Art. 2118. À moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur,
l’architecte et l’ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux,
et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement
tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la
fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de
construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol.
|
|
Art. 2118. Unless they can be relieved from liability, the
contractor, the architect and the engineer who, as the case may be, directed
or supervised the work, and the subcontractor with respect to work performed
by him, are solidarily liable for the loss of the work occurring within five
years after the work was completed, whether the loss results from faulty
design, construction or production of the work, or defects in the ground.
|
C.c.B.-C.
1688. Si l’édifice
périt en tout ou en partie dans les cinq ans, par le vice de la construction ou
même par le vice du sol, l’architecte qui surveille l’ouvrage et l’entrepreneur
sont responsables de la perte conjointement et solidairement.
O.R.C.C. (L. V, DES OBLIGATIONS)
687. Le
constructeur, l’architecte et l’ingénieur sont responsables des vices et
malfaçons de l’ouvrage et des vices du sol, existant au moment de la réception
de l’ouvrage ou survenus dans les trois ans qui suivent.
Est sans effet toute stipulation visant à
abréger la durée de cette garantie, sauf dans le cas d’un ouvrage temporaire
dont la durée est expressément fixée à moins de trois ans.
689. Ceux qui
ne se dégagent pas de la responsabilité prévue par les deux articles précédents
sont solidairement tenus envers le client.
P.L. 125
2106. À moins
qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte
et l’ingénieur qui ont dirigé ou surveillé les travaux sont solidairement tenus
de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la
réception, lorsque la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou
de fabrication de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol.
D.T. : art. 114.
C.c.Q. : art. 9, 1442, 1523, 1525 al. 1, 1590 al. 1, 1536, 1611, 1794,
2098, 2100, 2104, 2111 al. 2, 2115, 2119-2121, 2124,
2880 al. 2, 2925, 2926.
C.p.c. : art. 328.
L.Q. :
Loi sur les architectes, RLRQ, c. A-21 : art. 1, 16.
Loi sur le bâtiment, RLRQ, c. B-1.1 : art. 46, 50.
Loi sur les ingénieurs, RLRQ, c. I-9 : art. 1 d), 3.
Loi sur la qualification
professionnelle des entrepreneurs de construction, RLRQ, c. Q-1 : art. 25.
[Page 603]
1. Introduction
1619. L’application de l’article 2118 C.c.Q. implique l’existence d’un contrat d’entreprise et la preuve de l’un des
vices visés par cette disposition, soit un vice de construction, un vice du
sol, un vice de conception ou un vice de réalisation.
Le client qui cherche à se prévaloir de la garantie que lui procure cette
disposition doit démontrer que le vice découvert est la cause de la perte de l’ouvrage
ou qu’il constitue une menace à sa perte ou à sa ruine. Il peut poursuivre dans
la même action l’entrepreneur général, les sous-entrepreneurs, l’acheteur et l’ingénieur
ayant préparé les plans et devis et surveiller l’exécution des travaux.
Il n’est pas nécessaire que ces intervenants aient un lien contractuel avec le
client; il suffit que celui-ci fasse
la preuve de leur intervention dans la réalisation de l’ouvrage.
1620. Le législateur a employé le terme « ouvrage » pour remplacer
le terme « édifice », ce qui démontre une volonté d’élargir le
champ d’application du régime de la responsabilité légale pour couvrir la perte
de tout ouvrage immobilier. Ainsi, une
interprétation large doit être donnée à la notion de « perte de l’ouvrage » afin d’inclure la
perte potentielle et le défaut rendant le bien impropre à l’usage auquel il est
destiné.
[Page 604]
2. Nature et
étendue du régime de responsabilité légale
1621. L’article
2118 C.c.Q. établit le régime de la responsabilité de certains intervenants en
construction pour la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans de la
fin des travaux. Il précise que l’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur qui
ont dirigé ou surveillé les travaux, ainsi que le sous-entrepreneur, pour les
travaux qu’il a exécutés, sont responsables solidairement de cette perte. Cette
responsabilité est mise en œuvre sur une simple preuve que la perte résulte d’un
vice de conception, de
construction, de réalisation ou d’un vice du sol.
Le client n’a donc pas à prouver une faute imputable à l’un ou à l’autre de ces
intervenants pour engager leur responsabilité.
1622. Les
intervenants en construction sont tenus à une responsabilité solidaire qui
découle d’une disposition qui ne précise pas expressément s’il s’agit ou non d’une
solidarité parfaite. Cette responsabilité légale est cependant particulière,
puisqu’elle découle de la loi, indépendamment de l’existence d’une relation
contractuelle entre chacun des intervenants dans la construction et le client.
Ainsi, à défaut de faire la preuve de l’un des moyens prévus à l’article 2119
C.c.Q. pour se dégager de sa responsabilité, chacun des intervenants visés par
l’article 2118 C.c.Q. sera tenu solidairement responsable avec les autres intervenants,
envers le client, à réparer le préjudice subi par celui-ci.
1623. La poursuite intentée contre une ou plusieurs personnes visées par l’article
2118 C.c.Q. interrompt le délai de prescription à l’encontre des autres
intervenants non poursuivis, conformément à la disposition de l’article 2900
C.c.Q. qui prévoit expressément une telle interruption dans le cas d’une
obligation solidaire. Ainsi, le client qui décide, au départ, de poursuivre
seulement l’un ou quelques-uns des
[Page 605]
intervenants
interrompt le délai de
prescription à l’encontre des
autres intervenants, qui ne sont pas désignés comme défendeurs dans
son action. Advenant qu’un jugement soit rendu, qu’il soit favorable ou non au
client, celui-ci peut par la suite et en cas d’insatisfaction poursuivre les autres intervenants. À compter de la date où le jugement rendu
devient définitif, le délai de trois ans reprend son cours contre les
intervenants qui n’ont pas été poursuivis.
1624. De même, la
mise en demeure adressée par le client à l’une des personnes visées par l’article
2118 C.c.Q., suite à la découverte
de l’un des vices prévus à cet article, aura aussi pour effet de constituer en
demeure les autres personnes conformément à l’article 1599 C.c.Q. Cette
affirmation est justifiée par le fait qu’elles sont tenues solidairement à l’obligation
de réparer le préjudice. De même, lorsque le
client accorde, après découverte de l’un des vices, une remise de dette
complète et totale à l’un des intervenants, il libère également les autres
intervenants tenus solidairement à la même obligation de réparation des
dommages résultant du vice, et ce, conformément à l’article 1690 C.c.Q..
1625. Il importe
toutefois de souligner que la responsabilité solidaire parfaite prévue à cet
article ne peut être contractuelle malgré le fait qu’un lien contractuel puisse
exister entre le client et l’un ou quelques-uns des intervenants visés par cet
article. Il s’agit d’une obligation solidaire particulière trouvant sa justification et sa raison d’être
dans les objectifs à l’origine de l’adoption de ce régime de responsabilité par
le législateur qui cherche à assurer la sécurité du public en tenant tous les
intervenants en construction responsables des dommages, sans égard à l’existence
ou non d’un contrat avec le client.
1626. Cette interprétation est aussi justifiée par la présomption de
responsabilité qui facilite le recours du client et qui renverse le fardeau de
preuve en permettant à chaque défendeur de se dégager de sa responsabilité
selon les moyens prévus à l’article 2119 C.c.Q. En effet, cet article, relié à l’article 2118 C.c.Q., offre à chaque intervenant, comme
moyen d’exonération, outre le cas de force majeure et le fait du créancier, la
possibilité de se dégager de sa responsabilité en faisant la preuve de la faute
d’un autre intervenant et de l’absence d’implication de sa part dans cette
faute ou du fait qu’il ne peut être tenu responsable pour cette
[Page 606]
faute. On se trouve donc en présence d’une
multiplication des effets juridiques qui ne sont pas totalement propres au
concept de la solidarité parfaite en matière contractuelle.
A. Nature du régime de responsabilité
légale
1627. La jurisprudence continue à donner à l’article 2118
C.c.Q. la même interprétation qu’elle donnait à l’article 1688 de l’ancien Code civil, soit une
disposition créant une présomption de responsabilité.
Une telle conclusion doit être nuancée afin de prendre en considération les
éléments introduits dans cet article, ainsi que la nouvelle disposition prévue à
l’article 2119 C.c.Q. En effet,
cette dernière disposition prévoit des moyens d’exonération de responsabilité
pour les intervenants visés par le régime de responsabilité de l’article 2118 C.c.Q. De même, le législateur a maintenu
la responsabilité solidaire des intervenants en construction envers le client,
sous condition que ce dernier ne puisse se dégager de la responsabilité en
faisant la preuve de l’un ou de l’autre des moyens d’exonération prévus à l’article
suivant. Il est donc approprié de noter que la présomption de responsabilité
établie à cet article est simple, puisqu’une telle affirmation est conciliable avec le contenu de ces deux
dispositions qui prévoient la possibilité pour chacun des intervenants de se
dégager d’une telle responsabilité.
1628. À cet effet, il convient de comparer le régime de responsabilité prévu
à l’article 2118 C.c.Q. avec celui
établi à l’article 1463 C.c.Q. qui
prévoit une responsabilité présumée à l’égard du commettant pour la faute de
ses préposés sans égard à l’existence ou à l’absence d’une faute de sa part. En
effet, le commettant est tenu responsable pour les dommages causés par la faute
de son préposé, même en l’absence de sa part, de quelque faute que ce soit. En
d’autres mots, la présomption de responsabilité du commettant établie, dans ce
dernier article, ne peut être repoussée par une preuve de l’absence d’une faute
de sa part. Par analogie, on peut dire que si le législateur a voulu établir
une présomption
[Page 607]
absolue de
responsabilité à l’égard des intervenants visés par l’article 2118 C.c.Q., il n’aurait
pas dû prévoir la possibilité, pour chacun d’eux, de se dégager d’une telle
responsabilité.
1629. On peut
cependant prétendre que le législateur, à cet article, par l’emploi de l’expression
« à moins qu’il ne puisse se dégager de leur responsabilité » parle d’une
responsabilité et non pas d’une faute. Une telle interprétation trouve son
fondement dans le fait que le législateur par l’emploi du mot « responsabilité »
plutôt que du mot « faute » avait l’intention de renforcer la nature
de la garantie offerte pour le client, afin de ne pas faciliter la tâche aux
intervenants qui souhaiteraient se libérer d’une telle garantie. D’ailleurs, le
contenu de l’article 2119 C.c.Q. va dans le même sens, en précisant des
critères stricts et des moyens restreints quant à la possibilité de se dégager
de la responsabilité pour la perte de l’ouvrage en raison de l’un des vices
prévus à l’article présent. En effet, chacun des intervenants ne peut se
décharger de sa responsabilité qu’en faisant la preuve seulement de la cause d’exonération
spécifiquement prévue par la loi. Il ne peut se limiter à une simple preuve de
bonne conduite ou de l’absence d’une faute dans l’exécution de son travail ou
de ses prestations.
1630. Bien que le
législateur par l’expression « à moins qu’il ne puisse se dégager de leur
responsabilité » cherche à établir une règle générale qui s’applique à
tous les intervenants, cette règle vise principalement l’entrepreneur général
qui pourra difficilement restreindre sa responsabilité envers son client pour
la perte de l’ouvrage. Cet objectif se confirme par le fait que l’entrepreneur
ne peut s’exonérer de sa responsabilité en faisant la preuve qu’il a agi avec
diligence et prudence ou qu’il s’est comporté comme l’aurait fait une personne
raisonnable dans de semblables circonstances. Il ne peut non plus faire la
preuve de l’absence d’une faute commise par lui ni faire la preuve de la faute
commise par l’un des sous-traitants étant donné qu’il est tenu à une obligation
de résultat en ce qui concerne la qualité des travaux et la conformité de l’ouvrage
aux règles de l’art. Même lorsque la perte
peut être imputée à la faute commise par l’un des intervenants, l’entrepreneur
ne peut s’exonérer de sa responsabilité malgré la preuve d’une telle faute en
raison de son obligation de résultat quant à la conformité de l’ouvrage et du
fait qu’il assume toujours la coordination et la direction des travaux, ce qui
implique nécessairement une obligation de surveiller la qualité et la
[Page 608]
conformité de leur
exécution par les différents intervenants, même ceux qui ne sont pas ses
sous-traitants. Dans ce sens, il a l’obligation de s’assurer que les parties de
l’ouvrage exécutées par les différents intervenants soient d’une qualité et d’une
conformité qui correspondent aux normes requises pour la solidité de l’ouvrage.
1631. Il nous
semble qu’il s’agit d’un régime de présomption de responsabilité tempérée par
une possibilité restreinte de s’en dégager par une preuve devant remplir des
critères et des conditions propres à chaque intervenant et qui s’adapte à son
rôle et à la nature des tâches et du travail effectués par lui dans un ouvrage
immobilier. Il faut donc exclure aussi une interprétation imposant un régime de
présomption de faute, au moins pour l’entrepreneur général et le
sous-entrepreneur.
1632. Bien que le
législateur fasse dépendre la responsabilité de chacun de ces intervenants à
son défaut de faire une preuve de l’un des moyens d’exonération qui lui sont
offerts par l’article 2119 C.c.Q., il ne faut pas conclure à l’existence d’un
régime de présomption de faute permettant à chacun des défendeurs de faire
repousser cette présomption par la simple preuve de l’absence d’une faute de sa
part. En effet, le législateur prévoit des moyens spécifiques propres à chacun
des intervenants pour pouvoir se dégager de sa responsabilité pour la perte de
l’ouvrage en raison d’un vice prévu à cet article. Il n’offre pas les mêmes
moyens d’exonération à tous les intervenants visés par cet article. Ainsi, l’entrepreneur
ne peut se dégager de sa responsabilité par une simple preuve de l’absence d’une
faute de sa part, alors que cette preuve est admissible lorsqu’il s’agit d’une
présomption de faute. De plus, l’entrepreneur demeure responsable envers le
client nonobstant la preuve de la faute d’un autre intervenant, à moins que l’on
se trouve en présence d’une exception, comme nous le verrons plus en détail
sous l’article 2119 C.c.Q.
B. Conditions générales à l’application
du régime de responsabilité légale
1) Le vice doit être découvert après la fin
des travaux
1633. Le recours du
client à la garantie prévue à cet article ne peut être exercé qu’une fois que l’ouvrage
est reçu et qu’il y a eu fin des travaux. La découverte d’un vice avant la
réception de l’ouvrage permet au client de la refuser afin de contraindre l’entrepreneur
et les autres intervenants en construction à réparer le vice, dans la mesure où
celui-ci est sérieux et remplit les critères prévus à l’article 2118 C.c.Q.
Advenant le cas où la réception de l’ouvrage a eu lieu et que le client
découvre un vice sérieux, couvert par la garantie prévue à l’article 2118
C.c.Q., bien qu’il
[Page 609]
pourra aviser
formellement l’entrepreneur de son existence, cette découverte
peut empêcher la fin des travaux. Ce régime de responsabilité ne peut donc être
invoqué avant la fin des travaux puisque le client dispose de moyens plus
efficaces à l’encontre des intervenants, notamment le
refus de recevoir l’ouvrage et de payer le prix convenu.
2) L’application
de la règle n’exige aucune réserve lors de la réception de l’ouvrage
1634. Dans le cas de malfaçons apparentes, la réception de l’ouvrage et le
paiement de son prix sans réserve par le client libèrent l’entrepreneur de l’obligation
de les réparer. Par contre, les intervenants en construction visés par l’article
2118 C.c.Q. ne seront pas libérés de leur responsabilité, même en l’absence de
toute réserve, advenant le cas où le client découvre que l’immeuble est affligé
d’un vice de construction, de réalisation, de conception, ou du sol, qui menace
la solidité de l’ouvrage. Il s’agit d’un critère indispensable puisqu’il faut
faire la distinction entre la responsabilité prévue au présent article et celle
de l’article 2120 C.c.Q..
3) Le point de départ du délai de cinq ans
de la garantie
1635. Ces vices ne
sont pas toujours perçus par une personne raisonnable n’ayant pas de
connaissances en construction. C’est pourquoi le
législateur n’a pas retenu le jour de la réception des travaux ou du paiement
de ceux-ci comme point de départ du délai de cinq ans,
mais plutôt la date de la fin des travaux. De plus, le droit à l’action en
vertu de l’article 2118 C.c.Q. naît au moment où le client peut établir la
perte de
[Page 610]
l’ouvrage et la cause
qui est à l’origine de cette perte. Conséquemment, le délai de prescription de
trois ans de l’action en responsabilité ne commence à courir qu’à partir de ce
moment. Dans le même ordre d’idées,
si le préjudice se manifeste graduellement, le délai de prescription commencera
à courir au moment où il est devenu possible de faire l’appréciation de la
survenance du préjudice.
1636. L’acceptation des travaux, lors de la réception de l’ouvrage, n’entraîne
donc pas de renonciation au recours en responsabilité prévu à l’article 2118 C.c.Q. Le client, n’ayant pas toujours les
connaissances requises dans le domaine de la construction, ne peut apprécier
véritablement la qualité des travaux effectués qu’après un certain temps.
En général, les vices de construction, de réalisation, de conception ou du sol
ne surviennent que graduellement.
4) Le lien
contractuel n’est pas requis
1637. La responsabilité légale des personnes visées par cet article existe
indépendamment de leur relation contractuelle avec le client et s’ajoute au
régime de responsabilité contractuelle. Ainsi, cette
responsabilité existe sans égard à la responsabilité contractuelle du régime de
droit commun. De même, lorsque la responsabilité légale ne peut être invoquée
en raison du défaut de l’une des conditions de sa mise en œuvre,
[Page 611]
il est toujours plausible, pour le client, d’invoquer la responsabilité
contractuelle, la responsabilité
délictuelle ou la garantie du
vendeur. Rien n’empêche le
client d’exercer ces recours simultanément et dans la même demande.
5) L’ouvrage
doit être immobilier
1638. La
garantie prévue à l’article 2118 C.c.Q.
ne vise que les ouvrages immobiliers. Cependant, il n’est pas nécessaire que l’ouvrage
porte uniquement sur un immeuble par nature pour pouvoir bénéficier de cette
garantie. Les immeubles par destination sont également inclus. Il importe de
faire la distinction entre, d’une part, un meuble qui devient immeuble par
destination, de façon permanente, et qui sert à l’utilité de celui-ci et, d’autre
part, un meuble qui s’attache à l’immeuble sans y être incorporé et qui n’est
qu’un accessoire de celui-ci. Seul le premier sera
[Page 612]
considéré comme un
immeuble au sens de l’article 2118 C.c.Q. lorsqu’il est atteint d’un vice de conception ou de réalisation
qui se répand sur tout l’immeuble.
C. La disposition de l’article 2118 C.c.Q. est d’ordre public
1639. Le but de
la disposition prévue à l’article 2118 C.c.Q. est d’assurer la solidité et la qualité des immeubles, la
sécurité du propriétaire ainsi que celle du public en général.
Il s’agit donc d’une disposition d’ordre public de direction à laquelle le
client ne peut renoncer. Aucune clause de
non-responsabilité ne permettra donc l’exonération de
[Page 613]
responsabilité des intervenants visés par l’article 2118 C.c.Q..
Conséquemment, toute renonciation à son application est sans effet. Donc, une
clause qui limite la responsabilité de l’entrepreneur pour une durée inférieure
à cinq ans sera déclarée sans effet par le tribunal.
Notons, toutefois, qu’une clause d’arbitrage ou compromissoire n’est pas
contraire à l’ordre public, même si elle a pour objet de soustraire à la
compétence des tribunaux communs le litige résultant d’une perte de l’ouvrage
pour l’une des causes prévues à l’article 2118 C.c.Q..
1640. Les
parties peuvent convenir d’une garantie contractuelle pour la perte de l’ouvrage
résultant d’un vice de construction, de réalisation, de conception ou du sol.
Les contrats de garantie, anciennement de l’APCHQ, dans le cas d’une vente d’une maison neuve, en sont un exemple.
Ces garanties sont valides pourvu qu’elles ne diminuent pas l’étendue de la
garantie légale prévue à l’article 2118 C.c.Q. Dans le cas contraire, le client
peut toujours se prévaloir de la garantie légale prévue à cet article plutôt
que de demander la mise en application de la garantie offerte anciennement par
l’APCHQ dans le contrat de cautionnement. En effet, en
raison du caractère d’ordre public de cette disposition, toute clause
limitative de responsabilité prévue au contrat
[Page 614]
doit être écartée pour
permettre l’application de la garantie légale, lorsque les conditions requises
pour cette application sont remplies.
1641. À partir du 1er janvier 2015, un nouvel organisme au nom de Garantie de construction résidentielle
(GCR) a été créé par le gouvernement pour prendre en charge la garantie de
maisons neuves. Quelles que soient les dispositions qui régissent cette
garantie de maisons neuves, la jurisprudence rendue en matière de la garantie
offerte par l’APCHQ s’applique à la nouvelle garantie et le client malgré son
consentement donné à cette garantie peut toujours se prévaloir de la garantie
légale offerte par l’article 2118 C.c.Q.
lorsque celle-ci est plus avantageuse pour lui. Rappelons que la disposition de
cet article est d’ordre public de direction et toute renonciation par le client
à son application qu’elle soit expresse ou tacite sera sans effet et ne lui
sera pas opposable.
1642. L’article 2118 C.c.Q.
établit un régime de responsabilité spéciale conçu dans l’intérêt du client et
du public en général. Son objectif principal est d’empêcher l’entrepreneur ou
le prestataire de services d’obtenir une concession du client au détriment de
la qualité de l’ouvrage. Il a pour effet de forcer les intervenants en
construction à exécuter les travaux et à rendre des services selon les règles
de l’art sous peine d’engager leur responsabilité en cas de perte de l’ouvrage.
Ils doivent, ainsi, agir dans le meilleur intérêt du client (art. 2100 C.c.Q.).
D. Solidarité parfaite ou imparfaite
1643. Il importe de noter, d’abord, que le client est souvent un profane n’ayant
pas de connaissances pertinentes en matière de construction
et des règles de l’art. C’est pourquoi le législateur a
imposé une responsabilité solidaire entre les intervenants visés par le libellé
de l’article 2118 C.c.Q., étant donné que le propriétaire sera mal placé pour
déterminer le responsable de la perte de son ouvrage ou la part de
responsabilité de chaque intervenant ayant causé cette perte.
Il peut ainsi les poursuivre ensemble pour qu’ils soient condamnés
[Page 615]
solidairement à lui payer le montant de l’indemnité, à moins que l’un ou l’autre ne se dégage de cette responsabilité en
faisant la preuve de l’un des moyens offerts par l’article 2119 C.c.Q. Notons
qu’il ne suffit pas de faire la preuve de l’absence de sa faute, mais aussi une
preuve qui démontre l’attribution de la responsabilité de la perte à une faute
commise par les autres intervenants.
1) Effets de la solidarité parfaite
1644. Les
intervenants en construction sont tenus à une responsabilité solidaire qui
découle d’une disposition qui ne précise pas expressément s’il s’agit d’une
solidarité parfaite. Cependant, cette impression ne permet pas de conclure à l’existence
d’une obligation emportant une solidarité imparfaite. Il s’agit d’une
responsabilité légale particulière découlant de la loi, indépendamment de l’existence
d’une relation contractuelle qu’entretient chacun des intervenants de la
construction avec le client. Ainsi, à défaut de faire la preuve de l’un des
moyens d’exonération prévus à l’article 2119 C.c.Q. pour se dégager de sa
responsabilité, chacun des intervenants visés par l’article 2118 C.c.Q. sera
tenu solidairement responsable avec les autres intervenants, envers le client,
de réparer le préjudice subi par celui-ci, et ce, même en l’absence d’un
contrat intervenu entre le client et les intervenants.
1645. On peut se
demander si cette solidarité produit, à l’encontre des intervenants, tous les
effets principaux et accessoires de la solidarité parfaite ou si, au contraire,
elle n’en produit que les effets principaux. L’expression employée au début de
l’article 2118 C.c.Q. énonçant la possibilité, pour les personnes visées, de se
dégager de la responsabilité légale, ne signifie pas nécessairement que la
solidarité entre ces derniers ne produise pas certains effets accessoires de la
solidarité parfaite. Ainsi, la poursuite intentée contre une ou plusieurs
personnes visées par cette disposition interrompt le délai de prescription à l’encontre
des intervenants non poursuivis conformément à la disposition de l’article 2900
C.c.Q. qui prévoit expressément une telle interruption dans le cas d’une
obligation solidaire. Cela dit, le client qui décide, au départ, de poursuivre
seulement l’un ou quelques-uns des intervenants interrompt le délai de
prescription à l’encontre des autres intervenants qui ne sont pas désignés
comme défendeurs dans son action. Advenant qu’un jugement soit rendu, qu’il
soit favorable ou non au client, celui-ci
[Page 616]
peut, par la suite et
en cas d’insatisfaction, poursuivre les autres intervenants. Rappelons à cet
effet l’article 2896 C.c.Q., qui prévoit que l’interruption du délai de
prescription continue jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu et revêt la force de
la chose jugée.
1646. L’intervenant
qui n’a pas été poursuivi dès le début dans l’action en responsabilité peut
avoir un moyen de défense à l’encontre d’une nouvelle action dirigée contre
lui. Il peut ainsi invoquer le fait qu’il a été privé, en temps opportun, de
faire la preuve de la faute de l’intervenant qui a été poursuivie en premier et
dont l’action fut rejetée contre lui. Or, il arrive souvent que le client se
trouve mal placé pour faire rejeter des moyens d’exonération invoqués par les
défendeurs poursuivis en responsabilité en vertu de l’article 2118 C.c.Q.,
alors qu’un autre intervenant en construction, s’il avait été impliqué dès le
départ dans l’action, aurait pu faire rejeter ces moyens et établir la faute
qui est à l’origine du vice. Le fait de priver ce
dernier de la possibilité d’intervenir en temps opportun pour faire sa preuve
permettant d’établir la faute de l’intervenant responsable du vice, pourra être
invoqué comme une fin de non-recevoir à une action dirigée contre cet
intervenant suite à l’échec de la première action qui fut intentée contre un ou
quelques-uns des intervenants visés par cet article.
1647. Cependant,
deux remarques s’imposent. D’abord, il ne suffit pas d’alléguer qu’il a été
privé de faire valoir ses moyens à l’encontre de l’un ou des intervenants
poursuivis au départ et dont l’action a été rejetée. Au contraire, il doit
faire la démonstration qu’une faute a été commise par l’un ou l’autre de ces
intervenants et qui était à l’origine de l’effondrement ou de la ruine de l’immeuble.
Ensuite, il doit démontrer que le rejet de l’action du client contre l’intervenant
responsable de la perte l’empêche d’exercer son recours récursoire contre
celui-ci, ce qui n’est pas certain. En effet, le rejet du recours du client en
responsabilité contre l’un des intervenants en construction n’aura pas la force
de chose jugée entre ce dernier et un autre intervenant qui n’était pas partie
à cette action, vu le défaut de remplir le critère d’identité des parties dans
la cause jugée. En d’autres termes, le rejet de l’action du client intentée
contre l’un des intervenants en construction visés par l’article 2118 C.c.Q. ne
pourra pas affecter le recours récursoire d’un autre intervenant poursuivi par
le client dans un autre dossier, même s’il s’agit d’un recours en vertu de ce
même article contre ce dernier.
[Page 617]
1648. Il faut rappeler aussi que le client qui poursuit seulement une
personne visée par cet article n’empêche pas celle-ci de faire intervenir dans
l’action les autres personnes qui ne sont pas poursuivies, et ce, pour faire
valoir ses moyens à l’encontre de ces dernières. De même, rien n’empêche la
personne tenue à la garantie prévue à cet article de faire une intervention
volontaire, mais préventive afin de faire valoir ses moyens à l’encontre du
défendeur principal poursuivi par le client et ainsi démontrer sa
responsabilité de la perte de l’ouvrage.
1649. Enfin, il importe de nuancer l’affirmation que la responsabilité
solidaire prévue à cet article est une solidarité parfaite. En effet,
contrairement à l’enseignement doctrinal et jurisprudentiel en matière de
solidarité parfaite quant à la possibilité pour l’un des codébiteurs de se
dégager de sa responsabilité envers le créancier par la preuve de la faute d’un
autre codébiteur et de l’absence d’une faute de sa part, le législateur a
exceptionnellement offert cette possibilité aux intervenants en construction
visée par l’article 2118 C.c.Q.
Rappelons qu’en matière de responsabilité contractuelle solidaire, la seule
possibilité offerte pour un codébiteur non fautif est d’exercer un recours
récursoire contre son codébiteur responsable de l’inexécution de l’obligation
ou de sa mauvaise exécution.
1650. L’article 2119 C.c.Q.,
relié à l’article 2118 C.c.Q.,
offre comme moyen d’exonération, outre le cas de force majeure et le fait du
créancier, la possibilité de se dégager de sa responsabilité en faisant la
preuve de la faute d’un autre intervenant et de l’absence d’implication de sa
part dans cette faute ou du fait qu’il ne peut être tenu responsable pour cette
faute. Le tout se justifie par la présomption de responsabilité de l’article
2118 C.c.Q., qui facilite le recours du client et qui renverse le fardeau de
preuve en permettant à chaque défendeur de se dégager de sa responsabilité
selon les moyens prévus à l’article 2119 C.c.Q. On se trouve donc en présence d’une multiplication des effets
juridiques qui ne sont pas totalement propres au concept de la solidarité
parfaite en matière contractuelle. Il s’agit d’une obligation solidaire
particulière qui trouve sa justification et sa raison d’être dans les objectifs
qui sont à l’origine de l’adoption de ce régime de responsabilité par le
législateur, soit la protection de la sécurité du public. Ainsi, pour s’assurer
que l’ouvrage sera solide et réalisé conformément aux règles de l’art, il a été
jugé nécessaire de tenir tous les intervenants en construction responsables du
vice affectant l’ouvrage sans égard à l’existence ou non d’un contrat entre eux
et le client.
[Page 618]
1651. On peut cependant identifier la
raison pour laquelle le législateur a établi une responsabilité solidaire
parfaite entre les intervenants dans la réalisation de l’ouvrage tout en
prévoyant la possibilité pour l’un ou l’autre de ces derniers de se dégager de
cette responsabilité par la preuve de l’un des moyens prévus à l’article 2119 C.c.Q. Cette raison ne peut être que la
nature de la responsabilité civile prévue à cet article qui est en réalité une
responsabilité extracontractuelle pour la plupart des intervenants vu l’absence
de lien contractuel entre eux et le client. En effet, contrairement à la solidarité
en matière contractuelle, la solidarité parfaite en matière de responsabilité
extracontractuelle permet à chacun des défendeurs de faire la preuve de l’absence
de participation ou d’implication de sa part dans la commission de la faute qui
est la cause du préjudice. Cette preuve n’aura pas de conséquences sur la
responsabilité des autres intervenants qui demeurent solidairement responsables
envers le client.
1652. En somme, on se trouve en présence d’une multiplication des effets
juridiques qui ne sont pas totalement propres au concept de la solidarité
parfaite contractuelle ni extracontractuelle, rendant ainsi difficile d’appliquer
les règles particulières et propre à chacun de ces deux régimes de
responsabilité. À notre avis, le régime de responsabilité prévu à l’article
2118 C.c.Q. est un régime mixte qui englobe à la fois les règles de la
solidarité parfaite applicables en matière contractuelle et celles de la
responsabilité extracontractuelle. Ce régime de responsabilité trouve sa
justification et sa raison d’être dans les objectifs qui sont à l’origine de
son adoption par le législateur, notamment la protection et la sécurité du
public.
2) Distinction
avec la responsabilité in solidum
1653. La responsabilité solidaire prévue à l’article 2118
C.c.Q. ne peut être une responsabilité in solidum. Rappelons
que celle-ci n’est pas une responsabilité prévue expressément dans une
disposition de loi. Elle résulte plutôt d’une situation factuelle dont le
demandeur doit en faire la preuve pour permettre à la Cour de conclure à son
existence entre les défendeurs.
1654. Le demandeur qui cherche, en général, à tenir les défendeurs
responsables in solidum envers lui doit faire la preuve de la situation factuelle pouvant donner lieu à une
telle responsabilité. Il en est ainsi lorsqu’il y a plusieurs fautes dont
chacune est commise par un défendeur alors que ces fautes résultent de sources
distinctes. Si
[Page 619]
elles occasionnent
des dommages distincts, la preuve doit révéler une impossibilité d’établir un lien de
causalité directe entre chaque faute et le préjudice qui en résulte et que
cette impossibilité est due à la situation factuelle dans laquelle les
défendeurs ont placé le demandeur.
1655. Or, la disposition prévue à l’article 2118 C.c.Q. n’exige aucune preuve par le client de la faute commise par l’un
ou l’autre des intervenants. La responsabilité de ces derniers sera engagée
indépendamment de la preuve d’une faute quelconque. Cette responsabilité est
présumée dès que la preuve révèle que la perte de l’ouvrage est due à l’un des
vices prévus à cet article. En effet, il s’agit d’une présomption qui joue en
faveur du client ou de son ayant cause sur la preuve de certaines conditions, notamment la ruine ou la menace de
ruine de l’immeuble suite à la manifestation ou l’apparition de l’un des vices
mentionnés dans les cinq ans suivant la fin des travaux. Il suffit donc que le
client démontre les éléments essentiels à l’application de la garantie légale
prévue dans cette disposition pour que la responsabilité des personnes visées
soit engagée solidairement pour la perte de l’ouvrage survenue.
1656. Par ailleurs,
une fois que la preuve des conditions requises par l’article 2118 C.c.Q. est faite, le tribunal ne dispose d’aucun
pouvoir discrétionnaire pour conclure ou non à la responsabilité solidaire des
défendeurs. Cette responsabilité solidaire est imposée par la loi. Autrement
dit, le tribunal n’aura d’autre choix que de condamner solidairement les
défendeurs à réparer le préjudice, dès que le client se déchargera de son
fardeau de preuve des éléments requis. Ce dernier n’a donc pas à faire la
preuve d’une situation factuelle permettant au tribunal
de procéder à son appréciation et ainsi décider ou non de
la nécessité de conclure à une responsabilité solidaire entre les défendeurs.
1657. Tel qu’il sera traité sous l’article 2119 C.c.Q., l’intervenant en construction poursuivie avec d’autres
défendeurs par le client en vertu de l’article 2118 C.c.Q., doit faire la
preuve non seulement de l’absence d’une faute de sa part, mais aussi de la
cause ou de la faute commise par un autre intervenant qui est à l’origine de la
perte. Sans cette preuve, il ne peut éviter la condamnation solidaire avec les
autres défendeurs à payer le montant de l’indemnité, exception faite du cas de
l’entrepreneur général pour lequel ces moyens d’exonération de responsabilité
sont plus restreints que ceux dont disposent les autres intervenants. Rappelons
[Page 620]
que l’entrepreneur
général ne peut se dégager de sa responsabilité envers son client en faisant la
preuve de la faute d’un sous-traitant, puisqu’il est toujours responsable pour
la faute commise par ce dernier. Il dispose cependant d’un recours récursoire à
l’encontre de l’intervenant dont la perte est imputable à sa faute.
1658. Même lorsque les défendeurs réussissent à établir la part de chacun
dans la responsabilité de la perte, cette preuve ne permet pas au tribunal d’exclure
une condamnation solidaire entre les défendeurs pour le paiement de l’indemnité
au client. Le défendeur qui se voit contraint à payer le montant total accordé
à ce dernier, par un jugement, pourra avoir un recours subrogatoire ou
récursoire à l’encontre des autres codéfendeurs pour réclamer à chacun sa part
dans ce montant.
1659. D’ailleurs, les défendeurs peuvent invoquer l’article 328 C.p.c. et demander au tribunal de
déterminer, dans son jugement, la part de chacun dans la condamnation
solidaire, si la preuve permet de l’établir. Advenant une difficulté de faire
la preuve de la part de chaque défendeur dans la condamnation, le tribunal peut
déterminer cette part, soit en tenant compte de l’importance du rôle assumé par
chaque défendeur dans l’exécution du contrat et la valeur de sa participation
par rapport à la valeur totale du contrat, soit en tenant les défendeurs
responsables à parts égales.
1660. En somme, la responsabilité pour le préjudice résultant d’un vice prévu
à l’article 2118 C.c.Q. ne peut
être qualifiée d’une solidarité imparfaite. Cependant, il faut admettre qu’il s’agit
d’une responsabilité ayant sa particularité et qui puise son fondement et sa
raison d’être des objectifs qui sont à l’origine de l’adoption de ce régime de
responsabilité par le législateur, notamment la protection de la sécurité
publique.
1661. Dans certains cas spécifiques, la solidarité peut aussi être parfaite
en vertu de l’article 1525 alinéa
2 C.c.Q. Il s’agit du cas où
tous les défendeurs ont conclu un contrat avec le client en s’engageant à la
même obligation. Il s’agit notamment du cas du consortium d’entreprise. Dans ce
cas, les intervenants assument une obligation solidaire conformément à l’article
1525 alinéa 2 C.c.Q. puisqu’ils exercent une activité au sens de l’alinéa 3 de
cet article. Le fait que ces intervenants ne soient pas associés ou qu’ils n’exercent
pas leurs activités à la même adresse d’affaires et ainsi exploitent des entreprises distinctes n’enlève rien à la
présomption de solidarité entre eux établie dans ce dernier article.
3) Recours
entre les intervenants
1662. L’intervenant qui est poursuivi par le client en vertu de l’article
2118 C.c.Q. pourra par une intervention forcée obliger les autres
[Page 621]
intervenants à faire
partie de l’action soit comme codébiteur, soit comme défendeur en garantie.
Cette intervention forcée ou en garantie aura pour effet de régler toutes les
questions pouvant découler de ce litige dans le même jugement. Il importe de
noter que même si le tribunal est en mesure d’établir la part de responsabilité
de chacun des intervenants dans la perte de l’ouvrage, conformément à l’article
328 C.p.c., il devra tout de même conclure à une condamnation solidaire des
défendeurs pour le montant total de l’indemnité accordée au demandeur.
Il faut quand même mentionner que l’intervenant poursuivi par le client qui
décide de ne pas forcer un ou d’autres intervenants visés par l’article 2118
C.c.Q. à intervenir dans l’instance ou les appeler en garantie pourra intenter
un recours récursoire contre l’un ou plusieurs de ces derniers pour établir la
responsabilité et la part de chacun d’eux dans l’indemnité accordée par le
tribunal au client. Il peut aussi intenter ce recours pour tenir l’un ou l’autre
de ces intervenants responsables pour la totalité du montant de l’indemnité.
Dans ce dernier cas, l’intervenant condamné par le jugement rendu dans le cadre
de l’action intentée par le client risque de se voir opposer par son défendeur
des moyens de défense pouvant faire rejeter ce recours, notamment en raison de
la prescription ou du fait que ce dernier ait été privé de faire valoir ses
propres moyens de défense à l’encontre de l’action du client.
1663. Dans tous les cas, l’intervenant poursuivi par le client doit dans sa
demande en intervention forcée ou en garantie ou plus tard dans son recours
récursoire faire la preuve de la faute de l’intervenant qu’il cherche sa
responsabilité pour les dommages ayant fait l’objet de la réclamation du
client. En effet, l’intervenant poursuivi par le client ne dispose pas de la
présomption de responsabilité dont bénéficie ce dernier en vertu de l’article 2118 C.c.Q. Son recours contre un autre
intervenant en construction doit être justifié par une faute commise par ce
dernier et qui engage sa responsabilité contractuelle ou extracontractuelle en
raison de l’absence d’un lien contractuel. C’est le cas pour l’entrepreneur qui
poursuit son sous-traitant ou pour le sous-traitant qui poursuit un autre
sous-traitant ayant participé à l’exécution de l’ouvrage en vertu d’un contrat
distinct conclu avec l’entrepreneur général ou le client.
1664. L’entrepreneur
qui voit sa responsabilité engagée envers le client ou qui subit un dommage en
raison d’une faute commise par un autre intervenant dispose d’un recours
extracontractuel à l’encontre de ce dernier. L’absence d’un lien contractuel
entre l’intervenant ayant causé le dommage et l’entrepreneur permet à celui-ci
d’exercer seulement une
[Page 622]
action en
responsabilité extracontractuelle. C’est le cas lorsqu’un ingénieur ou un
architecte commet une faute professionnelle alors qu’il était engagé par le
client pour préparer les plans et devis ou qu’il s’était fait demander d’intervenir
par un sous-traitant dans leur préparation. Pour réussir dans son recours, il
ne suffit pas d’établir en preuve qu’une faute a été commise par cet
intervenant dans l’exécution de son contrat, mais l’entrepreneur doit démontrer
que cette faute constitue à son égard une faute extracontractuelle ayant
directement contribué au préjudice qu’il a subi. Le fait que l’entrepreneur ne
peut pas invoquer le contrat auquel il n’a pas fait partie ne l’empêche pas de
poursuivre un intervenant ayant commis une faute lors de l’exécution de son
contrat selon les règles de la responsabilité extracontractuelle. Notons qu’il
arrive souvent qu’un ingénieur ou qu’un architecte intervienne à la demande d’un
sous-traitant pour donner certaines instructions relatives à la mise en
exécution des plans et devis ou à l’installation de certains équipements alors
que ces instructions apparaissent plus tard non conformes aux règles de l’art,
causant ainsi certaines pertes ou certains dommages à l’ouvrage.
1665. L’entrepreneur
qui cherche la responsabilité de l’ingénieur ou de l’architecte doit non
seulement faire la preuve que la faute contractuelle constitue à son égard une
faute extracontractuelle commise par ce dernier, mais aussi que les dommages
subis ne découlent pas de sa propre négligence dans la surveillance et la
coordination des travaux. Rappelons que l’entrepreneur général assume la
coordination et la direction de l’ensemble des travaux, même de ceux qui sont
exécutés par des sous-traitants choisis par le client ou d’autres intervenants.
En l’absence d’une telle preuve, il risque de ne pas obtenir compensation pour
les dommages subis.
4) Remise de dette et libération d’un
sous-traitant
1666. Après la
découverte de l’un des vices prévus à l’article 2118 C.c.Q., le client qui
accorde une remise de dette complète et totale à l’un des intervenants risque
de libérer également les autres intervenants tenus solidairement selon cet
article à la garantie. Une telle remise doit être traitée selon les règles
prévues aux articles 1687 C.c.Q. et suivants.
Il n’est pas nécessaire que cette remise soit constatée dans un document fait
selon une forme particulière, mais il suffit que son contenu exprime la volonté
du client de libérer l’intervenant de sa responsabilité pour le vice découvert.
La remise de dette est par ailleurs totale à moins
[Page 623]
d’avis contraire
stipulant qu’elle est de nature partielle en vertu de l’article 1687 C.c.Q.
E. Distinction entre une remise de
dette totale et une remise de dette partielle
1667. Il importe de
faire la distinction entre une remise de dette totale et une remise de dette
partielle. La règle prévoit que la remise totale de la dette accordée à l’un
des codébiteurs solidaires libère non seulement ce débiteur de la totalité de
la dette, mais aussi tous les autres débiteurs solidaires tenus à la même
obligation. Par contre, lorsque la remise de dette est partielle, elle ne
profite qu’au débiteur bénéficiaire de cette remise. Les autres débiteurs tenus
avec ce dernier solidairement à la même obligation ne peuvent en bénéficier
sauf pour la part de ce débiteur libéré. En un tel cas, le créancier doit
déduire de sa réclamation la part du débiteur libéré dans la dette.
1668. Les règles
régissant la remise de dette lorsqu’il s’agit de plusieurs débiteurs solidaires
produisent toutefois des effets distincts dépendamment de la nature de l’obligation
en question. Ainsi, la remise de dette partielle à l’un des débiteurs
solidaires tenus à une obligation pécuniaire ne permet aux autres codébiteurs
solidaires que de contraindre le créancier à réduire sa réclamation de la part
du codébiteur libéré dans la dette, sauf dans le cas où la dette a été
contractée dans l’intérêt exclusif de ce débiteur libéré et que le créancier le
savait. Dans ce cas, la libération de ce codébiteur qui peut être tenu seul
pour l’intégralité de la dette envers son ou ses codébiteurs pourra, selon les
circonstances, donner lieu à la libération de tous les débiteurs solidaires
envers le créancier.
1669. Lorsque l’obligation
solidaire est une obligation en nature, la libération de l’un des codébiteurs
peut donner lieu à la libération de tous les autres codébiteurs si l’inexécution
ou la mauvaise exécution de l’obligation est due à la faute du débiteur libéré
(art. 1437 al. 2 C.c.Q.). Au contraire, en l’absence d’une faute commise par le
débiteur libéré, la libération, qu’elle soit totale ou partielle, ne peut
donner lieu à la libération des autres codébiteurs ni pour la totalité de l’indemnité
ni pour une part de celle-ci, à moins qu’il s’agisse d’une obligation
contractuelle (art. 1527 C.c.Q.) assumée par les codébiteurs solidaires dans le
même document.
[Page 624]
1670. Il importe
donc de faire la nuance dans le cas d’une remise de dette accordée à l’un des
intervenants en construction visés par l’article 2118 C.c.Q. Tout dépend de la
situation factuelle puisqu’une remise partielle pourrait avoir pour effet de
libérer les autres intervenants de leur responsabilité en vertu du même
article. En effet, si l’intervenant bénéficiaire de la remise ne peut être tenu
responsable d’aucune manière du vice découvert, sa libération par le client ne
doit pas affecter ou diminuer la responsabilité des autres intervenants. Ainsi,
si le vice découvert ne se trouve pas dans la partie exécutée par l’intervenant
libéré, les autres intervenants ne peuvent invoquer cette libération comme
moyen de défense pour se libérer de leur responsabilité ou chercher à limiter
cette responsabilité en raison de cette libération.
1671. En l’absence
d’une faute commise par l’intervenant libéré, le client bénéficie toujours de
la garantie totale prévue à l’article 2118 C.c.Q. puisque cet intervenant peut
se dégager de toute responsabilité selon l’article 2119 C.c.Q. sans pour autant
que la responsabilité des autres intervenants envers le client en soit réduite.
En effet, le régime de responsabilité solidaire prévu à l’article 2118 C.c.Q.
est un régime mixte, car certains intervenants peuvent n’avoir aucun lien contractuel
avec le client. Dans une telle situation, leur responsabilité ne peut être qu’extracontractuelle,
ce qui leur permet d’invoquer comme moyen de défense à l’action en
responsabilité l’absence de la faute, ce qui n’est pas le cas en matière de
solidarité contractuelle (art. 1527 C.c.Q.).
1672. À titre d’illustration,
lorsque le vice affectant l’ouvrage se trouve dans les travaux de maçonnerie,
la libération du sous-traitant ayant exécuté ces travaux peut avoir des
conséquences sur la responsabilité des autres intervenants. Ces derniers
peuvent aussi être libérés de toute responsabilité envers le client lorsque le
sous-traitant des travaux de maçonnerie est déclaré entièrement responsable
pour le vice. En d’autres mots,
lorsque l’origine du vice est imputable à la faute de l’intervenant libéré par
le client, la libération de ce dernier engendre aussi la libération des autres
intervenants même si l’un ou l’autre a commis une faute secondaire. Tel est le
cas lorsqu’on reproche à l’architecte d’avoir commis une faute dans la
surveillance de l’exécution des travaux de maçonnerie, puisqu’une telle faute
ne peut être la cause principale du vice ou des dommages, mais plutôt une cause
secondaire. En libérant l’intervenant qui est principalement responsable du vice
dans l’exécution
[Page 625]
des travaux, le client
ne peut maintenir son recours en responsabilité contre l’architecte, car la faute de celui-ci n’a pas causé de dommage
distinct de ceux qui résultent de la faute principale commise lors de l’exécution
des travaux de maçonnerie.
1673. Lorsque le vice ou le dommage qui en résulte peut être dû à plusieurs
fautes commises par différents intervenants, la libération de l’un de ces
derniers n’engendre pas nécessairement la libération de tous les intervenants, mais
peut donner lieu à un moyen de défense visant à contraindre le client à réduire
sa réclamation ou le montant de l’indemnité accordée de la part de l’intervenant
libéré dans le dommage.
3. Conditions
à l’application du régime de la responsabilité légale
1674. Le client
doit faire la preuve des cinq conditions essentielles à la mise en application
du régime légal : premièrement,
il doit prouver l’existence d’un contrat de construction ou de réparation d’un
ouvrage immobilier; deuxièmement, il
doit établir la participation, dans l’exécution de ce contrat, de chacun des
intervenants dont il cherche la responsabilité;
troisièmement, il doit prouver la perte partielle ou totale de l’ouvrage ou la
menace d’une telle perte; quatrièmement,
la perte ou la menace de ruine doit être due à l’un des vices mentionnés à l’article
2118 C.c.Q.; cinquièmement, il doit
démontrer que le vice ayant causé la perte est apparu dans les cinq ans suivant
la fin des travaux.
[Page 626]
1675. Pour que l’article 2118 C.c.Q. puisse s’appliquer, il faut que la
perte survienne après la fin des travaux. En cas de
perte survenue en cours d’exécution des travaux, les règles prévues à l’article
2115 C.c.Q. déterminent laquelle
des parties doit assumer la perte survenue. La détermination de la
responsabilité avant la délivrance de l’ouvrage dépend non seulement de la
cause qui est à l’origine de la perte, mais aussi de la partie ayant fourni les
biens nécessaires à la réalisation de l’ouvrage.
De plus, en cas d’arrêt des travaux, la responsabilité légale ne peut être
invoquée pour manque de solidité, car l’ouvrage n’est pas prêt pour l’usage
auquel il est destiné.
A. Perte de l’ouvrage
1) Notion de
l’ouvrage
1676. Sous le Code civil du Bas-Canada, la jurisprudence a restreint,
au début, l’application du régime de la responsabilité légale aux ouvrages d’une
certaine importance. Les tribunaux ont,
par la suite, élargi le concept d’ouvrage en y incluant toute structure
immobilière pour l’étendre à tous les travaux d’amélioration et d’addition à
[Page 627]
l’ouvrage déjà construit.
Les ouvrages mobiliers, eux, ont toujours été exclus.
1677. Puisque
le mot « ouvrage » doit recevoir une interprétation
large, cette notion doit également
comprendre toute amélioration
ou réparation effectuée sur un
bâtiment pour le solidifier ou améliorer sa viabilité
même si elle a été effectuée après l’érection du bâtiment en question.
Ainsi, ont été considérés comme étant des ouvrages par les tribunaux, la
construction d’une piscine creusée, des travaux
de consolidation de charpente,
une toiture, un solage,
des travaux de fondation d’une maison d’habitation,
la confection de planchers, etc. Toutefois, des
travaux d’électricité qui se limitent à des installations ne répondent pas à la
notion d’ouvrage au sens de l’article 2118 C.c.Q..
[Page 628]
2) Notion de
perte
1678. Le Code
civil du Québec n’a pas repris, à l’article 2118 C.c.Q., la notion de perte
partielle ou totale. Ce retrait ne change rien, car la notion de « perte de l’ouvrage » doit s’interpréter largement.
Elle s’évalue en fonction du résultat de l’ouvrage, de son utilisation et de sa
destination. En effet, un ouvrage
impropre à l’usage auquel on le destine en raison d’une défectuosité grave sera considéré comme victime d’une perte
au sens de cet article.
1679. La perte peut être partielle ou totale et n’être qu’éventuelle ou
résulter d’un vice affectant l’usage pour lequel l’ouvrage est destiné.
Pour qu’il y ait perte, le dommage subi ou à subir doit être important. Il n’est pas nécessaire cependant
que la perte éventuelle constitue une menace pour toute la structure de l’ouvrage.
Il suffit qu’un danger sérieux plane sur une partie importante de celui-ci et
que le vice compromette sa solidité ou rende difficile son utilisation
ou qu’il y ait menace
[Page 629]
d’écroulement et de
fléchissement de l’ouvrage ou de certaines parties de celui-ci.
En d’autres mots, une perte potentielle est suffisante pour l’application de l’article
2118 C.c.Q..
Il s’ensuit que le client n’a pas besoin d’attendre que l’ouvrage s’effondre
avant d’engager des poursuites judiciaires contre les intervenants en
construction. Il suffit de
démontrer la présence d’un risque ou d’un danger sérieux pouvant causer la
perte potentielle de l’ouvrage. La seule menace de
destruction de
[Page 630]
l’immeuble attribuable
à un vice de construction constitue en soi un préjudice réel et suffisant pour
engager la responsabilité du constructeur au sens de l’article 2118 C.c.Q. En effet, la menace d’une perte
potentielle aura pour conséquence de rendre l’immeuble impropre à l’usage
auquel on le destine et d’entraîner une diminution importante de sa valeur
marchande. À titre d’illustration,
un client qui voit les fondations de sa maison se détériorer en raison de la
présence de pyrrhotite devrait être en mesure de profiter des garanties de l’article
2118 C.c.Q..
1680. De même, la perte de l’usage normal de l’ouvrage pourrait à certaines
conditions être considérée comme un vice couvert par la garantie prévue à cet
article. Il en est ainsi
lorsqu’un défaut sérieux rend l’ouvrage inutilisable par son propriétaire. Par
contre, le défaut qui ne cause que certains désagréments sans menacer l’ouvrage
ne peut être qualifié comme étant une perte de l’ouvrage au sens de l’article 2118 C.c.Q..
1681. Une simple malfaçon, même si elle affecte la conservation de l’immeuble
ou cause des inconvénients sérieux, n’entraînera pas la responsabilité légale
des intervenants en construction, si le défaut ne porte pas atteinte à la solidité
de l’ouvrage. Lorsqu’il s’agit d’une
malfaçon,
[Page 631]
la responsabilité des
intervenants en construction est régie par l’article 2120 C.c.Q..
1682. La notion de « perte
de l’ouvrage » oblige donc à
faire la preuve de l’existence des vices de construction pouvant causer la
perte de l’immeuble et non de malfaçons reflétant possiblement un manquement
aux normes et aux règles de l’art. Ainsi, à titre d’exemple,
la présence de la bactérie dans l’ocre ferreuse dans le sol où s’érige l’ouvrage
immobilier est un vice du sol susceptible de causer la perte de celui-ci.
Est également affecté d’un vice du sol l’immeuble érigé sur un terrain qui n’a
pas la capacité nécessaire pour le supporter.
1683. Il importe toutefois de souligner que la responsabilité de l’entrepreneur
et de l’architecte pourra être retenue quant aux vices de sol lorsque la preuve
révèle que ces vices auraient été décelables par eux s’ils avaient procédé à un
examen attentif compte tenu de leurs connaissances et de leur expertise.
La responsabilité conjointe de la municipalité pourra également être retenue
dans le cas où cette dernière octroie un permis de construction à l’entrepreneur
alors qu’elle avait connaissance du fait que le sol est inapproprié pour la
construction et sans informer ce dernier de l’existence des vices.
[Page 632]
1684. La preuve de la perte ou du risque d’une
perte éventuelle de l’ouvrage se fait souvent par une expertise qui démontre
également l’attribution de la perte à l’un des vices prévus à l’article 2118
C.c.Q. Cette expertise doit être basée nécessairement sur les règles de l’art
pour démontrer, d’une part, les normes devant être suivies par le constructeur
dans l’exécution des travaux et, d’autre part, l’attribution de la perte au
défaut de ce dernier de s’y conformer. Toutefois, il n’est pas nécessaire de
faire la démonstration technique de la faute commise, puisque le propriétaire
bénéficie d’une présomption qui sera mise en œuvre dès que les conditions
requises par ce dernier article seront établies.
1685. Enfin, il faut rappeler que le client doit minimiser ses dommages (art.
1479 C.c.Q.) et agir dès qu’il
apprend l’existence d’un vice qui menace l’effondrement ou le fléchissement de
l’immeuble. Il doit ainsi prendre les mesures préventives et appropriées pour
éviter la survenance des dommages. S’il attendait qu’un sinistre survienne
avant d’intervenir, il commettrait une faute pouvant le rendre responsable de
la perte survenue ou lui faire partager cette responsabilité avec les
intervenants en construction.
B. Vices garantis par le régime de la
responsabilité légale de l’article 2118 C.c.Q.
1686. Les vices
pouvant donner lieu à l’application du régime de la responsabilité légale prévu
à l’article 2118 C.c.Q. sont les vices de construction, de conception, de
réalisation et du sol. Cette responsabilité découle de l’obligation des
intervenants en construction de fournir un ouvrage exempt de vices et construit
conformément aux règles de l’art. Il s’agit d’une
obligation de résultat.
[Page 633]
1687. Les vices de construction et de réalisation peuvent être le
résultat d’un défaut par l’intervenant de se conformer, lors de l’exécution des
travaux, aux règles de l’art. Les vices de
conception, quant à eux, réfèrent à une erreur dans l’élaboration des plans et
devis et aux mauvaises expertises des architectes et ingénieurs.
Même si le vice qui est à l’origine de la perte de l’ouvrage est un vice de
conception, l’entrepreneur peut également être tenu responsable avec l’architecte
et l’ingénieur lorsqu’il a fait défaut de déceler ce vice alors qu’un
entrepreneur raisonnable, placé dans les mêmes circonstances, l’aurait
découvert. Les vices du sol, eux, comprennent tout ce qui compromet la solidité
et la stabilité du sol pour supporter l’ouvrage.
Une grande responsabilité incombe à l’entrepreneur général quant à la parfaite
exécution des travaux et à la qualité du sol sur lequel l’ouvrage sera érigé.
Il doit exiger, de la part des architectes et ingénieurs, des expertises
adéquates sur tout ce qui peut avoir un impact sur l’ouvrage.
1688. Quant à l’architecte, ses connaissances devront être à jour en ce qui
concerne les derniers développements technologiques et les produits efficaces
mis sur le marché. Il lui incombe ainsi d’informer son client quant à l’existence
de ces produits et à leur méthode d’installation. Conséquemment, il sera tenu
responsable de son défaut de renseigner son client et de le conseiller
adéquatement relativement à l’utilisation de matériaux impropres au type de l’ouvrage.
Le fait qu’aucune information sur
le produit ne soit disponible ne peut constituer une défense pour
[Page 634]
ce dernier.
Son défaut le rend responsable du
manque de solidité de l’ouvrage,
avec l’entrepreneur général, le
sous-traitant ayant procédé à l’installation
des produits et, le cas échéant, avec
l’ingénieur ayant surveillé l’exécution. L’entrepreneur et le
sous-traitant ne peuvent opposer au client le fait qu’ils aient respecté et suivi à la lettre, les plans et devis puisque tous les intervenants
ont le devoir d’assurer et de vérifier la qualité et la conformité des données
contenues aux plans et devis ainsi qu’aux règles de l’art.
1689. La responsabilité des intervenants en construction peut également être
engagée pour l’usage de matériaux inadéquats ou défectueux fournis par le
client. Ces matériaux peuvent être à l’origine d’un vice de réalisation ou de
construction. Conséquemment, ils seraient, également, une cause de perte
garantie par l’article 2118 C.c.Q. L’entrepreneur général ainsi que le
sous-traitant qui exécutent les travaux en question commettent une faute
professionnelle inexcusable s’ils décident ou acceptent de se servir de
matériaux manquant de solidité ou de cohésion.
1690. Les problèmes
d’insonorisation ne sont pas des vices de construction, car cela n’empêche pas
un immeuble de servir à l’usage auquel il est destiné, ils sont plutôt
considérés comme d’importantes malfaçons. Par contre,
si l’insonorisation était une considération principale ou une condition
essentielle à la conclusion du contrat d’entreprise,
l’entrepreneur qui fait défaut de fournir un ouvrage de la qualité escomptée
engage sa responsabilité contractuelle, car il a contrevenu
[Page 635]
aux règles de l’art
dans ce domaine et
aux stipulations de l’entente conclue avec le client.
1691. Le législateur n’a pas précisé si les vices visés à l’article 2118 C.c.Q. doivent être apparents ou cachés.
Il n’est pas interdit de penser que ces vices ne doivent pas être apparents
pour une personne raisonnable, car il y aurait, alors, acceptation de ces vices
en vertu de l’article 2113 C.c.Q..
Le caractère d’ordre public de la disposition de l’article 2118 C.c.Q. à laquelle le client ne peut
renoncer, même expressément, oblige, cependant, à décider autrement. La jurisprudence
a déjà conclu que toute renonciation à l’application de la garantie prévue à l’article
2118 C.c.Q. est inopposable au
client et sans effet en raison du caractère d’ordre public de direction de
cette disposition. Rappelons que la
garantie établie à cet article ne vise pas seulement la protection de l’intérêt
privé du client, mais, également, la sécurité du public. Partant de cette
prémisse, on doit conclure à la responsabilité des intervenants en
construction, même si le vice ayant causé la perte de l’ouvrage est un peu ou
trop apparent, lorsque ce vice se transforme en un vice du sol, de
construction, de réalisation ou de conception.
Le client doit avoir la même protection contre les vices apparents affectant la
solidité de l’ouvrage.
1692. L’entrepreneur, l’ingénieur ou l’architecte ne peut invoquer l’impossibilité
de déceler le vice pour s’exonérer de sa responsabilité légale.
Un vice peut être apparent, sans qu’il soit possible de connaître,
raisonnablement, son étendue ou sa gravité ou le risque qu’il peut représenter
dans l’avenir. Tel est le cas lorsqu’un
client aperçoit, au moment de la réception de l’ouvrage, dans le mur des
fondations,
[Page 636]
une petite fissure qu’il prend à la légère. Il
arrive aussi que l’entrepreneur donne des explications qui influencent le
client à ne pas pousser plus loin ses vérifications ou à ne pas engager un
expert pour les faire. En d’autres termes, un vice peut avoir, à la fois, le
caractère d’un vice apparent et d’un vice caché. Il est ainsi apparent lorsqu’une
personne d’une moyenne intelligence et prudence le constate sans toutefois être
en mesure de détecter ou déceler la gravité ou la menace qu’il représente pour
la solidité de l’immeuble. Le fait que le client ne soit pas avisé de la
gravité du vice malgré sa prudence dénote le caractère caché du vice.
1693. Il est impensable de conclure à une renonciation, de la part du client,
à la garantie prévue à l’article 2118 C.c.Q., lors de la réception d’un ouvrage affecté d’un vice apparent.
Si le client d’après la jurisprudence constante ne peut renoncer expressément à
l’application de la règle prévue à cet article, même en toute connaissance de
cause, nous ne voyons pas comment il peut y renoncer tacitement ou par
imprudence en ne faisant pas de réserve lors de la réception de l’ouvrage.
1694. Il faut faire la distinction entre un vice apparent, dont traite l’article
2113 C.c.Q., et le vice dont il est question à l’article 2118 C.c.Q. Dans le
premier cas, il s’agit d’une malfaçon apparente, alors que dans le deuxième
cas, le vice apparent est loin d’être une simple malfaçon, mais un vice sérieux
qui représente des risques auxquels une personne raisonnable ne peut penser. En
effet, lorsqu’une malfaçon apparente, n’ayant pas fait l’objet d’une réserve
lors de la réception de l’ouvrage, nécessite, tout simplement, une réparation,
le client ne peut en réclamer le coût ni exiger à l’entrepreneur de la faire.
Ce vice n’affecte pas, évidemment, la solidité d’un immeuble et ne menace pas,
non plus, de causer sa ruine. Par
contre, lorsqu’il s’agit d’un vice qui menace de causer l’effondrement, la
ruine de l’immeuble ou sa perte, il y a lieu d’appliquer l’article 2118 C.c.Q.
pour retenir la responsabilité des intervenants en construction, même si ce
vice était apparent lors de la réception de l’ouvrage. Le critère à retenir est
la gravité du vice qui est inconnue plutôt que son caractère apparent.
1695. Ainsi, une gravité suffisante, une perte potentielle, ou un défaut
rendant la construction impropre à l’usage auquel on la destine sont suffisants
à mettre à exécution la garantie légale de cinq ans, et ce,
[Page 637]
même en l’absence de la
ruine du bâtiment qui ne constitue pas une condition préalable à l’application
de cette garantie. De même, le caractère
apparent du vice lors de la réception, mais qui n’était pas révélateur du
risque qui est apparu par la suite, ne doit pas être un motif valable pour
empêcher le client de se prévaloir de la disposition prévue à l’article 2118
C.c.Q., en raison de son caractère d’ordre public. Dans le même ordre d’idées,
le délai de prescription de l’action en responsabilité ne doit courir que
lorsque la gravité du vice ou les risques qu’il représente deviennent connus
par le client.
1696. Par ailleurs, le client ne peut bénéficier de la garantie prévue à cet
article s’il ne réussit pas dans sa preuve à établir que la perte de l’immeuble
est due à l’un des vices visés par l’article 2118 C.c.Q. La présomption établie
à cet article ne dispense pas le client de faire la preuve du vice qui est à l’origine
des dommages. En effet, la présomption de responsabilité prévue à cet article
ne peut être mise en application sans la preuve de l’un des vices devant être
la cause de la perte. Toute lacune dans la preuve pourra justifier le rejet du
recours en responsabilité.
1697. Enfin, une fois que la personne qui veut se prévaloir de la
responsabilité légale prouve l’existence de l’un des vices prévus à l’article 2118 C.c.Q., le fardeau de preuve est renversé.
Il appartient aux intervenants de prouver l’une des causes d’exonération prévue
à l’article 2119 C.c.Q. s’ils entendent repousser la présomption de
responsabilité.
[Page 638]
С. Personnes
titulaires du recours en garantie
1) Le maître
de l’ouvrage et ses ayants cause
1698. Une question se pose à savoir qui peut se prévaloir de la garantie
prévue à l’article 2118 C.c.Q. Il
va de soi que le client, ayant conclu un contrat d’entreprise ou de services,
au sens des articles 2098 et suivants du Code civil du Québec ou le
maître de l’ouvrage peut se prévaloir de la protection prévue à cet article. Il
suffit, en effet, que le client soit lié à l’entrepreneur général par un
contrat d’entreprise ou de services pour que la responsabilité des autres
personnes visées à cet article soit retenue.
1699. Il reste
cependant à déterminer si d’autres personnes peuvent bénéficier de ce droit ou
de cette garantie en tant qu’ayant cause pour le client ou le maître de l’ouvrage.
La réponse ne peut être qu’affirmative puisque la garantie est un accessoire au
bien principal ou elle est intimement liée à ce bien de sorte que l’acquéreur
du bien ou l’ayant-cause qu’il soit à titre universel ou à titre particulier
peut se prévaloir de
[Page 639]
cette garantie qui lui a été transmise avec le bien (art. 1442 C.c.Q.).
Cependant, une question se pose au sujet de l’entrepreneur général et du
promoteur au sens de l’article 2124 C.c.Q.
2) L’entrepreneur
général
1700. L’entrepreneur général ne peut se prévaloir du régime de responsabilité
prévu à l’article 2118 C.c.Q. ni des
présomptions qui en découlent dans son rapport avec le sous-entrepreneur, le
fournisseur de matériaux, l’architecte ou l’ingénieur ayant surveillé l’exécution
des travaux. L’entrepreneur ne
peut prétendre avoir le statut d’un client afin de bénéficier des protections
et des facilités que cette disposition offre au propriétaire de l’ouvrage.
Lorsqu’il cherche à tenir responsable envers lui pour les vices invoqués par le
client, l’un ou plusieurs intervenants dans la réalisation de l’ouvrage, son
recours doit être intenté selon les règles de responsabilité contractuelle. Il
ne peut en aucun cas fonder sa demande en justice sur la règle de l’article 2118 C.c.Q. ni se prévaloir de la présomption
de responsabilité ou de faute. Au contraire, il doit faire la preuve d’une
faute commise par l’un ou l’autre de ces intervenants, le préjudice qu’il a
subi en conséquence et le lien de causalité entre cette faute et le préjudice
subi. Sans cette preuve, son recours sera rejeté.
1701. Dans le même ordre d’idées, les intervenants en construction impliqués dans un recours visant à
établir l’identité de l’auteur de la faute qui est à l’origine de la perte de l’ouvrage
ne peuvent invoquer la disposition de l’article 2118 C.c.Q. Ils doivent prouver, selon les règles de
[Page 640]
droit commun, la
faute contractuelle ou extracontractuelle de l’intervenant
soupçonné d’être le responsable de la perte. Il en est
de même, lorsque le propriétaire de l’ouvrage est, également, l’entrepreneur général.
3) Le
promoteur immobilier
1702. Le promoteur du projet est assimilé par le biais de l’article 2124
C.c.Q. à un entrepreneur général pour les recours exercés par un acheteur de l’immeuble
ou de l’unité qu’il a construits. Il ne peut toutefois dans le cadre de ses
relations contractuelles avec l’entrepreneur général ou les sous-traitants se
prévaloir du régime de responsabilité prévu à l’article 2118 C.c.Q., notamment
de la présomption de responsabilité comme peut le faire un client. Le fait qu’il
a confié un contrat d’entreprise à un entrepreneur général ne lui permet pas de
se considérer comme client au sens de l’article 2118 C.c.Q. Son rapport
contractuel avec l’entrepreneur général ou ses droits et recours à l’encontre
des sous-traitants choisis par ce dernier ne peuvent être régis par la disposition de cet article, mais bien selon le
régime de responsabilité civile, que ce soit la responsabilité contractuelle ou
extracontractuelle. Il faut appliquer au promoteur immobilier les mêmes règles
qui s’appliquent aux relations qui existent entre l’entrepreneur général et les
sous-traitants. Il peut paraître paradoxal que le promoteur ne puisse
bénéficier de la règle prévue à l’article 2118 C.c.Q. alors que l’acquéreur de l’immeuble ou d’une unité résidentielle
peut se prévaloir de cette disposition, et ce, même s’il a fait cette acquisition du promoteur immobilier
lui-même.
D. La nécessité d’une mise en demeure
1703. La mise en
demeure des intervenants en construction au stade de l’exécution du contrat n’est
pas nécessaire puisque le défaut de respecter les règles de l’art est, en soi,
une demeure de plein droit. Ainsi, le client n’a
pas à aviser ces intervenants de leur obligation d’exécuter les travaux ou de
fournir des prestations de services conformément aux règles de l’art. Les
débiteurs sont en demeure de plein droit de
[Page 641]
remplir leurs
obligations de façon adéquate.
La responsabilité des intervenants pour l’un des vices visés par l’article 2118 sera donc retenue même si le client n’a à aucun
moment, ni verbalement ni par écrit, demandé à ces derniers d’exécuter leurs prestations en conformité avec les règles de l’art
qui régissent leur industrie. Ils
ont une obligation de résultat quant
à la qualité de l’ouvrage et à sa conformité aux règles de l’art, même en l’absence
de toute stipulation à cet effet
dans le contrat. Il s’agit d’une obligation qui incombe à chacun des intervenants dans la construction et qui découle implicitement de l’article 1434 C.c.Q.
et, par ce fait même, chacun d’entre
eux est en demeure de plein droit de s’y conformer.
1704. Il
faut, cependant, faire la distinction entre l’obligation que chacun des
intervenants en construction se conforme aux règles de l’art où la mise en demeure n’est pas
requise et l’obligation de procéder aux travaux de réparation d’un vice au sens
de l’article 2118 C.c.Q. lorsqu’un tel vice est découvert après la fin des
travaux. Dans ce dernier cas, la mise en demeure est requise pour permettre aux
intervenants en construction de vérifier l’existence du vice allégué par le
client et de procéder eux-mêmes à sa réparation.
L’absence d’une mise en demeure pourra constituer une fin de non-recevoir à l’action
en dommages-intérêts du client. Ainsi, chacun des intervenants visés par cet
article a le droit d’être informé de la découverte du vice afin de pouvoir
procéder d’abord à sa vérification et voir s’il est dû à une faute commise par
l’un ou l’autre lors de l’exécution des travaux qui lui ont été confiés. Si
cette vérification révèle qu’il y a effectivement un vice pouvant être imputé à
sa faute, l’intervenant peut alors procéder à la réparation de ce vice. Dans le
cas contraire, l’intervenant peut faire l’expertise nécessaire ou le
prélèvement des éléments de preuve pour pouvoir rejeter éventuellement une
action en responsabilité.
1705. Il est
préférable que le client adresse sa mise en demeure à chacune des personnes
tenues à la garantie en vertu de l’article 2118 C.c.Q., puisque la mise en
demeure reçue par l’une d’elles ne produit pas nécessairement les mêmes effets
à l’égard des autres intervenants, conformément à l’article 1599 C.c.Q..
Rappelons que cette disposition, qui
prévoit que la mise en demeure adressée par le créancier à un
[Page 642]
codébiteur solidaire
aura pour effet de constituer les autres codébiteurs en demeure, ne rencontre
pas son application pour tous les intervenants visés par l’article 2118 C.c.Q.,
et plus particulièrement pour ceux qui n’ont aucun lien contractuel avec le
client. En effet, la théorie de représentation mutuelle que la jurisprudence et
la doctrine enseignent en matière de solidarité parfaite, lorsque tous les
débiteurs assument la même obligation prévue dans le contrat envers le
créancier, pourra difficilement trouver ici ses assises factuelles et
juridiques, puisque certains intervenants ne sont liés au client par aucun
contrat et assument leurs obligations seulement envers l’entrepreneur général
ou un sous-entrepreneur.
1706. En raison de
l’absence d’un lien contractuel entre tous les intervenants visés par l’article
2118 C.c.Q., la théorie de la représentation mutuelle reconnue par la
jurisprudence et la doctrine ne peut donc trouver son application, et ce, même
si ces intervenants sont tenus à la même obligation légale de réparation du
préjudice.
1707. La règle
générale adoptée par le législateur lors de la réforme du Code civil du
Québec, voulant que le débiteur ait le droit à une chance de procéder à l’exécution
en nature de son obligation, doit avoir préséance sur la théorie fictive de la
représentation mutuelle. Le droit du débiteur à l’exécution de son obligation
avant d’être poursuivi par le créancier doit être reconnu pour les intervenants
en construction visés par l’article 2118 C.c.Q. En conséquence, il faut
permettre à chacun des intervenants de vérifier d’abord si effectivement il y a
un vice et ensuite si celui-ci se trouve dans la partie qu’il a exécutée ou
bien, au contraire, se trouve dans une partie ayant été exécutée par un autre
intervenant. Une telle vérification lui permet d’offrir au client la réparation
de ce vice si la responsabilité lui est imputable ou, dans le cas contraire, de
préparer son moyen de défense pour se dégager de toute responsabilité envers le
client conformément aux articles 2118 et 2119 C.c.Q..
1708. Le libellé de
l’article 2118 C.c.Q., même s’il permet de conclure que certains effets
accessoires de la solidarité parfaite se produisent lors de l’application de
cet article, ne laisse cependant pas présumer la représentation mutuelle entre
les intervenants. Ainsi, une mise en demeure adressée à l’un des intervenants n’aura
pas pour effet de constituer, conformément à l’article 1599 C.c.Q., tous les
autres
[Page 643]
intervenants en demeure.
Le client ne peut plaider la représentation mutuelle et l’intervenant ayant
reçu la mise en demeure pourra difficilement être tenu responsable envers les
autres intervenants n’ayant aucun lien contractuel avec lui, s’il ne leur
transmet pas une copie de cette mise en demeure. En effet, certains
intervenants ne se connaissent pas et n’ont aucun lien de droit entre eux. L’intervenant
poursuivi par un recours récursoire d’un autre intervenant ayant été poursuivi
par le client, peut invoquer le défaut de lui transmettre une copie de la mise
en demeure du client ou le défaut d’être appelé à intervenir, dans le litige,
conformément à l’article 1539 C.c.Q. Ainsi, l’intervenant poursuivi par un
recours récursoire peut réussir à faire rejeter ce recours en démontrant qu’il
était en droit de vérifier l’existence du vice allégué par le client et qu’il
avait un moyen de défense pour faire rejeter le recours principal de ce
dernier, mais qu’on lui a enlevé cette opportunité de le faire en temps utile.
1709. L’intervenant
poursuivi pour la première fois dans la nouvelle action intentée par le client
pourra aussi faire rejeter cette action en invoquant, comme défense, qu’il a
été privé de faire valoir ses droits contre les intervenants poursuivis lors de
la première action, étant donné que le client peut être moins bien placé pour
faire rejeter les moyens de défense invoqués par les intervenants poursuivis.
Ces moyens de défense peuvent être valables si certaines conditions sont
remplies. Ainsi, l’intervenant doit démontrer qu’en raison de l’absence d’une
mise en demeure, il a été privé de son droit de vérifier avant la réparation du
vice son existence et dans quelle partie de l’ouvrage s’est trouvé ce vice, ce
qui lui aurait permis d’identifier le responsable. Une telle vérification
aurait permis d’établir la faute qui est à l’origine du vice faisant l’objet du
litige. Rappelons à cet effet que le dommage résultant de la faute commise par
un autre intervenant peut être une cause d’exonération pour certains
intervenants.
1710. L’intervenant
poursuivi tardivement par le client peut également démontrer que le rejet de la
première action intentée contre un ou plusieurs autres intervenants pourrait
être un obstacle à l’exercice, par lui, d’un recours récursoire contre ces
derniers. Notons toutefois que l’action du client rejetée contre l’un des
intervenants n’aura pas la force de chose jugée entre ce dernier et l’intervenant
poursuivi dans une nouvelle action par le client, puisque le critère d’identité
des parties ne peut être respecté.
[Page 644]
4. Personnes
visées par le régime de la responsabilité légale
1711. Comme nous l’avons vu, la responsabilité des intervenants en
construction, sous l’article 2118 C.c.Q.,
est solidaire. La solidarité profite au client, car ce dernier peut poursuivre,
à son choix, l’architecte, l’ingénieur, l’entrepreneur ou le sous-entrepreneur,
pour la totalité du montant réclamé sans que l’un d’eux puisse invoquer, à ce
stade, une quelconque exclusion de responsabilité.
Cela n’empêche pas un intervenant d’appeler en garantie les autres intervenants
lorsque le client ne les a pas tous poursuivis.
1712. La responsabilité légale solidaire décharge le client du fardeau de
prouver qui est l’auteur de la faute ou la cause exacte à l’origine du vice de
construction, de conception, de réalisation ou du sol.
1713. Comme nous l’avons mentionné, le client n’a qu’à prouver la perte de l’ouvrage,
en tout ou en partie. Il suffit de faire la preuve que
[Page 645]
l’ouvrage est devenu
impropre à son utilisation à cause de l’un de ces quatre vices.
Le fait qu’il faille reprendre l’ouvrage au complet constitue une indication
suffisante de la perte de l’ouvrage. La preuve de
l’un de ces éléments est suffisante pour renverser le fardeau et forcer chacun
des intervenants à faire sa preuve pour s’exonérer, selon les moyens prévus à l’article
2119 C.c.Q. Cette preuve peut se
faire par présomption de faits précis et concordants.
Sans cette preuve, il lui est difficile d’éviter une responsabilité solidaire.
1714. À la suite
d’une condamnation en faveur du client, il appartient aux intervenants en
construction, tenus solidairement en responsabilité, de partager la
responsabilité à parts égales ou proportionnellement à la gravité de la faute
commise par chacun d’eux. De même, le tribunal peut, lorsque la preuve soumise le
permet, déterminer la part de responsabilité de chacun des intervenants.
[Page 646]
A. Fournisseur et fabricant de
biens et de matériaux
1715. Le fournisseur de matériaux et le fabricant ne sont pas assujettis à la responsabilité légale puisqu’ils
ne surveillent ni ne dirigent les travaux, éléments essentiels à la mise en œuvre de la garantie prévue à l’article 2118 C.c.Q..
Ils sont, toutefois, tenus à la garantie du vendeur pour les vices cachés,
prévue aux articles 1730 C.c.Q. et 53 de la Loi sur la protection du
consommateur, même s’ils ne
sont pas des professionnels de la vente.
B. L’architecte et l’ingénieur
1716. L’article
2118 C.c.Q. tient l’architecte et l’ingénieur, ayant été chargés de surveiller
ou de diriger les travaux de construction, responsables solidairement avec l’entrepreneur
et les sous-entrepreneurs. Il ne mentionne
cependant pas que cet architecte ou ingénieur doit avoir nécessairement élaboré
ou préparé les plans et devis ayant servi à la réalisation de l’ouvrage.
Doit-on comprendre qu’à défaut par l’ingénieur ou l’architecte de préparer ces
plans et devis, leur responsabilité doit être exclue sous l’article 2118 C.c.Q. ? Il ne semble pas que ce soit le cas. En effet, si la participation à l’élaboration
des plans et devis était une condition à l’application de l’article 2118 C.c.Q., le législateur l’aurait mentionné. En fait, la responsabilité
de l’architecte et de l’ingénieur, en vertu de l’article 2118 C.c.Q., n’est pas
due à la conception des plans et devis, mais à la
[Page 647]
surveillance et à la direction des travaux de construction.
Ainsi, l’architecte ou l’ingénieur qui prépare les plans et devis sans
toutefois participer à l’exécution ou à la surveillance des travaux ne peut
être tenu responsable en vertu de la garantie légale de l’article 2118 C.c.Q..
Il est important de noter que l’ingénieur ou l’architecte peut avoir un mandat
complètement distinct de celui de l’entrepreneur général et de ses
sous-traitants. Dans un tel cas, la
responsabilité de l’architecte ou de l’ingénieur ne pourra être engagée pour
des dommages qui résultent des erreurs commises par l’entrepreneur général ou l’un
de ses sous-traitants. Pour que leur responsabilité soit engagée, le client
doit faire la preuve d’une erreur dans les plans et devis. Dans ce cas, la
responsabilité professionnelle de ces derniers pourra être engagée selon l’article
2120 C.c.Q. qui peut être invoqué par le client indépendamment de la garantie
prévue à l’article 2118 C.c.Q. même en l’absence d’un vice couvert par cette
disposition.
1717. L’architecte et l’ingénieur, présents sur le chantier, doivent vérifier
la qualité des travaux et des matériaux qui sont en cours d’exécution. Leur
service est souvent retenu en raison de leur expertise, ce qui justifie leur
responsabilité solidaire avec l’entrepreneur de toute faute dans l’exécution
des travaux, ou avec les
sous-entrepreneurs. Leur présence sur le
chantier permet de constater toute anomalie, défaut ou vice pouvant causer,
plus tard, la perte partielle ou totale de l’immeuble.
[Page 648]
1718. Même dans le cas où l’architecte et l’ingénieur n’ont pas conçu les plans et devis, leur tâche
principale consiste à vérifier le respect et la conformité des travaux à ces
plans et devis par les divers intervenants en construction. Ils sont appelés à
examiner et à étudier, voire à analyser, tous leurs aspects techniques et leur
application. Conséquemment, ils doivent signaler toute erreur qui s’y trouve.
Ne sont-ils pas des experts en qui le client a confiance pour que l’ouvrage
soit conforme aux règles de l’art ? Le fait qu’ils n’ont ni préparé ni conçu les plans et devis dont ils
sont chargés de veiller à la réalisation ne change rien à leur responsabilité
en vertu de l’article 2118 C.c.Q.
1719. L’architecte et l’ingénieur sont, également, responsables solidairement
de toute erreur ou de tout changement aux plans et devis même si celui-ci est
imposé par le client. L’ambiguïté qui se
retrouve dans les plans est comprise dans ce type de responsabilité.
1720. En effet, ils
ont le devoir de rendre les plans et devis clairs et précis quant à la qualité
du sol et aux méthodes d’exécution. Lorsque cela
s’avère nécessaire, ils doivent modifier les plans et les remettre au client.
Ils sont également responsables de la perte de tout l’ouvrage s’ils décident de
compléter les plans et devis viciés commencés par un autre
ou lorsqu’ils permettent l’exécution des travaux selon des plans imprécis qui
mènent l’entrepreneur à l’erreur.
[Page 649]
1721. L’architecte et l’ingénieur, de
même que l’entrepreneur, sont tenus à une obligation d’information et de conseil, conformément à l’article 2104
C.c.Q.. Les instructions et
directives de l’architecte ou de l’ingénieur, à l’entrepreneur, doivent être claires,
précises et véridiques
afin d’éviter la responsabilité légale. L’obligation de conseiller
le client leur impose de faire des expertises du sol afin que l’ouvrage soit
solide et stable. Dans le même ordre d’idées, ils sont responsables, tout comme
l’entrepreneur, du vice affectant les matériaux nécessaires à la réalisation de
l’ouvrage même si ceux-ci sont fournis par le client.
1722. Il ne suffit pas qu’une personne soit ingénieur ou architecte pour l’assujettir
à la responsabilité légale, il faut tenir compte de ses tâches particulières.
Cependant, si une personne se fait passer pour un architecte ou un ingénieur
alors qu’elle n’est pas membre de l’Ordre, sa responsabilité solidaire est
quand même engagée.
1723. Par ailleurs,
le législateur a prévu à l’article 2121 C.c.Q., un régime de responsabilité
différent pour l’ingénieur et l’architecte ayant été chargé seulement de la
préparation et de la conception des plans et devis.
Ce régime de responsabilité, qui est moins lourd, est justifié
[Page 650]
entre autres par le
fait que l’ingénieur et l’architecte qui se trouvent sur le chantier sont mieux
placés pour détecter et découvrir toute erreur dans la conception des plans et
devis et le risque à encourir, plus tard, si on les exécute sans aucune
modification et correction. La surveillance ou la direction des travaux leur
permet, aussi, de vérifier la conformité et le respect par l’entrepreneur et
les sous-entrepreneurs des plans et devis et des règles de l’art.
1) L’architecte
1724. Il doit faire
partie de l’Ordre des architectes. Il doit signer et
sceller tous les travaux d’architecture qu’il fait pour la construction, l’agrandissement,
la reconstruction, la rénovation ou la modification d’un édifice.
2) L’ingénieur
1725. Tout
ingénieur doit faire partie de l’Ordre des ingénieurs.
Les tâches qu’il doit effectuer sont décrites à l’article 3 de la Loi sur
les ingénieurs. Elles consistent, d’abord, à donner des consultations et
des avis et à faire, ensuite, des mesurages ou des tracés, des calculs, des
études, des dessins, des plans, à préparer des devis ou des cahiers des charges
et, finalement, à inspecter ou à surveiller les travaux et à préparer des
rapports au client.
3) Cas particulier du technologue
professionnel
1726. Le
technologue professionnel est assujetti à l’Ordre professionnel des
technologues professionnels du Québec et son rôle est de s’assurer que les
travaux n’ont pas de conséquences fâcheuses sur la santé, la vie et la
propriété des personnes. Il n’est pas
assujetti à la responsabilité légale de l’article 2118 C.c.Q., mais à celle de
l’article 35 du Code de déontologie des technologues professionnels.
[Page 651]
С. L’entrepreneur
1) Généralités
1727. Tout entrepreneur doit obtenir une licence afin d’exercer et de remplir
les fonctions rattachées à son métier. Cependant,
même si un entrepreneur n’a pas de licence, sa responsabilité n’en est pas
moins engagée en vertu de l’article 2118 C.c.Q., car il doit se conformer aux
règles de l’art. Le tribunal pourrait
présumer une faute de la part de l’entrepreneur qui ne détient pas une licence.
Cependant, ce dernier ne se verra pas attribuer automatiquement la
responsabilité de tout dommage portant sur la garde, l’entretien ou l’usage d’un
bien, lorsqu’il y a absence de lien de causalité.
1728. L’obligation de se conformer aux règles de l’art doit être remplie,
même si le prix du contrat est peu élevé. Il a le
devoir d’exécuter les travaux conformément aux plans et devis.
S’il n’y a pas de
[Page 652]
plans et devis ou si ceux-ci ne spécifient rien sur la méthode d’exécution
des travaux, l’entrepreneur doit agir conformément aux règles de l’art.
S’il y a une erreur dans les plans et devis, il en sera tenu responsable
solidairement avec l’architecte et l’ingénieur si un autre expert placé dans
les mêmes circonstances avait décelé cette erreur.
1729. L’entrepreneur ne doit pas être un employé du propriétaire, mais
indépendant de celui-ci. Le mode de
rémunération n’a aucun impact sur la qualification de l’entrepreneur ou son
travail, même s’il doit agir dans l’intérêt du client. Il doit cependant être
un entrepreneur de métier pour que sa responsabilité légale soit engagée en
vertu de l’article 2118 C.c.Q..
Il faut donc regarder les activités pratiquées durant l’exécution des travaux.
Lorsque le défendeur nie son intervention dans le projet en tant qu’entrepreneur, il appartient au client de
faire une preuve démontrant le contraire. Cette preuve est une condition
essentielle, devant être remplie avant que l’on procède à l’examen des
conditions requises à l’application du régime de responsabilité de l’article 2118 C.c.Q.
2) Responsabilité
pour les matériaux et la qualité du sol
1730. L’entrepreneur général assume une grande responsabilité, tant au niveau
de la parfaite exécution des travaux, de la fourniture de matériaux adéquats et
de la qualité de l’ouvrage, notamment au niveau de la solidité et de la
stabilité du sol. Il est responsable, tout comme l’architecte et l’ingénieur,
de la mauvaise exécution des travaux et des vices affectant les matériaux. À
cet effet, sa responsabilité sera engagée en vertu de la présomption de l’article
2118 C.c.Q. s’il procède à l’exécution
des travaux en utilisant des matériaux qui sont impropres ou entachés d’un vice.
Il a ainsi le devoir de refuser l’exécution des travaux lorsqu’il est conscient
du vice affectant les matériaux ou que l’ouvrage n’est pas solide.
Cette situation peut, également, être un motif sérieux
[Page 653]
justifiant la
résiliation du contrat d’entreprise
ou de services par l’entrepreneur, l’architecte ou l’ingénieur.
1731. L’entrepreneur doit également refuser de construire sur un sol qui n’est
pas stable sous peine d’engager sa responsabilité, même s’il se fie à ce que le
client lui dit. Lorsqu’il a un doute
sur la qualité du sol, il doit exiger des expertises adéquates.
1732. Le fait que les biens soient fournis par le client ne l’exonère pas s’ils
s’avèrent défectueux, surtout lorsque le client n’est pas un expert en
construction. Il est, également,
responsable lorsqu’il aurait dû déceler un vice qu’un autre entrepreneur, placé
dans les mêmes circonstances, aurait pu découvrir.
Notons que la responsabilité pour les matériaux défectueux incombe également à
l’architecte et à l’ingénieur tenu, aussi, à une obligation de conseil envers
le client. Notons cependant que si les matériaux utilisés dans la réalisation
de l’ouvrage ne sont pas contraires aux prescriptions du Code de
construction ou aux règles de l’art applicables à l’industrie en question,
l’entrepreneur peut se fier au choix exercé par le propriétaire et approuvé par
l’ingénieur. Sa responsabilité pourrait être retenue si le problème survenu est
dû uniquement à la qualité de ces matériaux alors que l’entrepreneur devrait
savoir qu’ils sont inappropriés pour la réalisation de l’ouvrage envisagé et
aurait dû conseiller le client en conséquence.
3) Présence
de plusieurs entrepreneurs
1733. Lorsqu’il y a plusieurs entrepreneurs sur un même chantier, la
responsabilité de chacun d’eux est engagée, en vertu de l’article 2118 C.c.Q.,
dans la mesure où ils ont tous la charge des travaux.
Cet
[Page 654]
article ne fait pas de distinction entre un entrepreneur général
et un entrepreneur agissant pour une partie des travaux seulement. Cependant,
ce dernier ne peut être tenu responsable que pour les travaux qu’il avait sous
sa garde ou qu’il a exécutés. Il en est ainsi
lorsqu’un entrepreneur est engagé seulement pour construire un garage, mais ne
s’occupe pas des travaux d’électricité ou de chauffage confiés par le client à
d’autres spécialistes.
4) Responsabilité
pour des travaux exécutés par son prédécesseur
1734. Un entrepreneur est tenu responsable de la perte de tout l’ouvrage s’il
a érigé un immeuble sur des fondations commencées par un autre entrepreneur,
même si le vice provient des travaux faits par le premier entrepreneur.
En acceptant de compléter l’ouvrage, il assume l’obligation de vérifier que les
fondations ont été bien faites et répond de toute responsabilité résultant d’une
perte éventuelle de l’ouvrage. Il importe toutefois de rappeler qu’en aucun cas
un entrepreneur ne pourra poursuivre un second entrepreneur en vertu de la
disposition prévue à l’article 2118 C.c.Q..
5) Responsabilité
avec le sous-traitant
1735. L’entrepreneur est responsable du défaut de surveiller les travaux
exécutés par le sous-entrepreneur et des erreurs quant aux
[Page 655]
directives qu’il peut
lui avoir données. Le seul fait de déléguer des tâches à un sous-entrepreneur
ne le libère pas de son devoir de protéger le client et le public en général.
Même lorsque le client ou son représentant surveille les travaux, l’entrepreneur
n’est pas pour autant libéré de son obligation de surveiller les travaux
exécutés par le sous-traitant. En cas de mauvaise
exécution par ce dernier, l’entrepreneur peut, également, voir sa
responsabilité engagée, à moins que le sous-traitant n’ait été engagé par une
décision imposée du client ou qu’il ait reçu quittance de celui-ci.
Toutefois, la perte ou le dommage doit être causé par la seule faute du
sous-traitant. Autrement, la responsabilité légale de l’entrepreneur demeure.
Il en est ainsi lorsque le client décide de confier la finition de l’ouvrage à
un tiers. Dans ce cas, il est difficile d’établir le lien entre la faute dans
les travaux de finition et la solidité de l’ouvrage.
L’entrepreneur doit établir le lien de causalité entre la décision fautive
imposée par le client et la perte de l’ouvrage.
6) Promoteur
immobilier
1736. Sous l’ancien
Code civil, l’absence de contrat d’entreprise entre le promoteur immobilier et
le client limitait le recours de ce dernier aux vices cachés (garantie du vendeur). Le promoteur ne faisait pas
partie des personnes pouvant être assujetties à la responsabilité légale.
La jurisprudence a, cependant, tenu le promoteur immobilier
[Page 656]
responsable de la même garantie que l’entrepreneur général en cas de promesse
d’achat ou de vente de l’immeuble avant la fin des travaux.
1737. Le promoteur immobilier est, désormais, assimilé à l’entrepreneur, en
vertu des articles 1794 et 2124 C.c.Q., lorsqu’il construit ou fait construire un
ouvrage pour le vendre, avant ou après son achèvement. Conséquemment, il est
assujetti à la responsabilité légale prévue à l’article 2118 C.c.Q..
L’acheteur peut, également, exercer le même recours contre tous les
intervenants qui ont participé à la construction de l’ouvrage, et ce, même en l’absence
de lien contractuel.
1738. Le promoteur qui construit ou fait construire un ouvrage n’est pas tenu
responsable, selon les règles régissant le contrat d’entreprise, s’il n’avait
pas l’intention de le vendre. En effet, un promoteur immobilier de métier qui
se construit une maison pour lui, mais décide après la fin des travaux de la
vendre n’est pas assujetti à la responsabilité légale. Il n’agit pas en sa
qualité de promoteur, mais à titre personnel.
[Page 657]
7) Gérant de
projet
1739. Un gérant de projet est un mandataire du client qui le représente dans
les différents contrats et sur le chantier. Il est un prestataire de services.
Il peut être, ainsi, un architecte, un ingénieur ou un entrepreneur de métier.
La responsabilité du gérant de projet n’est engagée qu’en fonction de ses
tâches particulières. En cas de perte de l’immeuble,
sa responsabilité n’est pas engagée par application de l’article 2118 C.c.Q. Le client peut, cependant, avoir
contre lui un recours contractuel ou extracontractuel pour la faute commise
dans l’accomplissement de ses tâches.
D. Les sous-entrepreneurs
1740. L’entrepreneur peut s’adjoindre un sous-entrepreneur pour l’exécution
des travaux. Ce dernier est alors
responsable des travaux qu’il a exécutés, au même titre que l’entrepreneur
général, l’architecte et l’ingénieur. La seule
différence est que la responsabilité du sous-entrepreneur est limitée à son
champ d’expertise, soit les travaux pour lesquels il a été engagé.
Il doit agir selon les règles de l’art et exécuter
ses travaux en conformité avec le contrat principal et avec la même diligence que l’entrepreneur général.
[Page 658]
1741. Sous l’ancien Code civil, la
responsabilité légale du sous-entrepreneur n’était pas retenue par les tribunaux en raison de l’absence de lien
contractuel avec le client. C’était donc l’entrepreneur
qui assumait, personnellement, la faute du sous-entrepreneur.
Il appartenait, ensuite, à l’entrepreneur de poursuivre le sous-entrepreneur
pour les dommages causés par sa faute. La responsabilité extracontractuelle du
sous-entrepreneur envers le client, reconnue à l’article 2118 C.c.Q. qui prévoit une responsabilité
solidaire entre les intervenants sans égard à l’existence ou non d’un lien avec
le client, pouvait être engagée. Même en dehors de l’application de cet
article, la responsabilité extracontractuelle du sous-traitant peut être
engagée en présence d’une faute extracontractuelle.
La jurisprudence et la doctrine reconnaissent que la responsabilité
extracontractuelle d’un entrepreneur ou d’un sous-entrepreneur peut être retenue en vertu de l’article 1457 C.c.Q. pour le préjudice causé à un tiers
lorsque la preuve démontre qu’il n’a pas agi comme une personne prudente et
diligente et qu’il a fait preuve d’insouciance lors de l’exécution de son
contrat.
1742. Rappelons que l’entrepreneur, selon l’article 2118
C.c.Q., demeure responsable, envers le client, avec le
sous-entrepreneur même si la faute commise par ce dernier est la cause de la
perte de l’ouvrage. Cette responsabilité découle à la fois de son obligation de
résultat quant à qualité des travaux et à la conformité de l’ouvrage aux règles
de l’art, ainsi que de son obligation de surveillance de leur exécution par les
différents sous-entrepreneurs. À cela s’ajoute aussi, sa responsabilité pour
les erreurs quant aux directives données au sous-entrepreneur. Notons
[Page 659]
toutefois que cette
responsabilité ne s’étend pas à l’architecte ou à l’ingénieur
lorsqu’ils ne sont pas tenus de surveiller les travaux exécutés par le
sous-entrepreneur et que leur intervention s’est limitée à la préparation des
plans et devis; ils ne peuvent être
tenus responsables pour la faute commise par un sous-entrepreneur lors de l’exécution
des travaux à moins qu’une telle faute ne soit due à une erreur dans la
préparation des plans et devis.
E. La personne morale et la
possibilité de poursuivre ses dirigeants : levée du voile corporatif
1743. Les intervenants en construction ne peuvent se cacher derrière leur
compagnie. C’est leur responsabilité personnelle qui est engagée,
même si le client a conclu un contrat avec la compagnie et non avec l’intervenant.
Le client peut poursuivre directement le représentant de l’entrepreneur, du
sous-entrepreneur, de l’architecte ou de l’ingénieur qui a, selon le cas,
conçu, dirigé, surveillé ou exécuté les travaux. Cela n’empêche cependant pas
le client de poursuivre, en même temps, la compagnie et de la tenir
responsable, en sa qualité de contractant ou pour la faute commise par son
représentant ou employé dans le cadre de l’exécution de ses fonctions.
5. Délai
de prescription du recours
1744. L’action en
responsabilité pour la perte de l’ouvrage se prescrit par trois ans (art. 2925 C.c.Q.).
Ce délai commence à courir à compter de la date où la cause de la menace de
perte de l’ouvrage est connue, soit à partir de la découverte de l’un des vices
prévus à
[Page 660]
l’article 2118 C.c.Q. Le point de départ peut être,
aussi, la date de la première manifestation appréciable de ce vice s’il s’agit
d’un dommage graduel (art. 2926 C.c.Q.),
car il s’agit du jour où le droit d’action a pris naissance (art. 2880 al. 2 C.c.Q.). Dans l’ancien Code
civil, la prescription était de
cinq ans à partir de la découverte du vice et pouvait atteindre dix ans dans le
cas d’un dommage graduel.
1745. Quant au
dommage qui se manifeste graduellement, la
jurisprudence convient qu’il n’y a pas lieu de s’écarter de l’article 2926 C.c.Q., qui prévoit clairement que le
délai court à compter du jour où le dommage se manifeste pour la première fois
de façon appréciable. Ce même article tend
à protéger le propriétaire profane et non expert en construction qui voit se
manifester le vice dans le temps, sans être en mesure de le déceler
prématurément. Il ne faut toutefois pas interpréter cette disposition comme une
protection pour le propriétaire qui courrait
[Page 661]
lui-même à la perte de son ouvrage en constatant le vice menaçant
et en ne procédant pas à sa réparation, de sorte que le préjudice s’aggraverait. La négligence du propriétaire
de prendre les mesures préventives
et appropriées dans le meilleur délai pour
éviter la perte ou la minimiser,
aura pour effet de réduire la responsabilité de l’intervenant en construction
pour les dommages résultant du
vice ou peut-être même, dans certains
cas, constituer une cause justifiant
le rejet de son action. Finalement, le délai de prescription est prolongé
lorsque l’entrepreneur prolonge, par son propre fait, le délai qui lui a été
accordé, de sorte qu’il ne pourra pas en retirer avantage.
1746. Enfin, il importe de mentionner que dans certains cas exceptionnels, le
délai de prescription peut être interrompu ou le point de départ de ce délai
peut être reporté à une date postérieure à la découverte du vice. Il en est
ainsi lorsque, suite à une mise en demeure, l’entrepreneur ou un autre
intervenant en construction visé par l’article 2118 C.c.Q. offre au client de réparer le vice et de rendre l’ouvrage
conforme. Il peut arriver que suite à l’intervention de ce dernier le problème
ne soit pas réglé ou que les travaux de réparation soient mal exécutés ou que
le client ne découvre la mauvaise exécution de ces travaux de réparation qu’après
un certain temps suite à une telle intervention. Dans semblable situation, le
délai de prescription de trois ans pour intenter une action en responsabilité
selon ce dernier article ne court pas à partir de la date de la première
découverte, mais plutôt à partir de la date de découverte de la mauvaise
exécution des travaux de réparation ou de la constatation que le vice persiste
ou existe toujours.
1747. Lorsque l’entrepreneur,
suite à une mise en demeure, offre de faire les travaux de réparation
nécessaires, le délai de prescription sera interrompu, étant donné qu’il n’y a
pas matière à litige. Pour que le délai soit ainsi interrompu, l’entrepreneur
ou le débiteur doit alors avoir exprimé son intention de s’acquitter de son
obligation et de se conformer à
la demande formulée dans la mise en demeure. En d’autres termes, il faut que le
débiteur exprime sa volonté sans équivoque d’exécuter son
[Page 662]
obligation afin que l’on soit dans
une situation équivalente à une reconnaissance de dette.
1748. Le fait que l’entrepreneur exprime une intention de vérifier le
problème soulevé par le client ne constitue pas une admission ou une
reconnaissance d’une obligation de faire les travaux demandés dans la mise en
demeure. Par conséquent, le délai ne peut être interrompu,
à moins que, suite à ces vérifications, l’entrepreneur sollicite des rencontres
avec le client pour négocier un règlement ou trouver une solution. Le client
doit alors donner la chance aux négociations pour éviter un litige pouvant être
coûteux pour les deux parties. Cependant, le délai reprend son cours dès qu’il
y a une constatation d’échec dans les négociations concernant le problème.
1749. Ce délai
commence à courir lorsque l’entrepreneur revient sur son offre de faire les
travaux ou la modifie de façon insatisfaisante pour le client. Il commence
aussi à courir lorsque l’entrepreneur se présente sur le chantier et exécute
les travaux requis partiellement ou de façon insatisfaisante. On ne peut
reprocher à un client de ne pas avoir intenté son recours à l’encontre d’un
entrepreneur qui a exprimé son intention de remplir son obligation.
1750. Enfin, lorsque des travaux de réparation ont été effectués suite à la
découverte d’un vice de construction, le client doit disposer, pour ces
travaux, de la même garantie pour une durée également de cinq ans qui débute
dès la fin des travaux de réparation du vice faisant l’objet de la garantie.
6. Évaluation
des dommages
1751. Les dommages
s’évaluent au jour de la perte de l’ouvrage.
Les tribunaux ont, entre autres, accordé des dommages au client pour compenser
la perte subie et le gain manqué, le coût de la main-d’œuvre
[Page 663]
et des matériaux, la valeur des
réparations, la remise en état des
lieux, les frais d’expertise
pour déterminer la nature du problème,
[Page 664]
les frais d’administration,
de conception et de surveillance, les troubles, ennuis
et inconvénients, et déboursés divers.
La perte de jouissance du bien peut être refusée comme dommage en cas de
réclamation en vertu de l’article 2118 C.c.Q..
1752. Lors de l’évaluation du montant de l’indemnité, les tribunaux vérifient
si les montants accordés pour certains chefs de dommages ne créent pas un
enrichissement du client, car le but de l’indemnisation est seulement de
compenser le dommage subi. Les dommages accordés
pour le client peuvent être établis, au préalable, par les parties dans une
clause contractuelle.
7. Les
frais et les honoraires judiciaires et extrajudiciaires
1753. Lorsque
plusieurs intervenants sont poursuivis par le client selon le régime de
responsabilité solidaire prévu à l’article 2118 C.c.Q., ce dernier peut
demander à la Cour de condamner au paiement des frais et des honoraires
judiciaires et extrajudiciaires l’entrepreneur ou l’intervenant qui sera tenu
responsable par la Cour pour le vice ayant causé la perte ou qui menace la
perte de l’immeuble. Il peut également
[Page 665]
demander qu’en cas
de rejet de son action à l’encontre
de l’un ou plusieurs intervenants,
l’entrepreneur ou l’intervenant fautif soit condamné à payer à ces derniers
les frais judiciaires ou le cas échéant les frais et les honoraires extrajudiciaires.
En effet, il est souvent difficile d’identifier au moment de l’institution de l’action
le responsable du vice qui affecte l’ouvrage ou d’établir la cause qui est à
son origine. En un tel cas, le client est bien justifié et il est plus prudent
pour lui d’impliquer dans le litige tous les intervenants s’il veut s’assurer d’obtenir
une solution complète à son problème. Le tribunal peut dans ce cas émettre une
ordonnance de type Bullock épargnant au client de payer les dépenses des
intervenants qu’il a impliqués dans le litige et qui ne sont pas fautifs afin
que l’entrepreneur ou l’intervenant fautif soit condamné à payer les frais de
justice accordés aux défendeurs exonérés.
8. Application
de l’article 2103 C.c.Q.
1754. L’alinéa 2 de l’article 2103 C.c.Q. prévoit que l’entrepreneur ou le
prestataire de services est tenu aux mêmes garanties que le vendeur, lorsqu’il
fournit les biens nécessaires à la réalisation de l’ouvrage.
Il importe donc de faire une distinction entre les régimes de garanties prévues
en matière de vente et les règles régissant les ouvrages immobiliers. Ainsi, l’entrepreneur
ou le prestataire de services, peu
importe qu’il soit assimilé à un simple vendeur ou à un vendeur professionnel
aux fins de l’application de l’alinéa 2 de l’article 2103 C.c.Q.,
reste soumis aux régimes de garanties prévus pour le contrat d’entreprise aux
articles 2113, 2118 et 2120 C.c.Q.
1755. Il s’agit d’une
garantie complémentaire qui dans certains cas présente des avantages indéniables.
En effet, la garantie du vendeur quant à la qualité et la durabilité de
fonctionnement du bien couvre des cas et des vices qui ne tombent pas
nécessairement sous le régime de responsabilité prévu aux articles 2118 et 2120 C.c.Q. Rappelons que ces régimes sont d’une durée limitée et ne
couvrent pas tous les vices et les malfaçons pouvant surgir après la fin des
travaux.
1756. La garantie
prévue à l’article 2118 C.c.Q. protège le client seulement d’une perte
résultant d’un vice de conception, de construction, de réalisation ou du sol. D’ailleurs, la notion de vice au sens de cet
article se distingue de la notion de vice caché que l’on retrouve aux articles
1726 et 1729 C.c.Q., qui est d’une portée plus large pour assurer
[Page 666]
la qualité du bien. Il importe de rappeler que l’existence
d’un vice au sens de l’article 2118
C.c.Q. est analysée en fonction des conséquences, soit la
perte physique du bien ou encore la menace d’une perte. Bien que la perte
survenue puisse occasionner un déficit d’usage, l’inverse n’est pas
nécessairement vrai, car une diminution d’usage peut se produire sans que l’intégrité
physique du bien soit affectée. Un ouvrage peut donc être parfaitement intact,
malgré le mauvais fonctionnement qui ne permet pas au client d’en faire l’usage
auquel il est destiné ou offre alors un usage restreint.
1757. L’importance
de la règle prévue à l’alinéa 2 de l’article 2103 C.c.Q. devient évidente
lorsque les vices ou la défectuosité se manifestent après l’expiration d’un
délai de cinq ans ou d’un an de la fin des travaux.
Dans ce cas, la présomption de l’existence du vice caché, tout comme celle de
la connaissance de ce vice par l’entrepreneur ou le prestataire de services au
moment de la réception de l’ouvrage, sera d’une utilité importante pour le
client. En effet, lorsque la garantie de l’article 2118 ne s’applique plus en
raison de l’écoulement du temps ou lorsque le vice affectant l’ouvrage n’est
pas l’un des vices visés par cet article, le client doit, selon les
dispositions qui régissent le contrat d’entreprise, démontrer la faute de l’entrepreneur
ou du prestataire de services lors
de l’exécution des travaux dans les trois ans de la découverte du vice,
conformément à l’article 2925 C.c.Q.. Cette preuve
peut s’avérer plus difficile à établir, alors que la preuve d’une défectuosité
ou du mauvais fonctionnement survenu prématurément peut être plus aisée, ce qui
donne ouverture à l’application des présomptions prévues aux articles 1728 et 1729 C.c.Q.
1758. À titre d’illustration, un client qui fait faire des travaux de
réparation sur sa toiture, par un entrepreneur qui fournit tous les matériaux
nécessaires, pourra avoir intérêt à invoquer l’article 2103 alinéa 2 C.c.Q.
lorsque, après cinq ans suivant la fin des travaux, une défectuosité survient
de manière prématurée par rapport à des toitures de même espèce ou identiques
(art. 1729 C.c.Q.). Le client aura avantage à se prévaloir des dispositions
prévues en matière de vente, étant donné que le délai écoulé ne lui permet plus
d’invoquer l’application de l’article 2118 C.c.Q. L’alinéa 2 de l’article 2103 C.c.Q. peut donc s’avérer très utile pour protéger le client qui
commande un ouvrage immobilier ou fait installer un bien meuble devenu immeuble
par intégration et qui est supposé
[Page 667]
fournir un bon
fonctionnement ou avoir une durée de
vie supérieure au délai de cinq ans couverts par la garantie de l’article
2118 C.c.Q.
1759. De
plus, lorsqu’on est en présence d’un
bien meuble qui devient immeuble par intégration, tel qu’un ascenseur incorporé à un immeuble, et que le problème réside dans le mauvais fonctionnement de ce bien en question, et non pas de
l’ensemble de l’ouvrage immobilier, l’alinéa 2 de l’article 2103 C.c.Q. va permettre au client de pouvoir tenir
responsable l’entrepreneur ou le prestataire de services pour la qualité inappropriée de ce bien en question. Il
arrive que l’intégrité physique du
bien soit intacte, mais que ce dernier fonctionne mal et ne permette pas au
client d’en faire l’usage pour lequel il est destiné. Dans ce cas, les conditions de l’application de l’article 2118
C.c.Q., soit la perte ou la menace de perte, ne sont pas remplies, mais le
client peut se prévaloir des garanties que l’alinéa 2 de l’article 2103 C.c.Q.
ajoute, afin d’engager la responsabilité de l’entrepreneur ou du prestataire de
services. Ce dernier est d’ailleurs assimilé à un vendeur professionnel, ce qui
permet l’application des présomptions de connaissance et d’existence du vice
conformément aux articles 1728 et 1729 C.c.Q..