Art. 2114. Si l’ouvrage est exécuté par phases successives, il peut être reçu
par parties; le prix afférent à chacune d’elles est payable au moment de la
délivrance et de la réception de cette partie et le paiement fait présumer qu’elle
a été ainsi reçue, à moins que les sommes versées ne doivent être considérées
comme de simples acomptes sur le prix.
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Art. 2114. Where the work is performed in successive phases, it may
be accepted in parts; the price for each part is payable upon delivery and
acceptance of the part; payment creates a presumption that the part has been
accepted, unless the sums paid are to be considered as merely partial
payments on account of the price.
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C.c.B.-C.
1687. S’il s’agit
d’un ouvrage à plusieurs pièces ou à la mesure, il peut être reçu par parties. Il est présumé avoir été ainsi reçu
pour toutes les parties payées, si le maître paie l’ouvrier en proportion de l’ouvrage
fait.
O.R.C.C. (L. V, DES OBLIGATIONS)
694. Un ouvrage
en plusieurs parties ou à la mesure peut être reçu par partie.
Il est présumé avoir été ainsi reçu pour
toutes les parties payées, sauf convention contraire.
P.L. 125
2102. Si l’ouvrage
est exécuté par phases successives, il peut être reçu par parties; le prix afférent à chacune d’elles est payable au
moment de la délivrance et de la réception de cette partie et le paiement fait
présumer qu’elle a été ainsi reçue, à moins que les sommes versées ne doivent
être considérées comme de simples acomptes sur le prix.
C.c.Q. : art. 2110, 2122.
1. Introduction
1511. L’article
2114 C.c.Q. traite de la réception de l’ouvrage par phases et encadre la
construction d’ouvrages importants fréquemment réalisés par phases successives.
Le fait que l’ouvrage soit exécuté par phases implique le paiement de chacune d’elles
lorsqu’elle est complétée. Ce paiement doit avoir lieu lors de la réception de
cette partie.
1512. En l’absence
d’une stipulation expresse prévoyant la réception partielle de l’ouvrage, les
paiements effectués selon la progression des travaux ne doivent pas faire
présumer leur réception partielle. Dans certains cas, l’acompte sur le paiement
peut toutefois faire présumer la
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réception de la partie exécutée. Il
en est ainsi d’une décision prise
par les parties de suspendre les travaux et de les reporter à une date postérieure alors que le client paie les coûts de la partie exécutée de
l’ouvrage. Il s’agit cependant d’une
présomption juris tantum qui peut être repoussée par une preuve contraire, soit par
une preuve que le paiement n’était qu’un acompte sur le prix total de l’ouvrage.
1513. L’acompte sur le prix est bien différent du paiement de l’ouvrage
puisque c’est seulement ce dernier, qui coïncide avec la réception partielle ou
finale, qui opère transfert du droit de propriété de l’ouvrage ainsi que du
risque inhérent au client.
2. Conditions
d’application et conséquences de la réception des travaux par phases
successives
A. Conditions d’application de l’article
2114 C.c.Q.
1514. Le contrat
doit prévoir que le projet de construction s’exécute en plusieurs phases.
Ainsi, le tribunal ne peut conclure à l’exécution de l’ouvrage par phases en l’absence
d’une indication précise à cet effet dans le contrat. En l’absence d’une
stipulation prévoyant l’exécution des travaux par phase ou lorsque les travaux
facturés n’ont pas été effectués par phase, la disposition de l’article 2114 C.c.Q. ne peut recevoir application.
Rappelons aussi que la réception partielle n’est pas obligatoire et, à moins qu’elle
ne soit stipulée dans le contrat, le client n’est pas tenu à cette réception
tant que l’ouvrage n’est pas prêt à servir pour l’usage auquel il est destiné.
1515. L’obligation
du client de recevoir l’ouvrage est une question qui doit être évaluée et
déterminée à la lumière non seulement de la volonté exprimée par les parties
dans leur contrat, mais aussi en tenant compte des particularités et des circonstances
propres à chaque ouvrage. Ainsi, suite au paiement effectué pour la partie des
travaux exécutée, la conduite et le comportement des parties, notamment le fait
que le client contracte une assurance des biens et prenne des mesures visant à
protéger cette partie constitue des indices déterminants quant à sa réception
et au transfert des risques inhérents.
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1516. La réception
d’une partie de l’ouvrage opère transfert des risques pour cette partie.
Cependant, la réception partielle n’a aucune conséquence sur les délais de
prescription de divers recours que détient le propriétaire de l’ouvrage contre
l’entrepreneur ou les sous-entrepreneurs. Ce délai de prescription ne commence
à courir qu’à compter de la fin des travaux (art. 2116 C.c.Q.).
1517. Une question
se pose à savoir si le propriétaire perd ses recours contre l’entrepreneur
advenant son défaut de faire une réserve pour les malfaçons apparentes. Une
réception partielle ne doit avoir que des effets restreints entre les parties,
tels que le transfert du risque et le paiement du prix pour la partie reçue,
particulièrement lorsque les différentes phases sont une suite logique l’une
pour l’autre. En effet, les travaux se chevauchent souvent et une phase ou
partie peut être la suite logique et pragmatique de l’autre. La présence de
certaines déficiences ou malfaçons, lors de la réception partielle, ne peut
faire présumer leur acceptation par le propriétaire. Celui-ci peut légitimement
penser que l’entrepreneur complètera ces déficiences ou réparera les malfaçons
au cours de l’exécution du reste des travaux.
1518. Il ne faut
pas judiciariser les relations entre les parties dès la réception d’une
première partie des travaux. La confiance doit diriger ces relations. D’ailleurs,
le client qui accepte de recevoir l’ouvrage par phases, et ainsi de payer le
prix, doit être motivé par cette confiance qui lui fait croire que, malgré ce
paiement, l’entrepreneur a la détermination et la volonté de continuer son
travail afin de réaliser complètement l’ouvrage tel que prévu. Décider
autrement revient à punir le client d’avoir fait confiance à son entrepreneur.
La bonne foi se présume et toute relation contractuelle s’établit entre les
parties sur une base de confiance et de bonne foi, sinon cette relation perd sa
raison d’être. Il faut donner la chance à un entrepreneur de corriger toute
déficience tant qu’il est sur le chantier.
1519. Les réserves
pour les malfaçons apparentes doivent être faites seulement lors de la
réception totale de l’ouvrage, soit au moment où l’entrepreneur s’apprête à
quitter le chantier en prétendant avoir terminé les travaux prévus dans le
contrat. Rien ne laisse croire à la lecture des articles 2111 à 2116 C.c.Q. que
le client doit faire des réserves lors de la réception partielle.
Il ne faut pas prêter au législateur des intentions qu’il n’a pas exprimées.
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1520. Enfin, même
si l’on admettait la nécessité pour le client de faire une réserve quant aux
malfaçons apparentes qui affectent la partie de l’ouvrage faisant l’objet d’une
réception partielle, il n’est pas nécessaire que cette réserve soit exprimée
avec une liste de ces malfaçons établie par écrit. Cette exigence, quant à la
forme, doit être remplie en cas de réception totale et finale de l’ensemble de
l’ouvrage. Une déclaration verbale rappelant à l’entrepreneur son obligation de
corriger toute malfaçon existante avec la réception finale doit être considérée
satisfaisante.
1521. La partie des
travaux que l’entrepreneur veut remettre au client doit, en principe, avoir été
complétée. Il serait injuste et inéquitable, en effet, de remettre au client
une partie de l’ouvrage non terminée et d’en exiger le prix. S’il n’y a pas de
livraison partielle de l’ouvrage, il n’y a pas de réception ni d’obligation de
payer le prix de cette partie.
B. Conséquences de la réception
partielle
1522. La réception
partielle de l’ouvrage opère, du même coup, le transfert des risques de perte
de cette partie. Lorsque l’entrepreneur remet la partie de l’ouvrage exécutée
au client et que ce dernier en paie le prix, il n’est plus responsable de la
perte causée par la force majeure. L’entrepreneur est
alors libéré et il appartient au client, à partir de la date de la réception, d’assumer
ce risque. Ce dernier, devenu le propriétaire de la partie reçue, doit être
responsable de sa perte. Cependant, la disposition de l’article 2114 C.c.Q. n’est
pas d’ordre public et rien n’empêche les parties de déroger à cette disposition
par une clause contractuelle prévoyant la responsabilité de l’entrepreneur pour
toute perte survenue avant la fin des travaux ou la réception finale de l’ouvrage.
1523. L’entrepreneur
est tenu de réparer les malfaçons et les vices qui affectent la partie reçue de
l’ouvrage. Le client garde ses recours pour les vices et malfaçons existants
lors de sa réception. On ne peut pas, répétons-le, assimiler la réception
partielle à la réception finale sans réserve (art. 2113 C.c.Q.) puisque les
réserves doivent être faites lors de la réception totale de l’ouvrage, soit au
moment où l’entrepreneur s’apprête à quitter le lieu. Autrement, le client est
obligé d’effectuer une vérification précise lors de chaque réception partielle,
ce qui peut être un processus déraisonnable. De plus, il ne faut pas
transformer la
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relation de confiance
entre les parties en une relation de méfiance, susceptible
de remettre la réalisation de l’ouvrage en question.
1524. La réception
d’une partie de l’ouvrage rend exigible le prix de celle-ci. L’entrepreneur n’a
pas le droit d’en réclamer le montant avant sa réception. Si le client ne paie
pas la partie de l’ouvrage reçue, l’entrepreneur est alors justifié de
suspendre le reste des travaux jusqu’à ce que le client paie ce montant. Le
contrat d’entreprise ou de prestation de services est un contrat
synallagmatique. La règle de l’exception d’inexécution établie à l’article 1591
C.c.Q. trouve application et chaque partie peut refuser d’exécuter ses
obligations pour faire des pressions sur l’autre et ainsi l’obliger à exécuter
les siennes.
1525. Comme nous l’avons
vu sous l’article 2110 C.c.Q., il n’y a qu’une seule fin des travaux pour tous
les ouvriers associés à un même ouvrage. Il n’y a donc
pas autant de fins de travaux qu’il y a de réceptions partielles. Autrement,
les fournisseurs et les sous-entrepreneurs ayant exécuté en premier leurs
prestations seront placés dans une position d’incertitude. Ils devraient vérifier régulièrement si les travaux sont
terminés afin de s’assurer qu’ils sont toujours dans le délai pour publier leur
hypothèque légale au Registre foncier. C’est
pourquoi il faut conclure à une seule fin des travaux devant avoir lieu lorsque
l’ouvrage est complété en entier et en état de servir à l’usage auquel il est
destiné.
1526. Le délai de
prescription commence à courir dès la fin des travaux, même s’il y a eu une
réception de l’ouvrage, ce qui signifie que,
lorsqu’il y a réception partielle de l’ouvrage, il n’y a pas fin des travaux
pour cette partie. Le délai d’un an de la garantie pour les vices et malfaçons
existants lors de cette réception et ceux qui se manifestent après ne commence
à courir que lors de la réception totale de l’ouvrage.
1527. L’entrepreneur
a le fardeau de prouver que le client a payé le prix de la partie qu’il a
reçue. Comme le paiement n’est qu’une présomption simple de la réception des
travaux, le client pourrait invoquer qu’il n’a fait qu’un acompte sur le prix
de l’ouvrage.
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3. Acompte
1528. Un acompte est une somme d’argent
remise par le client à l’entrepreneur au prorata du degré d’avancement des
travaux que celui-ci a la charge d’exécuter. Ces acomptes, qui ne portent sur
aucune portion terminée, ne font
pas présumer la réception des travaux. Ce sont de
simples avances sur le prix total de l’ouvrage. Le législateur a consacré un
article à ce sujet, soit l’article 2122 C.c.Q.; nous y reviendrons un peu plus loin.
1529. Cependant, de tels acomptes peuvent être exigés par l’entrepreneur
lorsque le contrat contient une stipulation à cet effet. De plus, l’entrepreneur
doit remettre au client un état de compte mentionnant les dépenses occasionnées
par l’achat des matériaux déjà fournis, la valeur des travaux complétés ainsi
que les sommes qui devront ultérieurement être déboursées pour terminer les
travaux.