Art. 2728. L’hypothèque garantit la plus-value
donnée à l’immeuble par les travaux, matériaux ou services fournis ou
préparés pour ces travaux; mais, lorsque ceux en faveur de qui elle existe n’ont
pas eux-mêmes contracté avec le propriétaire, elle est limitée aux travaux,
matériaux ou services qui suivent la dénonciation écrite du contrat au
propriétaire. L’ouvrier n’est pas tenu de dénoncer
son contrat.
|
|
Art. 2728. The hypothec secures the increase in value given to the immovable
by the work, materials or services supplied or prepared for the work.
However, where those in favour of whom it exists did not themselves enter
into a contract with the owner, the hypothec is limited to the work,
materials or services supplied after written notice of the contract to the
owner. A workman is not bound to give notice of his contract.
|
C.c.B.-C.
2013. L’ouvrier,
le fournisseur de matériaux, le constructeur et l’architecte ont un privilège
et un droit de préférence sur l’immeuble, mais seulement quant à la plus-value
donnée à cet immeuble par leurs travaux ou matériaux, à l’encontre de tous les
autres créanciers.
2013d. L’ouvrier
a un privilège, à raison des travaux qu’il a faits sur un immeuble, pour vingt
jours d’arrérages, soit qu’il ait contracté avec le propriétaire, ou avec un entrepreneur. Ce privilège n’est soumis à
aucune formalité.
Ce privilège subsiste pendant trente jours
après la fin des travaux et n’a pas besoin d’être enregistré. Mais le privilège
est éteint, faute par l’ouvrier, de poursuivre son débiteur pendant ce délai et
de mettre en cause le propriétaire, de même que le régistrateur de la division
où est situé l’immeuble, afin de dénoncer à ce dernier les privilèges, lequel
doit noter telle poursuite dans l’index de l’immeuble.
Le propriétaire, pendant toute la durée et à
la fin des travaux, a droit de retenir, sur le prix du contrat, un montant suffisant
pour acquitter les créances privilégiées. Tout montant établi par un certificat
assermenté donné par l’architecte ou l’ingénieur en charge des travaux, est
réputé suffisant, et, à défaut de tel architecte ou ingénieur, semblable
certificat peut être décerné par un architecte licencié ou ingénieur dûment
qualifié de cette province, dont les parties intéressées peuvent convenir, et,
à défaut d’entente, nommé par un juge de la Cour supérieure.
[Page 1029]
Le constructeur ne peut exiger aucun paiement
sur le prix du contrat avant d’avoir fourni au propriétaire un état, sous sa
signature, de tous les montants par lui dus pour construction
et matériaux.
Plusieurs ouvriers peuvent se joindre dans
une même action dont les frais sont ceux d’une action personnelle pour le
montant réclamé.
2013e. Le
fournisseur de matériaux a un privilège sur l’immeuble dans la construction
duquel entrent des matériaux qu’il a fournis au propriétaire ou au
constructeur, ou qu’il a spécialement préparé pour telle construction.
Toutefois, dans le cas où le fournisseur de
matériaux contracte avec le propriétaire lui-même, ce privilège n’est conservé
que par l’enregistrement, avant l’expiration des trente jours qui suivent la
fin des travaux, d’un avis contenant :
10. Les noms, prénoms et domiciles du
créancier et du débiteur;
11. La désignation de l’immeuble affecté par
le privilège;
12. Un état de la créance, spécifiant la
nature et le prix des matériaux fournis au propriétaire ou spécialement
préparés pour les lui fournir.
Dans le cas où le fournisseur de matériaux
contracte avec le constructeur, il doit informer par écrit le propriétaire de l’héritage
qu’il a fait un contrat avec le constructeur pour la livraison de matériaux.
Son privilège est conservé pour tous les matériaux fournis après cet avis
pourvu qu’il fasse enregistrer, dans les trente jours qui suivent la fin des
travaux, un avis semblable à celui mentionné dans l’alinéa précédent.
Pour faire face aux créances privilégiées des
fournisseurs de matériaux, le propriétaire de l’héritage a le droit de retenir
sur le prix de contrat de construction un montant suffisant pour les payer et
ce, tant que le constructeur ne lui aura pas remis soit une quittance, soit une
renonciation à leur privilège, signée par eux.
Ce privilège s’éteint, faute par le
fournisseur de matériaux de poursuivre son débiteur dans les trois mois après
la fin des travaux et de mettre en cause le régistrateur, afin de lui faire
noter l’action dans l’index aux immeubles. Dans le cas où l’action est dirigée
contre le constructeur, il doit aussi mettre en cause le propriétaire.
Le fournisseur de matériaux a également
droit, au cas où l’insolvabilité du propriétaire ou du constructeur, ou à
défaut de paiement aux époques stipulées, de revendiquer les matériaux qu’il a
fournis, mais qui ne sont pas encore incorporés à la construction.
L’enregistrement de ces avis se fait par
dépôt.
2013f. Le
constructeur et l’architecte ont un privilège sur l’héritage, à raison de leurs
travaux comme tels, pourvu que, avant l’expiration des trente jours qui suivent
la fin des travaux, ils fassent enregistrer, au bureau d’enregistrement de la
division où est situé l’immeuble un état de leurs créances respectives. Avis de
cet enregistrement doit être donné, dans le même délai, au propriétaire.
Ce privilège est éteint après les six mois
qui suivent la fin des travaux, à moins que le créancier ne prenne une action
contre le propriétaire pour le conserver. Le régistrateur doit être mis en
cause dans cette action, afin de lui dénoncer l’action et de la lui faire noter
dans l’index des immeubles.
Dans le cas où le constructeur fait exécuter,
en tout ou en partie, l’ouvrage par sous-contrat, si le sous-entrepreneur a
dénoncé son contrat au propriétaire, ce sous-entrepreneur a un privilège sur l’immeuble
pour les travaux exécutés après telle dénonciation, pourvu qu’il fasse
enregistrer, avant l’expiration de trente jours qui suivent la fin
[Page 1030]
des travaux, un état de sa créance. Ce
privilège est soumis aux mêmes formalités que celui du constructeur et de l’architecte
quant à sa création et son extinction. Le propriétaire, dans le cas où le
sous-entrepreneur lui a dénoncé son sous-contrat, a le droit de retenir sur le
prix du contrat un montant suffisant pour faire face au privilège du
sous-entrepreneur et tout montant établi par un certificat décerné suivant les
formalités de l’article 2013(1 sera
réputé suffisant.
L’enregistrement de ces avis se fait par
dépôt.
C.c.Q. : art. 1592, 1593, 2651, 2724, 2726, 2945, 2952.
1. Introduction
2711. Cet article comporte deux volets très importants du régime de l’hypothèque
légale de la construction. Il précise, premièrement, que les travaux de
construction ou de rénovation garantissent la plus-value donnée à l’immeuble
par les travaux exécutés, matériaux ou services fournis (art. 2952 C.c.Q.). Il prévoit, dans un deuxième
temps, la nécessité pour les sous-contractants de dénoncer leur contrat, par
écrit, au propriétaire de l’immeuble. Cette dénonciation est condition à l’existence
d’une hypothèque légale en leur faveur. Elle est imposée à tous les
intervenants de la construction qui n’ont pas contracté directement avec le
propriétaire de l’immeuble, à l’exception de l’ouvrier qui, en raison de sa
position peu favorable, est dispensé de cette formalité d’existence de l’hypothèque
légale (art. 2728 in fine C.c.Q.).
2. La
plus-value conférée à l’immeuble
2712. L’article
2726 C.c.Q. ne contient aucune précision quant à l’importance des travaux
susceptibles de faire naître un droit à l’hypothèque légale.
La jurisprudence a cependant réglé cette question en exigeant une description
des travaux permettant une appréciation factuelle de leur importance. Une autre
question se pose alors à savoir si le droit de l’entrepreneur à une hypothèque
légale est limité à la plus-value donnée à l’immeuble. Une interprétation
restrictive de l’article 2952 C.c.Q., qui prévoit un droit de priorité pour le
détenteur d’une hypothèque
[Page 1031]
légale de la
construction pour le montant correspondant à la plus-value, oblige à donner une
réponse affirmative. Cette interprétation est conforme à certains courants
doctrinaux et jurisprudentiels qui favorisent l’idée que le surplus de la
créance des intervenants en construction, non couvert par la plus-value,
devient une créance ordinaire.
2713. Une
interprétation libérale, concernant le solde de la créance qui excède la
plus-value, nous semble cependant plus conforme à la nature de l’hypothèque
légale et à l’esprit du législateur, qui a voulu remplacer le privilège ouvrier
par une hypothèque légale. Tel que nous l’avons mentionné dans nos commentaires
sous l’article 2724 C.c.Q., il faut traiter l’hypothèque
légale, pour le solde de la créance, comme toute autre hypothèque qui prend rang
selon la date de son inscription. Si le législateur a voulu donner une priorité
pour le détenteur d’une hypothèque légale sur la plus-value conférée à l’immeuble
par ses travaux, cela ne signifie pas et ne doit pas non plus être interprété
comme une intention de sa part d’enlever à l’hypothèque légale tous ses
attributs et ses effets en tant qu’hypothèque.
2714. Il est temps
de mettre fin à cette interprétation empruntée au régime du Code civil du
Bas-Canada alors que les intervenants en construction n’avaient droit qu’à
un privilège. Il est inacceptable d’assimiler l’hypothèque légale à un
privilège. Continuer de le faire revient à enlever à la réforme réalisée en
matière d’hypothèque légale sa raison d’être et à anéantir les objectifs qui
étaient à l’origine de cette réforme.
2715. Or, l’article
2952 in fine C.c.Q. prévoit le contraire. En effet, quand vient le
partage de la plus-value entre ceux ayant droit à l’hypothèque légale, ce
partage doit se faire proportionnellement à la valeur de chacune des créances
et non pas en rapport à la plus-value donnée à l’immeuble par les travaux ou
les prestations de chacun des intervenants. À titre d’illustration, il est
difficile d’évaluer la plus-value donnée à l’immeuble par les prestations d’un
architecte ou d’un ingénieur dont le rôle se limite à préparer les plans et à
surveiller les travaux, contrairement aux fournisseurs de matériaux, à l’entrepreneur,
aux
[Page 1032]
sous-entrepreneurs et
aux ouvriers qui par leurs travaux ou fournitures de matériaux donnent une
plus-value évidente à l’immeuble.
2716. Il ne serait pas inutile de rappeler que l’hypothèque légale accordée
aux intervenants de la construction immobilière correspond au droit de
rétention accordé au prestataire de services (art. 1592
et 1593 C.c.Q.),
qui détient une créance résultant des travaux exécutés ou services rendus en rapport avec un bien meuble.
Le législateur a reconnu à ce dernier un droit de priorité à l’article 2651 C.c.Q., sans exiger que ses travaux ou
prestations accordent nécessairement une plus-value au bien meuble. Ainsi, le
garagiste qui répare une voiture possède un droit de rétention qu’il peut
exercer à l’encontre des créanciers du propriétaire du véhicule et qui détient
un rang supérieur aux créances de l’État et des municipalités (art. 2651
C.c.Q.).
2717. Il est donc difficile de comprendre comment l’intervenant en
construction d’un immeuble peut bénéficier d’un droit moindre que celui accordé
à un prestataire de services qui détient une créance résultant des travaux
effectués sur un bien meuble. Il est inconciliable de ne pas accorder à un
entrepreneur ayant conclu son contrat avec le propriétaire de l’immeuble un
droit hypothécaire pour le solde de sa créance non couverte par la plus-value.
Lorsque l’entrepreneur est le créancier du propriétaire de l’immeuble, on doit
lui reconnaître un rang hypothécaire pour le solde qui sera déterminé selon la
date de l’inscription de l’avis d’hypothèque. On peut hésiter à accorder ce
droit hypothécaire pour le solde de la créance lorsque le détenteur de l’hypothèque
légale est un sous-traitant n’ayant pas conclu son contrat avec le
propriétaire. La reconnaissance d’un droit hypothécaire à l’entrepreneur pour
le solde de sa créance non couverte par la plus-value pourra éviter à ce dernier
d’être victime de complicité ou de connivence entre le propriétaire, tenu
personnellement à la dette de construction, et une tierce personne qui a conclu
un contrat hypothécaire conventionnel afin d’empêcher l’entrepreneur de
réaliser le solde de sa créance.
2718. Il est injuste de priver l’intervenant en construction de son droit à l’hypothèque
légale et de transformer le surplus de sa créance non couvert par la plus-value
en une créance ordinaire. Doit-on comprendre qu’aux yeux du législateur, les travaux
exécutés ou prestations fournies, en rapport avec un bien meuble, sont plus
importants que les travaux exécutés sur un immeuble ?
Rien ne justifie une telle interprétation.
2719. Les détenteurs d’hypothèques légales de la construction doivent, lorsqu’ils
ont conclu leur contrat directement avec le propriétaire ou lorsqu’ils sont
tenus personnellement à leur dette, avoir droit à une
[Page 1033]
hypothèque, au moins pour le surplus de la créance non couvert par la plus-value conférée à l’immeuble par les travaux ou par leurs prestations.
En effet, il ne faut pas empêcher les intervenants qui demeurent impayés de
bénéficier d’une hypothèque qui prend rang selon la date de son inscription et
qui aura pour objet de garantir le paiement du solde de leur créance. Si le
législateur avait l’intention de restreindre le droit à l’hypothèque légale
seulement au montant de la plus-value, il aurait conservé le régime des
privilèges tel qu’il était connu sous le Code civil du Bas-Canada.
2720. S’il n’appert
pas avec évidence que l’intention du législateur était de donner à l’hypothèque
légale un rang selon la date de son inscription, il est encore moins évident que le législateur, à la lecture conjointe
des articles 2728 et 2952 C.c.Q., avait l’intention de restreindre le droit à l’hypothèque
légale à la valeur de la plus-value conférée à l’immeuble. Conséquemment, il
sera approprié de donner à ces dispositions une interprétation permettant à l’hypothèque
légale d’être assujettie à l’application de l’article 2945 C.c.Q., comme toutes
les autres hypothèques, pour la détermination de leur rang de collocation.
Cette disposition ne parle que des hypothèques, sans faire de distinction entre
leurs différents types et leurs sources. Si le législateur avait l’intention d’exclure
l’hypothèque légale de l’application de l’article 2945 C.c.Q., il aurait pu,
tout simplement, mentionner expressément que les hypothèques prennent rang à la
date de leur inscription, à l’exception de l’hypothèque légale. Au contraire,
cet article affirme que les hypothèques prennent rang selon la date de leur
inscription « à moins que la loi n’en dispose autrement ».
2721. Or, dans nulle disposition référant à l’hypothèque légale de la
construction, le législateur ne mentionne que l’hypothèque légale ne prend pas
rang selon la date de son inscription ou que le surplus de la créance non
couvert par la plus-value devient une créance ordinaire. Faute de mention à cet
effet, nous devons nous appuyer sur les dispositions générales du Code civil. L’hypothèque légale de la construction doit
donc bénéficier d’un rang selon la date de son inscription pour tout montant
qui excède celui de la plus-value (art. 2945 C.c.Q.).
[Page 1034]
2722. Il est
plausible de penser que le législateur ait voulu soumettre l’hypothèque légale
de la construction à un double régime. D’ailleurs, il l’a fait en faveur de l’État
pour les créances dues en vertu des lois fiscales. L’État peut, en effet,
inscrire une hypothèque légale en vertu des articles 2724 et 2725 C.c.Q. Par
contre, cette inscription n’aura pas pour effet de lui faire perdre son droit
de priorité établi à l’article 2651 C.c.Q.
2723. Cette
priorité de quatrième rang assure le paiement de la créance de l’État, même
avant le paiement des créances garanties par des hypothèques conventionnelles.
Elle existe sans qu’il soit nécessaire de la publier. L’État bénéficie d’une
garantie double : un droit prioritaire dont le rang est établi en fonction
de la loi, indépendamment de sa date d’inscription et d’une hypothèque légale,
opposable à tout acquéreur de l’immeuble selon la date de son inscription.
2724. C’est dans le
même sens que nous croyons devoir interpréter l’hypothèque légale de la
construction. Celle-ci doit bénéficier d’un rang privilégié pour le montant
correspondant à la plus-value (art. 2952 C.c.Q.) et d’un rang établi selon la
date de son inscription (art. 2945 C.c.Q.) pour le surplus de la créance non
couvert par la plus-value.
2725. Les
dispositions relatives à l’hypothèque légale de la construction doivent
bénéficier d’une interprétation libérale afin que les objectifs du législateur
soient atteints. Ce dernier a voulu accorder une hypothèque légale aux
intervenants de la construction pour garantir le paiement de leurs créances
attribuables à des travaux qui ont été exécutés, mais non payés. Il leur a
accordé un rang privilégié sur le montant afférent à la plus-value (art. 2952
C.c.Q.), afin que les autres créanciers hypothécaires profitent injustement de
la hausse de valeur de l’immeuble. Ce principe ne permet pas de conclure que le
législateur a voulu limiter au montant de la plus-value la garantie accordée
aux intervenants par l’hypothèque légale. Si tel était le cas, l’hypothèque
légale de la construction ne servirait pas correctement et entièrement les fins
auxquelles elle est destinée. L’interprétation selon laquelle l’hypothèque
légale ne garantit la créance que jusqu’à concurrence du montant correspondant
à la plus-value conférée à l’immeuble doit donc être écartée. En présence d’une
plus-value, les intervenants en construction doivent bénéficier d’une
hypothèque légale pour garantir le montant total de leur créance, tout en
profitant d’un rang prioritaire pour le montant correspondant à cette
plus-value. Le surplus de la créance des bénéficiaires de l’hypothèque légale
de la construction, dans le cas où la plus-value est insuffisante pour
acquitter leur créance, doit être garanti par une hypothèque dont le rang
dépend de la date de son inscription selon le principe établi par l’article
2945 C.c.Q.
[Page 1035]
2726. Si la vente
de l’immeuble grevé d’une hypothèque légale donne un prix suffisant pour payer
les diverses créances hypothécaires et prioritaires, le créancier détenteur d’une
hypothèque légale de la construction n’a pas à invoquer son rang prioritaire
pour la plus-value, étant donné que sa créance est réalisée sans aucune
difficulté.
2727. La priorité
accordée aux intervenants en construction pour leur hypothèque, en vertu des
articles 2728 et 2952 C.c.Q., n’aura pour but que de procurer une certaine
protection particulière, advenant le cas où le prix de la vente de l’immeuble
est insuffisant pour payer la totalité des créances prioritaires et
hypothécaires.
A. Le rôle de la plus-value
2728. Les travaux
de construction et de rénovation doivent avoir conféré une hausse de valeur à l’immeuble
pour qu’une hypothèque légale de premier rang garantisse le paiement de la
créance des intervenants en construction. La plus-value a comme rôle de déterminer
le montant à concurrence duquel la créance des intervenants sera acquittée
avant toutes les créances garanties par une hypothèque sur l’immeuble. En
revanche, elle n’a pas pour rôle de déterminer le montant maximal de la créance
qui est garantie par l’hypothèque légale de la construction. Il serait, en
effet, incompréhensible, pour les motifs énoncés ci-dessus, que le solde de la
créance de construction se transforme tout simplement en créance ordinaire. Par
ailleurs, le rôle de la plus-value ne peut pas être de permettre à un
intervenant en construction de recevoir un montant supérieur à celui de sa
créance. Au contraire, dans le
cas où la plus-value est supérieure au montant total des créances des
intervenants, les créanciers hypothécaires conventionnels pourront bénéficier
de la hausse de valeur apportée à l’immeuble en raison des travaux exécutés.
B. La détermination de la plus-value
1) Notion et critères
2729. L’article
2728 C.c.Q. fait référence à la notion de plus-value conférée à l’immeuble en
raison des travaux qui y ont été exécutés. Le Code omet cependant de définir
cette notion qui est primordiale à l’hypothèque légale de la construction. Le
montant de la plus-value représente, en effet, le montant que les intervenants
pourront presque assurément recevoir en satisfaction de leur créance. Il est
très important de déterminer avec
précision la hausse de valeur apportée à
[Page 1036]
l’immeuble en raison
des travaux. Cette évaluation doit
se faire au moment de la ventilation du produit de vente de l’immeuble.
2730. La
plus-value doit être entendue
comme la hausse de valeur d’un immeuble, réalisée grâce
aux travaux de construction et de rénovation qui ont été exécutés sur l’immeuble
en question. Cette plus-value est
constatée lorsque l’immeuble bénéficie d’un apport financier qu’il n’aurait pas
eu sans les travaux exécutés. À titre d’illustration, les travaux de rénovation
qui ont permis l’aménagement d’un nouveau locataire ont été jugés suffisants
pour apporter une plus-value à l’immeuble. La
description de matériaux luxueux utilisés dans le processus de construction
suffit également à établir une présomption de plus-value.
2731. La valeur de
la plus-value présumée est déterminée non seulement en fonction des matériaux
incorporés dans la construction, des travaux exécutés et des prestations
fournies par les divers intervenants, mais également des coûts d’impact, des
frais de prolongation et de retard, des frais d’assurance et des frais de
gestion de l’entreprise qui exécute les travaux, du profit et des taxes
applicables, etc. Ainsi, les coûts inhérents au projet de construction, qui
sont nécessaires à l’exécution du contrat d’entreprise, font partie de la
valeur de la plus-value présumée, même s’ils ne sont pas liés à la réalisation
physique de l’ouvrage. Cependant, les frais attachés à la perte de production
relative aux conditions hivernales
sont présumés être inclus à même le prix du contrat et ne devraient pas être
considérés séparément de ce prix.
2732. Dans certains cas, la vente de l’immeuble sous contrôle de la justice
ne donne pas lieu à un montant suffisant pour payer les créanciers prioritaires
et hypothécaires. En cas de contestation de l’existence de la plus-value ou de
sa valeur, le détenteur de l’hypothèque légale doit faire la preuve du montant
exact de la plus-value. Il importe de souligner que les travaux exécutés, les
matériaux fournis et les prestations de services, quelle que soit leur ampleur,
ne confèrent pas
[Page 1037]
nécessairement une
plus-value à l’immeuble; tout dépend de la nature des travaux exécutés par
rapport à la vocation et à la destination de l’ensemble des unités de l’immeuble.
Ainsi, des travaux ayant pour but de permettre une activité industrielle propre
à l’usage de l’entreprise qui occupe l’un des locaux n’augmenteront pas
nécessairement la valeur marchande de l’immeuble puisqu’ils bénéficient
spécifiquement à la personne qui les a commandés.
2) Moment de la détermination de la
plus-value
2733. Il importe de
noter qu’il n’est pas nécessaire que la plus-value existe au moment de l’inscription
de l’hypothèque. Comme nous l’avons mentionné dans nos commentaires sur l’article
2727 C.c.Q., l’inscription peut se faire dès la naissance du droit à l’hypothèque,
qui peut se produire avant même le commencement des travaux. Il serait donc
absurde d’exiger l’existence d’une plus-value lors de l’inscription de l’hypothèque
au Registre foncier. Par contre, la plus-value doit évidemment exister au
moment de la distribution du produit de vente de l’immeuble.
2734. Il importe
aussi de noter que le montant de la plus-value n’équivaut pas nécessairement
aux montants dus aux intervenants pour les travaux qu’ils ont exécutés sur l’immeuble.
En fait, le plus souvent, la plus-value est inférieure au montant total de la créance
des intervenants en construction. Pour cette raison, il est recommandé de se
baser sur une preuve objective établissant la valeur acquise par l’immeuble en
raison des travaux dans un contexte de libre marché.
Une telle preuve ne devrait pas être tributaire de l’appréciation subjective de
celui qui a effectué ou commandé ces travaux.
a) Plus-value absolue et plus-value relative
2735. La
ventilation du produit de vente de l’immeuble grevé d’une hypothèque légale de
la construction se réalise en deux étapes distinctes. Pour comprendre la
méthode à suivre et le résultat recherché, il faut faire la distinction entre
la plus-value totale ou absolue et la plus-value relative ou réelle puisqu’en
cas d’insuffisance du prix de vente pour acquitter les créances hypothécaires
et prioritaires, c’est la méthode de
[Page 1038]
la plus-value relative
qui doit être utilisée pour déterminer la portion du prix de vente qui
appartient en priorité au créancier de la construction.
2736. Dans un
premier temps, il faut déterminer le montant précis de la hausse de valeur qui
a été accordée à l’immeuble par les travaux de construction ou de rénovation.
Pour ce faire, il ne suffit pas d’établir la différence entre la valeur de l’immeuble
avant le commencement des travaux et sa valeur marchande après la fin des
travaux. Cette différence ne représente pas nécessairement une plus-value
accordée à l’immeuble par les travaux de construction, puisqu’une partie peut
provenir de l’amélioration dans les conditions du marché immobilier. Ce n’est
qu’en l’absence de contestation que le montant de la plus-value est calculé
selon la différence entre la valeur marchande de l’immeuble après les travaux
de construction et sa valeur marchande avant ces travaux.
Par contre, en cas de contestation, il appartient aux parties concernées de
faire la preuve du pourcentage dans l’augmentation de la valeur de l’immeuble
dû aux travaux de construction ou bien de la part dans cette augmentation de valeur due aux conditions du
marché. En général, les conditions du marché immobilier peuvent contribuer à
une hausse de valeur de l’immeuble, valeur souvent déterminée par un
pourcentage pour chaque municipalité. Il est aussi bien établi que, parfois,
les conditions du marché immobilier donnent lieu à une baisse de la valeur
marchande de l’immeuble. Tous ces facteurs doivent être pris en considération
et chaque partie pourra faire valoir ses arguments dépendamment de ses
intérêts, mais la preuve requise doit être faite pour que de tels arguments soient retenus par la Cour.
2737. Il est
important de convertir ces montants chiffrés en pourcentage, car la valeur
marchande de l’immeuble n’équivaudra pas, presque assurément, au montant obtenu
à la suite d’une vente sous contrôle de la justice de l’immeuble ou d’une vente
de gré à gré. En effet, le produit de vente est souvent inférieur au montant de
la valeur marchande de l’immeuble qui est déterminée selon le produit d’une
vente à être réalisée sans contrainte de temps. Le résultat de cette première
étape doit permettre d’obtenir le pourcentage que représente la plus-value
ainsi que le pourcentage de la valeur marchande de l’immeuble avant les
travaux, et ce, par rapport à la valeur marchande de celui-ci lors de la vente.
2738. Dans un
deuxième temps, il faut déterminer le montant attribué à la plus-value dans le
prix de vente. Ce montant ne peut correspondre au pourcentage que représente la
plus-value dans la valeur
[Page 1039]
marchande de l’immeuble,
il doit correspondre au pourcentage réellement obtenu suite à la vente.
2739. À titre d’illustration,
si la valeur marchande de l’immeuble est de 100 000 $ avant le
commencement des travaux et de 125 000 $ à la fin des travaux, le
montant chiffré de la plus-value totale ou absolue est de 25 000 $.
En pourcentage, ce montant équivaut à un cinquième de la valeur de l’immeuble,
soit 20 %. Si la vente de l’immeuble permet d’obtenir une somme de 80 000 $,
les intervenants touchent 20 % de ce montant au premier rang de collocation des
hypothèques, ce qui équivaut à 16 000 $, soit la plus-value réelle ou
relative. En conséquence, il ne faut pas permettre aux créanciers de la
construction d’obtenir, à titre de créanciers prioritaires, une portion du prix
de vente supérieure à la plus-value relative et réellement attribuable à leurs
travaux et prestations. Décider autrement
reviendrait à causer une injustice aux autres créanciers hypothécaires et à
donner aux créanciers de la construction, un rang prioritaire sur une portion
du prix de vente qui n’est aucunement attribuable à leurs travaux, mais qui
existait avant.
b) Partage du montant de la plus-value
2740. Contrairement
au Code civil du Bas-Canada, le Code
civil du Québec ne prévoit aucun ordre de collocation pour les intervenants
en construction.
2741.
Conséquemment, ceux-ci entrent en concurrence lorsque le produit de vente de l’immeuble
est insuffisant pour acquitter la totalité des créances hypothécaires et
prioritaires. Le partage se fera donc au prorata de la valeur de la créance de
chacun, sans égard à sa contribution à la plus-value qui a été conférée à l’immeuble par l’ensemble des
travaux des intervenants.
3) Date à laquelle la preuve doit être
faite
2742. En cas de
contestation de l’existence de la plus-value ou de la valeur attribuée à celle-ci,
le détenteur de l’hypothèque légale doit faire la preuve du montant exact que l’on
doit retenir comme plus-value si l’on se trouve à l’étape de la confection de l’état
de collocation suite à la vente sous contrôle de justice. Par contre, si l’on se
trouve à l’étape de la demande en délaissement forcé, seule une présomption de
plus-value
[Page 1040]
doit être établie, ainsi que la portion de la créance qui est garantie par l’hypothèque légale de la construction.
2743. Rappelons que non seulement le propriétaire de l’immeuble, mais aussi
toute autre personne ayant intérêt à le faire peut contester la valeur de la
plus-value alléguée par le créancier qui détient une hypothèque légale. Ainsi,
les autres créanciers hypothécaires peuvent non seulement contester les
allégations de la procédure intentée par le créancier détenteur d’une
hypothèque légale de la construction, mais aussi produire une contre-expertise
afin de réduire le montant de la plus-value.
2744. La preuve du
montant exact de la plus-value se fait souvent par une évaluation de l’immeuble
par un expert dont le rapport est communiqué aux parties en litige et déposé au
dossier de la Cour selon les règles du Code de procédure civile. Une
telle évaluation peut également être utilisée lorsque l’on se trouve à l’étape
de la demande en délaissement forcé; elle
sera alors considérée comme une bonne présomption de plus-value.
Cette évaluation de la plus-value devrait tenir compte des coûts
supplémentaires non prévus initialement, du temps supplémentaire, du prix de
location d’équipements nécessaires, du coût de tests à réaliser dans le cadre
des travaux, du prix du matériel remplacé, le cas échéant, du coût d’une
deuxième mobilisation de chantier due à une suspension demandée par le propriétaire. De plus, l’évaluation devrait inclure les
taxes.
4) Montants
à réduire de la valeur de la plus-value
2745. Il est à noter que les coûts nécessaires à la réparation des malfaçons
des travaux exécutés par les intervenants seront déduits du montant de la
plus-value accordée à l’immeuble. Il serait en effet
inconcevable que les intervenants profitent d’une créance due à des travaux mal
exécutés qui nécessitent des coûts de réparation. Si les frais de réparation
excèdent le montant de la créance due aux intervenants et que ceux-ci
deviennent débiteurs au lieu d’être créancier, aucune
[Page 1041]
hypothèque ne peut
exister, car il y aurait inexistence de créance à garantir.
En effet, par l’application des règles de compensation légale, la dette du
propriétaire de l’immeuble envers les intervenants sera éteinte lorsqu’elle est
inférieure au montant dû par ces derniers pour les réparations des malfaçons.
2746. Il faudra également déduire des montants correspondant aux travaux
exécutés, les montants correspondant aux travaux exécutés sur un autre chantier
dans lequel les parties sont impliquées, ainsi que les montants des travaux de
démolition et d’enlèvement qui ne constituent pas des étapes nécessaires à la réalisation du projet de construction,
étapes qui apporteraient à ce projet une valeur ajoutée, par exemple. Ainsi, l’enlèvement
du filage en vue d’alimenter les plinthes électriques dans un corridor ne
constitue pas une étape nécessaire engendrant une valeur ajoutée. Il en va de
même des travaux de déplacement, tels que le déplacement d’un câble coaxial desservant une entreprise commerciale
déjà en exploitation.
2747. Le tribunal peut, suite à son appréciation de la preuve soumise quant
au prix convenu entre les parties et au montant réclamé dans l’avis d’hypothèque,
déclarer que l’hypothèque légale de construction a été publiée de manière excessive et sans droit. Il en est ainsi
lorsque le montant réclamé dans l’avis d’hypothèque ne correspond pas à la
valeur des travaux exécutés ou au solde de la créance compte tenu aussi des
circonstances ayant entouré cette exécution. C’est le cas aussi lorsque la
réclamation n’a pas fait l’objet d’une ventilation et a été gonflée par l’ajout
de montants injustifiés ainsi que par des frais d’administration pour le
travail effectué. En une telle situation, le tribunal peut sanctionner la
réclamation d’un montant disproportionné par rapport au montant réel des
travaux exécutés et des matériaux ou services fournis.
Le caractère abusif de la réclamation de l’entrepreneur devient évident lorsqu’on
est en présence d’un contrat à forfait et que le montant réclamé par l’entrepreneur
est supérieur à celui mentionné
[Page 1042]
dans le contrat, alors
qu’il y a absence d’une entente intervenue entre les parties modifiant ce
montant.
C. L’unicité de la plus-value
2748. L’article 2728 C.c.Q. ne
prévoit qu’une seule plus-value pour l’ensemble des travaux exécutés sur l’immeuble
construit ou rénové. On ne peut en conclure autrement, car l’article réfère à « la » plus-value qui a été conférée à l’immeuble. Il est également
inconcevable de soutenir le contraire si l’on tient compte de l’évolution
récente de la jurisprudence en matière d’hypothèque légale de la construction.
Comme nous l’avons mentionné dans nos commentaires sous l’article 2726 C.c.Q., la jurisprudence
a admis que des travaux, n’ayant pas conféré de plus-value
à l’immeuble, mais qui ont été une étape essentielle aux travaux qui, eux, ont
attribué directement une hausse de valeur à l’immeuble, donnent lieu à une
hypothèque légale de la construction. Il serait
impossible d’exiger que les travaux de chacun des intervenants aient attribué
une plus-value à l’immeuble. Ce qui importe est que l’immeuble bénéficie d’une
hausse de valeur en raison de l’ensemble des travaux exécutés par les divers
intervenants.
2749. Tout comme c’était le cas sous le régime du Code civil du
Bas-Canada, la plus-value accordée à l’immeuble est évaluée sur l’ensemble
des travaux de construction et de rénovation et non sur les travaux exécutés
par chaque intervenant pris individuellement.
Conséquemment, la plus-value ne peut être déterminée que lorsque les
[Page 1043]
travaux de tous les
intervenants ont été exécutés et que la fin des travaux, tel qu’entendu par l’article
2110 C.c.Q., est prononcée.
2750. Il convient de rappeler que ce principe intervient au moment de
déterminer l’assiette de l’hypothèque et que, bien
que le législateur ait placé les intervenants sur un pied d’égalité en ce qui
concerne la plus-value conférée à l’immeuble, il prévoit, à l’article 2952
C.c.Q., que le partage de la portion du prix de vente attribué à la plus-value
se fera proportionnellement à la créance de chacun des intervenants, dans le
cas où le montant de cette portion est insuffisant pour acquitter la totalité
de leurs créances.
3. La
dénonciation du sous-contrat
A. Condition à l’existence de l’hypothèque
légale
2751. L’article
2728 C.c.Q. prévoit que l’hypothèque légale de la construction n’existe en
faveur des sous-traitants que si leur contrat de sous-traitance est dénoncé au
propriétaire de l’immeuble. L’article précise que
la dénonciation doit être faite par écrit, ce qui
constitue une condition essentielle et nécessaire à remplir et non uniquement
une question de preuve. La dénonciation du
sous-contrat par écrit est donc primordiale à l’existence de l’hypothèque
légale de la construction en faveur du sous-traitant, en
raison de l’absence de lien contractuel entre ce dernier et le propriétaire.
Le sous-traitant peut dénoncer son contrat de sous-traitance au domicile élu du
propriétaire, peu importe que ce domicile se trouve à l’extérieur ou à l’intérieur
du Québec. Il doit également faire la preuve de réception de cette dénonciation
par le propriétaire.
2752. En fait, la
dénonciation écrite du contrat intervenu entre l’entrepreneur général et le
sous-traitant est nécessaire pour que
[Page 1044]
celui-ci bénéficie d’une
hypothèque légale et ainsi puisse contraindre le propriétaire à prendre les
mesures appropriées pour s’assurer du paiement de sa créance par l’entrepreneur
général. Il peut ainsi retenir, sur le prix du contrat intervenu avec l’entrepreneur,
une somme suffisante pour acquitter le prix des contrats des sous-traitants.
2753. D’ailleurs,
le propriétaire est en droit d’exiger les quittances prouvant que l’entrepreneur
a payé les sous-traitants. Le défaut du
propriétaire de protéger le droit du sous-traitant au paiement justifie l’inscription
d’une hypothèque légale par ce dernier sur l’immeuble. Il risque, dans ce cas,
de voir son immeuble pris en paiement ou vendu sous contrôle de justice à la
suite d’un recours hypothécaire exercé par un sous-traitant. Pour éviter la
perte de son immeuble, le propriétaire sera contraint de payer le montant de la
créance du sous-traitant, bien qu’il ne soit pas tenu personnellement à la
dette.
2754. L’hypothèque
légale ne rend cependant pas le propriétaire débiteur de la créance du
sous-traitant. Celui-ci n’a aucun recours personnel contre le propriétaire. Il ne dispose que d’un recours hypothécaire
contre l’immeuble, d’où l’importance de dénoncer son contrat à ce dernier. L’omission
de procéder à une telle dénonciation est sanctionnée par l’inexistence de l’hypothèque
légale en sa faveur.
2755. Pour que le
sous-traitant puisse dénoncer son contrat au propriétaire de l’immeuble et
ainsi bénéficier d’une hypothèque légale, encore faut-il que le propriétaire
soit à l’origine des travaux exigés par le sous-contrat.
En effet, le cocontractant du sous-traitant doit avoir retenu les services de
celui-ci afin d’exécuter les travaux ou les services nécessaires à l’accomplissement
du contrat d’entreprise conclu avec le propriétaire ou approuvé par lui.
2756. Ainsi, le
sous-entrepreneur, l’architecte, l’ingénieur, le fournisseur de matériaux et le
fournisseur du fournisseur qui ne contractent pas directement avec le
propriétaire bénéficient d’une hypothèque légale de la construction lorsque
leur contrat est dénoncé au propriétaire ayant
[Page 1045]
demandé les travaux
ou les ayant approuvés. Par ailleurs, il convient de rappeler que l’ouvrier est
dispensé de l’obligation de dénoncer son contrat de travail au propriétaire de
l’immeuble, bien qu’il soit soumis aux formalités de conservation de l’hypothèque
légale prévues à l’article 2727 C.c.Q.
B. Date de la naissance de l’hypothèque
2757. Il est
important pour le sous-traitant de dénoncer son sous-contrat avant le début des
travaux, car tel que l’indique l’article 2728 C.c.Q., l’hypothèque ne garantit
que les travaux exécutés, les services rendus et les matériaux fournis
à la suite de la dénonciation du sous-contrat.
2758. La date de naissance de l’hypothèque du sous-traitant, du fournisseur
des matériaux ou des prestataires de services ayant conclu un contrat avec l’entrepreneur
général correspond à la date à laquelle la dénonciation du sous-contrat est
faite au propriétaire de l’immeuble. Cette date ne
peut donc être la date de la conclusion du contrat de sous-traitance avec l’entrepreneur
général. En effet, l’article 2728 C.c.Q. ne laisse aucun doute quant au fait
que l’hypothèque du sous-traitant, du fournisseur de matériaux ou du
prestataire de services ne couvre que les matériaux fournis, les travaux
exécutés ou les services fournis après la dénonciation. Partant de cette
prémisse, il sera difficile de considérer la date de naissance de l’hypothèque
légale du sous-traitant, la date de la conclusion de son contrat avec l’entrepreneur
général, alors que cette hypothèque ne peut couvrir la partie des matériaux
fournis ou des travaux exécutés avant l’avis de dénonciation.
2759. Cette dénonciation ne peut avoir un effet rétroactif et les travaux
exécutés ou les matériaux livrés avant la date de la dénonciation
[Page 1046]
sont exclus de la
créance garantie par l’hypothèque légale. De même, lorsque le sous-traitant ne
peut démontrer par une preuve prépondérante que les modifications apportées au
contrat initial conclu avec l’entrepreneur ont été approuvées par le
propriétaire, le montant relatif à ces modifications est également exclu de la
créance garantie par l’hypothèque légale puisqu’il
était de son devoir de les dénoncer à ce dernier par un nouvel avis.
2760. Les créances afférentes aux travaux exécutés, matériaux fournis et
services rendus avant la date de la dénonciation deviennent donc des créances
chirographaires dont le cocontractant du sous-traitant est seul responsable.
2761. Le fardeau de prouver que le contrat du sous-traitant a dûment été
dénoncé au propriétaire de l’immeuble repose sur les épaules du sous-traitant.
Une preuve de l’envoi d’une lettre de dénonciation est insuffisante. Il doit,
en effet, prouver la réception effective de la dénonciation par le propriétaire
de l’immeuble. La date de réception
de la dénonciation est celle à partir de laquelle l’hypothèque garantit les
travaux exécutés, services rendus et matériaux fournis. Il convient donc de
faire la dénonciation du sous-contrat au moyen d’un courrier recommandé ou par
l’entremise d’un huissier. De cette manière, la preuve et la date de sa
réception seront difficilement contestées.
2762. La date de
réception de la dénonciation est importante, car elle détermine le moment où l’hypothèque
prend naissance. Elle permet de déterminer l’identité du propriétaire de l’immeuble
à qui la dénonciation du contrat de sous-traitance est faite. Ainsi, même si la
personne ayant reçu la dénonciation du contrat était la personne ayant conclu
le contrat d’entreprise avec l’entrepreneur général, la dénonciation est sans
effet si cette personne n’est pas propriétaire de l’immeuble, mais, par
exemple, elle est locataire, ou bien si, lors de la réception de la
dénonciation, cette personne n’est plus propriétaire de l’immeuble.
[Page 1047]
2763. Une vérification raisonnable de la part du sous-traitant quant à l’identité
du propriétaire s’impose. Une fois la dénonciation faite en bonne et due forme
au propriétaire de l’immeuble, le sous-traitant ne devra pas procéder à une
nouvelle dénonciation si l’immeuble construit ou rénové fait l’objet d’une
vente en cours d’exécution du contrat d’entreprise.
De même, le fournisseur de matériaux qui conclut un contrat directement avec le
propriétaire de l’immeuble ne doit pas dénoncer son contrat au nouveau
propriétaire, dans le cas où une vente interviendrait au cours de l’exécution
du contrat. Il convient toutefois
de préciser que si le sous-traitant est remplacé dans l’exécution de ses
travaux par un autre sous-traitant, le nouveau sous-entrepreneur doit dénoncer
son contrat au propriétaire, car la dénonciation de son prédécesseur ne vaut
pas pour lui.
C. Objectif de la dénonciation
2764. La dénonciation du contrat de sous-traitance remplit un objectif double.
Premièrement, elle permet d’aviser le propriétaire de l’immeuble de l’existence
d’un sous-contrat et de l’intention du sous-traitant d’inscrire sur l’immeuble
une hypothèque légale en cas de non-paiement de sa créance par l’entrepreneur.
La dénonciation vise ainsi
[Page 1048]
à avertir le
propriétaire qu’il peut être tenu responsable du non-paiement des
sous-traitants par l’entrepreneur. Deuxièmement, la
dénonciation permet au propriétaire de prendre les mesures appropriées pour s’assurer
que tous les sous-traitants seront payés par l’entrepreneur. Ainsi, il évite l’inscription
d’une hypothèque légale sur son immeuble en retenant, conformément à l’article 2123 C.c.Q., un montant suffisant sur le prix
du contrat conclu avec l’entrepreneur général pour assurer le paiement de tous
les sous-traitants. Le troisième alinéa
de cet article prévoit cependant que l’entrepreneur peut, pour échapper au
droit de rétention du propriétaire, fournir une sûreté suffisante pour assurer
la satisfaction des créances dues aux sous-traitants.
D. La connaissance du propriétaire du
contrat de sous-traitance
2765. La
dénonciation implique une démarche positive de la part du sous-traitant,
car lui seul peut manifester son intention de se prévaloir de son droit à l’hypothèque
légale. La connaissance par
le propriétaire de l’immeuble de l’existence du contrat de sous-traitance ou
les paiements faits au sous-traitant pour son travail par le propriétaire n’équivalent
pas à une dénonciation au sens de l’article 2728 C.c.Q.. Ainsi, le nom du
[Page 1049]
sous-traitant figurant
sur un devis dont le propriétaire a pris connaissance n’équivaut pas à une
dénonciation du sous-contrat.
2766. La
dénonciation ne vise pas seulement à informer le propriétaire de l’existence d’un
contrat de sous-traitance, mais aussi à l’avertir que le sous-traitant entend
exercer son droit à l’hypothèque légale en cas de non-paiement de l’entrepreneur.
L’indication de l’intention de se prévaloir de son droit à l’hypothèque légale
revêt une importance particulière puisqu’elle permet au propriétaire de retenir
sur les sommes dues à l’entrepreneur général, les montants que ce dernier doit
verser à son sous-traitant. Ainsi, la preuve d’une conversation qui s’est
déroulée sur le chantier de construction pour établir la connaissance du
sous-contrat par le propriétaire de l’immeuble est insuffisante pour valider l’inscription
d’une hypothèque légale en faveur du sous-traitant.
2767. Dans certains
cas exceptionnels, lorsque le propriétaire de l’immeuble est le véritable
maître de l’ouvrage qui prend à sa charge la coordination des travaux entre les
différents sous-traitants, il pourra difficilement invoquer l’absence d’une
dénonciation par écrit, car cette absence ne peut représenter un obstacle au
droit à l’hypothèque légale d’un sous-traitant ayant conclu son contrat
directement avec l’entrepreneur général. Il en est ainsi lorsque le
propriétaire de l’immeuble avait participé au choix des matériaux à fournir par
un fournisseur retenu par l’entrepreneur ou à la description des travaux à être
exécutés par le sous-traitant de ce dernier
ou à l’approbation des plans préparés par ce sous-traitant, etc. Ainsi, une
dénonciation peut ne pas être nécessaire en raison de la participation active
du propriétaire dans la gestion du
[Page 1050]
projet et la
coordination des travaux entre les différents intervenants
et le choix ou la réception de matériaux commandés par l’entrepreneur
auprès d’un fournisseur. De même, il n’est pas
nécessaire de dénoncer le contrat au propriétaire de l’immeuble lorsque le
promettant-acheteur qui était à l’origine des travaux est devenu propriétaire
de l’immeuble en bonne et due forme.
1) Exceptions
à la règle générale de dénonciation
2768. Les règles de droit sont adoptées par le législateur pour permettre au
tribunal de trancher les questions soulevées par les parties
et de prendre la décision qui leur rend justice. Les
règles de droit substantif ne peuvent donc avoir pour objet seulement le
respect d’une formalité, mais aussi la reconnaissance d’un droit ou d’une
obligation. Même lorsque la règle vise le respect de certaines formalités, le
législateur cherche par celles-ci à établir un certain équilibre entre les
droits des parties. Ainsi, la dénonciation du contrat par le sous-traitant
permet de protéger son droit de recevoir paiement tout en permettant au client
d’user de son droit à la retenue prévu à l’article 2123
C.c.Q.
a) Contrat conclu par le gérant ou le
mandataire
2769. Lorsqu’un sous-traitant ou un entrepreneur conclut un contrat d’entreprise
avec une personne qui agit comme gérant ou mandataire autorisé à conclure le
contrat au nom et pour le compte du
[Page 1051]
propriétaire, la dénonciation à celui-ci
de l’existence de son contrat et de son intention de publier une hypothèque légale sur sa propriété
ne doit pas être requise, car le contrat est conclu par l’entremise de son mandataire-gérant. Il n’est donc pas un tiers
par rapport à ce contrat, mais
fait partie intégrante de
celui-ci.
2770.
Rappelons que le but de la dénonciation du contrat est d’aviser le propriétaire qu’il
est de son devoir de protéger le
droit de l’entrepreneur ou du
sous-entrepreneur au paiement du prix en prenant les mesures
appropriées, notamment la retenue d’une somme suffisante avant de payer son
gérant ou son entrepreneur. Lorsque le donneur d’ouvrage est une société ayant
le même actionnaire et le même administrateur que la société enregistrée comme
propriétaire de l’immeuble, il est inutile d’exiger une dénonciation du
contrat, puisque le propriétaire est déjà au courant des détails de ce contrat,
qu’il a confié à l’entrepreneur ou à un sous-entrepreneur à titre de gérant ou
d’administrateur de la propriété en question. Il n’est d’ailleurs pas facile de
faire la distinction entre une
société qui se charge de l’administration et une autre qui s’occupe de la
gestion d’un immeuble alors que la personne qui mène cette gestion est la même
qui dirige et administre la société propriétaire de l’immeuble. En une telle
situation, il ne suffit pas de qualifier la société de gestion ou son
administrateur d’alter ego de la société propriétaire de l’immeuble,
mais il faut plutôt conclure qu’il s’agit de la même personne qui planifie, qui
distribue les rôles et qui établit les relations avec les tiers.
2771. On peut évoquer l’idée que l’entrepreneur devait obtenir une
renonciation à recevoir la dénonciation. Cet argument doit être rejeté puisqu’il
est absurde de demander à cette même personne, qui change apparemment son
statut selon son intérêt, de renoncer en tant que propriétaire à la
dénonciation du contrat qu’il a conclu en tant que gestionnaire de son
immeuble, même lorsqu’il utilise le système corporatif par la création de deux
entités et se cache derrière son voile corporatif pour établir des relations
contractuelles avec de tierces personnes. Ainsi, lorsqu’un entrepreneur
transige avec l’actionnaire unique d’une compagnie propriétaire de l’immeuble,
il n’est pas nécessaire que cet entrepreneur dénonce son contrat au propriétaire de l’immeuble, c’est-à-dire à la
compagnie, si, selon les faits, il avait toutes les raisons de croire qu’il
faisait directement affaire avec le propriétaire.
[Page 1052]
2772. Il nous
semble que l’entrepreneur qui croit légitimement que la personne avec laquelle
il transige est le mandataire ou le représentant autorisé par le propriétaire
pour conclure le contrat n’est pas tenue de transmettre un avis de dénonciation
de son contrat à ce dernier. Il appartiendra cependant à l’entrepreneur d’en
faire la preuve dans le cas d’une contestation de l’hypothèque légale.
b) Cas des copropriétaires indivis
2773. Par ailleurs,
le législateur n’a pas envisagé le cas des copropriétaires indivis et la
nécessité de dénonciation. La question qui se pose est de savoir si l’entrepreneur
ayant contracté directement avec l’un des copropriétaires indivis a l’obligation
de dénoncer son contrat aux autres copropriétaires. L’obligation de dénoncer
son contrat ne doit être remplie que par l’entrepreneur qui n’a pas contracté
directement avec l’un des copropriétaires. Le copropriétaire indivis qui
conclut un contrat avec un entrepreneur est présumé agir en son nom personnel
et en tant que représentant de ses copropriétaires indivis et dans leur
intérêt. Ces derniers peuvent difficilement s’opposer au droit de l’entrepreneur
à une hypothèque légale de construction, surtout lorsqu’ils ont eu connaissance
du contrat conclu et ne s’y sont pas opposés à temps.
2774. Les tribunaux
ont reconnu que lorsque les sous-traitants ont toutes les raisons de croire qu’ils
transigent directement avec le propriétaire, ils n’ont pas à dénoncer leurs
contrats. Ce peut arriver lorsque la personne avec qui ils transigent s’est
présentée comme étant le propriétaire, ou lorsque cette personne entretient des
liens étroits avec le véritable propriétaire, ou encore parce qu’elle est son
conjoint.
c) Contrat conclu par l’alter ego du
propriétaire
2775. Il peut
également arriver que le locataire se présente comme étant le mandataire dûment
autorisé par le propriétaire de l’immeuble pour faire les travaux.
Il en est de même lorsque le locataire est une personne morale et que son
actionnaire principal est le propriétaire de l’immeuble. Dans ces cas, il est
plausible et valable de croire que l’intervenant en construction n’a pas
dénoncé son contrat puisqu’il croyait, à juste titre, qu’il avait contracté
avec le propriétaire de l’immeuble alors
[Page 1053]
qu’en réalité, il faisait affaire avec le locataire.
Il faut alors reconnaître à l’intervenant le droit à l’hypothèque
légale, bien qu’il n’ait contracté qu’avec le locataire. Il serait injuste et
inéquitable de permettre à une personne propriétaire de l’immeuble de
bénéficier de la construction ou de la rénovation effectuée sur son immeuble
sans qu’elle ne soit responsable envers l’entrepreneur, alors qu’elle a été
impliquée directement ou indirectement dans la décision relative aux travaux
exécutés. Faut-il rappeler que certaines personnes utilisent le système
corporatif afin d’échapper à leur responsabilité en se cachant derrière le
voile corporatif ?
2776. Il faut noter
que la jurisprudence n’est pas constante sur la question de l’obligation de
dénonciation du contrat de construction lorsque celui-ci est conclu par l’alter ego du
propriétaire. Un certain courant jurisprudentiel considère que la dénonciation
du contrat par l’entrepreneur ou le sous-traitant n’est pas requise dans le cas
où le propriétaire est une personne morale dont l’actionnaire et administrateur
unique est impliqué dans la conclusion du contrat et l’exécution des travaux.
Ce courant applique le même raisonnement dans le cas où le locataire autorisé à
faire les travaux est l’alter ego de la personne morale à qui appartient
l’immeuble. Un autre courant
jurisprudentiel est d’avis que la dénonciation du contrat d’entreprise par l’entrepreneur
ou par le sous-entrepreneur est requise lorsque le contrat est conclu par la
société de gestion qui administre l’immeuble enregistré au nom d’une autre
société. Ce courant jurisprudentiel ne prend pas en considération le fait que
les deux sociétés ont le même actionnaire et administrateur impliqué dans la
conclusion du contrat. Selon ce courant minoritaire, cette réalité juridique et
factuelle n’apporte pas une exemption de dénonciation du
[Page 1054]
contrat au
propriétaire, à moins d’une renonciation non équivoque à cette exigence de la
part de ce dernier. Encore selon ce courant, en l’absence d’une dénonciation
et, le cas échéant, d’une renonciation à la dénonciation, l’entrepreneur ou le
sous-entrepreneur ne peut inscrire valablement une hypothèque légale de
construction sur l’immeuble.
2777. Il ne faut
pas hésiter à reconnaître à un entrepreneur ou à un sous-entrepreneur le droit
à l’hypothèque légale, même s’il n’a pas dénoncé le contrat au propriétaire de
l’immeuble lorsque le donneur d’ouvrage est une personne morale dont l’actionnaire
principal est le propriétaire de l’immeuble ou bien lorsque la personne morale
qui exploite une entreprise a comme actionnaire principal le propriétaire de l’immeuble,
peu importe que celui-ci soit un individu ou une personne morale. La situation
peut être évidente lorsque la personne morale à qui appartient l’immeuble a
comme actionnaire et dirigeant la même personne qui gère l’entreprise locataire
du lieu et qui conclut le contrat avec l’entrepreneur ou le sous-entrepreneur
au nom de cette entreprise. Dans ces cas, l’entrepreneur
n’a pas à dénoncer son contrat au propriétaire puisque celui-ci, agissant comme
dirigeant du locataire, a déjà eu connaissance du contrat, sinon c’est lui-même
qui l’a conclu avec l’entrepreneur.
2778. Il en est de
même lorsque le véritable propriétaire de l’immeuble ou son représentant
provoque de la confusion quant à son statut juridique. La dénonciation peut
être déclarée valide et opposable au propriétaire lorsqu’un sous-traitant qui s’est
renseigné sur l’identité et le nom du propriétaire de l’immeuble signifient l’avis
de dénonciation de son contrat en toute bonne foi à une personne qui n’est pas
le véritable propriétaire en raison de la confusion sur son identité juridique
avec celle du propriétaire.
2779. Également,
lorsque le propriétaire de l’immeuble agit en même temps comme le gérant du
projet, la dénonciation du contrat n’est pas requise, surtout lorsqu’il se
comporte aussi comme donneur d’ouvrage. Agissant à ce titre, il a aussi
connaissance du contrat de sous-traitance par la réception de la soumission ou
de l’estimation soumise par le sous-traitant et qui devient par la suite le
contrat. Le propriétaire agissant comme gérant de projet sera avisé par la
réception des documents contenant
toutes les informations relatives aux travaux et à leur
[Page 1055]
coût. Cette réception
doit être considérée comme l’équivalent de la réception d’une dénonciation
écrite du contrat, surtout lorsqu’il est impliqué dans le déroulement des
travaux et qu’il suit leur avancement tout au long de l’exécution du projet et,
par ce fait, qu’il est au courant des personnes qui interviennent dans l’exécution
des travaux.
2780. Il importe cependant de noter que les différents cas que nous venons de
traiter constituent une exception à la règle générale qui exige la dénonciation
expresse et écrite du contrat conclu avec un entrepreneur
ou toute autre personne qui n’est pas le propriétaire de l’immeuble
inscrit au Registre foncier.
E. Le terme « propriétaire »
2781. Le terme « propriétaire » doit recevoir une interprétation large afin d’inclure
toutes personnes détenant un droit réel sur l’immeuble.
Il est donc suffisant de dénoncer son contrat au propriétaire inscrit de l’immeuble
pour que l’hypothèque légale soit conforme aux prescriptions légales.
Dans le cas d’une copropriété indivise, la dénonciation doit cependant être
faite à chacun des copropriétaires pour que l’inscription de l’hypothèque
légale soit valide et opposable à tous les propriétaires.
De même, la dénonciation faite à une compagnie mère ne vaut pas pour sa
filiale, étant donné qu’il s’agit de deux entités juridiques distinctes. De
même, lorsque les copropriétaires de l’immeuble construit ou rénové sont deux
personnes morales, la dénonciation doit être faite à chacune d’elles,
individuellement.
2782. Ainsi, le bénéficiaire d’un avant-contrat de vente qui est en
possession de l’immeuble, qui se considère comme le véritable propriétaire, qui
agit comme tel et qui commande les travaux de construction, peut recevoir
dénonciation d’un sous-contrat relatif à ces travaux en lieu et place du
propriétaire inscrit au Registre foncier. L’existence d’une
[Page 1056]
condition à la vente qui consiste en l’obtention d’un prêt, si cette condition n’est
pas mise à la connaissance des intervenants de la construction, ne pourra
servir à attaquer la validité de la dénonciation du sous-contrat au
bénéficiaire de l’avant-contrat de vente.
2783. La dénonciation peut également être faite au propriétaire superficiaire
ou au fiduciaire. Dans tous les cas,
elle peut être faite à la personne autorisée par le propriétaire à la recevoir.
Dans ce cas, elle produit les mêmes effets que si elle avait été faite
directement à ce dernier. C’est le
cas lorsque la dénonciation a été signifiée à un représentant ou à un
mandataire autorisé à cette fin. La réception de la
dénonciation par le représentant ou le mandataire du propriétaire est opposable
à ce dernier et doit produire ses pleins effets entre lui et l’entrepreneur ou
le sous-entrepreneur, auteur de la dénonciation.
Par ailleurs, aucune dénonciation n’est nécessaire lorsque le contrat est
intervenu entre le sous-traitant et le représentant ou le mandataire du
propriétaire, puisque celui-ci est la partie contractante au contrat conclu en
son nom et pour son compte par son représentant.
2784. En revanche, la dénonciation qui est faite à l’architecte ou au
surveillant des travaux est insuffisante pour créer un droit à l’hypothèque
légale, même si ces
professionnels sont engagés par le propriétaire pour surveiller les travaux.
2785. L’obligation de dénoncer l’existence du contrat de sous-traitance au
propriétaire de l’immeuble est d’ordre public. Le tribunal
[Page 1057]
ne peut cependant
soulever d’office l’absence de dénonciation,
puisqu’il s’agit d’ordre public de protection. En effet, l’exigence de la
dénonciation ne vise qu’à protéger le propriétaire de l’immeuble. Par
conséquent, il est possible pour le propriétaire de l’immeuble de renoncer à
son droit de recevoir une dénonciation des sous-contrats.
F. Contenu de la dénonciation
2786. La
renonciation doit être claire, évidente et sans équivoque afin que les intérêts
du propriétaire soient protégés. Elle doit donc être
rédigée avec précision afin que son contenu reflète tous les éléments requis
pour que le propriétaire soit bien renseigné sur le contrat de sous-traitance.
Bref, le contenu de la dénonciation doit remplir les deux objectifs rattachés à
elle. Ainsi, des gestes
ambigus posés par le propriétaire ne peuvent donc équivaloir à renonciation
ni dispenser le sous-traitant de son obligation de renseigner ce dernier sur sa
créance et sur ses intentions de se prévaloir de son droit à l’hypothèque
légale.
2787. En somme, la
validité de la dénonciation du contrat de sous-traitance ne dépend pas
seulement de la preuve de sa réception par le propriétaire, mais aussi de la
réunion d’autres conditions. Elle doit ainsi être faite en bonne et due forme
et contenir toutes les informations pertinentes pour que le propriétaire soit
bien renseigné et soit en mesure de prendre la décision qui s’impose dans la
situation. Tous les renseignements qui y sont contenus doivent être précis et
exacts. La dénonciation doit premièrement contenir le nom et l’adresse du
sous-traitant, du propriétaire ainsi que l’adresse de l’immeuble faisant l’objet
du contrat de sous-traitance. Bien que la désignation de l’immeuble par son
adresse civique nous semble être suffisante, certaines jurisprudences exigent
une description exacte de l’immeuble construit ou rénové.
[Page 1058]
2788. En somme, l’avis de dénonciation doit également contenir la désignation
du propriétaire de l’immeuble ainsi que celle du créancier, la mention relative
à la conclusion du contrat avec une indication des travaux à être exécutés, des
matériaux et des services à fournir, le nom de l’entrepreneur ayant conclu le
contrat ainsi que le prix du contrat. L’avis doit faire référence à l’article
2728 C.c.Q. et indiquer l’intention du sous-traitant d’inscrire une hypothèque
légale sur l’immeuble advenant le défaut de l’entrepreneur général de payer le
prix du contrat.
1) Mention
de l’intention d’inscrire une hypothèque légale contre l’immeuble construit ou
rénové
2789. La dénonciation doit aussi avertir le propriétaire de l’intention du sous-traitant
d’exercer ses droits hypothécaires légaux. Le
sous-traitant doit indiquer son intention d’inscrire une hypothèque légale de
la construction dans le cas où l’entrepreneur général ferait défaut d’acquitter
le prix des travaux ou des matériaux fournis. Il est toutefois préférable que l’avis
de dénonciation ne soit pas rédigé de façon agressive ou menaçante, afin de ne
pas nuire aux relations du client avec son entrepreneur général. Il suffit que
l’avis de dénonciation laisse entendre qu’éventuellement, le sous-traitant ou
le fournisseur de matériaux pourra se prévaloir de son droit à l’hypothèque
légale prévu aux articles 2724 et 2726 C.c.Q. Une simple indication de cette
intention devra être considérée suffisante pour que l’avis de dénonciation remplisse
les conditions requises par l’article 2728 C.c.Q.
2790. De plus, le propriétaire doit être informé de l’objet des prestations à
fournir ou à exécuter par le sous-traitant, de la date de la conclusion de son
contrat et de la période prévue pour son exécution, etc..
En revanche, bien qu’il soit utile pour le propriétaire d’être
[Page 1059]
informé de la relation
entre l’entrepreneur et le sous-traitant, il n’est pas nécessaire de le
préciser dans la dénonciation. Si le propriétaire
veut se renseigner davantage, il lui est loisible de contacter le sous-traitant
à la suite de la dénonciation de son contrat. Ce dernier ne peut être fautif, à
moins qu’il refuse de fournir les informations demandées par le propriétaire.
Tel est le cas lorsque le propriétaire formule une demande auprès du
sous-traitant, relativement aux sommes qu’il a déjà reçues de la part de l’entrepreneur
et au solde de sa créance, ainsi qu’à l’état d’avancement des travaux dont il a
la charge. Le sous-traitant doit collaborer et agir de bonne foi avec le
propriétaire, pour lui permettre d’évaluer le montant à retenir sur le prix
lors du paiement à l’entrepreneur général.
2) Mention des travaux effectués, des
matériaux et des services fournis
2791. La
dénonciation du contrat de sous-traitance au propriétaire doit également
indiquer clairement la portée des travaux qui ont été sous-traités. Une
dénonciation insuffisante quant à l’étendue des activités du sous-traitant peut
donner lieu à une hypothèque légale de construction limitée uniquement aux
travaux mentionnés. Il importe donc de fournir dans l’avis de dénonciation une
énumération sommaire des travaux à exécuter ou des matériaux à fournir ou bien
une description sommaire qui
indique clairement la nature et le type de ces travaux. À titre d’exemple, la
dénonciation d’un contrat de réaménagement du stationnement, drainage et
autres, a été jugée insuffisante par le tribunal puisqu’il s’agissait plutôt d’un
contrat portant sur des travaux d’excavation et de remblai. Ainsi, l’omission
du sous-traitant d’aviser le propriétaire de l’immeuble qu’il doit retenir un
montant pour les travaux qui sont réellement confiés au sous-traitant, fait qu’il
risque de perdre son droit d’une hypothèque légale de construction. Il est donc
de la responsabilité du sous-traitant de s’assurer que le propriétaire de l’immeuble
est suffisamment renseigné quant à l’étendue et la nature des travaux qui ont
été sous-traités.
3) Mention du prix
2792. Par ailleurs,
la dénonciation doit indiquer le prix du sous-contrat, afin que le propriétaire
maître de l’ouvrage puisse prendre les mesures préventives et ainsi éviter l’inscription
d’une hypothèque légale
[Page 1060]
sur son immeuble.
Ainsi, la mention du prix permet au propriétaire de déterminer le montant à
retenir sur le prix du contrat principal et ainsi assurer au sous-traitant le
paiement de sa créance advenant le défaut de l’entrepreneur de faire ce
paiement (art. 2123 C.c.Q.).
2793. En effet,
avec égard pour l’opinion contraire, il nous semble que le prix du contrat de
sous-traitance doit être mentionné dans la dénonciation, que ce contrat soit
conclu avec un sous-entrepreneur ou avec un fournisseur de matériaux.
Il ne peut en être qu’ainsi, étant donné que le client, propriétaire de l’ouvrage,
a intérêt à connaître le prix exact de chacun de ces contrats, et ce, pour
plusieurs raisons. Premièrement, sans
cette information, il est difficile pour le client de prendre des mesures
efficaces pour protéger le droit au paiement des sous-traitants par l’entrepreneur
général. En effet, si le client ne connaît pas le montant exact du contrat,
comment peut-il, au moment du paiement de l’entrepreneur général, retenir sur
le prix du contrat principal une somme suffisante pour acquitter les créances
de ces sous-traitants (art. 2123 C.c.Q.) ? Doit-il le faire de façon arbitraire ? Dans ce cas, la somme retenue risque d’être
inférieure au montant de ces créances et le client risque de voir l’un de ces sous-traitants
inscrire une hypothèque sur son immeuble à moins qu’il ne paie lui-même la
différence entre la somme retenue et le montant de la créance et ainsi, assume
cette différence comme une perte. Par contre, si le client retient une somme
plus élevée que les montants dus aux sous-traitants par l’entrepreneur général,
il risque de provoquer certains différends avec ce dernier. À moins,
évidemment, qu’il ne se fie aux informations fournies par l’entrepreneur
[Page 1061]
général et coure encore
le risque que la somme retenue soit insuffisante. Le refus d’un sous-traitant
ou d’un fournisseur de matériaux d’indiquer le montant exact du prix de son
contrat nous semble injustifié. D’ailleurs, la communication d’une telle
information ne lui cause aucun préjudice, mais, au contraire, en dénonçant le
prix exact de son contrat, il s’assure que le propriétaire de l’immeuble
assurera le paiement du montant de la sous-traitance. De plus, il se conforme à
l’obligation de bonne foi que lui impose l’article 1375 C.c.Q.
2794. Deuxièmement,
le sous-traitant qui a conclu un contrat directement avec l’entrepreneur
général n’a aucun lien contractuel avec le client, à moins que celui-ci n’intervienne
dans le contrat de sous-traitance ou que le contrat principal conclu par l’entrepreneur
général et le propriétaire ne contienne une stipulation pour autrui aux termes
de laquelle le client s’engage à payer directement le sous-traitant, ou à moins
que le client n’ait confié à l’entrepreneur général le mandat de faire le
nécessaire avec le sous-traitant pour que les travaux de construction qui lui ont été attribués soient
exécutés. Dans ce dernier cas, le contrat conclu entre l’entrepreneur général
et le sous-traitant est considéré comme ayant été conclu directement avec le
client. Enfin, il s’agit aussi d’un contrat direct conclu par le client lorsque
les négociations se déroulent entre ce dernier et le sous-traitant quant à la
nature des travaux à exécuter et des matériaux à utiliser, ainsi que leur prix,
alors que les négociations aboutissent à la conclusion d’un contrat verbal qui
devient par la suite un contrat écrit et signé par l’entrepreneur général et le
sous-traitant. En dehors de ces
exceptions, le client n’est pas tenu de payer le prix du contrat intervenu
entre le sous-traitant et l’entrepreneur général. Le législateur, en créant l’hypothèque
légale en faveur du sous-traitant qui n’a même pas contracté avec le client, a
prévu des mesures exceptionnelles afin de protéger le client et ainsi établir
un régime légal harmonieux et équitable à l’égard de toutes les parties. En
effet, le législateur, en imposant l’obligation de dénoncer le contrat de
sous-traitance au client, d’une part, et en permettant au client de retenir,
sur le prix du contrat intervenu avec l’entrepreneur général, une somme
suffisante pour acquitter les créances des sous-traitants, d’autre part, a
voulu accorder une protection au client pour éviter l’inscription d’une
hypothèque légale sur son immeuble. Le non-respect de ces conditions ou le défaut de les remplir de bonne
foi et de manière complète et adéquate risque de créer un déséquilibre entre
les parties concernées.
[Page 1062]
2795. Encore une
fois, la mention du prix dans la dénonciation du contrat de sous-traitance est
d’un intérêt exceptionnel lorsque le contrat avec l’entrepreneur général
prévoit la réception partielle de l’ouvrage. Dans ce cas, le client est tenu de
payer chaque partie reçue des travaux. Si ce dernier n’avait pas eu, dès le
départ, toutes les données nécessaires relativement au prix du contrat de
sous-traitance, il peut avoir de la difficulté à retenir la somme requise pour
acquitter les créances des sous-traitants chaque fois qu’il est obligé de payer
le prix de la partie reçue de l’ouvrage.
2796. Le
sous-traitant doit agir de bonne foi envers le propriétaire. Le défaut de
renseigner ce dernier adéquatement peut être sanctionné par une déclaration d’invalidité
de l’hypothèque s’il cause un préjudice au propriétaire. Il en est ainsi
lorsque le prix mentionné dans la dénonciation est inférieur au montant du
contrat de sous-traitance, ce qui empêche le propriétaire de retenir une somme
suffisante sur le prix du contrat principal pour payer le sous-traitant.
4) La dénonciation des modifications du
contrat
2797. Une question
peut être soulevée quant à la nécessité de dénoncer les modifications apportées
au contrat de sous-traitance. En effet, il arrive souvent que des modifications
soient apportées aux travaux déjà prévus dans le contrat de sous-traitance
intervenu entre l’entrepreneur général et le sous-traitant ou le fournisseur de
matériaux suite à l’avis de dénonciation donné au propriétaire. On peut alors
se demander si le sous-traitant ou le fournisseur de matériaux sont tenus de
dénoncer une augmentation du prix convenu avec l’entrepreneur postérieurement à
l’avis de dénonciation déjà donné au propriétaire. En d’autres termes, faut-il
donner un autre avis de dénonciation au propriétaire de l’immeuble concernant l’augmentation
de prix due à des travaux supplémentaires ou à la fourniture d’autres
matériaux ? La réponse à cette question doit être nuancée selon la nature
des travaux ou des matériaux ayant nécessité la modification du prix. Dans le
cas où cette augmentation résulte
des changements dans les travaux, ou les matériaux qui sont déjà prévus dans le
contrat dénoncé au propriétaire, un nouvel avis de dénonciation ne sera pas
nécessaire, surtout lorsque l’avis de dénonciation mentionne que le prix pourra
être modifié en cas de changements ou de modifications aux travaux, services ou
matériaux, et qui n’étaient pas prévisibles lors de la conclusion du contrat de
sous-traitance. Rappelons que ces changements ou modifications deviennent
nécessaires en raison d’une difficulté d’exécution rencontrée en cours d’exécution
du contrat.
[Page 1063]
2798. Dans le même
ordre d’idées, une question se pose quant à la nécessité de dénoncer une
entente postérieure portant sur des travaux d’extras ou sur des modifications
des travaux initialement prévus. Afin de répondre à cette question, il importe
de faire la distinction entre un avis de dénonciation par lequel le
sous-traitant se limite à informer le propriétaire de l’obtention d’un contrat
de son entrepreneur général et un avis de dénonciation qui avise ce dernier de
la conclusion d’un contrat de sous-traitance et du prix convenu ainsi que de la
possibilité qu’il y ait des travaux d’extras ou des changements aux travaux qui
génèrent un prix supplémentaire. Dans le premier cas, le sous-traitant doit,
advenant une nouvelle entente relative à des travaux d’extras ou des
changements apportés aux travaux, aviser le propriétaire de cette nouvelle
entente et du prix relatif qui en découle.
2799. En d’autres
mots, dans le cas où l’avis de dénonciation donné par un sous-traitant au propriétaire
de l’immeuble ne contient aucune mention concernant l’éventualité ou la
possibilité de faire des changements quant aux travaux prévus dans le contrat
ou la conclusion d’une nouvelle entente portant sur des travaux d’extras, et qu’en
conséquence, le prix convenu sera à la hausse, le sous-traitant doit donner un
nouvel avis de dénonciation au propriétaire à propos de tout changement apporté
aux travaux donnant lieu à une augmentation du prix ou de toute nouvelle
entente relative aux travaux d’extras. Dans ce dernier cas, le propriétaire a droit d’être
renseigné sur toute nouvelle entente postérieure qui intervient entre l’entrepreneur
général et le sous-traitant, afin de pouvoir prendre les mesures appropriées
pour protéger les droits de ce dernier au paiement et, par conséquent, se
protéger lui-même contre une éventuelle inscription d’une hypothèque légale. Il
sera difficile, dans une telle situation, de jeter la responsabilité sur le
propriétaire pour avoir fait défaut de se renseigner sur le prix total des
travaux exécutés par un sous-traitant ou pour les matériaux fournis par un
fournisseur ayant déjà dénoncé seulement leur premier contrat. Ainsi, le
sous-traitant ou le fournisseur de matériaux qui a fait défaut de dénoncer le
deuxième contrat conclu avec l’entrepreneur général risque de voir son
hypothèque restreinte au montant du contrat initial ayant fait l’objet de l’avis de dénonciation.
2800. Dans le
deuxième cas, depuis l’arrêt de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Société
de cogénération de Saint-Félicien,
[Page 1064]
certaine jurisprudence
reconnaît au sous-traitant, son droit à l’hypothèque légale qui couvre aussi le
coût des travaux en cas de changement survenu plus tard ainsi que le prix des
travaux d’extras dans la mesure où la dénonciation contient une mention faisant
état de la possibilité d’une augmentation du prix pour l’une de ces raisons.
Selon cette jurisprudence, la
dénonciation du contrat par le sous-traitant a un double rôle, soit dans un
premier temps, d’aviser le propriétaire de la conclusion d’un contrat de
sous-traitance entre l’entrepreneur général et le sous-traitant pour l’exécution
de certains travaux et en un deuxième temps, de l’informer de son intention de
se prévaloir de son droit à l’hypothèque légale prévue par la loi advenant le
défaut de l’entrepreneur général de payer le prix du contrat de sous-traitance.
2801. La Cour du
Québec dans l’affaire Peintures An-Ka ltée
rendue en 2015 a d’ailleurs suivi le raisonnement de la Cour d’appel
dans l’arrêt rendu en 2005. Il nous semble que le
raisonnement de la Cour d’appel dans cette affaire ne doit pas être
systématiquement adopté dans tous les cas puisque chaque cas constitue un cas d’espèce
qui exige de prendre en considération les circonstances et les faits propres à
ce cas. Rappelons que dans l’affaire Société de cogénération de
Saint-Félicien, le
sous-traitant avait dénoncé son contrat avec la mention du prix convenu tout en
ajoutant qu’il y a une possibilité que des changements soient apportés aux
travaux ainsi que des travaux supplémentaires puissent s’ajouter sans toutefois
dénoncer plus tard au propriétaire la nouvelle entente intervenue avec l’entrepreneur
relativement à ces changements et aux travaux d’extras demandés par ce dernier.
2802. On peut
comprendre de la décision de la Cour d’appel que l’indication du prix du
contrat convenu avec l’entrepreneur dans l’avis de dénonciation avec la mention
que ce prix peut être augmenté en raison des demandes des travaux d’extras ou
des changements et des modifications apportés aux travaux est suffisante au
niveau de la dénonciation requise par l’article 2728 C.c.Q. En un tel cas, l’hypothèque
légale couvre à la fois le prix initialement convenu et le coût des changements
apportés aux travaux ainsi que le prix des travaux supplémentaires.
2803. Alors qu’il
était avisé par l’avis de dénonciation de la possibilité d’une augmentation du
prix, on peut dès lors attribuer au
[Page 1065]
propriétaire une
certaine responsabilité de ne pas s’être renseigné auprès de l’entrepreneur ou
même auprès du sous-traitant sur la conclusion d’une nouvelle entente entre ces derniers relativement à des travaux d’extras
ou des changements. On peut en même temps adresser le même reproche au
sous-traitant de ne pas avoir complété les informations
déjà fournies au propriétaire suite à la conclusion d’une
nouvelle entente avec l’entrepreneur. En fait, les circonstances propres à
chaque cas peuvent révéler une négligence ou au moins une conduite imprudente
de la part du propriétaire ou du sous-traitant. À cet effet, on peut
légitimement se demander pour quelles raisons nous devrions imposer au
propriétaire une obligation continue de se renseigner à chaque fois qu’il doit
faire un paiement à son entrepreneur et ainsi vérifier s’il avait demandé des
travaux d’extras à l’un ou à l’autre des sous-traitants ayant dénoncé leur
contrat ou s’il y avait des changements apportés aux travaux initialement
prévus dans leurs contrats et si ces modifications ont donné lieu ou non à une
augmentation du prix.
2804. Un
propriétaire prudent peut chercher à se renseigner auprès de son entrepreneur
ou même auprès du sous-traitant à différentes étapes de l’exécution des travaux
et ainsi recevoir une réponse négative quant à l’existence des changements aux
travaux ou bien à la demande de travaux d’extras, mais qu’à un moment donné,
voire à la fin de l’intervention d’un sous-traitant, des changements
surviennent ou des travaux d’extras sont demandés. Doit-on en une telle
situation blâmer le propriétaire et lui faire assumer les conséquences qui
découlent d’une nouvelle entente conclue par l’entrepreneur et un sous-traitant
ou bien ce dernier doit être blâmé de ne pas avoir complété sa dénonciation et
ainsi informer le propriétaire que l’éventualité mentionnée dans son avis de
dénonciation s’est réalisée ?
2805. Il nous
semble que le sous-traitant ait l’obligation d’informer le propriétaire de
toute nouvelle entente qui survient entre lui et l’entrepreneur après la
dénonciation de son contrat initial. Il lui appartient de veiller à la
protection de ses droits au lieu d’imposer au propriétaire de chercher en tout
temps à se renseigner sur l’existence d’un droit d’un sous-traitant pour le
protéger à sa place. D’ailleurs, la règle de bonne foi prévue à l’article 1375
C.c.Q. impose au sous-traitant l’obligation de renseigner le propriétaire de la
conclusion d’une nouvelle entente avec l’entrepreneur portant sur des
modifications aux travaux initialement prévus dans son contrat ou sur des
travaux d’extras. Tout manquement par le sous-traitant à son obligation de
renseigner le propriétaire doit être sanctionné contre lui et non pas contre ce
dernier. L’inverse ne doit être que l’exception.
[Page 1066]
2806. Le propriétaire de l’immeuble peut être blâmé et le tribunal peut
conclure que l’hypothèque légale couvre aussi les coûts supplémentaires des
changements apportés aux travaux ou le prix des travaux d’extras lorsque l’avis
de dénonciation fait référence à une telle éventualité et que plus tard et
avant le paiement du prix de l’ouvrage à l’entrepreneur par le propriétaire,
celui-ci était informé du prix supplémentaire généré par les changements ou par
les travaux d’extras. En un tel cas, le propriétaire ne peut invoquer comme
moyen de défense le fait qu’il a reçu les informations ou la dénonciation
concernant les changements du prix après l’exécution des travaux modifiés ou d’extras.
2807. Toute personne doit se donner une conduite conforme aux exigences de
bonne foi non seulement envers son contractant, mais envers toute autre
personne dont les droits pourront être affectés lors de l’exécution d’un
contrat. Il sera toutefois prudent de la part du sous-traitant ou du
fournisseur d’informer le propriétaire par une lettre, des modifications ou des
changements apportés au contrat qui a fait l’objet de l’avis de dénonciation.
Le défaut de le faire ne doit pas nuire systématiquement au droit du
sous-traitant à une hypothèque pour le montant total du coût des travaux, dans
la mesure où le propriétaire, de son côté, aurait pu se renseigner conformément
à son obligation de bonne foi auprès de son entrepreneur,
ou de ce sous-traitant, même sur l’exécution des travaux
et les paiements reçus par ce dernier. Il arrive souvent que l’entrepreneur
avise le propriétaire des difficultés rencontrées lors de l’exécution des
travaux prévus dans le contrat initial. Ces difficultés sont souvent
rencontrées par les sous-traitants et le propriétaire ne peut prétendre ignorer
les modifications qui s’imposent en conséquence. Il est de l’intérêt de l’entrepreneur
général d’informer le propriétaire de tout changement ou de toute modification
qui paraissent nécessaires aux travaux initialement prévus et ainsi, convenir
avec lui d’une modification du prix initial pour refléter les modifications du
prix des contrats de sous-traitance.
2808. De même, il n’est pas nécessaire de dénoncer au propriétaire de l’immeuble
tous les travaux complémentaires qui sont une suite logique du sous-contrat qui
a déjà été dénoncée au propriétaire de l’immeuble.
De telles exigences alourdiraient indûment la pratique de ce sous-traitant.
[Page 1067]
2809. Le
propriétaire ayant reçu un avis de dénonciation du contrat par un sous-traitant
ou par un fournisseur de matériaux doit exiger de son entrepreneur général non
seulement une preuve de paiement, mais aussi une quittance de ces
sous-contractants. En exigeant ainsi une quittance émise par ces sous-traitants
en sa faveur, le propriétaire sera protégé contre toute réclamation basée sur
une modification du prix convenu entre l’entrepreneur général et ses
sous-traitants. Il importe de rappeler que le propriétaire a aussi l’obligation
de se renseigner auprès de l’entrepreneur ou du sous-traitant ayant dénoncé son
contrat sur le déroulement des travaux ainsi que sur le paiement reçu par l’auteur
de l’avis de dénonciation du contrat.
2810. Il importe de
souligner qu’en cas de conclusion de contrats consécutifs avec l’entrepreneur
général par un sous-traitant ou fournisseur de matériaux, il n’est pas
nécessaire d’inscrire un avis d’hypothèque pour chaque contrat dénoncé, un seul
avis portant sur les montants de tous les contrats dénoncés sera conforme aux prescriptions des articles 2724, 2726 et 2728
C.c.Q.
G. Forme et moyens de la signification
de l’avis de dénonciation
1) La forme de l’avis de dénonciation
2811. L’article
2728 C.c.Q. prévoit expressément que la dénonciation d’un contrat par un
sous-traitant doit être faite par écrit. Cette forme écrite est obligatoire, et
ce, même si le contrat intervenu entre le sous-traitant et l’entrepreneur
général est verbal. Un avis de dénonciation prend généralement la forme d’une
lettre adressée au propriétaire l’avisant non seulement de la conclusion du
contrat avec son entrepreneur général,
mais aussi, comme nous l’avons mentionné, de la nature des travaux, du prix du
contrat et le cas échéant de la possibilité d’apporter des modifications ou des
ajouts à ce contrat. Il faut également indiquer dans l’avis l’intention d’inscrire
un avis d’hypothèque légale sur l’immeuble advenant le défaut par l’entrepreneur
général de payer le prix des travaux. Il est important donc de noter qu’un avis
verbal dénonçant la conclusion d’un contrat de sous-traitance ne peut être
opposable au propriétaire et ne produit pas d’effets juridiques entre les
parties. L’exigence de la forme écrite est justifiée par la nécessité non
seulement d’inclure certaines informations précises et relatives au contrat de
sous-traitance, mais aussi de s’assurer que ces informations ont été
communiquées, écartant ainsi la possibilité de les altérer ou de les modifier
plus tard par l’une des parties.
[Page 1068]
2) Les moyens de la signification de l’avis
de dénonciation
2812. L’article
2728 C.c.Q. n’exige pas de moyen de signification en particulier pour la
validité de la transmission de l’avis de dénonciation d’un contrat de
sous-traitance au propriétaire de l’immeuble. Il appartient cependant au
sous-traitant de faire la preuve de la signification ou de la réception de l’avis
de la dénonciation par ce dernier ou par son représentant dûment autorisé. En
général, la signification de l’avis de dénonciation peut se faire par des
moyens conventionnels, tels qu’une signification par huissier ou par une lettre
recommandée. La signification peut
aussi être faite par les services d’un messager, par télécopieur ou par
transmission par courriel, à condition de mettre en preuve la réception de l’avis
par le propriétaire.
2813. Avant de
traiter de la preuve de la transmission de l’avis de dénonciation, il importe
de souligner que la preuve de la connaissance du contenu de l’avis de
dénonciation par le propriétaire n’est aucunement requise puisque la seule
preuve requise est celle relative à la réception de l’avis de dénonciation en
tant que tel. Il importe de
rappeler à cet effet que sous l’ancien Code civil, la théorie de connaissance
de l’offre ou du document envoyé à un destinataire n’a pas été retenue par la jurisprudence. Lors de la réforme du Code
civil, le législateur a adopté l’article 1387 C.c.Q. qui établit la théorie de
la réception comme condition à la formation du contrat ou à l’opposabilité d’un
acte juridique. Par analogie, on peut appliquer cette règle à la réception de l’avis
de dénonciation par le propriétaire afin qu’un tel avis produise ses effets
juridiques entre le sous-traitant et le propriétaire. Notons que l’avis de
dénonciation doit produire ses effets juridiques à partir de la date de sa
réception et non pas celle de la prise de connaissance de son contenu par le
propriétaire. Décider autrement revient à faire dépendre la validité et les
effets de l’avis de dénonciation du bien vouloir du propriétaire d’en prendre
connaissance ou non. À titre d’exemple, un propriétaire peut recevoir la lettre
recommandée et la laisser sur son bureau sans l’ouvrir ou en prendre
connaissance. Doit-on alors rendre l’avis de dénonciation sans effets puisque
ce dernier n’a pas voulu en prendre connaissance ou en raison de la difficulté
de faire la preuve de cette prise de connaissance ? La réponse ne peut
être que négative et ce même raisonnement doit s’appliquer à tous les autres
moyens de signification ou de transmission d’un avis de dénonciation.
[Page 1069]
2814. La preuve de
la signification par huissier se fait par la communication du rapport de
signification émis par l’officier concerné. La preuve de la signification par
lettre recommandée peut être établie par le reçu émis par le bureau de poste
indiquant le numéro de l’envoi et la preuve de la réception que ce dernier
publie sur son site Internet indiquant la date de la réception.
Il en est de même d’une transmission fait par services de messagerie où un
document attestant la remise de l’envoi est délivré par la compagnie de
messagerie.
2815. La preuve de
la transmission de l’avis de dénonciation par courriel ne peut être faite
seulement par un document démontrant l’envoi du courriel, mais plutôt par la
preuve aussi de la réception de ce courriel à la bonne adresse du propriétaire.
Cette preuve doit donc remplir deux conditions dont la première est relative à
l’envoi du courriel, alors que la deuxième a trait à la transmission de l’avis
à l’adresse active du propriétaire. Notons à cet effet que selon l’article 31
de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, l’envoi
d’un courriel à l’adresse publique ou commerciale du destinataire peut créer
une présomption réfragable de la réception du courriel. Cette réception peut
être confirmée par une réponse formelle indiquant la réception du courriel
envoyé ou par l’utilisation d’un mécanisme automatique confirmant la réception
de celui-ci.
2816. À défaut par
le sous-traitant de faire la preuve de la réception de l’avis de dénonciation
par le propriétaire, il risque de voir l’avis d’hypothèque légale qu’il a
publié radié. Rappelons que la dénonciation du contrat de sous-traitance est
une condition sine qua non à l’existence même de l’hypothèque légale de
construction en faveur du sous-traitant. C’est pourquoi il est essentiel que le
sous-traitant ait recours à un moyen de signification ou de transmission lui
permettant de démontrer par une preuve solide la réception de l’avis de
dénonciation par le propriétaire.
H. Personnes pouvant évoquer les
irrégularités
2817. L’irrégularité
doit pouvoir être soulevée par toute personne ayant intérêt à diminuer le
nombre de créances garanties par l’hypothèque légale de la construction.
Tel est évidemment le cas des
[Page 1070]
créanciers
hypothécaires qui peuvent avoir intérêt à contester la validité de l’hypothèque
légale inscrite par un sous-traitant. Cette contestation
est tout à fait légitime lorsque le propriétaire de l’immeuble
est complètement désintéressé en raison de plusieurs créances à sa charge et
lorsque la vente de l’immeuble en justice peut à peine acquitter l’ensemble des
créances hypothécaires. Ainsi, il faut permettre au créancier hypothécaire d’une
hypothèque conventionnelle ou au créancier détenant une hypothèque légale de la
construction et ayant respecté toutes les formalités requises par la loi pour
la validité de son hypothèque légale de contester la validité de l’hypothèque
légale de l’un des intervenants qui ne respecte pas une des conditions strictes
requises par la loi pour sa validité. Un propriétaire insolvable peut être
complètement désintéressé de toute contestation quant à la validité de l’une ou
de l’autre des hypothèques légales. Dans ce cas, le créancier détenant une
hypothèque conventionnelle ou une hypothèque légale de la construction peut,
par le biais d’une action oblique, contester la validité
de l’une des hypothèques légales au nom du propriétaire.
2818. D’ailleurs,
le législateur à l’article 2761 C.c.Q. a déjà reconnu à tout détenteur d’un
droit réel sur un immeuble faisant l’objet d’un préavis d’exercice d’un droit
hypothécaire, le droit d’intervenir pour remédier au défaut du débiteur afin de
protéger son droit. Le détenteur d’un droit réel peut être un créancier ayant
une hypothèque conventionnelle ou une hypothèque légale ou un bénéficiaire d’une
option d’achat dûment publiée au registre de l’immeuble, etc. Il est
inconcevable, lorsque la loi reconnaît à un détenteur d’un droit réel la
possibilité d’intervenir pour remédier au défaut du propriétaire et d’agir à sa
place, de ne pas lui permettre, en même temps, de contester la validité d’une
hypothèque illégalement inscrite.
4. Cas d’une stipulation pour autrui
2819. Dans bien des
cas, le contrat d’entreprise contient une stipulation pour autrui aux termes de laquelle le client s’engage à payer
directement aux sous-traitants le prix de leur contrat. Une telle stipulation
peut aussi être incluse dans le contrat d’entreprise en conformité avec les
clauses contenues dans les documents d’appel d’offres. La dénonciation du
contrat par le sous-traitant est nécessaire même si ce dernier
[Page 1071]
avait déjà renoncé à
son droit à l’inscription d’une hypothèque légale de construction, car une
telle dénonciation est une condition à la détermination du bénéficiaire de la
stipulation pour autrui contenue dans le contrat d’entreprise intervenu entre l’entrepreneur
général et le client. Afin que le sous-traitant puisse se prévaloir de la
stipulation pour autrui formulée en termes généraux et au bénéfice de tous les
sous-traitants, chacun doit dénoncer son contrat de sous-traitance au client
dans les meilleurs délais. Cette dénonciation est requise non seulement pour
valoir acceptation de la stipulation, mais aussi comme condition à la mise en
exécution de l’obligation du client promettant. En effet, bien souvent, l’identité
des sous-traitants n’est connue ni par l’entrepreneur ni par le client au
moment de la conclusion du contrat d’entreprise, mais plus tard le contrat de
sous-traitance sera conclu sans l’intervention ou l’implication du client. Ce
dernier a donc besoin de connaître le nom des sous-traitants bénéficiaires de
la stipulation et du prix convenu avec l’entrepreneur général. En d’autres
termes, le bénéficiaire de la stipulation pour autrui, lorsqu’il n’est pas déterminé dans le contrat d’entreprise,
sera déterminé postérieurement suite à la conclusion des contrats de
sous-traitance avec l’entrepreneur général.
2820. L’avis de
dénonciation par le sous-traitant de son contrat a pour effet de le rendre
bénéficiaire déterminé de la stipulation et de l’obligation faisant son objet
exécutoire par le client en tant que promettant de celle-ci. Le défaut par le
sous-traitant d’aviser ce dernier de son contrat et de son prix peut constituer
une fin de non-recevoir de son recours exercé à l’encontre du client ayant déjà
payé de bonne foi le prix du contrat à l’entrepreneur général. Par son défaut
de dénoncer l’existence de son contrat, le sous-traitant empêche le client de
prendre les mesures appropriées pour protéger son droit au paiement et plus
particulièrement de faire les retenues nécessaires à même le prix convenu avec
l’entrepreneur général.
[Page 1072]