Art. 2126. L’entrepreneur ou le prestataire de services ne peut résilier
unilatéralement le contrat que pour un motif sérieux et, même alors, il ne
peut le faire à contretemps; autrement, il est tenu de réparer le prejudice
causé au client par cette résiliation.
Il est tenu, lorsqu’il résilie le contrat,
de faire tout ce qui est immédiatement nécessaire pour prévenir une perte.
|
|
Art. 2126. The contractor or the provider of
services may not resiliate the contract unilaterally except for a serious
reason, and never at an inopportune moment; otherwise, he is bound to make
reparation for injury caused to the client as a result of the resiliation.
Where the contractor or the provider of
services resiliates the contract, he is bound to do all that is immediately
necessary to prevent any loss.
|
O.R.C.C. (L. V, DES OBLIGATIONS)
703. L’article
met encore en relief le caractère personnalisé des relations contractuelles de cette convention. Chacune des parties peut y mettre fin de plein droit pourvu
que la résiliation soit raisonnablement justifiée : l’expression « juste
cause » n’est pas synonyme de
cas fortuit. Il s’agira d’une question de circonstances laissée à l’appréciation
du tribunal. Cependant, la
résiliation devra se faire dans des conditions telles que le cocontractant en
souffre le préjudice le moins grave possible, sans quoi la résiliation du
contrat pourra donner droit à des dommages-intérêts.
C.c.Q. : art. 1604 et suiv., 1606, 2125, 2129.
1. Introduction : notions générales
2162. L’article 2126 C.c.Q. prévoit la faculté, pour l’entrepreneur
ou le prestataire, de services de résilier unilatéralement le contrat d’entreprise
ou de prestations de services. Toutefois, ce droit n’est
pas
[Page 823]
aussi étendu que le
droit accordé par l’article 2125 C.c.Q.
au client du contrat d’entreprise ou de service. Tel que nous l’avons mentionné
dans nos commentaires sous l’article 2125 C.c.Q., l’impact potentiel d’un contrat d’entreprise sur le patrimoine
du client constitue le fondement du droit accordé au client de résilier
unilatéralement le contrat, sans avoir besoin d’un motif pour justifier sa
décision.
2163. Or, dans le cas de l’entrepreneur et du prestataire de services, la
décision de résilier unilatéralement le contrat doit être justifiée par un « motif sérieux ».
L’entrepreneur ou le prestataire de services doit, aussi, tenir compte des
intérêts du client puisqu’il ne peut résilier le contrat à contretemps (art. 2126 al. 1 C.c.Q.). Il doit également faire tout son possible pour prévenir qu’une
perte ou des dommages ne soient causés au client par la résiliation (art. 2126 al. 2 C.c.Q.). C’est dans le respect de ces conditions que l’entrepreneur ou
le prestataire de services peut se permettre de résilier unilatéralement son
contrat.
2164. Il nous
semble que cette disposition n’accorde pas plus de droits à l’entrepreneur ou
au prestataire de services que ceux prévus dans les règles de droit commun,
notamment aux articles 1590, 1604 et 1605 C.c.Q. en matière de résiliation du
contrat. Au contraire, par cette disposition, le législateur a renforcé les
critères et les conditions requises pour que la résiliation du contrat d’entreprise
ou de prestation de services soit
légale. En d’autres termes, une résiliation du contrat qui ne remplit pas les
critères prévus à l’article 2126 C.c.Q.
pourrait être considérée comme une faute contractuelle qui engage la
responsabilité de l’entrepreneur ou du prestataire de services pour tous les
préjudices subis par le client justifiant une indemnité selon les règles applicables
du régime d’indemnisation de droit commun et non pas par celui prévu à l’article
2129 C.c.Q.
2165. Advenant le
cas où toutes les conditions d’exercice du droit à la résiliation unilatérale
sont réunies, l’entrepreneur ou le prestataire de services qui décide de se
prévaloir de son droit doit, tout de même, indemniser le client de tout
préjudice subi, conformément à l’alinéa 3 de l’article 2129
C.c.Q. De plus, aux termes de l’alinéa 2 de cet article,
[Page 824]
l’excédent des sommes
reçues en avance, correspondant aux travaux qui ne seront jamais exécutés en
raison de la résiliation, devra être restitué au client.
2166. Le contrat prendra fin dès le moment où l’exécution des travaux ou la
prestation de services cesse et non pas à la date de la notification de l’avis de résiliation au
client. Par contre, la résiliation ne comporte pas d’effets rétroactifs. Les
parties conserveront les prestations qui ont été exécutées, à l’exception des
sommes reçues en avance par l’entrepreneur ou le prestataire de services et qui
excèdent la valeur des travaux exécutés utilement ou les prestations et les
matériaux fournis et incorporés dans l’ouvrage (art. 1606 et 2129 al. 2
C.c.Q.).
2. Motif
sérieux : conditions et critères
2167. Le législateur, en accordant au client le droit à la résiliation
unilatérale, a pris en considération le fait que le contrat d’entreprise ou de
prestation de services comporte beaucoup de risques financiers pour ce dernier.
Cet objectif fait défaut dans le cas d’une résiliation du contrat par l’entrepreneur
ou le prestataire de services. C’est dans cette optique que le législateur a
voulu préciser, à l’article 2126 C.c.Q., que la décision de résilier
unilatéralement le contrat d’entreprise ou de services ne peut être prise sans
motif sérieux, en raison des conséquences néfastes et importantes qu’elle
pourrait entraîner pour le client.
2168. La nécessité
pour l’entrepreneur ou le prestataire de services d’avoir un motif sérieux constitue donc la première condition à l’exercice
de son droit prévu à l’article 2126 C.c.Q. En l’absence d’un motif sérieux
justifiant la résiliation du contrat, l’entrepreneur ou le prestataire de
services ne peut se prévaloir de ce droit sans courir le risque d’engager sa
responsabilité envers le client. La question de la suffisance du motif invoqué
pour justifier la résiliation du contrat est une question de fait laissée à l’appréciation
du tribunal. Il appartient à l’entrepreneur
ou au prestataire de services de justifier sa décision de résilier
unilatéralement le contrat d’entreprise ou de services. Il devra ainsi faire
une preuve prépondérante du motif sérieux, justifiant sa décision de résilier
le contrat.
2169. Il importe de noter que l’exigence du motif sérieux est rencontrée si
les conditions nécessaires à la résiliation du contrat selon le
[Page 825]
régime de droit commun sont remplies (art. 1604 C.c.Q. et suiv.).
Cela dit, l’entrepreneur ou le prestataire de services ne peut pas résilier unilatéralement le contrat lorsque le défaut du client est de peu d’importance ou négligeable
(art. 1590 et 1604 al. 2 C.c.Q.).
Par contre, si ce défaut a un caractère répétitif, même s’il n’est que de peu
d’importance, il pourrait valablement fonder une décision de résiliation unilatérale du contrat (art. 1604 al. 2 C.c.Q.) alors que les autres conditions
requises par l’article 1605 C.c.Q. sont également remplies.
2170. Afin de déterminer si le motif de la résiliation du contrat est
sérieux, le tribunal ne doit pas prendre en compte les événements ainsi que les
faits qui ont eu lieu postérieurement à la résiliation. Il doit plutôt s’intéresser
aux événements préalables à la résiliation du contrat qui ont justifié la
décision de l’entrepreneur ou du prestataire de services de mettre fin au lien
contractuel qui unissait les parties.
2171. L’existence d’un
motif sérieux sera déterminée selon une norme objective, soit selon le critère
de la personne raisonnable, et non pas selon un critère subjectif. Ainsi, l’entrepreneur
ou le prestataire de services ne pourra pas invoquer afin de justifier la
résiliation du contrat le fait pour un client d’avoir une attitude exigeante
quant à l’exécution du contrat, alors que cette attitude ne dénote aucunement
de la mauvaise foi.
2172. À titre d’illustration, ne constitue pas un motif sérieux justifiant la
résiliation du contrat par l’entrepreneur ou le prestataire de services une incompatibilité de caractère entre
ce dernier et le client. En effet, dans le
cadre d’un contrat d’entreprise ou de prestation de services,
il est habituel que les parties aient des commentaires et
certains conflits concernant le travail exécuté ou à être exécuté par l’entrepreneur
ou le prestataire de services. Elles sont donc tenues d’agir en toute bonne foi
et de tenter de résoudre tout malentendu par la collaboration en procédant à un
échange raisonnable et rationnel. Autrement dit, l’entrepreneur ou le
prestataire de services ne doit pas agir de façon
[Page 826]
déraisonnable ou draconienne en résiliant le contrat qui le lie à son client pour un prétexte qui n’est pas problématique, mais qui exige une collaboration de bonne foi entre les parties pour
faciliter l’exécution du contrat.
2173. La perte de confiance envers le cocontractant est un motif sérieux
pouvant justifier la résiliation du contrat. Ainsi, lorsque le contrat est
résilié par l’entrepreneur ou le prestataire de services suite à des
comportements du client ayant provoqué une rupture du lien de confiance. Ainsi,
il sera légitime d’attribuer la responsabilité de la résiliation au client en
raison de son manquement à son obligation d’agir de bonne foi ou à son
obligation de loyauté envers son cocontractant. À l’examen de la jurisprudence,
on peut noter que la rupture du lien de confiance est souvent le résultat d’une
accumulation de comportements ou d’éléments douteux ayant dans leur ensemble
mené à la perte de confiance.
A. Le refus de payer
2174. Le fait que
le client refuse de payer l’entrepreneur ou le prestataire de services pour une
raison valable ne peut être invoqué comme un motif sérieux justifiant la
résiliation du contrat. En d’autres mots, l’entrepreneur
ou le prestataire de services qui réclame une somme au client doit démontrer
que sa réclamation est réellement due et que le refus de ce dernier de la payer
constitue une faute justifiant la résiliation du contrat. L’absence d’une
preuve démontrant le bien-fondé de la demande en paiement rend valable le refus
du client de payer le montant réclamé et, conséquemment, rend illégale et
fautive la résiliation du contrat par l’entrepreneur ou le prestataire de
services. De plus, le fait que
le client refuse de payer des coûts supplémentaires, même lorsque ceux-ci sont
de nature importante, ne peut constituer un motif sérieux pour justifier la
résiliation du contrat d’entreprise par l’entrepreneur ou le prestataire de
services.
2175. Lorsque l’entrepreneur
exige comme condition à la reprise des travaux le paiement d’un montant minime
compte tenu de la valeur de l’ouvrage et des montants qui sont déjà payés par
le client, le refus de ce dernier de payer ce montant minime avant la reprise
des travaux ne peut être considéré comme un motif sérieux justifiant la
résiliation du
[Page 827]
contrat. Ainsi, en l’absence
du risque d’insolvabilité du donneur d’ouvrage, une crainte subjective de la
part de l’entrepreneur ou du professionnel de ne pas être payé ne constitue pas
un motif sérieux au sens de l’article 2126 C.c.Q. et justifiant ainsi la
résiliation du contrat.
2176. Il est
également possible que les parties prévoient sous forme d’échéancier, les
versements devant être effectués à l’avenir en rapport avec l’exécution des
travaux. Lorsque le client s’y conforme, l’entrepreneur qui craint tout de même
de ne pas être payé à l’avenir ne peut résilier le contrat pour ce motif, à
moins que sa crainte soit justifiée, notamment par l’insolvabilité du client
alors que son institution financière lui a refusé une demande de financement
des travaux. Par contre, l’entrepreneur ne peut résilier le contrat intervenu
entre lui et le client en vertu de l’article 2126 C.c.Q. lorsque ce dernier a
obtenu un financement suffisant et respecte l’échéancier établi entre les
parties relativement aux paiements. L’entrepreneur
ou le prestataire de services peut toutefois résilier le contrat si le client
ne respecte pas l’échéancier prévu pour les versements. Dans ce cas, la perte
de confiance et le non-paiement constituent des motifs sérieux.
B. L’erreur économique
2177. Il est
évident que l’erreur économique n’est pas suffisante pour fonder une
résiliation unilatérale du contrat intervenu avec le client. D’ailleurs, la
lésion dans les contrats d’entreprise ou de prestation de services ne peut
justifier la nullité ou la résiliation du contrat lorsque la lésion résulte de
la propre erreur de la victime alors qu’elle ne peut reprocher aucun acte
fautif à l’autre partie. Rappelons que le législateur n’a pas accordé un droit
unilatéral inconditionnel à l’entrepreneur ou au prestataire de services comme
il l’a fait pour le client à l’article 2125 C.c.Q., mais qu’au contraire, il a
restreint davantage le droit à la résiliation du contrat tel qu’établi dans les
règles générales des obligations.
2178. L’article
2126 C.c.Q. doit donc recevoir une interprétation restreinte afin de ne pas
permettre à un entrepreneur ou à un prestataire de services de résilier le
contrat pour des motifs subjectifs et propres à lui. Le caractère des motifs
sérieux dont parle cet article doit être évalué selon un critère objectif, soit
le critère d’une personne prudente et raisonnable. Les motifs invoqués par l’entrepreneur
ou le
[Page 828]
prestataire de services
peuvent être valables pour lui, compte tenu de sa propre situation, mais ne
seront pas nécessairement considérés par la Cour comme un motif sérieux au sens
de l’article 2126 C.c.Q. À titre d’exemple, l’entrepreneur ou le prestataire de
services qui se rend compte, peu de temps après la conclusion du contrat, qu’il
a fait une mauvaise transaction pouvant se solder par une perte financière, ne
peut invoquer cette erreur comme motif sérieux pouvant justifier la résiliation
du contrat. Le fait de permettre à ce dernier de mettre fin à son contrat dès
qu’il réalise que son exécution aboutira à la réalisation d’une perte revient à
lui permettre de se libérer facilement de son engagement, ce qui n’est pas l’objectif
visé par le législateur lors par l’adoption de cette disposition.
2179. Dans le même
ordre d’idées, ne constitue non plus un motif sérieux justifiant la résiliation
unilatérale du contrat par le prestataire de services la réception d’une
nouvelle offre d’emploi lui permettant d’avoir une rémunération plus élevée.
Il faut cependant faire la distinction entre un contrat à durée déterminée et un contrat à durée indéterminée
n’ayant pas pour objet la réalisation d’un ouvrage en particulier. Dans ce dernier
cas, le prestataire de services peut mettre fin à son contrat au motif qu’il a
eu une offre avantageuse, mais à condition de donner à son client un préavis d’un
délai raisonnable. Ce préavis ne doit cependant pas être donné à contretemps,
mais en toute conformité aux exigences de bonne foi.
C. Motifs ne pouvant pas justifier la
résiliation
2180. L’entrepreneur
ne peut résilier son contrat pour le motif qu’il n’a plus le temps d’exécuter
les demandes de corrections qui lui ont été soumises ou le reste des travaux
prévus en raison d’un surplus de contrats qu’il a obtenu postérieurement. L’entrepreneur
ne peut se désintéresser du travail qu’il doit exécuter en invoquant de faux
prétextes puisque de tels comportements dénotent de la mauvaise foi.
À l’inverse, le défaut et le refus sans raison valable de la part du client de
payer les travaux exécutés au prix convenu afin d’obtenir une réduction du prix
constituent un motif sérieux justifiant la résiliation du contrat par ce
dernier.
[Page 829]
2181. Ne constitue pas non plus un motif sérieux justifiant la résiliation
unilatérale du contrat, le fait que certains matériaux prévus pour la
construction d’un immeuble aient été substitués par le client ou que les
travaux aient débuté après la date prévue au contrat en raison de l’attitude du
client.
2182. L’entrepreneur
ou le prestataire de services ne doit pas adopter une décision disproportionnée
face aux circonstances et aux événements qui peuvent avoir lieu au cours de l’exécution
du contrat. Tel est notamment le
cas lorsqu’un prestataire de services exploitant une garderie décide de mettre
fin au contrat de service suite à un incident ou à un conflit survenu avec l’un
des parents d’un enfant fréquentant la garderie. Une telle résiliation peut
être considérée comme injustifiée si elle apparaît comme une réaction
disproportionnée dans les circonstances, et ce, même si la peur et la nervosité
ayant mené le prestataire de services à prendre sa décision étaient réelles.
D. Motifs pouvant justifier la
résiliation
2183. L’entrepreneur
ou le prestataire de services ne peut se voir obligé de tolérer le manque de
respect et le comportement abusif du client, qui peuvent constituer des motifs
valables justifiant la résiliation unilatérale du contrat.
De la même manière, l’entrepreneur ou le prestataire de services peut résilier
unilatéralement le contrat, lorsque le client s’ingère de manière fautive et
injustifiée dans l’exécution du contrat, rendant difficile la réalisation de l’ouvrage
avec la qualité et le résultat escomptés. Un manque de
collaboration du client dans l’exécution du contrat qui affecte la qualité des
travaux ou des prestations peut également constituer un motif sérieux pouvant
fonder une décision par l’entrepreneur ou le prestataire de services de
résilier unilatéralement le contrat.
2184. Il en est de
même lorsque le client ne respecte pas ses engagements ainsi que les conditions prévues au contrat, malgré les avis
[Page 830]
répétés par l’entrepreneur quant aux conséquences pouvant découler de ses
gestes ou de son manquement à ses
obligations contractuelles. Le manque de collaboration ainsi que le non-respect
des promesses et des paroles données par le client
constituent des motifs sérieux justifiant la résiliation du contrat par l’entrepreneur
ou le prestataire de services. Une telle situation peut rompre le lien de
confiance de façon définitive entre les parties, de manière à rendre difficile
la collaboration entre elles et la continuation de l’exécution du contrat.
Devant une telle situation, la résiliation peut être une solution appropriée
pour mettre fin à une relation contractuelle qui se détériore de plus en plus.
2185. Le lien de confiance peut être aussi rompu entre les parties suite à l’omission
par le client de dévoiler à l’entrepreneur ou au prestataire de services des
informations importantes, empêchant celui-ci d’exécuter les travaux ou les
prestations prévues conformément aux règles de l’art.
En fait, lorsque l’intégrité et l’éthique du client sont mises en doute, l’entrepreneur
ou le prestataire de services doit avoir le droit de mettre fin à son contrat.
2186. La modification substantielle du contrat par le client sans le
consentement de l’entrepreneur ou du prestataire de services constitue
également une base suffisante pour justifier sa résiliation par ce dernier.
Ainsi, lorsque le client modifie unilatéralement l’objet des obligations prévues dans le contrat en cours d’exécution
des travaux ou des prestations, l’entrepreneur ou le prestataire de services
est en droit de le résilier puisqu’une telle modification peut rompre l’équilibre
contractuel établi lors des négociations. C’est le cas notamment lorsque l’une
des considérations essentielles à la conclusion du contrat par l’entrepreneur
ou le prestataire de services a été modifiée unilatéralement par le client
alors que cette modification a pour conséquence d’augmenter de façon
significative le coût des travaux ou des prestations qui était initialement convenu
entre les parties. Tel est également le
cas lorsque le client, malgré l’opposition de son cocontractant, reporte de
manière unilatérale la date de paiement du prix du contrat. Le fait que le
client manifeste clairement son intention de ne pas respecter les termes du
contrat constitue aussi un motif sérieux justifiant la résiliation du contrat
[Page 831]
par l’entrepreneur.
Cependant, pour justifier la résiliation du contrat, il doit y avoir un
changement majeur apporté à celui-ci par le client.
2187. Le départ d’une
personne ayant permis au soumissionnaire d’obtenir l’attribution d’un contrat
ne peut être un motif valable justifiant la résiliation du contrat par l’entrepreneur
à moins de faire la preuve que ce départ était imprévisible et le remplacement
de la personne était impossible. Dans le cas où le
départ de cette personne était dû au comportement de l’entrepreneur et que
celui-ci aurait pu l’éviter, la résiliation du contrat peut être considérée
injustifiée.
2188. Le défaut de
s’entendre sur la date d’exécution des travaux peut également constituer un
motif sérieux lorsque cette date n’était pas prévue au contrat, mais devait
faire l’objet d’une entente postérieure. Ainsi, lorsque le client impose une
date limite à l’entrepreneur pour finaliser les travaux et que celui-ci n’est
pas en mesure de les faire en raison des engagements qu’il a déjà pris envers d’autres,
l’exigence du client et son défaut de démontrer de la souplesse constituent des
motifs sérieux permettant à l’entrepreneur de résilier unilatéralement son
contrat en vertu de l’article 2126 C.c.Q.
2189. Dans le cas
où les travaux demandés par le client s’avèrent périlleux, l’entrepreneur a non
seulement le droit, mais l’obligation de refuser l’exécution de ces travaux.
Le fait que le client prenne de mauvaises décisions qui ont pour effet de
rendre dangereuse ou à risque l’exécution des travaux constitue selon les
circonstances un motif sérieux au sens de l’article 2126
C.c.Q. et pourrait valablement fonder une résiliation
unilatérale par l’entrepreneur ou le prestataire de services.
2190. Dans le cas d’un
contrat de prestation de services, le prestataire de services peut résilier
unilatéralement son contrat s’il se produit une rupture importante du lien de
confiance entre lui et son client. Cette rupture de confiance peut se produire
suite à un agissement fautif ou en l’absence de collaboration de la part du client pour le bon
déroulement de son affaire. Il en est de même lorsque la relation contractuelle
entre un prestataire de services responsable d’une garderie et un parent
devient insoutenable en raison d’une perte de confiance irréversible entre les
parties. Cette situation constitue un motif sérieux qui justifie la résiliation
du contrat par le prestataire de services. Celui-ci ne peut toutefois mettre
fin au contrat de manière inappropriée. Il doit d’abord
[Page 832]
donner un préavis par
écrit au client qui indique sans ambiguïté les correctifs à apporter et lui
accorder un délai suffisant pour qu’il puisse s’y conformer. En cas d’agissement
contraire, le prestataire de services pourra être tenu responsable des dommages
subis par le client en raison de la résiliation trop abrupte du contrat.
2191. Constitue également un motif sérieux au sens de cet article, une
situation ou un état de fait qui était imprévisible lors de la conclusion du
contrat et qui ne dépend pas de la volonté personnelle de l’entrepreneur ou du
prestataire de services. Ainsi, une erreur dans la préparation de l’estimation
ou dans le coût des travaux et des matériaux ne constitue pas en principe un
motif sérieux, à moins qu’une telle erreur ne soit due à de fausses
représentations ou à un défaut du client de renseigner adéquatement l’entrepreneur
sur l’état du chantier ou de l’ouvrage, alors qu’il avait à sa disposition des
informations pertinentes.
2192. En général,
seront aussi des motifs sérieux, le défaut du client de remplir ses propres
obligations envers l’entrepreneur ou le prestataire de services, l’absence de
collaboration avec ce dernier, ainsi que son ingérence et son intervention dans
l’exécution du contrat, notamment en ce qui a trait aux méthodes et moyens d’exécution.
3. Résiliation
à contretemps
2193. La résiliation ne doit se faire qu’à un moment opportun pour le client.
En effet, à la lecture de la disposition de l’article 2126 C.c.Q., on constate
que le législateur exige de l’entrepreneur ou du prestataire de services qu’il
tienne compte des intérêts du client lors de la prise de sa décision de
résilier unilatéralement le contrat. Dans le cas
contraire, ce dernier pourrait être tenu responsable envers le client pour les
dommages qui en résultent.
2194. L’article 2126 C.c.Q.
prévoit que l’entrepreneur ou le prestataire de services doit compenser les
préjudices causés au client par la résiliation du contrat lorsque celle-ci est
faite pour un motif sérieux, mais à contretemps ou à un moment inopportun.
Il est,
[Page 833]
par contre, permis
de se demander en quoi cette indemnisation diffère de la
réparation prévue par l’alinéa 3 de
l’article 2129 C.c.Q., qui établit
un régime spécial d’indemnisation en matière de résiliation unilatérale du
contrat d’entreprise ou de service. Rappelons que ce dernier alinéa précise que
l’entrepreneur ou le prestataire de services qui résilie unilatéralement le
contrat est responsable d’acquitter tous les préjudices réellement subis par le
client suite à cette résiliation.
2195. Or, dans le
cas d’une résiliation faite à contretemps, l’entrepreneur ou le prestataire de
services pourra être tenu responsable pour tous les préjudices subis par le
client. Il est donc important de distinguer l’indemnité prévue à l’article 2129 C.c.Q. de l’obligation pour l’entrepreneur
ou le prestataire de services de réparer le préjudice résultant d’une
résiliation fautive de son contrat. Dans le premier cas, l’entrepreneur ou le
prestataire de services exerce son droit de mettre fin au contrat prévu à l’article
2126 C.c.Q. et pourra seulement
être tenu de payer une indemnité au client pour le préjudice résultant de la
résiliation, soit une indemnité visant la remise en état du client à la date de
la résiliation. Dans le deuxième cas, l’entrepreneur ou le prestataire de
services qui n’a pas de motif sérieux justifiant la résiliation ou qui met fin
au contrat à un moment inopportun, commet une faute pouvant engager sa
responsabilité selon les règles de droit commun pour tous les préjudices subis
par le client.
2196. L’appréciation
du caractère sérieux du motif de résiliation invoqué par l’entrepreneur ou le
prestataire de services est un facteur déterminant quant à sa responsabilité
envers le client pour les conséquences qui résultent d’une telle résiliation.
Lorsqu’on est en présence d’un motif sérieux, la responsabilité de l’entrepreneur
ou du prestataire de services se limite, selon le dernier alinéa de l’article
2129 C.c.Q., à indemniser le client seulement dans le cas où un préjudice
réellement subi et qui était prévisible lors de la résiliation du contrat. Par
contre, une résiliation sans motifs sérieux ou à contretemps constitue une
faute qui justifie une compensation dont le montant devra être établi selon les
critères prévus dans les dispositions applicables au régime d’indemnisation du
droit commun (art. 1611 et 1613 C.c.Q.). En présence d’une faute
intentionnelle ou lourde, le tribunal peut exclure l’application du critère des
dommages prévisibles pour accorder au client une indemnité pour tous les
préjudices qui résultent de la résiliation, même ceux qui n’étaient pas
prévisibles par un entrepreneur ou un prestataire de services prudent et diligent.
2197. Il importe
donc de distinguer le type et la nature du préjudice dont il est question à l’article
2129 C.c.Q. et qui résulte de l’exercice
d’un droit à la résiliation pour un motif sérieux, de celui où la résiliation
[Page 834]
est faite sans motif
sérieux ou à contretemps auquel réfère l’article 2126 C.c.Q. Dans ce dernier cas, cet article renvoie implicitement aux
règles du régime d’indemnisation du droit commun en matière de faute
contractuelle. Ainsi, les
conséquences qui résultent de la faculté de résiliation doivent être
distinguées de celles résultant de la faute. Dans le premier cas, la
résiliation n’est qu’un exercice d’un droit légitime et qui est justifié par un
motif valable. Les règles établies à l’article 2129 C.c.Q. obligent cependant l’entrepreneur ou le prestataire de services
qui exerce son droit en conformité à restituer ce qu’il a perçu en trop et à
remettre en état le client lésé en compensant ainsi ce dernier seulement pour
les pertes subies seulement en raison de la résiliation légale du contrat. Dans
le deuxième cas, le préjudice auquel fait référence l’article 2126 C.c.Q., en
cas de résiliation sans motif valable ou à contretemps,
représente une indemnisation à titre de sanction de la
rupture fautive des relations contractuelles. Dans cette situation, l’entrepreneur
ou le prestataire de services engage sa responsabilité contractuelle pour la
faute commise dans la résiliation du contrat, et il sera alors tenu responsable
de tout préjudice causé au client, conformément aux règles de droit commun,
notamment pour les pertes subies et les gains manqués (art. 1611 et 1613 C.c.Q.).
2198. Ainsi, les
chefs de dommages risquent de se multiplier si l’entrepreneur ou le prestataire
de services décide de résilier unilatéralement le contrat, de manière
insouciante et non conforme à l’article 2126 C.c.Q..
Les dommages devant être compensés seront donc ceux qui constituent le résultat
direct et immédiat de la résiliation fautive du contrat, puisqu’elle ne
respecte pas les conditions requises par cet article.
Ainsi, l’entrepreneur qui procède à une résiliation unilatérale injustifiée
pourra être tenu de rembourser au client les sommes investies pour l’obtention
des permis et des plans ainsi que les coûts supplémentaires que le client a dû
payer pour obtenir l’exécution des travaux par un autre entrepreneur.
Une telle résiliation pourrait
[Page 835]
aussi être susceptible
d’entraîner exceptionnellement l’octroi de dommages exemplaires.
2199. L’entrepreneur peut aussi être tenu de compenser la baisse de qualité
de vie familiale subie par le client à la suite d’une résiliation faite à
contretemps, alors que si la
résiliation avait été faite à un moment opportun pour le client, l’entrepreneur
ou le prestataire de services n’aurait
probablement pas été tenu de compenser ce dommage, même si le client l’avait
subi. En effet, lorsqu’une résiliation est opérée de bonne foi et conformément
aux dispositions de l’article 2126 C.c.Q., le tribunal sera, certes, moins
enclin à ordonner la compensation d’un tel chef de dommages bien qu’il puisse
avoir été subi.
2200. L’entrepreneur ou le prestataire de services qui insiste pour résilier
le contrat à un moment inopportun pour le client peut, pour témoigner de sa
bonne foi et de son intention de se conformer aux exigences
de l’article 2126 C.c.Q., remplir ses obligations contractuelles jusqu’à ce que le client
trouve un remplaçant pour compléter l’exécution du contrat d’entreprise ou de
service. Dans ce cas, la
résiliation ne sera pas perçue comme opérée à contretemps.
2201. D’ailleurs,
conformément aux dispositions de l’article 2126 C.c.Q., lorsque l’entrepreneur
ou le prestataire de services se trouve dans une situation pouvant être
assimilée à un cas de force majeure, notamment l’impossibilité d’exécuter son
travail en raison d’une mésentente significative avec son client, il ne peut
lui être reproché d’avoir agi à contretemps.
2202. Il est
évident que la bonne foi est de mise dans l’exercice du droit à la résiliation
prévu à l’article 2126 C.c.Q.
Ainsi, la décision de mettre fin au contrat doit être prise et exécutée, d’une
manière raisonnable et en considération des intérêts du client. L’entrepreneur
ou le prestataire de services qui, au contraire, exerce son droit à la
résiliation unilatérale de manière insouciante et négligente ou par un
comportement qui dénote de la mauvaise foi devra répondre des préjudices causés
au client par sa conduite répréhensible. Dans tous les
cas,
[Page 836]
l’entrepreneur ou le
prestataire de services doit aviser le client, sans délai,
de son intention de résilier le contrat d’entreprise ou de prestation de services.
2203. Une résiliation est à contretemps lorsque l’avis de résiliation ne contient qu’un court délai alors que les circonstances exigent la prise de
certaines mesures préventives dont la résiliation ne peut être accomplie dans
ce délai. Une telle résiliation peut être considérée comme injustifiée puisque
la partie ayant mis fin au contrat n’a accordé qu’un délai court et
déraisonnable pour permettre à l’autre partie de partager ses intérêts ou de
rattraper un retard dans les travaux qui n’est pas dû à sa faute.
2204. Enfin, il importe de faire la distinction entre la résiliation du
contrat par le client, en conformité avec l’article 2125
C.c.Q., et celle faite par l’entrepreneur ou le
prestataire de services sans remplir les conditions requises par l’article 2126 C.c.Q. Dans le premier cas, le client ne
sera pas tenu de payer à l’entrepreneur ou au prestataire de services les gains
qui auraient pu être réalisés si le contrat d’entreprise ou de prestation de
services avait été complété, alors que dans le cas
d’une résiliation sans motif sérieux, l’entrepreneur ou le prestataire de
services pourrait être tenu d’indemniser le client pour tous les dommages subis
selon les règles de droit commun applicables en matière d’indemnisation,
notamment celles prévues aux articles 1611 et 1613 C.c.Q.
4. Mesures
préventives
2205. L’entrepreneur
ou le prestataire de services doit s’assurer non seulement que la résiliation
du contrat se fait à un moment opportun pour le client afin d’éviter que
celui-ci ne subisse pas de dommages, mais il doit aussi faire tout ce qui est
immédiatement nécessaire pour prévenir une perte. Il est raisonnable, en effet,
d’exiger du cocontractant qu’il réduise les conséquences néfastes de la
résiliation afin de préserver les intérêts du client, lorsqu’il lui est
possible de le faire. À défaut d’agir ainsi, l’entrepreneur ou le prestataire
de services sera responsable des pertes qu’il aurait pu prévenir.
[Page 837]
2206. L’entrepreneur ou le prestataire de services doit ainsi aviser son
client de manière appropriée de son choix de mettre un terme à leur relation
contractuelle. Selon les circonstances, il peut notamment transmettre un avis
ne présentant aucune ambiguïté dans un délai suffisant avant d’exercer son
droit à la résiliation du contrat. Dans tous les cas, il doit adopter une
conduite prudente et diligente de manière à ne pas causer de préjudice à son
client. Il ne peut donc prendre la décision de résilier le contrat sans aviser
préalablement son client puisque le droit à la
résiliation du contrat doit comme tout autre droit être exercé de manière
raisonnable et conforme aux exigences de la bonne foi. Un exercice
déraisonnable de son droit expose l’entrepreneur ou le prestataire de services
à une condamnation à des dommages-intérêts pour les dommages causés au client.
2207. Il
conviendrait pour l’entrepreneur ou le prestataire de services
de continuer l’exécution du contrat, même après avoir
notifié au client son intention de le résilier afin d’accorder un délai
raisonnable à ce dernier d’engager un remplaçant, dans le cas où une suspension
des travaux lui causerait de graves préjudices. Il en est ainsi lorsque la
construction est nécessaire à l’exploitation d’une entreprise et que la
suspension des travaux aurait pour effet de retarder la mise en opération de l’entreprise.
Dans ce cas, toute imprudence dans la résiliation du contrat risque de faire
perdre à l’entreprise la réalisation de profits, en raison de la suspension des
travaux et du retard dans la mise en œuvre de ses opérations.
2208. Il convient
de rappeler qu’advenant la résiliation du contrat par l’entrepreneur ou le
prestataire de services, le client doit, conformément à la règle prévue à l’article
1479 C.c.Q., réduire la plus possible ses dommages. Il devra ainsi faire tout
ce qui est possible pour trouver un autre entrepreneur, et ce, dans les
meilleurs délais, afin de compléter les travaux qui ont été suspendus ou
abandonnés par l’entrepreneur initial. Cela dit, le
client doit agir avec diligence à partir du moment où il est avisé de la
décision de l’entrepreneur ou du prestataire, et ce, afin de trouver un remplaçant
et d’éviter les risques qui résultent de la suspension des travaux.
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5. Distinction
avec la résiliation pour faute selon les règles de droit commun
2209. Lorsque la résiliation du contrat est justifiée par un motif sérieux, l’entrepreneur
ou le prestataire de services pourra alors réclamer une indemnité seulement
selon les dispositions de l’article 2129 C.c.Q. Il importe de noter que par ce
régime particulier d’indemnisation, le législateur a voulu protéger davantage
le client en limitant sa responsabilité financière, et ce, même si l’entrepreneur
ou le prestataire de services avait un motif valable qui justifie la
résiliation du contrat. Ainsi, les règles applicables en matière d’indemnisation
(art. 1607, 1611 et 1613 C.c.Q.) ne rencontrent par leur application à moins
que la résiliation du contrat ne soit faite selon les règles de droit commun en
raison d’une faute commise par le client et que les conditions requises par ces
règles ne soient remplies, notamment celles prévues par les articles 1590,
1595, 1604 et 1605 C.c.Q.
2210. L’entrepreneur
ou le prestataire de services peut procéder à la résiliation du contrat selon
les règles de droit commun et ainsi réclamer une compensation qui sera
déterminée selon les critères établis aux articles 1607, 1611 et 1613 C.c.Q. à
condition qu’une telle résiliation remplisse les conditions requises en matière
de résiliation du contrat pour faute. Ainsi, lorsque le défaut du client est
important et constitue une faute contractuelle, l’entrepreneur ou le prestataire
de services peut se prévaloir de son droit à la résiliation du contrat selon
les règles de droit commun (art. 1590, 1604 et 1605 C.c.Q.). Il doit d’abord
mettre le client en demeure de remédier à son défaut dans un délai raisonnable
et l’aviser de son intention de procéder à la résiliation du contrat s’il ne se
conforme pas à sa demande.
2211. Il ne faut donc pas interpréter les articles 2126
et 2129 C.c.Q.
comme une règle faisant obstacle à l’exercice du droit à la résiliation selon
les règles de droit commun lorsque le client commet une faute justifiant une
telle résiliation. Cependant, l’entrepreneur ou le prestataire de services doit
faire son choix et ainsi aviser le client par écrit de la décision qu’il entend
prendre pour mettre fin au contrat, soit en vertu de l’article 2126 C.c.Q., soit selon les règles prévues aux
articles 1590, 1602, 1604 et 1605 C.c.Q.
2212. D’ailleurs,
il est inconcevable de donner à l’article 2126 C.c.Q. une interprétation
différente que celle donnée par la jurisprudence et la doctrine à l’article 2125 C.c.Q., qui accorde un choix au client
entre la résiliation unilatérale prévue à l’article 2125 C.c.Q. et la
résiliation selon les règles de droit commun advenant une faute commise par l’entrepreneur
ou le prestataire de services dans l’exécution de son
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contrat. Ces derniers
doivent bénéficier de la même option en cas de faute commise par le client.
Ainsi, on ne peut pas appliquer deux poids, deux mesures dans les mêmes
circonstances. Cela dit, on doit permettre à l’entrepreneur ou au prestataire
de services de se prévaloir des règles applicables en droit commun prévoyant le
droit d’une partie contractante à la résiliation de son contrat pour la faute
commise par son cocontractant lorsque les conditions requises pour l’exercice
de ce droit sont remplies.
6. Recours
en injonction
2213. L’exercice du droit à la résiliation unilatérale par l’entrepreneur ou
le prestataire de services donne au client un droit à une action en
dommages-intérêts. En général, ce dernier ne peut exercer un recours en
injonction pour forcer l’entrepreneur ou le prestataire de services à reprendre l’exécution en nature de
son contrat résilié, à moins que cette
résiliation ne soit injustifiée.
2214. Il importe, cependant, de ne pas exclure la possibilité de recourir à
la demande en injonction dans certaines situations exceptionnelles. En effet,
le client peut se trouver, suite à la résiliation du contrat, dans une
situation où la perte de son projet est éminente, alors qu’il a de la
difficulté à trouver un autre entrepreneur ou prestataire de services apte à
compléter l’exécution du contrat. Il peut aussi s’agir d’une situation urgente où le seul moyen d’éviter la
perte de l’ouvrage est la reprise des travaux par l’entrepreneur, au moins temporairement.
Une demande en injonction peut être renforcée et justifiée davantage lorsque l’entrepreneur
est insolvable et qu’un jugement le condamnant à payer une indemnité sera
illusoire ou inutile, compte tenu de l’ampleur des dommages ou des pertes à
subir par le client si l’exécution du contrat n’est pas reprise immédiatement.
Il va de soi que dans le cas d’une résiliation du contrat à contretemps, le
droit à l’injonction devient évident eu égard au préjudice que le client risque
de subir si l’exécution des travaux n’est pas reprise immédiatement.
7. Clause
relative à la résiliation du contrat
2215. Il arrive que le contrat d’entreprise ou de prestation de services contienne une clause qui encadre le
droit des parties à la résiliation
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de leur contrat. La
validité d’une telle clause peut être mise en question lorsqu’elle se limite à
énoncer que l’entrepreneur ou le prestataire de services peut résilier son
contrat, sans avoir un motif sérieux et raisonnable qui justifie sa décision.
Une telle clause ne produit pas ses effets et ne peut donc permettre à l’entrepreneur
ou au prestataire de services de résilier son contrat sans se conformer aux
conditions requises par l’article 2126 C.c.Q., notamment l’existence d’un motif sérieux. En effet, peu importe
les termes choisis dans la rédaction de cette clause, l’entrepreneur ou le
prestataire de services ne peut procéder à la résiliation de son contrat de
manière à contourner l’application de cette disposition quant aux critères et
conditions requis à la validité de sa décision.