Art. 1462. On ne peut être responsable du préjudice causé à autrui par le fait
d’une personne non douée de raison que dans le cas où le comportement de
celle-ci aurait été autrement considéré comme fautif.
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Art. 1462. A person is liable for
injury caused to another by an act or omission of a person not endowed with
reason only in cases where the conduct of the person not endowed with reason
would otherwise have been considered wrongful.
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C.C.B.-C
1053. Toute
personne capable de discerner le
bien du mal, est responsable du dommage causé par sa faute à autrui, soit par
son fait, soit par imprudence, négligence ou inhabilité.
O.R.C.C. (L. V, DES OBLIGATIONS)
94. Toute personne, douée de discernement, est tenue de se comporter à l’égard
d’autrui avec la prudence et la diligence d’une personne raisonnable.
95. Celui qui,
privé de discernement, cause un dommage à autrui, peut être tenu à réparation selon
les circonstances.
On doit, notamment, tenir compte de ce que la
victime ne peut obtenir réparation de la personne tenue à sa surveillance.
C.c.Q. : art. 258 et suiv. et 1457.
C.c.B.-C. : art. 1053.
O.R.C.C. : art. 94 et 95.
1. Notions
générales
3546. Tout comme
l’article 1457 C.c.Q., l’article 1462 C.c.Q. réaffirme le principe selon lequel
seule la personne douée de raison est responsable du préjudice qu’elle cause.
Il pose également la règle voulant qu’une personne ne soit tenue responsable du
fait dommageable d’une personne non douée de raison, à moins que le
comportement de celle-ci qui est la cause du préjudice subi par autrui ne
constitue, de façon objective, une
faute.
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3547. La règle de l’article 1462 C.c.Q. réitère l’importance de la détermination des actes ou omissions
pouvant constituer une faute civile. La conduite à la source du préjudice doit
être appréciée en tenant compte de normes abstraites de conduite d’une personne
normalement prudente et compétente. Ainsi, dans une action en
dommages-intérêts, le tribunal a jugé que le fait de mettre la main sur les
fesses d’une jeune fille de 13 ans
qui, prise de panique, se blesse en tentant de fuir, constitue un comportement
inadmissible, même si le défendeur n’avait aucune intention malicieuse et n’était
pas au courant que ce genre de conduite était inacceptable dans notre société.
La détermination de la faute civile est donc laissée à la discrétion des
tribunaux qui appliquent des critères de raisonnabilité et de prudence en
tenant compte des changements sociaux et de l’évolution des mœurs.
3548. La loi n’exige pas cependant que l’on prévoie tout ce qui est possible,
mais bien que l’on se prémunisse contre les dangers probables ou prévisibles et
que l’on adopte le comportement d’un individu normal, prudent et diligent placé
dans les mêmes circonstances. Exiger davantage et prétendre que l’on doive
prévoir toute possibilité rendrait impossible toute activité. Ainsi, transposée
dans le domaine médical, la notion de faute civile sera traitée en fonction de
la conduite conforme à la pratique médicale existante au moment de la
commission ou de l’omission de l’acte qui a causé le préjudice.
3549. La règle de l’article 1462 C.c.Q. concorde avec celle du deuxième alinéa de l’article 1457 C.c.Q. selon laquelle seule une personne
douée de raison peut être responsable de sa faute et du préjudice qui en
résulte. Les tribunaux, en appliquant cette règle, ont conclu à maintes
reprises que le majeur et le mineur privés de discernement étaient incapables d’avoir
conscience du caractère fautif de leurs actes et ne pouvaient ainsi être tenus
responsables du préjudice causé à autrui.
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2. Historique
3550. Cette règle
est la même que celle qui était prévue à l’article 1053 C.c.B.-C. Toutefois, au
lieu de reprendre le concept de « capacité de discernement » comme
exprimé à l’article 1053 C.c.B.-C. et à l’article 94 O.R.C.C., le législateur a
choisi d’utiliser, le concept de « la personne douée de raison »
comme condition préalable afin d’établir le caractère fautif d’un acte. Ce
changement de terminologie ne devrait pas poser de problème d’interprétation.
3551. Il faut
rappeler qu’un individu peut, dans certaines situations,
voir sa « capacité de discernement » amoindrie,
ce qui aurait comme conséquence de réduire ou d’annuler sa responsabilité.
Ainsi, si un individu « doué de raison » se retrouve dans des
circonstances particulières ayant comme effet d’amoindrir sa « raison »,
il pourrait, de la même façon, voir sa responsabilité réduite ou annulée.
3552. La
codification du principe contenu à l’article 1053 C.c.B.-C. quant à la
responsabilité civile des individus doués de discernement, diffère de ce qui
avait été proposé par l’Office de révision du Code civil aux articles 94 et 95.
En effet, le législateur n’a pas cru bon de codifier le pouvoir accordé au
tribunal à l’article 95 O.R.C.C. Ce pouvoir permettait au tribunal de décider,
dans certains cas, d’imposer une obligation de réparer le dommage causé par une
personne qui ne pouvait apprécier les conséquences dommageables de ses actes
lorsque la victime n’avait pas d’autres recours utiles à sa disposition.
3553. Il en est
ainsi de la personne victime d’un fait dommageable dont l’auteur est un majeur
non doué de raison qui est sous la garde d’une personne qui n’a pas commis de
faute lourde ou intentionnelle. Compte tenu du libellé de l’article 1461
C.c.Q., la victime, dans de telles circonstances, fait face à un déni de
justice. Il serait donc souhaitable
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que les tribunaux n’omettent
pas de prendre en considération le fait qu’il existe, dans le milieu
psychiatrique, différents niveaux d’incapacité. À titre d’illustration, le fait
pour une personne d’être internée dans une institution psychiatrique ou de
devoir vivre la majorité du temps sous supervision ne signifie pas
nécessairement qu’elle n’est pas douée de raison au sens juridique. Dans ce
domaine, chaque cas en est un d’espèce. Le fait d’être jugé médicalement inapte
à vivre en milieu ouvert pourrait créer une présomption d’absence de raison
chez cette personne. Cependant, la capacité de discerner le bien du mal fluctue
chez certains individus en fonction de la nature de l’acte accompli et des
circonstances. Autrement dit, un juge devrait pouvoir retenir la responsabilité
pour voies de fait d’un majeur ne disposant pas de la stabilité mentale pour
gérer ses affaires ou conclure des contrats, mais qui est néanmoins capable de
discerner ce qui est bien de ce qui est mal.