Art. 1446. La stipulation est revocable aussi longtemps que le tiers
bénéficiaire n’a pas porté à la connaissance du stipulant ou du promettant sa
volonté de l’accepter.
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Art. 1446. The stipulation may be revoked as
long as the third person beneficiary has not advised the stipulator or the
promisor of his will to accept it.
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C.c.B.-C.
1029. On peut pareillement stipuler au profit d’un tiers, lorsque telle est la
condition d’un contrat que l’on fait pour soi-même, ou d’une donation que l’on
fait à un autre. Celui qui fait cette stipulation ne peut plus la révoquer si
le tiers a signifié sa volonté d’en profiter.
C.C.B.-C. : art. 1029.
1. L’acceptation de la stipulation
A. Forme et
moyens de communication de l’acceptation
2657. Le
législateur emploie à cet article l’expression « porté à la connaissance » pour souligner l’importance d’informer le stipulant ou le promettant de
l’acceptation de la stipulation. Ce principe
correspond
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à l’interprétation
libérale dont a toujours joui le terme « signifié » dans le
contexte de la stipulation pour autrui. Ainsi, tous
les moyens sont bons pour signifier son acceptation, celle-ci pouvant d’ailleurs
être tacite ou expresse. En effet, la jurisprudence
a clairement établi qu’une signification formelle n’est pas nécessaire à l’acceptation.
2658. Le tiers
bénéficiaire est donc appelé à accepter la stipulation faite en sa faveur.
Un auteur est d’avis que cette
condition fait en sorte que la stipulation pour autrui n’est qu’une exception
apparente et non réelle au principe de l’effet relatif des contrats car le
tiers ne peut être créancier sans son consentement.
Il n’existe pas de stipulation pour autrui du seul fait qu’un contrat soit
susceptible de procurer un avantage à un tiers.
2659. L’acceptation
du tiers bénéficiaire de la stipulation prévue dans le contrat pour son
bénéfice peut être expresse ou implicite. Elle est
expresse lorsqu’elle fait l’objet d’un écrit qui a été transmis au promettant
et au stipulant. Il n’est pas nécessaire que l’intention d’accepter la
stipulation soit exprimée en termes précis et spécifiques, mais il suffit que l’écrit
indique et reflète cette intention. Cependant, elle peut être implicite lorsque
des faits ou des actes accomplis par le tiers bénéficiaire permettent de
conclure à son acceptation de la stipulation. C’est le cas lorsque le
bénéficiaire s’adresse au promettant en réclamant la prestation faisant l’objet
de la stipulation ou sa mise en exécution. L’acceptation peut aussi être
établie par la preuve de la demande faite au bénéficiaire de renoncer à la
stipulation et le refus de celui-ci de le faire.
C’est le cas aussi lorsqu’il intente une action contre le promettant afin de se
prévaloir de son droit à la stipulation ou lorsqu’il
exprime sa reconnaissance au stipulant. Il appartient toutefois au tiers
bénéficiaire de faire la
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preuve de l’acceptation
de la stipulation et du fait qu’elle a été portée à la connaissance du stipulant ou du promettant. Cette preuve est
soumise aux règles applicables en matière de preuve.
B. Effets de l’acceptation
2660. L’acceptation
n’a pas pour effet de créer l’obligation, puisque celle-ci existe dès la
conclusion du contrat entre le stipulant et le promettant. Elle a pour effet de
rendre la stipulation définitive et sa révocation par
le stipulant difficile. À titre d’exemple, l’assurance
médicale collective dans le domaine du travail constitue un exemple par
excellence d’une stipulation pour autrui (en l’occurrence les employés), puisqu’elle
est généralement conclue par l’employeur à leur bénéfice. Ainsi, l’employé qui
adhère au régime collectif en matière d’assurance maladie devient un
bénéficiaire par la simple communication de sa demande de se faire rembourser
les frais médicaux encourus. Cette demande fait présumer son acceptation de la
stipulation. Dans ce cas il est le seul pouvant par la suite y renoncer puisque
l’assureur en l’absence d’une telle renonciation ne peut lui refuser le
remboursement.
2661. Puisque le
droit de créance est créé avant l’acceptation de la stipulation, les héritiers
du tiers bénéficiaire décédé peuvent acquérir cette créance par l’acceptation
de la stipulation. Cette stipulation fait partie des biens de la succession et
les héritiers ou les légataires peuvent donc exercer le droit d’acceptation à
la place du tiers bénéficiaire décédé, et ce, même aussi après le décès du
stipulant ou du promettant.
2. La révocation de la stipulation
2662. La
stipulation pour autrui est révocable par le stipulant jusqu’à ce que le
bénéficiaire ait porté sa volonté d’en profiter à sa connaissance ou à celle du
promettant. Ainsi, tant que le
tiers n’aura
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pas manifesté son
intention de profiter de la stipulation, il est permis au stipulant de désigner
un autre bénéficiaire ou de s’en réserver personnellement le bénéfice.
A. Forme de
révocation
2663. Aucune
formalité n’est requise pour la révocation d’une stipulation pour autrui, la
seule exigence étant que le bénéfice accordé au tiers bénéficiaire soit
clairement anéanti et que l’intention de révoquer soit claire.
La révocation peut donc se faire de manière directe ou indirecte et de façon
explicite ou implicite.
2664. La loi n’exige
aucune forme quant à la validité de la révocation. Puisque la formulation de la
stipulation pour autrui peut se faire par entente verbale sans contrat formel,
la révocation peut également être verbale ou écrite. Il s’agit d’une question
de preuve et, dans la mesure où la preuve testimoniale est admise, la
révocation de la stipulation pour
autrui communiquée verbalement pourra être prouvée par le témoignage du
stipulant ou de tout autre témoin et, conséquemment, sera opposable au
promettant et au tiers bénéficiaire. Il n’en demeure pas moins qu’une telle
preuve ne sera pas toujours facile à faire. En cas de contradiction dans les
versions des faits données par les parties, la meilleure preuve sera l’aveu ou
l’admission du promettant lui-même. C’est pourquoi il en va de l’intérêt du
stipulant de produire une preuve écrite en faisant parvenir sa révocation au
promettant par le biais d’une lettre formelle et de conserver la preuve de
réception de cette révocation.
B. Effets de la
révocation
2665. Une fois
prouvée, la révocation produit ses effets à l’égard du promettant et du tiers
bénéficiaire. Ainsi, tout paiement fait par le promettant après la révocation
pourra être déclaré illégal et inopposable au stipulant. Ce dernier pourra alors
se voir obligé de payer une deuxième fois, cette fois au nouveau bénéficiaire
désigné ou au stipulant, dans la mesure où il s’est désigné lui-même comme
bénéficiaire.
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C. Limite à l’exercice
du droit de révocation
2666. L’article
1447 C.c.Q. prévoit cependant une limite au droit du stipulant à la révocation.
Il ne peut, en effet, procéder à la révocation sans le consentement du
promettant qui a un intérêt dans le maintien de la stipulation. À titre d’illustration,
l’acheteur d’une entreprise, qui promet de payer le prix de vente à un tiers
détenant une hypothèque mobilière qui grève l’entreprise vendue, a un intérêt à
ce que le prix soit payé au tiers détenteur de la créance hypothécaire pour
ainsi obtenir la radiation de l’hypothèque. Il peut donc s’opposer à tout
changement dans la désignation du bénéficiaire du prix de vente lorsque le
vendeur (stipulant) décide de révoquer cette stipulation pour autrui.
D. Personne
pouvant révoquer la stipulation
2667. Il importe
de souligner que la révocation de la stipulation pour autrui appartient
seulement au stipulant. Le promettant ne peut aucunement révoquer son
engagement pris pour le bénéfice d’un tiers. Il y a donc lieu de faire la
distinction entre une stipulation pour autrui contenue dans un contrat
valablement et définitivement formé et la promesse faite à une personne de s’engager
par contrat avec un tiers. Dans le cas de la stipulation, le promettant ne peut
revenir sur son engagement ni
révoquer la stipulation pour autrui qu’il a contractée avec le stipulant au
bénéfice d’une tierce personne, à moins qu’il ne se réserve expressément le
droit de le faire. Quant à la promesse, le promettant ne fait que s’engager à
ce que le tiers respecte l’obligation prévue et peut modifier l’identité de ce
tiers lorsque les conditions du contrat le permettent. Seul le stipulant a le
droit de révoquer cette stipulation tant que le tiers bénéficiaire n’a pas
manifesté son intention de l’accepter.
2668. Rappelons
que du moment que le tiers accepte la stipulation, le stipulant perd son droit à sa révocation. Ainsi, il ne pourra pas
par la suite prétendre qu’il y a eu erreur dans la rédaction du contrat et que
son intention n’était pas d’y inclure une stipulation pour autrui afin de se
désigner lui-même bénéficiaire. Permettre à ce dernier de revenir sur la
désignation du bénéficiaire, alors que celui-ci a déjà acquis par son
acceptation le droit de bénéficier de l’exécution de l’obligation, aura pour
effet de remettre en question la stabilité des relations contractuelles et le
respect des principes fondamentaux applicables aux contrats.
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3. Distinction avec d’autres engagements
2669. Il ne faut
pas confondre la stipulation pour autrui avec un engagement pris par un
promettant pour conclure un contrat suivant des termes, des conditions et des
modalités déjà convenus avec une autre personne concernée puisque ce dernier
engagement ne pourra pas être considéré comme une stipulation pour autrui au
sens des articles 1444 C.c.Q. et
suivant. Il s’agit en réalité d’un engagement sui
generis qui peut engager la responsabilité du
promettant envers la personne intervenue à cet engagement ou envers le tiers
avec qui le contrat devait être conclu. Tel est le cas d’un entrepreneur qui
invite, par un appel d’offres, des sous-traitants à déposer leurs soumissions
par l’entremise du Bureau des soumissions déposées du Québec (BSDQ) mais qui
refuse par la suite d’octroyer le contrat au plus bas soumissionnaire conforme.
L’engagement de l’entrepreneur de conclure un contrat avec le sous-traitant qui
dépose une soumission conforme au cahier des charges et offre le plus bas prix,
ne constitue pas une stipulation pour autrui au bénéfice du sous-traitant.
Il s’agit plutôt d’un engagement sui generis qui engage la responsabilité de l’entrepreneur envers ce dernier et le
BSDQ.