SECTION III - DE LA RÉSILIATION
DU CONTRAT
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SECTION
III - RESILIATION OF THE CONTRACT
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Art. 2125. Le client peut, unilatéralement, résilier le contrat, quoique la
réalisation de l’ouvrage ou la prestation du service ait déjà été entreprise.
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Art. 2125. The client may unilaterally resiliate
the contract even though the work or provision of service is already in
progress.
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C.c.B.-C.
1691. Le
maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait pour la
construction d’un édifice ou autre ouvrage, quoique l’ouvrage soit déjà
commencé, en dédommageant l’entrepreneur de ses dépenses actuelles et de ses
travaux et lui payant des dommages-intérêts suivant les circonstances.
P.L. 125
2112. Le
client peut, unilatéralement, résilier le contrat, quoique la réalisation de l’ouvrage
ou la prestation de services ait déjà été entreprise (texte repris
intégralement par le C.c.Q.).
C.c.Q. : art. 1399, 1439, 1590, 1602, 1604, 1605, 1606,
1611, 1613, 2129.
C.p.c. : art. 509, 510, 639.
1. Introduction
2040. Cet
article accorde au client le droit de résilier unilatéralement le contrat d’entreprise
ou de service qu’il a conclu, et ce, même si l’exécution de ce contrat a déjà
été entamée. Sous le Code civil du Bas-Canada, ce droit était restreint
au contrat conclu à forfait pour la construction d’un ouvrage quelconque,
tandis que le Code civil du
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Québec a élargi ce droit à tous les contrats d’entreprise et de service,
qu’il s’agisse d’un contrat principal ou de sous-traitance.
Le client peut exercer son droit à la résiliation du contrat d’entreprise ou de
services même lorsque celui-ci est à durée déterminée ou indéterminée. Ainsi,
un contrat qui inclut un terme fixe ne peut être interprété comme une
renonciation par le client à son droit de résiliation du contrat.
2041. L’article 2125 C.c.Q. déroge, ainsi, au principe de la
force obligatoire des contrats (art. 1439 C.c.Q.). Ceci se justifie, entre autres,
par la nature même du contrat d’entreprise ou de prestation de services qui repose
sur les attentes particulières du client. En effet, ce type de contrat présente
souvent un caractère personnalisé que l’on qualifie intuitu
personae même s’il diffère
d’un contrat à l’autre. Également, cette
exception au principe de la force obligatoire des contrats se justifie par l’importance
des charges qui pèsent sur le client, ainsi que sur les risques économiques
inhérents à son projet. Ainsi,
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entre la date de la
conclusion du contrat et celle de sa mise en exécution des
travaux, la situation financière et économique du client peut avoir changé, ou
l’utilité du projet pourra devenir plus ou moins intéressante suite à l’évolution
de la conjoncture économique, à l’évolution technologique et au changement des
conditions du marché. Ces considérations économiques peuvent rendre le projet
moins rentable et sa continuation illusoire et désavantageuse.
2042. Il n’est pas nécessaire que le client justifie sa résiliation du
contrat par la preuve d’une faute commise par l’entrepreneur ou le prestataire
de services. À titre d’illustration,
la résiliation est également permise lorsqu’il n’y existe plus de lien de
confiance entre les contractants, notamment en raison d’un manque de loyauté de
l’un des contractants envers l’autre. Le
législateur permet ainsi au client la résiliation unilatérale de ce contrat en
limitant sa responsabilité à indemniser l’entrepreneur ou le prestataire de
services selon les règles prévues à l’article 2129 C.c.Q., soit pour les travaux exécutés et les matériaux fournis avant
la résiliation en excluant bien sûr la possibilité d’une indemnité pour gains
manqués ou une autre indemnité.
2043. Rappelons que
le principe de la force obligatoire du contrat interdit la modification, la
résiliation ou la résolution d’un contrat valablement formé de la seule volonté
d’une des parties contractantes. Normalement, un
contrat qui se forme par un accord bilatéral ne peut être modifié, résolu ou
résilié à moins qu’un nouvel accord n’intervienne à cet effet entre les parties
contractantes. Or, dans le cas du contrat d’entreprise ou de prestation des
services, puisque le client prend souvent en charge tous les risques financiers
de l’exécution de l’ouvrage, le législateur a voulu privilégier le client par
rapport à l’entrepreneur ou au prestataire de services en lui accordant le
droit de mettre fin au contrat unilatéralement
sans avoir à motiver sa décision.
2044. Ainsi, le
client peut se rendre compte, après la conclusion du contrat, que l’exécution
de celui-ci risque d’être beaucoup plus onéreuse qu’initialement prévu ou peut
apprendre la découverte d’une nouvelle technologie rendant déjà désuet l’ouvrage
devant être construit.
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Plusieurs
motivations peuvent donc être la
cause de la décision du client de résilier le contrat d’entreprise. Le client
peut se voir confronté après la conclusion du contrat à
une situation économique ou financière difficile, le forçant ainsi à abandonner son projet en résiliant ce contrat même s’il
n’a rien à reprocher à l’entrepreneur.
2045. Le client
doit cependant exercer son droit à la résiliation de bonne foi
et sa décision doit être communiquée immédiatement à l’entrepreneur ou au
prestataire de services qui, autrement, poursuivrait l’exécution de son contrat.
Tout retard dans l’envoi de l’avis de résiliation à l’entrepreneur ou au
prestataire de services pourra aussi retarder la date de la fin des travaux.
Ainsi, le client qui n’a pas informé l’entrepreneur de sa décision de résilier
le contrat aussitôt qu’elle a été prise doit s’attendre à des conséquences très
importantes, quant au point de départ des délais légaux prévus pour l’inscription
et la conservation de l’hypothèque
légale (art. 2727 C.c.Q.). Même les montants des indemnités devant être payés
en raison d’une résiliation unilatérale exercée en vertu de l’article 2125
C.c.Q. (art. 2129 C.c.Q.) seront déterminés à la date de la signification de l’avis
de résiliation pour couvrir les travaux ou les prestations exécutés avant cette
date.
2046. Il importe cependant de souligner que le droit à la résiliation du
contrat peut faire l’objet d’une entente entre les parties. Aux termes
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d’une telle entente,
le client peut accepter que son droit à la résiliation soit
restreint à certains cas
particuliers ou renoncer à ce droit, de manière non équivoque, dans la
mesure où certaines conditions de validité seront remplies.
2047. Rappelons que les contrats de prestation de services peuvent être des
contrats de consommation devant être régis par la Loi sur la protection du
consommateur. Ils doivent alors être conformes aux règles particulières
prévues dans cette loi, notamment aux exigences de forme requises par les
articles 23, 30 et 190 L.p.c. qui prévoient que le contrat soit fait par écrit
et qu’une copie de celui-ci soit remise au consommateur.
2048. D’ailleurs, le droit à la résiliation unilatérale du contrat sans motif
prévu à l’article 2125 C.c.Q. est
également reconnu par l’article 195 L.p.c. Cette disposition limite cependant les réclamations de l’entrepreneur
ou du prestataire de services du consommateur ayant résilié son contrat après
le début de son exécution, au prix des services fournis et à la moins élevée
des sommes correspondant à 50 $ ou à 10 % des services
procurés. À titre d’exemple, le propriétaire d’une garderie privée non
subventionnée agit à titre de commerçant qui propose à ses clients un contrat
de service à exécution successive. Lors de la résiliation du contrat par les
parents, ceux-ci ont l’obligation de payer le prix des services
fournis, y compris la proportion des vacances payées
auxquelles le commerçant a droit selon le contrat, puisque ce droit se gagne
progressivement dans le temps, et est donc assimilé au salaire.
2. Personnes
pouvant exercer la résiliation unilatérale sans motif : la notion de client
2049. Il est
important de se demander qui peut se prévaloir du droit à la résiliation
unilatérale sans motif prévu à l’article 2125 C.c.Q. Autrement dit, doit-on
élargir la liste des personnes pouvant résilier unilatéralement le contrat d’entreprise
ou de prestation de services pour englober l’entrepreneur ou les
sous-entrepreneurs dans leurs relations avec les sous-traitants ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord
prendre en considération les objectifs qui étaient à l’origine de ce droit
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attribué par le législateur au
client. Rappelons que parmi ces objectifs on peut citer
les changements dans la situation financière du client, ainsi que l’utilité de
l’ouvrage à réaliser, qui peut apparaître après la conclusion du contrat moins
intéressante pour le client. À cela s’ajoutent évidemment les changements
technologiques, que ce soit quant aux équipements à incorporer ou bien quant
aux procédés de fabrication, de sorte qu’après la conclusion du contrat, le
client constate que l’ouvrage tel que conçu pourra difficilement répondre à ses
besoins ou remplir ses objectifs. Il semble donc que le législateur a prévu le
droit à la résiliation du contrat afin de permettre au maître de l’ouvrage de
ne plus poursuivre son projet compte tenu des nouvelles circonstances et des
nouveaux changements sur le plan financier, économique et technologique. Ce
droit à la résiliation ne peut donc être utilisé pour résilier sans motif le
contrat conclu par un entrepreneur avec un sous-traitant et surtout lorsqu’il a
procédé à cette résiliation pour pouvoir confier le même contrat avec le même
projet à un autre sous-traitant.
2050. Les tribunaux, dans leur recherche de la définition à donner au mot « client », doivent tenir compte non seulement des objectifs qui étaient à l’origine
de l’introduction de ce droit à la résiliation unilatérale, mais aussi du fait
que ce droit constitue une exception à un principe fondamental sur lequel est
fondé notre droit contractuel, soit le principe de la force obligatoire du
contrat. Cette exception ne peut recevoir une interprétation large pour étendre
son application à toute personne qui conclut un contrat avec un entrepreneur ou
un sous-traitant. En d’autres mots, il ne faut pas considérer l’entrepreneur
comme un client au sens de l’article 2125 C.c.Q. pour lui permettre de résilier
unilatéralement et sans motif le contrat qu’il a conclu avec un sous-traitant.
Les relations contractuelles entre un entrepreneur général et un sous-traitant
doivent être régies par les principes établis à l’article 1439 C.c.Q., qui
prévoit la force obligatoire du contrat et interdit toute modification,
résolution ou résiliation unilatérale de ce contrat. D’ailleurs, il est
inconcevable que l’entrepreneur procède à la résiliation unilatérale sans motif
du contrat intervenu avec un sous-traitant alors que le projet du propriétaire
de l’ouvrage est toujours en cours et que cette résiliation n’a pour but que de
remplacer ce sous-traitant par un autre.
2051. L’entrepreneur
ne doit aucunement être autorisé à résilier unilatéralement son contrat avec un
sous-traitant s’il n’a à reprocher à celui-ci aucune faute dans l’exécution de
ce contrat. Une telle résiliation doit toujours être fondée sur une cause et
faite selon les règles de droit commun. Cependant, il faut distinguer entre un
entrepreneur général qui agit en son nom et pour son propre compte dans ses
relations avec les sous-traitants et un entrepreneur qui agit à titre de gérant
du projet ou
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de mandataire du client
donneur d’ouvrage. Dans ce dernier cas, l’entrepreneur peut procéder à la
résiliation unilatérale du contrat sans motif puisqu’il agit à titre de
représentant du propriétaire de l’ouvrage et exerce les droits de celui-ci
prévus à l’article 2125 C.c.Q. De même, l’entrepreneur-promoteur du projet peut
se prévaloir du droit à la résiliation unilatérale sans motif lorsqu’il est en
fait le propriétaire et donneur d’ouvrage. La doctrine et la jurisprudence ont
toujours considéré le terme « client » comme désignant le
propriétaire de l’ouvrage. Il faut donc distinguer les situations où l’entrepreneur
n’agit qu’à ce seul titre et les cas où il est également le propriétaire de l’ouvrage.
2052. La Cour d’appel
s’est interrogée dans l’affaire Construction Injection EDM c. Gératek
sur la nature et les fondements de la résiliation par l’entrepreneur
général de son contrat avec les sous-traitants. Elle cherchait à déterminer s’il
s’agissait d’une résiliation pour cause ou d’une résiliation unilatérale sans
motif en vertu de l’article 2125 C.c.Q. Après avoir procédé à l’analyse des
questions de faits et de droit, la Cour d’appel n’a pas été en mesure de
conclure qu’il s’agissait d’une résiliation pour cause, en raison de l’absence
d’une mise en demeure donnée par l’entrepreneur au sous-traitant pour lui
permettre de remédier à son défaut avant la résiliation du contrat, mise en
demeure que prévoient les articles 1590 et 1595 C.c.Q. Bien que le
sous-traitant ait eu de la difficulté à exécuter les travaux selon la qualité
et la conformité escomptées, la Cour, en raison du non-respect des conditions
requises pour la résiliation du contrat, a considéré qu’il s’agissait d’une
résiliation unilatérale. Elle a toutefois nuancé cette qualification de la
résiliation prévue à l’article 2125 C.c.Q. par la sanction qu’elle a imposée à
l’entrepreneur en le condamnant à payer seulement la valeur des travaux qui
étaient utiles sans toutefois accorder au sous-traitant la valeur de tous les
travaux et les prestations exécutés.
2053. La complexité
des faits dans cette affaire a obligé la Cour d’appel à trouver une solution
équitable pour les deux parties, mais elle n’a pas vraiment appliqué les règles
du régime particulier prévu à l’article 2129 C.c.Q. en matière de contrat d’entreprise,
mais plutôt en appliquant les règles de droit commun en limitant le droit du
sous-traitant à une compensation pour les travaux dont a bénéficié l’entrepreneur
général. La décision de la Cour d’appel dans cette affaire ne doit pas être
interprétée ou considérée comme une reconnaissance par la
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Cour d’appel au droit
de l’entrepreneur général de se prévaloir du droit à la résiliation unilatérale
sans motif prévu à l’article 2125 C.c.Q..
3. Limites
au droit à la résiliation : la
règle de bonne foi
2054. Bien que l’article 2125 C.c.Q.
confère au client le droit de résilier le contrat d’entreprise ou de prestation
de services sans avoir à motiver ou justifier sa décision, ce droit ne peut
être exercé de mauvaise foi et de manière déraisonnable. Il ne s’agit pas d’un
droit absolu, mais comme tout autre droit dans une société civilisée, il doit
être exercé par le client de façon conforme aux exigences de bonne foi.
2055. Le droit à la résiliation unilatérale du contrat est un privilège et un
pouvoir discrétionnaire que la loi accorde au client à condition qu’il l’exerce
conformément aux exigences de bonne foi. Il faut donc
faire une distinction entre la non-nécessité d’une justification ou d’un motif
pour la résiliation et l’exercice déraisonnable ou l’utilisation abusive par le client de son droit à la
résiliation unilatérale. Ainsi, la résiliation
du contrat ne sera pas conforme aux prescriptions des articles 6, 7 et 1375
C.c.Q. lorsqu’elle a été décidée par le client dans le but de tester à nouveau
le marché et d’obtenir une diminution du coût du projet.
2056. Chaque cas constitue un cas d’espèce et le tribunal saisi d’un litige
résultant d’une résiliation d’un contrat d’entreprise ou de prestation de
services doit tenir compte de circonstances ayant entouré cette résiliation
pour déterminer s’il y a eu faute lors de l’exercice de ce droit.
Même si le droit à la résiliation unilatérale est prévu dans la
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loi, ce droit comme
tout autre droit doit être exercé en
conformité avec les règles de bonne foi. Tout exercice de ce droit de manière
déraisonnable ou abusive pourrait engager la responsabilité du client pour les
dommages causés à l’entrepreneur ou au prestataire de services selon les règles
de droit commun régissant la responsabilité contractuelle et non pas selon les
règles prévues à l’article 2129 C.c.Q.
2057. Le tribunal peut toujours tenir compte des motifs ayant amené le client
à mettre fin à son contrat. Ainsi, certains contrats conclus avec des
organismes publics ou parapublics et qui sont devenus avec le temps des
contrats à durée indéterminée peuvent être résiliés lorsque la continuité du
contrat et son maintien en vigueur vont à l’encontre des dispositions
législatives régissant cet organisme.
2058. Le client qui décide de résilier son contrat en toute bonne foi ou pour
un motif fondé et légitime, sans l’intention de nuire à son cocontractant,
verra sa responsabilité déterminée selon les règles prévues à l’article 2129 C.c.Q. En d’autres mots, l’entrepreneur ou
le prestataire de services ne peut obtenir une indemnité en raison de la
résiliation du contrat que pour les dommages et les préjudices prévus par ce
dernier article. Cette responsabilité sera cependant plus étendue lorsque le
comportement du client lors de la résiliation du contrat était déraisonnable ou
abusif allant ainsi à l’encontre des exigences de bonne foi, surtout lorsqu’une
telle résiliation peut être difficilement qualifiée d’un exercice légitime d’un
droit.
2059. Une résiliation du contrat de prestation de services à un stade avancé
de son exécution pourra être considérée déraisonnable, abusive et faite de
façon contraire aux règles de bonne foi lorsque le client utilise le travail du
professionnel après cette résiliation, sans le rémunérer. Il peut arriver qu’un
client mette fin à un contrat de prestation de services ou d’entreprise une
fois qu’il est en mesure de se servir du travail déjà fait et continuer son
projet à l’avenir en évitant de payer le professionnel pour le reste de son
contrat ou bien le faire compléter par des tiers à des coûts inférieurs.
Il ne faut pas tolérer ce genre de manœuvres et ainsi permettre à un client de
se prévaloir de l’article 2125 C.c.Q.
pour mettre fin au contrat, d’une part, et invoquer l’article 2129 C.c.Q. pour limiter, d’autre part, sa
responsabilité financière au paiement des prestations déjà fournies ou du
travail accompli au moment
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de la résiliation tout
en profitant de ce travail après la résiliation. Dans semblables situations, le
tribunal peut condamner le client à payer une indemnité pour le gain manqué ou
à verser un certain montant à titre d’honoraires pour les prestations ou le
travail auxquels le prestataire de services ou l’entrepreneur aurait eu droit
si la résiliation du contrat n’avait pas eu lieu.
2060. Ce droit à la
résiliation qui existait déjà sous l’ancien Code civil a toujours été
interprété comme une protection pour le client afin de lui permettre de mettre
fin à un contrat devenu inutile ou désavantageux pour lui.
Ceci doit s’inscrire dans l’optique où le client assume généralement les coûts
afférents à ce type précis de contrat. Cependant, ce droit ne peut être exercé
par le client de manière fautive et préjudiciable pour l’entrepreneur ou le
prestataire de services.
2061. Le même raisonnement doit être adopté lorsque le client invoque un acte
à caractère criminel pour mettre fin au contrat alors qu’aucune accusation n’a
encore été portée au pénal à l’encontre de son contractant, et ce, sans faire
une enquête approfondie ou encore sans accorder la chance au contractant d’être
entendu. Même lorsqu’il y a des accusations au pénal, le client doit, dans l’exercice
de son droit à la résiliation unilatérale, agir avec prudence, prendre
certaines précautions élémentaires et s’abstenir de formuler un jugement à l’égard
de l’entrepreneur ou du prestataire de services avant de connaître le résultat
d’une telle accusation par une décision rendue par les tribunaux. Autrement, la
résiliation du contrat par le client sera considérée comme abusive et
intempestive, donnant ainsi droit au contractant à une indemnité qui sera
déterminée selon les règles de droit commun applicables en matière d’indemnisation.
2062. Sauf dans des cas exceptionnels, le client qui met fin à un contrat d’entreprise
ou de prestation de services ne peut invoquer, à la fois, une faute
contractuelle commise par l’entrepreneur ou le prestataire de services dans l’exécution
du contrat et son droit à la résiliation sans motif prévue à l’article 2125
C.c.Q.. Il s’agit, comme nous
le
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verrons, de deux
mécanismes de résiliation différents assujettis à des conditions prévues dans
des règles différentes.
2063. Le droit à la résiliation prévu à l’article 2125
C.c.Q. doit donc être exercé de façon raisonnable et
conforme aux exigences de bonne foi. Ainsi, le client ne peut s’en prévaloir
afin d’enlever au prestataire de services sa rémunération ou la contrepartie
qui lui revient alors qu’il a déjà exécuté ses prestations. Il en est ainsi
lorsque le client décide de résilier son contrat, mais que des services ont
déjà été accomplis par le prestataire de services. Dans ce cas, le client devra
payer au prestataire de services la rémunération prévue pour le travail qu’il a
déjà exécuté.
2064. Tel est notamment le cas lorsqu’un courtier conclut un contrat de
démarchage avec une compagnie d’assurance en vertu duquel cette dernière s’engage
à lui payer une commission, assimilable à des primes payables et réparties sur
toute la durée des polices vendues. Ainsi, la résiliation du contrat par la
compagnie d’assurance ne saurait mettre fin au paiement des commissions
afférentes aux contrats déjà conclus par le courtier avant la résiliation de
son contrat par l’assureur. Il serait totalement aberrant que la compagnie d’assurance
puisse bénéficier des contrats d’assurance conclus avec des assurés et qui
génèrent des primes grâce aux services de démarchage du courtier sans toutefois
payer à ce dernier la commission convenue ou la contrepartie qui lui revient.
4. Restrictions
et limites prévues dans le contrat : clause de préavis
2065. Une question revient souvent devant les tribunaux concernant l’obligation
du client de donner un préavis à l’entrepreneur ou au prestataire de services
lorsqu’il décide de résilier le contrat en vertu de l’article 2125 C.c.Q. Cette
question doit être réglée selon les stipulations du contrat faisant l’objet d’une
décision de résiliation unilatérale tout en tenant aussi compte de l’objectif
visé par l’article 2125 C.c.Q.
2066. À première vue, et en l’absence d’une clause contractuelle stipulant un
préavis de résiliation d’un délai déterminé, le client en principe n’est pas tenu de donner un préavis d’un
délai quelconque à
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l’entrepreneur ou au
prestataire de services à moins qu’exceptionnellement la règle de bonne foi l’en oblige afin d’éviter
que l’exercice de son droit ne soit considéré déraisonnable. Le client n’est
donc pas tenu de transmettre à son cocontractant un préavis de résiliation d’un
délai quelconque puisqu’en fait il n’exerce qu’un droit strict que lui confère l’article 2125 C.c.Q.
2067. Toutefois, la
règle prévue à cet article n’est pas d’ordre public et les parties peuvent
inclure dans leur contrat une clause stipulant la nécessité de transmettre un
préavis de résiliation d’un délai déterminé avant qu’une telle résiliation n’entre
en vigueur. Le client doit se conformer à cette clause et donner le préavis de
résiliation tout en respectant le délai prévu à cet effet. En agissant
autrement, il pourra voir sa responsabilité engagée envers l’entrepreneur ou le
prestataire de services pour des préjudices qui ne sont pas normalement
accordés en vertu de l’article 2129 C.c.Q.
2068. À titre d’illustration, dans le cas d’un contrat de prestation de
services conclu avec un avocat, le client peut mettre fin à leur relation sans
transmettre préalablement un préavis lorsque le contrat ne contient aucune
obligation à cet effet. Le Code de déontologie des avocats ne permet pas
à l’avocat de limiter le droit de son client de consulter un de ses collègues.
2069. Ainsi, le
client n’a pas l’obligation de transmettre un préavis à son avocat lorsque le
contrat ne contient aucune clause à cet effet puisqu’agir autrement reviendrait
à limiter le droit du client de choisir l’avocat qui le représentera. Également,
le client qui résilie le contrat intervenu avec un avocat n’a aucune obligation
de payer une indemnité à ce dernier, mais il doit cependant payer pour le
travail et les services déjà rendus. Dans le cas d’une
clause insérée dans le contrat et stipulant le paiement d’une indemnité, la
validité de cette clause peut être mise en question lorsque le client n’a pas
été renseigné adéquatement sur la portée de cette clause et les conséquences
qui en découlent. En l’absence d’une renonciation expresse au droit à la
résiliation unilatérale par le client, le tribunal ne doit pas hésiter à
déclarer nulle une clause prévoyant le paiement d’une indemnité qui dépasse de
loin celle prévue à l’article 2129 C.c.Q.
2070. Il arrive qu’une
clause contractuelle soit rédigée avec des termes qui laissent entendre que le
client doit dans un premier temps aviser l’entrepreneur ou le prestataire de
services de son intention de résilier le contrat et par la suite lui faire
parvenir un préavis de
[Page 789]
résiliation tout en lui
donnant le délai prévu dans cette clause. Il nous semble que la résiliation du
contrat ne doit pas nécessairement se faire en deux étapes, mais au contraire,
le client peut à la fois aviser l’entrepreneur ou le prestataire de services de
sa décision de résilier unilatéralement le contrat tout en indiquant que cette
résiliation entre en vigueur à l’expiration du délai prévu dans la clause
contractuelle.
2071. Que le
contrat contienne une clause relative à la résiliation du contrat ou en l’absence
d’une telle clause, toute résiliation unilatérale par le client doit être faite
en conformité avec les règles de bonne foi. En effet, le droit à la résiliation
unilatérale, qu’il soit prévu dans le contrat ou dans la loi, ne peut être
exercé comme tout autre droit que de manière raisonnable et prudente afin d’éviter
que l’autre partie ne subisse un préjudice quelconque.
5. Nécessité pour le client d’envoyer
un avis à l’entrepreneur
2072. Enfin, il
importe de faire une distinction entre l’obligation du client de donner à l’autre
partie un préavis de résiliation unilatérale du contrat d’entreprise ou de
prestation de services et l’obligation d’envoyer un avis afin d’informer l’entrepreneur
ou le prestataire de services de sa décision unilatérale de résilier le contrat.
Rappelons que le client n’est pas tenu en principe à donner un préavis de
résiliation avec un délai lorsque cette résiliation est faite en vertu de l’article
2125 C.c.Q., à moins que le contrat ne contienne une stipulation exigeant ce
préavis. Par contre, le client doit transmettre à l’entrepreneur ou au
prestataire de services un avis pour l’informer de sa décision de mettre fin au
contrat. Cet avis prendra effet et sera opposable à l’entrepreneur ou au
prestataire de services dès sa réception.
2073. Par ailleurs,
un client ne se donne pas une conduite conforme aux exigences de bonne foi,
lorsqu’il décide de résilier son contrat de façon unilatérale sans transmettre
à temps un avis à son cocontractant. Il manque ainsi à son obligation de bonne
foi, notamment à l’obligation de renseigner ce dernier et de coopérer avec lui
en toute loyauté. Il pourra alors être tenu de réparer le préjudice subi par l’entrepreneur
ou le prestataire de services y compris les dommages résultant des troubles et
des inconvénients ainsi que la perte de temps, sans toutefois inclure la perte
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de profits futurs ou
anticipés, comme le prévoit le dernier alinéa de l’article 2129 C.c.Q..
2074. Il est de l’intérêt
du client de transmettre à l’entrepreneur ou au prestataire de services, et ce,
dans le meilleur délai, un avis l’informant de sa décision relative à la
résiliation du contrat. Tout retard dans l’envoi de cet avis peut engager la
responsabilité du client pour les dommages et les préjudices qui seront subis
par l’entrepreneur ou le prestataire de services. En effet, en raison de ce
retard, l’entrepreneur ou le prestataire de services peut continuer l’exécution
de ses prestations ou la préparation d’une telle exécution en investissant du
temps ou faisant l’acquisition des biens nécessaires à cette exécution. De
même, l’entrepreneur ou le prestataire de services pourrait obtenir un contrat
ailleurs, mais a raté une telle opportunité puisqu’il n’a été informé que
tardivement de la décision de résiliation du contrat par le client. Il est donc
difficile d’admettre que le client n’est pas tenu d’informer son cocontractant
aussitôt que sa décision de mettre fin au contrat est prise.
2075. En effet, le
défaut de transmettre à temps l’avis de résiliation peut faire croire à l’entrepreneur
ou au prestataire de services qu’il a toujours un contrat, et en conséquence,
ce dernier continuera à préparer et à planifier son exécution par l’achat ou la
location des biens nécessaires à cette exécution. Nous sommes d’avis que le
client qui désire limiter sa responsabilité envers l’entrepreneur ou le
prestataire de services à l’indemnité
prévue à l’article 2129 C.c.Q. a intérêt à aviser ce dernier le plus tôt
possible de sa décision de résiliation puisque tout retard dans la transmission
de sa décision pourra avoir des conséquences sur la portée et l’étendue de sa
responsabilité.
2076. Enfin, il importe de rappeler que l’article 2125
C.c.Q. s’applique seulement à la résiliation totale du
contrat, c’est-à-dire à la suppression définitive des travaux qui n’étaient pas encore effectués au moment de
la résiliation. Ainsi, le client ne
peut mettre fin au contrat
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et, peu de temps après, reprendre la réalisation
de son projet avec un autre prestataire de services ou
un autre entrepreneur.
6. Poursuite
des travaux par l’entrepreneur suite à l’avis ou au préavis de résiliation du
client
2077. Lorsque le contrat ne contient aucune clause prévoyant l’obligation du
client de donner à l’entrepreneur ou au prestataire de services un préavis d’un
délai déterminé, ce dernier doit se conformer à l’avis de résiliation donné par
le client et cesser toute exécution du contrat. Advenant le cas où l’entrepreneur
ou le prestataire de services ne se conforme pas à l’avis de résiliation, il ne
pourra obtenir une compensation pour
le travail exécuté ou les prestations fournies après la réception de l’avis.
Cependant, dépendamment de la nature de l’ouvrage, de l’état de son exécution,
certains travaux ou prestations peuvent être nécessaires à la protection de la
partie de l’ouvrage déjà exécutée ou pour finaliser celle-ci afin de donner une
valeur ou une utilité à ce qui est déjà réalisé. Dans ce dernier cas, l’entrepreneur
ou le prestataire de services pourra réclamer une compensation pour les prestations
ainsi exécutées après la réception de l’avis.
2078. Afin d’éviter toute contestation de la part du client pour une telle
réclamation, il est de l’intérêt de l’entrepreneur ou du prestataire de
services d’aviser le client de la nécessité et de l’utilité de compléter
certains travaux et d’obtenir ainsi son consentement. Si ce dernier refuse de
consentir à ces travaux nécessaires, l’entrepreneur ou le prestataire de
services doit en premier temps l’aviser qu’il se dégage de toute responsabilité
pour la perte ou les dommages qui pourront être causés à la partie déjà
exécutée et advenant le refus persistant du client, ces derniers doivent s’abstenir
de faire quelque travail que ce soit.
2079. Par ailleurs, le client ayant notifié à l’entrepreneur ou au prestataire
de services la résiliation unilatérale de son contrat peut exercer un recours
en injonction afin d’empêcher ce dernier de poursuivre la réalisation de l’ouvrage
faisant l’objet du contrat d’entreprise ou de continuer à fournir ses
prestations. Ainsi, lorsqu’un entrepreneur ou prestataire de services ayant
été avisé de la décision du client de résilier le contrat refuse de mettre fin
à son exécution, ce dernier peut s’adresser à la Cour supérieure par une
demande en injonction interlocutoire (art. 509 et suiv. C.p.c.) et obtenir une
ordonnance, provisoire ou
[Page 792]
permanente pour faire
cesser toute violation de sa décision relative à la résiliation du contrat.
2080. En cas d’urgence, le tribunal peut faire droit à la demande d’injonction
interlocutoire, même avant la signification. Il faut noter que dans ce
contexte, l’injonction interlocutoire ne peut excéder 10
jours sans le consentement des parties.
Par ailleurs, l’arbitre saisi du litige peut en cas d’urgence, même avant la
notification, émettre une ordonnance provisoire pour une durée qui n’excède pas
20 jours.
Ainsi, en présence d’une clause d’arbitrage excluant la juridiction des
tribunaux de droit commun, le client peut se saisir d’un arbitre une fois que
les formalités requises à la constitution du tribunal d’arbitrage sont
complétées. Cependant, la clause d’arbitrage doit couvrir également le litige
résultant d’une résiliation du contrat en vertu de l’article 2125 C.c.Q.
7. Distinction
entre la résiliation pour faute et la résiliation unilatérale
2081. La question qui se pose souvent est de savoir si le client ayant
résilié le contrat d’entreprise ou de prestation de services pour une faute qu’il
reproche à l’entrepreneur ou au prestataire de services peut en cas où il
échoue dans sa preuve de la faute reprochée, invoquer son droit à la
résiliation unilatérale du contrat sans motif, tel que prévu à l’article 2125 C.c.Q..
En principe, cette possibilité ne doit être refusée par le tribunal qu’en cas
de mauvaise foi du client. Rappelons que les conditions d’exercice de ces deux
régimes sont différentes, ainsi que les sanctions qui seront imposées. Il
importe donc pour le client de se prévaloir de l’un ou l’autre de ces régimes,
dépendamment des circonstances propres à la situation.
2082. La
résiliation du contrat pour faute et les conséquences d’une telle résiliation
sont régies par les règles de droit commun applicables en matière de
responsabilité contractuelle prévues aux articles 1590,
1602, 1604 et 1605 C.c.Q.. Ainsi, lorsqu’il y a
une faute ou un
[Page 793]
défaut de la part de l’entrepreneur
ou du prestataire de services, le client a intérêt à résilier son contrat selon
les mécanismes prévus aux règles de droit commun.
Une telle résiliation justifiée par la faute commise permet au client de
réclamer une indemnité pour les dommages, pour la perte et le préjudice qui
résultent de cette faute. En effet, le tribunal qui conclut que la résiliation
du contrat par le client était justifiée par une faute commise en rapport avec
l’exécution des travaux par l’entrepreneur, doit accorder des dommages-intérêts
au client selon les règles de droit commun applicables en matière de
responsabilité contractuelle, notamment celles prévues aux articles 1611 et 1613 C.c.Q.. Ainsi, le tribunal
doit appliquer les règles régissant la résiliation pour faute et non pas celles
de la résiliation unilatérale prévue aux articles 2125 et 2129 C.c.Q.
2083. La résiliation unilatérale sans motif donne lieu à l’application du
régime particulier en matière de compensation prévu à l’article 2129 C.c.Q. Rappelons que le client qui se
prévaut de son droit à la résiliation du contrat en vertu de l’article 2125
C.c.Q. n’a pas à motiver sa décision par une faute commise par l’entrepreneur
ou le prestataire de services. Il peut, ainsi, l’exercer
même s’il n’a rien à reprocher à ces derniers relativement à l’exécution du
contrat.
2084. Notons que les règles régissant le droit à la résiliation du contrat
pour faute ainsi que celles régissant le droit à la résiliation sans motif ne
sont pas d’ordre public de direction. Les parties peuvent donc stipuler des
conditions devant être remplies pour pouvoir les exercer ou stipuler la
renonciation par le client à ces droits par une clause contractuelle rédigée en
termes clairs et précis.
[Page 794]
A. Résiliation de mauvaise foi sous
prétexte d’une faute commise
2085. Le droit à la
résiliation prévu à l’article 1605 C.c.Q. diffère de celui accordé par le
législateur à l’article 2125 C.c.Q. non seulement quant aux procédures à suivre
et la preuve requise, mais aussi quant aux conséquences qui en découlent. D’abord,
il ne faut pas permettre au client de tenter sa chance ou d’exercer de mauvaise
foi son droit à la résiliation du contrat sous un prétexte mal fondé ou qui
apparaît insuffisant, et ce, dans le but d’obtenir une indemnité de l’entrepreneur
ou du professionnel au lieu de mettre fin au contrat et être tenu à indemniser
ce dernier selon le régime établi
à l’article 2129 C.c.Q. Le tribunal qui constate que la résiliation du contrat
selon les règles de droit commun n’était pas justifiée et dénote à certains
égards un exercice déraisonnable et contraire aux exigences de bonne foi, peut
refuser au client sa demande subsidiaire de résiliation basée sur le droit
accordé à l’article 2125 C.c.Q..
2086. Lorsque les circonstances le justifient, le tribunal peut
exceptionnellement refuser à un client de bénéficier de ce régime particulier
qui limite le droit de l’entrepreneur ou du prestataire de services à une
compensation seulement pour certains chefs du préjudice. En effet, il ne faut
pas permettre au client d’invoquer subsidiairement l’article 2125 C.c.Q. suite
à son échec de faire la preuve de la faute invoquée à l’appui de sa décision de
résilier le contrat selon les règles du droit commun. Ce refus peut être
justifié par la preuve soumise et qui a démontré que la résiliation du contrat
pour faute non seulement était injustifiée, mais que la conduite du client
était contraire aux exigences de bonne foi. Il en est ainsi lorsqu’un client
soutient que l’entrepreneur n’a pas respecté ses obligations prévues au contrat
et souhaite, par conséquent, appliquer une clause contractuelle qui prévoit la
résiliation du contrat avec une sanction. Lorsque le client ne prouve pas la
faute ou le manquement de la part de l’entrepreneur à ses obligations et que la
preuve démontre que les comportements et la conduite du client constituent un exercice déraisonnable allant à
l’encontre des exigences de bonne foi, ce dernier ne doit pas avoir la
possibilité de se prévaloir
[Page 795]
subsidiairement d’une
demande de résiliation du contrat
en vertu de l’article 2125 C.c.Q..
2087. Pour déterminer si la résiliation du contrat selon les règles de droit
commun était justifiée par la faute commise par l’entrepreneur ou le
professionnel, le tribunal doit procéder à l’analyse des faits établis en
preuve et prendre en considération les circonstances ayant entouré la
résiliation. Parmi ces circonstances, le tribunal accorde de l’importance au
fait que le client ait envoyé une mise en demeure à son entrepreneur avant de
procéder à la résiliation de contrat. Il est bien reconnu par la jurisprudence
et la doctrine que la résiliation du contrat pour faute doit être précédée par
une demande formelle de la part du créancier exigeant de son débiteur de
remédier au défaut reproché. La mise en demeure doit contenir une énumération
ainsi qu’une description sommaire
des défauts reprochés à l’entrepreneur ou au prestataire de services.
2088. L’entrepreneur,
en tant que débiteur pour l’exécution des travaux, doit avoir une dernière
chance, avec un délai raisonnable, de remédier à son défaut avant d’être
poursuivi par son client. Le tribunal tient aussi compte de l’importance et de
la gravité du défaut reproché à l’entrepreneur. Il peut faire exception à l’exigence
d’une mise en demeure formelle (article 1595 C.c.Q.) lorsque l’entrepreneur a été avisé plusieurs fois par son
client en présence des témoins crédibles de son manquement et qu’il a bénéficié
d’explications précises données par ce dernier quant aux défauts reprochés. En
présence d’une preuve démontrant que plusieurs demandes verbales ont été
formulées par le client alors que les défauts reprochés sont nombreux, sérieux
et importants, l’absence d’une mise en demeure formelle ne doit pas être un
obstacle à l’action du client en dommages-intérêts compte tenu de l’ensemble
des circonstances. La patience du client pour obtenir les corrections
nécessaires par l’entrepreneur et le manquement important de celui-ci doivent
mener au rejet des moyens de défense fondés seulement sur le fait que l’action
en dommages-intérêts n’a pas été précédée par une mise en demeure.
2089. Le fondement
de l’action en dommages-intérêts devient évident lorsque l’entrepreneur avisé
de ses défauts quitte le chantier sans manifester son intention de faire les
travaux correctifs. Dans ce cas, on
[Page 796]
peut conclure à une demeure de plein droit en considérant le départ de l’entrepreneur du chantier sans donner aucune réponse comme une manifestation de son intention
de ne pas remplir son obligation.
2090. À partir du moment où le tribunal conclut que les motifs invoqués par
le client sont valables et justifient le recours à un tiers pour faire les
travaux de réparation, il peut accueillir l’action en dommages-intérêts du
client en appliquant à la situation que les règles relatives
à la responsabilité contractuelle. En d’autres termes,
lorsque les faits établis en preuve démontrent qu’une faute a été commise par l’entrepreneur
ou le professionnel lors de l’exécution de ses obligations, le régime
particulier prévu à l’article 2129 C.c.Q. ne s’applique pas étant donné que ce
régime se limite dans son application à une résiliation unilatérale en vertu de
l’article 2125 C.c.Q. En un tel
cas, le client ayant résilié le contrat pour faute a droit à une compensation
pour les dommages et les pertes subies et qui sont les conséquences de cette
faute contrairement à une résiliation unilatérale sans motif en vertu de cette
disposition où c’est le client qui sera obligé d’indemniser l’entrepreneur ou
le prestataire de services, notamment en lui payant le coût des travaux
exécutés ou de prestations fournies ainsi que le prix des biens et des
équipements achetés, mais qui ne sont pas utilisables ailleurs pour un autre
projet.
2091. Dans certains cas et lorsque les circonstances le justifient, le client
ayant résilié son contrat au motif que l’entrepreneur ou le prestataire de
services avait commis une faute lors de l’exécution du contrat ne doit pas être
autorisé par la suite à se prévaloir de la disposition de l’article 2125 C.c.Q. lorsque la preuve démontre que le
but du client de résilier le contrat était de se soustraire à ses obligations
contractuelles. Dans ce cas, le client doit être condamné à payer à l’entrepreneur
ou au prestataire de services non seulement la valeur des travaux exécutés ou
des prestations fournies, mais aussi un montant supplémentaire à titre de
dommages-intérêts surtout lorsque la preuve révèle aussi que la résiliation a
été faite de façon abusive ou de mauvaise foi.
En d’autres termes, en cas de résiliation du contrat par le client, de façon
contraire aux exigences de bonne foi, le tribunal pourra refuser d’appliquer la
règle prévue à l’article 2129 C.c.Q. pour accorder à l’entrepreneur ou au
prestataire de services, une compensation établie selon les règles
[Page 797]
générales applicables
en matière de régime d’indemnisation (art. 1590, 1605,
1611 et 1613 C.c.Q.).
2092. Lorsque le droit à la résiliation est exercé de manière déraisonnable
et contraire aux exigences de la bonne foi par le client, le champ de
responsabilité de ce dernier envers l’entrepreneur ou le prestataire de
services peut être élargi par le tribunal pour que les préjudices qui en
découlent et l’indemnité à payer à ces derniers soient déterminés selon les
règles d’indemnisation applicables en droit commun.
2093. Le droit à la résiliation prévu à l’article 2125
C.c.Q. doit en principe être exercé en dehors de tout
litige ou dispute quant à l’exécution de contrat. Le client doit s’en prévaloir
en toute bonne foi et sans avoir un motif pour le justifier. Chaque cas
constitue un cas d’espèce, et le tribunal peut exercer sa discrétion pour
sanctionner seulement une conduite répréhensible du client. Dans le cas
contraire, ce droit peut cependant être utilisé de façon subsidiaire suite à
une résiliation du contrat selon les règles de droit commun alors que le client
vient d’échouer dans sa preuve de démontrer le défaut ou la mauvaise exécution
du contrat par l’entrepreneur ou le prestataire de services.
2094. En d’autres termes, ce droit à la résiliation doit être autorisé
lorsque la preuve révèle une conduite conforme aux exigences de bonne foi. Il
en est ainsi lorsque le client a cru en toute bonne foi que l’entrepreneur ou
le prestataire de services avait commis une faute dans l’exécution des travaux,
mais que les éléments établis en preuve étaient toutefois insuffisants pour
conclure à une faute justifiant la résiliation. Dans ce cas, la résiliation
unilatérale à titre subsidiaire doit être acceptée en vertu de l’article 2125 C.c.Q. Il faut bien tenir compte du fait
que la confiance entre les parties peut difficilement se rétablir rendant ainsi
difficile de continuer l’exécution du contrat dans un climat serein. Dans une
telle situation, la résiliation peut être exercée dans l’intérêt des deux
parties au lieu de continuer une relation dominée par la méfiance et la
tension.
2095. Le tribunal ne doit pas tolérer le cas où le client échoue dans la
démonstration du bien-fondé des motifs qu’il a invoqués alors que la preuve
démontre aussi que ce dernier a procédé à la résiliation du contrat de mauvaise
foi dans le but de se soustraire à ses obligations prévues à l’article 2129 C.c.Q. Dans ce cas, le client ne doit pas
être autorisé à se prévaloir de son droit à la résiliation unilatérale prévu à
l’article 2125
[Page 798]
C.c.Q. car sa mauvaise
foi doit être sanctionnée selon les règles de la responsabilité contractuelle
et non pas selon le régime particulier d’indemnisation de l’article 2129 C.c.Q.
B. Sanctions et règles applicables
lors de la détermination de l’indemnité
1) Distinction
quant au mécanisme à suivre
2096. La
distinction entre le droit à la résiliation unilatérale prévue à l’article 2125 C.c.Q. et la résiliation selon les règles
de droit commun revêt une importance particulière quant aux mécanismes à
suivre. Dans le premier cas, le client n’a pas à justifier sa décision relative
à la résiliation du contrat. Ainsi, il n’a pas à
mentionner un motif quelconque dans l’avis de résiliation qu’il doit donner à l’entrepreneur
ou au prestataire de services; il
suffit de faire référence à l’exercice de son droit prévu à l’article 2125 C.c.Q. Le fait que le client a un motif
valable qui est derrière sa décision n’affecte toutefois pas l’application de
ce régime particulier, en autant qu’ils ne résultent pas d’une faute de l’entrepreneur
ou du prestataire de services. Il va de soi qu’une
mise en demeure préalable à cet avis n’est pas requise par la loi.
Le client peut se prévaloir de son droit à la résiliation, même s’il était en
bons termes avec l’entrepreneur ou le prestataire de services et qu’il est
satisfait de la façon dont ces derniers ont exécuté leur contrat. La sanction
de cette résiliation est déterminée par l’article 2129 C.c.Q..
2097. Le client qui
n’est pas satisfait de l’exécution du contrat par l’entrepreneur ou le
prestataire de services peut mettre ce dernier en demeure de rectifier la
situation dans un délai raisonnable. Il doit ainsi exiger la correction des
défauts ou des erreurs dans l’exécution qu’il considère comme des manquements
sérieux à ses obligations en accordant à l’entrepreneur ou au prestataire un délai raisonnable pour procéder à
ces corrections. Ce n’est qu’à l’expiration de ce délai que le client peut
considérer le contrat comme résilié en raison du défaut persistant du
professionnel de remédier à la situation. Ces conditions doivent être remplies
pour que le défaut de l’entrepreneur ou du prestataire de
[Page 799]
services puisse
donner ouverture à la résiliation du contrat pour faute, permettant
aussi au client de réclamer une indemnité pour le préjudice subi.
2098. Il n’est
pas inutile de rappeler que le client ne peut se prévaloir
du droit à la résiliation du
contrat pour faute sans mettre l’entrepreneur en demeure et lui accorder un délai raisonnable pour se conformer à sa demande en
rectifiant les défauts qu’il lui reproche. En d’autres termes, dans le cas d’une
inexécution ou d’une mauvaise exécution du contrat par l’entrepreneur ou le
prestataire de services, le client doit se conformer aux dispositions prévues
aux articles 1590, 1595 et 1602 C.c.Q. avant de résilier le contrat.
2099. Le client qui
omet de mettre en demeure l’entrepreneur avant de procéder à la résiliation du
contrat pour cause commet une faute qui engage sa responsabilité envers ce
dernier. Il risque ainsi de se voir obligé de payer le montant de la pénalité
prévue dans la clause pénale si les conditions de sa mise en application sont
remplies, car la résiliation du contrat peut être considérée comme étant sans
cause valable. Ce risque peut se produire lorsque le client avait déjà
valablement renoncé à son droit de résilier son contrat en vertu de l’article
2125 C.c.Q. et accepté une clause pénale prévoyant le paiement d’une indemnité
à l’entrepreneur ou au prestataire de services advenant son défaut de s’y
conformer. Le client pourrait également se trouver obligé à payer les sommes
dues pour les travaux déjà effectués et même être sanctionné pour avoir intenté
une procédure jugée abusive.
2100. Le recours à la résiliation-sanction se démarque du recours à la
résiliation du contrat en vertu de l’article 2125 C.c.Q. Cependant, la résiliation faite pour cause peut être considérée
exceptionnellement comme un cas de résiliation selon ce dernier article lorsque
le client était de bonne foi, mais dans l’impossibilité de démontrer une faute
suffisante justifiant la résiliation du contrat. Dans ce cas, l’entrepreneur,
ayant vu son contrat résilié, conserve son droit de recevoir une indemnité
selon les règles prévues à l’article 2129 C.c.Q.
2101. La
résiliation pour faute devra être évaluée par le tribunal selon les règles de
droit commun, de sorte que celui-ci ne sera autorisé qu’exceptionnellement à
invoquer l’article 2125 C.c.Q.
pour justifier une telle résiliation, car en principe, le client ne peut
invoquer la résiliation pour faute et ensuite changer d’avis pour invoquer la
résiliation
[Page 800]
unilatérale prévue à cet article. La légalité de la décision relative à la résiliation du contrat par le client doit être évaluée en fonction des faits et des
circonstances qui existaient lors de la prise de décision et non pas en rapport avec l’évolution de la situation par la suite. Ainsi, le
client qui n’a pas réussi à démontrer le bien-fondé de sa décision relative à la résiliation du contrat pour faute, alors que
la preuve a révélé une conduite contraire aux exigences de bonne foi, ne pourra
pas se retrancher derrière le droit que lui accorde l’article 2125 C.c.Q. pour justifier sa décision.
2102. Lorsqu’il y a
résiliation du contrat conformément aux conditions établies à l’article 1605 C.c.Q.,
le client peut confier l’exécution du contrat à une tierce personne tout en
réservant le droit de réclamer à l’entrepreneur ou au prestataire de services,
la différence entre les coûts convenus et les coûts qu’il sera tenu de payer
pour obtenir l’exécution du contrat. Une telle réclamation sera réglée selon
les règles de droit commun en matière d’indemnisation (art. 1602, 1607, 1611 et
1613 C.c.Q.).
2) Distinction
quant aux sanctions
2103. Il n’est pas inutile de rappeler que la faute dans l’exécution du
contrat engage la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur ou du
prestataire de services et justifie sa résiliation par le client. Celui-ci peut
se prévaloir du régime de droit commun en matière d’indemnisation tel qu’établi
par les articles 1607, 1611 et 1613 C.c.Q..
Par contre, le droit à la résiliation exercé en vertu de l’article 2125 C.c.Q.
expose le client à une poursuite en dommages-intérêts dont le montant sera
déterminé selon les critères de l’article 2129 C.c.Q., et qui impliquera donc une responsabilité limitée.
[Page 801]
2104. L’exercice du droit de résiliation unilatérale accordé par l’article
2125 C.c.Q. est donc sanctionné par l’article 2129 C.c.Q. Dans ce cas, c’est le
client qui doit indemniser l’entrepreneur ou le prestataire de services des
frais et dépenses encourus et des coûts des travaux exécutés préalablement à la
résiliation du contrat. Il doit, également, l’indemniser pour la valeur des
biens fournis, s’ils peuvent lui être remis et qu’il peut les utiliser. De
plus, le client devra dédommager son cocontractant, le cas échéant, des
préjudices qu’il a subis en raison de la résiliation du contrat d’entreprise.
2105. L’entrepreneur
ou le prestataire de services qui subit des dommages à la suite de la
résiliation de son contrat dispose donc d’un recours en dommages-intérêts à l’encontre
de son client. Cette sanction, résultant
de l’exercice du droit de résiliation unilatérale sans motif, est bien fondée,
car il serait impensable de permettre au client de résilier le contrat d’entreprise
ou de prestation de services par sa seule volonté, sans prescrire d’indemnisation
pour les dommages subis par son cocontractant. L’indemnité en sera donc une de
rupture plutôt qu’une indemnité de responsabilité.
L’entrepreneur ou le prestataire de services ne doit subir, ainsi, aucun préjudice de la résiliation unilatérale du
contrat. Il doit, par contre, restituer au client les avances qu’il a reçues en
excédant le montant d’indemnisation établi selon les critères de l’article 2129 C.c.Q. afin qu’il ne soit pas injustement
enrichi par la résiliation.
2106. L’exercice du droit de résiliation unilatérale par le client donne à l’entrepreneur
ou au prestataire de services, le droit à une réclamation pour le préjudice
effectivement subi lors de la résiliation même du contrat.
Par ce fait, on doit exclure d’une réclamation faite en vertu de l’article 2129
C.c.Q., toute évaluation anticipée des dommages,
sauf dans le cas d’une résiliation du contrat en violation d’une
[Page 802]
entente aux termes de laquelle le client avait renoncé à son droit prévu à l’article
2125 C.c.Q.
2107. Il faut rappeler que la résiliation a pour effet d’anéantir le contrat
d’entreprise pour l’avenir seulement (art. 1606 al. 2 C.c.Q.). Elle ne
produit aucun effet rétroactif. Il n’y a donc pas
lieu de restituer les prestations exécutées par chacune des parties avant la
résiliation du contrat, à l’exception, bien sûr, des avances reçues par l’entrepreneur
ou le prestataire de services et qui excèdent la valeur des travaux exécutés ou
les prestations fournies (art. 2129 al. 2 C.c.Q.). Les parties
seront, ainsi, libérées du lien contractuel qui les unissait pour l’avenir,
tout en conservant, de manière intacte, l’état de l’exécution des prestations
au moment de la résiliation.
2108. Il importe de noter que la résiliation du contrat par le client n’empêche
pas ce dernier de se prévaloir de son droit d’exiger de l’entrepreneur la
réparation de malfaçons ou de déficiences constatées dans les travaux déjà
exécutés au moment de la résiliation. Si l’entrepreneur ne procède pas aux
travaux de correction, le client pourra demander au tribunal de réduire du
montant déterminé selon le régime d’indemnisation prévu à l’art. 2129 C.c.Q., les coûts des travaux de
réparation. Le régime d’indemnisation exceptionnel
établi dans cet article n’a pas pour effet de retirer au client son droit à une
compensation ou à la retenue d’une somme suffisante pour faire les réparations
des malfaçons ou des déficiences qui affectent la partie de l’ouvrage exécutée
et pour laquelle l’entrepreneur réclame un paiement.
[Page 803]
2109. Le
client doit toutefois donner à l’entrepreneur
la possibilité de faire les réparations de malfaçons ou de
corriger les déficiences dans la partie exécutée. Il ne peut ainsi résilier le
contrat, empêcher l’entrepreneur de continuer les travaux, notamment de réparer
les malfaçons ou de compléter certaines déficiences. En conséquence, il ne peut
tenir ce dernier responsable des malfaçons et des déficiences auxquelles il n’a
pas eu l’opportunité de remédier. La règle générale qui
s’applique en matière contractuelle exigeant du créancier qu’il donne au
débiteur la chance d’exécuter son obligation en nature (art. 1595, 1602
C.c.Q.), rencontre son application
au cas de la résiliation du contrat d’entreprise ou de prestation de services.
8. Renonciation
au droit à la résiliation unilatérale
A. Renonciation par une stipulation contractuelle : notions et modalités
2110. Il est
possible de renoncer tacitement au droit de se prévaloir de l’article 2125 C.c.Q. en prévoyant contractuellement des
modalités pour mettre fin au contrat d’entreprise ou de prestation de services.
Il arrive souvent que les parties contractantes prévoient, dans le contrat
même, des modalités de résiliation à l’aide d’une série de clauses précises.
Elles cherchent à éviter des litiges éventuels en prévoyant les circonstances
pouvant donner lieu à une résiliation du contrat, les délais de notification de
la décision d’une partie de mettre un terme au contrat, etc. Ces stipulations
conventionnelles constituent une renonciation partielle au droit de se
prévaloir de l’article 2125 C.c.Q.
et non pas un simple ajout à la disposition légale prévue à cet article.
2111. Rien n’empêche les parties, à l’intérieur même du contrat d’entreprise,
de prévoir les modalités d’exercice du droit à la résiliation unilatérale tel
que les délais de notification de la décision de résilier
[Page 804]
le contrat
ou de préciser des situations où le client serait justifié d’invoquer son droit
à la résiliation unilatérale du contrat. Le principe
de la liberté contractuelle permet aux parties de prévoir des situations où il
leur serait raisonnable de résilier unilatéralement le contrat d’entreprise.
Les parties pourraient valablement préciser
ou encadrer le champ d’application de l’article 2125 C.c.Q., cela n’équivaut
toutefois pas à une renonciation complète à l’exercice de ce droit.
2112. À cet égard, il convient de mentionner que le simple fait de stipuler
dans un contrat que le client pourra y mettre fin advenant la survenance de l’un
des événements énumérés n’est pas suffisant pour conclure que ce client a
renoncé à son droit à la résiliation unilatérale prévu à l’article 2125 C.c.Q.
De même, la conclusion d’un contrat de prestation de services à durée
déterminée ne permet pas de conclure non plus que, par la stipulation d’un
terme, le client a renoncé à son droit à la résiliation unilatérale sans motif.
En effet, la renonciation au droit conféré au client par cet article doit être
claire et faite de manière express et non équivoque.
2113. En présence d’une clause qui énumère les cas où les motifs permettant
la résiliation du contrat par le client, une question se pose quant à la
sanction d’une résiliation par ce dernier en contravention à cette clause.
Faut-il alors appliquer les sanctions prévues conventionnellement dans le
contrat, même si celles-ci sont supérieures aux indemnités pouvant être
accordées par la loi, ou bien, au contraire, ces sanctions devront-elles être
réduites au montant qui serait accordé selon les critères établis par l’article
2129 C.c.Q. ? De même, une clause de renonciation totale au
droit à la résiliation unilatérale est-elle valide, et dans l’affirmative,
quelles sont les conditions requises pour qu’elle le soit ?
[Page 805]
2114. Dépendamment de la portée et de l’étendue de la clause qui traite de la
résiliation du contrat d’entreprise ou de prestation de services par le client,
la renonciation à l’exercice du droit de résiliation de plein droit peut être
totale ou partielle. Ainsi, le client peut dans certains cas exceptionnels
renoncer complètement à son droit à la résiliation unilatérale du contrat ou accepter
de restreindre ce droit à certaines situations ou à certaines conditions devant
être remplies. Dès lors, le droit à la résiliation unilatérale du contrat sans
avoir un motif le justifiant est mis en question par cette clause. Rappelons
que l’article 2125 C.c.Q. prévoit
un droit strict pouvant être exercé en tout temps même après le commencement de
l’exécution du contrat par le professionnel sans que le client soit tenu à
fournir un motif ou une justification quelconque. Conséquemment, toute clause
visant à modifier ou à restreindre ce droit constitue en quelque sorte une
renonciation à ce droit accordé sans équivoque au client par le législateur. En
présence d’une telle clause, le tribunal doit toutefois vérifier sa validité
avant de la laisser produire ses effets.
2115. Les parties peuvent également inclure une clause relative à la
résiliation du contrat par le client et qui peut être plus restrictive en ce
qui concerne l’indemnité à payer par ce dernier que les droits accordés à l’entrepreneur
en vertu de l’article 2129 C.c.Q.
Une telle clause est valide et opposable à l’entrepreneur qui peut voir son
droit à une compensation restreinte à certains chefs de dommages, et donc à
moins de chefs que ce qui est normalement prévu en cas de résiliation sans motif
par les clients.
2116. Rappelons aussi que le principe interdisant une renonciation prématurée
à un droit conféré par la loi revêt une importance particulière dans le cas du
droit à la résiliation unilatérale d’un contrat d’entreprise ou de prestation
de services. En accordant ce droit à la résiliation unilatérale, le but du
législateur est de permettre au client de revenir sur sa décision de conclure
le contrat, lorsqu’une situation imprévue survient et rend inutile ou trop
onéreuse la réalisation de l’ouvrage prévu. On peut alors se demander si le
client peut, exceptionnellement, renoncer à son droit de résiliation
unilatérale par une clause incluse dans son contrat.
2117. Afin de traiter de la validité d’une renonciation au droit à la
résiliation unilatérale du contrat ainsi que des conditions devant être
remplies pour qu’une telle renonciation soit opposable au client et produise
ses effets juridiques, il faut aborder cette question de façon
[Page 806]
séparée et distincte
dépendamment de la date d’une telle renonciation et de la nature du contrat en
question. En effet, la renonciation à un droit quelconque est toujours possible
après la conclusion du contrat lorsqu’il fait l’objet d’une entente négociée
entre les parties et qu’une telle entente remplit aussi les conditions requises
en matière de validité des contrats. La question demeure cependant controversée
lorsqu’on est en présence d’une renonciation au droit à la résiliation prévue
dans une clause insérée dans le contrat. La validité de cette clause dépend de
la nature du contrat. S’agit-il d’un contrat de consommation ou d’un contrat de
droit civil ? Même dans ce
dernier cas, la validité de la clause varie selon que l’on soit en présence d’un
contrat d’adhésion ou d’un contrat de libre discussion.
B. Les conditions de validité de la
renonciation
2118. Il importe de noter d’abord que la disposition prévue à l’article 2125 C.c.Q. n’est pas d’ordre public de
direction, mais plutôt d’ordre
public de protection. Il s’agit d’une règle
à laquelle il est donc possible de renoncer par une clause contractuelle.
La renonciation doit cependant être claire, expresse et non équivoque; une clause ambiguë ou imprécise pourrait être
déclarée nulle et sans effet.
2119. En effet, il n’y a aucun doute qu’une renonciation peut être valide
lorsqu’elle a fait l’objet d’une entente postérieure à la conclusion du contrat
d’entreprise ou de prestation de services. Elle peut, exceptionnellement et à
certaines conditions, faire l’objet d’une clause insérée dans ce contrat.
Dans tous les cas, la renonciation doit être claire et
[Page 807]
sans équivoque.
Elle ne peut être présumée, mais doit être stipulée expressément. Certains
entrepreneurs ou prestataires de services tentent parfois d’obtenir une
renonciation déguisée et résultant d’une clause pénale qui laisse entendre que
le client a exprimé une volonté de ne pas se prévaloir de son droit à la
résiliation unilatérale sous peine de payer une indemnité dont le montant est
déterminé à l’avance. Cependant, la validité de cette clause peut être mise en
question et le montant de la pénalité est sujet à révision par la Cour.
2120. En d’autres mots, il n’y a aucun doute qu’une renonciation au droit à
la résiliation unilatérale du contrat peut être valable après la formation du
contrat dans la mesure où les conditions requises à sa validité sont remplies.
La preuve de la renonciation repose alors sur les épaules du cocontractant du
client qui l’invoque. Ce dernier a intérêt
à se munir d’un écrit consignant l’intention du client de renoncer au droit
prévu à l’article 2125 C.c.Q.
Ainsi, une entente écrite conçue après la conclusion du contrat pourra
faciliter la preuve de la validité de la renonciation exprimée par le client,
contrairement à une renonciation prévue dans une clause insérée dans le contrat
d’entreprise ou de prestation de services, dont la validité pourrait être mise
en question.
2121. Les parties
peuvent également moduler les conditions d’exercice du droit du client à la
résiliation unilatérale du contrat d’entreprise ou de prestation de services.
Elles peuvent ainsi convenir que la
[Page 808]
résiliation unilatérale
du client pourra avoir lieu uniquement lorsque certaines conditions ou
circonstances surviennent. Dans ce cas, le critère établi par les parties doit
être plus contraignant pour le client qui ne pourra alors exercer le droit à la
résiliation tel que l’article 2125 C.c.Q. lui accorde. Le tribunal doit en un premier temps vérifier si le
client s’est conformé aux conditions établies et en deuxième temps apprécier la
conduite du client selon le critère d’une personne raisonnable.
1) Validité
d’une renonciation prématurée à un droit
2122. La question demeure pertinente quant à la possibilité pour le client de
renoncer valablement à un droit avant de l’acquérir. En d’autres termes, le
client pourra-t-il renoncer à son droit de résiliation unilatérale du contrat
avant que celui-ci ne naisse ? C’est
d’ailleurs le principe qu’ont retenu la jurisprudence et la doctrine, affirmant
clairement qu’il est strictement et logiquement impossible de renoncer à un
droit qui n’est pas encore né. Le client ne peut donc renoncer à son droit de
résiliation unilatérale avant que le contrat d’entreprise ou de prestations de
services ne soit valablement et définitivement formé.
On peut cependant noter qu’en matière de contrats d’entreprise et de prestation
de services, le droit à la résiliation unilatérale ne nécessite pas de faire l’objet
d’une stipulation contractuelle, puisqu’il puise son fondement et son existence
dans la loi (art. 2125 C.c.Q.). Il
peut cependant faire l’objet de négociations lors de la conclusion du contrat,
soit pour y renoncer, moyennant une contrepartie, par exemple une réduction du
tarif ou du coût, soit pour établir les conditions requises à son exercice.
2123. Le principe interdisant une renonciation prématurée à un droit conféré
par la loi revêt une importance particulière dans le cas du droit à la
résiliation unilatérale d’un contrat d’entreprise ou de prestation de services.
En accordant ce droit à la résiliation unilatérale, le but du législateur est
de permettre au client de revenir sur sa décision de conclure le contrat d’entreprise
ou de prestation de services lorsqu’une situation imprévue survient et rend
inutile ou trop onéreuse la réalisation de l’ouvrage envisagé. Le client ne
saurait renoncer à ce droit exceptionnel de reconsidération avant même que le
contrat n’existe. Une telle renonciation au moment de la conclusion du contrat
serait contraire à la volonté du législateur, qui a prévu ce droit pour
protéger le client des imprévus susceptibles de survenir après la conclusion du
contrat ou en
[Page 809]
cours de son exécution
qui, généralement, comporte beaucoup de risques financiers pour lui.
2124. D’ailleurs, la Cour suprême, dans l’arrêt Garcia Transport Ltée, a
confirmé ce principe en précisant qu’il est possible de renoncer à une
disposition d’ordre public économique de protection puisque sa violation n’est sanctionnée que par une nullité
relative. Elle a cependant affirmé que cette renonciation ne peut être
anticipée ni être valide avant la conclusion du contrat puisque le droit à la
résiliation unilatérale prévu à l’article 2125 C.c.Q. ne peut être acquis qu’après cette formation. Ainsi, la
renonciation par le client au droit à la résiliation ne peut avoir lieu que
lorsque ce droit est né et y renonce en toute connaissance de cause.
2) Renonciation
dans un contrat de gré à gré
2125. La jurisprudence est loin d’être arrêtée sur la validité d’une
renonciation au droit à la résiliation du contrat par une clause insérée dans
un contrat d’entreprise ou de prestation de services qui a été conclu de gré à
gré. Il s’agit d’une question controversée d’autant plus que chaque cas
constitue un cas d’espèce. Le tribunal tient compte des faits et des
circonstances particulières ayant entouré la conclusion du contrat d’une part,
et les circonstances ayant précédé la prise de décision relative à sa résiliation, d’autre part. Il est
difficile de trancher cette question de façon catégorique. L’enseignement de la jurisprudence et de la
doctrine concernant la renonciation à un droit futur non acquis doit toujours
demeurer valable et pris en considération dans la détermination de sa validité.
2126. La validité de la renonciation ne doit pas être acceptée qu’exceptionnellement
et après une preuve qui révèle non seulement que les conditions requises par la
Cour suprême dans l’arrêt Garcia Transport ltée c. Cie Trust-Royal
sont remplies, mais aussi que le client a renoncé à son droit moyennant une
contrepartie et suite à des négociations entamées par des parties qui se sont
traitées d’égal à égal de sorte que le client disposait de la même force et des
mêmes connaissances que l’entrepreneur ou le prestataire de services quant à
son droit à la résiliation et aux conséquences qui résultent de sa renonciation
à ce droit. Il doit aussi être conscient des risques pouvant résulter d’une
telle renonciation. La validité de la renonciation par le client à
[Page 810]
son droit de résiliation unilatérale ne doit donc être maintenue par la Cour qu’exceptionnellement
et sur une preuve qui établit que
le client connaissait les risques et les conséquences qui en résultent. Ainsi,
la clause stipulant une renonciation de la part du client à
son droit de résiliation
unilatérale doit être invalide lorsque ce dernier ne reçoit aucun renseignement sur les effets de cette clause ou bien qu’ils ne
lui soient pas expliqués. En
effet, pour que la clause produise ses effets, le client doit
en avoir pris connaissance et avoir bénéficié des renseignements pertinents
quant aux conséquences économiques qui en résultent.
2127. De plus, la renonciation, bien qu’elle puisse être tacite et résulter
des stipulations contractuelles, doit cependant être non équivoque. Ce critère
est mis de l’avant par la jurisprudence afin d’évaluer la validité de la
renonciation à la résiliation unilatérale. La
renonciation peut être non équivoque lorsque l’intention de renoncer ou d’acquiescer
au contenu de la clause de renonciation est exprimée de façon claire et précise
ou d’une manière qui fait que sa démonstration par une preuve probante est
établie.
2128. Il appartient à l’entrepreneur et au prestataire de services de faire
la preuve que le client a été bien informé de l’étendue du droit auquel il
renonce et qu’il connaissait la nature et l’objet de son consentement. Il peut
arriver qu’un client, qui ne connaît pas bien ses droits et qui n’est pas
assisté par des professionnels pouvant l’en informer, renonce à son droit à la
résiliation du contrat, sans même savoir qu’il le détenait. Ces situations
fâcheuses permettent aux entrepreneurs ou prestataires de services de
contourner l’application de la règle de protection prévue à l’article 2125 C.c.Q.
et de faire indirectement ce qu’ils ne peuvent faire directement. Or, le droit
conféré par cet article est important et vise à protéger les intérêts du client
qui pourrait subir de graves conséquences.
[Page 811]
2129. Il conviendrait donc de consigner par écrit l’entente de renonciation
au droit à la résiliation unilatérale afin qu’elle soit bien précise et sans
équivoque. Une renonciation peut
cependant être exceptionnellement tacite et résulter des stipulations
permettant de conclure à son existence à la condition que la volonté de
renonciation soit démontrée par l’entrepreneur ou le professionnel
et que le consentement donné par le client était libre, sans pression et en
toute connaissance des risques qui en résultent.
2130. Une renonciation au droit de résiliation, répétons-le, doit nécessairement
faire l’objet d’une stipulation précise, claire et acceptée par le client en
toute connaissance de cause. Ainsi, une stipulation prévoyant le droit du
client de recourir à la résiliation du contrat advenant un défaut particulier
par l’entrepreneur ou le prestataire de services, ne constitue pas une
renonciation au droit de résiliation prévu à l’article 2125 C.c.Q. Il s’agit d’une
stipulation qui s’ajoute au droit prévu dans les règles du droit commun et qui
confirme le droit du client à la résiliation du contrat en cas de défaut par l’entrepreneur
dans l’exécution de ses obligations prévues dans le contrat. Ce droit à la
résiliation pour défaut est prévu dans les règles générales des obligations
(art. 1590, 1602, 1604 et 1605 C.c.Q.).
De même, une stipulation interdisant au client de faire appel aux services d’un
autre entrepreneur ou prestataire de services ne constitue pas une renonciation
au droit à la résiliation unilatérale, mais plutôt une condition restrictive à
son droit à l’exécution en nature du contrat qui ne l’empêche pas de résilier
unilatéralement le contrat et ainsi de mettre fin à son projet conformément à l’article
2125 C.c.Q..
[Page 812]
2131. Pour
que la renonciation soit valide, elle doit non seulement être
consignée par écrit, mais aussi remplir certaines conditions de validité
communes à tout acte juridique. En effet, il est nécessaire
que le consentement du client soit donné librement et en toute connaissance de
cause (art. 1399 C.c.Q.). De plus, son intention de renoncer à son droit doit faire l’objet
d’une stipulation expresse afin d’éviter toute contradiction
entre les versions des faits rapportées par les parties.
2132. En cas de
doute quant à l’intention du client de renoncer à la résiliation et quant au
caractère éclairé de son consentement, le tribunal peut interpréter l’ambiguïté
en faveur du client et ainsi écarter la renonciation (art. 1432 C.c.Q.).
À titre d’illustration, une clause insérée dans un contrat de courtage
mentionnant que celui-ci est exclusif et irrévocable pour une période de 90
jours constitue une renonciation claire au droit à la résiliation unilatérale.
Cette clause d’exclusivité et d’irrévocabilité est opposable au client, qui ne
pourra pas résilier unilatéralement son contrat dans le délai fixé.
2133. Il importe
toutefois de noter que le client ayant renoncé à son droit prévu à l’article 2125 C.c.Q. ne peut par la suite résilier son
contrat unilatéralement en raison de cette renonciation. Il pourra cependant
tout de même le résilier en vertu des règles de droit commun prévues aux
articles 1590, 1604 et 1605 C.c.Q. lorsque les conditions requises par
ces dispositions sont remplies. Il doit ainsi
démontrer que l’entrepreneur ou le prestataire de services a manqué à ses
obligations et que malgré le fait qu’il ait été constitué en demeure de
remédier à son défaut dans un délai raisonnable, il n’a pas saisi cette
opportunité, mais a persisté dans son défaut.
2134. Lors de l’examen et l’appréciation d’une clause de renonciation, le
tribunal doit garder à l’esprit le fait que le droit à la résiliation est prévu
pour protéger le client des imprévus susceptibles de survenir en cours d’exécution
d’un contrat d’entreprise ou de prestation de services qui, généralement,
comporte beaucoup de risques financiers pour lui. Afin que l’objectif visé par
la disposition de l’article 2125 C.c.Q.
soit
[Page 813]
atteint, toute
stipulation, dans le contrat, ayant pour effet de restreindre le droit à la résiliation, doit être interprétée restrictivement
ou déclarée, en cas d’ambiguïté ou de doute, inopposable
au client.
2135. Enfin, s’il est vrai qu’en raison de considérations économiques le
législateur a accordé au client le droit à la résiliation du contrat d’entreprise
ou de prestation de services, il est également vrai qu’un entrepreneur ou un
prestataire de services peut avoir intérêt à ne pas conclure ce contrat, à
moins que ce dernier ne renonce à ce droit. Une renonciation au droit conféré
par l’article 2125 C.c.Q. peut
faire l’objet de négociations entre les parties et ainsi être conçue dans une
entente concomitante avec la conclusion du contrat d’entreprise ou de
prestation de services. Elle peut ainsi être une condition essentielle à l’acceptation
par l’entrepreneur ou le prestataire de services d’entrer dans une relation contractuelle avec le client. Dans ce
cas, la renonciation doit, dans la mesure où elle rencontre les conditions
requises à sa validité, produire ses effets entre les parties.
2136. Le tribunal
doit user de sa sagesse lors de l’appréciation des conditions de validité d’une
entente parallèle contenant une renonciation au droit à la résiliation du
contrat par le client. Il doit examiner et vérifier si cette entente a été
conclue parallèlement et en même temps que le contrat d’entreprise ou de prestation
de services, de sorte que son acceptation était une condition à la conclusion du contrat.
2137. Le tribunal doit ainsi évaluer les circonstances ayant entouré la
renonciation et l’intérêt réciproque des parties dans une telle entente. Notons
à cet effet que la renonciation par le client à son droit ne doit pas être
obtenue sous pression, mais être le fruit d’une négociation entre les parties.
Lors de son appréciation, le tribunal doit vérifier la contrepartie que le
client a reçue moyennant son acceptation de renoncer à son droit à la
résiliation ainsi que les avantages qu’il a tirés de la conclusion des deux
ententes. Le tribunal peut aussi prendre en considération l’intérêt de l’entrepreneur
ou du prestataire de services qui a fait des concessions lors de la conclusion
du contrat afin d’obtenir du client la renonciation à son droit à la
résiliation. D’ailleurs, le tribunal ne peut ignorer ces concessions lors de l’évaluation
du préjudice subi par ces derniers suite à une résiliation unilatérale par le
client en violation de l’entente de renonciation à ce droit. Même si le
tribunal refuse la validité de la renonciation au droit à la résiliation
unilatérale, les concessions faites
[Page 814]
par l’entrepreneur ou
le prestataire de services, notamment la réduction du prix, doivent être prises
en considération lors de l’évaluation du préjudice selon la règle prévue à l’article
2129 alinéa 3 C.c.Q.
3) Renonciation
dans un contrat de consommation
2138. La Loi sur la protection du consommateur prévoit que le
consommateur peut résilier son contrat à exécution successive de service fourni à distance, à tout moment sous
condition de transmettre un avis au commerçant. À compter de la date de
résiliation, le commerçant doit cesser de facturer les montants à son
consommateur. À défaut, le consommateur pourra exiger des dommages-intérêts et
même des dommages exemplaires. Ainsi, la résiliation
de contrat en vertu des dispositions de la Loi sur la protection du
consommateur peut être plus avantageuse que celle prévue aux articles 2125 à 2129 C.c.Q. Il faut donc souligner que toute clause pénale visant à
sanctionner la résiliation du contrat par le consommateur pourra être déclarée
nulle et sans effets.
2139. De plus, l’article 11.4 de
la Loi sur la protection du consommateur interdit dorénavant une clause
excluant les droits prévus aux articles 2125 et 2129 C.c.Q. Ainsi, le contrat d’entreprise
ou de prestation de services qui sont régis par cette loi ne peuvent plus
contenir une telle clause visant à restreindre ou à exclure l’exercice du droit
de résiliation unilatérale prévu dans le Code civil du Québec. Par cet article introduit dans la Loi
sur la protection du consommateur, la règle déjà établie dans l’arrêt Garcia
Transport Ltée vient d’être renforcée, rendant ainsi toute renonciation au
droit à la résiliation unilatérale par le consommateur par une clause insérée
dans le contrat, illégale et frappée d’une nullité relative.
4) Renonciation
dans un contrat d’adhésion
2140. En présence d’un contrat d’adhésion imposé par l’entrepreneur ou le
prestataire de services au client, la clause insérée dans ce contrat et ayant
pour objet une renonciation au droit à la résiliation unilatérale prévu à l’article
2125 C.c.Q. pourra être déclarée
invalide en vertu de l’article 1437 C.c.Q. Une telle clause contient sans aucun doute une stipulation
essentielle au sens de l’article 1379 C.c.Q. Elle constitue également une
clause déraisonnable au sens de l’article 1437 C.c.Q. puisqu’elle aura pour
effet d’enlever au client un droit que le législateur
[Page 815]
lui a conféré pour lui permettre de se libérer de son contrat lorsqu’il constate après sa conclusion qu’il est inutile ou qu’il
ne présente plus les mêmes avantages qu’il avait à l’esprit lors de sa conclusion.
2141. Par
ailleurs, en matière de contrat d’adhésion, les tribunaux sont particulièrement attentifs aux clauses de
renonciation à la résiliation qui désavantagent
disproportionnellement le client; une clause
excessive pourra être jugée abusive
et donc invalide en vertu de l’article 1437 C.c.Q. Le tribunal, lors de son évaluation de la validité d’une clause pouvant mettre en question le droit du client à la résiliation du contrat, peut prendre
en considération le caractère exclusif ou non du contrat,
sa durée, et l’équilibre économique entre les parties.
2142. Ce droit à la
résiliation jumelé au régime particulier d’indemnisation prévu à l’article 2129
C.c.Q. revêt une importance particulière pour le client. C’est pourquoi, lorsqu’une
renonciation à ce droit à la résiliation et au régime restreint en matière d’indemnité
n’a pas fait l’objet d’une négociation libre, mais que le client s’est vu
contraint à renoncer à ce droit contre son gré ou sans avoir une contrepartie
ou lorsque cette renonciation a été donnée sans avoir une connaissance ou une
information suffisante sur les conséquences qui en découlent, la nullité de
cette clause doit être prononcée à la demande de ce dernier. Il en est ainsi
lorsque de façon déguisée ou implicite, l’entrepreneur ou le prestataire de
services introduit dans le contrat une clause pénale qui sanctionne l’exercice
du droit à la résiliation conféré par cet article.
5) Renonciation
dans un contrat à durée indéterminée
2143. Par ailleurs,
la renonciation à la résiliation d’un contrat de prestation de services à durée
indéterminée peut être déclarée inopposable au client. Sans égard à la validité
de la renonciation au droit à la résiliation unilatérale sans motif, la
question de la résiliation d’un contrat à durée indéterminée tombe aussi sous l’application
de la règle générale en matière d’obligations permettant à l’une ou l’autre des
parties de mettre fin à son
contrat à condition de donner un préavis d’un délai raisonnable à l’autre
partie.
2144. La validité d’une
clause de renonciation à la résiliation du contrat à durée indéterminée doit
donc être examinée à la lumière de l’ensemble de ces règles. Elle peut être
déclarée abusive et contraire au principe général reconnu par la jurisprudence
et la doctrine selon
[Page 816]
lequel personne ne peut
être lié indéfiniment par un contrat. La clause de renonciation à la
résiliation empêche alors le client de résilier son contrat unilatéralement et
le contraint à demeurer lié par celui-ci tant que le prestataire de services n’aura
pas effectivement fourni ses prestations. Une telle clause peut être considérée
comme abusive et sans effet à l’égard du client en raison du caractère
aléatoire de la durée du contrat.
6) Renonciation
au moyen d’une clause pénale
2145. Une clause pénale stipulant le paiement d’une indemnité à l’entrepreneur
ou au prestataire de services ne peut constituer une renonciation valide par le
client au droit de résilier unilatéralement et sans motif son contrat d’entreprise
ou de prestation de services, droit prévu à l’article 2125 C.c.Q..
L’entrepreneur ou le prestataire de services ne peut prétendre qu’une telle clause constitue une renonciation tacite
au droit de se prévaloir de l’article 2125 C.c.Q.. Au contraire, la
clause pénale doit contenir une renonciation expresse et en termes précis et
clairs au droit à la résiliation sans motif pour que cette clause constitue une
renonciation valide à ce droit.
2146. Il importe d’abord de noter que les articles 2125
et 2129 C.c.Q.
ne comportent pas de règles d’ordre public. Ainsi, il est possible de renoncer
aux droits qui y sont prévus, si toutefois cette renonciation est valide. La
jurisprudence a décidé qu’une clause pénale ne constitue une renonciation ni à
la résiliation unilatérale prévue à l’article 2125 C.c.Q. ni au régime d’indemnisation
prévu par l’article 2129 C.c.Q..
En effet, en l’absence d’une renonciation sans équivoque et faite en toute
connaissance du droit à la résiliation unilatérale et des conséquences qui en
résultent, la clause pénale ne pourra pas être considérée comme étant une
renonciation tacite au droit de résiliation unilatérale, et le tribunal
[Page 817]
pourra alors déterminer le montant de l’indemnité
à payer par le client selon les critères
de l’article 2129 C.c.Q.
2147. L’entrepreneur
ou le prestataire de services qui introduit dans son contrat une clause pénale visant à empêcher le client de résilier son
contrat selon l’article 2125 C.c.Q. doit obtenir de ce client une renonciation à exercer ce droit expresse, claire et sans ambiguïté,
afin que cette clause soit applicable. Encore faut-il cependant que le client
donne son accord à cette clause en toute connaissance des conséquences qui
résultent de cette renonciation. Également, il faudra être attentif au
caractère abusif de la clause pénale, particulièrement lorsqu’elle est contenue
dans un contrat d’adhésion.
2148. Le droit à la résiliation unilatérale a pour but de protéger les
intérêts privés du client ayant conclu un contrat d’entreprise ou de prestation
de services comportant potentiellement des conséquences financières importantes
sur son patrimoine. Il n’y a aucun doute que l’entrepreneur cherche, par une
clause pénale prévoyant le paiement de montants élevés comme sanction en cas de
résiliation unilatérale du contrat par le client, à dissuader celui-ci de
résilier son contrat. Il cherche également à contourner par le fait même l’application
du régime spécial d’indemnisation que le législateur a voulu imposer à l’article
2129 C.c.Q.. C’est en raison de
ces objectifs, qui ne sont pas souvent dévoilés au client lors de la conclusion
du contrat, que la clause pénale doit être interprétée restrictivement par la
Cour afin d’écarter toute présomption d’une renonciation au droit à la
résiliation unilatérale par le client au moyen d’une clause pénale. Ainsi, pour
que cette clause permette de conclure à une renonciation au droit à la
résiliation unilatérale du contrat, elle doit exprimer l’intention et la
volonté du client de renoncer clairement et sans ambiguïté à la résiliation du
contrat sans motif en faisant même une référence précise à ce droit prévu à l’article
2125 C.c.Q..
2149. Une certaine
jurisprudence est à l’effet que la clause contenant une renonciation à un droit
et qui a fait l’objet des négociations entre les parties puisse produire ses
effets lorsqu’elle remplit toutes les
[Page 818]
conditions requises à
sa validité, notamment lorsqu’elle reflète l’expression de la volonté du client
et assure l’existence d’un consentement libre et éclairé.
2150. Il s’agit d’une exception pouvant être justifiée par le fait que l’entrepreneur
ou le prestataire de services peut avoir intérêt à obtenir une telle
renonciation moyennant une réduction du prix ou en raison de son refus de
conclure un contrat d’entreprise ou de prestation de services
avec d’autres clients. Par ces concessions, il cherche
ainsi à s’assurer que le contrat envisagé avec le client ne sera résilié
unilatéralement par ce dernier en l’absence d’une faute de sa part. Dans tous
les cas, il appartient à celui qui invoque la renonciation au droit à la
résiliation unilatérale du contrat de faire la preuve de toutes les conditions
requises à sa validité.
2151. Quant à la
renonciation par la clause pénale au régime d’indemnisation particulier prévu à
l’article 2129 C.c.Q., cette question sera davantage traitée dans la section
portant sur cet article. En bref, la clause
pénale ne peut être interprétée ni considérée automatiquement comme une
renonciation à l’application de l’article 2129 C.c.Q. En effet, l’exercice d’un droit légitime et reconnu par la loi
ne peut être sanctionné par l’application d’une clause pénale en l’absence d’une
renonciation préalable à ce droit. Il demeure cependant possible pour le
client, même en l’absence d’une renonciation au droit prévu à l’article 2125
C.c.Q., de renoncer à l’application des règles relatives à la détermination des
dommages prévues à l’article 2129 C.c.Q.
Cette renonciation peut avoir lieu lorsque les parties déterminent à l’avance
le montant de l’indemnité à payer pour compenser l’entrepreneur ou le
prestataire de services pour le préjudice pouvant résulter de la résiliation du
contrat par le client.
2152. Dans tous les
cas, le tribunal dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour réviser ce montant
en vertu de l’article 1623 C.c.Q. Le tribunal peut alors opter pour une
solution d’équité en révisant à la baisse le montant de la pénalité lorsque
celui-ci est déraisonnable et disproportionnel par rapport au préjudice ou aux
dommages réellement subis par l’entrepreneur ou le prestataire de services.
Il importera que le tribunal examine le caractère abusif de la clause pénale,
et ce, en particulier lorsque cette clause fait partie d’un contrat d’adhésion.
[Page 819]
2153. Rappelons finalement que l’insertion d’une clause de renonciation à la
résiliation dans un contrat d’entreprise ou de prestations de services qui
remplit également les critères d’un contrat de consommation est interdite en
vertu de l’article 11.4 de la Loi
sur la protection du consommateur, comme nous l’avons mentionné dans la
section portant sur la renonciation dans un contrat de consommation.
7) Renonciation dans le cas de la
reconduction du contrat
2154. Afin de déterminer la validité de la renonciation par le client à son
droit à la résiliation unilatérale d’un contrat de prestation de services en
cas de renouvellement de celui-ci, il importe de faire la distinction entre un
renouvellement automatique du contrat conformément à une stipulation
contractuelle et un renouvellement tacite. Dans le premier cas, toutes les
clauses du contrat se renouvellent automatiquement par le biais de cette
stipulation contractuelle subissant ainsi le même sort que le contrat. Ainsi,
les clauses d’un contrat renouvelé automatiquement continuent de produire leurs
effets entre les parties, à moins qu’une exclusion ou qu’une restriction ne
soit stipulée expressément par les parties. En d’autres termes, le
renouvellement automatique du contrat se fait aux mêmes conditions et aux mêmes
termes puisqu’il s’agit du même contrat qui était en vigueur avant l’arrivée de
son terme.
2155. La clause
stipulant la renonciation par le client à son droit de résiliation qui a été
exprimée de manière claire et non équivoque doit continuer de produire ses
effets. Le client ne peut prétendre que le contrat renouvelé automatiquement n’inclut
plus cette renonciation à son droit puisque la reconduction automatique du
contrat sans aucune modification ou
stipulation contraire donne lieu à une reconduction de toutes les clauses aux
mêmes termes et conditions initialement prévus. Ainsi, lorsque la renonciation
au droit à la résiliation unilatérale d’un contrat est jugée valide par le
tribunal, le renouvellement de ce dernier inclut également la renonciation au
droit à la résiliation unilatérale par le client. De même, lorsqu’une clause
contient une mention quant à la durée de sa mise en application, cette durée
est reconduite à moins que les parties stipulent la nécessité d’entamer une
négociation quant aux conditions régissant leur relation et qu’aucune des parties
n’a fait connaître son intention de ne pas renouveler le contrat.
[Page 820]
2156. Par contre, dans le cas d’une reconduction tacite du contrat, cette
reconduction ne produit pas les mêmes effets qu’un renouvellement automatique
et les dispositions particulières qui régissent le contrat en question
rencontrent leur application pour déterminer la durée de cette reconduction et
ses effets. Ainsi, dans le cas d’un bail résidentiel, la reconduction tacite
sera faite aux mêmes termes et aux mêmes conditions que le bail initial, alors que dans le cas
d’un bail commercial, le bail sera reconduit pour la même durée à moins que
celle-ci ne soit de plus d’un an. En un tel cas, le bail sera reconduit
seulement pour une année. Dans le cas d’un
contrat de prestation de services, en l’absence d’une disposition législative
qui traite de la reconduction tacite de ce contrat, cette reconduction aura
pour effet de maintenir toutes les clauses du contrat en vigueur à l’exception
de la durée du contrat puisque celui-ci devient à durée indéterminée de sorte
que le prestataire de services pourra y mettre fin en donnant un préavis au
client d’un délai raisonnable. Quant à la clause aux termes de laquelle le
client a renoncé à son droit à la résiliation unilatérale, elle ne produit plus
ses effets entre les parties. Le client récupère ainsi son droit prévu à l’article
2125 C.c.Q. et peut l’exercer sans
être obligé de donner un préavis d’un délai raisonnable.
2157. Dans tous les
cas, la question de renouvellement ou de reconduction du contrat doit être
déterminée à la lumière des stipulations qui sont prévues initialement par les
parties. Ainsi, lorsque le contrat contient une clause donnant à l’une des
parties le droit à une option de renouvellement à condition que certaines
clauses fassent l’objet de nouvelles négociations ou d’une nouvelle entente tel
que le prix, il n’y aura ni renouvellement ni reconduction tacite en l’absence
d’une nouvelle entente entre les parties sur le droit et les obligations
faisant l’objet de ces clauses. De même, lorsque le renouvellement ou la
reconduction tacite est exclu par une stipulation expresse, mais qu’advenant
une tolérance par l’une des parties quant à la continuité du rapport
contractuel, à certaines conditions, cette stipulation doit produire ses effets
entre les parties.
9. Contrat
de courtage
2158. La théorie de la cause efficiente de la vente (« efficient cause of sale ») s’applique
en droit québécois à des cas particuliers lorsque certaines conditions sont
remplies. Dans un contrat de courtage, elle
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permet par exemple à l’agence ou au courtier immobilier d’obtenir
une rémunération puisque le
travail et les services de ce dernier représentent la « cause efficiente » de la transaction qui a eu lieu entre le vendeur
et l’acheteur. En d’autres mots, cette théorie trouve son application lorsque
les services et le travail de ce dernier ont permis au vendeur d’entrer en
contact avec le futur acheteur et ainsi procéder ultérieurement à la vente.
2159. Bien que cette théorie vise des cas restreints, elle peut s’appliquer
dans le cas d’un contrat de courtage immobilier non exclusif ou encore lorsque
le contrat de courtage prend fin. Cependant, l’agence ou le courtier doit
établir une relation de nature contractuelle avec le client en établissant qu’il
est la « cause efficiente » de la transaction afin que le tribunal puisse
appliquer cette théorie. A contrario, lorsque le contrat de courtage
immobilier est exclusif, le courtier collaborateur ne peut prétendre que cette
théorie s’applique puisque le partage de la commission avec le courtier inscripteur ne peut avoir lieu que lorsque la vente a
lieu durant la durée du contrat de ce dernier.
10. Résiliation
d’une promesse en vertu de l’article 2125 C.c.Q.
2160. Il arrive que
les parties décident de passer par diverses étapes préliminaires avant de s’engager
définitivement par un contrat d’entreprise ou un contrat de prestation de
services. Cette façon d’agir peut avoir lieu à la demande du client qui cherche
en premier temps à obtenir un financement ou à évaluer sa situation avant de
conclure un contrat définitif de construction ou de prestation de services. La question qui se pose est de savoir si l’entente
de promesse peut être résolue en vertu de l’article 2125
C.c.Q. sans que le promettant-client engage sa
responsabilité envers le promettant-entrepreneur ou prestataire de services.
2161. La réponse ne peut qu’être qu’affirmative en appliquant le principe qui
se veut que la personne qui peut le plus peut le moins. En effet, le
législateur qui a accordé au client la possibilité de mettre fin en tout temps
à un contrat définitivement conclu sans avoir à motiver sa décision, fait qu’un
tel droit doit a fortiori être reconnu également au promettant-client.
Le régime prévu à l’article 2129 C.c.Q.
trouvera aussi son application en un tel cas. Le promettant-entrepreneur ou
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prestataire de
services ne peut faire une réclamation en dommages-intérêts que dans la mesure où il
peut obtenir une compensation par application des critères prévus à cet
article. Il ne peut prétendre avoir droit à une indemnisation selon les règles
de droit commun.