Art. 2100. L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir
au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont
aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à
fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer,
le cas échéant, que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au
contrat.
|
|
Art. 2100. The contractor and the provider of
services are bound to act in the best interests of their client, with
prudence and diligence. Depending on the nature of the work to be carried out
or the service to be supplied, they are also bound to act in accordance with
usage and good practice and, where applicable, to ensure that the work
carried out or service supplied is in conformity with the contract.
|
Lorsqu’ils sont tenus du résultat, ils ne
peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant la force majeure.
|
|
Where they are bound to produce results,
they may not be relieved from their liability except by proving superior
force.
|
o.r.c.c.
(l. v, DES OBLIGATIONS)
686. L’entrepreneur
est tenu de la bonne exécution de
l’ouvrage, sauf cas fortuit ou fait du client.
699. Celui
qui fournit les services doit agir avec prudence et diligence, conformément aux règles et usages de la profession, de l’art ou du métier
qu’il exerce.
p.l.
125
2089. L’entrepreneur
est tenu de réaliser l’ouvrage
conformément aux usages et règles de l’art et il est tenu de garantir que l’ouvrage
est conforme au contrat. Il ne peut se dégager de sa responsabilité qu’en
prouvant la force majeure.
Le prestataire de services est tenu d’agir au
mieux des intérêts de son client, avec prudence et diligence; il n’encourt de
responsabilité que s’il commet une faute dans l’exécution du contrat.
C.c.Q. : art. 1375, 1457, 1458, 1470, 2102-2104, 2115,
2119, 2120, 2122.
C.p.c. : art. 238.
l.q. :
Charte des droits et libertés de la
personne, RLRQ, c. C-12.
Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 1.
Code de déontologie des comptables
agréés, RLRQ, c. C-48, r. 2.
Code de déontologie des médecins, RLRQ, c. C-26, a. 87; 2001, c. 78, a. 6).
Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 02.
Code des professions, RLRQ, c. C-26.
Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1.
Loi sur les agents de voyages, RLRQ, c. A-10.
[Page 135]
1. Introduction
345. Cet article est d’application générale, sauf stipulation
expresse à l’effet contraire. Il énonce le principe voulant que l’intensité des obligations contractuelles de l’entrepreneur
et du prestataire de services soit de moyens ou de résultat.
L’intensité de ces obligations varie cependant d’un
contrat à l’autre, selon la nature
et la complexité de l’ouvrage à réaliser ou du service à
fournir, ainsi que du caractère aléatoire du contrat,
par exemple, le contrat clé en
main à forfait absolu.
Elle dépend également de la volonté expresse ou implicite des parties (art.
1434 C.c.Q.).
346. La détermination de l’intensité des obligations de l’entrepreneur ou du
prestataire de services prévues dans un contrat influe directement sur leur
contenu, sur les moyens d’exonération de leur débiteur et sur le prix à payer
par le client, créancier de ces obligations. La nature des obligations s’établit
indépendamment de toute forme de classification formelle relative à la nature matérielle ou intellectuelle de l’ouvrage.
347. L’article 2100 C.c.Q. ne
fixe le contenu des contrats d’entreprise ou de prestation de services que de
manière générale. Il établit les principes auxquels l’entrepreneur ou le
prestataire de services doit se conformer. Ces professionnels doivent ainsi
agir au mieux des intérêts de leur client avec prudence et diligence.
Ils doivent choisir des moyens et des méthodes d’exécution conformes aux usages
et aux règles de l’art, et ce, en considération de la nature de l’ouvrage ou du
service à exécuter.
[Page 136]
2. Généralités
sur la responsabilité de l’entrepreneur ou le prestataire de services
A. La portée et l’étendue des
obligations
348. La responsabilité de l’entrepreneur ou du prestataire de services doit
être évaluée à la lumière des grands principes, codifiés par l’article 2100
C.c.Q., et des stipulations contenues dans le contrat intervenu avec le client.
Pour ce faire, il faut, d’une part, procéder à une analyse
des stipulations du contrat et, d’autre part, recourir à
la jurisprudence et à la doctrine afin de déterminer l’intensité, la portée et
l’étendue des obligations assumées par l’entrepreneur ou le prestataire de
services. En faisant cet exercice, on peut se trouver en présence d’une
question d’interprétation du contrat qui exige l’application des règles prévues
aux articles 1425 à 1432 C.c.Q..
349. Lors de son
évaluation de la nature et de l’étendue des obligations
de l’entrepreneur ou du prestataire de services, le
tribunal doit, conformément à l’article 1427 C.c.Q., prendre en considération l’ensemble
des clauses du contrat et les interpréter les unes par rapport aux autres. En
général, il est reconnu que l’entrepreneur ou le prestataire de services est
tenu à une obligation de résultat quant à la qualité de l’ouvrage réalisé et
quant à sa conformité aux stipulations du contrat
et aux règles de l’art. Cela étant dit, l’entrepreneur ou le prestataire de
services ne peut prétendre être tenu à une obligation de moyens, en cherchant
une interprétation favorable de l’article 2100 C.c.Q. Au contraire, sa
responsabilité doit être déterminée selon les critères régissant les
obligations de résultat, de sorte que seule la preuve d’un cas de force
majeure, au sens de l’article 1470 C.c.Q., peut servir de
cause d’exonération. Rappelons que le fait
d’un tiers qui n’est pas sous sa responsabilité directe ou indirecte et le fait
du client sont assimilés à des cas de force majeure.
[Page 137]
350. L’article 2100 C.c.Q. est d’ordre
public de protection.
Il impose à l’entrepreneur et au prestataire de services
des obligations dont le non-respect peut non seulement donner ouverture aux
recours fondés sur les articles 2113, 2118, 2119 et 2120 C.c.Q., mais aussi à
un recours contractuel distinct, fondé sur le régime de droit commun en matière
de responsabilité contractuelle.
351. L’article 2100
C.c.Q. instaure également l’obligation primordiale pour l’entrepreneur ou le
prestataire de services, de rendre au client un ouvrage conforme aux stipulations du contrat intervenu. Celui-ci
contient souvent des spécifications quant à la nature de l’ouvrage, à la
qualité des travaux et aux matériaux à utiliser pour sa réalisation. Ces
spécifications peuvent aussi faire l’objet de mentions ou de précisions dans
les plans et devis qui font partie du contrat.
L’entrepreneur devra se conformer à ces spécifications, à moins qu’il ne soit
pas dans l’intérêt du client de les écarter, en raison du fait qu’elles ne sont
plus conformes à la dernière évolution technologique et technique ni aux règles
de l’art. Enfin, en l’absence de
spécifications précises et claires dans le contrat, le doute quant à la qualité
et l’étendue des travaux doit être interprété en faveur du client qui, bien
souvent, n’a pas la connaissance ni l’expérience pour inclure ces précisions
dans le contrat. L’entrepreneur ou le prestataire de services doit, en tant que
spécialiste dans le domaine de ses activités, veiller à rédiger avec précision
et clarté les clauses relatives à ses obligations et les modalités de leur
exécution.
352. L’exécution d’un ouvrage en tous points conforme ne signifie pas
nécessairement une exécution conforme seulement aux obligations prévues au
contrat et aux spécifications prévues dans les plans et devis, mais aussi
conforme aux règles de l’art et aux usages. En d’autres
termes, pour remplir son engagement, l’entrepreneur ou le prestataire de
services doit, selon l’article 2100 C.c.Q., rendre un ouvrage conforme aux
stipulations contenues dans les documents contractuels et aux obligations pouvant découler explicitement ou
implicitement de la loi, des
[Page 138]
usages et des règles de l’art. Le respect des règles de l’art vient d’office
avec un contrat d’entreprise, même si le contrat ne fait aucune référence à
celles-ci. L’obligation de respecter ces règles est édictée par la loi (art. 1434 C.c.Q.) et est d’ordre public.
À cet effet, il n’est pas inutile de rappeler que l’obligation de délivrer un
ouvrage conforme aux règles de l’art est une obligation de résultat.
Ainsi, le maître de l’ouvrage peut légitimement s’attendre à ce que l’entrepreneur
lui fournisse un ouvrage de qualité, conforme aux règles de l’art et aux
stipulations du contrat et qui lui offre les fonctions escomptées. Dans le cas
où l’ouvrage ne remplit pas ces critères, le client n’aura qu’à démontrer l’absence
du résultat afin que la faute soit présumée et que la responsabilité de l’entrepreneur
soit engagée, à moins que celui-ci ne fasse la preuve d’une cause d’exonération.
B. Notions et critères
353. L’article 2100 C.c.Q. est
une disposition d’ordre public de protection pour le client, ce qui n’empêche pas les parties d’introduire dans leur
contrat des stipulations plus avantageuses pour ce dernier en transformant
certaines obligations qui sont habituellement de moyens de l’entrepreneur ou du
prestataire de services en des obligations de résultat. Autrement dit, cette
disposition n’interdit que les stipulations et ententes qui seraient
défavorables au client, notamment des stipulations qui dispenseraient l’entrepreneur
ou le prestataire de services d’une obligation dont le non-respect pourra
compromettre la qualité et la solidité de l’ouvrage. Il ne peut ainsi se
libérer de son obligation de résultat quant à la qualité et à la solidité de l’ouvrage.
Il ne peut pas non plus se libérer de son obligation de se conformer lors de l’exécution
de ses prestations aux usages et aux règles de l’art.
354. Le critère de
l’obligation de moyens s’apprécie in abstracto, mais tient compte de
certains éléments concrets propres à la pratique professionnelle, tels que le
degré de spécialisation du professionnel, la
[Page 139]
pratique du moment,
les connaissances du client, les circonstances, telles que la simplicité de l’activité à
effectuer, les conditions particulières
de travail, les facteurs climatiques ou locaux, les aléas inhérents à la réalisation
de l’ouvrage ou la nature de la prestation à fournir selon la stipulation du contrat. On doit aussi tenir compte de l’état des
connaissances du milieu et des règles de l’art au moment de la conclusion du
contrat et lors de son exécution. Il ne saurait être question d’évaluer la
pratique d’un professionnel en tenant compte de l’évolution de cette pratique à l’époque du jugement, mais il faut
plutôt se replacer à l’époque de l’exécution de la prestation.
355. Il faut
rappeler que la règle prévue à l’article 1434 C.c.Q. s’applique forcément aux
contrats d’entreprise et de prestation de services, qui constituent l’exemple
par excellence des contrats susceptibles d’englober implicitement des
obligations qui découlent de la loi et de l’usage. L’entrepreneur ou le
prestataire de services ne peut donc pas prétendre que ses obligations se
limitent à celles qui sont prévues au contrat, car au contraire, elles s’étendent
à d’autres obligations qui découlent de la nature du contrat, de la loi et des
règles de l’art de son métier. Il n’est pas nécessaire de faire référence à ces
obligations dans le contrat puisque l’entrepreneur ou le prestataire de
services doit s’y conformer systématiquement et sans rappel. Ainsi, l’entrepreneur
en construction, qu’il agisse à titre d’entrepreneur général ou d’entrepreneur
spécialisé, doit se conformer aux règles de l’art qui régisse ses activités,
plus particulièrement à la dernière évolution scientifique dans l’industrie en
question. Il doit choisir la dernière génération de méthodes d’exécution mises
à jour, dans le but de fournir non seulement un ouvrage de qualité, mais aussi
un ouvrage conforme aux règles de l’art les plus récentes. Ces règles se
trouvent en général dans la loi ou dans les codes de bâtiment.
356. Quant au
prestataire de services, il doit se conformer en tant que professionnel aux
règles qui régissent son métier, qu’il est censé connaître et maîtriser selon
les dernières évolutions scientifiques. Il n’est donc pas nécessaire de faire
référence aux règles du métier du professionnel dans son contrat pour inclure
les obligations qui découlent de
[Page 140]
la nature de son contrat, de la loi
et de l’usage de l’industrie, puisque celles-ci font partie de son contrat par
le biais de l’article 1434 C.c.Q.
Cette disposition doit recevoir une interprétation large, afin d’offrir une
meilleure protection aux clients qui, bien souvent, n’ont pas la connaissance
et l’expérience dans le domaine du contrat, contrairement à leurs contractants
professionnels qui disposent d’une connaissance et d’une expérience présumées
lorsqu’ils offrent un service de qualité dans leurs champs d’activité.
357. Afin de permettre à la Cour d’évaluer l’acte ou la conduite d’un
professionnel, d’un entrepreneur ou d’un prestataire de services dans un cas
donné, il est dans l’intérêt du demandeur de recourir à une preuve par
expertise puisque certaines activités professionnelles ne sont pas toujours de
connaissance judiciaire. L’expertise servira alors de guide pour le tribunal
quant à la manière à laquelle le professionnel devrait se conformer lors de l’exécution
de son contrat, comme l’a reconnu la Cour d’appel.
Il est à noter que les tribunaux se gardent généralement le pouvoir d’interférer
au sein des controverses lorsque deux techniques ou pratiques
semblent raisonnables et conformes aux usages et aux
règles de l’art, bien que l’une puisse sembler plus appropriée et logique que l’autre.
358. La pratique ou la technique selon laquelle on compare la conduite du
professionnel placé dans les mêmes circonstances que le défendeur comprend les
mesures de sécurité et de prudence ordinaires.
Conséquemment, les tribunaux gardent leur prérogative pour juger ce qui peut
être en soi une pratique déraisonnable. Le tribunal appelé à faire cet exercice n’est pas lié par l’opinion de l’expert.
Une pratique professionnelle courante peut ne pas être conforme aux principes
de responsabilité, du fait qu’elle ne répond pas aux règles élémentaires de
prudence et de diligence, et entraîner ainsi la responsabilité du professionnel
fautif.
[Page 141]
359. En vertu d’un critère in abstracto, le débiteur d’une obligation de moyens doit prendre les moyens
raisonnables et nécessaires que prendrait une personne raisonnable,
en vue d’atteindre un résultat souhaité dans un cas donné.
La détermination du contenu d’une obligation à la lumière de ce critère
objectif est une question mixte de fait et de droit pour laquelle le juge garde
sa prérogative. Bien qu’objectif, le
critère de la personne raisonnable tient compte d’éléments concrets, tels que
la nature de l’ouvrage, l’expertise des parties et les circonstances
particulières entourant l’exécution des prestations.
360. Enfin, on peut citer comme étant tenus à des obligations de moyens et
de conformité aux usages et aux règles de l’art, l’architecte chargé d’inspecter
une maison ou un immeuble, le comptable agissant
comme conseiller pour son client lors de l’achat d’un commerce, chargé de
préparer les états financiers en vue d’obtenir un prêt ou devant évaluer l’incidence fiscale pour son
client de la vente d’une entreprise, ainsi que l’avocat
chargé de préparer ou d’analyser et d’évaluer une convention pour le compte de
son client. De même, un inspecteur
de bâtiment,
[Page 142]
un réparateur d’un
brûleur à gaz ainsi qu’un puisatier
sont également tenus à des obligations de moyens. C’est le cas aussi d’un
vétérinaire qui devrait normalement se conformer au formulaire d’examen
préachat recommandé par l’Association des vétérinaires (AVEQ).
C. L’obligation d’agir au mieux des
intérêts du client
361. En l’absence d’une stipulation contractuelle prévoyant une obligation
de résultat, il faut s’en remettre au critère de l’article 2100 C.c.Q. Celui-ci
impose, en principe, à l’entrepreneur et au prestataire de services une
obligation de moyens, soit celle d’agir en considération des intérêts
particuliers du client. Celle-ci s’évalue en
fonction des circonstances de chaque cas.
362. Ce principe est notamment un corollaire de la bonne foi devant
gouverner la conduite des professionnels dans l’exécution de leurs obligations
contractuelles. Ils doivent se
conformer à cette obligation lors
de l’exercice de leurs activités, notamment lors de la prise de décisions quant
aux moyens d’exécution du contrat (art. 2099 C.c.Q.).
De plus, en raison d’une relation de confiance privilégiée qui se présume de
par la nature du contrat d’entreprise entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur,
celui-ci doit souvent agir, face aux sous-traitants, comme étant le
porte-parole de ce que souhaitent le maître de l’ouvrage et le défenseur de ses
intérêts.
363. L’action dans
le meilleur intérêt du client s’étend aux revendications expressément stipulées
au contrat et aux efforts déployés en vue du résultat escompté au meilleur prix
possible. À titre d’exemple, l’entrepreneur
et le prestataire de services doivent, lors de la préparation ou de la révision
d’un calendrier, placer les intérêts du client avant
[Page 143]
les leurs,
et ainsi éviter une situation de conflits d’intérêts.
Ils sont tenus, en tout temps, d’informer le client des coûts supplémentaires
et de l’aviser des conséquences possibles découlant du choix d’un mode d’exécution,
après avoir pris note des particularités de l’ouvrage.
De même, l’entrepreneur et le prestataire de services doivent prendre toutes
les mesures nécessaires à la protection de l’ouvrage et à l’intérêt du client
au cours de l’exécution du contrat. Cela dit, ils doivent s’assurer de la
surveillance et de la sécurité des lieux, afin de prévenir, notamment, le vol.
364. D’ailleurs, l’intérêt
du client ne sera pas servi en cas de fausses représentations
ou de manquement à l’obligation de renseignement. C’est pourquoi l’entrepreneur
ou le prestataire de services doit lui communiquer toute information susceptible
de l’intéresser en rapport avec l’ouvrage à réaliser ou des prestations de
services à fournir. Ainsi, en faisant le
suivi des divers dossiers relatifs à l’ouvrage, le professionnel doit informer
le client de toute évolution ou tout développement qui se produit sur le
chantier, notamment de tous les
coûts supplémentaires engendrés par l’exécution de travaux additionnels.
365. L’obligation d’agir
au mieux des intérêts du client doit être omniprésente dès le début de la
relation entre l’entrepreneur ou le prestataire de services et son client. Cet
intérêt implique nécessairement que le contrat soit rédigé dans la langue du
client. De même, toute
[Page 144]
communication des
informations relatives à l’ouvrage
doit être faite en des termes
clairs et précis, de sorte que
leur compréhension par le client
soit assurée.
366. Notons
que l’entrepreneur ou le prestataire de services, qui se voit aussi attribuer
un mandat accessoire à un contrat
d’entreprise ou de prestations de services, est également tenu d’agir au mieux des intérêts du client (art. 2138 C.c.Q.).
367. L’obligation
de l’entrepreneur ou du prestataire de services d’agir au mieux des intérêts de son client peut être une obligation de faire ou de ne pas
faire. Il s’agit d’une obligation qui revêt souvent la forme d’une obligation positive qui oblige son débiteur à agir avec prudence et diligence pour
protéger l’intérêt de son client.
Elle peut aussi, dans certains cas, être une obligation négative de sorte que son débiteur sera tenu de s’abstenir de poser un geste ou d’accomplir un acte
pouvant nuire à son client. Ainsi, le professionnel qui reçoit le mandat de représenter un client dans l’accomplissement d’une
affaire ne doit pas communiquer des informations qui ne sont pas dans l’intérêt
de son client et qui ne sont pas requises pour se conformer à son obligation de
bonne foi. Toute violation de cette obligation pourra être sanctionnée selon la
gravité du préjudice qui en résulte soit par la résiliation du contrat, soit
par une réduction des honoraires dus au professionnel.
D. L’obligation d’agir conformément
aux usages et aux règles de l’art
368. L’ouvrage réalisé ou le service fourni doit aussi, selon sa nature,
répondre aux usages et aux règles de l’art. Cette précision de l’article 2100
C.c.Q. rend inutile d’y référer contractuellement. Les principes entourant le
respect des règles de l’art ont été élaborés par la jurisprudence sous le Code
civil du Bas-Canada et demeurent d’actualité sous le Code civil du
Québec. L’obligation
de respecter les usages et les règles de l’art revêt un caractère d’ordre
public et s’impose même lorsque le contrat ne le mentionne pas.
369. La responsabilité des professionnels est une composante de la
responsabilité civile. Cependant, le critère de la personne raisonnable du
droit commun ne suffit pas à établir une norme de diligence dans le
[Page 145]
domaine des contrats
d’entreprise et de prestation de services. Ainsi, les actes de l’entrepreneur
et du prestataire de services doivent non seulement répondre
au critère de la personne raisonnable, mais aussi respecter les usages et les règles de leur art (art. 1434 C.c.Q.).
Ce principe s’applique également au
sous-traitant qui doit agir dans les règles de l’art et, par analogie,
refuser d’agir autrement, même à la
demande de l’entrepreneur.
370. Il
convient de distinguer les usages des règles de l’art, bien que l’entrepreneur et le prestataire de services
soient tenus de se conformer à l’ensemble
de ces règles lors de l’exécution de leurs obligations. Les règles de l’art s’appliquent à tous les corps de métier
(art. 2101 C.c.Q.) et à toutes les étapes de la
construction. Elles sont constituées de l’ensemble des techniques et
pratiques de construction approuvées
et portent sur la méthode de travail, l’emploi des matériaux et leur assemblage.
371. On
trouve souvent des règles de
pratique dans les guides d’instructions des fabricants, des normes élaborées par différents organismes,
sans qu’aucune de ces sources ne soit obligatoire en soi ni ne lie les
tribunaux. Par contre, l’entrepreneur
et le prestataire de services sont tenus de respecter les lois et les règlements applicables à leur profession ou métier.
Notons cependant qu’une faute déontologique
commise par le
[Page 146]
professionnel n’équivaut pas toujours ni dans tous les cas à une faute civile pouvant engager sa responsabilité conformément à l’article 2100
C.c.Q..
372. Il est important de
souligner que la responsabilité de
l’entrepreneur ne peut être retenue si l’ouvrage réalisé répond aux normes
reconnues et appliquées dans ce domaine d’industrie et aux stipulations du
contrat. Le fait que l’entrepreneur n’a pas pu obtenir la certification de
conformité et la délivrer au client conformément à la pratique et l’usage dans
l’industrie en question ne doit pas avoir de conséquences pouvant
systématiquement engager sa responsabilité. En effet, l’absence
de certification n’a pas d’effets sur l’exécution de l’obligation de résultat
par l’entrepreneur si l’ouvrage répond aux normes et respecte les règles de l’art.
373. Les
prestations portant sur des activités intellectuelles et comprenant des aléas
sont en général des obligations de moyens. Tout professionnel doit donc se
conformer lors de l’exécution de ses prestations aux règles de l’art de son
métier et à celles reconnues et appliquées dans le domaine de l’industrie où il
exerce ses activités. L’exécution de ces obligations de moyens doit donc répondre aux usages et aux règles de l’art,
notamment lorsque l’obligation a pour objet de conserver, de surveiller, d’inspecter
un bien et de former le personnel qui en est chargé. C’est aussi le cas lorsque
l’obligation a pour objet d’installer un appareil,
de raccorder des tuyaux de plomberie ou de
diagnostiquer et traiter un être humain ou un animal.
À titre d’illustration, un dentiste qui n’a pas procédé rapidement à l’obturation
d’une des dents de son patient qui avait fait l’objet d’un traitement de canal
pratiqué par un endodontiste commet une faute civile qui engage sa
responsabilité envers son client puisqu’il n’a pas respecté les règles de l’art
reconnues et appliquées dans le domaine de ses activités professionnelles.
[Page 147]
374. Il en est de même dans les
cas où l’obligation vise le respect du secret professionnel,
l’atteinte de la compétence et le respect de la
procédure convenue en matière de réclamation de coûts additionnels.
Le même critère s’applique dans le cas d’un professionnel chargé d’obtenir les
cartes de zones inondables en tant qu’ingénieur,
dans le cas d’experts-conseils chargés de concevoir un site Internet et une
base de données ou d’inspecter la
présence d’indices de défauts cachés et d’en faire des recommandations.
375. Enfin, il faut rappeler que tous les professionnels sont tenus de
respecter les délais prévus au contrat ou établis dans un échéancier, selon le
cas. À défaut d’échéancier,
l’exécution doit se faire suivant un délai raisonnable.
Notons que le client doit préalablement avoir mis l’entrepreneur ou le
prestataire de services en demeure afin de pouvoir lui opposer une livraison
tardive en lui reprochant son manque de diligence.
E. L’obligation de renseignement et de
conseil
376. L’entrepreneur ou le prestataire de services a aussi l’obligation de se
renseigner, ainsi que de renseigner et conseiller son client en
[Page 148]
faisant preuve de prudence et de diligence,
de façon à ce qu’il puisse donner un consentement éclairé.
Cette obligation de renseigner et de conseil en est une de moyens.
377. L’obligation de conseil et de prudence touche tout ce que l’entrepreneur
ou le prestataire de services connaît ou devrait connaître. Son défaut de s’y
conformer constitue une faute par omission. Cette
obligation tient compte de la pratique et des techniques reconnues à l’époque
de l’exécution du travail et susceptibles d’assurer
la conformité de l’ouvrage aux stipulations du contrat
en prenant en considération les circonstances particulières de l’ouvrage et de
la nature du service (art. 2099 C.c.Q.). La méconnaissance des règles de
pratique et des nouvelles techniques est considérée comme une faute
contractuelle. Le professionnel
chargé de réaliser un ouvrage de bonne qualité est donc obligé de se tenir à
jour des nouvelles pratiques et techniques mises en application dans son métier.
378. Dans certains cas, on peut recourir à d’autres critères permettant de
vérifier si cette obligation a été respectée, tels que la nature déterminante
de l’information, les connaissances du client
et
[Page 149]
l’impossibilité pour celui-ci de se renseigner.
Ainsi, l’ingénieur qui agit à titre de prestataire de services pour le maître de l’ouvrage
peut être dispensé de conseiller celui-ci quant aux moyens d’exécution que l’entrepreneur
choisit étant donné que ce dernier a l’autonomie de le faire et le choix de ces
moyens relève de sa compétence et de sa responsabilité.
Cependant, en tant que professionnel tenu à des obligations d’information et de
conseil, il sera responsable advenant le cas où il découvre, en cours d’exécution
de contrat, une anomalie due à la qualité inappropriée et inadéquate de la
méthode ou du moyen d’exécution choisis par l’entrepreneur, mais il fait défaut
d’en aviser le client et de lui fournir les conseils appropriés.
Il ne peut surtout échapper à cette responsabilité lorsqu’il assume la tâche de
surveillance de l’exécution des travaux (art. 2118 C.c.Q.).
Le critère applicable est celui d’un professionnel prudent et diligent placé
dans les mêmes circonstances.
379. Compte tenu de l’économie de l’article 2100 C.c.Q., plus particulièrement de l’obligation de l’entrepreneur et du
prestataire de services d’agir au
mieux des intérêts de leurs clients avec prudence et diligence, la question
relative à la nature de l’obligation de conseil devient, dans certains cas,
secondaire. L’entrepreneur ou le prestataire de services ne peut invoquer comme
moyen de défense le fait qu’ils ont prodigué au client de bons conseils
relativement à la nature des travaux à exécuter pour échapper à leur
responsabilité, et ce, quelle que soit la nature de son obligation.
F. L’intensité de l’obligation
380. Il arrive dans
bien des cas que l’entrepreneur ou le prestataire de services soit tenu non
seulement à une obligation de prudence et de diligence et au respect des usages
et des règles de l’art, mais aussi
[Page 150]
à une obligation de résultat eu égard à la
situation, aux stipulations du contrat et à la nature de l’ouvrage exécuté ou des prestations fournies.
381. Il n’est
pas nécessaire que la nature de l’obligation
soit exprimée en termes spécifiques dans le contrat, car
il suffit de constater à l’examen des stipulations contractuelles que l’entrepreneur
ou le prestataire de services s’est engagé à fournir un résultat déterminé ou à
atteindre un seuil de performance.
382. Ainsi, l’obligation
assumée peut être plus intense que la simple obligation d’exécution avec
prudence et diligence lorsqu’elle vise la réalisation d’un ouvrage fonctionnel
et conforme aux descriptions contenues dans les documents ayant servi à la
conclusion du contrat. Bien qu’une telle réalisation puisse dépendre des
facteurs qui échappent au contrôle de l’entrepreneur ou du prestataire de
services, la responsabilité de ce dernier sera engagée en cas de non-conformité
et en l’absence d’une preuve d’un cas de force majeure ou bien de la faute d’un
tiers ou du client lui-même. En effet, lorsqu’il s’agit d’une obligation de
résultat, il ne faut pas confondre l’intensité de celle-ci et les moyens de
défense que le débiteur peut invoquer pour faire écarter sa responsabilité pour
le défaut de conformité. Ainsi, à défaut de faire, par une preuve
prépondérante, la survenance d’un cas de force majeure ou d’une faute commise
par le client ayant empêché l’exécution de son obligation et la réalisation d’un
ouvrage conforme, le professionnel doit être tenu responsable pour cette absence
du résultat.
383. Ce type d’obligation
peut se trouver dans des contrats de construction conclus avec des
professionnels spécialisés, dans des contrats
portant sur la fabrication d’un ouvrage très spécifique
ou sur la fourniture de certains services. La pratique
révèle que dans ce type de contrat, le résultat à atteindre doit ainsi être
précis et déterminé. Les contrats portant
sur un ouvrage matériel contiennent souvent une obligation de résultat ayant
pour objet la réparation ou la construction d’un bien meuble ou immeuble. À l’inverse,
la complexité de l’ouvrage, le fait que l’entrepreneur n’ait aucun contrôle sur
la provenance des pièces à assembler et le fait qu’il soit nécessaire d’effectuer
des essais avant de
[Page 151]
remettre l’ouvrage au client permettent de définir l’obligation comme
en étant une de moyens.
384. Pour que l’entrepreneur ou le prestataire de services puisse se dégager
de sa responsabilité quant à la qualité de l’ouvrage, il doit obtenir par écrit
une libération du client indiquant expressément les risques à encourir par ce
dernier et que c’est en toute connaissance de cause qu’il a insisté pour que
les travaux soient ainsi exécutés malgré les recommandations soumises. Ce
document doit indiquer expressément l’intention du client de dégager l’entrepreneur
ou le prestataire de services de
toute responsabilité quant au mauvais résultat qui serait obtenu en utilisant
les méthodes et moyens faisant l’objet de l’avertissement. Il importe de noter
qu’une telle libération peut être déclarée nulle et sans effet par le tribunal
lorsque ce risque porte sur la solidité de l’ouvrage alors que ce risque
compromet la sécurité du public et non pas seulement, l’intérêt privé du client.
385. En général, les professionnels assument une obligation de moyens dans l’exécution
de leurs prestations à moins que le prestataire de services ne s’engage dans
son contrat à fournir un résultat lors de l’exécution de son obligation. Il n’est
pas nécessaire que cet engagement soit exprimé en des termes spécifiques, mais
il suffit qu’à la lecture de la stipulation relative à l’obligation de
constater l’intensité de celle-ci et l’étendue de l’engagement pris par le
professionnel quant à la fourniture d’un résultat.
386. En l’absence, dans le contrat, d’une stipulation indiquant que l’obligation
assumée est une obligation de résultat, les tribunaux ont déjà reconnu l’existence
d’une telle obligation à la charge des professionnels, notamment dans les cas
suivants : le respect des délais
de prescription par l’avocat, la production par le
comptable pour le compte de son client d’une demande de crédit d’impôt dans le
délai prescrit, la fabrication de
[Page 152]
produits alimentaires
destinés à la consommation humaine, la prise de mesures de
sécurité, les prestations de services de nettoyage de meubles
ou de nettoyage de vêtements ou de tissus,
la sélection des personnes correspondant aux critères du client d’une agence de
rencontre, le raccordement d’une
laveuse au système d’entrée d’eau, l’identification d’un
problème et la réparation d’un véhicule par un garagiste
et l’installation par ce dernier d’objets demandés par le client,
l’installation d’un système de chauffage au gaz,
le déneigement, la réfection d’une
toiture par un couvreur, la conformité des
travaux de rénovation, dans les délais impartis, par rapport aux exigences du
client par le designer d’intérieur, la conception et l’installation
d’un logiciel afin de le rendre fonctionnel, la livraison
des biens dans le même état que celui où ils se trouvaient lors de leur prise
en charge par un transporteur dans le cas de prestation de déménagement
ou de tout autre
[Page 153]
contrat de transport d’un
bien, la préparation d’un
rapport d’expertise, le contrôle de qualité, ainsi que l’obligation
de livrer un bien spécifique à rendement précis ou toute autre tâche ayant pour
objet un bien défini.
G. Les obligations implicites
387. Les notions
de prudence et de diligence réfèrent aux obligations légales et implicites des
contrats et régissent ces obligations depuis la formation du contrat jusqu’à
leur extinction. En l’absence de contrat écrit, l’obligation de prudence et de
diligence est renforcée. Parmi les obligations
implicites du contrat (art. 1434 C.c.Q.),
on peut citer l’obligation de
bonne foi (art. 6, 7 et 1375 C.c.Q.). Conséquemment,
l’entrepreneur ou le prestataire de services doit agir avec loyauté envers son
client, sous peine de se voir
réclamer des dommages-intérêts, l’informer
de façon régulière de tout développement dans l’exécution du contrat, lui
fournir les conseils appropriés, et se renseigner
[Page 154]
constamment tout en
lui offrant une collaboration étroite pour atteindre les objectifs communs visés par
le contrat. La bonne foi étant
présumée (art. 2805 C.c.Q.), le client qui invoque un manquement de la part de
l’entrepreneur ou du prestataire de services à l’une de ces obligations doit en
faire la preuve, par la balance des probabilités (art. 2803, 2804 C.c.Q.).
388. L’entrepreneur est tenu d’être de bonne foi et d’agir avec prudence dans l’exécution de ses obligations.
Ainsi, en l’absence d’une stipulation dans le contrat, relative au délai d’exécution, l’entrepreneur est tenu
d’exécuter l’ouvrage qui lui a été confié dans un délai raisonnable.
Rappelons néanmoins que l’obligation de bonne foi doit être remplie par les
deux parties de manière réciproque. Le client doit lui aussi agir avec loyauté
envers l’entrepreneur et le prestataire de services. Il ne peut lui faire de
fausses représentations ou de faire croire à de fausses attentes, car autrement
il engage sa responsabilité. Il en est ainsi, lorsqu’il sous-entend à l’entrepreneur
qu’il accepte l’exécution de travaux additionnels non prévus dans le contrat
moyennant le paiement d’un prix supplémentaire, mais que plus tard il se
comporte différemment en niant à son contractant tout droit à ce prix.
H. La preuve requise pour la
responsabilité
1) En cas d’une
obligation de moyens
389. Dans le cas d’obligation de moyens, le client se croyant lésé doit
prouver, par balance des probabilités (art. 2803 et 2804 C.c.Q.), une faute de
l’entrepreneur ou du prestataire de services en plus de son préjudice et du
lien de causalité. Il doit démontrer que l’inexécution de l’obligation de l’entrepreneur
ou du prestataire de services, les vices ou malfaçons affectant l’ouvrage sont
dus au fait que ces derniers n’ont pas pris tous les moyens raisonnables pour
parvenir à l’objet de leur prestation. Il est possible de recourir à une
présomption de faute toutes les
[Page 155]
fois où, dans le cours normal des choses, un événement ne devait pas se produire en l’absence
de négligence, mais survient tout
de même et cause préjudice au client (art. 2849 C.c.Q.).
390. Lors de l’évaluation des pratiques de l’entrepreneur et du prestataire de services, il faut tenir compte
des intérêts en jeu. Afin de protéger à la fois les intérêts des différents
ordres professionnels et ceux du public, certains champs de pratique ont
parfois élaboré des tests permettant de vérifier s’il y a eu faute et préjudice
ou non.
391. L’entrepreneur ou le prestataire de services tenu à une obligation de
moyens peut s’exonérer en prouvant que l’inexécution ou la mauvaise exécution
est due à une cause étrangère, à la faute du client (l’immixtion par exemple),
à la force majeure ou à une absence de
faute.
2) En cas d’une
obligation de résultat
392. Le débiteur d’une obligation de résultat est tenu non seulement d’accomplir
un travail ou de fournir une prestation de services, mais aussi de fournir un
résultat précis. L’absence de ce résultat fait présumer la faute de l’entrepreneur
ou du prestataire de services. Pour engager la responsabilité de ces derniers,
le client n’a pas à faire la preuve d’une faute.
Il lui suffit de démontrer le défaut au résultat convenu. Dans certains cas exceptionnels, des
dommages-intérêts punitifs sont possibles en présence d’une faute caractérisée
comme étant de mauvaise foi.
393. Contrairement
au débiteur d’une obligation de moyens, l’entrepreneur ou le prestataire de
services tenu à une obligation de résultat ne peut s’exonérer en prétendant
avoir pris toutes les précautions
[Page 156]
raisonnables. Seul l’événement
qui remplit les conditions
requises par l’article 1470 C.c.Q.
est exonératoire de responsabilité. D’ailleurs, dans le cas
d’une obligation de résultat, l’alinéa 2 de l’article 2100 C.c.Q.
prévoit expressément que seule la force majeure peut être une cause d’exonération
de responsabilité. Notons aussi qu’afin
de pouvoir s’exonérer par la preuve d’un cas de force majeure, l’entrepreneur
ou le prestataire de services ne doit pas s’être engagé à exécuter une
obligation de garantie ou avoir commis une faute contributive ayant aggravé le
dommage causé par la force majeure (art. 1470 et 1693 C.c.Q.).
394. Il existe
également certains facteurs pouvant exonérer l’entrepreneur ou le prestataire
de services de sa responsabilité advenant l’absence de résultat ou un mauvais
résultat. Ainsi, il peut s’exonérer
en démontrant l’impossibilité de réaliser l’ouvrage, en raison, par exemple, de
l’objet incertain et indéterminé du contrat. Il s’exonère,
aussi, par la renonciation expresse du client à ce résultat.
Il peut, exceptionnellement, invoquer l’immixtion du client dans l’exécution du
contrat. En général, la faute
du client sert de cause d’exonération, ainsi que la
faute
[Page 157]
d’un tiers répondant aux caractéristiques de la
force majeure. Notons cependant que
le tiers ayant commis l’acte fautif ne doit pas être un sous-traitant de l’entrepreneur
ou du prestataire de services (art. 2101 C.c.Q.). Ces derniers peuvent
également s’exonérer lorsque l’absence du résultat est due au choix des moyens
d’exécution par le client, s’ils prouvent qu’ils ont donné à ce dernier un avis
dénonçant ce choix comme étant non conforme aux règles de l’art
et l’ont avisé du risque qui en découle.
395. Enfin, en cas d’exonération de responsabilité de l’entrepreneur ou du
prestataire de services en raison d’un cas de force majeure, il ne saurait être
question d’exiger l’exécution de l’obligation corrélative du client, soit le
paiement du prix convenu, à moins que ce dernier bénéficie d’une partie des
travaux exécutés (art. 1694 C.c.Q.).
396. Soulignons ici que lorsque l’entrepreneur ou le prestataire de services
fait défaut de remplir une obligation constituant une norme élémentaire de
prudence, soit une norme qui a pour but d’éviter un type de dommages ou de
préjudices particulier, ce dernier pourrait être assujetti à l’application de
la présomption reconnue par la Cour suprême dans l’arrêt Morin c. Blais.
La Cour suprême a reconnu dans cet arrêt que le non-respect d’une norme
élémentaire de prudence constitue une faute civile. Lorsqu’un accident suit
immédiatement la perpétration de la faute par l’entrepreneur ou le prestataire
de services, alors que cet accident aurait pu être évité n’eût été la violation
de la norme élémentaire de prudence, il ne sera pas nécessaire pour le client de mettre en preuve l’existence
d’un lien de causalité entre le préjudice subi et la faute civile de l’entrepreneur
ou du prestataire de services afin de faire retenir la responsabilité de ce
dernier par la Cour.
[Page 158]
397. Il
importe de noter que la Cour suprême dans ce même arrêt a laissé la porte ouverte pour l’entrepreneur ou
le prestataire de services afin qu’il puisse tenter de repousser cette présomption en
faisant la preuve qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la violation de
la norme élémentaire de prudence et le préjudice subi par le client en
démontrant que c’est l’accident survenu qui est la cause directe de ce
préjudice et qu’un tel accident n’est pas imputable à son fait personnel et qu’il
n’est pas non plus le résultat de la violation de la norme de prudence. En d’autres
termes, la présomption établie par la Cour suprême a pour effet d’alléger le
fardeau de preuve du client compte tenu du fait qu’il n’a ni la connaissance ni
l’expérience ou l’expertise dont dispose l’entrepreneur ou le prestataire de
services.
398. Il s’agit d’une
présomption simple qui met à la charge de l’entrepreneur ou du prestataire de
services, le fardeau de démontrer la cause exacte du préjudice subi alors que
le client peut avoir de la difficulté à établir le lien de causalité entre le
préjudice qu’il a subi et l’événement en raison de la situation dans laquelle
il a été mis par l’entrepreneur ou le prestataire de services suite à la
violation de la norme élémentaire de prudence lors de l’exécution du contrat.
3. Applications
particulières
A. L’entrepreneur général
1) Nature et
étendue des obligations de l’entrepreneur
399. Le contrat
conclu entre l’entrepreneur général et son client est un contrat d’entreprise
qui lui impose selon l’article 2100 C.c.Q. l’obligation d’agir dans le meilleur
intérêt de ce dernier avec prudence et diligence. Les prestations doivent être
exécutées conformément aux stipulations contenues dans le contrat et dans les plans et devis ainsi qu’aux
usages et aux règles de l’art, notamment celles prévues dans le Code
national du bâtiment et celles imposées par la Régie du bâtiment. L’entrepreneur
doit ainsi détenir une licence d’entrepreneur émise par la Régie du bâtiment.
400. L’entrepreneur en tant qu’expert en construction est tenu de livrer un
ouvrage conforme aux plans et devis faisant partie du contrat, aux lois et
règlements pertinents, aux usages et aux
règles
[Page 159]
de l’art reconnus
par sa profession, dans les mêmes circonstances.
Bien qu’il soit tenu de s’assurer de la solidité de l’ouvrage, il n’est pas astreint à vérifier
tous les plans et devis, obligation qui incombe plutôt aux architectes et aux
ingénieurs choisis par le client. Il doit cependant
informer le client de toute anomalie ou non-conformité découverte et l’aviser
des conséquences qui en découlent afin de procéder aux corrections
nécessaires.
401. Tout entrepreneur spécialisé se trouve devant la même responsabilité
quant à la réalisation de ses obligations. Il est généralement tenu à une
obligation de résultat, à moins de
stipulations contraires ou à moins qu’il ne se soit engagé qu’aux fins d’assistance
technique. Dans ce cas, il n’est tenu qu’à une obligation de moyens. En
principe, lorsque l’entrepreneur se charge de faire des travaux de réparation,
il pourrait être tenu à une obligation de moyens.
402. Il importe de
noter que lorsque l’entrepreneur spécialisé est tenu à une obligation de
résultat, il ne peut se défendre en prétendant avoir pris tous les moyens
nécessaires pour réaliser ses travaux et arriver au résultat escompté. Ainsi, l’exécution
défectueuse doit être considérée comme équivalant à une inexécution totale
lorsque le client ne
[Page 160]
peut en tirer aucun
avantage. Il s’ensuit que le
client est en droit de s’attendre à ce que l’entrepreneur arrive au résultat
escompté, et ce, à moins de circonstances particulières pouvant être
considérées comme une cause d’exonération de responsabilité au sens de l’article
2119 C.c.Q. et dont le fardeau de
preuve incombe à l’entrepreneur. Dans cette même optique, il ne pourrait pas se
dégager de sa responsabilité en invoquant que chaque appel de service constitue
une opération distincte dont la qualité doit être évaluée séparément.
a) Obligation de se conformer aux usages et
aux règles de l’art
403. La jurisprudence et la doctrine ont reconnu que l’entrepreneur est tenu
à une obligation de résultat en ce qui a trait à la qualité de l’ouvrage et à
sa conformité aux règles de l’art. L’entrepreneur est
considéré comme étant un expert du domaine spécifique de la construction dans lequel il pratique.
404. Le respect des
usages et des pratiques courantes s’impose non seulement à l’entrepreneur
général, mais aussi à tout entrepreneur spécialisé dans une industrie
déterminée, qu’il soit un sous-traitant ou un contractant du client. Ainsi,
même en l’absence dans les plans et devis, ou, dans le contrat, de stipulations
contenant une description précise des travaux à exécuter, le sous-entrepreneur
est tenu à l’exécution de ces travaux en conformité avec les normes reconnues
et appliquées dans l’industrie en question.
405. L’absence de plans et devis et de spécifications qu’on trouve aussi
dans les cahiers des charges permet, dans certains cas, à l’entrepreneur ou au
sous-traitant d’employer un nouveau procédé de fabrication plutôt que la
méthode conventionnelle, à condition que la même qualité de l’ouvrage soit
assurée, ou encore, une qualité supérieure. Il importe
cependant de souligner que l’entrepreneur ou le
[Page 161]
sous-entrepreneur
est obligé d’employer une méthode reconnue et qui respecte les règles de l’article.
406. L’entrepreneur
a en général l’obligation de se
conformer à son engagement ce qui signifie un devoir constant de vérifier son étendue. Il doit également prévoir les
modalités de la réalisation de l’ouvrage, évaluer les problèmes qui pourraient
survenir et en informer son client.
407. En tant que
professionnel, il doit respecter les règles de l’art qui représentent l’ensemble
des techniques et des pratiques de construction approuvées et qui assurent l’exécution
des travaux en toute conformité avec soin, prudence et diligence. Ces techniques
doivent être conformes à la dernière évolution scientifique afin que la
réalisation de l’ouvrage corresponde à sa destination finale.
Autrement dit, l’entrepreneur doit se servir de méthodes reconnues dans son
domaine particulier d’expertise, tout en respectant les termes de son contrat.
Le Code national du bâtiment peut servir de référence quant aux
techniques et aux pratiques acceptées et reconnues dans le domaine de la
construction.
408. En l’absence d’une description et de précisions dans le contrat ou dans
les plans et devis portant sur la réalisation de l’ouvrage, l’entrepreneur doit
exécuter les travaux avec prudence et diligence, en prenant bien soin de suivre
les coutumes et usages connus dans l’industrie en question. Il n’est cependant
pas tenu d’utiliser la meilleure méthode de réalisation de l’ouvrage si la
sienne est connue et conforme aux règles de l’art.
409. Par contre, l’entrepreneur
engage sa responsabilité lorsqu’il accepte de faire des travaux de réparation
selon une méthode ou un moyen moins coûteux, en sachant que cette méthode ou
ces moyens ne sont pas
[Page 162]
conformes aux règles de l’art et que le résultat
est insatisfaisant. Il ne peut échapper à sa responsabilité sous prétexte que le client avait
accepté la méthode ou les moyens qu’il lui a proposés pour des raisons de prix
ou afin d’économiser sur les coûts de l’exécution. Il est du devoir de l’entrepreneur
non seulement de conseiller le client quant à la bonne méthode et aux moyens
efficaces et adéquats à choisir pour obtenir le bon résultat, mais aussi de
refuser de faire les travaux selon une méthode qui, il le sait ou devait le
savoir à l’avance, donnera un mauvais résultat.
En d’autres termes, l’entrepreneur ne peut s’exonérer de sa responsabilité pour
la non-obtention d’un bon résultat en invoquant le fait que le client avait
choisi la méthode ou les moyens d’exécution les moins coûteux.
410. L’entrepreneur
étant expert en la matière doit avoir une bonne connaissance de l’étendue de
son engagement préalablement à son exécution. Pour ce faire,
il doit évaluer les difficultés que pourrait engendrer l’exécution de l’ouvrage
et ainsi informer le client de la possibilité de leur matérialisation et, par
la suite, de leur survenance en cours d’exécution.
Il doit ainsi aviser son client du déroulement des travaux ou des coûts
encourus au fur et à mesure de leur progression,
et ce, dans le meilleur intérêt de ce dernier. Cette obligation de renseigner
couvre aussi les renseignements portant sur les difficultés encourues par l’entrepreneur
ou ses sous-traitants lors de l’exécution des travaux.
L’entrepreneur a donc l’obligation de fournir à titre de spécialiste toutes les
informations qui pourraient être utiles et
[Page 163]
nécessaires à la réalisation de l’ouvrage.
Cette obligation est limitée par
le devoir de son client de fournir les informations et renseignements
pertinents à l’exécution des
travaux. Rappelons toutefois que c’est l’entrepreneur qui est l’expert en la matière et que le client, en raison de son inexpérience,
peut ignorer si de telles informations sont pertinentes
pour l’entrepreneur, obligeant celui-ci à se renseigner lui-même.
411. L’entrepreneur est aussi
le mieux placé pour vérifier la productivité, le nombre d’heures et d’employés
qu’il faut pour réaliser un travail. Il est supposé connaître les règles et
usages dans l’industrie de la construction et s’assurer qu’ils soient
appliqués. De même, il doit choisir les moyens d’exécution de son contrat (art.
2099 C.c.Q.) et dans le cas de
travaux de rénovation, vérifier la nécessité de correctifs ou d’inspections
plus poussées. Il doit également
avertir le client d’un mauvais choix de matériaux mettant en péril la qualité
et la solidité de l’ouvrage sans quoi il devra répondre des malfaçons (art. 2103 et 2104 C.c.Q.).
b) Obligation de sécurité
412. L’entrepreneur général a aussi une obligation implicite de sécurité qui
le contraint à agir avec la prudence nécessaire pour s’assurer que le milieu de
travail soit sécuritaire. Son défaut de le faire
engage sa responsabilité en cas d’accident. Il importe
cependant de préciser que l’entrepreneur n’est pas responsable de la sécurité
des employés des sous-traitants lorsqu’il était du devoir de ces derniers de
prendre des mesures préventives dans la section ou la partie de l’ouvrage
confiée à chacun d’eux. Cette obligation doit,
en principe, être remplie par l’entrepreneur et son sous-traitant, avant même
le début de
[Page 164]
l’exécution de son contrat et peut se matérialiser en une visite des lieux pour s’assurer de la sécurité
de ceux-ci. Conséquemment,
cette prudence doit l’inciter à refuser un contrat l’engageant à une exécution périlleuse.
Rappelons que l’ouvrage réalisé et délivré au client
devra rencontrer toutes les normes élémentaires de sécurité. L’obligation de sécurité incombe également au
sous-traitant de l’entrepreneur qui devra agir prudemment. Cette obligation de
prudence doit être remplie dès la conclusion du contrat ainsi que pendant
son exécution. Lorsque l’entrepreneur
utilise des méthodes de travail
qui comportent des risques inhérents ou des périls particuliers,
il doit faire tout son possible pour prévenir tout dommage. Cette obligation en
est une de moyens.
c) Obligation de loyauté et d’honnêteté
413. Les
cocontractants se doivent d’adopter une conduite loyale et honnête, tant lors de la négociation
et de la conclusion du contrat que lors de son exécution. Cette obligation incombe
principalement à l’entrepreneur, qui
doit s’abstenir de faire des déclarations pouvant induire le client en erreur quant à la nature et à la qualité des travaux à
exécuter, ainsi qu’à leurs coûts. Les
comportements et les déclarations qui
visent à induire le client en
erreur constituent un dol possédant, selon les circonstances, les caractéristiques d’une fraude civile. La partie qui prétend être
victime d’un dol doit cependant démontrer
que son erreur a été provoquée par l’intention de tromper de son cocontractant ou de son représentant, intention qui s’est concrétisée par des comportements
et des déclarations ne pouvant être le résultat d’une simple négligence,
mais plutôt d’une faute intentionnelle. La simple
négligence ne constitue pas un dol en l’absence d’une intention de tromper. Un
entrepreneur qui fait croire au client qu’il possède une licence alors que
[Page 165]
ce n’est pas le cas
peut justifier la nullité du contrat d’entreprise pour cause de dol.
Il en va de même de celui qui contracte sans avoir l’intention d’effectuer
réellement les travaux, et ce, dans le but de nuire au donneur d’ouvrage.
2) Responsabilité de l’entrepreneur
a) Notions générales et portée de la
responsabilité de l’entrepreneur
414. Le rôle et la responsabilité de l’entrepreneur peuvent être restreints
par les circonstances entourant chaque cas. Ainsi, lorsque l’entrepreneur est
assisté ou représenté par des professionnels de haut niveau, qualifiés et
nombreux, ses devoirs et responsabilités peuvent être atténués. Ces derniers ne
disparaissent toutefois pas pour autant.
415. Afin d’engager la responsabilité de son entrepreneur et d’obtenir
réparation pour les dommages subis, le client devra mettre en preuve que ce
dernier a manqué à l’une de ses obligations et qu’il existe un lien de
causalité entre ce manquement et le préjudice qu’il a subi.
Ainsi, la responsabilité d’un entrepreneur peut être retenue si le client
démontre que ce dernier a omis de conseiller quant à la nécessité de faire des
travaux supplémentaires imprévus initialement, mais qui sont devenus
nécessaires suite à la découverte d’un
vice caché qui affecte l’immeuble faisant l’objet des travaux. C’est le cas
aussi de l’entrepreneur qui n’a pas fait de visite préalable à l’exécution des
travaux, alors que ces visites sont exigées par les règles de l’art qui lui
imposent l’obligation d’agir avec prudence et diligence et ainsi de prendre
toutes les mesures de précaution qui s’imposent.
[Page 166]
b) Responsabilité en
rapport avec les plans et devis
416. L’obligation de conformité de l’entrepreneur et du prestataire de
services se limite aux plans et devis annexés au contrat et au respect des
règles de l’art. Il ne saurait être question de lui imposer accessoirement ni l’obligation
de refaire les calculs des ingénieurs ni celle de vérifier ou de garantir les
plans et concepts élaborés par les architectes du client.
Rappelons que les architectes appelés à surveiller les travaux au chantier et à
vérifier la qualité des matériaux sont tenus responsables de leurs plans et
devis, qui doivent être conformes à la réglementation en vigueur,
ainsi que de leur choix de matériaux. Ils ne peuvent ainsi mettre en cause le
respect des règles de l’art par l’entrepreneur qui s’est conformé à leurs plans
et devis ainsi qu’à leurs directives.
417. Dans le cas d’un contrat conclu selon les plans et devis déjà faits par
les professionnels du client, l’entrepreneur peut cependant être tenu
responsable pour des erreurs qui se trouvent dans les plans et devis dans la
mesure où un entrepreneur compétent, prudent et diligent aurait pu les
découvrir. Rappelons qu’il est du devoir de l’entrepreneur d’aviser le client
de toute erreur pouvant être décelée, afin qu’elle soit corrigée en temps
opportun et pour ainsi éviter un risque à l’avenir. Ainsi, lorsque l’entrepreneur
se voit transmettre des informations erronées par le maître de l’ouvrage, la
responsabilité de l’entrepreneur ne peut être limitée que s’il en avait avisé
le client afin qu’il procède aux corrections nécessaires. C’est seulement dans
le cas où il était difficile de détecter ou de corriger ces erreurs que l’entrepreneur
ne serait pas tenu responsable pour les conséquences qui en découlent.
418. Il faut cependant noter que même si l’entrepreneur est tenu de vérifier
les informations qui lui sont transmises par le donneur d’ouvrage, il ne lui
revient pas de refaire en détail l’entièreté du travail fait par ce dernier ou
par ses professionnels. Il faut rappeler que dans certains cas, l’obligation de
renseignement du maître de l’ouvrage peut être intense et
[Page 167]
revêt une importance particulière lorsqu’il est expert dans le domaine concerné ou lorsque les documents ayant servi à la préparation du
contrat ont été faits par des
professionnels experts dans leur domaine.
c) Responsabilité
pour le retard dans l’exécution
419. Aux
obligations qui incombent à l’entrepreneur
s’ajoute celle relative au respect des délais établis pour l’exécution des
travaux lors de la conclusion du contrat. Cette obligation représente une obligation de résultat circonscrite au premier alinéa de l’article 1590 C.c.Q., prévoyant le droit du créancier
d’exiger du débiteur l’exécution de son obligation de façon entière, en conformité avec les
stipulations contractuelles et les règles de l’art, et ce, sans retard. En l’absence d’une entente postérieure modifiant l’échéancier ou lui accordant un délai
supplémentaire pour réaliser les travaux, l’entrepreneur engage sa
responsabilité envers le client.
420. L’entrepreneur
ne peut cependant être tenu responsable pour le non-respect de la date prévue
dans les documents d’appel d’offres pour l’exécution des travaux lorsque cette
date n’a pas fait l’objet d’une entente écrite entre les parties et en l’absence
d’une preuve démontrant que celle-ci était un élément essentiel de la
conclusion du contrat. Il appartient au
client d’en faire la preuve. Même si le délai d’exécution est prévu dans l’entente,
la responsabilité de l’entrepreneur pourra difficilement être retenue en l’absence
d’une stipulation qui en fait un délai de rigueur ou qui précise que le respect
de ce délai est une condition essentielle sans laquelle le client n’aurait pas
donné son consentement au contrat.
421. Cette façon de
régler la question du retard dans l’exécution des travaux peut être justifiée
par l’absence d’une mise en demeure aux termes de laquelle le client l’avise qu’il
n’a plus l’intention de lui accorder un délai supplémentaire et qu’il exige le
respect du calendrier pour l’exécution des travaux. Cela dit, il sera difficile
de conclure à la responsabilité de l’entrepreneur pour le non-respect de la
date de la détermination des travaux lorsque celle-ci est prévue
unilatéralement dans des documents préparés par le client.
[Page 168]
d) Causes d’exonération
de responsabilité
422. Il faut souligner d’abord que l’entrepreneur ne peut invoquer la faute
de son sous-traitant comme cause d’exonération de responsabilité. Au contraire,
il sera tenu responsable envers le client du fait et des erreurs commises par
ses sous-traitants, notamment quant à la qualité des travaux exécutés. L’entrepreneur
général engagé à ce titre sera également tenu responsable de la qualité des
travaux des sous-traitants choisis par le donneur d’ouvrage ainsi que des
matériaux fournis par ce dernier, puisqu’il est de son devoir d’assurer la
surveillance des travaux et de s’assurer de la qualité de ceux-ci.
423. En effet, le fait que les travaux aient été exécutés par des
sous-traitants ne constitue pas une extranéité exonératoire malgré l’absence de
lien de subordination entre ces derniers et l’entrepreneur (art. 2099 et 2101 (C.c.Q.). De même, un prix peu
élevé ne suffit pas à établir la renonciation du client à la conformité au
contrat et à une prestation de qualité. L’entrepreneur
reste tenu à une obligation de conformité, bien qu’une perte puisse s’ensuivre
pour lui à l’occasion de dépenses supplémentaires. Ceci est particulièrement
vrai lorsqu’il consent au contrat en toute connaissance de cause quant aux
difficultés. Un défaut ou une
imprécision quant aux plans et devis ne peut, non plus, servir de moyens d’exonération
lorsque les usages et les règles de l’art ont été ignorés par l’entrepreneur
ou lorsque ce défaut aurait pu être détecté par un entrepreneur compétent qui
connaît les règles de l’art de son métier.
424. L’entrepreneur
sur qui repose une obligation de résultat pour la conformité et la qualité de l’ouvrage
ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en prouvant la survenance d’un cas
de force majeure qui est la cause de l’absence de résultat. Rappelons que l’article
1470 C.c.Q. assimile à un cas de force majeure le fait du tiers et du créancier.
On entend par une force majeure un événement imprévisible, irrésistible et
[Page 169]
extérieur,
tel que l’inondation d’un terrain à
la suite de fortes précipitations. Les vices de sol
pourraient être considérés comme
un cas de force majeure dépendamment des circonstances relatives au cas d’espèce. Si
la vérification de la qualité du sol incombe à l’entrepreneur où certains
problèmes relatifs à cette qualité étaient bien connus lors de la conclusion du
contrat par ce dernier, le vice ou le problème rencontré en rapport avec le
sol, en cours d’exécution de contrat, ne constitue pas une force majeure.
Par contre, si l’état du sol était inconnu et que l’entrepreneur ne pouvait pas
vérifier sa qualité avant la conclusion du contrat, le vice de sol découvert en
cours de réalisation de l’ouvrage pourra être considéré comme un vice caché
dont la responsabilité appartient au client. Dans ce cas, l’entrepreneur
pourra, non seulement, réclamer les coûts des travaux supplémentaires exécutés pour
remédier au problème, mais il sera aussi libéré de toute responsabilité pour le
retard dans l’exécution des travaux qui en résulte.
425. Lorsque le problème est dû aux matériaux ou aux méthodes d’exécution
des travaux imposés par l’architecte ou l’ingénieur du client, l’entrepreneur
peut invoquer ce fait à certaines conditions comme cause d’exonération de
responsabilité.
426. L’entrepreneur
est toutefois responsable de ses mauvais choix de moyens d’exécution et de
matériaux. Il ne peut s’exonérer à moins qu’il démontre qu’il a respecté les
usages et les règles de l’art. En l’absence d’une
telle preuve, sa responsabilité est présumée. Il s’agit cependant d’une simple
présomption qui peut être repoussée en démontrant qu’il a été prudent et
diligent, en se renseignant par exemple, auprès des fabricants et des
ingénieurs avant de choisir ses moyens d’exécution.
Cependant dans certains cas, l’entrepreneur peut invoquer avec succès la faute
des architectes ou des ingénieurs engagés par le client comme cause d’exonération
lorsque la preuve démontre qu’il a proposé de modifier le choix des matériaux
effectué par ces derniers, mais que sa proposition a été refusée à la
connaissance du client.
[Page 170]
427. Il importe de mentionner que la participation du client dans le choix
des méthodes d’exécution, bien qu’elle puisse tendre à atténuer l’obligation de
résultat de l’entrepreneur, n’influence en rien le caractère consensuel des
contrats d’entreprise ou de services. Malgré le fait que cette participation puisse
être justifiée dans certains cas, il demeure néanmoins qu’une participation
injustifiée peut être répréhensible et constituer une cause potentielle d’exonération
de responsabilité pour l’entrepreneur. Le tribunal
peut, compte tenu des circonstances, prendre en considération la connaissance
du client en la matière avant de conclure à l’exonération de l’entrepreneur ou
au partage de responsabilité entre les parties.
e) Responsabilité de l’entrepreneur envers
le tiers
428. Enfin, l’entrepreneur sera également responsable envers le tiers pour
le préjudice qu’il lui cause lors de l’exécution des travaux.
Il s’agit d’une obligation négative qui invite l’entrepreneur à s’abstenir de
causer quelque préjudice que ce soit aux tiers, notamment les voisins de son
client. Cette obligation est une obligation de résultat et non pas de moyens et
l’entrepreneur ne peut se dégager de sa responsabilité pour le préjudice subi
en faisant la preuve qu’il a agi avec prudence et diligence lors de l’exécution
des travaux. En effet, le tiers qui n’est pas lié par aucun contrat à l’entrepreneur
doit être compensé par ce dernier pour les dommages matériels ayant été causés
à ses biens. Le tribunal doit rejeter une défense fondée sur une conduite
prudente et diligente de la part de ce dernier qui est tenu en vertu de l’article
1457 C.c.Q. a l’obligation de réparer le préjudice causé à autrui par son fait
personnel.
429. L’obligation de ne pas causer préjudice à autrui ne peut être qu’exceptionnellement
une obligation de moyens. C’est le cas de l’entrepreneur poursuivi en
dommages-intérêts par un tiers pour les troubles et les inconvénients,
notamment les bruits causés par les travaux qu’il exécute. En un tel cas, la
défense d’avoir agi avec prudence et diligence peut être recevable dans la
mesure où l’entrepreneur démontre aussi que les inconvénients et les troubles
subis par le tiers ne dépassent pas les limites acceptables en matière de
voisinage. Par contre, une telle
défense doit
[Page 171]
être rejetée lorsque l’entrepreneur
qui n’est pas lié à la victime par aucun contrat cause à cette dernière des
dommages à ses biens.
430. Lorsque le tribunal conclut à l’existence d’une obligation de résultat
pour l’entrepreneur envers son client et procède à la sanction de l’absence de résultat
sur cette base, la tendance jurisprudentielle est à l’effet d’appliquer le même
critère à une situation factuelle semblable et qui implique un tiers. Il est
difficile d’appliquer un critère différent au motif que l’entrepreneur n’est
tenu qu’à une obligation de moyens envers le tiers, soit l’obligation d’agir
avec prudence et diligence. Lorsque
la même faute commise par l’entrepreneur cause des dommages à son client et au
tiers, il est inacceptable de concevoir que cette faute constitue à l’égard du
client une violation d’une obligation de résultat, mais à l’égard du tiers, une
violation d’une obligation de moyens justifiant ainsi la réception d’une
défense fondée sur la conduite prudente et diligente de l’entrepreneur. L’absence
d’un lien contractuel entre l’entrepreneur et le tiers ne peut transformer la
même faute ayant causé des dommages à un contractant et à un tiers, en
obligation de moyens à l’égard de ce dernier. À titre d’illustration, l’obligation
de sécurité qui incombe à l’entrepreneur et à ses sous-traitants s’applique non
seulement à l’égard du client, mais aussi à l’égard des tiers qui sont affectés
par l’exécution du contrat.
B. L’architecte et l’ingénieur
1) Portée et étendue des obligations de l’architecte
ou de l’ingénieur
431. Le contrat qui
intervient entre l’architecte ou l’ingénieur et son client est un contrat de
service, et les obligations qui
en découlent doivent être remplies en conformité avec les prescriptions des
articles 2100 et suivants du Code civil du Québec et celles prévues soit
au Code de déontologie des architectes, soit au Code de déontologie
des ingénieurs.
432. L’architecte ou l’ingénieur se voit généralement confier la confection
de plans et devis qui doivent être faits conformément aux règles de l’art qui
régissent sa profession, soit les normes de conduite
[Page 172]
définies dans le Code de déontologie des architectes ou dans le Code de déontologie des ingénieurs, en plus de toutes
les exigences règlementaires qui les sous-tendent.
433. L’architecte a ainsi l’obligation de vérifier que les plans et devis qu’il
prépare sont conformes avec la réglementation municipale
et de s’assurer de la qualité et de la faisabilité du projet.
La plupart de ces obligations peuvent être de résultat.
Dans un tel cas, le seul moyen pour l’architecte d’exonérer sa responsabilité
est de prouver la force majeure. Il en est de même
quant à la responsabilité de l’ingénieur, notamment en ce qui a trait à la
qualité et à la conformité des plans préparés par lui.
434. Les obligations
peuvent cependant être de moyens lorsque l’architecte est tenu lors de leur
exécution à agir avec prudence et diligence. Ainsi, les articles 22 et 23 du Code de déontologie des architectes prévoient
que l’architecte doit faire preuve dans l’exercice de ses fonctions de
disponibilité et de diligence raisonnable. Il doit fournir à son client en plus
d’avis et des conseils, les explications nécessaires quant à l’appréhension et
la compréhension de ces derniers. Il doit aussi agir en tout temps dans le meilleur
intérêt de son client. Ces obligations bien
qu’elles visent la protection du client ne peuvent être que de moyens.
435. Plus particulièrement, l’architecte ou l’ingénieur, à l’instar de tout
autre professionnel, ne doit pas se limiter à une déclaration avisant son
client qu’il n’est pas expert dans un domaine donné, mais il doit lui
recommander de consulter un spécialiste en la matière en lui
[Page 173]
indiquant l’utilité et la nécessité de recourir aux services de cet expert.
Tout manquement à son devoir de conseil pourrait engager sa responsabilité pour le préjudice
subi par le client et qui aurait pu être évité n’eut été ce défaut.
436. Il est difficile toutefois
d’établir de façon abstraite une liste des obligations pouvant être qualifiées
de moyens ou de résultats. Pour déterminer la nature de l’obligation de l’architecte
ou l’ingénieur, le tribunal peut
se référer non seulement à l’enseignement jurisprudentiel et doctrinal en la
matière, mais aussi faire l’analyse des stipulations prévues dans le contrat
intervenu avec le client afin d’évaluer la portée et l’intensité des
obligations assumées. Ainsi, les termes employés dans le contrat pour décrire
les obligations à exécuter par l’architecte peuvent être un bon indice pour
déterminer la nature de ces obligations.
437. Enfin, le tribunal saisi d’une action en responsabilité professionnelle
de l’architecte ou de l’ingénieur doit, avant de déterminer la nature et la
qualification de l’obligation de ce dernier, vérifier si le manquement reproché
à une obligation ou à un devoir tombe sous le mandat de ce professionnel.
438. En d’autres mots, l’architecte ou l’ingénieur ne peut être tenu
responsable envers le client pour un manquement à une obligation ou à un devoir
qui ne lui incombe pas. Il appartient au client de prouver d’abord que le
professionnel avait à sa charge une obligation qui n’a pas été remplie. Cela
dit, il ne faut pas procéder à l’analyse de l’étendue d’une obligation que le
professionnel n’a pas assumée. Ce n’est qu’une fois qu’il est établi en preuve
que ce dernier avait assumé l’obligation en question ou que celle-ci découle
implicitement de son contrat que le tribunal procédera en deuxième étape à l’évaluation de la nature de cette
obligation pour déterminer s’il y a eu faute ou non, pouvant ainsi engager la responsabilité du professionnel.
a) Critères d’évaluation de la responsabilité
de l’architecte ou de l’ingénieur
439. La responsabilité de l’architecte ou de l’ingénieur est régie par les
règles applicables en matière de responsabilité contractuelle ainsi que les
dispositions prévues aux articles 2100 et suiv. C.c.Q. Cette responsabilité
sera déterminée selon les critères établis et à la lumière des faits déjà soumis
en preuve. Rappelons que ces critères varient selon
[Page 174]
que l’on soit en présence d’une obligation de moyens ou de résultats. Dans le premier cas, le client qui
cherche la responsabilité de l’architecte ou de l’ingénieur
doit démontrer une faute commise par ce dernier dans l’exécution
de ses obligations. Leur conduite doit être comparée à celle d’un architecte ou d’un ingénieur professionnel raisonnable placé dans les mêmes circonstances. À titre d’exemple,
constitue une faute qui engage sa responsabilité le défaut de l’architecte ou
de l’ingénieur de vérifier la compétence et l’expérience de l’entrepreneur
avant de le recommander à son client alors qu’il est tenu à un devoir de
conseil à son égard.
440. Bien qu’en
principe le manquement déontologique de l’architecte ou de l’ingénieur puisse
constituer une faute, certains manquements
ne peuvent à eux seuls engager sa responsabilité.
Il ne suffit pas de faire la preuve d’un défaut quelconque afin d’engager leur
responsabilité, lorsque ceux-ci en vertu de leur contrat ne sont pas tenus à
une obligation relative à ce défaut reproché ou lorsque ce défaut échappe à
leur contrôle ou est la conséquence du fait d’une personne qui n’est pas sous
leur responsabilité. À titre d’illustration, lorsqu’on reproche à l’architecte
d’avoir fait défaut de contrôler les coûts du chantier alors que cette question
ne tombe pas dans le champ de ses obligations ou qu’il est difficile pour ce
dernier d’en faire le contrôle compte tenu du nombre d’intervenants dans la
réalisation de l’ouvrage.
441. Enfin, il importe de souligner que l’architecte ou l’ingénieur qui
assume non seulement l’obligation de préparer les plans et devis, mais la tâche
de surveiller l’exécution des travaux par les intervenants en construction,
peut aussi engager sa responsabilité avec ces derniers pour les vices qui
affectent l’immeuble, tel que prévu à l’article 2118 C.c.Q. ou pour les
malfaçons, comme le prévoit l’article 2120 C.c.Q..
C. Le fournisseur
442. Le fournisseur
est celui qui procure les matériaux, les outils ou la main-d’œuvre nécessaires
à l’exécution des travaux. Il peut
[Page 175]
s’engager à une obligation précise, comme construire, fabriquer une chose, la
livrer, ou offrir un service spécifique. Il s’agit en général d’une obligation
de résultat. Ainsi, l’absence de résultat totale ou partielle fait présumer la
faute du fournisseur, qui peut engager sa responsabilité, à condition qu’il en
résulte un dommage et qu’un lien de causalité soit établi entre la faute
présumée et ce dommage. Afin de se dégager de sa responsabilité, il doit
prouver que l’absence de résultat provient d’une cause qui n’est pas imputable
à sa faute, mais à un cas de force majeure.
443. Par ailleurs,
le fournisseur et le fabricant sont présumés connaître le vice, conformément
aux articles 1729 et 2103 C.c.Q.. Est considéré
comme un fabricant le livreur de béton qui sera tenu non seulement aux mêmes
obligations légales quant à la qualité du bien, mais qui doit aussi le délivrer
selon les critères précisés dans les commandes. Si le bien n’offre pas les
caractéristiques auxquelles l’entrepreneur pouvait s’attendre, la simple preuve
de cette inexécution provoquera un renversement du fardeau de preuve, et à
défaut de s’en décharger, le fournisseur de béton engagera sa responsabilité.
D. Les juristes
444. Le rôle d’un
professionnel dans le domaine juridique, comme le notaire ou l’avocat, se
résume essentiellement à informer son client sur l’état du droit actuel, à le
conseiller ou à l’aviser des options qui s’offrent à lui selon les
circonstances. Autrement dit, le professionnel ne décide pas à la place de son
client, mais il l’avise. Son devoir consiste à renseigner son client, à le
conseiller avec compétence, à observer à son endroit une stricte loyauté et à maintenir
confidentiels leurs échanges. On n’exige pas du
professionnel qu’il fournisse à son client le meilleur conseil ou un conseil
sans faille, en autant qu’il résulte d’une analyse objective des faits en l’espèce
et d’un diagnostic conforme à l’état du droit.
445. Lorsque l’avocat
ou le notaire ne respecte pas ses obligations et que cela cause un préjudice à
son client ou même à un tiers, ce professionnel peut voir sa responsabilité
professionnelle engagée.
[Page 176]
1) L’avocat
a) Nature et étendue des obligations de l’avocat
envers son client
i) Obligation de conseil
446. L’obligation de conseil consiste pour le professionnel à éclairer son
client, ou la personne qui le consulte, sur la nature et les conséquences
juridiques ou économiques des actes et conventions envisagés ainsi que, s’il y
a lieu, sur les formalités requises pour en assurer la validité et l’efficacité.
447. L’obligation de conseil doit s’apprécier en fonction du degré de
connaissance et de l’expérience du client. Une fois
correctement renseigné et conseillé par l’avocat, le client prendra la décision
qui lui convient et devra assumer les conséquences qui en découlent.
Cependant, un avocat qui donnerait un conseil erroné, alors que la question qui
lui était soumise était claire et ne faisait pas l’objet d’une controverse,
commettrait une erreur de droit déraisonnable pouvant engager sa responsabilité.
448. Le devoir de conseil varie en fonction des circonstances propres à
chaque cas d’espèce. Ainsi, lorsque l’avocat affirme qu’il est un expert en la
matière pour laquelle un client le consulte, l’étendue de son devoir de conseil
sera plus grande. À l’inverse, lorsque l’avocat avise le client des limites de
sa compétence dans le domaine en question et qu’il lui recommande de consulter un
spécialiste, l’étendue de son devoir de conseil sera moins importante.
449. Lorsque l’avocat recommande un professionnel à son client, il exécute
une obligation de moyens et non de résultat. Il doit cependant faire preuve de
prudence et de diligence lorsqu’il réfère un client à un spécialiste ou à un
professionnel. L’avocat doit se baser sur une
[Page 177]
connaissance
pertinente et raisonnable du professionnel en question, lui permettant d’être convaincu que ce professionnel peut
remplir correctement le mandat qui
lui sera donné par son client.
C’est en raison de la confiance du public envers les avocats que ceux-ci doivent s’abstenir
de référer à la légère des clients ou des tiers à des professionnels ne pouvant
rendre à ces derniers les services appropriés en l’espèce.
450. D’ailleurs, lorsque l’avocat est spécialisé dans un domaine et qu’il
réfère un professionnel de ce domaine à un client ou à un tiers, cela peut
justifier que ces derniers n’aient pas cherché à se renseigner, en raison de la
confiance légitime qu’ils avaient en l’avocat. En d’autres mots, lorsqu’un
avocat réfère son client ou un tiers à un professionnel, l’avocat peut engager
sa responsabilité pour avoir manqué à son obligation de renseigner, et ce, même si le client ou le tiers n’a pas rempli sa
propre obligation de se renseigner. En effet, c’est en raison de l’état de
vulnérabilité du client ou du tiers dû au lien de confiance de ce dernier avec
l’avocat que son manquement à son devoir de se renseigner peut être justifié
dans ces circonstances.
ii) Obligation de renseignement
451. L’obligation
de renseignement impose au professionnel de fournir à son client des
informations particulières en rapport avec son dossier, afin de lui permettre
de prendre une décision ou d’accomplir un acte de façon éclairée.
L’étendue de cette obligation doit être évaluée et déterminée non seulement
selon les règles applicables en matière d’obligations, mais aussi à la lumière
des obligations imposées par le Code de déontologie des avocats, qui
interdit notamment à l’avocat de faire de fausses représentations relatives à
ses compétences.
452. De même,
lorsque l’avocat agit à titre de prestataire de services,
l’article 2102 C.c.Q. l’oblige à renseigner adéquatement
son client, car cet article lui impose d’agir au mieux des intérêts de son
client.
453. L’avocat doit
ainsi dévoiler toutes les informations dont il est au courant et qui sont
susceptibles d’influencer les décisions de son client. À titre d’illustration,
l’insolvabilité de l’autre partie est une information qui peut influencer la décision de son client d’intenter une poursuite
ou non, ce qui fait de l’insolvabilité une information pertinente à
[Page 178]
communiquer à ce
dernier. De même, dans le cas
où l’avocat est mandaté pour rédiger un contrat ou une entente pour deux
personnes ayant des intérêts opposés, il est tenu de renseigner chacune d’elles
sur les fausses représentations que l’une a faites à l’autre et dont il est au
courant.
454. Enfin, lorsqu’un avocat recommande un professionnel à un client ou à un
tiers, il est tenu de renseigner ce dernier sur le professionnel recommandé et
plus précisément sur sa compétence ainsi que sur sa réputation en matière de
loyauté et de conflit d’intérêts. Le manquement à ce devoir pourra engager sa
responsabilité civile contractuelle envers son client ou extracontractuelle
envers le tiers. Ainsi, si l’avocat réfère son client ou un tiers à un
entrepreneur qui est poursuivi pour fraude en lien avec ses projets
immobiliers, il doit lui révéler ces informations, sans quoi cela constitue un
manque flagrant d’un avocat à son obligation de renseignement.
iii) Obligation de loyauté
455. L’avocat doit conserver son indépendance professionnelle et être
vigilant lors de l’exécution de son mandat. Advenant le cas où un avocat
manquerait à son obligation de loyauté et, par le fait même, se placerait en
situation de conflit d’intérêts, le tribunal ne devrait en aucun cas et d’aucune
façon cautionner ou entériner ce manquement, puisque toute
décision qui traite cette question de façon moins sérieuse risque d’ébranler la
confiance du public envers le système judiciaire.
456. Il faut cependant souligner que les tribunaux sont parfois réticents à
conclure à la responsabilité d’un avocat envers les tiers puisqu’ils ne veulent
pas les effrayer aux dépens de la défense des droits de leurs clients.
L’obligation de conseil de l’avocat ou du notaire ne se limite pas à un devoir
d’agir avec prudence et diligence, mais exige aussi une conduite fondée sur l’honnêteté
et la loyauté. L’avocat doit donc s’assurer qu’il n’y a pas de conflits avec
ses intérêts personnels, ceux de ses proches ou ceux de ses autres clients.
L’avocat doit veiller à ne pas
[Page 179]
entrer dans une
situation de conflit d’intérêts réel ou apparent,
puisqu’il pourrait ainsi contrevenir à son devoir de loyauté envers son client.
Il doit ainsi agir avec objectivité dans le but de favoriser l’intérêt de son
client.
b) Responsabilité civile et professionnelle de
l’avocat
i) Obligation de moyens
457. Il importe de noter qu’une contravention à un devoir ou à une
obligation prévu dans le Code de déontologie des avocats ou le Code
civil du Québec ne constitue pas nécessairement une faute civile. Pour qu’elle
soit considérée ainsi, il doit s’agir d’un devoir ou d’une obligation qui
constitue une norme élémentaire de prudence. L’avocat doit
donc, lors de l’exécution de son mandat, se conduire comme le ferait un avocat
prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.
458. Il est reconnu par la jurisprudence et la doctrine que l’avocat qui
accepte le mandat de défendre son client dans un procès ne peut être tenu qu’à
une obligation de moyens. Il jouit d’une
relative liberté dans le
[Page 180]
choix de sa stratégie
procédurale. Sa responsabilité à cet égard ne peut être retenue que dans le cas
où il est apparu que sa démarche a pour effet de nuire aux droits de son client
ou qu’il s’écarte du mandat qui lui est confié.
Cela dit, une stratégie procédurale choisie en respect du mandat donné, clairement
expliquée au client, puis approuvée par celui-ci ne peut servir de fondement
pour engager la responsabilité de l’avocat, advenant le cas où le client se
verrait insatisfait subséquemment de la voie procédurale choisie.
Cependant, comme tout professionnel conscient des limites de sa connaissance et
de son expérience dans le domaine du mandat, l’avocat doit systématiquement
orienter son client vers des experts afin que ce dernier soit bien protégé dans
ses droits.
ii) Obligation de résultat
459. L’obligation
de l’avocat peut en être une de résultat dans certains cas, et c’est notamment
le cas de l’obligation relative au respect des délais en vue de l’accomplissement de certains actes de procédure.
Notons à cet égard que selon la jurisprudence, l’erreur, l’incompétence ou la
négligence par un avocat représentant une partie peut constituer, pour fins de
l’application de l’article 177 C.p.c.,
une impossibilité d’agir pour le client. Cependant, lorsque la partie elle-même
aura agi avec prudence et diligence et lorsqu’elle agit en ces qualités après
la révélation du défaut majeur de la part de son
[Page 181]
avocat, la partie
pourrait bénéficier d’une exception à la règle. Le tribunal pourrait libérer la
partie de son défaut, mais ceci n’est pas un automatisme.
iii) Gestes illégaux
460. L’avocat ne doit participer d’aucune manière à un acte illégal. Ainsi,
il doit s’abstenir de conseiller une personne exerçant des activités illégales
en lui permettant par ses conseils juridiques de contourner la loi ou d’y
contrevenir tout en échappant aux conséquences qui en découlent. De même, il ne
doit pas endosser un comportement prohibé ou le couvrir par la création de faux
documents. La participation d’un professionnel à une activité illégale engage
sa responsabilité personnelle pour le préjudice qu’il en résulte pour une
tierce personne de bonne foi qui n’a pas eu connaissance de cette activité ni
ne l’a endossée.
c) Nature et étendue des obligations de l’avocat
envers le tiers
461. L’avocat doit concilier les obligations auxquelles il est tenu envers
son client avec son devoir général en tant qu’officier de la justice. Ainsi, il
ne peut chercher à protéger ou à faire valoir l’intérêt de son client en
violation de la règle générale de bonne foi et du principe de la justice
naturelle. Également, le devoir de renseignement existe, et ce, indépendamment
de toute relation contractuelle.
462. L’obligation de conseiller le tiers de retenir les services d’un autre
professionnel dans la transaction envisagée s’impose à l’avocat, lorsqu’il se
trouve dans une situation de conflit d’intérêts.
C’est le cas lorsqu’il ne peut conseiller à la fois son client et son
partenaire (le tiers) en raison d’intérêts opposés et contradictoires.
463. Il importe toutefois de rappeler que devant une situation délicate, la
transparence reste vraisemblablement la meilleure façon d’agir pour le
professionnel, qui évite ainsi de voir sa responsabilité engagée.
Ainsi, lorsque l’avocat ayant préparé le contrat se trouve dans une situation de conflit d’intérêts face à la
partie non représentée, il doit agir
[Page 182]
avec transparence et
mentionner à la partie non représentée qu’il ne peut protéger ses intérêts
comme le ferait un conseiller juridique indépendant.
i) Devoir général
464. En règle
générale, l’avocat n’a pas d’obligation positive envers la partie adverse, même
non représentée. Il n’est donc pas tenu de prévenir celle-ci qu’une de ses
décisions ou des clauses qu’il a rédigées avantagera grandement son client à
ses dépens. Lorsque la partie non
représentée pose des questions à l’avocat, il n’a pas à aller au-delà des
questions posées, puisqu’il n’est pas tenu, généralement, à un devoir de
conseil ou d’information envers celle-ci. Son devoir se limite à ne pas nuire à
l’autre partie ni à surprendre sa bonne foi.
465. L’avocat ne
doit cependant en aucun cas tenter d’influencer l’autre partie indûment, de l’induire
en erreur ou de lui cacher de l’information. Il doit aussi s’abstenir de faire
des déclarations qu’il sait fausses. Il est également tenu
à des devoirs de dignité, d’intégrité, de respect, de modération et de
courtoisie envers les tiers. Sa responsabilité
extracontractuelle peut être retenue s’il agit avec négligence envers une
personne à l’endroit de laquelle, dans les faits ou par sa conduite, il a
contracté une obligation de prudence et de diligence.
466. Il importe
toutefois de noter que le rejet d’une action ne peut être systématiquement une
cause qui justifie une poursuite en dommages-intérêts par la partie défenderesse
contre l’avocat qui a institué l’action. Même lorsque l’action rejetée est
qualifiée par le juge comme étant une demande abusive ou déraisonnable, une
telle qualification ne fait pas, à elle seule, présumer une faute
extracontractuelle commise par l’avocat à l’égard de la partie défenderesse.
Rappelons que l’avocat dispose généralement d’une immunité relative lorsqu’on
lui reproche d’avoir instauré un recours qui n’a pas été accueilli par le
tribunal, puisqu’il est difficile pour un avocat de prédire comment se
déroulera réellement sa preuve la journée même de l’audience. À titre d’illustration,
l’avocat peut valablement croire avant l’audition qu’un des témoins
[Page 183]
principals de son
client est crédible dans sa version des faits mais à la suite de son
contreinterrogatoire, sa crédibilité peut être affectée de sorte que le juge
rejette la preuve. C’est pour cette raison que les tribunaux accordent
généralement une grande latitude à l’avocat d’une partie lors de l’évaluation d’une
faute qu’on lui reproche. Ainsi, même en présence d’une faute, celle-ci doit
être évidente et constituer la seule cause directe qui est à l’origine de l’institution
d’un recours qui n’avait aucune chance de réussite. En d’autres termes, dans le
cas du rejet par le tribunal d’une
action, la responsabilité de l’avocat de la partie demanderesse pour faute
extracontractuelle reprochée par la partie défenderesse ne peut être engagée
que si le caractère abusif du recours est manifeste et que l’intention de l’avocat
de nuire à cette dernière est clairement établie en preuve comme étant la
raison ayant motivé l’instauration de ce recours.
ii) Obligation de renseignement et de
conseil
467. L’obligation
de renseignement à laquelle l’avocat peut être tenu, dans certains cas, est une
obligation intense se rapprochant d’une obligation de conseil. Ainsi, il peut
être tenu de recommander au tiers de retenir les services de son propre
professionnel afin de s’assurer que ses intérêts seront adéquatement protégés.
En effet, dans le cas où l’une des parties n’est pas représentée, le devoir de
conseil qui incombe à l’avocat ou au notaire peut, selon les circonstances, s’étendre
à une mise en garde à cette partie afin de l’aviser et de la sensibiliser au
fait qu’elle ne peut pas compter sur ses services et qu’il est de l’intérêt de
cette partie de retenir les services de son propre conseiller. Notons toutefois
que l’intensité de ce devoir varie, entre autres, selon le degré de connaissance
que le tiers possède dans le domaine juridique ainsi que selon son degré de
scolarité.
468. Lorsqu’un lien
de confiance s’instaure entre le client de l’avocat et son partenaire, de sorte
que celui-ci croit sincèrement que l’avocat en tant que professionnel protège
également ses intérêts, une obligation s’impose forcément à la charge de l’avocat
qui consiste à informer le tiers qu’il ne protège pas ses intérêts. Afin d’éviter
une telle responsabilité, il doit recommander au tiers de consulter un
conseiller juridique indépendant qui pourra lui donner les conseils appropriés
et ainsi protéger ses intérêts. Cependant, si le tiers décide de ne pas
consulter un tel
[Page 184]
conseiller, l’avocat ne
doit d’aucune façon laisser croire à ce dernier qu’il protège ses droits et ses
intérêts. Il doit aussi, en cas de questions posées par le tiers, donner des
réponses en toute objectivité et éviter de faire des fausses représentations ou
de communiquer des informations erronées. D’ailleurs, une telle obligation naît
lorsque l’avocat sait ou devait savoir que la tierce partie se fiait sur lui
pour la protection de ses intérêts. C’est pourquoi il est de l’intérêt de l’avocat
de refuser dès le départ toute rencontre avec le partenaire de son client et d’aviser
son client de sa décision de se conformer à ses obligations envers lui,
notamment, celle de loyauté, pour ainsi éviter toute situation de conflit.
469. Le professionnel prudent devrait ainsi prévenir, préférablement par
écrit, la partie non représentée qu’il a le mandat de représenter l’autre
partie, et qu’il ne pourra protéger les droits de cette personne avec la même
vigilance que lui devrait son propre conseiller.
L’Association du Barreau canadien et celle de l’Ontario ont d’ailleurs codifié
ces devoirs dans leurs codes de déontologie. La Cour
suprême a par la suite exprimé ce principe de mise en garde dicté par l’Association
du Barreau canadien.
470. Par contre, dans le cas où l’avocat décide de ne pas aviser le tiers qu’il
est de son intérêt de se faire conseiller par un autre professionnel, l’obligation
de se donner une conduite de bonne foi l’oblige à être transparent et à prendre
toutes les mesures et les précautions disponibles pour permettre au tiers d’être
bien renseigné quant à ses droits et obligations. Cette conduite doit surtout
être adoptée par le professionnel lorsque le tiers décide de ne pas suivre ses
recommandations de confier son dossier à son propre conseiller.
471. La règle de
bonne foi impose donc au professionnel une obligation à double volet. Un volet négatif et un autre positif. Le volet négatif
de cette obligation de bonne foi exige du professionnel de s’abstenir de donner
l’impression, de laisser entendre ou faire croire au partenaire de son client
qu’il prépare le document de façon objective, neutre et impartiale alors qu’en
réalité, il agit uniquement pour son propre client et dans le seul intérêt de
celui-ci. Même lorsque sa conduite est dépourvue de tout soupçon, dès qu’il
constate que le tiers est sous l’impression que la préparation
[Page 185]
de l’entente ou du
document se fait avec neutralité et
dans l’intérêt des deux parties,
il a l’obligation en tant que professionnel de faire la mise au point et d’aviser
le tiers qu’il est le conseiller de l’autre partie et agit uniquement dans l’intérêt de cette autre partie. De plus, il doit l’aviser de la nécessité de trouver son propre conseiller. En
d’autres termes, dès que le
professionnel découvre que le
tiers est sous la fausse impression qu’il peut se fier à lui
pour protéger son intérêt dans la transaction envisagée, il a alors le devoir
absolu de prendre l’initiative et de faire comprendre au tiers qu’il est le
conseiller de l’autre partie et qu’il ne peut pas veiller à protéger l’intérêt
des deux parties.
472. À titre d’illustration, lorsque l’avocat prépare un contrat conforme à
une offre ou à une promesse intervenue entre son client et l’autre partie, il
doit alors s’assurer que le contrat qu’il prépare est représentatif de l’intention
des parties telle qu’exprimée dans l’offre ou la promesse. Advenant le cas où
il entre en contact avec la partie non représentée, il sera tenu de l’aviser et
de lui expliquer tout changement apporté aux clauses contenues dans l’offre ou
la promesse. Il sera également tenu de renseigner non seulement son client,
mais aussi l’autre partie de toute clause ajoutée au document précontractuel
intervenu entre les parties.
2) Le
notaire
a) Nature et étendue des obligations du
notaire
473. Le notaire est
tenu à des obligations dont l’étendue et la nature sont déterminées en fonction
de la complexité du dossier à traiter. Le notaire a
généralement une obligation de moyens envers ses clients, devant être remplie
avec diligence afin de leur procurer des services attentifs, prudents et compétents.
Il est bien reconnu que le notaire doit agir selon les règles de l’art et les
usages de sa profession.
[Page 186]
Les faits et les
actes accomplis en rapport avec l’exécution de son contrat de service seront évalués en fonction du critère du
professionnel raisonnablement
prudent et diligent. Il s’agit d’un critère objectif adapté à la réalité notariale, notamment la présomption que le notaire connaît la loi.
i) Obligation de conseil
474. Le
notaire doit, en tant que professionnel, agir avec prudence, diligence et de manière éclairée dans l’exécution
de son mandat. Pour ce
faire, il doit s’assurer de connaître les faits essentiels au soutien de l’acte qu’il prépare. Ainsi, dans le cas d’un contrat de vente, il doit connaître les motifs qui sont à la base même de l’entente que désirent conclure les parties. En agissant ainsi, il évite
toute confusion concernant l’objet de la vente et la raison qui a motivé au moins l’acheteur à faire
le contrat. En se renseignant, le notaire sera également en mesure d’attirer l’attention de ce dernier sur certaines données qui ne correspondent pas à celles qu’il a retenues lors des négociations avec son partenaire
et ainsi d’éviter toute omission pouvant causer un préjudice à l’acheteur.
475. L’obligation de conseil du notaire ne s’arrête
toutefois pas à bien renseigner les parties concernées, selon les informations
qui lui ont été fournies par l’une ou l’autre de ces dernières. Au contraire,
il doit également effectuer les recherches et les vérifications nécessaires
concernant l’ordre du droit ou l’ordre des faits. Ainsi, il peut s’agir de
consulter tous les actes mentionnés dans l’index aux immeubles afin de vérifier
leur contenu et de voir si le droit de propriété ou le droit hypothécaire que
son client se propose d’acquérir sera affecté d’une manière ou d’une autre par
ces actes déjà existants. Il doit communiquer les résultats obtenus aux
parties, afin d’éclairer celles-ci sur la nature et les conséquences juridiques
ou économiques de l’acte qu’elles s’apprêtent à conclure. À défaut de le faire,
il risque de voir sa responsabilité engagée.
[Page 187]
476. Le notaire doit, avant la conclusion du contrat avec son client,
informer celui-ci des conséquences possibles de procéder avec un mandat
restreint ne comportant pas une vérification des titres.
Cette obligation ne se limite pas à un simple devoir de renseignement, mais
consiste plutôt en un devoir de conseil. De même, le notaire qui procède à la
vente d’un immeuble sans proposer au vendeur ni le conseiller sur la nécessité
de faire et d’enregistrer un acte hypothécaire garantissant le paiement du
solde du prix de vente commet un manquement à son devoir de conseil et un geste
imprudent de la part d’un officier public. Rappelons que
le notaire est tenu à agir en toute objectivité et en toute impartialité envers
les deux parties au contrat de vente sans égard à la partie qui lui a donné le
mandat et qui est tenue de payer ses honoraires.
477. Dans le même
ordre d’idées, le devoir de conseil qui incombe au notaire exige de sa part
plus qu’une simple retranscription de données contenues dans un acte notarié
antérieur, bien que ce dernier ait le même objet.
En effet, il est fort probable que cet acte notarié antérieur contienne des
omissions quant à la description exacte de l’objet de la vente ou contienne des
modalités différentes quant à la volonté des parties. En d’autres termes, le
notaire ne peut remplir son devoir de conseil en se basant sur un acte préparé
par un autre notaire. Au contraire, il est de son devoir de vérifier toutes les
données nécessaires et pertinentes au conseil qu’il devra donner à son client
dans le cadre de l’exécution de son mandat.
478. Il importe aussi de préciser que le devoir de conseil qui incombe au
notaire mandaté par son client pour accomplir une transaction
déterminée ne se limite pas à répondre aux questions qui
lui sont soumises par ce dernier. Ainsi, même en l’absence de toute question,
il doit fournir à son client, voire même aux deux parties, les explications
requises et les conseils pertinents pour leur permettre de saisir et de
comprendre la nature, les conditions, les droits et obligations découlant de l’acte
qu’il a préparé.
[Page 188]
479. En
somme, le devoir de conseil du notaire a pour objet une prestation qui consiste
à éclairer les parties avant la
signature de leur contrat sur la nature et l’étendue de leurs droits et obligations qui découlent de ce contrat. Le notaire peut être aussi tenu, selon les besoins respectifs de chacune des parties et à la lumière des circonstances particulières qui entourent la
transaction envisagée, de clarifier les conséquences
juridiques et économiques qui pourraient en résulter au cours de son exécution.
Il doit même prendre soin de leur expliquer les moyens appropriés et les
formalités requises pour protéger leurs droits qui découlent de leur convention
et s’assurer qu’ils ont bien compris leur situation.
ii) Obligation de renseignement
480. Par ailleurs, en raison de son statut en tant que conseiller juridique,
le notaire doit protéger les intérêts de son client et l’informer adéquatement
lors de la conclusion de la transaction pour laquelle ce dernier lui a demandé
assistance. Dans certains cas et compte tenu de la nature de la transaction, du
risque et des conséquences qui en résultent pour le client, le notaire ne doit
pas se contenter d’une simple communication ou divulgation des informations, mais il doit s’assurer que celles-ci
ont été bien comprises par son client, afin que celui-ci soit en mesure de
prendre la décision que justifie son intérêt. D’ailleurs, le notaire est tenu
de remplir ses prestations conformément aux dispositions régissant le contrat
de prestation de services, et, plus particulièrement, aux articles 2100 et 2102
C.c.Q., qui lui imposent l’obligation de renseigner adéquatement son client et
d’agir au mieux de son intérêt. Dans son évaluation du défaut de renseigner, le
tribunal peut prendre en considération l’âge du client, sa scolarité, les
relations d’affaires antérieures qu’il a eues avec le notaire, et l’étendue de
son mandat. Le notaire doit donc
connaître les circonstances relatives à chaque cas d’espèce afin de moduler son
obligation de conseil.
481. Enfin, le notaire doit aussi se conformer aux obligations prévues dans
la Loi sur le notariat et le Code de déontologie des notaires. Toutes
ces dispositions législatives seront prises en considération lors
[Page 189]
de l’évaluation de la faute reprochée
du notaire et lors de l’analyse de sa responsabilité contractuelle.
iii) Obligation de vérifier la conformité des informations relatives à l’immeuble
482. Le notaire ne
doit pas demander aux parties de signer un acte de vente avant qu’il
entreprenne la vérification de la conformité des informations relatives à l’immeuble,
notamment le titre de propriété et les droits et charges qui l’affectent.
Autrement, il manque à son obligation de conseil et risque d’engager sa responsabilité pour toute charge ou
irrégularité qui affecte l’immeuble. Il doit informer les
parties de la nature des actes auxquels elles donnent leur consentement et des
conséquences juridiques et financières qui en découlent, et ce, peu importe qu’ils
soient des actes authentiques ou sous seing privé.
Le notaire doit également conseiller son client sur la portée des titres de
propriété affiliés à l’immeuble en cause et sur leur validité.
483. La vérification du titre de propriété d’un immeuble est une obligation
de moyens, à moins que le notaire assume une obligation spécifique rattachée à
ses services. Cette obligation de moyens exige pour son exécution des
recherches adéquates permettant de renseigner et de conseiller le client en
fonction des résultats obtenus. Notons à cet effet qu’une recherche adéquate
comprend non seulement la recherche de titre d’un terrain, mais également la
recherche de titre d’une bâtisse pouvant y être érigée.
Elle comprend donc le devoir d’informer le client de la présence de tous
risques raisonnablement prévisibles et qui pourraient affecter les titres et
les droits inhérents à l’immeuble en question.
484. Le notaire
doit, lors de l’accomplissement d’une transaction de vente, adopter un
comportement conforme à son devoir de diligence à l’égard de son client, de
sorte qu’il doit vérifier les titres de propriété, ainsi que tout acte
juridique publié au registre de l’immeuble, afin de se renseigner sur l’existence
et l’étendue des droits dont bénéficie cet immeuble, ou des charges qui l’affectent.
Son défaut d’agir avec prudence
[Page 190]
et diligence constitue
une faute pouvant entraîner sa responsabilité pour les dommages causés à l’acheteur.
485. Le notaire est
tenu à l’obligation de vérification des titres, puisque la validité de ces
titres est une condition essentielle à la réalisation des transactions
immobilières. Le notaire doit donc remplir cette obligation avec diligence et
ainsi donner les explications et les conseils qui s’imposent à son client avant
la réalisation de la vente. Il s’agit d’une obligation qui découle du mandat reçu par le notaire sans égard à sa nature, qu’il
soit spécifique ou général. Pour remplir son obligation de façon adéquate, le
notaire doit faire des recherches sur les titres et vérifier les contrats reçus
par les notaires impliqués dans les ventes antérieures de l’immeuble. Il ne
peut ainsi se libérer de son obligation de vérification en présumant que le
travail a été bien fait par ces notaires.
486. À titre d’illustration,
le notaire qui omet de lire un acte publié il y a déjà plusieurs années et de
vérifier son contenu adéquatement sera responsable envers l’acheteur pour les
dommages subis alors que celui-ci avait fait l’acquisition d’un immeuble qui
était censé être bénéficiaire d’une servitude particulière, mais dont on
découvre plus tard qu’elle avait déjà pris fin antérieurement à la vente.
b) Nature et étendue des obligations du
notaire envers le tiers
487. Le notaire
doit agir en toute objectivité à l’égard de l’autre partie, qui n’est pas
nécessairement la partie qui a retenu ses services. En effet, en tant qu’officier
public, le notaire ne peut prétendre qu’il est tenu seulement à agir dans l’intérêt
de son client. Au contraire, il a aussi une obligation de renseignement envers
le contractant de son client qui doit être renseigné adéquatement sur le
contenu du contrat qu’il a préparé et sur les conséquences économiques et
financières qui en découlent, et ce, même en l’absence des questions posées par
le contractant tiers. Cette obligation d’agir en toute impartialité est encore
plus importante lorsqu’une partie contractante ne connaît pas les enjeux
encourus par la transaction ou n’est pas en mesure de les connaître sans
assistance.
[Page 191]
488. Selon l’enseignement doctrinal et
jurisprudentiel, le notaire qui prépare
un contrat doit s’assurer que cet acte soit représentatif des intentions des
parties, telles qu’exprimées dans le document préparé et accepté par celles-ci
(promesse de contracter, offre, etc.). Ainsi, lorsqu’un tiers accompagne son
partenaire chez le notaire mandaté par celui-ci, ce notaire, en tant que
professionnel et avec la confiance que le public peut légitimement avoir en
lui, ne peut agir seulement dans l’intérêt de son client et ainsi préparer le
contrat ou le document demandé sans tenir compte également de l’intérêt de la
partie adverse (tiers). Au contraire, il est tenu à une obligation de
renseignement envers ce tiers sur le contenu du document préparé, même lorsque
cette préparation a eu lieu à la demande de son client.
489. Il est déjà reconnu par la jurisprudence et la doctrine que le notaire
instrumentant doit conseiller toutes les parties à l’acte, même si une seule d’entre
elles est sa cliente. Ce devoir de conseil
est forcément obligatoire lorsque l’autre partie n’est pas représentée par un
conseiller juridique et devient crucial
lorsque cette dernière est dans une situation de vulnérabilité.
Les tribunaux tiennent donc compte de l’expertise, de la personnalité et du
soutien dont bénéficie la partie tierce pour évaluer la portée du devoir de
conseil du notaire.
490. Le notaire doit également agir avec impartialité et honnêteté en
veillant à ce que l’acte reflète les volontés de toutes les parties.
Il est tenu à une obligation positive envers celles-ci, qui consiste à fournir
tous les renseignements pertinents et nécessaires à la compréhension du contrat
et à la prise de décision quant à son acceptation, et ce, même si les parties
ne l’ont pas questionné. Il doit ainsi leur
donner des
[Page 192]
explications sur la
nature de l’acte, les conditions de celui-ci, son contenu, ses effets ainsi que
les droits et obligations qui en découlent.
491. De surcroît,
le notaire doit refuser d’instrumenter un acte lorsqu’il sait que cet acte
contient des clauses abusives et inexactes. Il ne peut ainsi s’exonérer en
invoquant le fait que l’autre partie a omis de consulter son propre conseiller
juridique. De plus, en instrumentant l’acte, le notaire manque à son devoir de
diligence en retenant des renseignements pertinents pour l’autre partie. A
fortiori, il manque à son devoir en cas de fausses déclarations.
De même, le paragraphe 8 de l’article 56 du Code de déontologie des notaires
prohibe expressément au notaire l’instrumentation d’actes qu’il sait
frauduleux.
E. Le comptable
1) Portée et étendue des obligations du
comptable
492. Le comptable
assume, en général, dans le cadre de l’exercice de ses activités
professionnelles, des obligations de moyens devant être remplies avec prudence
et diligence. Parmi ces obligations, on peut énumérer l’obligation de
vérification des informations fournies par son client afin de remplir son
mandat de façon adéquate et d’ainsi lui fournir un ouvrage en toute conformité
avec la situation et avec la loi. Il doit également renseigner son client sur
les différentes options qui lui sont offertes par les lois fiscales et les
règlements qui régissent le métier de comptable. Cette obligation de
renseignement peut devenir, dans certains cas, une obligation de conseil qui
consiste à aider le client non seulement dans sa prise de décision concernant
les différentes options qui lui sont offertes, mais aussi sur les conséquences
et les incidences fiscales et économiques pouvant découler de ces options. En d’autres
mots, le comptable ne doit pas se limiter à fournir les renseignements
appropriés sur les différentes options, mais il doit orienter son client dans
sa prise de sa décision afin que ce dernier choisisse, en toute connaissance de
cause, l’option pouvant lui générer les moindres risques et incidences néfastes
sur le plan fiscal et économique.
493. En général, à
l’instar des autres professionnels exerçant une profession libérale, le
comptable sera responsable envers son client des conséquences de la faute
commise dans l’exécution de son contrat. À titre d’illustration, le comptable
qui omet d’aviser son client des
[Page 193]
conséquences fiscales
et des répercussions économiques d’une éventuelle faillite de son entreprise
commet une faute professionnelle engageant sa responsabilité. Il sera alors
tenu à des dommages-intérêts pour le préjudice subi et qui découle directement
de sa faute. Il importe toutefois de noter que l’intensité de cette obligation
de conseil est tributaire des connaissances et de l’expérience du client en la
matière et varie selon ces dernières.
494. Dans certains
cas, le comptable peut se voir tenu à une obligation de résultat lors de l’exécution de son mandat. En effet, il doit
fournir ses prestations et accomplir ses tâches en toute conformité avec la loi
et les règlements qui régissent l’exercice de sa profession. À défaut de se
conformer à ces règles, il peut engager sa responsabilité pour le préjudice
subi par son client et qui est la conséquence directe de ce défaut de
conformité. Lorsque le mandat reçu vise la réalisation d’un ouvrage tel que les
états financiers de l’entreprise de son client, il est tenu à une obligation de
résultat quant à la qualité et à la conformité de cet ouvrage aux règles de l’art
de son métier et aux normes régissant leur préparation. Le seul moyen pour s’exonérer
de sa responsabilité sera la démonstration que l’erreur commise est due aux
données erronées fournies par le client alors que le comptable ne pouvait pas
faire la vérification de leur exactitude. En dehors de cette situation, il sera
difficile de se dégager de sa responsabilité pour l’erreur commise dans la
préparation de son ouvrage. Il ne peut ainsi invoquer, comme moyen d’exonération
de responsabilité, le fait qu’il a dû se conformer aux instructions de son
client lors de la préparation des états financiers de son entreprise. En tant
que professionnel, il doit remplir ses tâches en toute objectivité et
conformément aux normes connues dans l’exercice de son métier. Son défaut de le
faire risque d’engager aussi sa responsabilité extracontractuelle envers les
tiers ayant subi un préjudice suite à la consultation de ces documents.
2) Responsabilité du comptable envers le
tiers
495. Le comptable,
en tant que prestataire de services, peut non seulement engager sa
responsabilité contractuelle envers son client pour une faute commise lors de l’exécution
de ses prestations, mais aussi envers le tiers qui subit également un préjudice
causé par la même faute. Ainsi, l’erreur commise dans la préparation des états
financiers de l’entreprise risque aussi d’engager la responsabilité
extracontractuelle du comptable à l’égard des tiers. Cela dit, la faute
contractuelle dans la préparation des états financiers peut aussi être
considérée comme une faute extracontractuelle à l’égard des actionnaires et
créanciers actuels ou
[Page 194]
futurs, qui pourraient se fier sur ces états financiers
pour faire des transactions, que
ce soit avec l’entreprise ou avec un actionnaire.
496. Cette
responsabilité du comptable envers le tiers découle du fait que les comptables
ont la connaissance de l’usage potentiel des états financiers par des tiers et
que la confiance du public envers cette profession le justifie.
Le principe de l’effet relatif du contrat ne peut être invoqué par le comptable
comme moyen de défense à l’encontre d’une action en responsabilité extracontractuelle
intentée par un tiers qui s’est fié aux états financiers dans la prise de sa
décision, laquelle consistait à investir dans l’entreprise ou bien à accorder
un prêt d’argent à celle-ci.
497. Le tiers peut également se fier aux états financiers pour transiger
avec un actionnaire de l’entreprise. Dans certains cas, la responsabilité du
comptable peut être plus étendue lorsqu’il a eu connaissance de son erreur dans
les états financiers, mais a choisi de ne pas la divulguer aux administrateurs
et actionnaires de l’entreprise, afin que ces derniers prennent des mesures
nécessaires pour se protéger et aussi en aviser le tiers.
F. L’inspecteur préachat
1) Le
contrat d’inspection préachat
a) Nature et qualification du contrat
498. Le contrat d’inspection
préachat qui lie l’inspecteur à un acheteur potentiel est un contrat de
prestation de services au sens de l’article 2098 C.c.Q.. Il faut donc écarter l’idée
voulant que ce contrat soit considéré comme un contrat de mandat au sens de l’article
2130 C.c.Q. Contrairement au mandataire qui agit en tant que représentant pour
son client, dans l’accomplissement d’une affaire avec un tiers et selon ses
instructions et dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés par ce
dernier, l’inspecteur préachat ne se trouve pas dans la même situation
factuelle et juridique. En effet, il n’agit pas réellement au nom de son
client, mais bien pour son compte sans
[Page 195]
toutefois se mêler ou
faire de l’ingérence dans les négociations ou la conclusion du contrat de vente.
499. Le contrat d’inspection préachat peut être un contrat d’adhésion (art. 1379 C.c.Q.) lorsque ses stipulations
principales ont été imposées par l’une des parties sans toutefois permettre à l’autre
de modifier ou d’ajouter des clauses qui lui sont favorables. La pratique
révèle que ce contrat est souvent un contrat type, rédigé à l’avance par l’inspecteur
ou préparé pour son compte dont les clauses essentielles ne sont pas
négociables. D’autre part, le contrat peut en être un de consommation lorsqu’il
intervient entre un inspecteur et un client voulant acquérir une résidence
(art. 1384 C.c.Q.).
500. Le contrat de l’inspection n’est régi par aucune disposition ou
réglementation spécifique. Il s’agit toutefois d’un
contrat de prestation de services assujetti à l’application des dispositions
prévues aux articles 2098 C.c.Q.
et suivants. Bien qu’il ait déjà fait l’objet d’une jurisprudence
abondante, le rapport contractuel entre l’inspecteur et
son client, ainsi que l’objectif et l’étendue de l’inspection continuent de
soulever des questions controversées en raison du fait que le tribunal doit
toujours évaluer et déterminer la responsabilité de l’inspecteur à la lumière
des faits et des circonstances qui varient selon le cas en question. Ainsi, le tribunal saisi d’une action
en responsabilité doit tenir compte des faits qui sont propres au cas en l’espèce
afin de déterminer d’abord si l’inspecteur avait commis une faute selon les
critères et les règles applicables généralement aux obligations de moyens et
ensuite d’évaluer l’étendue de sa responsabilité selon les règles du régime d’indemnisation
en matière contractuelle.
501. Enfin, il importe de souligner que l’Association des inspecteurs en
bâtiment du Québec a déjà élaboré des normes de pratique auxquelles tous ses
membres sont assujettis. Bien que ces normes ne soient pas contraignantes pour
les tribunaux, il arrive que certains juges les prennent en considération afin
de déterminer si l’inspecteur a bien exécuté ses obligations.
[Page 196]
i) Clause d’exclusion ou limitative de responsabilité
502. La qualification et la détermination de la nature du contrat peuvent
avoir une incidence sur la validité d’une clause limitant la responsabilité de
l’inspecteur. Ainsi, dans le cas d’un contrat qualifié d’adhésion ou de
consommation, le tribunal peut déclarer nulle une clause d’exclusion ou
limitative de responsabilité si la preuve démontre son caractère déraisonnable
ou abusif en vertu de l’article 1437 C.c.Q. Lors de son évaluation, le tribunal
peut prendre en considération la nature de l’obligation de l’inspecteur qui en
est une de moyens l’obligeant à agir comme un professionnel raisonnablement
prudent et diligent. En effet, il est
inacceptable que ce dernier cherche à limiter ou à exclure sa responsabilité
pour une faute commise dans l’exécution d’une obligation de moyens. Une telle
clause revient à le libérer de son obligation essentielle qui est la
considération principale et la raison pour laquelle le client a accepté de
conclure le contrat de service avec lui. En d’autres termes, cette clause aura
pour effet de rendre non seulement l’obligation du client sans cause, mais
aussi le contrat sans cause qui justifie sa conclusion. Dans cette optique, la
clause d’exclusion de responsabilité doit être déclarée nulle même dans le cas
d’un contrat conclu de gré.
503. Dans le cas d’un contrat de consommation, l’article 10 de la Loi sur la protection du
consommateur interdit toute stipulation ayant pour but de permettre à un
commerçant de se dégager des conséquences de son fait personnel ou de celui de
son représentant. Cet article donne donc
au tribunal le pouvoir de déclarer nulle la clause qui limite ou exclut la
responsabilité de l’inspecteur pour la faute commise lors de l’exécution de son
inspection. L’article 1474 C.c.Q.
peut aussi trouver application lorsque l’inspecteur préachat commet une faute
intentionnelle ou lourde qui dénote une imprudence ou une négligence grossière
rendant ainsi la clause d’exclusion ou de limitation de responsabilité inopérante,
et ce, même en présence d’un contrat de libre discussion.
ii) Contrat conclu avec une firme
spécialisée
504. Lorsque le
contrat de prestation de services n’intervient pas directement entre le client
et l’inspecteur qui se présente sur les lieux, mais avec une firme spécialisée
en inspection, la responsabilité de cet
[Page 197]
inspecteur ne peut être
retenue à moins que le client ne démontre qu’il a commis à son égard une faute
extracontractuelle. L’absence de lien de droit entre le client et l’inspecteur
vient limiter la portée de la responsabilité personnelle de ce dernier.
Dans ce cas, le client dispose d’un recours contractuel contre son
cocontractant, la firme spécialisée.
505. Il faut
toutefois souligner que certains inspecteurs exercent leur activité
individuellement par l’entremise d’une société par actions. Bien qu’il fasse
signer le contrat de service au nom de sa compagnie, l’inspecteur se présente
au client, dans la majorité des cas, en tant que professionnel étant lui-même l’inspecteur
qui veille à effectuer l’inspection. Ainsi, une relation directe s’établit
entre ce dernier et le client, de sorte que celui-ci peut être sous l’impression
qu’il fait affaire avec l’inspecteur individuellement et non pas avec sa
compagnie. Cette impression est souvent renforcée par les comportements de l’inspecteur
qui laissent croire à une relation directe entre lui et le client. Il en est
ainsi lorsqu’il signe le rapport d’inspection personnellement et non pas en
tant que représentant de la société, ou lorsqu’il indique sur l’attestation d’inspection
qu’il était l’inspecteur. À cela s’ajoutent certaines déclarations verbales
faites par l’inspecteur personnellement pour fournir au client certaines
assurances quant à ses constatations et à ses observations de l’état de l’immeuble.
506. Il importe
donc de faire la distinction entre une firme de professionnels qui regroupe
plusieurs inspecteurs et l’exercice de l’activité professionnelle par une
personne de façon individuelle. Dans ce dernier cas, le fait d’incorporer une
société ne peut changer la nature de l’activité professionnelle et de la
véritable relation, puisque ce n’est pas la personne morale qui a la
connaissance, l’expérience et la compétence dans le domaine de l’inspection de
préachat, mais plutôt l’individu. L’incorporation, qui se fait souvent à des
fins fiscales, ne doit pas modifier le véritable rapport contractuel qui lie le
professionnel et le client.
507. Quoi qu’il en
soit, que l’inspecteur ayant effectué l’inspection fasse partie d’une firme
regroupant plusieurs inspecteurs ou qu’il exerce son métier par l’entremise d’une
société, la faute commise lors de l’inspection ou lors de la rédaction du
rapport d’inspection demeure une faute personnelle devant engager la
responsabilité professionnelle de son auteur. À cela s’ajoute le fait que la
personne morale utilisée comme véhicule par l’inspecteur ou les inspecteurs
pour exercer leur profession ne possède souvent aucun actif et que, en cas de
sa condamnation par la Cour à payer une indemnité pour les dommages causés par
la faute de
[Page 198]
l’inspecteur, ce
dernier procédera à la fermeture
ou à la faillite de sa société, empêchant ainsi le client de recevoir
la compensation accordée par la Cour. De plus, l’inspecteur
auteur de la faute ayant causé préjudice au client remplace souvent sa société
par une nouvelle corporation, afin de reprendre ses activités par l’entremise
de celle-ci. C’est pourquoi il faut avoir à l’esprit que l’utilisation d’une
personne morale pour exercer une activité professionnelle ne doit pas être un
moyen pour permettre à un professionnel d’échapper à sa responsabilité civile
pour les dommages causés par sa faute. Les principes de l’équité et de la
justice contractuelle militent pour une condamnation personnelle de l’inspecteur
préachat qui est en réalité le prestataire de services et l’auteur de la faute
dommageable.
2) Nature et
étendue des obligations de l’inspecteur préachat
a) Obligation de moyens
508. Le contrat
conclu entre l’acheteur potentiel et l’inspecteur préachat est un contrat de
prestation de services, qui oblige ce dernier à remplir ses obligations avec
diligence et prudence en agissant en tout temps au mieux des intérêts de son
client conformément à l’article
2100 C.c.Q.. Il se doit d’abord de
s’assurer que le service qu’il fournit à son client est conforme au contrat
intervenu entre eux.
509. Quant à l’acheteur,
il doit, suite à la réception du rapport d’inspection préachat, remplir son
devoir de diligence en suivant les recommandations formulées par ce dernier et
prendre au sérieux les mises en garde contenues dans ce rapport d’inspection.
En effet, bien souvent, l’acheteur perd son recours pour vice caché à l’encontre
du vendeur lorsque le rapport de l’inspecteur préachat avait fait état de
toutes les anomalies et les déficiences existantes.
Ainsi, l’acheteur a intérêt à suivre les recommandations contenues dans le
rapport de l’inspecteur, afin de vérifier l’existence d’un vice caché, puisqu’autrement,
son recours en garantie pour vice caché contre le vendeur pourrait être rejeté
par le tribunal.
510. L’inspecteur
doit agir avec prudence et diligence lors de son inspection et doit se
conformer aux usages et règles de son métier. Son inspection n’est cependant
pas une expertise qui exige des vérifications
[Page 199]
approfondies de l’ensemble
de l’état du bien. Elle se limite à un
examen visuel attentif et sérieux qui s’exécute selon les critères applicables
en matière d’obligations de moyens. Cet examen doit être exécuté par l’inspecteur
avec diligence afin de déceler tous vices apparents susceptibles d’affecter ou
de diminuer la valeur de l’immeuble.
511. Bien qu’une certaine jurisprudence soit d’avis que
les obligations de l’inspecteur préachat sont les mêmes que celles de l’acheteur
pour l’application de l’article 1726 C.c.Q., une nuance s’impose quant au critère applicable pour déterminer
si l’obligation de moyens, de prudence et de diligence a été bien remplie. Dans
le cas de l’acheteur, c’est le critère d’une personne raisonnable, alors que
dans le cas de l’inspecteur, c’est le critère d’un professionnel compétent,
faisant la même activité et agissant avec prudence et diligence lors de l’exécution
de ses prestations de services.
512. En d’autres mots, il importe de faire la distinction entre un simple
acheteur et un inspecteur ayant une compétence dans le domaine de l’inspection
des immeubles. Dans ce dernier cas, le critère applicable sera celui d’un
professionnel compétent devant agir de façon prudente et diligente eu égard aux
circonstances et non pas selon le critère de la personne raisonnable qui est,
en fait, un profane dans le domaine d’inspection des immeubles. Le fait que l’inspection
préachat ne constitue pas une expertise approfondie ne justifie aucunement l’idée
de ne pas tenir compte de la connaissance et de l’expertise présumée d’un
inspecteur
[Page 200]
qui offre ses
services en tant que professionnel et non pas en tant que simple individu qui n’exerce
pas la carrière d’un inspecteur.
513. En l’absence d’une stipulation contraire, l’obligation de l’inspecteur préachat ne peut être une
obligation de résultat, car elle se limite à procéder à une inspection
attentive, mais sommaire selon un critère objectif et raisonnable auquel est
tenu un professionnel prudent et diligent qui connaît les règles de l’art de sa
profession. Il s’agit donc d’une
obligation de moyens qui ne l’oblige pas en tant que généraliste à tout
découvrir, mais plutôt à rédiger
un rapport qui mentionne tout problème ou toute anomalie apparente sans que ce rapport
ne soit une garantie ou une police d’assurance.
514. Les
obligations principales de l’inspecteur préachat sont, d’abord, de détecter
lors de son inspection préachat les problèmes potentiels affectant l’immeuble,
soit les vices apparents et les indices de vices. Ses observations doivent être
notées et mentionnées avec précision dans son rapport, afin d’en informer l’acheteur
intéressé et de faire des recommandations au sujet des éléments alarmants qui
exigent une expertise plus poussée. Nous verrons plus en détail dans les deux
prochaines sections l’étendue des obligations de l’inspecteur au moment de l’inspection,
puis au moment de la rédaction de son rapport écrit ou de la présentation de
son rapport verbal à l’acheteur.
b) La nature et la portée de l’inspection
préachat
515. Le rôle de l’inspecteur préachat est particulièrement important en ce qui concerne la détection de
vices apparents et d’indices de vices, puisque la garantie de qualité de l’article
1726 C.c.Q. ne porte que sur les vices cachés. Cette garantie légale permet à l’acheteur
de tenir responsable le vendeur pour les vices cachés qui affectent l’immeuble.
Cette garantie ne s’étend toutefois pas aux vices apparents. C’est pourquoi l’assistance
d’un inspecteur préachat préalablement à
[Page 201]
l’achat d’un immeuble est utile, afin de s’assurer de la détection de
tous les vices apparents qui ne seront pas couverts par la garantie légale de l’article
1726 C.c.Q.
516. Selon la jurisprudence et la doctrine, l’inspecteur est tenu en principe
à un examen visuel attentif des composantes visibles d’un immeuble. Il n’est
pas obligé de procéder à des ouvertures dans les murs ni de creuser autour des
murs de fondation ou d’enlever la neige pour vérifier l’existence d’un vice
caché. Il ne doit toutefois
pas se contenter de constater partiellement la provenance probable de certaines
irrégularités sans faire de démarches possibles pour confirmer son hypothèse.
517. Dans tous les cas, il doit inspecter tout ce qui est accessible
et qui se trouve à l’intérieur et à l’extérieur de l’immeuble, comme le
toit de l’immeuble. En d’autres mots, il doit inspecter de manière attentive
tout ce qui est à portée de vue afin de pouvoir signaler à l’acheteur potentiel
tous les vices apparents qui affectent le bien en question.
518. Dans certains cas, l’inspecteur devra demander au vendeur de déplacer
certains objets facilement déplaçables, surtout lorsqu’ils se trouvent dans des
lieux susceptibles d’être affectés d’anomalies.
Tel est le cas d’un espace de rangement sous l’escalier bien rempli, mais qui
pourrait révéler une présence de vermiculite. Il pourrait aussi avoir l’obligation
de tasser l’isolation, de faire une perforation à l’aide d’un tournevis dans un
vide sanitaire afin de faire un examen de la fondation d’un immeuble, ou d’ouvrir
le vide sanitaire pour y prendre des photographies, même s’il n’est pas
possible de s’y aventurer. De plus, l’inspecteur
doit piquer les composantes de la structure qui semblent être dans un état de
détérioration avancé.
[Page 202]
519. La possibilité
et la simplicité d’accès à certaines parties du bâtiment comportant un vice de
construction permettent de croire que le vice n’est pas caché, mais apparent.
En d’autres mots, bien que l’inspecteur ne soit pas tenu de démolir ni de
défaire une partie de l’immeuble, il est cependant tenu à une obligation de
procéder à une inspection en profondeur pouvant nécessiter le déplacement des
biens meubles ou une vérification sous un tapis. Il ne peut se contenter de
faire un tour d’horizon visuel afin de satisfaire à ses obligations, mais il
doit plutôt procéder à un examen attentif et sérieux des différentes parties de
l’immeuble.
520. L’inspecteur
doit porter une attention particulière lors de sa vérification si le vendeur
déclare l’existence de certains dommages particuliers suite à un cas de force
majeure. Il manque ainsi à ses obligations en omettant de porter à l’attention
de l’acheteur des vices apparents tels que des fissures visibles à la fondation
ou un plafond calciné.
521. Les parties
peuvent inclure dans leur contrat d’inspection préachat des clauses pouvant
élargir l’étendue et la portée de l’inspection pour ajouter l’obligation de
faire des vérifications plus poussées, notamment l’ouverture des murs. Il est
donc pertinent que le tribunal examine toutes les clauses du contrat de
prestation de services conclu entre l’acheteur et l’inspecteur, et ce, afin de
pouvoir évaluer de façon objective et concrète si l’inspection a été faite
selon les règles de l’art applicables en la matière. Ainsi, les parties peuvent
stipuler que l’inspection sera effectuée par un examen plus approfondi et
exhaustif afin de vérifier tous les éléments qui soulèvent des doutes ou des
soupçons quant à l’existence des problèmes ou des vices cachés.
522. Rappelons
finalement que l’inspecteur ne peut lors de l’exécution de son contrat, se fier
uniquement aux affirmations du vendeur. Au contraire, il doit prendre toutes
les mesures qui lui sont disponibles afin d’offrir à son client un rapport qui
représente de la façon la plus exacte l’état des lieux avant la conclusion de
la vente.
i) Distinction avec l’expertise
523. Il est
important de faire une distinction entre l’expertise et l’inspection préachat.
Contrairement à l’expertise, l’inspection ne constitue pas une garantie d’assurabilité.
Il s’agit plutôt d’un examen attentif,
[Page 203]
mais visuel et sommaire
de l’immeuble, fait dans le but de constater les vices apparents et les
éléments révélateurs des problèmes sérieux qui affectent de façon substantielle
son intégrité, sa solidité ainsi que son utilité.
524. Il ne s’agit pas donc d’une expertise puisque l’inspecteur n’a pas l’obligation
de faire un examen approfondi de l’immeuble. C’est un examen sommaire devant
être fait avec prudence et diligence. Il n’a à rapporter à son client que les
vices apparents et les éléments qui révèlent des risques quant à l’existence
des vices cachés. Il est toutefois
important que l’inspecteur préachat recommande à son client dans son rapport,
lorsqu’il est nécessaire de retenir les services d’un expert qui lui pourra
diriger l’expertise appropriée.
525. En d’autres termes, l’inspection préachat n’est pas une expertise, mais
tout simplement un examen attentif et additionnel fait par une personne
désintéressée, mais ayant une compétence que l’acheteur ne possède pas dans le
domaine. Elle se limite toutefois à un examen des éléments apparents afin de
vérifier si ces éléments révèlent des indices significatifs quant à l’existence
des vices cachés ou des problèmes sérieux nécessitant des réparations.
c) Contenu du rapport d’inspection
526. Les tribunaux ont déjà établi certaines exigences qui doivent être
rencontrées dans le rapport émis par l’inspecteur préachat. L’inspecteur doit d’abord
indiquer tous les vices apparents qu’il a constatés lors de son inspection, qu’ils
soient de caractère majeur ou mineur, et attirer l’attention de son client sur
tous les éléments significatifs quant à l’existence potentielle de vices cachés.
527. En principe, l’inspecteur préachat doit soumettre à son client un
rapport qui contient toutes ses observations quant à l’état de
[Page 204]
l’immeuble, et le cas échéant faire une description claire et précise quant aux problèmes que l’on qualifie
de vices apparents ou d’indices de vices. Le rapport de l’inspecteur doit donc
contenir toutes les recommandations relatives aux constatations observées par
rapport aux normes applicables en la matière, qu’elles soient majeures ou
mineures, et ce dans le but d’alerter le futur acheteur quant aux dangers
potentiels ou aux réparations nécessaires. En effet,
toutes les constatations faites par l’inspecteur préachat lors de l’inspection
pouvant soulever un doute ou pouvant occasionner des conséquences prévisibles
doivent être inscrites dans son rapport d’inspection.
528. Certains problèmes alarmants peuvent être des indices révélateurs de l’existence
des vices cachés. Dans ce cas, l’inspecteur ne doit pas se limiter à les
décrire, mais doit faire des recommandations à son client afin de l’inciter à faire
exécuter des vérifications plus approfondies par un expert spécialisé en ce
genre de problèmes avant de conclure la vente.
L’inspecteur doit référer son client à un expert dès qu’il a un doute quant à l’existence
d’un vice caché. Il doit également,
lorsque les circonstances le justifient, inclure des avertissements clairs et
sans ambiguïté dans son rapport concernant la gravité et l’urgence de la
réparation, ainsi que l’importance de consulter un expert en la matière avant
de conclure la vente.
529. Lorsque l’inspecteur préachat propose lui-même des correctifs à faire
pour pallier les défectuosités qu’il a décelées lors de son inspection, il est susceptible d’engager sa
responsabilité quant à l’efficacité et aux conséquences des correctifs proposés.
530. En général, le rapport de l’inspecteur ne doit pas être ambigu et doit
contenir suffisamment d’explications. Le contenu du
rapport doit être représentatif de la situation dans laquelle se trouve l’immeuble
[Page 205]
au moment de l’inspection
préachat. Ainsi, l’inspecteur ne doit être trop rassurant ni par ses
déclarations verbales ni dans son rapport, ce qui risquerait de susciter un
faux sentiment de sécurité chez l’acheteur potentiel, alors que les faits
relatifs à l’immeuble inspecté devaient l’inciter à rédiger autrement son
rapport d’inspection.
531. Le rapport
peut être verbal ou écrit. Toutefois, l’article 13 de la Norme de pratique
professionnelle pour l’inspection visuelle de bâtiments principalement
résidentiels exige que l’inspecteur remette à son client un rapport écrit.
Il est cependant important de souligner que dans les rares cas où le rapport de
l’inspecteur est verbal, l’inspecteur doit s’assurer que l’acheteur a bien
compris ses remarques et ses recommandations. Il est donc de l’intérêt de l’inspecteur
de communiquer son rapport au client par écrit afin d’indiquer avec précision
toutes ses observations et constatations ainsi que toutes les réserves qu’un
inspecteur diligent et prudent aurait formulées dans de telles circonstances.
3) Responsabilité civile de l’inspecteur
préachat
532. L’inspecteur
préachat peut engager sa responsabilité contractuelle à l’égard de son client,
lorsque cet inspecteur manque à l’une de ses obligations lors de son inspection
ou de la rédaction ou communication de son rapport. La responsabilité de l’inspecteur
pour les réparations des vices ne peut être retenue à moins que l’acheteur ne
fasse la preuve de toutes les conditions requises en matière de responsabilité
contractuelle prévue à l’art. 1458 C.c.Q., soit une faute, un préjudice et un
lien de causalité.
a) La faute
533. Pour établir
qu’il y a eu faute, l’acheteur doit démontrer que l’inspecteur n’a pas rempli
son obligation de moyens et qu’il n’a pas agi de la même façon qu’un autre
professionnel prudent et diligent ayant la même compétence et se trouvant dans
les mêmes circonstances. Afin de mettre en cause la responsabilité de l’inspecteur,
l’acheteur devra établir en preuve que ce dernier n’a pas agi selon les règles
de l’art puisque le vice existait au moment de l’inspection et était visible
pour un inspecteur raisonnablement prudent et diligent. Il suffit de démontrer
qu’un
[Page 206]
inspecteur agissant
selon les normes de sa profession aurait découvert ce vice ou les éléments révélateurs de son existence.
534. L’inspecteur peut engager sa
responsabilité envers l’acheteur pour son défaut de mentionner avec précision
les différents vices apparents, leur gravité, la nature des travaux nécessaires
à leur réparation et le cas échéant la nécessité d’avoir recours à un expert
pour faire une vérification approfondie en raison des indices alarmants quant à
l’existence d’un vice caché. En effet, si l’inspecteur
donne un faux sentiment de sécurité à son client l’acheteur, il risque d’engager
sa responsabilité pour avoir créé cette fausse impression de sécurité, au lieu
de remplir ses obligations avec prudence et diligence en éclairant l’acheteur sur l’état réel de l’immeuble.
535. L’inspecteur
préachat n’engagera cependant pas sa responsabilité si la découverte d’un vice
caché est faite après la vente, puisque ses obligations lors de l’inspection ne
comportent pas la découverte de ce type de vice en l’absence d’indices
révélateurs de son existence. Ainsi, afin d’évaluer si l’inspecteur a bien
exécuté ses obligations, le tribunal devra d’abord déterminer selon les faits
établis en preuve si le vice en question était apparent ou caché lors de l’inspection.
536. La Cour suprême, dans l’arrêt ABB Inc. c. Domtar Inc., a décidé que le
vice peut être caché lorsqu’il est objectivement difficile à déceler pour un
inspecteur compétent. Rappelons que la jurisprudence et la doctrine ont ainsi
établi cinq critères nécessaires à la mise en application
de la garantie pour vice caché au sens de l’article 1726 C.c.Q. : le vice doit être caché, doit être suffisamment grave pour causer un
déficit d’usage de la propriété, doit exister au moment de l’achat de l’immeuble,
et doit être inconnu de l’acheteur au moment de la vente.
En conséquence, en l’absence d’indices révélateurs, les vices qui échappent à
un
[Page 207]
examen visuel attentif
fait par un inspecteur prudent et diligent ne tombent pas sous sa
responsabilité, car il appartient au
vendeur de l’immeuble d’en assumer la responsabilité envers l’acheteur en vertu
de la garantie légale prévue à l’article 1726 C.c.Q..
537. Les vices
apparents, c’est-à-dire les vices qu’un acheteur prudent et diligent pourrait
détecter, ne tombent pas sous la garantie légale, et l’acheteur ne dispose donc
d’aucun recours contre le vendeur après la finalisation de la vente. Cette
réalité juridique rend la tâche de l’inspecteur préachat très importante, car
il doit à la fois indiquer de façon claire et précise les vices qui affectent l’immeuble
et leur gravité, mais surtout la nécessité et les coûts de leur réparation. Il
doit également détecter les indices révélateurs de l’existence d’un vice caché
et faire les recommandations appropriées à son client pour que celui-ci
effectue les vérifications requises avant de conclure la vente, ce qui permet
au client de prendre la décision qui lui convient au sujet de l’acquisition de
l’immeuble et de la négociation d’une réduction du prix. Le défaut de l’inspecteur
préachat de remplir son obligation pourrait engager sa responsabilité envers l’acheteur.
i) Preuve de la faute
538. La preuve de
la faute de l’inspecteur se fait souvent par la production d’un rapport d’expertise
démontrant les faits et les éléments relatifs à l’état de l’immeuble, mais que
l’inspecteur préachat a fait défaut de mentionner dans son rapport d’inspection.
La preuve peut également se faire par une comparaison entre le contenu du
rapport de l’inspecteur et des documents décrivant les normes de pratique
fournis par l’Association des inspecteurs en bâtiment du Québec.
539. Lors de l’examen
du rapport de l’inspecteur préachat, le tribunal doit prendre en considération tous les commentaires contenus dans ce
rapport afin de pouvoir évaluer s’il a commis une faute dans l’exécution de son
contrat. L’importance de la transaction et l’âge de l’immeuble sont également
des facteurs à considérer par le tribunal lors de l’évaluation de la
responsabilité de l’inspecteur. En présence d’une transaction importante ou d’un
immeuble âgé, l’obligation de
[Page 208]
l’inspecteur d’agir
avec prudence et diligence devient plus
intense de sorte qu’il doit faire beaucoup plus attention
afin de vérifier de façon plus adéquate les éléments reliés à ces facteurs.
Dans de telles circonstances, il doit noter tous les problèmes ou toutes les
défectuosités pouvant influencer la décision de l’acheteur quant à l’acquisition
ou non de l’immeuble ou au prix à offrir pour son acquisition.
ii) Cas d’illustration
540. La présence de vermicule ne peut être découverte par un examen visuel.
Ainsi, l’acheteur qui découvre la présence de vermiculite contenant de l’amiante
alors que l’inspecteur n’a rien mentionné dans son rapport à ce sujet ne commet
pas une faute pouvant engager sa responsabilité.
Il importe toutefois de rappeler que si l’inspecteur se prononce sur une
question qui est en dehors de son champ d’expertise, telle que la présente de
vermicule ou d’amiante, et que ses affirmations trompeuses créent un faux
sentiment de sécurité chez l’acheteur, l’inspecteur peut tout de même engager
sa responsabilité pour le préjudice qui en découle.
541. L’inspecteur qui omet de mentionner que des tuyaux de salle de bain
visibles ne sont pas conformes commet une faute professionnelle puisqu’il s’agit
d’un vice apparent alors qu’il a l’obligation d’informer adéquatement son
client de ce fait. Il en est de même
lorsque l’inspecteur ne signale pas à l’acheteur que le coffret de branchement
électrique n’est pas situé dans un endroit conforme selon le Code du
bâtiment.
542. Notons que dans l’affaire Fournier c. Blanchard,
le tribunal a laissé l’inspecteur
payer ses frais de justice en concluant que même si celui-ci n’avait pas commis
de faute, il aurait pu faire davantage preuve d’initiative et de
professionnalisme. Dans une autre affaire, c’est plutôt l’omission de l’inspecteur
préachat d’interroger le vendeur sur les réparations effectuées sur l’immeuble
par le passé qui auraient
[Page 209]
pu éclairer l’acheteur
quant à la possibilité de la présence de vices qui a été considérée comme une
faute, engageant la responsabilité de l’inspecteur préachat.
b) Le préjudice
543. Le manquement
de l’inspecteur préachat à l’une de ses obligations engage sa responsabilité uniquement lorsque ce manquement a causé un
préjudice à l’acheteur. En effet, il ne faut pas conclure que le défaut de
mentionner un problème apparent engage de façon systématique la responsabilité
de l’inspecteur, si la preuve n’est pas faite que l’acheteur en a subi un
préjudice pécuniaire ou non pécuniaire.
544. Il importe de
souligner cependant que la responsabilité de l’inspecteur peut être justifiée
par le fait que le défaut de mentionner dans son rapport d’inspection les
problèmes visibles ou les éléments révélateurs de l’existence des vices a
empêché l’acheteur de négocier différemment le prix de l’immeuble avant la
réalisation de la vente et ainsi d’obtenir une réduction de prix.
545. La
jurisprudence a déjà reconnu à maintes reprises la théorie de la perte de
chance, qui justifie l’attribution d’une indemnité pour la perte d’une
possibilité d’obtenir des avantages en diminution du prix ou en réalisation des
revenus ou encore en raison d’un acte fautif qui empêche le demandeur de
réaliser ses projets. Ainsi, dans le cas de l’inspecteur préachat, l’acheteur doit
démontrer que n’eût été la faute de l’inspecteur, les acheteurs auraient
probablement obtenu par la négociation une diminution du prix de vente de l’immeuble d’un montant équivalent au coût des
travaux à effectuer sur l’immeuble. Il n’y a pas lieu de tenir
compte de la dépréciation.
546. L’acheteur
pourrait également démontrer qu’il aurait refusé de conclure la vente compte
tenu de la gravité des problèmes affectant l’immeuble et des coûts des travaux
requis s’il avait connu ces problèmes à temps.
Dans tous les cas, il sera utile pour l’acheteur de démontrer que les problèmes
graves et sérieux que l’inspecteur a omis de détecter ou de mentionner de façon
claire et précise nécessitent des réparations majeures.
[Page 210]
c) Le lien de causalité
547. Il est
nécessaire de faire la preuve du lien de causalité entre la faute reprochée à l’inspecteur
et le préjudice subi par l’acheteur. En l’absence d’une telle preuve, la
responsabilité de l’inspecteur ne pourra être retenue. Ainsi, la simple
découverte d’une défectuosité quelque temps après l’inspection sans qu’un lien
suffisant soit démontré entre le travail de l’inspecteur et cette défectuosité
doit être considérée comme un facteur important permettant le rejet de l’action
contre ce dernier, surtout en l’absence en preuve d’indices alarmants lors de l’inspection
et depuis ce temps.
d) Le partage de responsabilité
i) Comportement de l’acheteur suite à l’inspection
548. Rappelons que
dans la mesure où le rapport d’inspection contient une mention relative à un
problème ou à une anomalie affectant l’immeuble, l’inspecteur ne peut être tenu
responsable pour ce problème. Le fait que le rapport fasse état des indices
révélateurs de l’existence d’un vice caché libère l’inspecteur de toute
responsabilité lorsqu’il recommande expressément à son client de consulter un
expert pour vérifier par des moyens efficaces et de façon approfondie l’état de
l’immeuble. Ainsi, il ne peut être tenu responsable si le client omet de suivre
ses recommandations et de retenir les services d’un expert spécialisé pour
vérifier de façon plus approfondie l’existence d’un vice caché.
549. Le tribunal,
lors de son appréciation de la preuve visant à déterminer la responsabilité de
l’inspecteur préachat, doit garder à l’esprit que le rapport de ce dernier ne
doit pas être considéré comme une garantie ou une police d’assurance pour l’acheteur
quant à l’absence d’un vice caché. Il doit aussi tenir compte de la conduite du
vendeur lors des visites de l’immeuble par l’acheteur et lors de son inspection
par l’inspecteur. Ainsi, une conduite non conforme aux exigences de la bonne
foi justifie une conclusion mitigée quant à la responsabilité de l’inspecteur.
550. Lors de l’évaluation
des dommages résultant de l’acte fautif de l’inspecteur, le tribunal peut
prendre en considération la réaction de l’acheteur si le rapport d’inspection
avait été rempli d’une manière adéquate. Pour ce faire,
le juge se repositionne au moment fictif de la
[Page 211]
probable décision de l’acheteur
s’il avait été adéquatement informé par l’inspecteur.
Il serait plausible de questionner l’attitude que l’acheteur aurait adoptée en
apprenant que l’immeuble était affecté de vices ou de défectuosités faisant l’objet
de l’action en responsabilité. À la lumière de l’ensemble
des faits établis en preuve, le tribunal peut tirer une présomption que l’acheteur
aurait négocié avec le vendeur afin de réduire le prix de vente pour un montant
qui correspond aux coûts nécessaires à la réparation des vices dénoncés.
En s’interrogeant sur cette question, il peut donc évaluer la valeur des
dommages pouvant résulter du manquement de l’inspecteur préachat d’agir avec
prudence et diligence lors de l’inspection et de lui permettre d’être indemnisé
pour la totalité des dommages découlant directement des problèmes non repérés
par l’inspecteur.
551. Enfin, l’inspecteur
ne peut être tenu responsable lorsque c’est l’acheteur qui n’a pas agi de façon
prudente et diligente en fermant les yeux sur les éléments alarmants, les mises
en garde et les recommandations contenues dans le rapport d’inspection.
Dans de telles circonstances, il ne sera pas possible d’invoquer la
responsabilité de l’inspecteur, car ce dernier avait bel et bien exécuté son
obligation de moyens. Il appartient à l’acheteur d’agir en toute diligence dans
telles circonstances et de suivre les recommandations et mises en garde émises
par l’inspecteur préachat. Le défaut par l’acheteur d’agir ainsi pourra être un
moyen valable de défense permettant de rejeter son recours en responsabilité
contre l’inspecteur préachat.
552. Dans certains
cas, la responsabilité de l’inspecteur préachat et celle de l’acheteur peuvent
être toutes deux retenues en présence d’une faute contributive de la part de ce
dernier. La notion de faute contributive peut s’appliquer à un contrat de
prestation de services, notamment au contrat intervenu entre l’inspecteur et l’acheteur.
Ainsi, un inspecteur ayant commis une faute lors de l’inspection en omettant de
faire une vérification essentielle et en n’informant pas suffisamment l’acheteur
en raison de cette omission verra sa responsabilité retenue pour les dommages
subis par ce dernier. Il arrive que bien que le rapport
[Page 212]
d’inspecteur ne révèle
pas tous les problèmes qui affectent l’immeuble, l’acheteur puisse se voir
attribuer une partie de responsabilité pour son défaut de suivre les
recommandations contenues dans ce rapport, ce qui aurait pu éviter au moins une
partie des dommages subis.
553. Le partage de
responsabilité pour le préjudice subi est une question de fait et de droit, et
il appartient au tribunal d’en faire l’évaluation et de déterminer ainsi si les
deux parties, à savoir l’inspecteur préachat et l’acheteur, ont commis chacune
une faute pouvant être la cause directe du dommage subi. À titre d’illustration,
le rapport d’inspection faisant état des éléments alarmants quant aux
conditions de l’immeuble peut être considéré comme incomplet si l’inspecteur n’y
inscrit aucune recommandation ou suggestion claire et précise à l’acheteur qui
inciterait celui-ci à retenir les services d’un expert spécialiste afin de
vérifier, avant l’acquisition de l’immeuble, l’existence d’un possible vice. Ce
défaut par l’inspecteur constitue un manquement à son devoir de conseil.
Cependant, le tribunal peut, compte tenu de l’expérience et de la connaissance
de l’acheteur, prendre en considération que les éléments alarmants mentionnés
dans le rapport auraient dû le pousser à se renseigner davantage soit auprès de
l’inspecteur, soit auprès d’un autre expert en la matière.
Dans ce cas, le tribunal pourrait conclure à un partage de responsabilité entre
l’inspecteur et l’acheteur par le préjudice subi.
554. On ne peut
toutefois conclure à la faute commise par l’inspecteur s’il avait agi avec
prudence et diligence, et ce, même s’il n’avait pas mentionné dans son rapport
une anomalie découverte plus tard alors qu’il lui était difficile de l’observer
ou de la constater par un examen attentif et qu’il n’y avait aucun indice ou
élément pouvant soulever des soupçons quant à son existence.
ii) Comportement fautif du vendeur et
responsabilité in solidum
555. La
responsabilité de l’inspecteur peut toutefois être limitée par les agissements
du vendeur. C’est le cas lorsque le vendeur omet de fournir tous les
renseignements concernant l’état de l’immeuble ou lorsqu’il fait une
déclaration rassurante au sujet des vices apparents. Il y aura alors partage de
responsabilité et chacun sera tenu à une part égale dans le montant de l’indemnité,
à moins que la preuve ne permette de conclure à une responsabilité inégale et
proportionnelle à la
[Page 213]
gravité de la faute
commise par chacun d’eux. L’inspecteur peut être
exonéré de toute responsabilité si le vendeur avait agi de mauvaise foi en l’induisant
en erreur avec de fausses représentations ou des renseignements incongrus
ou lorsqu’il avait camouflé des indices révélateurs de vices cachés afin qu’ils
ne soient pas répertoriés dans son rapport d’inspection.
556. Il faut souligner
que la responsabilité du vendeur et de l’inspecteur préachat envers l’acheteur
sera généralement in solidum, de sorte que ce dernier peut obtenir le
paiement total du montant accordé à titre d’indemnité de l’un ou de l’autre
nonobstant la part de responsabilité de chacun d’eux dans le préjudice.
La conclusion à une responsabilité solidaire imparfaite se justifie lorsque la
preuve démontre que si l’un ou l’autre n’avait pas commis la faute reprochée,
le préjudice subi par l’acheteur aurait pu être évité.
Notons à cet effet qu’il est souvent difficile pour l’acheteur d’établir avec
précision la part de responsabilité de l’inspecteur préachat et du vendeur.
e) La prescription
557. L’action en
responsabilité civile contre l’inspecteur préachat se prescrit par trois ans.
Ce délai commence à courir au moment où les trois conditions requises en
matière de responsabilité civile sont réunies et connues par l’acheteur, soit
la faute, le préjudice et le lien de causalité. Lorsque ces trois éléments se
manifestent en même temps, la détermination du point de départ du délai de
prescription ne cause aucun problème. Par contre, lorsque les éléments
constitutifs des conditions requises pour la responsabilité civile ne se
manifestent pas en même temps, la détermination du point de départ du délai de
prescription peut être plus complexe. Rappelons que la détermination du point
de départ du délai de prescription est une question de fait et de droit dont l’appréciation
relève de la discrétion de la Cour.
558. L’article 2880 alinéa 2 C.c.Q. prévoit que le jour où le droit d’action a pris naissance fixe
le point de départ de la prescription
[Page 214]
extinctive. La
jurisprudence interprète que le jour où le droit d’action
a pris naissance est le premier moment où le titulaire du droit aurait pu intenter son recours,
c’est-à-dire lorsque tous les éléments qui sont nécessaires à l’exercice du
recours sont réunis. Au-delà de l’existence des éléments constitutifs du droit
au recours en responsabilité, la personne titulaire de ce droit doit avoir
connaissance de l’existence de ces éléments ou pouvoir raisonnablement en avoir
connaissance.
559. On pourrait également ajouter qu’avant la réunion de tous les éléments
requis à l’exercice de l’action, le titulaire du droit peut être dans l’impossibilité
d’agir, ce qui empêche le délai de prescription de commencer à courir tel que
prévu à l’article 2904 C.c.Q.. La prescription extinctive a pour objectif de
pénaliser l’inaction et la négligence de la personne titulaire d’un droit.
Ainsi, il serait contraire à l’objectif de cette disposition de s’en servir
pour sanctionner une personne titulaire d’un droit ayant intenté avec diligence
son action dès qu’elle a eu connaissance des éléments constitutifs de son droit.
560. La Cour d’appel a déjà conclu en 2014 qu’en matière de responsabilité civile, le moment où le délai de
prescription commence à courir était le premier jour où le titulaire du droit
acquérait une connaissance suffisante d’une faute, d’un dommage et du lien de
causalité qui les unit en faisant preuve de diligence raisonnable dans la
recherche des faits. Ainsi, dans le cas où
l’acheteur recherche la responsabilité de l’inspecteur préachat, le délai de
trois ans commencera donc à courir lorsque l’acheteur aura connaissance de la
faute commise par ce dernier et du préjudice qui en résulte alors qu’il pourra
soupçonner le lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.
[Page 215]
G. Le courtier
1) Le courtier immobilier
a) Notions générales
561. La
pratique de courtage immobilier est strictement
règlementée par certaines dispositions
qui prévoient de nombreuses obligations
devant être remplies par le courtier. Parmi ces
obligations, on peut citer celles qui découlent de la règle de bonne foi prévue
à l’article 1375 C.c.Q. Il doit
ainsi se donner une conduite objective et transparente lors de la formation du
contrat avec son client. Il doit aussi se conformer à la disposition prévue à l’article
2102 C.c.Q., puisque le contrat de courtage immobilier est un contrat de
prestation de services, assujetti aux dispositions prévues aux articles 2098 C.c.Q. et suivants.
562. Le courtier doit également respecter les dispositions des Règles de
déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec
et du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de
courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.
Il importe cependant de noter que le contrat de courtage immobilier n’est
pas régi par la Loi sur la protection du consommateur, qui exclut de l’application
de ses dispositions les actes et les tâches conférés à un courtier et qui sont
régis par la Loi sur le courtage immobilier.
563. Lorsqu’un courtier agit dans le cadre d’un contrat de courtage, il est soumis aux régimes de
responsabilité civile envers son client
[Page 216]
et le tiers acheteur.
Il est tenu à l’obligation d’agir
avec prudence et diligence envers son client ainsi qu’envers le tiers acheteur,
et ce, même s’il était mandaté par le vendeur du bien.
Autrement, sa responsabilité contractuelle pourrait être engagée envers son
client ainsi que sa responsabilité extracontractuelle envers l’acheteur. La
responsabilité du courtier peut ainsi être engagée même lorsqu’il s’agit d’une
omission sans qu’il soit nécessaire de faire la preuve que ce manquement
résulte d’un acte intentionnel ou d’une négligence grossière. Cependant, le
tiers acheteur ne pourra toutefois être indemnisé pour un préjudice qui découle
de sa propre négligence et insouciance.
564. Un manquement déontologique équivaut à une faute civile pouvant engager
la responsabilité du courtier immobilier pour le préjudice subi par son client.
Dans le cas d’un manquement subi par l’acheteur, la responsabilité du courtier
ne peut être engagée à moins que ce manquement constitue une faute
extracontractuelle à l’égard de l’acheteur et qu’un lien de causalité existe
entre cette faute et le préjudice subi. Le fait que le tiers ne fait pas partie
au contrat de courtage ne l’empêche pas de réclamer des dommages-intérêts du
courtier lorsque ce dernier a commis une faute au sens de l’article 1457 C.c.Q..
Cette responsabilité civile du courtier envers le tiers s’accorde avec la jurisprudence récente, qui donne à l’article
1440 C.c.Q. une interprétation restreinte en ce qui concerne le principe
voulant que le contrat « n’a
d’effet qu’entre les parties ».
565. Il est à noter
que lorsque le courtier travaille pour une agence, la responsabilité de
celle-ci peut être aussi engagée conformément à la règle prévue à l’article 1463 C.c.Q. ainsi qu’à l’article 18 de la Loi sur le courtage immobilier qui
traite aussi de la responsabilité du courtier et de son commettant.
b) Nature et étendue des obligations du
courtier immobilier envers son client
566. Le courtier
est considéré comme un expert en matière de vente des immeubles, et il a donc
une obligation de conseil et de
[Page 217]
renseignement à l’égard de son client. Il doit représenter ce dernier adéquatement
dès le début de son mandat, et plus particulièrement durant les négociations de la vente de son immeuble. Il doit ainsi agir au mieux des intérêts de son client et sauvegarder le lien de confiance avec lui afin qu’il soit bien
encadré pendant le processus de vente.
567. Le fait que le courtier soit tenu à des obligations de moyens n’empêche
pas qu’il soit contraint à prendre tous les moyens qui lui sont disponibles
afin d’arriver au résultat souhaité par son client, sans nécessairement
garantir l’obtention de ce résultat. Afin d’évaluer
la responsabilité du courtier immobilier, le tribunal pourrait comparer son
comportement avec celui d’un courtier normalement prudent et diligent dans la
même situation.
i) Obligation de renseignement et de
conseil
568. L’obligation
de renseignement du courtier envers son client découle de l’article 1375 et 2102 C.c.Q., de l’article 28 des
Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers
du Québec, ainsi que de
l’article 5 du Règlement sur
les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des
courtiers et sur la publicité. Également, le courtier peut, dans certaines
circonstances, se voir imposer un devoir de conseil envers son client, puisqu’il
est présumé avoir la connaissance et l’expérience qu’un expert détient dans son
domaine de pratique. La jurisprudence et
la doctrine enseignent que le courtier immobilier a une obligation de conseil
envers son client, de sorte qu’il ne doit pas se contenter de lui communiquer
des informations pertinentes aux démarches à suivre durant le processus de
vente, mais qu’il doit aussi s’assurer que son client a bien saisi la nature et
le sens de ces informations, lui permettant ainsi de prendre la décision
appropriée.
569. L’obligation d’agir avec transparence oblige le courtier à accomplir
son mandat pour son client en toute bonne foi et loyauté.
Ainsi, les informations fournies par le courtier doivent non seulement se
[Page 218]
révéler véridiques,
mais elles doivent être accompagnées de toutes recommandations pertinentes pour
permettre à son client d’être en mesure de prendre les bonnes décisions quant à
la conclusion de la vente ainsi qu’à son contenu et son exécution, compte tenu
de son degré d’expertise.
570. Il faut noter
que le courtier ne doit pas faire preuve de réticence quant à son devoir de
conseil ou de renseignement. La réticence peut être considérée comme un dol ou
être interprétée comme une volonté de la part du courtier d’induire son client
en erreur en cachant un élément d’information qui l’aurait influencé dans sa
prise de décision de conclure ou non le contrat. Le fait que le courtier n’était
pas conscient du fait que l’élément non divulgué avait une importance pour le
client dans la prise de décision de conclure ou non le contrat ne doit pas être
un facteur permettant de déterminer l’existence ou non de sa réticence.
571. Le tribunal
doit éviter l’application d’un critère subjectif lors de son évaluation du
manquement du courtier à son obligation de bonne foi, notamment à son
obligation de renseignement, que ce soit envers son client le vendeur ou envers
l’acheteur. Pour évaluer s’il y a un manquement à cette obligation, ou si le
courtier a fait preuve de réticence, il faut appliquer un critère objectif,
soit celui d’un courtier prudent et diligent ayant à sa disposition des
informations devant être divulguées à la personne intéressée à conclure le
contrat envisagé. C’est en faisant cette évaluation objective qu’on peut
conclure à la réticence du courtier ou au manquement à son obligation de
renseignement. Cependant, rien n’empêche le tribunal de prendre en
considération certains éléments subjectifs lors de son évaluation de la gravité
de la faute du courtier; la présence d’une volonté de tromper peut notamment
être nécessaire à la conclusion d’une manœuvre dolosive. Enfin, le tribunal
peut aussi tenir compte du fait que le client a l’obligation de s’informer
conformément à la norme d’un acheteur raisonnablement prudent et diligent.
Ainsi, si l’information est connue, ou est facilement accessible, la
responsabilité du courtier ne peut être retenue.
– Cas d’une vente sans
garantie légale
572. Dans le cas d’une
vente sans garantie légale, le devoir de conseil du courtier peut impliquer l’obligation
de recommander à son client-acheteur les services d’un inspecteur afin d’effectuer
une inspection préachat permettant de vérifier l’état et les conditions dans
lesquels
[Page 219]
se retrouve l’immeuble.
Soulignons que cette obligation ne sera pas imposée au courtier dans tous les cas, car l’intensité du devoir de conseil du courtier doit être
modulée en fonction des circonstances particulières de chaque cas, notamment en
fonction de l’expérience et de la connaissance de l’acheteur dans le domaine
immobilier.
ii) Obligation d’agir dans l’intérêt de son client
573. Le client retient souvent
les services d’un courtier en raison de son expérience, de sa
connaissance et de ses contacts dans le domaine. Bien que le courtier soit tenu
en général à des obligations de moyens, le défaut de remplir l’une d’elles
pourrait engager sa responsabilité. En effet, ses tâches ne se limitent pas à
installer une pancarte devant la propriété, à publier des annonces dans un
journal afin d’informer les acheteurs potentiels sur l’immeuble mis en vente ou
à le faire visiter par ces derniers, mais s’étendent à d’autres obligations
pouvant être essentielles pour le client.
574. En effet, quelle que soit la nature de ses obligations, le courtier se
doit d’agir au mieux des intérêts de son client et éviter les conflits d’intérêts.
Il doit l’informer des facteurs pouvant affecter la transaction envisagée et
les droits et obligations qui découlent des documents à être signés avec l’acheteur
potentiel. Il doit lui donner de
façon objective les conseils et les recommandations nécessaires et qui s’accordent
avec son intérêt, sans exagération, dissimulation ou fausse déclaration. Il ne
doit pas favoriser ses intérêts au détriment de ceux de son client et plus
particulièrement, il ne doit pas chercher à obtenir une commission
déraisonnable. Dès le début de son
mandat, il doit conseiller à son client de communiquer toute information relative
à son titre de propriété ou à l’état de l’immeuble, et ainsi procéder à la
vérification de leur exactitude. Il doit l’assister et lui fournir toute aide
lors des négociations des conditions de vente, compte tenu des circonstances et de l’offre faite par un
acheteur intéressé.
575. Enfin, l’étendue et la portée de la responsabilité du courtier
inscripteur envers l’acheteur demeurent limitées par les obligations qu’il doit
respecter envers son client, le vendeur. À titre d’exemple, un
[Page 220]
agent immobilier
engage sa responsabilité envers
son client lorsqu’il communique à des
acheteurs intéressés par l’immeuble
des informations sur la situation financière précaire du vendeur alors que ces informations
n’ont aucune pertinence quant à la qualité ou l’état de l’immeuble,
mais causent un préjudice à ce dernier, l’empêchant ainsi d’obtenir un prix
correspondant à la juste valeur marchande de son immeuble.
Dans ce cas, le courtier ne pourra invoquer son obligation de renseignement
envers l’acheteur pour échapper à sa responsabilité envers son client. De même,
le courtier immobilier engage sa responsabilité lorsqu’il révèle au courtier
collaborateur de l’information stratégique obtenue de son client quant à son
intention de régler le différend survenu avec l’acheteur et le montant qu’il
accepte de payer pour ce règlement.
– Conflit d’intérêts
576. Le courtier immobilier a l’obligation d’éviter toute situation
potentielle de conflit d’intérêts entre les différents acteurs intervenant dans
la vente de l’immeuble faisant l’objet de son contrat. Il doit divulguer tout
conflit à son client et au cocontractant, en vertu de son devoir général de
renseignement et de la règle prévue à l’article 21 de la Loi sur le courtage
immobilier.
577. Le processus
de divulgation d’un intérêt direct ou indirect d’un courtier dans une vente est
établi plus précisément à l’article 18 du Règlement sur les conditions d’exercice
d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la
publicité. Cet article
prévoit que le courtier, qu’il soit ou non dans l’exercice de ses fonctions,
doit transmettre un avis écrit dénonçant la nature de l’intérêt direct ou indirect qu’il possède dans l’immeuble au
cocontractant avant la signature du contrat de vente final. Si le courtier omet
d’envoyer cet avis, la personne qui devait le recevoir peut se retirer de toute
offre ou promesse, et ce, sans aucune pénalité, tant que le contrat de vente
final n’a pas été signé par les parties.
578. Il importe de noter que le promettant-acheteur qui se prévaut de cette
règle n’aura pas à justifier son retrait par un motif autre que l’intérêt
direct ou indirect du courtier dans l’immeuble faisant l’objet de la vente et
de l’absence de réception d’un avis formel. Ce régime particulier
[Page 221]
déroge à la règle générale prévue à l’article 1419 C.c.Q. concernant la nullité relative, de sorte que l’une ou l’autre des parties à la promesse peut s’en prévaloir
dépendamment de la situation. De plus, le courtier impliqué et son client ne peuvent réclamer aucune indemnité au promettant-acheteur qui s’est prévalu de ce droit ni même exercer
une action en passation de titre.
579. Lorsque
le courtier est lié par contrat à un acheteur qui souhaite
acquérir une maison appartenant à un membre de la famille du courtier, il est légitime
de présumer l’existence d’un intérêt indirect entre le courtier et sa parenté, même en l’absence d’intérêt pécuniaire particulier.
Il y a également apparence d’un conflit d’intérêts lorsque le courtier et le
vendeur ont un lien de parenté. Dans un tel cas, le courtier a alors un devoir de transparence
envers son client et doit divulguer la nature du lien qui l’unit au vendeur.
Autrement, l’absence de transparence constitue un manquement à l’éthique et à l’obligation de renseigner qui
découle de la règle de bonne foi, ainsi qu’une
contravention à loi.
580. Il faut aussi conclure à l’existence d’au moins un intérêt indirect du courtier dans la vente d’immeuble
lorsque l’acheteur est une société par actions et que le courtier détient des
actions dans une autre société qui est elle-même l’actionnaire majoritaire de
la société qui souhaite acheter l’immeuble. Dans un tel cas, le courtier est
considéré comme ayant un intérêt indirect dans l’achat de l’immeuble, car la transaction bénéficiera au courtier en tant qu’actionnaire
lorsqu’il recevra des dividendes..
iii) Obligation de vérification
581. Il est du devoir du courtier de faire les démarches nécessaires pour s’assurer
que les informations fournies par son client-vendeur sont exactes et de
procéder, le cas échéant, à leur rectification afin qu’elles soient conformes à
la réalité. Il doit faire cette
vérification avant de remplir la fiche descriptive de l’immeuble et de la
mettre à la disposition du public. Il doit procéder à la même vérification
suite à la réception de la déclaration du vendeur. Son défaut de le faire
pourra
[Page 222]
engager sa
responsabilité non seulement envers l’acheteur, mais aussi envers son client le
vendeur qui, en toute bonne foi, remplit la déclaration du vendeur sans
mentionner certaines irrégularités. L’omission de dévoiler certains faits peut
être due à son ignorance ou à son inexpérience, notamment quant à la nécessité
de fournir à l’acheteur toutes les informations dont il a connaissance. Elle
peut aussi être due à un manque de clarté dans l’une ou l’autre des questions
contenues dans le formulaire de la déclaration du vendeur, ce qui donne lieu à
une confusion quant aux informations qu’on cherche à obtenir par la question.
582. Un courtier
immobilier peut aussi engager sa responsabilité lorsqu’il omet de visiter l’immeuble
préalablement à la fixation du prix de vente alors qu’il doit prendre en
considération tous les renseignements qui sont à sa portée pour établir de
façon objective l’état des lieux et ainsi le prix de vente. Son défaut de
vérifier tous les renseignements mis à sa disposition, notamment lors de la
visite du lieu, engage sa responsabilité advenant le cas où le prix qu’il a
suggéré à son client est apparu erroné. Ainsi, il
pourrait être tenu responsable de toute perte subie par le vendeur lors de la
vente de l’immeuble.
583. Compte tenu de
son obligation de vérification, le courtier doit également s’informer sur la
qualité de l’acheteur, ses ressources financières et sa solvabilité.
Le défaut de se renseigner sur ces éléments pourrait engager sa responsabilité
envers son client-vendeur lorsque plus tard la transaction ne peut se réaliser
en raison d’un défaut de l’acheteur dû à l’un de ces éléments.
iv) Cas spécifique du courtier
collaborateur
584. Le courtier
collaborateur est celui qui est mandaté par l’acheteur. Il est également tenu à
une obligation de conseil et de renseignement envers son client. Cette
obligation peut être plus étendue que celle à laquelle est tenu le courtier
inscripteur en raison du mandat spécifique qu’il a reçu de l’acheteur et des
instructions données par ce dernier quant à l’immeuble dont il cherche à faire
l’acquisition.
585. Le courtier
collaborateur est également tenu à une obligation de vérification. Cette
obligation se fonde également sur l’existence entre l’acheteur et lui d’un
contrat de prestation de services aux termes duquel l’acheteur le mandate de
faire les démarches nécessaires pour lui trouver un immeuble selon certains
critères et conditions. Ainsi, le courtier est tenu à l’obligation de
renseigner ce dernier et de lui donner les
[Page 223]
conseils qui s’imposent
en rapport avec le résultat qu’il a obtenu suite à ses vérifications relatives
aux droits, aux charges et aux restrictions qui affectent l’immeuble et qui lui
sont accessibles.
586. Le courtier
collaborateur est particulièrement tenu à faire la vérification des
informations contenues dans la fiche descriptive de l’immeuble que le courtier
inscripteur a déjà établie. Le fait que ce dernier est censé avoir fait cette
vérification ne libère pas le courtier collaborateur de son obligation. Ainsi,
dans le cas où les informations contenues dans cette fiche apparaissent plus
tard inexactes ou erronées, les deux courtiers seront responsables envers l’acheteur,
puisqu’ils devaient savoir que ces informations seront prises en considération
par l’acheteur lors de la prise de sa décision d’acheter ou non l’immeuble en
question.
587. Le courtier
collaborateur peut avoir l’obligation, eu égard aux circonstances, de faire les
démarches nécessaires pour compléter les informations se trouvant sur la fiche
descriptive ou de vérifier leur exactitude. Il ne peut pas présumer que les
informations mentionnées dans cette fiche ou même dans la déclaration du
vendeur sont exactes. Son obligation de vérification est positive et doit être
remplie de sa propre initiative, même en l’absence de doute quant à leur
exactitude. Il ne peut donc pas se dégager de sa responsabilité lorsqu’il était
possible d’obtenir en temps
opportun les documents permettant de valider les informations contenues dans l’un
ou l’autre de ces documents. A fortiori, il
ne pourra pas se soustraire à cette obligation lorsque le contenu de la fiche
descriptive de l’immeuble contient des informations soulevant des doutes sur le
fait que le courtier inscripteur n’a pas fait son devoir de façon adéquate.
588. Notons aussi
que si le nom du courtier collaborateur apparaît sur la fiche descriptive,
celui-ci peut difficilement se dégager de sa responsabilité si cette fiche
contient des informations erronées, puisqu’il donne alors à l’acheteur la
perception que c’est lui qui a préparé ce document.
589. Le courtier
collaborateur a une obligation de s’assurer que le bien sera délivré en
conformité avec les stipulations de la promesse ou de l’offre d’achat. Il s’agit
d’une obligation de résultat où la bonne foi ne peut être invoquée comme moyen
de défense permettant au courtier de se soustraire à sa responsabilité pour le
défaut qu’on lui reproche. Rappelons que cette obligation découle de la loi et
il n’est pas nécessaire
[Page 224]
de la stipuler dans
le contrat. Seule la force
majeure peut être invoquée dans un
tel cas.
c) Nature et étendue des obligations du courtier immobilier envers le tiers acheteur
590. Le courtier immobilier
peut engager sa responsabilité
extracontractuelle envers le tiers et particulièrement envers le tiers acheteur. En effet, le courtier a une obligation de renseignement et de vérification
à l’égard de ce dernier, et ce, même s’ils ne sont pas liés contractuellement.
Il importe toutefois de noter qu’il existe des situations où la responsabilité
du courtier envers le tiers acheteur sera partagée avec son client le vendeur
ou même avec le tiers acheteur.
i) Obligation de conseil et de
renseignement
591. Le Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de
courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité prévoit le
devoir du courtier d’informer avec objectivité toutes les parties à une
transaction. Ainsi, le courtier,
même s’il est mandaté par le vendeur, est aussi tenu à une obligation de
renseignement envers l’acheteur. Il doit divulguer à ce dernier toutes les
informations pertinentes sur l’objet de la vente dans la mesure où ces informations
étaient à sa disposition, ou qu’il aurait pu les obtenir s’il avait rempli ses
obligations de vérification. Il doit d’abord se renseigner sur la présence de
tout élément essentiel conduisant à une perte de la valeur du bien ou des
droits acquis afin qu’il soit en mesure de remplir adéquatement son obligation
de renseigner l’acheteur potentiel.
592. Le défaut du courtier de renseigner l’acheteur et de lui transmettre
les informations pouvant affecter ou diminuer l’usage du bien ou sa valeur,
engage sa responsabilité solidaire avec le vendeur qui fait aussi défaut de
remplir son obligation de renseignement. Il engage
également sa responsabilité lorsqu’il fournit de fausses informations dans le
but d’apaiser l’inquiétude de l’acheteur alors qu’il est conscient du fait que
ces informations sont déterminantes pour l’acheteur.
[Page 225]
593. Le courtier a
l’obligation de renseigner l’acheteur sur son intérêt dans la vente. Ce serait
le cas où il serait parent ou allié avec l’un des acteurs de la vente. Si l’acheteur
apprend tardivement, notamment après la réalisation de la vente, la présence d’intérêt
entre le courtier et l’un des acteurs de la vente, tels que le vendeur, le
courtier risque d’engager sa responsabilité pour le préjudice subi. L’acheteur
pourrait aussi obtenir la nullité de la vente sur une preuve que le manquement
à l’obligation de renseignement constitue une faute grave assimilable à un dol.
594. Dans certains
cas isolés, le promettant-acheteur ayant mis fin à ses démarches pour acquérir
l’immeuble en raison des informations manquantes peut faire tenir le courtier responsable de ce manquement.
Il est important cependant que la preuve démontre une faute de la part du
courtier par son manquement à son obligation de divulguer au promettant-acheteur
des informations pertinentes à la conclusion du contrat. Cette faute peut être
établie par la preuve que le courtier, malgré la réception d’une demande de
renseignement par le promettant-acheteur, a adopté une conduite qui dénote de l’insouciance
alors qu’il avait à sa disposition les renseignements demandés ou qu’il aurait
pu les obtenir en faisant les démarches nécessaires. Il peut ainsi être tenu de
payer des dommages-intérêts au promettant-acheteur pour la perte de temps, le
stress, les recherches inutiles pour faire l’acquisition de l’immeuble, etc.
595. Le tribunal
pourrait cependant avoir de la difficulté à évaluer le quantum des dommages,
puisqu’il n’existe pas de formule ou de méthode précise permettant de
déterminer la valeur de cette perte non pécuniaire. Dans ce cas, le calcul des
dommages-intérêts devant être accordés constitue un exercice délicat qui est
laissé entièrement à la discrétion du tribunal. Ainsi, dépendamment des
circonstances, le courtier immobilier
qui a omis de divulguer des informations importantes en raison de son manque de
diligence pourrait engager sa responsabilité envers le promettant-acheteur pour
des pertes pécuniaires et non pécuniaires.
596. Notons
également que le promettant-vendeur, dans la mesure où il n’était impliqué d’aucune
manière dans le manquement du courtier à son obligation de renseignement, peut
chercher la responsabilité contractuelle de ce dernier pour les dommages subis.
[Page 226]
ii) Obligation de vérification
597. Le courtier doit vérifier
l’exactitude des renseignements qu’il fournit au public ou à un autre titulaire
de permis, qui découle de son obligation de contrôle prévue à l’article 5 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de
courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. Cela dit, le courtier immobilier peut engager sa responsabilité extracontractuelle envers le tiers acheteur pour le
manquement à son obligation de vérification dans diverses situations.
598. Lorsque l’action
en responsabilité du courtier est fondée sur la communication d’un
renseignement erroné, celui-ci ne doit pas être anodin, mais l’information en
question doit être d’une certaine importance.
C’est le cas lorsque l’acheteur démontre qu’il existe au moment de la conclusion
de la vente un indice sérieux révélant l’existence d’un vice dans le titre de
propriété du vendeur alors que le courtier n’avait pas procédé aux
vérifications appropriées malgré le fait que cet
indice ait été porté à sa connaissance. Il en est de même lorsqu’il manque à
son obligation de vérifier l’information
contenue dans une fiche technique, alors qu’il sait que cette information est
décisive dans la décision du tiers acheteur de conclure ou non la vente de l’immeuble
en question.
599. Il importe
toutefois de noter que l’intensité du devoir de vérification du courtier dépend
de l’accessibilité de l’information. L’obligation de se renseigner peut être
plus importante s’il s’agit de faire une vérification auprès du vendeur de l’immeuble
ou auprès de la municipalité quant aux règlements en vigueur et leurs
applications. Dans ce dernier cas, il faudra qu’il y ait un indice incitant le
courtier à faire de telles vérifications.
600. Le courtier
immobilier doit remplir son obligation de renseignement et de vérification des
informations avant la conclusion de la vente, notamment quant à la conformité
de l’immeuble aux dispositions des lois et des règlements en vigueur.
Il faut noter que l’acheteur qui fait l’acquisition d’un immeuble est en droit
de présumer que cet immeuble est conforme aux règlements qui sont en vigueur et
que sa destination donnée par le vendeur ainsi que son usage sont conformes à
la réglementation en vigueur au moment de la vente.
[Page 227]
601. L’obligation de vérification du courtier s’étend à tous les documents
liés à l’immeuble, afin qu’il puisse déceler toutes informations relatives au
titre de propriété, notamment les limitations.
Ainsi, le courtier a, selon les circonstances propres à chaque cas, une
obligation de vérifier diverses informations, notamment celles fournies par son
client le vendeur quant à la présence d’hypothèque
légale de construction, à la
capacité juridique de son client, à la présence de vice caché ainsi qu’à l’information
contenue dans la fiche descriptive de l’immeuble. Le courtier peut également
être obligé de faire certaines vérifications dans le Registre foncier lorsque l’index
de l’immeuble faisant l’objet de la vente contient des informations pouvant
affecter le titre de propriété alors que leur vérification est facilement
réalisable.
– Informations fournies par le vendeur
602. Le courtier immobilier qui agit à titre d’intermédiaire entre son
client et le futur acheteur est tenu à certaines obligations envers ce dernier.
Le fait qu’il y ait absence de lien contractuel entre le courtier et l’acheteur
d’une propriété ne peut être un obstacle à une poursuivre en responsabilité
extracontractuelle pour les manquements à l’une de ses obligations. Ainsi, sa
responsabilité sera engagée en vertu de l’article 1457 C.c.Q. lorsqu’il manque
à ses obligations de prudence et de diligence de vérifier les informations fournies par le vendeur.
Rappelons qu’il est du devoir du courtier de faire les démarches nécessaires
pour s’assurer que les informations fournies par son client sont exactes.
603. Le courtier
peut être tenu responsable pour les fausses déclarations ou représentations
faites par son client le vendeur, que ce soit par écrit ou verbalement, alors
qu’il était au courant de ces fausses déclarations, mais qu’il n’est pas
intervenu pour faire les rectifications nécessaires. Il en est de même s’il
avait des doutes quant à l’exactitude des informations fournies par le vendeur.
Même sans égard à sa connaissance ou à l’existence des éléments pouvant soulever
des doutes quant aux informations fournies, le courtier manque à son obligation
de vérification s’il avait transcrit sans vérification préalable ces
informations dans la fiche descriptive de l’immeuble alors que ces informations sont apparues plus tard erronées.
Cela étant dit, le courtier est
[Page 228]
tenu à l’obligation de
vérifier de façon systématique la véracité des informations. Son défaut de
remplir son obligation pourrait engager solidairement sa responsabilité avec le
vendeur pour le préjudice subi par l’acheteur.
604. Un moyen de
défense pour exclure sa responsabilité sera une preuve démontrant qu’il a
rempli de façon prudente et diligente son obligation de vérification, et qu’il
n’a pas pu découvrir la fausseté des renseignements fournis par le vendeur.
Tel est le cas du vendeur qui aurait caché délibérément la vérité à son
courtier, alors que cette vérité était difficile à découvrir par une
vérification raisonnable par ce dernier. Tel est
également le cas lorsqu’il y a absence de collaboration
de la part du vendeur, alors qu’il détient les
informations pertinentes permettant au courtier inscripteur de faire la
vérification de l’état de l’immeuble. Dans ces cas, le courtier ne peut être
tenu responsable envers l’acheteur advenant la découverte de la fausseté des
informations relatives à l’état de l’immeuble fournies par le vendeur. Il
importe cependant de mettre en preuve les démarches faites par le courtier pour
vérifier les informations qu’il n’a pas pu obtenir en raison de l’absence de
collaboration du vendeur. Rappelons à cet effet
que l’obligation de vérification de l’état de l’immeuble en est une de moyens
qui exige du courtier de faire de son mieux pour effectuer ladite vérification.
Il n’est donc pas tenu de faire des vérifications au-delà de ce qui est
possible. Ainsi, en agissant de façon raisonnable, objective et diligente, le
courtier remplit son obligation de vérification.
605. Par ailleurs,
la spécialisation et l’expertise du courtier dans un domaine particulier d’activité
seront prises en compte lors de l’évaluation de son comportement. Dans ce cas,
les attentes du client seront plus élevées à son égard, comparativement aux
attentes envers un professionnel n’ayant pas cette expertise.
– Hypothèque légale de construction
606. Lorsque l’immeuble
a fait l’objet des travaux de rénovation ou de construction, la jurisprudence
reconnaît que le courtier est tenu à l’obligation de vérifier au registre des
droits réels fonciers si des hypothèques légales de construction avaient été
enregistrées sur l’immeuble. Il est de son devoir de procéder à cette
vérification tout au long de son
[Page 229]
mandat et d’informer l’acheteur
du résultat de sa vérification. Il ne peut remplir cette obligation en se
contentant de faire une seule vérification en début de son mandat alors qu’il
est au courant du fait que des travaux de construction ou de rénovation ont été
exécutés sur l’immeuble.
607. Son défaut de
vérifier le registre des droits réels fonciers durant son mandat pourra engager
sa responsabilité professionnelle pour le préjudice subi par l’acheteur et
résultant de l’inscription d’une hypothèque de construction avant la
finalisation de la vente. Cette responsabilité
peut être partagée avec le notaire instrumentant qui a manqué aussi à son
obligation de vérification et de renseignement envers l’acheteur quant aux
droits et charges inscrits dans l’index de l’immeuble.
– Capacité juridique de son client
608. L’article 30
du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur
la déontologie des courtiers et sur la publicité, adapté en 2010, impose au
courtier l’obligation de s’assurer de la capacité juridique de son client et
ce, qu’il soit une personne physique ou une personne morale. Cette nouvelle
obligation ne se limite pas à vérifier la capacité de son client, mais s’étend
à attester que ce dernier est en mesure d’effectuer la transaction en question.
Cette obligation revêt une importance particulière dans le cas d’un vendeur
marié, situation où le courtier doit vérifier si ce dernier peut consentir seul
au contrat de vente. Même s’il ne s’agit pas de la vente d’une résidence
familiale, mais plutôt d’un immeuble qui n’est pas occupé par les conjoints, la
capacité de consentir seul au contrat de vente du conjoint propriétaire dépend
du régime matrimonial adopté par le couple. Ainsi, le courtier immobilier doit
vérifier le régime matrimonial de
son client puisqu’en cas où le régime matrimonial adopté est celui de la
société d’acquêts, la validité du contrat de vente exige aussi le consentement
de l’autre conjoint même si celui-ci n’est pas un copropriétaire. Le défaut du
courtier de remplir son obligation de vérification engage sa responsabilité in
solidum avec son client-vendeur envers l’acheteur pour les troubles du
titre de propriété.
[Page 230]
– Vice caché
609. Le courtier
peut, dans certaines circonstances particulières, notamment lorsqu’il est le
seul à en avoir connaissance, emporter l’obligation d’informer l’acheteur de
tout vice caché pouvant affecter l’immeuble qu’il tente de vendre.
Si le courtier omet de remplir ce devoir, il pourra être tenu responsable
solidairement avec le vendeur envers l’acheteur à lui payer les coûts des
travaux nécessaires à la réparation du vice. Dans le cas d’un vendeur de bonne
foi qui ignorait le vice caché ou qui comptait sur le courtier pour en informer
l’acheteur alors que lui n’a pas eu cette opportunité, le courtier pourra être
tenu à lui rembourser le montant qu’il a dû payer à l’acheteur en vertu de son
obligation de garantie pour vice caché.
– Fiche descriptive de l’immeuble
610. Le courtier
inscripteur est la personne chargée de remplir la fiche descriptive de l’immeuble
en tant que représentant du vendeur. Il est donc de son devoir de vérifier l’exactitude
des informations fournies par ce dernier avant de les inscrire sur la fiche
descriptive de l’immeuble. La jurisprudence et la doctrine enseignent que le
courtier ne peut se libérer de son obligation de s’assurer que le contenu de la
fiche descriptive reflète la situation de l’immeuble et que les informations
qui y sont mentionnées sont véritables. Cela dit, il
ne doit pas se fier seulement aux informations fournies par son client, mais
doit vérifier leur conformité et véracité avant de les mettre dans la fiche descriptive
afin d’éviter que ces informations puissent induire en erreur d’éventuels
acheteurs. Advenant le cas où
les informations inscrites dans la fiche de vente sont révélées plus tard
fausses ou non conformes, la responsabilité du courtier immobilier et du
vendeur pourra être retenue envers le tiers acheteur pour le préjudice subi en
raison ces informations erronées.
611. Pour que la
responsabilité du courtier soit engagée, le manquement à son obligation de
vérification ne doit pas porter sur des informations anodines ou qui sont de
peu d’importance. La preuve doit aussi révéler que le courtier avait
connaissance du fait que l’information en question était
[Page 231]
décisive dans la
décision du tiers d’acheter ou non l’immeuble
et qu’il lui était possible de faire la vérification et ainsi de rectifier l’information
erronée ou fausse.
612. Il ne faut cependant pas donner à l’obligation du courtier envers l’acheteur
une portée large et excessive. L’étendue de cette obligation ne doit pas
dépasser les limites acceptables d’une obligation à laquelle est tenue une
personne prudente et diligente envers le tiers dans l’exercice de sa
profession. Ainsi, lorsqu’un nouveau règlement municipal relatif aux taxes
entre en vigueur avant la vente envisagée, la responsabilité du courtier ne
peut être engagée, même s’il avait omis de vérifier le montant des taxes que l’acheteur
se trouve obligé à payer après la vente. De même, le
courtier ne peut être tenu responsable pour avoir omis de vérifier le montant
des taxes d’infrastructures lorsque celles-ci étaient incertaines et
indéterminées lors de la conclusion de la vente. Il appartient à l’acheteur de
se renseigner sur le montant de ces taxes, surtout lorsqu’il est avisé que le
montant des taxes dépend de la modification des règlements de la municipalité.
613. Le courtier inscripteur est cependant tenu de vérifier les droits et
les charges qui sont publiés dans l’index de l’immeuble, car tous les courtiers
immobiliers ont accès au Registre foncier des immeubles. Il doit également
vérifier auprès de la Ville toutes les informations concernant l’immeuble en
question, notamment celles relatives au paiement de taxes foncières ou aux
permis délivrés par la Ville, ainsi que les restrictions
et la violation de règlements municipaux.
614. Il est de la responsabilité du courtier d’être précis lors de la
préparation de la fiche descriptive de l’immeuble en utilisant des termes qui
ne prêtent pas à confusion pour l’acheteur. Autrement, sa responsabilité sera
retenue lorsqu’il inscrit dans la fiche descriptive de l’immeuble de fausses
informations, des informations incomplètes ou des informations prêtant à
confusion, causant par ce fait même un préjudice à l’acheteur.
Il a déjà été décidé que le courtier inscripteur était responsable des dommages
subis par l’acheteur puisqu’il avait failli à son obligation de vérifier les
informations inscrites dans la fiche descriptive de l’immeuble relativement aux
taxes municipales.
[Page 232]
615. Le courtier
qui prépare et rédige la fiche descriptive de l’immeuble contenant des
informations erronées fournies par le vendeur ou mentionnées en collaboration
avec ce dernier dans le but de faire intéresser les futurs acheteurs à l’immeuble
et à son acquisition à un prix plus élevé commet un dol qui engage sa
responsabilité envers l’acheteur induit en erreur.
Le courtier et le vendeur pourront être condamnés in solidum à
indemniser ce dernier pour le préjudice subi.
iii) Clause de vente sans garantie
616. La
jurisprudence et la doctrine enseignent que la clause de non-garantie incluse
dans un contrat de vente ne fait pas échec au recours de l’acheteur en nullité
de vente ou en dommages-intérêts pour dol. Le vendeur ou l’auteur du dol ne
peut invoquer cette clause pour s’exonérer de sa responsabilité envers l’acheteur
pour le préjudice subi en raison des fausses représentations. Ainsi, le vendeur
ou son courtier qui induit en erreur ou qui rassure faussement l’acheteur sur l’état
de l’immeuble peut voir sa responsabilité retenue malgré la présence d’une
clause excluant la garantie pour vice caché ou vice de titre.
Par ailleurs, l’agent immobilier qui ment sciemment à l’acheteur et fait des
manœuvres dolosives dans le but de le tromper et de lui faire signer une
promesse ou une offre d’achat sans permettre à ce dernier d’examiner
préalablement l’immeuble ou de faire une inspection préachat ne peut invoquer
une clause d’exclusion de garantie.
617. Il faut d’ailleurs
noter que les tribunaux interprètent restrictivement toute clause d’exclusion
de garantie légale afin de favoriser les protections légales accordées à l’acheteur.
La clause d’exclusion doit être claire et non équivoque afin d’être jugée
valide par le tribunal. En cas de contradiction entre les clauses du contrat de
vente, ou entre différents écrits comme la fiche d’inscription de l’immeuble et
le contrat de vente, la clause d’exclusion de garantie sera jugée inopposable à
l’acheteur.
618. Également, il
est possible de conclure que la clause d’exclusion de garantie dans le contrat
liant l’acheteur et le vendeur ne s’applique qu’à l’égard des signataires de ce
contrat, et donc que le courtier ne peut en aucune façon se prévaloir de cette
clause afin de s’exonérer de
[Page 233]
sa responsabilité et
ainsi de pouvoir omettre de se conformer à ses devoirs déontologiques, tels que
son obligation de renseignement et de vérification.
iv) Exonération et partage de
responsabilité
619. Selon les
circonstances, la responsabilité du courtier inscripteur envers le tiers
acheteur peut être engagée in solidum avec son client le vendeur.
Celui-ci peut également être responsable en vertu de l’article 2164 C.c.Q. de
la faute commise par son représentant, soit le courtier qu’il a chargé de la
vente de sa propriété. Cependant, selon les
faits propres à chaque cas, le vendeur pourrait avoir un recours récursoire
contre le courtier dépendamment de la bonne ou de la mauvaise foi de ce dernier
et de la faute commise. Ainsi, dans le cas du défaut du courtier de vérifier l’exactitude
des informations fournies avant de les transmettre à l’acheteur, la
responsabilité du vendeur peut être engagée in solidum avec le courtier
pour les dommages subis par l’acheteur ayant été induit en erreur par les
informations erronées.
620. Il faut
cependant noter que dans certaines situations, le courtier inscripteur peut
échapper à sa responsabilité extracontractuelle à l’égard du tiers acheteur
lorsque celui-ci manque à son obligation de se renseigner. Il peut également
faire rejeter l’action de l’acheteur lorsque celui-ci avait connaissance des
informations erronées avant la finalisation de la vente, mais qu’il a décidé de
conclure le contrat alors qu’il avait la possibilité de négocier ses
conditions, notamment l’obtention d’une réduction du prix. De même, l’acheteur
sera le seul responsable lorsqu’il a refusé de suivre les conseils du courtier
ou lorsque les défauts reprochés par l’acheteur dépassent l’expertise
professionnelle du courtier.
– Obligation de l’acheteur de se renseigner
621. L’acheteur ne
peut agir de manière passive lors de la conclusion de la vente. Il doit toujours agir avec prudence et diligence, comme le
prévoient les articles 1725 alinéa 2 et 1726 C.c.Q., qui stipulent que le
vendeur ne peut être tenu à aucune garantie pour des vices apparents pouvant
être constatés par un examen attentif et visuel ou lorsque l’acheteur peut se
renseigner lui-même sur le droit ou la charge qui affecte le bien.
Cette obligation de prudence et diligence doit être prise en
[Page 234]
considération lors de l’évaluation
de la responsabilité du courtier. Ainsi, l’acheteur est tenu de se renseigner
lui-même lorsqu’il est en mesure d’obtenir les renseignements pertinents à la
transaction qu’il envisage de faire de sorte qu’il ne faut pas donner à l’obligation
de renseignement du courtier une portée ayant pour effet d’écarter l’obligation
de l’acheteur de se renseigner lui-même lorsque possible.
622. Il importe de
noter que toute personne intéressée par la conclusion d’un contrat est tenue à
l’obligation de se renseigner. Ainsi, en matière de vente, la personne
intéressée à la conclusion de la vente ne peut compter seulement sur les
renseignements fournis par le vendeur ou le courtier immobilier. Elle doit
compléter ces renseignements par elle-même lorsqu’elle a les moyens et la
possibilité de le faire. Bien qu’il ait le devoir de divulguer à l’acheteur les
informations qui sont mises à sa disposition par le vendeur ou qu’il a obtenues
ailleurs, le courtier immobilier n’engage pas systématiquement sa
responsabilité envers l’acheteur lorsque celui-ci est en défaut de se
renseigner. Le tribunal tient compte de la conduite de l’acheteur durant les
négociations et lors de la réalisation de la vente. Ainsi, dans le cas où l’acheteur
aurait pu obtenir les renseignements que le courtier a fait défaut de lui
communiquer, il ne pourra tenir ce dernier responsable pour le préjudice qui
aurait pu éviter s’il s’était renseigné lui-même.
623. L’acheteur
doit agir de manière prudente et diligente en se renseignant sur la transaction
et en vérifiant les informations fournies. Il ne peut présumer aveuglément que
tout est en ordre, surtout lorsqu’il possède des indices qui pourraient l’alerter.
Plusieurs facteurs peuvent être pris en compte concernant l’obligation de l’acheteur
de se renseigner, notamment la facilité d’accès aux informations, sa
familiarité avec le domaine de l’immobilier, et les indices qui pourraient
pousser une personne raisonnablement prudente et diligente à le faire.
624. Il y a
toutefois une limite à l’obligation de l’acheteur de se renseigner, notamment
lorsqu’il s’agit d’une question relative à la réglementation de droit public.
Ainsi, il serait déraisonnable que l’obligation de se renseigner de l’acheteur
implique également la vérification de la conformité de l’immeuble avec la
réglementation publique applicable. Dans bien des cas, cette réglementation est
changeante et complexe, de sorte qu’il appartient au vendeur de renseigner l’acheteur
sur la conformité de l’immeuble à cette réglementation. Il ne peut ainsi
reprocher à un acheteur qui possède peu d’expérience dans le domaine immobilier
de ne pas avoir vérifié avec l’aide des personnes
[Page 235]
compétentes ou de s’être
fié sur les conseils de son courtier immobilier qui est censé posséder l’expertise
requise. D’ailleurs, le vendeur est garant envers l’acheteur de toutes les
violations des limitations de droit public qui grèvent l’immeuble aux termes du
premier alinéa de l’article 1725 C.c.Q. Ainsi, lorsqu’un vendeur ne dénonce pas
la violation d’une limitation de
droit public, l’acheteur peut présumer que l’immeuble est conforme à la
réglementation qui lui est applicable. Dans un tel cas, il ne pourra se voir
reprocher une faute, même contributive.
– Connaissance des informations erronées par l’acheteur
625. Les
obligations de vérification et de renseignement du courtier
peuvent être tempérées par le comportement de l’acheteur
et la connaissance des informations que celui-ci avait à sa disposition avant
de finaliser la vente. La responsabilité du courtier peut donc être limitée par
le comportement de l’acheteur lorsque celui-ci découvre l’inexactitude d’une
information qu’il était de la responsabilité du courtier de vérifier, mais
procède tout de même à l’achat de la propriété.
626. L’acheteur
risque de voir son recours rejeté au motif de sa négligence ou de sa
renonciation à exercer son recours contre le vendeur, notamment de se prévaloir
de son droit de demander l’annulation de la promesse. Ainsi, l’acheteur perd
son recours contre le courtier lorsqu’il découvre, après la signature de l’offre
ou de la promesse d’achat, mais avant la finalisation de l’acte de vente, qu’il
n’aura pas droit à des subventions pour la rénovation de la propriété, contrairement à une déclaration ou
à une mention affirmant le contraire dans la fiche descriptive de l’immeuble.
Sa connaissance de ce fait et sa décision de conclure la vente rompent le lien
de causalité entre la faute commise par le courtier ayant manqué à son
obligation de vérification des informations fournies par le vendeur et le
dommage subi par l’acheteur.
627. Également,
dans le cas où l’acheteur a été informé avant la réalisation de la vente de
certaines informations qui clarifient l’état des droits et des servitudes qui
affectent l’immeuble, il ne pourra pas tenir, plus tard, le courtier
responsable en cas d’insatisfaction. Ainsi, l’acheteur avisé de l’absence d’une
servitude au bénéfice de l’immeuble faisant l’objet de la vente, contrairement
à ce qui lui a été mentionné au départ, ne peut tenir le courtier responsable
envers lui pour le simple fait qu’il avait omis de rectifier cette information
ou de l’aviser de la réalité, même si cela constitue un manquement à son
obligation de renseignement.
[Page 236]
Cela étant dit, la
connaissance préalable à la réalisation de la vente, par l’acheteur, de l’absence
d’un droit ou d’une servitude rompt le lien de causalité entre la faute commise
par le courtier et le préjudice subi, conformément à l’article 1607 ou 1613
C.c.Q..
– Refus de l’acheteur de suivre le conseil du
courtier
628. Le courtier
immobilier qui informe l’acheteur seulement après la transaction de certaines
irrégularités relatives à l’immeuble vendu alors qu’il en avait connaissance
avant la réalisation de la vente pourra engager sa responsabilité envers l’acheteur.
Celui-ci peut ainsi obtenir une indemnité pour le préjudice subi suite à la
dénonciation tardive. Par contre, la responsabilité du courtier pourra être
difficilement engagée envers l’acheteur qui n’a pas agi avec prudence et
diligence en refusant de suivre ses recommandations de procéder à une
inspection préachat. Le défaut de procéder à une telle inspection pourra rendre
l’acheteur au moins responsable en partie du préjudice subi, lorsque cette
inspection aurait permis de révéler les irrégularités non dénoncées et qui sont
la source de sa réclamation.
– Tâches en dehors de l’expertise
professionnelle du courtier
629. Le courtier n’a
pas l’obligation de vérifier des informations qui ne font pas partie de son
champ de compétence, ou qui seraient bien au-delà de ses devoirs, telles que l’existence
d’un système de drainage et sa conformité aux règles de l’art, alors que cet
exercice nécessiterait de faire des excavations. En d’autres mots, le courtier
ne peut se voir attribuer les obligations reliées à l’expertise de professionnels
dans des domaines spécifiques, tels que les fondations, la plomberie ou la
menuiserie.
630. En fait, le
courtier immobilier n’est pas un expert dans tous les domaines. Ainsi, bien qu’il
doive être proactif durant son mandat et ainsi effectuer les vérifications
nécessaires, il ne peut être tenu responsable pour une information erronée qui
se situe loin de son domaine d’expertise et qui est transmise à l’acheteur par
son client le vendeur. Cependant, le courtier ne peut se dégager de toute
responsabilité lorsqu’il lui était possible de vérifier l’exactitude de l’information erronée.
[Page 237]
631. On ne peut pas
s’attendre à ce que le courtier immobilier, qui n’est pas juriste, comprenne l’ensemble
des subtilités se rattachant aux droits et charges inscrits. En effet, bien qu’il
ait l’obligation de faire des vérifications concernant les limites au droit de
propriété, la tâche d’analyser le contenu des divers documents disponibles
revient plutôt aux avocats et aux notaires. Ces derniers, en raison de leur
formation et de leur expérience, sont les mieux placés pour fournir les
renseignements et les explications relatifs aux conséquences juridiques et
financières résultant des droits et charges inscrits au Registre foncier des
immeubles. Dans des circonstances exceptionnelles, le tribunal pourrait décider
de ne pas tenir responsable le courtier immobilier qui ne consulterait pas le
Registre foncier lors de la mise en vente d’un immeuble, notamment lorsqu’il
conclurait au dol du vendeur qui était au courant de l’existence d’une
hypothèque greffant son immeuble, mais qui a omis de la révéler à son courtier.
La responsabilité pour le défaut de dévoiler l’existence de l’hypothèque et les
conséquences qui en découlent reviendrait alors au vendeur l’ayant contractée
et au notaire instrumentant.
632. Également, la
responsabilité du courtier immobilier ne peut être engagée au motif qu’il a
fait défaut d’évaluer le risque que présente la transaction pour l’acheteur et
le coût de l’assurance qu’il doit contracter. En effet, le courtier immobilier
n’est pas un spécialiste en assurance, et ne peut donc savoir comment établir
le montant d’assurance qu’un acheteur aura à payer pour assurer la propriété qu’il
propose d’acquérir. Il appartient donc à l’acheteur de faire les démarches
nécessaires afin d’avoir l’avis d’un expert en la matière, soit un courtier d’assurance.
Également, le courtier ne peut être tenu responsable des vices ou du mauvais
fonctionnement des appareils mobiliers incorporés à l’immeuble vendu
puisque la garantie de qualité est à la charge du vendeur.
d) Nature et étendue des obligations du
courtier immobilier lorsqu’il est acheteur ou vendeur
633. Le courtier
immobilier qui offre d’acquérir un intérêt dans un immeuble doit divulguer son
statut professionnel au contractant pressenti conformément à l’article 18 du Règlement
sur les conditions d’une opération de courtage, sur la déontologie des
courtiers et sur la publicité, article qui est d’ordre public. Cette
divulgation est obligatoire et doit être transmise par écrit avant l’acceptation
d’une proposition par
[Page 238]
le contractant, et ce,
même si le contractant en avait déjà connaissance. Il s’agit d’une obligation
stricte qui ne peut souffrir d’exception.
634. Le vendeur qui détient une certaine connaissance dans le domaine
immobilier ou qui est lui-même un courtier immobilier ne peut se voir octroyer
une responsabilité additionnelle lors de la vente de son immeuble. C’est le
courtier qui demeurera l’expert dans la situation en l’espèce. Ainsi, le client
qui confie à un collègue la vente de son immeuble ne sera pas tenu légalement à
remplir les mêmes obligations que le courtier.
Toutefois, le niveau de connaissance du vendeur dans le
domaine immobilier demeure un élément qui sera certainement considéré par le
tribunal lorsque ce dernier évaluera l’existence d’un dol. Cette connaissance
peut être aussi un élément déterminant lors de l’évaluation de la faute du
courtier immobilier plus particulièrement en ce qui a trait à l’exécution de
son obligation de renseignement, de vérification et de conseil envers son
client vendeur. Le tribunal devra
ainsi adapter l’intensité de ces obligations en fonction de ce critère.
e) Nature et étendue des obligations du
vendeur envers l’acheteur et le courtier immobilier
635. La responsabilité du courtier doit être limitée par les agissements du
vendeur. Il est important de souligner que le vendeur de l’immeuble détient lui
aussi toujours une obligation de diligence, de bonne foi et de coopération.
Lorsque celui-ci a un comportement fautif, il peut engager sa responsabilité
pour les dommages causés non seulement à l’acheteur, mais aussi au courtier.
636. À titre d’illustration, lorsque le vendeur tente d’utiliser des
prétextes ou des excuses à des fins dilatoires pour faire annuler ou retarder
la vente de l’immeuble, il engage sa responsabilité envers le
promettant-acheteur pour le préjudice subi. Il sera aussi
responsable envers le courtier immobilier pour le paiement de la commission qu’il
aurait dû recevoir s’il avait réalisé la vente de l’immeuble tel qu’il avait
été convenu. Également, dans le
cas où par ses actions le vendeur ne permet pas au
[Page 239]
courtier de délivrer l’immeuble
à l’acheteur selon les délais stipulés dans l’entente, le vendeur pourra être
tenu responsable envers l’acheteur et le courtier.
637. Le courtier peut intenter un recours contre le promettant-vendeur qui,
par sa faute, empêche la réalisation de la vente. Ce dernier a l’obligation, en
vertu de son contrat de courtage, de ne pas empêcher fautivement la vente de sa
propriété. Dans le cas d’une
conduite non conforme aux exigences de la bonne foi ou d’un refus injustifié de
donner suite à sa promesse de vente, le vendeur commet une faute qui engage sa
responsabilité envers son courtier immobilier et risque d’être tenu de lui
payer des dommages-intérêts équivalant à sa commission prévue au contrat de
courtage. Il en est ainsi
notamment lorsqu’il refuse de signer l’acte de vente de sa propriété après que
sa contre-promesse ait été acceptée par le promettant-acheteur
ou lorsqu’il refuse de vendre sa propriété avant l’expiration du contrat de
courtage, alors que son refus est injustifié et constitue la cause directe de l’échec
de la vente. D’ailleurs, le fait que le vendeur ait payé une indemnité à l’acheteur
en raison du nonrespect de sa promesse de vente ne le libère pas de sa
responsabilité envers le courtier immobilier qui a exécuté ses propres
obligations et qui a donc droit à la rétribution prévue au contrat de courtage.
638. Le client pourrait être aussi tenu responsable, dans certaines
circonstances, envers son courtier, lorsqu’il refuse de négocier une diminution du prix de vente de sa propriété.
Son refus peut être considéré comme une inexécution de ses obligations découlant
du mandat et comme une faute qui engage sa responsabilité lorsque la demande
est faite par le promettant-acheteur suite à la découverte des fausses
représentations relatives à l’état de l’immeuble, empêchant ainsi la
réalisation de la vente. La responsabilité du vendeur pourrait alors être
retenue envers le promettant-acheteur et envers le courtier immobilier en
raison de ses fausses déclarations et de son refus de négocier à la baisse le
prix de vente.
639. Pour avoir droit à sa rétribution en vertu du contrat de courtage, le courtier immobilier doit cependant
établir, par prépondérance
[Page 240]
de preuve, qu’il a exécuté ses propres obligations aux termes d’un
contrat de courtage valide intervenu avec le vendeur, et que l’accomplissement
de la vente a été empêché par ce
dernier. Le promettant-vendeur
pourra ainsi être tenu responsable
envers l’agent immobilier lorsque la condition suspensive ne s’est pas réalisée en raison de sa négligence
ou de sa conduite envers le promettant-acheteur,
lorsque le promettant-vendeur avait retardé le processus
de financement en ne communiquant pas en temps utile à ce dernier certaines
informations de nature à influencer les démarches à suivre pour obtenir avec
succès le financement demandé.
640. Pourrait également être tenu au paiement de la commission à son
courtier le propriétaire d’un immeuble qui a refusé une offre correspondant à
toutes ses exigences mentionnées dans l’affiche de vente, alors que cette offre
est faite par un acheteur sérieux. Le vendeur qui invoque de faux prétextes
pour justifier son refus de donner suite à une offre ou à une promesse d’achat
engage sa responsabilité envers son courtier et pourra être tenu de lui payer
ses commissions. Il a l’obligation de collaborer à la réalisation de la vente
lorsque les conditions qu’il a exigées sont remplies. En effet, bien qu’il ait
le droit de changer d’avis et de ne plus vouloir vendre son immeuble aux
conditions préalablement établies, il peut être tenu envers le courtier au
paiement de sa commission dans la mesure où ce dernier a exécuté l’ensemble de
ses obligations à son endroit. Cependant, la prise d’une
décision unilatérale de ne plus vendre sa propriété pour une période
indéterminée alors qu’il a conclu un contrat exclusif, irrévocable et à durée
déterminée avec le courtier constitue une faute justifiant sa condamnation à
payer la commission à ce dernier.
641. Finalement, l’attitude du vendeur constitue une faute intentionnelle
lorsqu’il empêche la réalisation de la vente pendant que le contrat de courtage
est en vigueur dans le but de confier par la suite un mandat à un autre
courtier qui accepte une commission moindre que celle convenue avec le premier
courtier. Dans ce cas, il pourra être tenu à payer la commission à ce dernier
ainsi qu’une indemnité pour les troubles et inconvénients subis par celui-ci.
[Page 241]
f) Nature et étendue des obligations de l’acheteur
envers le courtier immobilier
642. Le courtier
peut également intenter un recours contre le promettant-acheteur qui ne
respecte pas les obligations résultant de sa promesse d’achat, même si ce
dernier n’est pas son mandant. Ce recours sera alors de nature
extracontractuelle. Le courtier immobilier doit cependant prouver qu’une faute
a été commise par le promettantacheteur à son égard, puisque le non-respect par
ce dernier de ses obligations découlant de la promesse ne constitue pas
nécessairement une faute extracontractuelle à son égard. La jurisprudence
reconnaît cependant que la faute peut découler de l’insouciance, ou de l’absence
de motif sérieux justifiant le refus de remplir sa promesse. Ces éléments
établis à partir du comportement du promettant-acheteur permettent de retenir
sa responsabilité extracontractuelle. La faute peut également résulter de tout
motif démontrant que le promettant-acheteur ne s’est pas comporté comme une
personne raisonnable ayant un comportement prudent et diligent
à l’égard du courtier.
g) Nature et étendue des obligations du
courtier immobilier dans le cas d’un contrat de courtage-location
643. Dans le cas de
la conclusion d’un contrat de courtage-location exclusif entre le propriétaire
et le courtier, celui-ci doit respecter les engagements
stipulés tant dans son contrat de courtage-location que
dans sa publicité. Le courtier doit procéder à une enquête de crédit et à une
vérification d’antécédents judiciaires du locataire potentiel. Il doit
également vérifier auprès de la Régie du logement l’existence de dossiers
impliquant ce dernier. Dans le cas d’un bail commercial, il doit faire des
vérifications auprès des tribunaux. Il ne peut se contenter de vérifier en
ligne sur un outil de recherche accessible par tous les plumitifs du locataire
potentiel afin de s’acquitter de son obligation de renseignement, car tout
citoyen ordinaire peut effectuer cette même recherche. Le courtier doit
utiliser un outil de recherche qui est complet et exhaustif ou se déplacer en
personne à la Cour pour effectuer les recherches nécessaires. Le courtier qui
ne respecte pas cette méthode de vérification contrevient aux dispositions du Règlement sur la déontologie
des courtiers puisqu’il ne se comporte pas comme un courtier prudent et
diligent. Il pourrait voir sa
[Page 242]
responsabilité engagée
s’il transmet au propriétaire des informations erronées ou incomplètes sur un
locataire potentiel en raison de son manque de diligence.
2) Le courtier en assurance
644. Le courtier en
assurance est considéré comme un expert dans le domaine de ses activités et il
est tenu envers le client à plusieurs obligations, notamment l’obligation de
renseignement et de conseil. Ainsi, étant un expert-conseil dans le domaine du
contrat demandé par le client et en raison de sa formation et de son expérience
en matière d’assurance, le courtier doit faire une sélection et orienter les
choix du client vers la compagnie d’assurance qui offre à ce dernier le contrat
qui convient à sa situation. Il pourrait engager
personnellement sa responsabilité s’il contrevient à son obligation générale de
renseigner et de conseiller son client sur le type et la nature de la
couverture d’assurance qui lui offre la meilleure protection.
645. Lors de son
évaluation, le tribunal doit se demander si le courtier s’est comporté comme l’aurait
fait un autre courtier raisonnablement prudent et diligent placé dans les mêmes
circonstances. Bien que l’obligation de renseigner s’impose dans toutes les
relations contractuelles, peu importe la nature du contrat envisagé, il faut noter
que dans un contexte contractuel d’assurance, le devoir de renseigner atteindra
une plus grande intensité pour le courtier, puisque celui-ci se trouve à être
hautement qualifié et expérimenté en matière d’assurance, contrairement à l’assuré,
qui n’a habituellement aucune compétence en la matière.
646. Il ne faut pas
confondre le courtier en assurance de l’agent. Le courtier en assurance est un
authentique expert-conseil et non pas un mandataire attitré d’un assureur,
comme c’est le cas de l’agent en assurance. Ainsi, en matière d’assurance de
dommages, ce dernier entretient un lien d’exclusivité avec un seul assureur.
Ce lien fait défaut lorsqu’on parle du courtier en assurance de dommages, qui
offre normalement au public un choix de différents produits d’assurance de
plusieurs assureurs.
[Page 243]
647. L’agent en assurance doit
agir comme un conseiller consciencieux afin d’éclairer adéquatement son client
sur ses droits et obligations, et
en lui fournissant tout renseignement utile ou nécessaires sur la couverture de
l’assurance qui lui propose. En effet, après avoir demandé à son client la
couverture souhaitée, il se doit de lui proposer les couvertures disponibles
correspondant à ses besoins et de le conseiller afin de l’aider à choisir entre
elles en comparant les avantages et les risques de chacune des couvertures par
rapport aux autres. Ainsi, advenant qu’un client contracte avec un agent en
assurance pour un produit qui ne lui convient pas en raison des explications
incomplètes de l’agent, celui-ci pourra engager sa responsabilité envers le
client, qui aura la possibilité de lui réclamer des dommages-intérêts pour le
préjudice subi.
648. D’ailleurs, lorsque l’agent entretient un lien exclusif avec l’assureur,
celui-ci pourra être considéré comme son commettant et ainsi être tenu de
réparer le préjudice causé par l’agent dans l’exécution de ses fonctions,
conformément à l’article 1463 C.c.Q.. Il n’est pas
nécessaire que l’agent déclare au client qu’il est le représentant de l’assureur; il suffit que ses comportements et sa conduite
durant la présentation de la proposition d’assurance laissent croire qu’il en
est ainsi.
H. L’arpenteur-géomètre
649. L’arpenteur-géomètre
est généralement tenu à une obligation de moyens, qu’il doit remplir avec prudence et diligence en usant de
tous les moyens raisonnables mis à sa disposition. La nature de cette
obligation s’explique par le fait que l’arpenteur-géomètre est souvent amené à
exprimer son opinion professionnelle relativement à des titres en se basant sur
des données variables et parfois litigieuses. Il peut cependant être tenu à une
obligation de résultat dans certaines circonstances, notamment lorsqu’il doit
fournir un service précis.
650. Afin de déterminer si l’arpenteur est responsable pour le préjudice
subi par son client, il faut d’abord déterminer la nature et l’étendue de son
obligation. Ainsi, en présence d’une obligation de moyens, le client doit
établir en preuve que les moyens utilisés par l’arpenteur ne sont pas
appropriés, de sorte que son obligation n’a pas été remplie de façon adéquate.
651. En général, l’arpenteur ne remplit pas son obligation de moyens lorsqu’il
omet de mentionner une anomalie dans le titre de
[Page 244]
propriété alors que le futur acheteur s’est fié au certificat
de localisation qu’il a préparé. Il s’agit d’un manquement à son obligation de
renseignement, qu’il doit remplir en mentionnant, dans le document qu’il
prépare, toute anomalie ou irrégularité pouvant être découverte par un
professionnel agissant avec prudence et diligence. En faisant défaut de
mentionner une irrégularité en rapport avec le titre de propriété, l’arpenteur
commet une faute dans l’exécution de son contrat de service.
652. Une faute commise par l’arpenteur peut aussi être considérée comme une
faute extracontractuelle qui engage sa responsabilité envers le tiers,
notamment le futur acheteur de l’immeuble qui s’est fié au certificat ou au
document qu’il a préparé. Il importe toutefois de noter que sa responsabilité
extracontractuelle ne peut être engagée que s’il savait ou qu’il devait savoir
que le document qu’il a préparé pourrait être consulté ou utilisé par un tiers.
1) Certificat
de localisation
653. Peu importe le mandat qui lui a été confié par son client, l’arpenteur-géomètre
peut engager sa responsabilité extracontractuelle envers un futur acheteur
lorsqu’il prépare un certificat de localisation sans effectuer une recherche
appropriée. Le certificat de localisation est considéré par la jurisprudence
comme une opinion de l’arpenteur qui doit être évaluée selon les critères d’une
obligation de moyens. Ainsi, la responsabilité de ce dernier ne peut être
engagée selon une preuve qui se limite à démontrer que certaines informations
mentionnées dans le certificat sont erronées ou absentes. Cette preuve doit
être complétée par la démonstration qu’un arpenteur prudent et diligent placé
dans les mêmes circonstances n’aurait pas commis une telle faute, mais, au
contraire, aurait rectifié ou complété ces informations.
654. L’arpenteur qui inscrit dans le certificat qu’un immeuble n’est pas
situé dans une zone à risque alors que cette information est erronée, comme le
reconnaîtrait un arpenteur raisonnable, engage sa responsabilité envers l’acheteur
qui s’est fié à ce document. Également, l’arpenteur qui ne mentionne pas la
présence d’une servitude de passage dans son certificat de localisation, alors
qu’il aurait pu découvrir l’existence de cette
[Page 245]
servitude s’il avait
poussé ses recherches, engage sa responsabilité à l’égard de son client ou même
à l’égard du futur acheteur.
2) Réglementation
municipale
655. Il importe de
mentionner que l’article 8 du Règlement sur la norme de pratique relative au
certificat de localisation oblige l’arpenteur à prendre connaissance de la
réglementation municipale en vigueur lors de la préparation du certificat. En
général, lorsque l’erreur commise aurait pu être évitée si l’arpenteur avait
effectué la vérification nécessaire, sa responsabilité sera retenue pour son
défaut de remplir adéquatement ses obligations.
656. Le défaut de l’exécution
d’une obligation de moyens constitue une faute en soi et doit être traité comme
s’il s’agissait d’une obligation de résultat que le débiteur aurait manqué de
remplir à l’endroit de son créancier. Ce dernier n’a pas alors à faire la
démonstration quant à la commission d’une faute, mais seulement à établir la
preuve de l’inexécution de l’obligation et le lien de causalité entre celle-ci
et le préjudice subi. En d’autres termes, bien que l’exécution de l’obligation
de vérification doive, en tant qu’obligation de moyens, être évaluée selon le
critère d’une personne raisonnable et prudente, le défaut de la remplir
constitue en soi une faute pouvant être assimilée à une absence du résultat et
être sanctionnée de la même manière que le défaut de remplir une obligation de
résultat. C’est le cas de l’arpenteur
ayant omis de consulter la réglementation en vigueur en matière de construction
alors que cette obligation faisait partie de son contrat d’arpentage.
I. L’agence de voyages et le grossiste
1) Nature et étendue des obligations de l’agent
et de l’agence de voyages
657. La
responsabilité de l’agent et de l’agence de voyages est régie dans la majorité
des cas par la Loi sur la protection du consommateur
ainsi que par les dispositions prévues aux articles 2098 et suivants du Code
civil du Québec. Cette
responsabilité dépend de la
[Page 246]
nature de l’obligation de l’agent
et des circonstances qui sont particulières au cas et au contrat en l’espèce.
Il ressort ainsi que les obligations de l’agent vont bien au-delà de ce qui est
prévu dans la Loi sur les agents de voyages,
car elles comprennent aussi les garanties de conformité des services et des
produits convenus avec le client.
658. L’exécution par l’agent ou l’agence de ses obligations doit être
évaluée selon leur intensité et en fonction des circonstances qui sont
particulières à chaque cas. Ces obligations peuvent être de moyens ou de
résultat et il appartient au
tribunal de déterminer la nature de l’obligation en question avant de procéder
à l’évaluation des éléments pouvant constituer une faute lors de son exécution.
L’intensité et l’étendue de l’obligation doivent être déterminées à la lumière
de l’enseignement jurisprudentiel et doctrinal et selon la nature de la tâche
devant être remplie par l’agent dans le cas d’espèce.
659. Lorsque l’agent de voyages agit comme intermédiaire et vend un
programme de voyage, il doit être considéré comme un vendeur itinérant et doit
posséder le permis qui se rattache à ce titre. Le fait que le programme de
voyage soit exécuté dans un pays étranger ne dispense pas le prestataire de
services de son obligation de se conformer aux exigences des dispositions
législatives québécoises et canadiennes. Dans le cas où il
[Page 247]
n’a pas de permis
valide, son contractant peut requérir la résolution du
contrat et la restitution de toutes les sommes qu’il a données.
660. Enfin, le non-respect par l’agence
de voyages des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur qui
sont d’ordre public permet au consommateur, notamment, d’obtenir la nullité de
son contrat, la résiliation ou la résolution du contrat, la réduction ou l’exécution
d’une obligation, ainsi que des dommages-intérêts compensatoires et, le cas
échéant, des dommages punitifs.
a) Obligation de résultat
661. L’agent ou l’agence
peut être tenu dans certains cas à une obligation de résultat conformément à la
Loi sur la protection du consommateur, puisqu’il est considéré aux yeux
de cette loi comme un commerçant. Ainsi, il est tenu en vertu de l’article 16
de cette loi à l’obligation de délivrer au client le billet ou le forfait et à
lui fournir les services et les
produits de la même qualité que celle prévue dans
le contrat sans délai ou retard inacceptable.
662. À titre d’illustration, une agence de voyages sera tenue responsable
des dommages subis par un client qui, en raison d’une erreur dans son nom de
famille sur ses billets d’avion, n’a pas pu monter à bord de l’avion ni
profiter de son voyage. L’agent a l’obligation
de lui fournir un billet conforme, valide et exempt d’erreurs. Cette obligation
de conformité fait partie intégrante du contrat et doit être acquittée par l’agent,
qui doit fournir les informations nécessaires et, le cas échéant, les conseils
qui s’imposent compte tenu des circonstances et des particularités du client et
du pays de destination.
663. L’agent ou l’agence
de voyages peut être tenu également à une obligation de résultat en ce qui a
trait à l’état de l’hôtel où les clients résident ainsi qu’à son environnement
sécuritaire, à la qualité et à la quantité des services offerts, ainsi qu’à
leur conformité avec la présentation de l’organisateur.
[Page 248]
664. En
effet, l’agent ou l’agence de voyages est également soumis à une obligation
de conformité des informations données et des représentations
faites préalablement à la conclusion du contrat à ses clients relativement aux composantes du voyage. Cette obligation
en est une de résultat et impose
que les représentations faites par
l’agent au client soient conformes à la réalité de leur séjour. Cette obligation découle
notamment des articles 40 et 41 de la Loi sur la
protection du consommateur, qui stipulent que le service fourni par le commerçant
doit être conforme
à la description qui en est faite
dans le contrat, mais aussi aux déclarations et aux messages publicitaires du commerçant.
665. Prenons,
à titre d’illustration, le cas d’un
voyageur qui achète un forfait en
ligne pour passer une semaine dans le Sud, lequel forfait est décrit sur le site Internet du grossiste ou de
l’agence comme un séjour dans un hôtel à proximité de la plage, avec des
chambres qui ont une vue sur la mer, cinq restaurants et une grande piscine. Si
le client ayant acheté ce forfait auprès de l’agence note une fois arrivé sur place qu’il n’y a qu’un seul
restaurant d’ouvert et que l’hôtel est loin de la plage, que la piscine principale est fermée et que la chambre n’a pas de vue sur la
mer, le grossiste ou l’agence de voyages risque de se faire condamner à rembourser en partie ou en entièreté le montant payé par le client pour son voyage, ainsi qu’à payer des dommages punitifs.
b) Obligation de moyens
666. Les
obligations de résultat de l’agent
ou de l’agence peuvent exceptionnellement être
transformées en obligation de moyens suite à une négociation entre les parties et à condition
que le client soit renseigné sur
la nature et l’étendue des
risques, et plus particulièrement sur
les conséquences qui découlent des changements de la nature de l’obligation de l’agence de voyages. Le
consentement du client à ce changement ne libère cependant pas l’agent de voyages de son obligation d’agir dans le
meilleur intérêt de ce dernier
avec prudence et diligence. Il doit dans tous les cas respecter les usages et
les règles de l’art reconnus dans cette industrie.
[Page 249]
667. Enfin, l’obligation de l’agent ou de l’agence ne peut être que de
moyens lorsque les circonstances entourant son exécution échappent à son
contrôle, notamment le changement de température, la maladie et l’annulation imprévue
d’un vol. La nature de l’obligation doit cependant être déterminée en tenant
compte de la publicité faite à ce sujet par l’agence ou le grossiste.
Certaines agences de voyages qui vendent des forfaits à des « destinations soleil » peuvent exceptionnellement être tenues, en raison
du contenu de la publicité faite, à une obligation de résultat quant à la
température, au degré d’ensoleillement, et à la présence d’insectes.
668. Lors de l’évaluation de la responsabilité de l’agent, le tribunal peut
prendre en considération les circonstances propres au cas d’espèce, notamment l’âge
du consommateur, ses habitudes de voyages ou même le fait qu’il ait déjà
réservé des voyages par Internet. Ces facteurs ne
peuvent cependant pas libérer l’agent des obligations dont il doit s’acquitter,
notamment son obligation de renseignement et son obligation de fournir, le cas
échéant, les conseils appropriés au client compte tenu de ses connaissances et
de ses expériences en rapport avec les voyages et les pays de destination.
i) Obligation de renseignement
669. Parmi les obligations de moyens, on peut citer l’obligation de
renseigner le client prévue à l’article 228 de la Loi sur la protection du
consommateur. L’agent de
voyages ou l’agence doit lui fournir toutes les informations pertinentes et qui
sont à sa disposition quant au prix à payer pour le voyage et à la qualité des
services et des produits qu’il peut recevoir pour le prix à payer. Cette
obligation de renseignement doit être acquittée avant la conclusion du contrat
afin de permettre au client de donner un consentement libre et éclairé et ainsi
accepter de conclure le contrat en toute connaissance des faits.
Dans certains cas, ces informations peuvent non seulement influencer la
décision du client de conclure ou non le contrat, mais aussi de négocier les
conditions et les modalités de son exécution.
[Page 250]
670. D’ailleurs,
la Loi sur la protection du consommateur établit une présomption à l’effet
que, si le consommateur avait eu connaissance d’une information pertinente passée sous silence par le commerçant, il n’aurait pas contracté ou n’aurait pas donné
un prix si élevé (art. 253 L.p.c.). Si l’agent ou l’agence ne parvient pas à repousser cette présomption,
il engagera sa responsabilité pour le préjudice causé.
671. De façon générale, le client doit pouvoir réaliser son voyage sans anicroche. Pour ce
faire, il doit être bien renseigné sur les documents de voyage requis,
notamment la nécessité d’avoir un
passeport, un visa d’entrée,
et en cas de voyage avec un enfant mineur, d’avoir l’autorisation requise de l’autre parent ou par
un jugement, etc. Ainsi, le client
doit être informé des exigences
relatives au passeport, notamment qu’il soit valide pour une certaine durée après son retour de voyage. Bien que
cette information soit disponible sur le site Internet du gouvernement fédéral, l’agence doit tout de même procéder aux vérifications qui s’imposent.
Même dans le cas où une telle information est absente du site Internet du
gouvernement, l’agent pourrait néanmoins être tenu responsable des dommages
subis par son client. En effet, puisqu’il est tenu à un devoir d’information
envers son client, il doit tenir ses connaissances à jour afin d’aviser ses
clients des changements législatifs relatifs aux documents
de voyage nécessaires.
672. Il importe
toutefois de noter que l’agent de voyages ne peut pas être tenu responsable
pour les risques pris par les voyageurs, lorsque ce premier les avait
correctement informés sur les risques que représentait une situation
particulière, mais que les voyageurs ont tout de même choisi de s’exposer à ce
risque. Tel est le cas de voyageurs qui ont été clairement renseignés par leur
agent de voyages sur le risque élevé de vol de voitures dans un stationnement d’aéroport,
mais qui ont tout de même choisi d’y laisser leur véhicule. Ceux-ci ne pourront
pas
[Page 251]
alléguer, suite au vol de leur voiture, que leur agent de voyages n’a pas agi
avec prudence et diligence, lorsqu’il s’est conformé à son obligation de renseignement.
673. L’obligation
de renseigner le client doit être aussi
remplie par l’agent ou l’agence de voyages en cas de
changements ou de modifications survenus après la conclusion du contrat. Cette
obligation demeure toujours une obligation de moyens et toute autre conclusion
à l’effet qu’il s’agit d’une obligation de résultat risque de ne pas trouver
une assise juridique. Il en est ainsi
lorsque la date et les heures du vol ont été modifiées suite à l’achat du
billet d’avion. L’agence doit alors renseigner le client de ces changements
avec diligence, sans toutefois être tenue à une obligation de résultat. Ainsi,
il suffit qu’elle agisse avec prudence et diligence et de manière raisonnable
en transmettant les informations au client pour qu’elle soit dégagée de sa
responsabilité.
674. L’agent et l’agence
de voyages doivent divulguer aux voyageurs les informations relatives à la
sécurité du pays dans lequel ils feront leur voyage.
Cependant, l’agent ne peut être tenu de communiquer des informations qui ne
sont pas connues par les autres agents en appliquant à cet effet le critère d’un
agent prudent, diligent et raisonnable. Ainsi, l’ignorance de la présence d’un
virus ou d’une maladie à l’hôtel recevant les clients peut exclure la
responsabilité de l’agent en question. Dans le cas contraire, ces faits
importants doivent absolument être portés à l’attention de leurs clients, et le
défaut de le faire constitue un manquement à leur obligation de renseignement
qui engage leur responsabilité (art. 228 L.p.c.).
675. Enfin, le défaut de remplir son obligation de renseignement peut
parfois également être sanctionné comme une absence du résultat, comme c’est le
cas pour l’information quant aux visas nécessaires et aux assurances pour une
personne qui voyage pour la première fois au pays de destination. Il en est de
même pour l’information relative au respect des horaires et des dates de vol. L’agent
et l’agence de voyages peuvent
[Page 252]
être ainsi tenus à une
obligation de résultat pour le respect de l’horaire, pour la qualité des lieux
d’hébergement et l’itinéraire, malgré l’existence de plusieurs variables.
ii) Obligations de porter assistance
676. L’agent ou l’agence
a aussi l’obligation de fournir à son client une assistance adéquate et
raisonnable selon les moyens disponibles mis à sa disposition.
Cette obligation de moyens s’impose à l’agent, particulièrement lorsque l’obligation
de renseigner est insuffisante. Il en est ainsi lorsque l’agent avait déjà
connaissance des risques de sécurité que le pays de destination présente.
Dans ce cas, l’obligation peut s’étendre à fournir toute assistance nécessaire
dans le pays de destination afin d’assurer
au client la sécurité nécessaire à moins évidemment que le client bien avisé du
risque, accepte de faire le voyage, dégageant ainsi en toute connaissance de
chose l’agent de toute responsabilité advenant la survenance d’un tel risque.
677. Il faut toutefois
préciser que l’agent ou l’agence de voyages ne peut fournir un agent de
sécurité dans les lieux du pays de destination à moins qu’il s’agisse d’un
voyage organisé, qui englobe la présence d’une personne qui agit non seulement
comme guide, mais aussi pour avertir des différents risques à éviter pour la
sécurité des clients. L’agent ou le
grossiste doit aussi s’assurer que le prestataire de services qu’il mandate
respecte les normes de sécurité applicables dans le pays ou la ville en
question.
2) Responsabilité
du grossiste
678. La responsabilité de l’agent de voyages ne peut être altérée du fait qu’il
agit à titre de représentant pour un grossiste. Au contraire, même en l’absence
d’une faute commune, l’agent de voyages et le grossiste peuvent contribuer
chacun par sa faute au préjudice subi par le client et seront tenus
solidairement responsables pour ce préjudice.
Notons cependant qu’une agence de voyages peut organiser des voyages
[Page 253]
à forfait et être considérée par ce fait même comme
un grossiste. Dans ce cas particulier, elle assume l’entière
responsabilité du grossiste et de l’agent de voyages.
679. En général, la
responsabilité solidaire entre un grossiste et un agent de voyages ne se
présume pas, à moins de faire la
preuve d’une faute commune commise dans l’exécution des prestations prévues
dans la vente à forfait. C’est le cas lorsque, dans le cours des activités de
son entreprise (art. 1525 al. 3 C.c.Q.), l’agent de voyages se sert d’une
brochure publicitaire dont il n’est pas l’auteur et sur laquelle se base le
client pour prendre sa décision d’acheter ou non le voyage offert.
Dans ce cas, l’agent de voyages prend à son compte le contenu de cette brochure
publicitaire et devient solidairement responsable avec le grossiste de la
fourniture de services prévus au contrat ou dans la publicité.
En une telle situation, l’agent de voyages assume avec le grossiste les
obligations qui découlent de la vente du voyage offert par ce dernier (art.
1525 al. 2 C.c.Q.).
680. Il importe de préciser qu’un agent de voyages qui se sert d’une
brochure afin de vendre un voyage sera responsable envers son client de la
véracité des informations qui y sont contenues.
Le voyage vendu doit être conforme aux publicités sur lesquelles est fondé le
choix du client, notamment celles
trouvées dans les brochures publicitaires. Il assume
[Page 254]
donc toute responsabilité qui découle
de la non-délivrance du produit en question et de sa qualité.
Le client ainsi induit en erreur par une brochure
publicitaire qui contient de fausses représentations a droit à des dommages-intérêts lorsqu’il en subit un préjudice. L’agent dispose cependant d’un recours récursoire
contre le grossiste responsable de la préparation des documents en question, même s’il était condamné
solidairement avec ce dernier à payer le montant de l’indemnité au client.
681. Le
grossiste, qui agit à titre d’entrepreneur
de voyage en préparant les offres
que l’agent de voyages propose à ses
clients, est tenu à une obligation
de résultat. Il ne peut se délier de sa responsabilité par
le fait qu’un autre intervenant a mal exécuté l’obligation découlant de la vente
d’un voyage à forfait. Ainsi, la simple
constatation de l’absence de résultat fait présumer la responsabilité du
grossiste. Par ailleurs, il engage sa responsabilité avec l’agence de voyages
en vertu des articles 42 et 43 de la Loi sur la protection du
consommateur. L’article 43 prévoit
que le commerçant est tenu à une garantie relative à un bien ou à un service
ayant fait l’objet d’un message publicitaire par ce commerçant. Le grossiste
est donc tenu à garantir au consommateur la qualité du service ou du bien
décrit dans une brochure qu’il a établie, même si elle avait été utilisée par l’agence
de voyages pour vendre au consommateur le bien ou le service décrit dans cette
brochure. Il s’agit d’une responsabilité solidaire selon l’article 1523 C.c.Q. puisque
le grossiste est tenu en vertu de l’article 43 L.p.c. à une garantie relative
au bien ou au service mentionné dans sa brochure, alors que l’agence de
voyages, en utilisant cette brochure pour vendre au consommateur le bien ou le service, est tenue à lui garantir la qualité de
ce bien ou de ce service telle que décrite dans la brochure.
Ainsi, le grossiste est tenu à l’obligation de garantie pour la qualité du bien
ou du service mentionné dans sa brochure en vertu de la Loi sur la protection du consommateur, alors que
l’agence de voyages sera tenue à cette même obligation en vertu de son contrat
de vente conclu avec le consommateur.
682. Il s’agit
toutefois d’une solidarité imparfaite en raison du fait que la responsabilité
du grossiste découle de la loi alors que la responsabilité de l’agence de
voyages puise son fondement dans le contrat conclu
[Page 255]
avec le
consommateur, et ce, malgré le
fait que la faute commise trouve sa cause dans l’utilisation par les deux
parties d’une brochure de publicité qui contient des informations erronées ou trompeuses. La nature de la responsabilité
de chacun n’est ainsi pas la même.
En effet, en raison du contrat intervenu seulement
entre le consommateur et l’agence de voyages, la responsabilité
de cette dernière sera contractuelle, alors que la responsabilité
du grossiste sera extracontractuelle vu l’absence de
lien contractuel entre ce dernier et le consommateur.
683. Dans
certains cas, bien que la vente intervienne entre le consommateur et l’agence de voyages, celle-ci
agit dans cette vente comme un représentant du grossiste qui a élaboré la
brochure publicitaire et planifié le voyage faisant l’objet de la vente. Le
tribunal peut alors considérer, à la lumière de l’ensemble des faits, que le
contractant du consommateur est le grossiste qui était représenté par l’agent
de voyages dans les négociations et la conclusion du contrat. Le consommateur
peut alors tenir les deux solidairement responsables pour le préjudice subi.
Dans tous ces cas, l’agent de voyages dispose d’un recours récursoire contre le
grossiste pour le montant qu’il a dû payer au client vu la responsabilité de ce
dernier pour le contenu de la brochure et des fausses informations qui y sont
contenues.
3) Responsabilité
du grossiste et de l’agence de voyages pour les actes des sous-traitants
684. Le grossiste qui offre à un consommateur un voyage qui englobe à la
fois le prix des billets d’avion, les frais d’hôtellerie et les autres services
comme les repas du restaurant demeure responsable envers le consommateur pour
les actes commis par les sous-traitants. En effet, la compagnie de transport, l’hôtel
et le restaurateur qui offrent différents services en conformité avec le
forfait de voyage offert par le grossiste agissent en tout temps comme
sous-traitants pour ce dernier. En conséquence, le grossiste sera tenu
responsable de la négligence ou du comportement fautif de son sous-traitant ou
de son représentant dans le pays de destination.
Ces derniers ne peuvent être considérés comme des tiers par rapport au
grossiste.
685. L’agent de
voyages qui était impliqué dans la vente du forfait de voyage offert par le
grossiste sera également tenu responsable pour la mauvaise exécution par l’un
des sous-traitants ou représentants du grossiste. Il s’agit d’une
responsabilité in solidum, et le client ou le
[Page 256]
consommateur pourra
tenir tous les intervenants responsables envers lui pour la mauvaise exécution
des prestations qui découlent de ce forfait de voyage. La responsabilité des
uns peut trouver son fondement dans le contrat de vente ou la promesse du fait
d’autrui, alors que celle des sous-traitants sera fondée sur la stipulation
pour autrui en raison de leur engagement envers le grossiste (le stipulant) à
exécuter leurs obligations au bénéfice des clients voyageurs.
686. Tous les intervenants dans l’exécution des obligations découlant du
voyage à forfait, qu’il soit organisé par le grossiste ou par l’agent de
voyages, agissent à titre de sous-traitants. En vertu de l’article 2101 C.c.Q., l’agent de voyages ou le grossiste
demeure responsable pour l’exécution des obligations qui découlent du contrat
intervenu avec le client. Il ne peut donc s’exonérer de sa responsabilité en
invoquant les actes posés par son sous-traitant ou les omissions commises par
ce dernier. Ainsi, lorsque le
complexe hôtelier omet notamment de remplir son devoir d’assistance et de
sécurité sur les lieux de la destination, l’agent de voyages ou le grossiste
demeurera solidairement responsable de tout préjudice subi par le client.
Il s’agit d’une solidarité imparfaite qui exige du consommateur de constituer
en demeure tous les défendeurs et de les poursuivre en même temps puisqu’il ne
peut bénéficier des effets que produise la solidarité parfaite.
687. L’agent de voyages ou le grossiste demeure en tant que contractant
responsable envers le client de la bonne exécution de l’obligation du
transporteur (art. 1443 C.c.Q.). Ainsi, il sera tenu
responsable de toute faute prévisible découlant de la non-exécution des
obligations du transporteur et causant un préjudice à son client. À titre d’exemple,
un agent de voyages sera tenu de fournir les efforts nécessaires permettant à
son client de se procurer un billet de retour sans frais chez un autre
transporteur en cas de faillite du premier.
688. Ainsi, l’agence de voyages et le grossiste pourraient être tenus
responsables avec le transporteur de la mauvaise exécution par ce dernier de
ses obligations résultant de la vente d’un forfait de voyage au client et qui
découlent aussi de l’application de la Convention pour l’unification de
certaines règles relatives au transport aérien international (« Convention de Montréal ») et qui a été incorporée à la Loi sur le
transport aérien. À
[Page 257]
titre d’exemple, l’agence
de voyages et le grossiste, lorsqu’ils vendent un forfait de voyage incluant le
transport entre l’aéroport et
l’hôtel, doivent s’assurer que les
itinéraires sont réalistes et qu’ils respectent les
horaires des différents modes
de transport. Ils pourraient donc être tenus responsables avec
le transporteur de tout dommage subi par le client en raison du retard dans le
transport aérien.
689. On peut constater une certaine confusion dans certaines décisions ayant
conclu à une responsabilité solidaire contractuelle entre l’agent de voyages,
le grossiste en tant qu’organisateur du voyage et les différents sous-traitants
qui veillent à l’exécution des obligations découlant de la vente de ce voyage à
forfait. Or, une telle
conclusion peut difficilement trouver une assise juridique. En effet, le
contrat conclu par le consommateur intervient uniquement avec l’agent de
voyages, qui selon toute apparence est le seul contractant de ce dernier. Bien
qu’on puisse dans certains cas considérer l’agent de voyages comme un
représentant du grossiste, on ne peut pas présumer une responsabilité solidaire
découlant du contrat conclu avec le consommateur. Même dans ce dernier cas, l’agent
de voyages, qui agit comme un représentant du grossiste, ne peut être tenu
responsable que dans le cas d’une faute commise par lui, laquelle ne peut être
faite que de matière extracontractuelle, excluant ainsi la présomption d’une
solidarité parfaite contractuelle comme le prévoit l’article 1525 alinéa 2 C.c.Q. Sauf exception, cet article ne peut trouver application en une
telle situation. Rappelons que l’article 1525 alinéa 2 C.c.Q. donne lieu à une
présomption de solidarité entre plusieurs codébiteurs qui assument la même
obligation dans le cadre d’un contrat dans lequel chacun des débiteurs
intervient pour s’engager personnellement envers le créancier de l’obligation,
ce qui ne peut être le cas dans la vente d’un voyage à forfait faite par l’agent
de voyages.
690. La responsabilité du grossiste et des autres intervenants dans l’exécution
du voyage organisé ne peut être qu’une responsabilité in solidum, puisque
le contrat qui prévoit les différentes obligations est intervenu seulement
entre l’agent de voyages ou le grossiste et le consommateur. En d’autres mots,
le transporteur, l’hôtelier, le restaurateur, l’agent de sécurité dans le pays
de destination interviennent à titre de sous-traitants dans l’exécution du
contrat, que ce soit pour l’agent ou le grossiste. Cette situation qui implique
plusieurs intervenants donne lieu à l’application à la fois des règles de responsabilité
contractuelle et extracontractuelle. Autrement dit, il s’agit d’une situation
où il y a une diversité
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de sources de responsabilité donnant lieu à l’application
des règles de responsabilité contractuelle pour les uns et des règles de responsabilité
extracontractuelle pour les autres. Cette responsabilité ne peut donc être qu’une
responsabilité in solidum.
691. En cas de perte de bagages du client pendant le transport, l’agence de
voyages ne peut être tenue responsable pour cette perte. Seule la compagnie
aérienne en sera responsable en tant que transporteur. D’ailleurs, le client
peut invoquer la présomption de responsabilité contre cette dernière,
conformément à la Convention pour l’unification de certaines règles
relatives au transport aérien international. Il revient donc à la compagnie
aérienne de renverser le fardeau de preuve afin de se dégager de sa
responsabilité. Cependant, même lorsque sa responsabilité pour la perte des
bagages ne peut être retenue, l’agence a une obligation d’assistance et d’information
envers ceux qui subissent cette malchance, car elle agit comme intermédiaire
lors de la vente du billet de voyage entre la compagnie aérienne et le client.
Cette dernière, en tant que transporteur, a la même responsabilité pour la
sécurité du client que pour ses bagages.
4) Preuve de la faute et quantum des
dommages
692. Afin d’établir la responsabilité de l’agent de voyages, le client doit
mettre en preuve l’existence du contrat de prestations de services régissant la
vente du forfait ou des billets de voyage, la faute de l’agent, le préjudice qu’il
a subi et le lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi.
Dans le cas de la vente d’un forfait, la faute sera présumée sur la preuve de
non-conformité des services fournis à ceux qui sont mentionnés dans la brochure
de publicité. Ainsi, le client, qui s’attend à ce que les services fournis
soient conformes aux informations et aux renseignements mentionnés dans la
brochure de publicité, doit être indemnisé pour le préjudice et les
inconvénients subis.
693. Le client doit en principe faire la preuve de non-conformité par des
moyens fiables et ne peut se limiter à son propre témoignage. Il peut aussi
corroborer son témoignage soit par le témoignage d’autres personnes, soit par
une preuve documentaire, comme la production de photographies prises du lieu de
la destination. Dans tous les cas, le préjudice faisant l’objet d’une demande d’indemnisation
doit être le résultat
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d’un manquement à une
obligation découlant du contrat. Un agent de voyages
ne pourrait donc être tenu responsable envers un client pour un préjudice subi
qui ne découle pas d’un fait qui est lié aux services prévus dans le contrat
intervenu.
694. Dans le cas où le client poursuit à la fois l’agent de voyages et le
grossiste ou d’autres intervenants dans l’exécution du voyage à forfait, il
doit faire la preuve du lien de droit avec chacun des défendeurs. Il doit faire
la preuve d’une faute commise par chacun, qui ne peut être pour la plupart qu’une
faute extracontractuelle vu l’absence de lien contractuel. Il doit également
faire la preuve du préjudice subi et du lien de causalité avec la faute
commise.
695. Quant au
quantum des dommages, c’est l’article 272 de la Loi sur la protection du
consommateur qui prévoit les recours civils disponibles. Malgré le fait que
la loi prévoie que le choix de la mesure de réparation appartient au
consommateur, le remède doit être approprié et il relève toujours de la
discrétion du tribunal, qui peut accorder un autre remède. Ainsi, l’appréciation
du préjudice doit se faire selon les faits propres au cas d’espèce et qui
démontrent la situation vécue par le client et non pas selon une méthode
mathématique. Ainsi, il sera inapproprié de soustraire le coût des billets d’avion
du forfait voyage, puisque ce forfait représente un ensemble de services, ce
qui nécessite une appréciation du préjudice effectivement subi selon les faits
au lieu de procéder de façon uniquement mathématique, créant ainsi un quantum
artificiel. En général, le tribunal n’accorde pas le remboursement total du
voyage lorsque, malgré le préjudice subi, la preuve révèle que le client a tout
de même pu profiter d’une partie substantielle du forfait.
696. Enfin, des dommages-intérêts punitifs peuvent être imposés au grossiste
dans le cadre d’un contrat de consommation en vertu de l’article 272 alinéa 8
de la Loi sur la protection du consommateur, qui prévoit la possibilité
de sanctionner un comportement fautif du commerçant et de faire de cette
sanction un exemple. Le consommateur n’a
pas à prouver sa mauvaise foi ou sa faute lourde dans le cadre de ce recours.
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5) Causes d’exonération de responsabilité
697. L’agent de voyages ou le grossiste ne peut exclure ou limiter sa
responsabilité par le biais d’une clause insérée dans le contrat intervenu avec
son client. L’article 10 de la Loi
sur la protection du consommateur rend cette
clause nulle et sans effet. Cependant, la responsabilité de l’agent peut être
limitée par le fait et les comportements du client qui a toujours le devoir d’agir
avec prudence et diligence. Il a ainsi le devoir de se renseigner de son côté
sur la situation politique du ou des pays qu’il souhaite visiter durant son
voyage. Par son défaut de
remplir son obligation de se renseigner, le client vient limiter la
responsabilité de l’agent pour l’événement qui s’est produit, alors qu’il
aurait pu être évité n’eût été ce défaut.
698. L’agent de voyages ne peut s’exonérer qu’en prouvant la conformité des
services fournis aux informations
communiquées au client. Il peut aussi s’exonérer de toute responsabilité en
faisant la preuve d’un cas de force majeure
ou la faute du client ou d’un tiers, s’apparentant à un cas de force majeure.
Il peut ainsi invoquer l’acte d’une compagnie de transport aérien rendant le
délai de correspondance insuffisant, un différend
commercial, une grève d’employés,
un souci de sécurité, etc. Le plus souvent,
l’objet du contrat vise principalement l’hébergement dans un hôtel choisi, de
sorte que le transport devient accessoire au voyage.
Toutefois, lorsqu’un retard important
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est causé par un bris
mécanique de l’avion ou en cas de décision
d’un transporteur d’annuler un vol alors que l’agent de voyages s’est engagé à
ce que le transporteur respecte les conditions de vol,
la faute de ce dernier peut être considérée comme inacceptable dans les
circonstances et non exonératoire. Aussi, l’agent de
voyages ne peut se retrancher derrière le défaut par le grossiste de remplir
ses obligations ni faire valoir comme cause d’exonération sa qualité d’intermédiaire
en tant que dépositaire de ses publications.
Il sera toutefois question d’un véritable cas de force majeure pour le
grossiste, l’agent de voyages ou le transporteur aérien dans le cas d’un
ouragan non prévisible au moment de l’achat du voyage par le client.
699. L’agence de voyages ou le grossiste, sans égard à la nature de ses
obligations, peut également soulever la faute du tiers ou du client puisque,
selon l’article 1470 alinéa 2 C.c.Q., l’acte de ces derniers est assimilé à
un cas de force majeure. Également, lorsque l’obligation de l’agent de voyages
est une obligation de moyens, ce dernier peut toujours soutenir qu’il a agi
comme une personne raisonnable avec prudence et diligence. En présence d’une
telle obligation, il sera difficile de retenir la responsabilité de l’agence, à
moins que le client ne fasse la démonstration d’une faute commise par cette
dernière qui était la cause directe du préjudice qu’il a subi.
700. Lorsque l’agent de voyages est tenu de remplir une obligation de résultat, telle que l’obligation
portant sur la délivrance du forfait ou des billets de voyage, ce dernier pourra invoquer comme moyen de
défense le cas de force majeure conformément à l’article 1470 C.c.Q..
Cet article permet au débiteur de soutenir que son manquement est dû à un
événement qui ne peut lui être imputé s’agissant soit
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d’un cas de force majeure ou
de la faute d’un tiers ou du créancier
lui-même. Il doit cependant démontrer le caractère imprévisible de l’événement
en question. Par ailleurs, l’agence
de voyages qui prétend avoir réagi promptement suite à la survenance d’une
force majeure doit démontrer qu’elle a fait de son mieux pour accommoder sa clientèle
rapidement. À défaut d’une telle preuve, elle pourra difficilement réussir à
faire rejeter le recours en responsabilité dirigé contre elle. Cependant, le
fait que l’événement soit imprévisible, alors que l’agence avait tenté d’épargner
à ses clients le plus d’inconvénients possible, malgré les circonstances provoquées par cet événement, devra être
considéré comme une preuve suffisante pour rejeter la demande en responsabilité
pour le préjudice subi par ces derniers.
701. Enfin, il
importe de souligner que, lorsque l’agence de voyages n’a pas rempli ses
obligations conformément aux stipulations du contrat intervenu avec le client,
et que celui-ci a été obligé de débourser un montant d’argent supplémentaire
afin de pallier ce manquement, l’agence de voyages ne sera tenue au
remboursement que pour l’équivalent de la prestation qui était censée être
fournie. Également, l’agence
ne peut être tenue responsable des options dont le client peut se prévaloir,
mais qui sont stipulées non garanties.