Art. 2113. Le client qui accepte sans réserve, conserve, néanmoins, ses
recours contre l’entrepreneur aux cas de vices ou malfaçons non apparents.
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Art. 2113. A client who accepts without reservation nevertheless
retains his right to pursue his remedies against the contractor in cases of nonapparent
defects or nonapparent poor workmanship.
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O.R.C.C. (L.
V, DES OBLIGATIONS)
690. La
réception de l’ouvrage par le client n’éteint pas le droit d’action pour
vices et malfaçons.
Toutefois, l’action est irrecevable si un
avis n’a pas été donné dans les quatre-vingt-dix jours de la réception de l’ouvrage
ou de la découverte des vices ou malfaçons, selon que ceux-ci sont apparents ou
cachés.
L’action prise dans ce délai tient lieu d’avis.
P.L. 125
2101. Le
client qui accepte sans réserve, conserve, néanmoins, ses recours contre l’entrepreneur
aux cas de défauts non apparents.
C.c.Q. : art. 1726 et suiv., 1739, 2110, 2111, 2118, 2120. L.Q. :
Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1 : art. 53.
1. Introduction
1493. L’article 2113 C.c.Q. affirme le principe que l’acceptation
d’un ouvrage sans réserve couvre les vices et malfaçons apparents.
La réception sans réserve est celle par laquelle le propriétaire accepte les
travaux tels qu’exécutés alors qu’il savait ou devait savoir que l’ouvrage
était affecté de malfaçons apparentes et connues.
[Page 549]
1494. Le client se doit donc de
procéder à un examen des travaux effectués afin de vérifier s’il n’y aurait pas
de vices ou malfaçons apparents. L’absence d’une liste
des malfaçons à corriger par l’entrepreneur et le paiement du prix total de l’ouvrage
fait ainsi présumer leur acceptation par le client qui perd son recours pour
des malfaçons apparentes. La liste des
malfaçons doit être rédigée de façon à inclure toutes les malfaçons apparentes.
Ainsi, lorsque des malfaçons ne sont pas incluses dans la liste, le tribunal
peut considérer qu’il y a eu réception de l’ouvrage sans réserve pour ces
malfaçons.
2. Réception
formelle ou tacite de l’ouvrage
1495. La réception de l’ouvrage peut être formelle ou tacite. Elle est tacite
lorsqu’elle découle de la conduite des parties.
Ainsi, le silence du client après la prise de possession de l’ouvrage confirme
implicitement son acceptation des travaux tels qu’exécutés.
Cette présomption est établie lorsque le client effectue le paiement total du
coût des travaux exécutés par l’entrepreneur en gardant le silence sur les
vices et malfaçons apparents. Le client pourra difficilement repousser cette
présomption en invoquant le fait qu’il ne visitait le chantier que de façon
occasionnelle ou qu’il n’ait pas surveillé les travaux. Ces éléments, bien qu’ils
correspondent à la réalité, ne seront pas tenus par le tribunal comme étant des
motifs valables pouvant justifier le silence du client alors qu’il a non
seulement le droit de vérifier la qualité des travaux
[Page 550]
exécutés, mais aussi l’obligation
de le faire afin de réserver ses droits et recours en rapport avec ces
malfaçons.
1496. Il importe
toutefois de souligner que le client peut être lié par les actes accomplis par
son représentant du chantier lorsque celui-ci est fondé de pouvoir. Tel est le
cas d’un architecte ou d’un ingénieur engagé et mandaté par le client afin de
vérifier la conformité et la qualité des travaux exécutés et de les approuver
en son nom et pour son compte. Par contre, il en est autrement lorsque l’architecte
ou le professionnel est mandaté par l’entrepreneur pour vérifier l’accomplissement
des travaux et ainsi émettre le certificat de fin des travaux. Ce certificat ne
constitue pas une preuve de fin des travaux, mais une simple présomption
pouvant être repoussée par une preuve contraire. Il n’est pas non plus
opposable au client quant à l’acceptation de l’ouvrage de sorte que ce dernier
peut toujours contester le bien-fondé du contenu de ce certificat, ce qui
exclut l’idée de son acceptation de l’ouvrage sans réserve.
1497. D’ailleurs l’entrepreneur
ne peut invoquer l’absence d’une nouvelle liste de malfaçons ou de vices suite
aux travaux de réparation qu’il a effectués lorsque ces réparations ont eu lieu
après l’institution des procédures par le client. Celui-ci n’est pas tenu de
dresser une nouvelle liste lorsqu’il informe l’entrepreneur de sa décision de
continuer ses procédures qui ont déjà débuté en raison de son insatisfaction.
Soulignons aussi que même si les réparations de vices et de malfaçons apparents
étaient satisfaisantes pour le client, celui-ci n’est pas tenu de se désister
de son recours qui a déjà débuté afin d’obtenir une indemnité pour le préjudice
qu’il a déjà subi avant cette réparation.
1498. Dans le cas d’une
réception partielle, le client qui ne fait pas de réserve pour des vices ou
malfaçons apparents ne doit pas perdre ses recours contre l’entrepreneur puisqu’il
peut croire, de bonne foi, que ce dernier les corrigera lors de l’exécution de
la partie suivante des travaux, surtout lorsqu’il retient un montant sur le
prix des travaux exécutés, à moins qu’il s’agisse
d’un ouvrage exécuté par phases successives et qu’il y a réception lors de l’achèvement
de chacune des phases.
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A. Distinction entre la réception et
les paiements partiels
1499. Il importe de
ne pas confondre le paiement de l’ouvrage lors de sa réception avec les
paiements partiels des travaux au fur et à mesure de leur exécution. Dans le
premier cas, le client qui paye le prix de l’ouvrage sans faire aucune réserve
quant aux malfaçons et vices apparents est présumé avoir accepté l’ouvrage avec
les malfaçons. En d’autres mots, son silence pourra être considéré et interprété
comme une renonciation à son droit d’exiger de l’entrepreneur de faire les
réparations et les corrections de ces malfaçons et vices apparents. Par contre,
lorsque le client effectue des paiements partiels facturés par l’entrepreneur
au fur et à mesure de la progression des travaux, ce paiement ne peut faire
présumer ni la réception des travaux payés ni l’acceptation des malfaçons ou
vices apparents qui affectent l’ouvrage.
1500. Il découle de
certaines décisions que le paiement par le
client des coûts des travaux selon leur avancement fait présumer que ce dernier
avait accepté ces travaux payés. À tout égard, une telle conclusion peut être
difficilement soutenue puisque le client qui paye le coût des travaux exécutés
au fur et à mesure se conforme à une stipulation contractuelle ayant pour objet
le paiement des travaux et ne peut être interprété de manière à lui donner une
portée large pour faire présumer l’acceptation de ces travaux payés à moins qu’il
soit spécifié ainsi dans le texte de cette stipulation. D’ailleurs, l’article
2114 C.c.Q. traite d’une exception portant sur un ouvrage exécuté par phases
successives. C’est dans cette hypothèse seulement et lorsque le prix afférent à
chaque phase est payé au moment de sa délivrance et sa réception qu’il y aura
une présomption d’acceptation des travaux par le client en l’absence d’une
réserve. Au contraire, le client qui se conforme à son obligation contractuelle
relativement au paiement peut avoir une confiance légitime que son entrepreneur
ne laissera pas des malfaçons sans faire les corrections nécessaires puisqu’il
est toujours sur le chantier pour exécuter le reste des travaux. En fait, il ne
faut pas ébranler la confiance que chacune des parties peut avoir envers l’autre
alors que l’exécution de leurs obligations est en cours. Toute relation
contractuelle doit être basée sur la confiance entre les contractants et sur
leur bonne foi. Imposer au client à l’occasion de chaque paiement de dresser
une liste de malfaçons et de vices apparents aura pour effet de semer le doute
et la méfiance dans ses relations avec l’entrepreneur, alors que
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celui-ci est sur le chantier rendant légitime la
confiance du client que ce dernier procédera à la réparation des malfaçons lors
de l’exécution du reste des travaux.
1501. Une pratique de plus en plus fréquente consiste en l’introduction dans
le contrat d’une clause stipulant le droit de l’entrepreneur de recevoir des
paiements pour les travaux exécutés et avant que l’ouvrage soit achevé
complètement. Ces paiements partiels prévus au contrat font bien souvent l’objet
aussi d’une stipulation particulière prévoyant le droit du client de retenir un
pourcentage du prix de la facture (10 %) et ce, sans égard à l’existence de malfaçons ou de vices apparents. Ces
paiements convenus entre les parties permettent à l’entrepreneur d’éviter d’être
obligé de financer les travaux et d’attendre la réception de l’ouvrage pour
réclamer le prix. Cette modalité convenue pour faire le paiement ne doit pas
permettre de faire des présomptions quant à l’acceptation des travaux ou le
transfert du risque qui ne correspondent ni à l’intention des parties lors de
la conclusion du contrat, ni à la pratique développée depuis plusieurs années
dans ce domaine de l’industrie. En l’absence d’une stipulation expresse
prévoyant l’acceptation et le transfert du risque à la date de chaque paiement
des travaux, les paiements partiels ne justifient pas de tirer des conclusions
ou de fonder des thèses qui n’ont aucune assise juridique ou factuelle.
B Les effets de la réception
1502. L’acceptation
avec ou sans réserve de l’ouvrage par le client est une question de fait.
L’article 2120 C.c.Q. prévoit une
garantie légale d’une durée d’un an contre l’entrepreneur pour les vices et
malfaçons existants ou découverts après la réception de l’ouvrage. Cependant,
le client qui utilise l’article 2120 C.c.Q. pour un vice ou une malfaçon qui était apparent lors de la
réception de l’ouvrage n’aura pas gain de cause puisque ces vices et malfaçons
ne sont pas couverts par la garantie prévue à cet article.
L’article 2113 C.c.Q. ne parle que
des vices cachés qui étaient non apparents lors de la réception de l’ouvrage
et qui se
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sont manifestés postérieurement. Ces vices seront
alors couverts, même si la réception était sans réserve.
A contrario, le client dispose des mêmes recours contre l’entrepreneur
pour les malfaçons et vices apparents ayant fait l’objet de réserve lors de la
réception.
1503. La réception sans réserve décharge l’entrepreneur de l’obligation d’effectuer
les corrections des malfaçons ou des vices apparents qui s’imposent. Par l’acception
sans réserve, le client perd non seulement ses recours pour malfaçons
apparentes, mais sera aussi forclos de présenter une demande de nomination d’un
expert, dans le but de faire évaluer les travaux à compléter. En effet, lorsque
l’inexécution ou la mauvaise exécution de certains travaux était perceptible
par une personne raisonnable ayant pris soin de les examiner, le client qui a
accepté l’ouvrage sans réserve et payé le prix total est présumé avoir renoncé
à son droit d’exiger leur correction ou complétion.
1504. Rappelons que les vices ou les malfaçons cachés sont ceux qui ne
peuvent être découverts lors de la réception de l’ouvrage par une personne
raisonnable. L’analyse du caractère apparent ou caché d’un vice ou d’une
malfaçon doit se faire selon une évaluation objective, c’est-à-dire selon le
critère d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.
À moins qu’il soit spécialiste dans le domaine, il est impensable de demander à
un client de connaître les règles de l’art de l’entrepreneur ou le Code du
bâtiment. La personne
raisonnable ne peut donc être un spécialiste ou un professionnel faisant du
domaine de l’ouvrage son métier. Il faut donc conclure que la malfaçon est non
apparente lorsque la non-conformité aux règles de l’art des travaux ne
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peut être découverte
que par un professionnel ou un spécialiste de métier. En d’autres termes, la
visibilité ou l’apparence physique n’est plus un critère pour qualifier la
malfaçon en question lorsque la qualité des travaux par rapport aux exigences
des règles de l’art exige un examen ou une vérification par un spécialiste.
1505. À titre d’exemple,
la dénivellation d’un plancher est une chose apparente, mais ce n’est qu’à l’usage
que l’on se rend compte de l’inconvénient qu’elle peut causer, comme l’effritement
du rebord du plancher de bois franc. Il faut
conclure, dans ce cas, au caractère caché de ce vice et le client conserve donc
ses recours contre l’entrepreneur. De même, si le client se rend compte, lors
de la réception de l’ouvrage, que le plancher est déformé, certains aspects du
vice peuvent être cachés, comme l’absence de pierres concassées.
Il est vrai qu’en règle générale, la réception et le paiement des travaux
déchargent l’entrepreneur de l’obligation d’effectuer les corrections sur les
travaux déjà accomplis, mais on ne peut pas présumer qu’un client accepterait
de tels travaux s’il savait que leur exécution n’est pas conforme aux règles de
l’art. C’est pourquoi le
client ne perd pas ses recours contre l’entrepreneur pour les vices cachés
lorsqu’il accepte les travaux sans réserve.
1506. Enfin, pour
que toute malfaçon soit réputée acceptée par le client,
il appartient à l’entrepreneur de prouver d’abord que le client a accepté l’ouvrage
sans réserve et que les vices ou
les malfaçons, dont il se plaint, étaient apparents. Ainsi, lorsque la preuve
présentée par l’entrepreneur n’est pas contredite par le client, le tribunal
doit conclure que l’entrepreneur a prouvé que les malfaçons ont été acceptées
par le client.
3. Garantie du vendeur et prescription
de droit commun
1507. Comme nous l’avons
vu à l’article 2111 C.c.Q., le client doit mettre l’entrepreneur en demeure d’effectuer
les corrections et les réparations nécessaires aux vices non apparents aussitôt
qu’il s’aperçoit de
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leur existence.
On peut faire un lien entre l’article 2113 C.c.Q. et les articles 1726 et
suivants C.c.Q. qui traitent de la garantie de qualité à laquelle est tenu un vendeur des biens. Ainsi, l’article 1739 C.c.Q.
oblige l’acheteur qui constate que le bien est affecté d’un vice, à le dénoncer par écrit au vendeur dans un délai raisonnable à partir du
jour où il a soupçonné
la gravité et l’étendue du vice, à moins, bien sûr, que le vendeur ne connaissait ou ne pouvait ignorer le vice lors de
la vente.
1508. Le recours personnel du client contre l’entrepreneur ou le vendeur des
matériaux se prescrit dans un délai de trois ans.
Dans le cas de malfaçons apparentes, la réception de l’ouvrage constitue le
moment de départ de cette prescription lorsque le client a émis une réserve,
tandis que, dans le cas de malfaçons non apparentes, la prescription commence à courir à partir du jour
de leur apparition. Dans le cas des
malfaçons ou des vices qui se sont manifestés graduellement, le délai de
prescription court à partir de la date où ils se sont manifestés pour la
première fois. Il faut entendre par
cette dernière expression, la date à laquelle il est devenu évident, qu’il s’agissait
d’une malfaçon ou d’un vice. En effet, le client peut observer un phénomène ou
une anomalie sans être en mesure de diagnostiquer le problème ou de connaître
la cause qui en est à l’origine. C’est pourquoi il faut que le délai commence à
courir à partir de la date où une personne raisonnable peut découvrir ou
constater que, ce qui a commencé à se manifester, est une malfaçon ou un vice.
4. Loi sur
la protection du consommateur
1509. Il existe également un lien entre l’article 2113
C.c.Q. et l’article 53 de la Loi sur la protection du
consommateur. Ces deux articles sont au même effet.
Il s’agit d’un recours fondé sur un bien affecté d’un vice caché, sauf si le
client pouvait percevoir ce vice facilement de
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par un examen
ordinaire. Il s’agit, dans les deux cas, du test objectif de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.
5. Compensation
1510. L’acceptation
des travaux donne lieu à leur paiement. En cas de vices ou malfaçons qui se
manifestent après la réception, mais avant le paiement intégral de l’ouvrage,
le client doit mettre l’entrepreneur en demeure de procéder à leur réparation.
Si ce dernier refuse d’effectuer les travaux de réparation, dans un délai
raisonnable, le client peut faire évaluer les coûts par un tiers et ainsi lui
confier les travaux (art. 1602 C.c.Q.).
Il peut, aussi, retenir un montant égal au coût des travaux et offrir à l’entrepreneur
le paiement du solde du prix conformément à l’article 1561 alinéa 2 C.c.Q..
Cette offre de paiement, lorsqu’elle est suivie d’une consignation selon les
articles 1573 et suivants C.c.Q., libère le client des intérêts pour le montant
offert. L’entrepreneur conserve, cependant, ses recours pour le montant retenu,
même s’il accepte de recevoir paiement pour le montant offert par le client. En
effet, la réception du paiement (objet de l’offre) ne constitue pas une
compensation. Celle-ci n’opère de plein droit que lorsque les coûts de
réparation des malfaçons sont déterminés par une entente entre les parties. À
défaut d’une telle entente et en cas de poursuite par l’entrepreneur en
paiement du solde du prix du contrat, le client doit, dans le cadre de sa
défense, formuler une demande reconventionnelle afin que le tribunal liquide le
montant dû pour les réparations des malfaçons ou des vices cachés.
Il peut, également, demander au tribunal d’opérer compensation entre le solde
du prix du contrat d’entreprise et le montant accordé par le tribunal à titre d’indemnité
pour les coûts des travaux exécutés par un tiers.
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