Art. 1436. Dans un contrat de consummation ou d’adhésion, la clause illisible
ou incompréhensible pour une personne raisonnable est nulle si le
consommateur ou la partie qui y adhère en souffre préjudice, à moins que l’autre
partie ne prouve que des explications adéquates sur la nature et l’étendue de
la clause ont été données au consommateur ou à l’adhérent.
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Art. 1436. In a consumer contract or a contract
of adhesion, a clause which is illegible or incomprehensible to a reasonable
person is null if the consumer or the adhering party suffers injury
therefrom, unless the other party proves that an adequate explanation of the
nature and scope of the clause was given to the consumer or adhering party.
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C.c.Q. : art. 1379 et 1384.
Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1 : art. 25.
1. Notions
générales
2197. Cet
article édicte une règle applicable seulement aux contrats d’adhésion et de
consommation. Il importe donc de déterminer d’abord si la clause mise en
question se trouve dans un contrat de consommation ou d’adhésion. La notion de
contrat d’adhésion est définie à l’article 1379 C.c.Q. alors que le contrat de consommation est défini à l’article 1384 C.c.Q. La disposition de l’article 1436 C.c.Q. permet donc à l’adhérent ou au
consommateur de faire déclarer nulle toute clause objectivement illisible ou
incompréhensible de son contrat, telle la clause très technique ou savante, si
celle-ci lui cause préjudice. Il s’agit donc d’une règle fondée sur le principe
du préjudice et non sur la notion de lésion.
2198. De la même
façon, si la clause est ambiguë, il appartient à la partie qui l’a rédigée d’en
supporter les conséquences. Le but de cette règle
est de s’assurer ainsi que le consentement donné soit bel et bien éclairé.
Elle trouve également application dans le cas d’un contrat signé antérieurement
à l’entrée en vigueur du nouveau Code civil
par le biais de l’article 82 de la
Loi sur l’application de la réforme du Code civil.
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2. Clause illisible
2199. La clause illisible est celle qui est écrite en caractères si minuscules qu’on se
demande si les auteurs ont bien voulu qu’elle soit vue ou connue.
Ainsi, lorsqu’une personne raisonnable est incapable d’en prendre connaissance
vu la grosseur des caractères utilisés, le tribunal doit déclarer la clause en
question illisible. Il s’agit donc d’une
exigence de forme puisque le caractère illisible de la clause s’évalue de façon
matérielle.
2200. Les
clauses situées au verso du contrat ne sont pas considérées comme étant des
clauses illisibles et l’article 1436 C.c.Q. ne peut donc recevoir application dans un tel cas. Cependant, si
la forme du contrat est tellement confuse et que cette clause inscrite au verso
rend le contrat incompréhensible, la règle sur les clauses illisibles et
incompréhensibles pourra alors s’appliquer. Il en est de même lorsque la clause
située au verso est écrite en caractères minuscules, si bien que l’adhérent ne
peut la comprendre malgré un effort suffisant.
2201. Plusieurs facteurs
portant sur les caractères d’impression peuvent être pris en considération pour
déterminer si la clause contestée est illisible pour une personne raisonnable.
Ainsi, la grosseur du caractère ou de la lettre, la forme des caractères
(italiques, romains...), le ton ou le contraste de la couleur (pâle sur pâle ou
foncé sur foncé) et
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l’espace entre les
lettres sont des éléments à considérer par les tribunaux pour déterminer si la clause
litigieuse est illisible.
2202. La
doctrine et la jurisprudence
donnent à la clause illicite une définition large qui ne se limite pas au sens
matériel ou à la grosseur des caractères, ni à la forme des lettres ou à l’espace
entre elles, mais s’étend aussi à l’endroit où la clause apparaît dans le
contrat. C’est ainsi que l’on a qualifié d’illisible la clause dissimulée parmi
d’autres clauses de sorte que son auteur cherche par son emplacement à éloigner
l’attention du consommateur ou de l’adhérent de l’importance et des
conséquences qui résultent de son application. Le caractère illisible d’une
clause ne consiste pas seulement dans le défaut de se conformer à une simple
exigence de forme, mais il correspond aussi au caractère accessible du texte
lorsque cette clause affecte les droits du consommateur ou de l’adhérent.
2203. Il faut
souligner que le caractère illisible de la clause peut concerner l’endroit où
elle a été glissée dans le contrat. Il s’agit d’un problème sérieux et d’une
pratique courante suivie par des commerçants qui utilisent des contrats types
contenant des clauses ayant des conséquences importantes en cas d’application.
Ces clauses apparaissent souvent au verso du contrat et le commerçant non
seulement ne fournit pas d’explications utiles au consommateur ou à l’adhérent
afin qu’il saisisse sa portée et son étendue, mais il ne s’assure pas non plus
que ces clauses soient facilement lisibles par ce dernier. En fait, ces clauses
sont dissimulées au verso du contrat, noyées parmi d’autres clauses de sorte
que la personne concernée doive faire un effort particulier pour en prendre
connaissance. Ces clauses doivent être considérées comme illisibles même pour
une personne prudente et raisonnable. À titre d’exemple, lorsque la clause
noyée parmi d’autres clauses est une clause essentielle ayant des conséquences
importantes sur le consommateur ou
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l’adhérent, même si le caractère des
lettres ou de la forme ne permet pas de qualifier cette
clause d’illisible, le fait qu’elle soit placée à un endroit du contrat qui n’attire
pas l’attention de ce dernier et qui atténue son importance, cette situation
est suffisante pour qualifier d’illisible la clause et ainsi la déclarer
inopposable à l’égard de l’adhérent ou du consommateur.
2204. Enfin, une
clause illisible est, en principe, inopposable à l’adhérent puisqu’il ne peut
en avoir connaissance et par conséquent ne peut être présumé l’avoir acceptée.
En effet, on peut difficilement concevoir que l’adhérent aurait donné un
consentement éclairé à une clause dont il n’a pas pu prendre connaissance ou
comprendre le contenu et sa portée juridique. Ainsi, dans un contrat contenant
une clause illisible qui prévoit un droit de préférence lors du renouvellement
du contrat, l’adhérent n’est pas lié par cette clause et peut faire rejeter,
sur cette base, tout recours de son cocontractant, notamment une action en
dommages-intérêts pour avoir attribué à autrui le contrat. De même, le fait que
l’adhérent ait déjà contracté plusieurs fois avec l’auteur du contrat ne peut
faire présumer sa connaissance de la clause écrite en caractères illisibles.
3. Clause
incompréhensible : notion et
définition
2205. La clause
incompréhensible est celle qui est écrite dans un langage si savant et
technique qu’elle ne peut être comprise que par une personne initiée dans ce
domaine. Ainsi, ce genre de clauses se retrouve fréquemment dans des contrats
types ou de consommation.
2206. Le fait qu’une
clause en particulier, hors de son contexte, manque de clarté ou porte à
confusion n’en fait pas nécessairement une clause incompréhensible,
à moins que l’ensemble de la preuve, notamment l’importance de cette clause par
rapport au reste du contrat pour l’adhérent ou le consommateur, ne démontre qu’il
en résulte un préjudice sérieux pour ce dernier. À titre d’exemple, la clause d’exclusion
de garantie stipulée dans un contrat de vente sera déclarée nulle si elle
contient des détails très techniques et que le consommateur n’a pas reçu
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les explications
adéquates. Elle se définit comme
étant une clause dont le contenu devient inintelligible, ambigu ou vague et
permet diverses interprétations en raison de sa mauvaise formulation.
2207. Un autre
facteur pouvant mener à la conclusion que la clause est incompréhensible est la
langue utilisée pour la rédaction. Ainsi, un contrat de cautionnement rédigé en
anglais sera considéré incompréhensible pour l’adhérent unilingue francophone n’ayant
pas reçu les explications adéquates quant à la nature et à la portée de
certaines clauses. Ce dernier risque
cependant de voir son recours rejeté lorsque la preuve révèle une négligence de
sa part puisqu’il était en mesure de se faire aider par un tiers afin de
comprendre le contenu de son contrat avant d’y donner son consentement.
4. Preuve
requise
2208. Le
consommateur ou l’adhérent pourra désormais invoquer la nullité d’une telle
clause en démontrant qu’une personne raisonnable n’aurait pas pu la lire ou la
comprendre et qu’elle lui cause un préjudice. La nullité d’une telle clause
pourra être évitée si le cocontractant réussit à démontrer qu’il a fourni des
explications suffisantes sur la nature et la portée de celle-ci et que, par
conséquent, le consommateur ou l’adhérent ne peut se plaindre de ne pas avoir
pu lire ou comprendre ladite clause. Lors de l’évaluation
de la suffisance de l’information, le tribunal doit tenir compte de l’ensemble
des renseignements fournis à l’adhérent ou au consommateur pour lui permettre
de saisir le contenu et la portée de la clause en question. Autrement dit, ce n’est
pas la clause prise isolément que l’on doit analyser afin de déterminer si l’adhérent
ou le consommateur pouvait être en mesure de la comprendre, mais aussi toutes
les explications données verbalement ou par écrit en rapport avec cette clause.
2209. Il est
important de préciser à quel moment les informations relatives à la clause incompréhensible doivent être fournies. Si le
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cocontractant
informe l’adhérent sur la nature
et la portée de la clause au
moment de la formation du contrat, la clause sera alors valide et l’adhérent n’aura aucun recours en vertu de l’article
1436 C.c.Q. Par contre, si les informations sont données au moment de l’exécution du contrat, la clause pourra être annulée
conformément à l’article 1436 C.c.Q. La clause pourra néanmoins être valide si ces informations données sont suffisantes
pour permettre à l’adhérent d’exécuter l’obligation prévue à la clause sans
difficulté excessive. Il s’agit ici de favoriser la stabilité des contrats et d’annuler
seulement une clause et non le contrat en entier.
2210. De plus, il
ne faut pas négliger l’obligation de l’adhérent de s’informer sur les clauses
qu’il ne comprend pas. En effet, s’il néglige de s’informer il ne pourra plus
par la suite, obtenir la nullité de la clause, au motif qu’il n’a pas reçu les
informations adéquates. De la même manière,
il ne pourra pas invoquer l’article 1436 C.c.Q. pour se protéger contre l’erreur
inexcusable, à moins d’avoir
demandé des informations à son
contractant et que celui-ci se soit abstenu de les fournir.
Le législateur veut ainsi s’assurer que la rédaction des clauses comprises à l’intérieur des contrats types d’adhésion
ou de consommation soit de plus en plus équitable et qu’elle corresponde mieux
aux besoins et à la situation des adhérents ou des consommateurs.
2211. Le critère de
la personne raisonnable impose quelques précisions afin que l’évaluation du
caractère illisible ou incompréhensible de la clause en question soit faite de
manière objective. Pour ce faire, le tribunal peut se référer à la notion du
consommateur moyen puisqu’il est question de contrat de consommation.
Bien qu’il s’agisse d’un critère d’évaluation in abstracto, soit un test
objectif, les tribunaux devraient néanmoins à l’aide d’un test subjectif, tenir
compte de certains critères propres à l’adhérent, tels que son niveau d’éducation,
sa formation professionnelle et son expérience. Ainsi, une clause risque d’être
moins incompréhensible pour une personne ayant un haut degré d’éducation
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que pour une personne
ayant peu ou pas d’éducation. Le tribunal devra
également évaluer si l’adhérent a agi de manière raisonnable.
Si, dans les faits, l’adhérent n’a pas compris la clause litigieuse, le
tribunal pourra malgré tout décider de ne pas l’annuler
après avoir conclu qu’une personne raisonnable appartenant à la même catégorie
sociale que l’adhérent ou le consommateur et placée dans les mêmes
circonstances, aurait été en mesure de saisir la portée de la clause.
Lors de l’analyse, le tribunal ne peut pas uniquement s’intéresser aux mots
utilisés mais doit aussi considérer les attentes légitimes de l’adhérent
(notamment en matière d’assurances), de la nature du contrat, de la finalité de
la cause, du contexte interne et externe du contrat.
2212. La
codification de cette règle résulte d’une tendance nord-américaine qui prône la
rédaction d’actes juridiques de façon simple et accessible à tous (plain langage). Cette règle vise à contrer certaines pratiques abusives qui ont cours
dans le domaine des contrats types où l’on impose souvent à la partie adhérente
ou au consommateur certaines clauses dont la complexité fait douter de la
qualité éclairée du consentement donné.
2213. Par
ailleurs, rien n’indique que cet article s’applique exclusivement aux clauses
essentielles du contrat. Ainsi, que la clause litigieuse porte sur une
stipulation essentielle, comme le prix, ou sur une condition secondaire, elle
sera annulée s’il est démontré qu’elle est illisible ou incompréhensible pour
une personne raisonnable.
5. Dispositions
d’ordre public
2214. Le
législateur avait déjà eu l’occasion de se pencher sur les problèmes que
pouvait poser la rédaction de certaines clauses illisibles ou
incompréhensibles, entre autres, dans les contrats de consommation.
Il a maintenant élargi cette règle en la rendant applicable dans le domaine des
contrats d’adhésion.
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2215. Enfin, il
faut rappeler qu’à l’instar des autres dispositions du Code civil du Québec applicables
aux contrats d’adhésion et de consommation, la règle de l’article 1436 C.c.Q.
est d’ordre public de protection. Les parties ne
peuvent donc pas y déroger par une stipulation contraire et toute clause par
laquelle l’adhérent ou le consommateur renonce à se prévaloir de l’application
de cette règle est nulle et sans effets. Il s’agit cependant d’une nullité
relative qui ne peut être invoquée que par l’adhérent ou le consommateur afin
de rétablir un équilibre ou une égalité résultant du contrat.
6. Cas
particuliers
2216. Une question
se pose quant à l’application de la règle prévue à l’article 1436 C.c.Q. à un
contrat de gré à gré. Il nous semble que même lorsque le contrat n’est pas de
consommation ni d’adhésion, le tribunal doit tout de même se servir de la règle
prévue à cette disposition pour sanctionner des clauses illisibles ou
incompréhensibles, car le principe fondamental sur lequel est fondé notre droit
contractuel exige que l’échange des consentements énoncé à l’article 1386
C.c.Q. se réalise en toute connaissance de cause, ce qui exclut l’idée de
tolérer ou d’accepter que le consentement donné par l’une des parties ne soit
pas éclairé ou soit erroné en rapport au contenu de l’une des clauses de son
contrat. D’ailleurs, la règle édictée à l’article 1400 C.c.Q. prévoit la
nullité du contrat en cas d’une erreur sur un élément essentiel ayant déterminé
le consentement du contractant au contrat.
2217. Ainsi,
bien que l’article 1436 C.c.Q.
concerne uniquement les contrats de consommation ou d’adhésion,
il ne devrait pas être permis de pouvoir insérer une clause illisible ou
incompréhensible dans un contrat de gré à gré malgré le fait que cet article ne
traite pas de ce type de contrat.
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