonciation à une règle d’ordre public est une pratique courante dans les relations contractuelles. En effet, une personne peut renoncer à invoquer un droit dont elle est la titulaire ou à se prévaloir d’une disposition qui lui garantit une protection. Pour décider de la validité d’une renonciation, il y a lieu de déterminer d’abord le type d’ordre public établi par la disposition.

1617. Dans le cas d’une disposition d’ordre public de direction, la renonciation à l’application de la règle ou au droit qui y est prévu est nulle et sans aucune valeur juridique. Une telle renonciation ne produit aucun effet entre les parties, car il n’est pas dans l’intérêt général que des activités ou des actes contrevenant à des dispositions d’ordre public soient confirmés d’une façon ou d’une autre afin de contourner l’application de la loi et de faire échec à l’atteinte des objectifs recherchés par le législateur.

1618. De plus, le législateur prévoit expressément que le juge doit soulever d’office la question de l’ordre public de direction. En effet, le tribunal a non seulement le pouvoir de soulever d’office la nullité absolue d’un contrat, mais il a le devoir de le faire lorsque ce contrat contrevient à une disposition d’ordre public de direction.

1619. Au contraire, le tribunal ne peut soulever d’office la violation contractuelle à une disposition d’ordre public de protection. Dans ce dernier cas, la renonciation à son application est possible à certaines conditions. À titre d’exemple, le contractant en faveur de qui la nullité a été établie peut confirmer son contrat, c’est-à-dire renoncer à invoquer sa nullité. Cependant, une telle renonciation ne peut être valide lorsqu’une disposition de la loi l’interdit.

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1620. La confirmation peut être tacite ou expresse2381 à condition que la volonté de confirmer soit évidente. Rappelons que la confirmation est un acte juridique unilatéral qui ne nécessite pas le consentement de la partie qui en bénéficie. Par sa confirmation, le contractant renonce à l’action en nullité relative qui frappe son contrat. Il s’agit en fait d’un acte par lequel le contractant fait disparaître le vice du contrat qu’il aurait pu invoquer comme cause de nullité.

1621. La confirmation tacite peut résulter, entre autres, de l’exécution volontaire des obligations de la convention atteinte de nullité par la personne qui aurait pu invoquer celle-ci. Il en est de même lorsque cette personne fait ou accomplit des actes qui laissent croire qu’elle n’a pas l’intention de demander la nullité de son contrat. Ainsi, lorsqu’une partie au contrat reconnaît par un acte l’existence de sa dette, cela implique une renonciation à invoquer la nullité du contrat dont la cause est l’erreur. Il y a également renonciation tacite lorsqu’un locataire signe un bail contenant une clause compromissoire et, dans sa défense soumise à l’arbitre, n’invoque pas que la clause compromissoire est contraire à l’ordre public.

1622. Que la confirmation du contrat soit exprimée par déclaration écrite ou verbale, la personne en faveur de qui est établie la protection doit auparavant satisfaire, outre la règle exigeant la capacité de contracter, à deux autres conditions : dans un premier temps, elle doit connaître l’existence de la cause de nullité, et, dans un second temps, avoir l’intention certaine et évidente de corriger le défaut.

1623. Aussi, il est évident que toute renonciation à invoquer la nullité d’un contrat avant ou pendant sa formation sera nulle et sans effet2382 puisqu’elle ne peut pas remplir ces deux conditions. En effet, une personne ne peut renoncer au droit de demander la nullité, car un tel droit ne peut être acquis que postérieurement à la formation du contrat. En d’autres termes, la renonciation n’est possible que lorsque le droit est né, et non à l’avance, dans la mesure où celui qui renonce doit être en mesure de peser le pour et le contre. La partie la plus faible ne peut faire un choix éclairé entre la protection que la loi accorde et la contrepartie

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que lui offre son cocontractant en échange de la renonciation, puisqu’elle est soumise aux pressions de ce dernier. C’est une fois le contrat conclu que la protection commence à produire ses effets, et l’intéressé peut en toute liberté et en connaissance de cause décider d’y renoncer ou de s’en prévaloir.

1624. Ainsi, en matière de bail résidentiel, les tribunaux ont décidé que la renonciation faite à l’avance, lors de la formation du bail, au droit au maintien dans les lieux est inopérante. L’augmentation du prix du loyer consentie par le locataire par la signature d’un nouveau bail en dehors de la période de reconduction du bail peut être déclarée nulle. Par contre, elle est valable lorsqu’elle intervient durant la période de reconduction, car à ce moment, les droits sont acquis et les parties peuvent en convenir librement2383.

1625. Également, l’article 93 de la Loi sur les normes du travail2384 édicte qu’il est impossible de déroger aux conditions de travail prévues dans cette loi. L’employeur peut cependant accorder à son employé des conditions plus avantageuses que les normes minimales qui y sont prévues2385. Soulignons toutefois que seul le salarié peut personnellement renoncer à une condition imposée par la Loi sur les normes du travail dans la mesure où l’avantage qui lui sera accordé en contrepartie n’aura pas pour effet de diminuer les conditions de travail des autres salariés. Outre la Loi sur les normes du travail, la Loi sur la protection du consommateur prohibe expressément une telle renonciation. En effet, les articles 261 et 262 de cette loi interdisent au consommateur de renoncer à un droit édicté par cette loi.


Notes de bas de page

2295. Contrairement aux articles 985 et 986 C.c.B.-C. qui énonçaient les règles de la capacité légale contractuelle.

2296. MINISTÈRE DE LA JUSTICE, Commentaires détaillés sur le Code civil du Québec, liv. v, mai 1992, art. 1409.

2297. Voir à cet effet nos commentaires sur cet article.

2298. Il faut donc faire une distinction entre la notion d’aptitude à consentir ou à s’obliger et la notion de capacité à contracter. À cet effet, voir : B.P. c. C.B., 2007 QCCS 5136 (CanLII), AZ-50458683, J.E. 2007-2250 (C.S.).

2299. Voir nos commentaires sur les articles 1410-1424 C.c.Q.

2300. La notion d’ordre public ne fait plus référence aux bonnes mœurs, au sens chrétien du terme, comme c’était le cas sous le régime du Code civil du Bas-Canada.

2301. Mousseau c. Société de gestion Paquin Ltée, 1994 CanLII 3745 (QC CS), AZ-94021494, J.E. 94-1296, [1994] R.J.Q. 2004 (C.S.).

2302. Goulet c. Cie d’Assurance-Vie Transamerica du Canada, AZ-50115737, 2002 CSC 21, J.E. 2002-486, [2002] 1 R.C.S. 719.

2303. Cameron c. Canadian Factors Corp., 1970 CanLII 163 (CSC), AZ-71111016, (1971) R.C.S. 148.

2305. DF Coffrages inc. c. Grimard, AZ-51179177, 2015EXP-1759, 2015 QCCQ 4282.

2307. Droit de la famille — 151172, AZ-51178930, J.E. 2015-973, 2015EXP-1767, 2015 QCCS 2308.

2308. Guay c. Vézina, (1920) 58 C.S. 104; Bouchard c. Bluteau, AZ-85011120, J.E. 85-337 (C.A.).

2309. Expression latine qui signifie « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

2310. The consumer Cordage Company c. Nicholas K. Connolly and Micheal Connoly, [1901] 31 R.C.S. 294.

2311. S.L. c. Commission scolaire des Chênes, AZ-50573325, J.E. 2009-1647, 2009 QCCS 3875, [2009] R.J.Q. 2398.

2312. Art. 9.1, Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12 : « Les libertés et droits fondamentaux s’exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l’ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec. La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l’exercice. »

2313. Journal des débats : Commissions parlementaires, 3e sess., 32e lég., 16 décembre 1982, p. B-11609. Voir aussi : Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, préambule (4e considérant).

2314. R. c. Edwards Books and Art Ltd., 1986 CanLII 12 (CSC), AZ-87111008, J.E. 87-82, D.T.E. 87T-74, [1987] D.L.Q. 87, [1986] 2 R.C.S. 713.

2315. Art. 1, Charte canadienne des droits et liberté dans la Loi constitutionnelle de 1982 : « La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. »

2316. R. c. Big M Drug Mart Ltd., 1985 CanLII 69 (CSC), AZ-85111032, J.E. 85-405, [1985] 1 R.C.S. 295 (C.S. Can.).

2317. Ibid; Syndicat Northcrest c. Amselem, AZ-50260091, 2004 CSC 47, [2004] 2 R.C.S. 551, par. 62.

2318. B. (R.) c. Children’s Aid Society of Metropolitain Toronto, 1995 CanLII 115 (CSC), AZ-95111020, J.E. 95-243, [1995] 1 R.C.S. 315 (C.S. Can.); Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6, par. 26.

2319. Big M Drug Mart Ltée, 1985 CanLII 69 (CSC), AZ-85111032, J.E. 85-405, [1985] 1 R.C.S. 295 (C.S. Can.), p. 336-337 et 351 : « Le concept de la liberté de religion se définit essentiellement comme le droit de croire ce que l’on veut en matière religieuse, le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d’empêchement ou de représailles et le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur enseignement et leur propagation. Toutefois, ce concept signifie beaucoup plus que cela. [...] La liberté signifie que, sous réserve des restrictions qui sont nécessaires pour préserver la sécurité, l’ordre, la santé ou les mœurs publics ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui, nul ne peut être forcé d’agir contrairement à ses croyances ou à sa conscience. »

2320. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys c. Singh Multani (Québec (Procureur général) c. Singh Multani), 2004 CanLII 31405 (QC CA), AZ-50224059, J.E. 2004-721, [2004] R.J.Q. 824 (C.A.) (jugement porté en second appel et renversé).

2321. Pierre BOSSET, L’obligation d’accommodement : quoi, comment, jusqu’où ? Des outils pour tous, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 3.

2322. J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, Les obligations, no 122, pp. 187-189.

2323. Pierre BOSSET, L’obligation d’accommodement : quoi, comment, jusqu’où ? Des outils pour tous, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 16.

2324. Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., 1985 CanLII 18 (CSC), AZ-86111012, J.E. 86-88, D.T.E. 86T-39, [1986] D.L.Q. 89, [1985] 2 R.C.S. 536.

2325. Bruker c. Marcovitz, AZ-50462970, J.E. 2008-68, 2007 CSC 54, [2008] R.D.F. 1, [2007] 3 R.C.S. 607 : dans cette affaire, la Cour a décidé que l’intérêt public visait à protéger le droit à l’égalité, la dignité des femmes et le respect des engagements contractuels valides et exécutoires au-delà de la prétention d’un individu du droit à la liberté de religion. Cette revendication à la liberté de religion a donc été écartée pour s’assurer que notre société se conforme à l’intérêt de l’ordre public.

2326. S.L. c. Commission scolaire des Chênes, AZ-50573325, J.E. 2009-1647, 2009 QCCS 3875, [2009] R.J.Q. 2398.

2327. Université Trinity Western c. British Columbia College of Teachers, AZ-50086459, J.E. 2001-1034, 2001 CSC 31, [2001] 1 R.C.S. 772.

2329. Syndicat Northcrest c. Amselem, AZ-50260091, J.E. 2004-1354, 2004 CSC 47, [2004] 2 R.C.S. 551, Bruker c. Marcovitz, AZ-50462970, J.E. 2008-68, 2007 CSC 54, [2008] R.D.F. 1, [2007] 3 R.C.S. 607, Centre d’information et d’action sociale de l’Outaouais (Clinique des femmes de l’Outaouais) c. Veilleux, AZ-50497448, J.E. 2008-1451, 2008 QCCS 2599.

2330. Syndicat Northcrest c. Amselem, AZ-50260091, J.E. 2004-1354, 2004 CSC 47, [2004] 2 R.C.S. 551 (dans l’opinion dissidente).

2331. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys c. Singh Multani (Québec (Procureur général) c. Singh Multani), 2004 CanLII 31405 (QC CA), AZ-50224059, J.E. 2004-721, [2004] R.J.Q. 824 (C.A.) (jugement porté en second appel et renversé).

2332. Dagenais c. Société Radio-Canada, 1994 CanLII 39 (CSC), AZ-95111005, J.E. 95-30, [1994] 3 R.C.S. 835, Centre d’information et d’action sociale de l’Outaouais (Clinique des femmes de l’Outaouais) c. Veilleux, AZ-50497448, J.E. 2008-1451, 2008 QCCS 2599.

2333. Centre d’information et d’action sociale de l’Outaouais (Clinique des femmes de l’Outaouais) c. Veilleux, AZ-50497448, J.E. 2008-1451, 2008 QCCS 2599.

2334. Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Commission des droits de la personne), 1990 CanLII 76 (CSC), AZ-90111088, J.E. 90-1345, [1990] 2 R.C.S. 489.

2335. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys c. Singh Multani (Québec (Procureur général) c. Singh Multani), 2004 CanLII 31405 (QC CA), AZ-50224059, J.E. 2004-721, [2004] R.J.Q. 824 (C.A.) (jugement porté en second appel et renversé).

2336. Ibid.

2337. Ibid.

2338. Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Commission des droits de la personne), 1990 CanLII 76 (CSC), AZ-90111088, J.E. 90-1345, [1990] 2 R.C.S. 489.

2339. Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général) (Eldridge c. P.G. de la Colombie-Britannique), 1997 CanLII 327 (CSC), AZ-97111099, J.E. 97-1910, [1997] 3 R.C.S. 624.

2340. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), 1999 CanLII 646 (CSC), AZ-50068485, J.E. 2000-43, [1999] 3 R.C.S. 868.

2341. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys c. Singh Multani (Québec (Procureur général) c. Singh Multani), 2004 CanLII 31405 (QC CA), AZ-50224059, J.E. 2004-721, [2004] R.J.Q. 824 (C.A.) (jugement porté en second appel et renversé).

2342. Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud (Renaud c. Board of School Trustees, School District No. 23 (Central Okanagan)), 1992 CanLII 81 (CSC), AZ-92111101, J.E. 92-1483, D.T.E. 92T-1083, [1992] 2 R.C.S. 970.

2343. Syndicat Northcrest c. Amselem, AZ-50260091, J.E. 2004-1354, 2004 CSC 47, [2004] 2 R.C.S. 551.

2344. Bruker c. Marcovitz, AZ-50462970, J.E. 2008-68, 2007 CSC 54, [2008] R.D.F. 1, [2007] 3 R.C.S. 607.

2345. Syndicat Northcrest c. Amselem, AZ-50260091, J.E. 2004-1354, 2004 CSC 47, [2004] 2 R.C.S. 551.

2346. Bruker c. Marcovitz, AZ-50462970, J.E. 2008-68, 2007 CSC 54, [2008] R.D.F. 1, [2007] 3 R.C.S. 607.

2347. J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, Les obligations, no 122, p. 187.

2348. José WOEHRLING, « L’obligation d’accommodement raisonnable et l’adaptation de la société canadienne à la diversité religieuse », Revue de droit de McGill, 1998, pp. 370-375.

2349. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Laval (Ville de), AZ-50392576, J.E. 2006-1921, 2006 QCTDP 17, [2006] R.J.Q. 2529.

2350. R. c. Big M Drug Mart Ltd., 1985 CanLII 69 (CSC), AZ-85111032, J.E. 85-405, D.T.E. 85T-339, [1985] 1 R.C.S. 295.

2351. Ibid.

2352. Bruker c. Marcovitz, AZ-50462970, J.E. 2008-68, 2007 CSC 54, [2008] R.D.F. 1, [2007] 3 R.C.S. 607.

2353. N.C. c. Institut universitaire en santé mentale Douglas, AZ-51288670, 2016 QCCA 856.

2354. Voir nos commentaires sur l’article 1418 C.c.Q.

2355. Voir à titre d’illustration : Demers c. Koenig, AZ-50081681, [2001] J.L. 249 (R.L. fixation) : ce jugement porte sur la double finalité du Règlement sur les critères de fixation de loyer.

2356. V. KARIM, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), contrat de prestation de services (obligations et responsabilité des professionnels) et l’hypothèque légale, art. 2118 C.c.Q., nos 1639-1642.

2357. N.C. c. Institut universitaire en santé mentale Douglas, AZ-51288670, 2016 QCCA 856.

2358. Voir nos commentaires sur l’article 1419 C.c.Q.

2359. Il faut rappeler que la nullité d’un contrat se distingue de sa résolution, de sa résiliation ou de sa révocation. Elle se distingue également de la notion d’inopposabilité, notion bien élaborée dans le Code civil aux articles 1631 et suiv.

2361. Voir nos commentaires sur l’article 1438 C.c.Q.

2362. Goulet c. Cie d’assurance-vie Transamerica du Canada, AZ-50115737, 2002 CSC 21, J.E. 2002-486, [2002] 1 R.C.S. 719 (C.S. Can.); voir également : Oldfield c. Cie d’Assurance-Vie Tansamerica du Canada, AZ-50115738, 2002 CSC 22, J.E. 2002-485, [2002] 1 R.C.S. 742 (C.S. Can.) : dans cet arrêt, la Cour confirme que l’assureur ne peut opposer un argument basé sur l’ordre public pour refuser d’indemniser le bénéficiaire de la police lorsque l’assuré est décédé au moment où il commettait un acte criminel.

2363. Voir à titre d’illustration : Oldfield c. Cie d’Assurance-Vie Transamérica du Canada, AZ-50115738, 2002 CSC 22, J.E. 2002-485, Compagnie d’assurance-vie Transamérica du Canada c. Toutant, AZ-50133127, J.E. 2002-1201, [2002] R.R.A. 685 (C.A.).

2365. Voir aussi à ce sujet : Janin Const. Ltée et al. c. Corp. des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, AZ-76021427, [1976] C.S. 1548. Dans cette affaire, il a été décidé que les organismes publics avaient l’intérêt requis afin d’invoquer la nullité, si leur but était d’assurer que les règles de la profession soient respectées.

2366. Voir aussi : Martel c. Martel, AZ-67011286, [1967] B.R. 805. Le juge y discute de l’intérêt requis afin de pouvoir invoquer la nullité absolue d’un contrat.

2367. L’article 2927 C.c.Q. reproduit une partie de l’article 2258 C.c.B.-C., mais se distingue par le délai de prescription de l’action en nullité. La prescription de l’action en nullité relative était, jadis, de dix ans, tel qu’énoncé à l’article 2258 C.c.B.-C. Le délai de prescription de l’action en nullité a été réduit considérablement par le Code civil du Québec, étant donné que la prescription est maintenant généralement de 3 ans.

2368. Le jumelage des articles 2925 et 2927 C.c.Q. nous permet de déterminer le délai de prescription de l’action en nullité relative.

2369. J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, Les obligations, no 391, pp. 469-470.

2370. Ibid.

2371. Selon l’application de la règle : Qua temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum codifiée à l’art. 2882 C.c.Q. et qui reprend la règle de l’art. 2246 C.c.B.-C.

2372. P-B. MIGNAULT, Droit civil canadien, p. 237.

2373. Plusieurs juristes québécois optent pour la prescription de l’action en nullité absolue sous prétexte que le caractère imprescriptible d’une action menace la stabilité des relations d’affaires. Voir à cet effet : M. TANCELIN, Sources des obligations : l’acte juridique légitime, no 200, p. 132; J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, Les obligations, nos 391, pp. 469-470; J. PINEAU, D. BURMAN et S. GAUDET, Obligations, no 201, D. LLUELLES et B. MOORE, Droit des obligations, no 2081.

2374. Vincent KARIM, « L’ordre public en droit économique », dans Les Cahiers de Droit, vol. 40, no 2, 1999, pp. 425-426.

2377. P.-B. MIGNAULT, Droit civil canadien, p. 237.

2379. Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. Ministère du Revenu national, 1975 CanLII 4 (CSC), AZ-77111023, [1977] 1 R.C.S. 271; Vincent KARIM, « L’ordre public en droit économique », dans Les Cahiers de Droit, vol. 40, no 2, 1999, pp. 428-431.

2380. Lepage c. Compagnie de fiducie du Groupe Investors ltée, AZ-93061076, [1993] J.L. 206 (R.L.).

2381. Désormais, la confirmation expresse n’est cependant plus soumise aux formalités prévues par l’ancien article 1214 du Code civil du Bas-Canada; en effet, le législateur n’a pas repris les exigences de cet article à savoir que l’intention de confirmer le contrat doit être exprimée dans un écrit qui mentionne la cause de nullité, et que la renonciation à invoquer la nullité soit donnée en toute connaissance de cette cause. La preuve de confirmation expresse risque donc, dans certains cas, d’être plus difficile à faire lorsque la volonté de confirmer résulte d’une déclaration verbale.

2382. Voir à titre d’illustration : Gracia Transport ltée c. Compagnie Trust Royal, 1992 CanLII 70 (CSC), AZ-92111081, J.E. 92-953, [1992] 2 R.C.S. 499 (C.S. Can.).

2383. Texte repris d’un article qui fut publié par Vincent KARIM dans Les Cahiers de Droit, vol. 40, no 2, juin 1999, pp. 403-435.

Wilson et Lafleur

La diffusion de l'ouvrage Les obligations, vol. 1 de Vincent Karim, et publié par Wilson et Lafleur, est rendue possible grâce à une licence accordée au CAIJ par Wilson et Lafleur.

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Législation citée (Québec et CSC)  
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Concordances  
 
 
  • Code civil du Bas Canada : art. 985, 986
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Commentaires du ministre de la Justice  
 
Article 1409 (LQ 1991, c. 64)
Les règles relatives à la capacité de contracter sont principalement établies au livre Des personnes.
Article 1409 (SQ 1991, c. 64)
The rules relating to the capacity to contract are laid down principally in the Book on Persons.
Sources
C.C.B.C. : articles 985, 986
O.R.C.C. : L. V, article 10
Commentaires

Cet article renvoie, pour ce qui a trait a la capacité de contracter comme condition à la formation du contrat, aux règles énoncées sur cette question dans le livre Des personnes, au titre De la capacité des personnes, principalement aux règles énoncées aux articles 153, 154, 156 et s, 256, 283 et s, 287 à 290, 293 et 294. Des règles relatives à la capacité de contracter sont aussi établies ailleurs dans le nouveau code, par exemple, aux articles 1709 (vente), 1783 (vente de droits litigieux) et 1813 (donation).


Le renvoi prévu par l'article a paru préférable à la reprise de règles du type de celles des articles 985 et 986 C.C.B.C., non seulement parce que les règles de cette nature sont plus intimement liées au droit des personnes, mais aussi parce qu'elles ne constituent réellement que des applications de règles, par ailleurs plus générales, gouvernant l'exercice même des droits civils ou visant l'ensemble des actes juridiques.


Extrait de : Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice - Le Code civil du Québec , t. 1, Québec, Les Publications du Québec, 1993.
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Questions de recherche  
 
Les recherchistes du CAIJ ont identifié la législation, la jurisprudence et la doctrine sur :
 
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Débats parlementaires et positions  
 
 

1.  Code civil du Québec, LQ 1991, c. 64, a. 1409

 
Référence à la présentation : Projet de loi 125, 1re sess, 34e lég, Québec, 1990, a. 1405.
 
Étude détaillée dans le Journal des débats :
 
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Les lois du Québec sont reproduites avec l'autorisation de l'Éditeur officiel du Québec.
Les Code civil du Bas Canada et Code civil du Québec (1980) sont reproduits avec l'autorisation de Wilson et Lafleur.