Art. 2120. L’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur pour les travaux qu’ils
ont dirigés ou surveillés et, le cas échéant, le sous-entrepreneur pour les
travaux qu’il a exécutés, sont tenus conjointement pendant un an de garantir
l’ouvrage contre les malfaçons existantes au moment de la réception, ou
découvertes dans l’année qui suit la réception.
|
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Art. 2120. The contractor, the architect and the
engineer, for the work they directed or supervised, and, where applicable,
the subcontractor, for the work he performed, are jointly bound to warrant
the work for one year against poor workmanship existing at the time of
acceptance or discovered within one year after acceptance.
|
[Page 703]
O.R.C.C. (L. V, DES OBLIGATIONS)
687. Le
constructeur, l’architecte et l’ingénieur sont responsables des vices et
malfaçons de l’ouvrage et des vices du sol, existant au moment de la réception
de l’ouvrage ou survenus dans les trois ans qui suivent.
Est sans effet toute stipulation visant à
abréger la durée de cette garantie, sauf dans le cas d’un ouvrage temporaire
dont la durée est expressément fixée à moins de trois ans.
CODE CIVIL FRANÇAIS
1792-3. Les
autres éléments d’équipement du bâtiment font l’objet d’une garantie de bon
fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à compter de la réception de l’ouvrage.
1792-6. La
réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage
avec ou sans réserve. Elle intervient à la demande de la partie la plus
diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout
état de cause, prononcée contradictoirement.
La garantie de parfait achèvement, à laquelle
l’entrepreneur est tenu pendant un délai d’un an, à compter de la réception, s’étend
à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit
au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie
de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les délais nécessaires à l’exécution des
travaux de réparation sont fixés d’un commun accord par le maître de l’ouvrage
et l’entrepreneur concerné.
En l’absence d’un tel accord ou en cas d’inexécution
dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée
infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant.
L’exécution des travaux exigés au titre de la
garantie de parfait achèvement est constatée d’un commun accord, ou, à défaut,
judiciairement.
La garantie ne s’étend pas aux travaux
nécessaires pour remédier aux effets de l’usure normale ou de l’usage.
D.T. : art. 114.
C.c.Q. : art. 1518,
1590, 2110, 2111, 2113, 2118, 2121, 2124, 2925, 2926.
C.p.c. : art. 143, 188, 189, 328.
1. Introduction
1851. L’article
2120 C.c.Q. impose une
responsabilité légale pour les malfaçons existantes lors de la réception de l’ouvrage
ou découvertes dans l’année suivant celle-ci. Cet article ne requiert pas la
preuve d’une faute. Le client peut s’en
prévaloir à l’encontre des personnes
[Page 704]
énumérées à cet article, même en l’absence
d’un lien contractuel entre eux. En présence d’un lien contractuel, la responsabilité légale
s’ajoute au régime de responsabilité contractuelle,
mais elle ne la remplace pas.
1852. La responsabilité contractuelle pour des malfaçons ne se limite pas à
la période d’un an. Il demeure toujours possible pour le client qui veut s’en
prévaloir, quel que soit le délai écoulé entre la réception de l’ouvrage et la
découverte des malfaçons. Il doit cependant faire la preuve de la faute de son
cocontractant selon les règles applicables en matière de responsabilité
contractuelle et ainsi démontrer qu’elle est la cause directe des malfaçons.
Contrairement à la situation qui prévalait au cours de la période couverte par
l’article 2120 C.c.Q., le client
ne bénéficie plus de la garantie légale qui sera mise en œuvre sans aucune
preuve d’une faute, mais uniquement sur la preuve de l’existence des malfaçons
et de leur manifestation au cours de la première année de la réception de l’ouvrage.
1853. La garantie d’un
an a pour objet d’assurer au client la qualité de l’ouvrage. Il s’agit d’un
délai suffisant pour permettre aux malfaçons de se manifester sans que l’on
puisse les confondre avec l’usure normale de l’ouvrage.
1854. Il faut se
référer au contenu contractuel pour déterminer l’étendue de cette garantie. De
même, le client qui accepte la réception de l’ouvrage sans réserve est présumé
avoir renoncé à cette garantie (art. 2113 C.c.Q.) pour les malfaçons apparentes ou visibles lors de cette
réception.
[Page 705]
2. Nature
et étendue de la garantie
A. Personnes tenues à la garantie
1855. Le but de l’article 2120 C.c.Q.
est d’assurer au client l’exécution du contrat de façon conforme à ce qui est
prévu ainsi qu’aux règles de l’art. Cet article tient responsables l’entrepreneur,
le promoteur immobilier en vertu de l’article 2124 C.c.Q., l’architecte et l’ingénieur qui ont surveillé ou dirigé les
travaux ainsi que le sous-entrepreneur, pour les travaux qu’il a exécutés, des
malfaçons existantes lors de la réception de l’ouvrage
ou survenant dans l’année suivante celle-ci.
1856. Il importe de souligner qu’une personne qui construit de nombreux
ouvrages immobiliers et qui les vend après y avoir habité peu de temps, doit
être assimilée à un entrepreneur au sens de l’article 2124
C.c.Q. et tenue à la garantie contre les malfaçons prévue
à l’article 2120 C.c.Q.. Par contre, une personne
qui construit une maison et qui a l’intention d’y habiter ne pourra être
assimilée à un entrepreneur, même si elle décide finalement de vendre l’ouvrage
sans y habiter et elle ne pourra donc être tenue à cette garantie.
B. Personnes pouvant se prévaloir de
la garantie pour malfaçons
1) Le maître
de l’ouvrage ou ses ayants cause
1857. Une question se pose donc à savoir qui peut se prévaloir de la garantie
prévue à l’article 2120 C.c.Q. Il
va de soi que le client ou le maître de l’ouvrage peut se prévaloir de la
protection prévue à cet article. Il reste cependant à déterminer si d’autres
personnes peuvent bénéficier de ce droit ou de cette garantie en tant qu’ayant
cause pour le client ou le maître de l’ouvrage. La réponse à cette question ne
peut être qu’affirmative puisque la garantie est un accessoire au bien
principal ou elle est intimement liée à ce bien de sorte que l’acquéreur du
bien ou l’ayant-cause, qu’il soit à titre universel ou à titre particulier,
peut se prévaloir de cette garantie qui lui a été transmise avec le bien (art. 1442 C.c.Q.). Cependant, une question se pose
au sujet de l’entrepreneur général et du promoteur au sens de l’article 2124
C.c.Q.
[Page 706]
2) L’entrepreneur
général
1858. L’entrepreneur général ne peut se prévaloir du régime de responsabilité
prévu à l’article 2120 C.c.Q. ni
des présomptions qui en découlent dans son rapport avec le sous-entrepreneur,
le fournisseur de matériaux, l’architecte ou l’ingénieur ayant surveillé l’exécution
des travaux. L’entrepreneur ne peut prétendre avoir le statut d’un client afin
de bénéficier des protections et des facilités que cette disposition offre au
propriétaire de l’ouvrage. Lorsque l’entrepreneur cherche à tenir responsables
envers lui, pour les malfaçons, l’un ou plusieurs des intervenants dans la
réalisation de l’ouvrage, son recours doit être intenté selon les règles de
responsabilité contractuelle. Il ne peut en aucun cas fonder sa demande en
justice sur la règle de l’article 2120 C.c.Q., ni se prévaloir de la présomption de responsabilité ou de
faute. Au contraire, il doit faire la preuve d’une faute commise par l’intervenant-défendeur,
du préjudice qu’il a subi en conséquence et du lien de causalité entre cette
faute et le préjudice subi. Sans cette preuve, son recours sera rejeté.
3) Le
promoteur immobilier
1859. Le promoteur du projet est assimilé par le biais de l’article 2124 C.c.Q. à un entrepreneur général pour
les garanties auxquelles celui-ci est tenu envers le maître de l’ouvrage.
Ainsi, l’acheteur de l’immeuble ou de l’unité construite par le promoteur
dispose du même recours et bénéficie des mêmes garanties que ce dont le client
dispose à l’encontre de son entrepreneur, notamment ceux prévus aux articles 2118 et 2119 C.c.Q. Le promoteur peut donc être tenu responsable comme l’entrepreneur
lorsque les unités de copropriétés neuves qu’il s’est engagé à livrer sont
affectées par des malfaçons et des déficiences
ou bien par l’un des vices prévus à l’article 2118 C.c.Q.
1860. Le promoteur ne peut toutefois, dans le cadre de ses relations contractuelles avec l’entrepreneur
général ou les sous-traitants, se prévaloir du régime de responsabilité prévu à
l’article 2120 C.c.Q., notamment de la présomption de responsabilité comme peut
le faire un client. Le fait qu’il ait confié un contrat d’entreprise à un
entrepreneur général ne lui permet pas de se considérer comme client au sens de
l’article 2120 C.c.Q. Son
rapport contractuel avec l’entrepreneur général ou ses droits et recours à l’encontre
des sous-traitants choisis par ce dernier ne peuvent être régis par la
disposition de cet article, mais bien selon le régime de responsabilité civile
contractuelle ou
[Page 707]
extracontractuelle. Il
faut appliquer au promoteur immobilier les mêmes règles qui s’appliquent aux
relations qui existent entre l’entrepreneur général et les sous-traitants. Il
peut paraître paradoxal que le promoteur ne puisse bénéficier de la règle
prévue à l’article 2120 C.c.Q.
alors que l’acquéreur de l’immeuble ou d’une unité résidentielle peut se
prévaloir de cette disposition, et ce, même s’il a fait cette acquisition du
promoteur immobilier lui-même.
C. Distinction avec la garantie de l’article
2118 C.c.Q.
1861. L’article 2120 C.c.Q.
établit une garantie légale en faveur du client à la charge des personnes qui y
sont mentionnées. Cette garantie a pour objet de lui assurer que l’ouvrage est
de bonne qualité et exempt de malfaçons durant la première année suivant sa
réception.
1862. Bien que les
personnes visées par les deux articles 2118 et 2120 C.c.Q. sont les mêmes, la
protection prévue dans l’un est différente de celle offerte par l’autre. C’est
la gravité et la nature du vice qui permettent de déterminer laquelle des deux
dispositions trouve son application au cas d’espèce. Les conditions d’application de l’article 2118 C.c.Q.
consistent essentiellement en la perte de l’ouvrage ou la menace qu’une
perte se réalise. Ainsi, si l’un des vices prévus à cet article rend l’immeuble
impropre à l’usage auquel il est destiné, le client bénéficie alors d’une
présomption de responsabilité, et ce, même en l’absence de ruine. Par contre,
une malfaçon n’affecte pas la solidité de l’immeuble et ne le rend pas impropre
à sa destination, mais elle entraîne l’application de la garantie légale prévue
à l’article 2120 C.c.Q.
1863. En d’autres mots, l’exigence de mise en péril de l’ouvrage n’est pas
nécessaire pour bénéficier de la garantie légale de l’article 2120 C.c.Q.,
alors qu’elle l’est pour bénéficier de celle prévue à l’article 2118 C.c.Q. Il faut donc faire la distinction
entre les vices de construction visés par ce dernier article et les malfaçons
dont traite l’article 2120 C.c.Q.. Le vice doit être
grave et présenter un risque sérieux quant à la solidité de l’immeuble, alors
que la malfaçon peut être définie comme
[Page 708]
étant un défaut mineur
qui provient d’un travail mal fait ou mal exécuté, et qui n’a pas d’incidence
sur la solidité de l’ouvrage.
1864. Pour qu’il s’agisse d’un vice visé par l’article 2118 C.c.Q. et non pas d’une malfaçon qui diminue
seulement la valeur de l’immeuble, le vice doit mettre la solidité de l’immeuble
en question ou constituer une menace de ruine ou d’effondrement avec le temps.
Il n’est pas nécessaire que l’effondrement de l’immeuble ou sa ruine se soit
déjà produit pour que le vice engage la responsabilité des intervenants en
construction, mais il suffit qu’une telle menace existe à l’avenir.
1865. Il s’agit d’une malfaçon lorsque la qualité des travaux est inférieure
aux normes établies ou à celles prévues dans le contrat. La malfaçon peut donc
découler d’une condition contractuelle, écrite ou verbale, qui n’a pas été
remplie ou être le résultat du non-respect des règles de métier de l’entrepreneur
ou des sous-traitants. Il y a aussi des
malfaçons lorsque l’ouvrage est incomplet ou déficitaire.
Par contre, si l’entrepreneur exécute un ouvrage différent de celui qu’il était
censé effectuer, il commet une faute contractuelle qui est loin d’être une
simple malfaçon. Il y a également
malfaçon lorsque l’ouvrage est non conforme aux stipulations du contrat ou aux
règles de l’art sans toutefois mettre en péril la solidité ou la sécurité de l’immeuble.
Dans ce dernier cas, la
responsabilité des intervenants en construction sera engagée en vertu de l’article
2120 C.c.Q. sur une preuve que les malfaçons
[Page 709]
existaient lors de la
réception de l’ouvrage, mais qu’elles ne se sont manifestées que dans l’année
qui suit. Les malfaçons doivent donc être non apparentes au moment de la
réception de l’ouvrage. Dans tous les cas, il
n’est pas nécessaire de faire la preuve de la ruine ou de la menace d’effondrement
de l’immeuble.
1866. Il arrive, toutefois, qu’une défectuosité apparaisse au départ comme
une malfaçon, mais qu’elle se dégrade par la suite au point de mettre en péril
la solidité de l’immeuble ou de constituer une menace de ruine. Dans ce cas, le
client peut disposer de deux recours, soit un recours en garantie légale pour
les malfaçons affectant l’immeuble (art. 2120 C.c.Q.) et un recours en responsabilité légale dans la mesure où la
défectuosité qui s’est aggravée est due à l’existence de l’un des vices
énumérés à l’article 2118 C.c.Q. D’ailleurs,
l’exercice d’un recours en vertu de l’article 2120 C.c.Q. n’écarte pas celui
pour la mauvaise exécution des travaux qui donne lieu à l’un des vices visés
par l’article 2118 C.c.Q..
1867. En règle générale, il suffit que l’ouvrage ne soit pas conforme à ce
qui est prévu au contrat et que la malfaçon porte atteinte à la jouissance du
bien par le client pour que la garantie légale s’applique. Cependant, le client
qui, par négligence, laisse un défaut mineur de construction se dégrader sera
tenu responsable pour la perte qui en résulte.
D. Portée de la garantie
1868. Il nous
semble que le législateur établit à l’article 2120 C.c.Q. une garantie légale
de qualité de l’ouvrage et de sa conformité aux règles de l’art. Elle sera mise
en œuvre en faveur du client sur une preuve de l’existence des malfaçons lors
de la réception de l’ouvrage ou découvertes durant la première année suivant
cette réception. Le client bénéficiaire de cette garantie n’aura donc pas à
faire la preuve d’une faute quelconque commise par l’un ou l’autre des
intervenants en construction. Il doit toutefois faire la preuve de l’existence
de
[Page 710]
malfaçons et de leur présence pendant
la première année de la réception de l’ouvrage.
1869. Il importe de souligner que cette disposition établit une présomption
que les malfaçons sont dues à la non-conformité des travaux exécutés aux règles
de l’art, ce qui fait présumer aussi une faute commise par les intervenants.
Elle a donc pour effet de renverser le fardeau de preuve de sorte que le client
n’a pas à démontrer la faute ni la cause qui est à l’origine des malfaçons, car
cette faute sera présumée par la preuve de leur existence et leur manifestation
durant la première année suivant la réception de l’ouvrage.
1870. Il n’est pas nécessaire, non plus, que le client soit lié à tous ces
intervenants par un contrat, il suffit qu’un contrat d’entreprise soit intervenu
avec un entrepreneur général pour que tous les autres intervenants mentionnés à
cet article soient tenus à la garantie légale pour les malfaçons.
Leur responsabilité pourra donc être de nature contractuelle ou
extracontractuelle, dépendamment de l’existence d’un contrat ou non avec le
client. Peu importe la nature de la responsabilité de chacun des intervenants,
celle-ci sera engagée sur la même preuve.
1871. La doctrine
et la jurisprudence tentent, depuis l’entrée en vigueur du Code civil du
Québec, d’identifier et de qualifier la nature de l’obligation qui découle
de la disposition prévue à l’article 2120 C.c.Q. Certains auteurs
et certains jugements qualifient l’obligation
prévue à cet article d’obligation de garantie qui empêche les personnes visées
par cette disposition de s’exonérer de leur responsabilité en
[Page 711]
invoquant le cas de
force majeure ou le fait d’un tiers. Ils justifient leur interprétation d’abord
par la terminologie employée par cet article, soit l’expression « [...] sont tenus conjointement pendant
un an de garantir l’ouvrage contre les malfaçons existantes au moment de la
réception, ou découvertes dans l’année qui suit la réception ». Ils invoquent ensuite l’absence, dans le
texte, d’une référence directe à des moyens d’exonération généraux ou
spécifiques. Ils s’accordent
cependant pour dire que l’intensité de l’obligation des intervenants en
construction ainsi que son étendue dépendent de ce qui est stipulé dans le
contrat liant les parties. Ils laissent donc
entendre que cette obligation peut être modifiée par les stipulations du
contrat et ainsi en être une de moyens ou de résultat ou demeurée une
obligation de garantie.
1872. Il nous semble difficile de concilier la thèse voulant que l’article 2120 C.c.Q. prévoie une obligation de garantie
à la charge des personnes visées avec celle qui invite à faire un examen du
contenu obligationnel du contrat pour déterminer la nature, la portée et l’étendue
de l’obligation de ces derniers. Comment peut-on alors affirmer que cette
obligation peut, dépendamment des stipulations du contrat, en être une de
moyens, de résultat ou de garantie et en même temps conclure à l’existence d’une
obligation de garantie prévue dans cet article ? Même si cette disposition n’est pas d’ordre public et que les parties
peuvent y déroger par une stipulation contractuelle, il demeure tout de même difficile de concilier deux conclusions tirées
de deux sources différentes relativement à une même obligation à laquelle sont
tenus plusieurs intervenants en construction n’ayant pas tous un lien
contractuel avec le client.
1873. Sur le plan
juridique, l’obligation de l’entrepreneur quant à la qualité de l’ouvrage et sa
conformité aux règles de l’art ne peut être transformée en obligation de
moyens. La seule dérogation offerte au cocontractant est d’exclure la garantie
légale pour les malfaçons après la réception de l’ouvrage, soit pour la durée
prévue à l’article 2120 C.c.Q. L’obligation de l’entrepreneur ou des
intervenants quant à la qualité de
[Page 712]
l’ouvrage et à sa
conformité aux règles de l’art ne peut être qu’une obligation de résultat.
1874. Or, il arrive
souvent que certains intervenants en construction, notamment les
sous-entrepreneurs, ne soient liés par aucun contrat au client bénéficiaire de
la garantie de l’article 2120 C.c.Q. Dans ce cas, la responsabilité de l’intervenant
envers ce dernier sera de nature extracontractuelle. Il est donc légitime de se
poser la question quant au critère devant être appliqué par le tribunal pour
déterminer la nature et l’étendue de l’obligation à laquelle est tenu un
intervenant qui n’a aucun lien contractuel avec le client. Doit-on alors se
référer au contrat intervenu entre ce dernier et l’entrepreneur général pour
déterminer la portée et l’étendue de l’obligation pour les malfaçons que doit
assumer un sous-traitant ? Que fait-on alors avec le principe de l’effet
relatif du contrat ou bien doit-on plutôt refuser toute référence à ce contrat
par application de ce principe ? Doit-on aussi considérer que la garantie
prévue à cet article est plus intense que celle prévue à l’article 2118 C.c.Q.
en matière de vice de construction qui menace même la solidité de l’ouvrage et
son effondrement ?
1875. Dans le même
ordre d’idées, comment peut-on concilier ces deux positions opposées quant à l’interprétation
et à l’application des articles 2118 et 2120 C.c.Q. alors que, malgré la
gravité des vices visés par le premier article, on permet aux intervenants de
se dégager de leur responsabilité en invoquant des moyens d’exonération
généraux ou spécifiques alors que lorsqu’il s’agit d’une malfaçon qui ne
représente aucune menace de ruine, d’effondrement ou risque de sécurité, on
interdit aux mêmes personnes d’invoquer ces mêmes moyens d’exonération ?
Les questions peuvent être multiples à cet égard et les réponses à ces
questions donnent autant de contradictions.
1876. Il nous
semble qu’une révision en profondeur s’impose afin d’arriver à une
qualification cohérente de la responsabilité et de la nature de l’obligation
que doit assumer chacune des personnes visées par l’article 2120 C.c.Q. À notre
avis, cet article établit une garantie légale quant à la qualité de l’ouvrage
et à sa conformité aux règles de l’art et aux stipulations
du contrat. Cette garantie légale, à l’instar de celle
prévue à l’article 2118 C.c.Q., sera mise en œuvre sur la simple preuve des
conditions d’application de cette disposition, soit des malfaçons existantes
lors de la réception de l’ouvrage ou découvertes durant la première année
suivant cette réception. On peut ainsi noter une différence importante entre
les deux dispositions; la première parle d’une responsabilité présumée, alors
[Page 713]
que la deuxième parle d’une
garantie à laquelle sont tenues les mêmes personnes. Il s’agit d’une garantie
ayant pour but d’assurer au client la livraison d’un ouvrage de bonne qualité,
conforme aux règles de l’art et exempt de malfaçons pour une durée d’un an, dès
sa réception.
1877. Cette
garantie légale ressemble, en quelque sorte, à la garantie pour vice caché que
le vendeur doit assumer envers son acheteur. Ainsi, le vendeur est tenu à cette
garantie, même s’il était de bonne foi et ignorait l’existence d’un vice caché
qui affecte le bien vendu. De la même façon, le législateur a créé, en faveur
du client, une garantie légale pour les malfaçons existantes lors de la
réception de l’ouvrage ou qui se manifestent durant la première année de cette
réception. La faute des personnes tenues à cette garantie est présumée par la
preuve des malfaçons. Celles-ci ne peuvent cependant se dégager de leur
responsabilité envers le client par la preuve de l’absence d’une faute de leur
part. Par contre, elles peuvent se dégager de cette responsabilité en faisant
la preuve d’un cas de force majeure ou du fait du créancier lui-même, soit le
client. Si la responsabilité pour les malfaçons est attribuable à la faute de l’un
des intervenants, l’autre intervenant qui se voit condamné à payer une partie
de l’indemnité au client, pourra exercer un recours récursoire en
responsabilité contre le responsable, et ce, même s’il n’existe pas
nécessairement de lien de droit entre ces derniers.
1878. On peut donc
établir un parallèle entre la garantie pour vice caché (art. 1726 C.c.Q.) et la
garantie pour les malfaçons (art. 2120 C.c.Q.). Ainsi, le vendeur poursuivi par
son acheteur en garantie pour vice caché peut, à son tour, appeler en garantie
son propre vendeur pour le tenir responsable envers lui, du même montant qui
sera accordé à l’acheteur, demandeur principal. Il peut aussi, dans certains cas,
appeler en garantie l’entrepreneur qui a effectué des travaux de construction
sur la propriété vendue. De même, l’intervenant poursuivi en garantie pour
malfaçons peut appeler en garantie l’intervenant responsable, par sa faute, de
ces malfaçons pour le tenir responsable de tout montant auquel il sera
condamné. Il s’agit d’un recours récursoire qui pourra aussi être exercé suite
au jugement rendu sur la demande du client en garantie pour malfaçons.
[Page 714]
E. Preuve requise de la malfaçon
1879. Il faut
donner à l’article 2120 C.c.Q. une interprétation cohérente à l’égard de tous
les intervenants en construction tenus à la même garantie pour les malfaçons.
Il s’agit d’un régime de garantie légale qui doit rencontrer son application
sans aucune preuve par le client d’une faute commise par l’un ou l’autre des
intervenants en construction.
1880. Le client
doit faire la preuve de malfaçons et de leur découverte ou manifestation durant
la première année suivant la réception de l’ouvrage. L’appréciation du
caractère apparent ou caché d’une malfaçon ou d’un vice doit se faire selon un
critère objectif, soit celui d’une personne raisonnable, et non pas selon un
critère subjectif. Ainsi, une malfaçon
peut être apparente pour une personne raisonnable et prudente, même si elle n’était
pas vue par un client sincère et de bonne foi. Chaque cas constitue un cas d’espèce
et le tribunal doit exercer son pouvoir d’appréciation avec sagesse. En cas de
doute sur le caractère apparent d’une
malfaçon, le tribunal doit favoriser le client. La renonciation au recours
contre l’entrepreneur pour des malfaçons doit être évidente et ne peut être
présumée à moins que la preuve ne révèle des indices suffisants pour y
conclure. À titre d’illustration, il y a un vice caché lorsque le toit d’un
immeuble commence à couler après la réception et le paiement du prix, alors que
personne n’a pu voir ce qui a causé l’infiltration d’eau.
Par contre, lorsque le client, à la suite de la remise du rapport terminal d’avancement
des travaux, accepte les travaux tels qu’exécutés sans aucune réserve, les
malfaçons apparentes sont présumées accepter.
Ainsi, des taches sombres dans le bois verni des meubles que le client a voulu
faire teindre sont des malfaçons apparentes qui auraient dû faire l’objet de
réserve lors de l’acceptation de l’ouvrage. De même, le
client qui ne fait pas de réserve au moment de la réception des travaux de sa
salle de bain ne peut se plaindre après des malfaçons résultant de la
réparation des tuiles de céramique alors qu’elles étaient apparentes.
[Page 715]
1881. Sont non apparentes, les malfaçons qui ne sont pas facilement visibles
et ne peuvent être découvertes par un examen général de l’ouvrage, mais
nécessitent une vérification spécifique par un professionnel ayant une
connaissance dans le métier. C’est le cas lorsqu’on
utilise des vis d’un pouce et demi au lieu de vis de trois pouces pour l’installation
d’une armoire, ce qui constitue une malfaçon non visible à l’œil nu.
De même, l’absence de calfeutrage adéquat autour des éléments sortant du toit
ainsi qu’aux fenêtres doit également être considérée comme une malfaçon ou un
vice caché.
1882. Il va de soi
que le client doit aussi mettre en preuve que ce sont bel et bien les
défendeurs qui ont été impliqués dans l’exécution des travaux entachés de
malfaçons. Le client doit aussi mettre en preuve l’importance du préjudice qu’il
subit en raison de la présence de malfaçons dans l’ouvrage. Ce préjudice ne
peut être simplement esthétique puisque ce défaut qui n’affecte pas la qualité
de l’ouvrage n’est pas couvert par la garantie de l’article 2120 C.c.Q. Le client peut toutefois exiger une
réduction de prix en conséquence selon la disposition de l’article 2111 C.c.Q..
1883. Lorsque le
client se trouve dans l’impossibilité de démontrer la cause exacte des
défectuosités, notamment si elles constituent des malfaçons liées à la mauvaise
exécution des travaux par le défendeur ou bien si elles sont des conséquences
du fait de la nature, le tribunal peut tout de même lui accorder une indemnité
qui correspond au coût de leur réparation. Il peut justifier sa décision par le
fait qu’en présence d’une situation confuse, il appartient à l’entrepreneur de
faire la preuve de la cause des problèmes. Ce dernier,
en tant que professionnel ayant l’expertise dans les travaux exécutés, doit
assumer le fardeau de preuve puisqu’il est le mieux placé par rapport à son
client compte tenu des circonstances.
[Page 716]
F. Moyens d’exonération de la
responsabilité
1) Généralités
1884. S’il est vrai
que le texte de l’article 2120 C.c.Q. ne contient aucune référence à des moyens
d’exonération généraux ou spécifiques, il est également vrai que ce texte n’exclut
pas, non plus, le droit des intervenants en construction d’invoquer différents
moyens d’exonération.
1885. On constate,
chez les auteurs et dans la jurisprudence, une hésitation à reconnaître aux
personnes tenues à la garantie pour les malfaçons, le droit d’invoquer des
moyens d’exonération généraux ou de limiter cette possibilité à certains moyens
spécifiques. Cette hésitation est due principalement à l’interprétation qu’ils
donnent à cette disposition à l’effet
qu’elle contient une obligation de garantie au lieu d’une garantie légale pour
les malfaçons. On sait très bien que le débiteur tenu à une obligation de
garantie ne peut invoquer le cas de force majeure et ne peut se libérer de sa
responsabilité envers le créancier qu’en faisant la preuve que l’indemnité qu’on
lui réclame ne tombe pas sous le champ de sa responsabilité.
Par contre, si l’on conclut qu’il s’agit tout simplement d’une garantie légale,
l’intervenant en construction peut invoquer tous les moyens d’exonération
généraux, sans égard à l’existence ou non d’un lien contractuel avec le client
et sans égard aussi à la nature et à l’étendue de l’obligation prévue dans son
contrat.
1886. Par ailleurs,
étant experts dans leur domaine, tous les intervenants en construction sont
tenus à une obligation de résultat quant à la qualité de l’ouvrage et à sa
conformité aux règles de l’art. Les règles de l’art
impliquent que les intervenants appliquent les méthodes de travail et l’usage
des matériaux appropriés au sein du domaine de la construction.
Pour ce faire, l’intervenant en construction doit s’assurer du respect des
techniques, des procédés, des systèmes et des moyens de réalisation qui
prévalent dans l’industrie à l’époque où le contrat est exécuté.
Cette obligation de résultat constitue la raison d’être de la garantie pour les
malfaçons, puisque si l’ouvrage a été construit conformément aux règles de l’art,
il ne doit être affecté d’aucune malfaçon. Le fait qu’une malfaçon se manifeste
dans un court délai, soit un an après la
[Page 717]
réception de l’ouvrage,
sera suffisant pour établir une présomption que l’ouvrage n’est pas conforme
aux règles de l’art. Il s’agit d’un cas où il y a absence de résultat ou
présence de mauvais résultats faisant ainsi présumer, en même temps, la faute
des intervenants dans l’exécution de leurs travaux. Une telle interprétation
est aussi conforme à l’enseignement doctrinal et jurisprudentiel en matière d’obligation
de résultat où la faute du débiteur sera présumée sur une preuve d’absence de
résultat ou de mauvais résultats, engageant ainsi sa responsabilité envers le
créancier, à moins de faire la preuve d’un cas de force majeure ou du fait du
tiers ou du créancier lui-même.
1887. L’article
2120 C.c.Q. établit donc une garantie légale qui oblige l’intervenant en
construction à un résultat précis et déterminé.
Il précise que les architectes et ingénieurs doivent avoir surveillé ou dirigé
les travaux pour que la garantie légale contre les malfaçons s’applique. Ceux
qui ont simplement préparé les plans et devis ou les expertises
ont une responsabilité limitée aux défauts pouvant être
imputés à une faute commise dans l’exécution de leurs prestations (art. 2121
C.c.Q.). De même, le sous-entrepreneur étant responsable seulement pour les
malfaçons qui affectent les travaux qu’il a assumés, il peut s’exonérer en
démontrant que la faute ne provient pas d’une erreur commise dans la partie des
travaux qu’il a exécutée ou que les malfaçons en question
ne s’y trouvent pas.
1888. À l’instar de
l’article 2118 C.c.Q., l’article 2120 C.c.Q. impose aux intervenants en
construction un régime de garantie légal pour malfaçons auquel ils ne peuvent
échapper que dans des cas exceptionnels. La particularité de ce régime de
garantie consiste dans le fait qu’un intervenant visé par ce régime ne peut se
soustraire à la garantie par la preuve de la faute d’un autre intervenant comme
étant la cause des malfaçons. Il doit partager la responsabilité avec le ou les
intervenants fautifs et il ne dispose que d’un recours récursoire contre ces
derniers.
1889. Ainsi, sur le
plan de la preuve, il suffit que le propriétaire démontre l’absence du
résultat, soit l’existence des malfaçons et le préjudice qui en résulte, pour
que ces intervenants soient tenus à son indemnisation. Ces derniers peuvent
toutefois échapper à leur responsabilité en utilisant divers moyens d’exonération.
À titre d’illustration, la preuve pourra être faite que les malfaçons sont
dues, notamment, à un cas de force majeure ou à la faute du propriétaire ou de
l’un de ses représentants, suite à son immixtion injustifiée dans le choix des
modes d’exécution ou des matériaux utilisés dans la construction, ou que ces
[Page 718]
malfaçons se trouvent
dans une partie exécutée par un sous-traitant choisi par ce dernier.
2) Force
majeure et fait du tiers
1890. Ainsi, il est
incompréhensible d’empêcher un intervenant en construction de faire la preuve
que les fissures dans les murs de l’immeuble sont dues à un tremblement survenu
après la réception de l’ouvrage ou que les anomalies qui sont apparues sont la
conséquence d’un ouragan et non pas d’une faute commise lors de l’exécution des
travaux de construction. L’article 1470 C.c.Q. assimile le fait du tiers et le
fait du créancier à un cas de force majeure donnant lieu à une exonération de
responsabilité en faveur du débiteur ou du défendeur.
1891. L’intervenant
peut invoquer le fait du tiers, surtout lorsque celui-ci a été imposé par le
client ou par une personne qui était sous sa responsabilité. Par contre, il ne
peut invoquer, comme moyen de défense à l’encontre de l’action du client, la
faute commise par un autre intervenant avec qui il doit partager la
responsabilité pour les malfaçons prévue à l’article 2120
C.c.Q. Il pourra, toutefois, appeler ce dernier en
garantie ou intenter, plus tard, un recours récursoire pour le tenir
responsable du montant qu’il a payé au client. Il pourra également, selon l’article
328 C.p.c., demander au tribunal de déterminer la part de responsabilité de
chacun des intervenants dans le montant accordé au client lorsque la preuve
soumise le permet.
3) Faute du client
1892. Les décisions fautives imposées par le client peuvent aussi être une
cause d’exonération pour les intervenants en construction,
comme c’est le cas à l’article 2118 C.c.Q. Cependant, ce moyen ne peut être
invoqué que pour les malfaçons qui se manifestent après la réception de l’ouvrage.
Quant aux malfaçons apparentes lors de la réception, les intervenants ne
peuvent invoquer les décisions fautives du client, car ils ont l’obligation de
rendre au client un ouvrage conforme à ce qui est stipulé dans le contrat et
aux règles de l’art. Ils ne peuvent forcer le client à recevoir un ouvrage
affecté de malfaçons. La situation est différente lorsque les malfaçons se
manifestent après la réception de
[Page 719]
l’ouvrage. Dans ce cas,
il faut leur permettre de prouver que les malfaçons sont attribuables à la
décision fautive du client. Il en est ainsi lorsqu’elles sont dues à des
matériaux inappropriés imposés par le client.
1893. En présence d’un contrat liant le client à l’une des personnes visées
par la garantie, on doit se pencher sur le contenu contractuel spécifique à
chaque cas et sur les circonstances de l’exécution des travaux pour déterminer
si l’intervenant en construction est tenu de répondre à la garantie de l’article
2120 C.c.Q. À titre d’illustration,
si le client, maître de l’ouvrage, augmente, de sa propre initiative, le rythme
des travaux, cela pourra, par le fait même, empêcher l’architecte de remplir
ses obligations de surveillance, tel qu’initialement prévu. Dans cette optique,
il est compréhensible que cet architecte, tenu à un mandat de surveillance, ne
soit pas en mesure d’effectuer correctement ses tâches, malgré toute sa
diligence, en raison de l’augmentation du rythme des travaux.
L’architecte ou l’ingénieur doit être exonéré de sa responsabilité lorsque la
conduite du client et les décisions prises par ce dernier rendent difficile l’exécution
de son mandat de surveiller les travaux à un point qu’il est devenu ardu de
déceler la présence de malfaçons dans l’ouvrage. Par contre, à l’inverse, l’architecte
devra être tenu à la garantie de malfaçons s’il n’a pas acquitté ses
obligations contractuelles alors que leurs conditions d’exécution sont
demeurées les mêmes que celles existant au moment de la conclusion du contrat.
4) Malfaçons
dans une autre partie de l’ouvrage
1894. Il faut reconnaître la possibilité aux intervenants en construction
visés par cet article, d’invoquer des moyens d’exonération généraux, mais il
faut également leur reconnaître le droit d’invoquer certains moyens
spécifiques, notamment le fait que les malfaçons découvertes ou qui se sont
manifestées ne se trouvent pas dans la partie dans l’exécution de laquelle ils
étaient impliqués. En d’autres termes, un intervenant qui n’a pas participé ou
qui n’a pas été impliqué de quelque manière que ce soit dans l’exécution de la
partie de l’ouvrage affectée par les malfaçons, doit être exonéré de sa
responsabilité en garantie pour ces motifs. D’ailleurs, l’article 2120 C.c.Q. spécifie que l’architecte et l’ingénieur
sont tenus à la garantie pour les travaux qu’ils ont surveillés et le
sous-traitant, pour les travaux qu’il a exécutés. Par conséquent, ces derniers
ne peuvent être tenus responsables pour des malfaçons qui se trouvent dans une
partie de l’ouvrage, alors qu’ils n’étaient pas impliqués dans son exécution.
Par contre, un intervenant impliqué dans
[Page 720]
l’exécution des travaux
ou dans une partie de l’ouvrage affectée de malfaçons ne peut se libérer de sa
responsabilité en faisant la preuve de l’absence d’une faute de sa part.
3. Renonciation
à la garantie légale
A. Conditions de validité de la
renonciation
1895. L’article 2120 C.c.Q. n’a
pas le caractère d’ordre public que possède l’article 2118
C.c.Q., car le manque de
solidité des immeubles n’est pas en cause. Il ne s’agit pas d’une présomption
de responsabilité comme c’est le cas à l’article 2118 C.c.Q.. Rappelons que les
malfaçons ne doivent pas être graves, de sorte qu’elles n’entraînent ou ne
menacent pas de causer la perte partielle ou totale de l’immeuble. Autrement,
la disposition de l’article 2118 C.c.Q.
rencontre son application. Il y a donc lieu de faire la distinction entre les
vices graves et les malfaçons, puisque celles-ci ne constituent pas un danger
sérieux pour la solidité de l’immeuble ou la sécurité du propriétaire et du
public. Les vices couverts par la garantie de l’article 2118 C.c.Q. sont
susceptibles de créer un danger sérieux et d’entraîner une lourde
responsabilité, alors que les malfaçons constituent des défauts de conformité
aux règles de l’art ou aux stipulations contractuelles qui, comme toute mauvaise exécution, donnent lieu à l’obligation
de réparation.
1896. Compte tenu du fait que la disposition prévue à l’article 2120 C.c.Q. n’est pas d’ordre public, les
parties peuvent y déroger par une stipulation contractuelle.
Il importe cependant de préciser que la dérogation ne peut être que d’une
portée restreinte et ne peut affecter la nature et l’étendue de l’obligation
des intervenants en construction quant à la qualité de l’ouvrage et à sa
conformité aux règles de l’art. Le client peut ainsi renoncer partiellement à
la garantie légale pour les malfaçons qui se manifestent ou qui seront
découvertes après la réception de l’ouvrage. Il ne peut cependant renoncer à la
garantie quant à la qualité de l’ouvrage à être réalisé et livré par l’entrepreneur.
Ce dernier demeure toujours tenu à une obligation de résultat pour la qualité
de l’ouvrage à construire et sa conformité aux règles de l’art ainsi qu’aux
stipulations
[Page 721]
du contrat. Le
tribunal doit déclarer sans effet
toute stipulation permettant à l’entrepreneur de fournir
un ouvrage non conforme aux règles de l’art ou sans aucune garantie quant à sa
qualité. Une telle stipulation est contraire à la règle de la moralité en
matière contractuelle que le législateur a codifiée dans plusieurs
dispositions, notamment aux articles 6, 7, 1375, 2100 C.c.Q.
1897. Il importe de souligner que le client peut aussi renoncer de manière
implicite à l’application de la garantie légale pour malfaçon de l’article 2120 C.c.Q., notamment en se prévalant du
programme de garantie offert anciennement par l’APCHQ
ou offert depuis le 1er janvier 2015 par la Garantie de construction résidentielle. En d’autres mots, le
client qui accepte la garantie offerte par cet organisme ne pourra pas plus
tard y renoncer pour se prévaloir de la garantie légale offerte par l’article 2120 C.c.Q. lorsque celle-ci est plus
avantageuse pour lui.
1898. Une
renonciation totale à la garantie de qualité de l’ouvrage et à sa conformité
aux règles de l’art constitue une violation à plusieurs dispositions, notamment
aux articles 2100, 2103, 2113 C.c.Q. De plus, l’alinéa 2 de l’article 2100
C.c.Q. rend sans effet toute clause excluant la responsabilité de l’entrepreneur
et du prestataire de services lorsqu’ils sont tenus à une obligation de
résultat comme c’est le cas quant à leur obligation relative à la qualité de l’ouvrage
et à sa conformité aux règles de l’art. Toute clause ou stipulation ayant pour
objet de libérer l’entrepreneur ou le prestataire de services de son obligation
de construire un ouvrage conforme aux règles de l’art et d’une qualité
adéquate, exempte de toute malfaçon, constitue une dérogation à l’ensemble des dispositions qui régissent le contrat d’entreprise.
Une telle stipulation aura pour effet de rendre l’engagement de l’entrepreneur
sans objet, ce qui est contraire à l’essence et à la nature même du contrat d’entreprise.
1899. La disposition de l’article 2120 C.c.Q. ne vise qu’une protection pour le client, maître de l’ouvrage. À
l’instar d’un contrat de vente où l’acheteur peut renoncer à la garantie de la
qualité du bien vendu, le client peut, de la même façon, renoncer dans son
contrat d’entreprise, à la garantie légale pour les malfaçons qui se
manifestent durant la période suivant la réception de l’ouvrage. Les parties
peuvent aussi limiter cette garantie à certaines catégories de malfaçons, ou, à
l’inverse, l’étendre et la prolonger dans le temps pour une durée excédant
celle prévue dans cet article.
[Page 722]
1900. Il
importe cependant de souligner que certaines malfaçons peuvent présenter un
risque ou des conséquences graves
qui affectent la solidité de l’immeuble. Dans ce cas, et
dans la mesure où la cause de ces malfaçons rencontre la qualification et les
critères de l’un des vices prévus à l’article 2118 C.c.Q., le client peut alors avoir un recours en garantie en vertu de
cet article, malgré la renonciation à la garantie prévue à l’article 2120 C.c.Q. Rappelons que le client ne peut
renoncer à la garantie prévue à l’article 2118 C.c.Q., en raison du caractère d’ordre public de cet article.
1901. Par ailleurs,
la renonciation ou la limitation de la garantie légale ne peut être valide et
opposable au client qu’à certaines conditions. Il faut, d’abord, que le client donne son consentement à la clause d’exclusion
ou limitative de la garantie en toute connaissance de cause. En d’autres
termes, son consentement doit être éclairé, de sorte qu’il soit bien avisé et
informé de l’existence du droit auquel il renonce. De même, tel que mentionné
ci-dessus, cette renonciation doit se limiter aux malfaçons apparaissant après
la réception de l’ouvrage.
1902. Toute renonciation à la garantie pour malfaçons prévue dans une clause
insérée dans le contrat et avant la réception de l’ouvrage peut être mise en
question puisque le client ne peut renoncer à l’avance sur un droit qu’il n’a
pas acquis ou dont il ne connaissait pas encore l’étendue. Cependant, une telle
renonciation peut être valide dans des cas exceptionnels et à condition qu’elle
soit donnée en contrepartie d’une réduction de prix pour le client. Dans tous
les cas, la renonciation doit être redirigée en termes précis et avec une
portée bien circonscrite pour qu’elle reflète l’intention des parties. Elle
doit donc être faite par écrit afin d’éviter la difficulté de démontrer son
existence, sa validité et sa portée.
1903. De plus, la clause d’exclusion ou limitative de la garantie devient
inopérante dans le cas où les malfaçons, qu’elles soient apparentes ou cachées,
résultent d’une faute intentionnelle ou lourde commise par le bénéficiaire de
cette clause (art. 1474 C.c.Q.).
Il va de soi qu’une telle clause devient aussi inopérante lorsque l’entrepreneur,
les sousentrepreneurs, l’architecte ou l’ingénieur étaient au courant de
[Page 723]
l’existence d’une malfaçon non apparente lors de la réception de l’ouvrage par le client, mais qu’ils n’ont pas procédé à sa réparation. En
effet, on peut assimiler la connaissance de malfaçons par l’intervenant en construction à la mauvaise foi ou à un
dol permettant d’obtenir la nullité de l’acte de réception de
l’ouvrage. Il en est ainsi lorsque ces derniers,
délibérément, procèdent à la délivrance
de l’ouvrage au client sans effectuer les réparations de ces malfaçons
en comptant invoquer, plus tard, la clause de
non-garantie.
1904. Un professionnel de bonne foi ne doit pas accepter de délivrer un
ouvrage affecté d’une malfaçon que le client ignore. Il ne faut pas permettre à
ces professionnels de se retrancher derrière une clause qui exclut la garantie légale
pour se soustraire à leurs obligations. Si la malfaçon est apparente lors de la
réception, mais que le client ne fait aucune réserve, la renonciation à la
garantie pour les malfaçons est alors confirmée par ce dernier.
Par contre, si les malfaçons ne sont pas apparentes, mais connues par les
professionnels, la clause de non-garantie doit être déclarée inopérante. Ces derniers, en laissant le client
recevoir l’ouvrage tel quel, commettent une faute intentionnelle ou lourde
pouvant donner lieu à l’application de l’article 1474 C.c.Q. qui invalide la
clause de non-responsabilité en présence d’une telle faute.
1905. Une question se pose : savoir
si la clause d’exclusion ou limitative de la garantie légale, prévue à l’article
2120 C.c.Q., est opposable à un
acquéreur subséquent de l’immeuble. Il nous semble qu’une réponse affirmative s’impose
dans les circonstances, étant donné que le vendeur de l’immeuble ne peut
transmettre à l’acquéreur plus de droits qu’il n’en possède lui-même. En effet,
lorsque le maître de l’ouvrage ne dispose plus de la garantie légale pour les
malfaçons, en raison de sa renonciation ou d’une limitation à laquelle il a
valablement consenti, il ne peut pas transmettre à son ayant cause un droit que
lui-même ne possède pas. Dans ce cas, et à moins que le contrat de vente ne
contienne également une clause excluant la garantie de la qualité à laquelle
est tenu le vendeur, l’acquéreur subséquent d’un immeuble garde un recours
contre son vendeur advenant la découverte d’une malfaçon après la vente de l’immeuble.
[Page 724]
B. L’application de l’article 2103
C.c.Q.
1906. Il est
légitime de se poser également une question dans le cadre de l’application de l’alinéa
2 de l’article 2103 C.c.Q., à savoir s’il sera possible pour l’entrepreneur ou
le prestataire de services d’exclure ou de limiter sa responsabilité pour les
malfaçons. Rappelons que par l’application de cet article, l’entrepreneur est
tenu à la même garantie que le vendeur professionnel, de sorte que la malfaçon
liée à la qualité du bien fourni ou de l’ouvrage qui se manifeste durant la
première année de la fin des travaux ou même après, sera couverte par l’application
des dispositions prévues aux articles 1728, 1729 et 1733 C.c.Q. Par conséquent,
toute clause d’exclusion ou de limitation de responsabilité devient inopérante
par le biais de l’article 1733 alinéa 1 C.c.Q., car dans un tel cas, l’entrepreneur
assimilé à un vendeur professionnel sera présumé connaître les malfaçons
découvertes.
1907. De même, la
garantie prévue à l’article 2120 C.c.Q. vise seulement les malfaçons et ne
couvre donc pas tous les vices qui peuvent survenir sur l’ouvrage. En effet, la
notion de malfaçon est distincte de celle relative au vice en matière de
qualité. L’appréciation d’une malfaçon et son existence seront déterminées
selon les règles de l’art dans le domaine de l’industrie et les stipulations
contractuelles, alors qu’en matière de la garantie de qualité, le respect des
normes applicables relativement à la fabrication du bien en question ne constitue
pas le seul critère déterminant. À l’instar du vendeur, l’entrepreneur ou le
prestataire de services pourra donc voir sa responsabilité engagée du simple
fait que l’ouvrage ne soit pas propre à l’usage auquel il est destiné, et ce,
nonobstant sa conformité avec les normes applicables à son industrie. Ainsi, la
notion de vice revêt un caractère différent lorsqu’il s’agit de garanties
relatives à la qualité du bien et à l’utilisation du bien ou de l’ouvrage.
1908. Ainsi,
lorsque l’alinéa 2 de l’article 2103 C.c.Q. trouve son application à un ouvrage
immobilier, le client pourra se prévaloir des dispositions prévues en matière
de contrat de vente afin de tenir l’entrepreneur responsable pour la qualité et
le bon fonctionnement de l’ouvrage auquel étaient incorporés les biens fournis.
En d’autres termes, l’entrepreneur qui fournit les biens nécessaires à la
réalisation de l’ouvrage sera tenu aux mêmes garanties que le vendeur
professionnel à l’égard de l’acheteur. Ainsi, les présomptions de connaissance
et de l’existence du vice prévues aux articles 1728 et 1729 C.c.Q. vont
[Page 725]
s’appliquer si le
client est en mesure de faire la preuve d’une détérioration ou d’un mauvais
fonctionnement de l’ouvrage survenu de manière prématurée par rapport à un ouvrage
identique ou de même espèce. Cet alinéa permet donc au client de bénéficier, en
plus des garanties prévues aux règles régissant le contrat d’entreprise, des
garanties offertes en matière de vente.
1909. Même lorsque
le délai d’un an prévu à l’article 2120 C.c.Q. est écoulé, le client pourra se
prévaloir des présomptions prévues en matière de vente, dont la preuve est
beaucoup plus facile à établir que celle de la faute de l’entrepreneur dans le
cadre d’un recours en responsabilité contractuelle selon les règles de droit
commun.
1910. L’alinéa 2 de
l’article 2103 C.c.Q. peut également s’avérer utile lorsque le bien n’est pas
affecté d’une malfaçon au sens de l’article 2120 C.c.Q., mais uniquement d’un
vice caché au sens des dispositions 1726 et suiv. C.c.Q., alors que ce vice n’est
pas couvert par l’article 2118 C.c.Q. Rappelons que la notion de vice caché est
plus large que celle de malfaçon. En effet, la notion de malfaçon se distingue
de celle relative au vice en matière de garantie de qualité, car ce sont les
règles de l’art dans le domaine de l’industrie et les stipulations
contractuelles qui permettent d’apprécier une malfaçon, alors qu’en matière de
garantie de qualité, le respect des normes applicables relativement à la
fabrication du bien en question ne constitue pas le seul critère déterminant. L’entrepreneur
ou le prestataire de services, à l’instar du vendeur, pourra donc voir sa
responsabilité engagée du simple fait que le bien ne soit pas propre à l’usage
auquel il est destiné ou soit inapproprié à l’ouvrage dans lequel il était
incorporé, et ce, nonobstant sa conformité avec les normes applicables à son
industrie. En somme, la notion de vice revêt un caractère différent lorsqu’il s’agit
de garanties relatives à la qualité du bien et à son utilisation.
C. Opposabilité de la clause de
non-garantie
1911. Sous le Code
civil du Bas-Canada, lorsque le client voulait poursuivre les intervenants
en construction pour une malfaçon affectant l’ouvrage, il devait s’en remettre
aux recours contractuels.
[Page 726]
1912. Depuis l’entrée en vigueur du Code civil du Québec, le client
dispose de deux recours concernant les malfaçons : un premier recours est fondé sur la responsabilité contractuelle contre
les intervenants en construction engagés directement par lui; un deuxième recours en garantie légale est fondé
sur l’article 2120 C.c.Q. contre les intervenants visés par cet article, même
si l’un d’entre eux n’est pas son contractant.
1913. Le recours
contractuel pour les malfaçons contre l’un des intervenants visés à l’article 2120 C.c.Q. dépend de l’intensité de l’obligation
assumée par ce dernier envers le client. Rappelons que
les parties peuvent élargir ou
restreindre la garantie pour les malfaçons. Le client lié seulement à l’entrepreneur
par un contrat d’entreprise peut-il opposer à l’ingénieur, à l’architecte et au
sous-entrepreneur, une clause qui augmente la garantie pour les
malfaçons ? De même, ces
derniers peuvent-ils opposer au client une clause qui diminue ou restreint la
garantie légale, alors qu’ils n’ont aucun lien contractuel avec lui ? Une
clause qui augmente la garantie incluse, seulement dans le contrat principal,
ne peut être opposée à l’ingénieur, à l’architecte ou au sous-entrepreneur, à
moins que le contrat liant ces derniers ne contienne la même clause de
garantie. Le principe de l’effet relatif du contrat limite leur responsabilité
pour les malfaçons à la garantie légale à laquelle ils sont tenus en vertu de l’article
2120 C.c.Q.
1914. Par contre, la clause qui restreint ou exclut la garantie pour les
malfaçons pour la période suivant la réception de l’ouvrage ne peut être
opposée au client par l’ingénieur, l’architecte ou le sous-entrepreneur, à
moins d’une stipulation contractuelle en leur faveur. En effet, ils sont des
tiers au contrat d’entreprise conclu avec l’entrepreneur et ne peuvent invoquer
à l’encontre du client une clause qui ne contient pas une stipulation pour eux. Il n’est cependant pas
nécessaire de les désigner expressément comme bénéficiaires, il suffit de
mentionner que la clause bénéficie aussi aux sous-traitants de l’entrepreneur.
Ainsi, en l’absence d’une stipulation en faveur des autres personnes qui
interviennent dans l’exécution des travaux à la demande de l’entrepreneur, ces
dernières doivent être tenues responsables en vertu de l’article 2120 C.c.Q.
pour les malfaçons découvertes après la réception de l’ouvrage, même si l’entrepreneur,
lié par un contrat d’entreprise au client, se trouve libéré de cette garantie
par la clause contractuelle.
[Page 727]
1915.
Rappelons que cet article établit une
garantie et une responsabilité légales aux intervenants en construction pour les malfaçons
sans égard à l’existence ou non d’un lien contractuel avec le client. Ils ne
peuvent donc se dégager de cette responsabilité par une clause dont ils ne sont pas les bénéficiaires alors qu’elle se trouve dans un contrat
auquel ils ne sont que des tiers. Il en est de même lorsque l’ingénieur, l’architecte
ou le sous-entrepreneur est engagé directement par le client. Ces derniers
demeurent tenus à la garantie légale pour les malfaçons, même si l’entrepreneur
est libéré, par son contrat, de cette garantie. Le client ne pourra pas
réclamer le montant total du coût de réparation des malfaçons aux intervenants,
mais il doit réduire de ce montant la part que l’entrepreneur aurait dû assumer
s’il n’avait pas été libéré de la garantie pour les malfaçons.
1916. La renonciation par le client à la garantie pour les malfaçons incluse
dans le contrat intervenu avec l’entrepreneur général ne pourra pas être
opposée par ce dernier aux autres intervenants qui demeurent responsables de la
garantie en vertu de l’article 2120 C.c.Q. Ainsi, advenant une condamnation, par le tribunal, de ces
intervenants à payer au client leur part dans l’indemnité, ces derniers
pourront toujours exercer un recours récursoire contre l’entrepreneur en
démontrant que les malfaçons étaient dues à sa faute.
1917. Le recours en
garantie est aussi ouvert aux acquéreurs subséquents de l’ouvrage et aux ayants
cause, car il s’agit d’un accessoire qui suit l’immeuble en quelques mains qu’il
passe. De même, le contrat
de vente d’un immeuble est assimilé à un contrat d’entreprise en vertu des
articles 1794 et 2124 C.c.Q. Le promoteur immobilier qui vend l’immeuble
qu’il a construit ou fait construire est tenu envers l’acheteur aux obligations
et garanties de l’entrepreneur.
4. Responsabilité
conjointe
1918. La
responsabilité des intervenants en construction est conjointe et non solidaire.
À moins d’une preuve, par un intervenant, que les malfaçons affectent une
partie de l’ouvrage dans l’exécution ou la surveillance de laquelle il n’était
pas impliqué, tous les intervenants
[Page 728]
seront tenus
responsables à parts égales envers le client.
Il importe cependant de faire la distinction entre la responsabilité
des intervenants en construction tenus à la garantie pour les malfaçons envers le client, et le partage de responsabilité
entre ces intervenants eux-mêmes. Ainsi, la responsabilité de chaque intervenant envers le client sera déterminée
à parts égales, selon le nombre d’intervenants tenus à la garantie, alors qu’entre eux, la responsabilité
sera déterminée selon la gravité et l’importance
de la faute commise par l’un ou l’autre ou l’absence de faute. En effet, il
appartient au défendeur qui prétend que sa responsabilité
pour les malfaçons est moindre que celle d’un autre intervenant de faire la preuve de
sa part réelle dans la responsabilité pour les malfaçons. À défaut d’une
telle preuve, la responsabilité des intervenants sera établie en fonction de
leur nombre et non en fonction de leur responsabilité respective.
1919. Par ailleurs,
un intervenant condamné à payer une part dans l’indemnité accordée au client
peut toujours exercer un recours récursoire contre l’intervenant responsable de
la malfaçon, en démontrant, d’une part, l’absence de faute de sa part et, d’autre
part, la faute commise par cet intervenant défendeur à l’action récursoire.
1920. Le client, l’acquéreur
subséquent ou l’ayant cause peut réclamer à chacun des intervenants visés par l’article
2120 C.c.Q., sa part dans le coût des réparations des malfaçons. Il n’a pas
donc à démontrer la faute commise par l’un ou par l’autre et qui peut être à l’origine
des malfaçons puisque cet article établit une garantie légale pour les
malfaçons qui fait présumer la faute de tous les intervenants visés. Rappelons
qu’un intervenant défendeur à une action en garantie pour les malfaçons ne peut
faire rejeter l’action contre lui en faisant la preuve de la faute d’un autre
intervenant et de l’absence d’une faute de sa part. Il a une responsabilité
légale établie par la loi envers le client à laquelle il ne peut échapper. Le
seul recours offert en l’absence d’une faute de sa part est un recours
récursoire contre l’intervenant fautif pour le tenir responsable en totalité ou
en partie du montant de l’indemnité qu’il a payée au client.
1921. À la lumière
de ce qui précède, deux remarques s’imposent, la première ayant trait à l’exercice
d’un seul recours par le client à
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l’encontre de tous les
intervenants défendeurs. Il s’agit d’un recours conjoint qui soulève les mêmes
questions de droit et de faits et qui peut être institué contre tous, selon l’article
143 alinéa 2 C.p.c. Il n’est pas donc nécessaire d’intenter un recours distinct
contre chacun des intervenants. La deuxième remarque est en rapport avec la
responsabilité conjointe des intervenants qui n’est pas solidaire. Cette
obligation, qui se divise entre les intervenants en construction visés par l’article
2120 C.c.Q., rend chacun d’eux responsable seulement pour sa part dans le coût
de réparation des malfaçons. Advenant l’insolvabilité de l’un d’eux, il
appartient au client d’assumer la part de ce dernier dans ce montant, ce qui
constitue une perte. Cependant, le client, afin de tenir les autres
intervenants responsables pour le coût total, peut toujours faire la preuve que
l’intervenant insolvable n’a pas commis une faute pouvant être à l’origine des
malfaçons.
1922. De même, advenant le défaut du client de poursuivre l’un des
intervenants alors qu’il aurait dû le faire, l’un ou l’autre des défendeurs à l’action
peut invoquer ce défaut pour faire assumer, même au client, la part de celui
qui n’a pas été poursuivi. En d’autres termes, l’attribution de la part de
responsabilité dans les coûts de réparation des malfaçons ne doit pas se faire
selon le nombre des intervenants poursuivis, mais selon le nombre des
intervenants pouvant être tenus, en vertu de l’article 2120 C.c.Q., responsables pour les malfaçons.
1923. Il importe de
souligner que l’entrepreneur ou les intervenants poursuivis par le client ne
peuvent invoquer le défaut d’impliquer dans l’action un autre intervenant
devant être poursuivi, car il y a des motifs valables de croire que la cause
qui est à l’origine des malfaçons peut être attribuée à une faute commise lors
de l’exécution de ses travaux. Rappelons que la faute commise par un
sous-traitant ne peut être un moyen de défense pour l’entrepreneur général qui
ne peut s’exonérer de sa responsabilité envers le client, car il est toujours
responsable en tant que coordinateur des travaux, de la faute commise par l’un
des sous-traitants même si les services de celui-ci ont été retenus par le
client. A fortiori, l’entrepreneur ne peut pas s’exonérer de sa
responsabilité envers le client pour les malfaçons qui affectent les travaux
exécutés par un sous-traitant qu’il a choisi. Par ailleurs, le client peut
choisir les intervenants qu’il désire impliquer dans son action puisqu’il n’est
pas obligé de poursuivre tous les intervenants visés par l’article 2120 C.c.Q.
afin de se prévaloir de la garantie pour malfaçons.
Notons cependant que l’un des défendeurs poursuivis par le client en
responsabilité pour
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malfaçons peut appeler
en garantie un autre intervenant pour le tenir responsable de la réclamation du
client, que cet intervenant soit poursuivi ou non dans la même action.
1924. Il importe
toutefois de faire la distinction entre l’entrepreneur et les autres intervenants
en construction. Dans le cas d’un entrepreneur qui n’est pas responsable de l’intervenant
fautif, sa responsabilité pour les malfaçons demeure et la faute commise par ce
dernier ne peut être un moyen de défense à l’encontre de l’action du client.
Par contre, dans le cas d’un sous-entrepreneur, d’un fournisseur de matériaux,
ou d’un ingénieur ou architecte ayant surveillé les travaux, la faute commise
par l’un peut être une cause d’exonération de responsabilité pour l’autre
sous-traitant qui démontre aussi qu’il n’était pas impliqué dans cette faute.
Dans tous les cas, la faute commise par l’un des intervenants peut justifier un
appel en garantie par un autre intervenant défendeur
ou un recours récursoire contre celui-ci.
1925. Enfin, la
Cour qui détermine la part de responsabilité de chaque intervenant dans le même
jugement rendu en faveur du client ne peut cependant nuire aux droits de ce
dernier de réclamer à chacun sa part déterminée selon le nombre d’intervenants
et non pas selon leur responsabilité respective. Il importe de noter que si la
part de responsabilité de chaque intervenant est déterminée selon leur
responsabilité respective ou selon l’existence d’une faute commise par l’un des
intervenants, le droit du client à l’indemnité pour les malfaçons risque d’être
compromis, surtout lorsque l’intervenant à qui les autres intervenants
cherchent à attribuer la responsabilité pour les malfaçons est insolvable.
Rappelons que l’objectif qui a motivé le législateur à établir une garantie
légale pour les malfaçons est non seulement d’assurer au client une garantie
quant à la qualité de l’ouvrage, mais aussi de lui épargner un fardeau de
preuve dont il pourra difficilement se décharger s’il devait démontrer la faute
et la responsabilité de chaque intervenant.
5. Mise en demeure adressée à tous les
intervenants
1926. Il importe de
noter que le client doit, dans un délai raisonnable, mettre en demeure tous les
intervenants visés par l’article 2120 C.c.Q. et leur demander de procéder
eux-mêmes à la réparation des malfaçons découvertes et qui affectent l’immeuble.
En raison de l’absence de
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solidarité entre ces
intervenants, il est du devoir du client de les aviser individuellement de l’existence
de malfaçons et de leur donner la chance de procéder à leur réparation. L’absence
de mise en demeure adressée à l’un des intervenants peut constituer un motif
pouvant justifier, à l’égard de ce dernier, le rejet du recours en réclamation
de sa part dans le coût de réparation. Enfin, cette
mise en demeure est nécessaire, même lorsque le recours du client est fondé sur
la base de responsabilité extracontractuelle puisque les intervenants sont
tenus, avant tout, à une obligation en nature en rapport avec les travaux qui
leur ont été confiés.
1927. Afin de se
prévaloir de la garantie légale pour les malfaçons, le client doit donc mettre
en demeure les intervenants en construction dès la découverte de la malfaçon.
La mise en demeure dénonçant les malfaçons doit être envoyée à tous les
intervenants avant que les travaux correctifs ne soient effectués par un tiers.
Le but de l’envoi de cette mise en demeure est de permettre à chacun des
intervenants en construction de
prendre connaissance du défaut et de procéder lui-même aux corrections.
Notons, à cet effet, que le client qui refuse, sans motif valable, de permettre
une réparation offerte par l’un des intervenants en construction, risque de
voir son recours en dommages-intérêts rejeté. Il perd aussi son droit de
retenir une somme d’argent pour les réparations,
comme le prévoit l’article 2111 C.c.Q.
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6. Délai
de prescription : point de
départ
1928. Rappelons que la réception de l’ouvrage est l’acte par lequel le client
déclare l’accepter. Celle-ci peut se
faire avec ou sans réserve. Les vices ou malfaçons apparents, au moment de la
réception de l’ouvrage, doivent faire l’objet d’une réserve (art. 2113 C.c.Q.).
Ceci implique que le client, lorsqu’il reçoit l’ouvrage, doit procéder à un
examen attentif de celui-ci. En l’absence de réserve, le client est réputé
avoir accepté l’ouvrage tel qu’il est, avec les malfaçons apparentes. Il perd,
de ce fait, tout recours contre les intervenants, ce qui inclut le recours en
garantie légale pour ces malfaçons en vertu de l’article 2120 C.c.Q. Dans tous
les cas, le client conserve, cependant, ses recours pour les malfaçons non
apparentes lors de la réception de l’ouvrage, mais qui seront découvertes
durant la première année de cette réception.
1929. La garantie
est d’une durée d’un an et court à compter de la date de la réception de l’ouvrage
et non pas de la date de la fin des travaux, comme c’est le cas pour l’article
2118 C.c.Q. La date de la réception peut coïncider avec celle de la fin des
travaux, mais elle peut, aussi, survenir avant ou après celle-ci. Si le client
néglige ou refuse de recevoir les travaux, alors que ceux-ci sont complétés et
que l’ouvrage est prêt pour l’usage auquel il est destiné, la garantie pour les
vices et malfaçons commence à partir du jour où il aurait dû recevoir l’ouvrage,
soit le jour de la fin des travaux. Le client ne peut, indûment, repousser le
délai de la garantie légale.
1930. Il importe
cependant de distinguer la durée prévue pour la garantie contre les malfaçons
du délai de prescription de l’action en garantie pour celles-ci. Dans le
premier cas, il s’agit d’un délai d’un an durant lequel les personnes visées
par l’article 2120 C.c.Q. sont tenues de protéger le client contre toute
malfaçon susceptible de se manifester. Or, dans le deuxième cas, le client qui
découvre une malfaçon au cours de l’année suivant la réception de l’ouvrage,
dispose d’un délai de trois ans pour intenter son recours en garantie en vertu
de cet article. Il s’agit ici du délai de prescription de droit commun, prévu à
l’article 2925 C.c.Q.,
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commençant à courir à partir de la
date de la découverte des malfaçons qui se manifestent dans l’année suivant la réception
de l’ouvrage.
1931. En cas de malfaçons apparentes au moment de la réception de l’ouvrage,
mais qui ont fait l’objet d’une réserve, le client aura un délai de trois ans à
compter de cette réception pour intenter son recours contre les intervenants en
construction. Lorsque la malfaçon
se manifeste graduellement, le départ de la prescription est le moment de sa
première manifestation appréciable (art. 2926 C.c.Q.).
1932. Le délai d’un an, prévu à l’article 2120 C.c.Q., n’est pas donc un délai de prescription ou de déchéance du
recours contre les intervenants en construction.
Il ne s’agit que du délai pendant lequel les intervenants sont tenus à la
garantie pour les malfaçons et à leur réparation, à leurs frais. Il dispense le
client de faire la preuve de la faute qui est à l’origine de la malfaçon. Le
fait que celle-ci se manifeste durant la première année de la réception de l’ouvrage
fait présumer que la faute et le droit à l’action naissent à ce moment.
1933. Si la
malfaçon est découverte après la période d’un an, le client perd son recours en
garantie prévue à l’article 2120 C.c.Q., mais il peut poursuivre les
intervenants en construction selon les règles de responsabilité contractuelle à
moins que le droit à cette action ne soit éteint selon les règles de
prescription qui y sont relatives. Il doit, dans ce
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cas, faire la preuve,
non seulement des malfaçons, mais aussi, la démonstration que celles-ci sont
attribuables à une faute commise lors de l’exécution des travaux par l’intervenant
en construction. Il va de soi que ce
dernier doit être lié par un contrat avec le client pour que celui-ci puisse
exercer son recours contre lui. Ainsi, l’ingénieur, l’architecte et le
sous-entrepreneur, qui n’ont pas contracté directement avec le client, ne
peuvent être tenus responsables des malfaçons découvertes après l’expiration du
délai d’un an prévu à l’article 2120 C.c.Q. Le client conserve, cependant, son recours contractuel contre l’entrepreneur,
même si les malfaçons se trouvent dans les travaux exécutés par un
sous-traitant. Il peut aussi exercer un recours contre un sous-traitant ayant
contracté avec l’entrepreneur général lorsque le contrat contient une
stipulation pour le client ou une cession en sa faveur de toutes les garanties
ou les recours dont dispose l’entrepreneur général.