Art. 2121. L’architecte et l’ingénieur qui ne dirigent pas ou ne surveillent
pas les travaux, ne sont responsables que de la perte qui résulte d’un défaut
ou d’une erreur dans les plans ou les expertises qu’ils ont fournis.
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Art. 2121. An architect or an engineer who does not
direct or supervise work is liable only for the loss occasioned by a defect
or error in the plans or in the expert opinions he supplied.
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C.c.B.-C.
1689. Si, dans
le cas de l’article précédent, l’architecte ne surveille pas l’ouvrage, il n’est
responsable que de la perte occasionnée par les défauts ou erreurs du plan qu’il
a fourni.
C.c.Q. : art. 1526, 2118, 2119, 2120.
D.T. : art. 114.
L.Q. :
Loi sur les architectes, RLRQ, c. A-21.
Loi sur les ingénieurs, RLRQ, c. I-9.
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1. Introduction
1934. L’article 2121 C.c.Q.
établit une responsabilité moins lourde que celui des articles 2118 et 2120 C.c.Q. Cependant, à l’instar de la responsabilité prévue dans ces deux
derniers articles, la responsabilité qui découle de l’article 2121 C.c.Q. ne
dépend aucunement de l’existence d’un lien contractuel entre le client et l’architecte
ou l’ingénieur.
1935. Ces professionnels qui n’ont ni surveillé ni dirigé les travaux de
construction sont uniquement responsables des erreurs ou omissions commises
dans les plans et devis ou dans les expertises qu’ils ont fournis. Il s’agit du
cas où leur rôle est limité à la conception des travaux et où ils n’assument
aucune direction ou surveillance dans leur exécution. Ils seront donc exclus de
la responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage, prévue à l’article 2118 C.c.Q., de même que de la garantie légale, prévue à l’article 2120 C.c.Q., pour les vices et malfaçons
affectant l’ouvrage. Rappelons que ces deux articles spécifient clairement que
les architectes et les ingénieurs doivent avoir surveillé ou dirigé les travaux
pour que leur responsabilité puisse être retenue.
1936. Il importe, toutefois, de noter qu’à moins d’une preuve contraire, l’ingénieur
ou l’architecte a, même après la conclusion du contrat d’entreprise entre le
client et l’entrepreneur, la responsabilité de vérifier la méthode d’exécution
et les matériaux qui seront choisis par ce dernier pour réaliser l’ouvrage
conformément aux plans et devis élaborés par eux. En effet, cette
responsabilité découle de la nature de leurs tâches, en tant que concepteurs
des plans et devis. Il s’ensuit qu’après cette vérification, ils seront tenus d’approuver
ou de refuser la méthode choisie ou des matériaux utilisés par l’entrepreneur,
conformément à la disposition prévue à l’article 2099 C.c.Q. Il n’est pas
nécessaire qu’une telle approbation se fasse dans le cadre d’une participation
à la réalisation de l’ouvrage, à la direction ou à la surveillance des travaux.
1937. L’architecte ou l’ingénieur ayant approuvé ou autorisé la méthode d’exécution
ou les matériaux nécessaires à la réalisation de
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l’ouvrage engage donc
sa responsabilité advenant le cas où la méthode ou les matériaux choisis
apparaissent, plus tard, inadéquats ou inappropriés. Il importe peu qu’une
autorisation soit donnée par eux après vérification, ou sans vérification,
lorsque la cause première de la perte trouve son origine dans la méthode d’exécution
ou les matériaux choisis. Les circonstances ayant entouré leur vérification ne
constituent pas un moyen d’exonération. Ils peuvent cependant exercer un
recours récursoire ou même appeler en garantie l’entrepreneur qui a choisi la
méthode d’exécution ou le manufacturier qui a conçu les matériaux. La
responsabilité de ces derniers pourra être une responsabilité totale ou en être
une partagée avec l’ingénieur et l’architecte.
1938. Tout comme celle prévue aux articles 2118 et 2120 C.c.Q., la
responsabilité prévue à l’article 2121 C.c.Q. existe indépendamment de la
relation contractuelle entre le client et l’architecte ou l’ingénieur.
Ces derniers sont responsables de toute perte qui résulte d’une erreur dans les
plans ou les expertises qu’ils ont fournis. Ils demeurent aussi responsables en
cas de modifications apportées à ces plans ou à cette expertise. Le fait qu’ils
n’ont pas approuvé ces modifications ne constitue pas une cause d’exonération
de responsabilité, dans la mesure où ils en ont eu connaissance, mais ils ont
fait défaut d’aviser l’entrepreneur général et le client des risques pouvant
résulter de ces modifications.
1939. Ils sont
également responsables, même si leur contrat de prestation de services contient
une clause d’exonération de responsabilité advenant des modifications ou des
changements apportés aux plans et devis ou l’utilisation de matériaux autres
que ceux spécifiés dans ces plans et devis. Afin qu’une telle clause produise
ses effets et libère l’ingénieur ou l’architecte de sa responsabilité prévue à
l’article 2121 C.c.Q., ces derniers doivent faire la preuve que des
modifications ont été apportées à leurs plans à leur insu. Dans le cas
contraire, ils doivent établir en preuve qu’ils ont informé et avisé l’entrepreneur
et le client et qu’ils leur ont fourni des explications claires et précises
quant aux risques pouvant résulter de telles modifications. Dans tous les cas,
ils doivent démontrer que la perte subie par le client est due au non-respect
des plans et devis
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tel qu’élaboré à l’origine,
et que la cause de cette perte est imputable aux modifications et changements
qui y ont été apportés.
2. Responsabilité : conditions
A. Solidarité
1940. Certains auteurs se basent sur le fait que l’article 2121 C.c.Q. reprend l’ancien article 1689 du Code civil du Bas-Canada pour
conclure à la probabilité d’une condamnation solidaire de l’architecte et de l’ingénieur
même s’ils ne surveillent pas les travaux. Cette opinion
est fondée sur une jurisprudence rendue sous l’ancien article et ayant conclu à
la responsabilité solidaire de l’ingénieur et de l’architecte.
Or, l’article 2121 C.c.Q. ne
reprend pas l’article 1689 C.c.B.-C.
dans toutes ses composantes. Ce dernier faisait référence à l’article 1688 C.c.B.-C., alors que l’article 2121 C.c.Q. ne fait aucune référence à l’article
2118 C.c.Q., mais traite
distinctement du cas des ingénieurs et des architectes qui n’ont pas surveillé
les travaux. Partant de cette prémisse, il nous semble qu’il y avait des
raisons de conclure à la solidarité entre l’architecte et l’ingénieur lorsqu’ils
étaient régis par l’article 1689 C.c.B.-C., compte tenu des liens entre
celui-ci et l’article 1688 C.c.B.-C., ce qui n’est plus le cas actuellement
entre les dispositions des articles 2118 et 2121 C.c.Q. où il y a
absence de références.
1941. L’article 2121 C.c.Q. ne
prévoit pas de responsabilité solidaire et il ne faut pas lui donner une
interprétation que le texte ne lui attribue pas. Il s’agit d’une règle qui
constitue une exception à la responsabilité de l’architecte et de l’ingénieur
prévue aux articles 2118 et 2120 C.c.Q. En effet, lorsque ces derniers ne
supervisent pas les travaux, ils ne peuvent être tenus responsables que dans le
cas où la malfaçon ou la perte de l’ouvrage est due à une faute commise dans la
préparation et l’élaboration des plans et devis fournis par eux.
1942. Dans certains cas, la responsabilité de l’architecte et celle de l’ingénieur
peuvent être solidaires, même s’il s’agit d’un cas régi par l’article 2121 C.c.Q. Ainsi, dans le cas d’une faute
commune, commise par l’architecte et l’ingénieur chargés de préparer les plans
et devis ou des expertises, il y a lieu à une responsabilité solidaire
conformément aux articles 1525 et
1526 C.c.Q..
Rappelons que le contrat de
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prestation de services
conclu avec le client, par l’architecte et l’ingénieur, constitue pour eux un
contrat d’entreprise au sens de l’article 1525 alinéa 3 C.c.Q.
1943. Dans le cas
où l’architecte et l’ingénieur ont signé ensemble un seul contrat de service
avec le client, leur responsabilité sera solidaire, advenant une faute commise
en cours d’exécution de ce contrat. Même en présence de deux contrats de
service distincts intervenus séparément entre l’un et l’autre de ces
professionnels avec le client, leur responsabilité peut être solidaire si la
preuve révèle qu’une faute commune a été commise par eux. Il en est ainsi
lorsque les plans et devis sont préparés par l’un, mais vérifiés par l’autre ou
par les deux, chacun selon sa spécialité, alors que, plus tard, il est établi
en preuve que la perte de l’ouvrage est due à une erreur dans la conception de
ces plans. Même si l’un d’eux a été chargé de préparer les plans et devis et
que le rôle de l’autre n’a été que de vérifier ceux-ci, la faute commise est commune dans la mesure où un autre
professionnel, chargé de la même vérification, aurait dû déceler cette erreur.
1944. Il arrive,
aussi, que la preuve révèle que l’architecte et l’ingénieur ont commis, chacun,
une faute distincte dans la préparation des plans et devis. Dans ce cas, leur
responsabilité peut être solidaire lorsque les deux fautes causent le même
dommage. Cette responsabilité peut être, également, solidaire, conformément à l’article
1480 C.c.Q., même si chacune des fautes commises par l’ingénieur et l’architecte
cause un dommage distinct, alors que le client se trouve dans l’impossibilité d’établir
le lien de causalité entre la faute commise et le dommage causé par chacune de
ces fautes. Finalement, il y a
lieu de suivre le même raisonnement dans le cas des expertises préparées par l’architecte
ou l’ingénieur relativement à la qualité du sol.
B. Conditions
1945. Il faut donc
faire la distinction entre le cas où l’intervention de l’architecte ou de l’ingénieur,
dans la réalisation de l’ouvrage, se limite à la préparation des plans et devis
de celui où ils dirigent ou surveillent les travaux de construction ou de
rénovation. Dans le premier cas, le client peut le tenir responsable de la
perte de l’ouvrage sur la base de la responsabilité contractuelle ou
extracontractuelle. Pour ce faire, il doit prouver une faute commise par l’architecte
ou l’ingénieur dans la
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préparation ou l’élaboration
des plans ou dans l’expertise qu’ils ont fournie.
Il doit aussi établir en preuve le lien de causalité entre cette faute et la
perte de l’ouvrage. En ce qui concerne
cette dernière condition, le client doit démontrer un lien de causalité entre
la perte de l’ouvrage et l’erreur commise lors de la conception des plans qui
ont été suivis intégralement par l’entrepreneur et les sous-traitants dans l’exécution
des travaux.
1946. L’article 2121 C.c.Q.
parle d’un défaut ou d’une faute, ce qui laisse entendre que la preuve d’un
simple défaut quant à la conformité des plans ou de l’expertise aux règles de l’art
et à l’évolution technologique dans le domaine de leur profession, sera
suffisante pour engager leur responsabilité. En d’autres termes, il n’est pas
nécessaire de faire la démonstration d’une faute dans la conception ou l’élaboration
des plans ou expertises, il suffit d’établir une omission ou une non-conformité
aux derniers enseignements et expertises de la profession.
1947. Il importe de noter qu’il n’y a pas de présomption de responsabilité
sous l’article 2121 C.c.Q.
Malheureusement, une certaine jurisprudence
donne à cet article la même interprétation qu’elle donne à l’article 2118
C.c.Q. en concluant à une présomption de responsabilité. Or, il est clair, à la
lecture même de l’article 2121 C.c.Q.,
que l’architecte ou l’ingénieur qui n’a assumé aucune surveillance ou direction
des travaux ne sera responsable pour un vice quelconque qui affecte l’ouvrage,
à moins que ce vice ne résulte d’un défaut ou d’une erreur dans les plans ou
les expertises qu’il a fournis.
1948. Le client, ou tout autre intervenant en construction, ne pourra
chercher la responsabilité de l’ingénieur ou de l’architecte que sur la preuve
d’un défaut ou d’une erreur dans la conception des plans ou d’une expertise
effectués par l’un d’eux. En d’autres mots, il appartient au demandeur qui
cherche la responsabilité de l’ingénieur ou de l’architecte de faire la preuve
d’une faute commise par l’un d’eux dans la conception de plans ou de l’expertise
qu’il a fournie et que cette faute est à l’origine du vice ayant causé la perte
ou le dommage à l’ouvrage. En
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l’absence d’une telle
preuve, la responsabilité de ces derniers ne sera pas retenue puisqu’aucune
responsabilité n’est présumée à leur égard par le texte de cet article.
Cependant, cette responsabilité, comme nous l’avons déjà mentionné, peut être
contractuelle ou extracontractuelle, dépendamment de l’existence ou non d’un
lien contractuel entre le demandeur et l’ingénieur ou l’architecte.
1949. Chacun répond de ses propres plans ou expertises.
Sans la preuve de faute, la responsabilité de l’ingénieur ou de l’architecte ne
peut être retenue. Il importe, toutefois, de mentionner que la preuve par l’architecte
que ses plans n’ont pas été suivis intégralement par le constructeur ne
constitue pas, à elle seule, une cause d’exonération de responsabilité pour
lui. Pour être libéré des conséquences de l’erreur commise dans la conception
des plans, l’architecte doit aussi faire la preuve que la défectuosité ou le
vice qui affecte l’ouvrage n’est pas dû à cette erreur, mais plutôt à une cause
autre dont il n’est pas le responsable. En d’autres termes, l’architecte ou l’ingénieur
doit démontrer qu’il n’y a aucun lien de causalité entre les dommages et la
faute qu’il a commise lors de la conception des plans et devis ou lors de la
préparation de son expertise.
1950. Dans le cas d’un ingénieur ou d’un architecte ayant supervisé les
travaux, leur responsabilité sera retenue en vertu de l’article 2118 C.c.Q. dès que le client prouve que la
perte de l’ouvrage est attribuable à l’une des causes prévues à cet article.
Cette responsabilité est solidaire alors que la responsabilité, selon l’article
2121 C.c.Q., ne l’est pas puisqu’elle exige une preuve de la faute commise par
l’architecte ou l’ingénieur.
3. Perte
de l’ouvrage
1951. Il n’est pas nécessaire, pour invoquer la responsabilité légale de l’article
2121 C.c.Q., qu’il y ait perte de
l’ouvrage. En effet, cet article n’est pas lié à l’article 2118 C.c.Q. comme l’étaient les articles 1689 et 1688 C.c.B.-C.. Ainsi, la
responsabilité de l’architecte et de l’ingénieur est établie dès que le client
démontre l’erreur ou l’omission dans les plans et devis ou dans les expertises
qu’ils ont préparés, et les dommages qui en résultent. En cas de modification
postérieure des plans, il est de la responsabilité de l’ingénieur d’évaluer les
conséquences de
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cette modification aux
plans originaux. Ainsi, il sera
pertinent de se demander, en cas de perte, si celle-ci est due à des matériaux
défectueux, à l’emploi de mauvais matériaux, ou plutôt à une mauvaise décision
de procéder à des modifications aux plans originaux de la part de la personne
en charge de la réalisation du projet. Par ailleurs, dans l’éventualité où la
modification de la méthode ou des matériaux employés est plutôt proposée et
adoptée par l’entrepreneur général, il demeure également de la responsabilité
de l’architecte ou de l’ingénieur, experts en la matière, de donner leur
approbation technique ou de la
refuser, tout en avisant les personnes concernées de leur non-conformité et des
risques qui en découlent.