Art. 1379. Le contrat est d’adhésion lorsque les stipulations essentielles qu’il
comporte ont été imposes par l’une des parties ou rédigées par elle, pour son
compte ou suivant ses instructions, et qu’elles ne pouvaient être librement
discutées.
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Art. 1379. A contract of adhesion is a contract
in which the essential stipulations were imposed or drawn up by one of the
parties, on his behalf or upon his instructions, and were not negotiable.
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Tout contrat qui n’est pas d’adhésion est
de gré à gré.
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Any contract that is not a contract of
adhesion is a contract by mutual agreement.
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C.c.Q. : art. 1378 et 1535 à 1537.
1. Généralités
554. Cet article est le premier d’une série définissant les divers types de
contrats énoncés à l’article 1378 C.c.Q. Le contrat d’adhésion,
qui a fait couler beaucoup d’encre depuis le XIXe siècle,
n’a jamais reçu une définition unanime. C’est donc au
législateur qu’est revenue la tâche de définir ce contrat de façon juste et
précise afin qu’il produise les effets escomptés, tout en tenant compte des
nombreuses règles de droit qui s’appliquent (art. 1435, 1436 et 1437 C.c.Q.).
[Page 239]
555. Le
législateur n’a toutefois fait que codifier l’enseignement de la doctrine et de
la jurisprudence relativement à la notion du contrat d’adhésion lors l’adoption
du Code civil. En effet, la doctrine et la jurisprudence ont longtemps vu dans
cette notion d’adhésion non pas un acte juridique de nature particulière, mais
le rappel de la nécessité d’une intervention judiciaire pour protéger la partie
la plus faible. Au fil des ans, la
jurisprudence a substitué un nouveau critère à l’absence d’équilibre dans le
pouvoir des négociations entre les parties, afin de permettre d’appliquer la
définition du contrat d’adhésion à des situations qui mettent en cause des
relations économiques entre partenaires de force comparable.
556. Il convient
d’abord de mentionner que le contrat d’adhésion est omniprésent dans les
relations contractuelles modernes. Il s’agit d’un outil juridique qui
représente pour les compagnies une mesure efficace permettant de conclure de
façon plus rapide des contrats avec divers clients.
Il est la conséquence d’un monopole, d’un quasi-monopole ou encore d’une
production ou une distribution de masse. Ce phénomène
économique et commercial prend de plus en plus d’importance et une expansion
remarquable, de sorte qu’aujourd’hui la forte présence des contrats d’adhésion
dans les relations contractuelles est incontestable. En effet, la plupart des
contrats conclus au quotidien sont des contrats rédigés et préparés à l’avance
par l’une des parties, ne laissant à l’autre contractant que le choix d’y
adhérer ou non, sans possibilité de négociation. C’est le cas des contrats de
location d’un bien meuble ou d’un immeuble, des contrats de vente d’automobiles
par des concessionnaires, des contrats de transport, des conventions de
franchise, des contrats d’assurances, des contrats de financement, notamment
des contrats de prêts hypothécaires, des contrats de crédit-bail, des contrats
d’entreprise et de prestation de services ou encore des contrats de
sous-traitance, etc..
[Page 240]
2. Notions
générales et définition
557. Il importe d’abord
de saisir la notion de contrat d’adhésion, car la qualification du contrat est
une étape préalable à l’application du régime particulier prévu pour ce type de
contrat aux articles 1435 C.c.Q. et suivants, notamment l’article 1437 C.c.Q.
qui traite des clauses déraisonnables et abusives. La qualification du contrat
en question d’un contrat d’adhésion s’avère donc essentielle puisque la
protection prévue par la loi, lorsqu’elle existe, ne sera pas la même si le
contrat est un contrat négocié de gré à gré.
558. À titre d’illustration,
lorsqu’une clause pénale est incluse dans un contrat conclu de gré à gré, c’est
l’article 1623 C.c.Q. qui pourrait être invoqué par le débiteur si cette clause
est abusive. Rappelons à cet effet
que contrairement à l’article 1437 C.c.Q. qui prévoit la possibilité d’obtenir
l’annulation de la clause abusive, l’article 1623 C.c.Q. permet seulement d’obtenir
une réduction du montant de la pénalité lorsque le caractère déraisonnable ou
abusif de cette clause pénale est démontré. Ainsi, la partie qui cherche à
faire appliquer l’article 1437 C.c.Q. doit, en premier lieu, faire la preuve de
l’existence d’un contrat d’adhésion. Il est donc important de déterminer la
nature et la qualification du contrat en question, puisque la règle prévue à
cet article ne s’applique que dans les cas où la clause abusive se trouve dans
un contrat d’adhésion ou de consommation. À titre d’illustration, le tribunal a
reconnu le Régime d’options d’achat d’actions comme étant un contrat d’adhésion
et a déclaré la clause qui prévoyait l’impossibilité d’acquérir des actions
lors de la cessation d’emploi d’un actionnaire-cadre, comme étant abusive et, par conséquent, nulle.
[Page 241]
559. Lorsque la
qualification du contrat s’avère incertaine, il appartient donc à la partie qui
veut obtenir la protection prévue à cet article de faire la preuve des
conditions requises pour permettre à la Cour de conclure à l’existence d’un
contrat d’adhésion ou de consommation.
560. Il convient de
rappeler que le juge possède un large pouvoir discrétionnaire en matière de
qualification des contrats. Lors de cet exercice, il tient alors compte des
circonstances ayant entouré la conclusion du contrat et des conditions requises
par l’article 1379 C.c.Q. Il importe donc de bien saisir les critères retenus
par la jurisprudence pour déterminer si les conditions relatives à l’existence
d’un contrat d’adhésion sont rencontrées.
561. En principe, l’article
1379 C.c.Q. offre une définition du contrat d’adhésion. Cependant, celle-ci
demeure incomplète, car il est extrêmement difficile de cerner dans un texte
aussi court que celui de cet article, tous les critères permettant de
déterminer si la convention soumise à la Cour est bien un contrat d’adhésion.
Il faut aussi admettre que la détermination et la qualification d’un contrat
comme étant un contrat d’adhésion n’est pas toujours une tâche facile. Le
tribunal appelé à faire cet exercice ne doit pas confondre la faculté de
négocier avec la liberté contractuelle. En effet, une personne peut librement
décider de conclure un contrat avec un cocontractant de son choix, sans
toutefois détenir la faculté et le pouvoir de négocier de gré à gré le contenu
de son contrat.
A. Controverse au sujet de la
définition du contrat d’adhésion
562. Il convient de
rappeler que le juge possède un large pouvoir discrétionnaire en matière de
qualification des contrats. Lors de cette qualification, il tient compte, d’une
part, des circonstances ayant entouré la conclusion du contrat et, d’autre
part, des conditions requises par l’article 1379 C.c.Q. D’où l’importance de
bien saisir les critères retenus par la jurisprudence pour déterminer si les
conditions relatives à l’existence
d’un contrat d’adhésion sont rencontrées.
563. Certains
juristes croient que la
définition donnée au contrat d’adhésion est beaucoup trop large. Pour eux,
cette définition risque de
[Page 242]
créer une grande
instabilité contractuelle puisqu’un trop grand nombre de contrats peuvent
entrer dans cette catégorie. Ainsi, peuvent être considérés comme étant des
contrats d’adhésion, les contrats de financement,
d’assurance, de transport,
de franchise, de dépôt hôtelier, de
bail
[Page 243]
commercial,
de prêt, de parrainage,
de cautionnement, d’enseignement,
donnant lieu à la délivrance de cartes de crédit,
de fourniture d’électricité, d’approvisionnement,
de service relatif à un programme d’échange de « points vacances », ou encore un régime
[Page 244]
d’options d’achat d’actions,
etc.. Il importe de
souligner que la jurisprudence exige
toujours une preuve démontrant que les conditions requises par l’article 1379 C.c.Q. sont remplies avant de conclure à l’existence
[Page 245]
d’un contrat d’adhésion.
Cela dit, la tendance que l’on constate dans la jurisprudence de considérer
certains types de contrats comme étant des contrats d’adhésion, ne permet pas
de s’en servir comme d’une présomption dispensant le demandeur de faire la
preuve que les critères du contrat d’adhésion sont remplis dans le cas d’espèce.
564. Il faut
donc écarter une interprétation étroite de cette définition qui ne correspond
pas à celle établie par la jurisprudence récente, qui a cherché à maintes
reprises, à élargir la notion du contrat d’adhésion. Une interprétation
restreinte ne peut être non plus conforme à l’intention du législateur qui
cherchait, lors de l’élaboration de la disposition de l’article 1379 C.c.Q., à rétablir l’équilibre entre les
parties au niveau du contenu obligationnel du contrat.
565. En somme,
peut être qualifié de contrat d’adhésion tout contrat, peu importe le statut
des parties et leur pouvoir économique et sans égard à son objet, qu’il soit
offert au public ou à un individu, dès lors que les conditions prévues à l’article
1379 C.c.Q. sont remplies. Dans
certains cas, la preuve de ces conditions peut être facile. Il en est ainsi
lorsque les clauses du contrat sont standardisées ou lorsque la partie qui
impose ces clauses détient un monopole ou quasi-monopole pour le bien ou le
service offert. Dans d’autres cas, la preuve de ces conditions peut être plus
ou moins difficile.
[Page 246]
B. Conditions requises
566. La disposition
prévue à l’article 1379 C.c.Q. énonce la nécessité de remplir deux critères : le premier est lié au fait que les dispositions essentielles du contrat en
question soient rédigées et imposées par l’une des parties à l’autre
alors que le deuxième critère a trait à l’impossibilité de cette dernière de
discuter ou de négocier ces stipulations essentielles. Il semble que le
deuxième critère soit plus déterminant que le premier lorsque vient le temps de
qualifier un contrat d’adhésion, car le contrat peut avoir été rédigé au
préalable par une partie, mais ensuite faire l’objet de négociation à la demande
de l’autre. Par contre, est d’adhésion,
le contrat conclu par une entreprise avec une personne qui ne lui laisse aucune
ouverture à la négociation. C’est le cas, lorsqu’un gouvernement ou un
organisme public, suite à un appel d’offres, exige de toute entreprise
intéressée par le contrat de respecter les modalités et les conditions prévues
dans les documents des cahiers de charge, et ce, sans avoir la possibilité de
les négocier. En l’absence de ces
deux conditions, on ne peut conclure à la caractérisation du contrat d’adhésion.
Ainsi, le simple fait que la personne croyait ne pas pouvoir modifier les stipulations du contrat proposé
par l’autre partie ne constitue pas une preuve devant être prise en
considération. Également, le fait que la personne n’ait pas lu le contrat alors
qu’aucune explication ne lui ait été
[Page 247]
donnée représente une situation qui ne remplit pas les critères requis de l’article 1379 C.c.Q. pour conclure à
l’existence d’un contrat d’adhésion. Au contraire, en l’absence
d’explication portant sur le contenu du contrat ou sur certaines stipulations
essentielles, la personne doit agir avec plus de vigilance et de prudence en
cherchant à se renseigner auprès d’une personne compétente.
Son défaut de le faire sera considéré par le tribunal comme un facteur déterminant pour
justifier le rejet de sa demande fondée sur l’existence d’un contrat d’adhésion.
Le principe reconnu par la jurisprudence et la doctrine quant au devoir de la
personne de veiller à ses intérêts demeure fondamental et peut guider le
tribunal dans sa prise de décision.
1) L’imposition des stipulations essentielles du contrat par l’une des
parties
567. En ce qui concerne le premier critère, il convient de mentionner que
celui-ci porte sur les stipulations essentielles du contrat,
qui doivent être imposées par l’une des parties, et non pas sur celles qui
seraient de nature secondaire ou accessoire. L’article 1379
C.c.Q. précise que ces clauses peuvent être imposées par l’une des parties,
rédigées par elle, ou encore pour son compte ou en suivant ses instructions.
Le terme « imposer » utilisé à cet article se réfère à une
[Page 248]
situation factuelle où
il y a une impossibilité réelle pour l’une des parties de négocier librement
les conditions essentielles du contrat envisagées alors que ces conditions ont
été rédigées par l’autre partie. Ainsi, lorsque l’opportunité de proposer des
modifications aux stipulations essentielles du contrat n’a pas été
effectivement offerte au demandeur, la qualification du contrat comme étant d’adhésion
ne doit pas rencontrer de difficultés. Il importe de
noter que les éléments considérés comme importants et essentiels varient selon
le type et la nature du contrat en question ainsi que des circonstances qui
entourent son exécution et les objectifs communs recherchés.
568. Par contre,
lorsque, suite à des négociations, l’autre partie réussit à introduire aussi
dans le contrat certaines clauses essentielles, il serait difficile de conclure
que le contrat a été imposé par une seule partie. Il en est ainsi lorsqu’un
locataire d’un bail commercial réussit à négocier et imposer plusieurs clauses
essentielles du contrat, telles que la durée du bail, le loyer et les clauses
relatives à son renouvellement. Il s’agit donc d’un contrat négocié de gré à
gré et non pas d’un contrat d’adhésion, car les stipulations essentielles du
bail n’ont pas été imposées par l’une des parties à l’autre.
569. Par
ailleurs, constitue un contrat d’adhésion une convention de franchise dont les clauses
ont été rédigées à l’avance par le franchiseur afin d’assurer une certaine
uniformité entre les contrats signés avec les différents franchisés, et que
seulement certaines clauses secondaires puissent être négociées, telles que les
redevances et la durée du contrat. De plus, est également
qualifié de contrat d’adhésion, une convention d’indemnisation conclue avec une
compagnie d’assurance lorsque ce contrat est une formule déjà imprimée et
standard dans le domaine de l’assurance, et que seuls des renseignements
généraux relatifs au client y sont ajoutés. Il s’agit donc d’un contrat à
prendre ou à laisser pour l’assuré et le fait que ce dernier ne soit pas obligé
de conclure le contrat avec cette compagnie d’assurance en particulier n’est
pas un
[Page 249]
élément qui empêche le
tribunal de conclure à l’existence d’un contrat d’adhésion.
570. Il importe
toutefois de rappeler que la possibilité de négocier certaines clauses, ou le
fait même de les avoir négociées, ne signifie pas nécessairement la présence d’un
contrat de gré à gré. Ces clauses dont la négociation a été possible doivent
également être des stipulations fondamentales du contrat et être suffisamment
importantes eu égard au reste du contrat lui-même.
2) L’impossibilité de discuter ou de négocier les stipulations
essentielles du contrat
571. Le contrat d’adhésion
se distingue principalement du contrat de gré à gré par le fait que lors de sa
conclusion, les stipulations essentielles imposées par l’une des parties
ne peuvent être négociées ou librement discutées. Cet élément, propre au
contrat d’adhésion, permet de le distinguer du contrat de libre discussion, où
toutes les parties concernées par sa conclusion peuvent négocier librement son
contenu, ses modalités et les conditions de son exécution.
3) Distinction entre l’impossibilité de négocier et le défaut de
négociation
572. Il importe de noter que si la partie qui n’a pas participé à la
rédaction du contrat ne cherche pas à négocier avec l’autre son contenu ou tout
simplement omet de le faire, elle ne peut, par la suite, prétendre qu’elle a
consenti à un contrat d’adhésion. Il faut absolument qu’il s’agisse d’une
impossibilité de discuter le contenu du contrat et non pas simplement d’une
opportunité manquée. En d’autres termes, la
notion de contrat d’adhésion implique l’absence de faculté pour l’adhérent de
négocier librement le contenu de son contrat et non pas une absence
[Page 250]
volontaire de
négociation de sa part. À cet effet, les
tribunaux ont déjà rappelé à maintes reprises que les dispositions du Code
civil du Québec en matière de contrat d’adhésion n’ont pas pour but de
favoriser l’insouciance d’une partie qui se devait d’être vigilante quant à ses
intérêts. À titre d’illustration,
agit de manière passive et insouciante la personne qui signe un contrat de
licence afin d’obtenir des droits exclusifs sur des brevets sans faire d’étude
de marché ni proposer des modifications au contrat en question, car elle
croyait pouvoir obtenir un important contrat du gouvernement. Suite à son échec
d’atteindre le succès souhaité, cette personne ne peut invoquer que le contrat
qu’elle a signé en est un d’adhésion pour se soustraire à l’application de
certaines clauses. Tel est également le
cas d’une personne qui signe une convention pour la vente de son camion, et ce,
sans même lire le contenu du contrat en question; ce dernier ne peut prétendre, par la suite, qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion,
afin de ne pas payer la pénalité prévue pour son défaut de livrer le camion
vendu.
573. Il faut
également noter qu’une partie ne peut se limiter à une simple prétention d’avoir
l’intention d’obtenir des modifications à son contrat sans toutefois faire la
preuve qu’il a réellement entamé des négociations à cette fin. Elle doit
soumettre à l’appui de son allégation une preuve qui démontre les démarches
entamées visant à obtenir des modifications aux stipulations du contrat proposé
et l’échec de cette tentative. Sans cette preuve, le contrat en question ne
peut être qualifié d’adhésion, mais plutôt de contrat
de gré à gré, puisque la partie a contracté librement alors qu’elle avait tout
de même la possibilité de le négocier. Cela dit, pour qu’un contrat puisse être
qualifié d’adhésion, il faut que la preuve démontre que les clauses qui sont en
litige ont déjà fait l’objet d’une véritable négociation. L’adhérent doit, plus
[Page 251]
particulièrement,
démontrer qu’il a proposé à l’autre partie des modifications
concrètes, mais que la tentative de négociation fut soldée
par un échec en raison du refus de négocier de l’autre partie. Si cette preuve
n’est pas faite, le contrat en sera un de gré à gré, puisque la Cour ne pourra
pas conclure à l’impossibilité de négocier si l’adhérent lui-même n’a pas
entrepris des démarches concrètes de négociation.
574. Il importe
cependant de faire une nuance au sujet de la personne qui s’est fiée à son
interlocuteur pour se renseigner sur l’importance de son engagement ainsi que
sur l’étendue de ses obligations. Cette personne peut soulever le caractère d’adhésion
de son contrat lorsque les réponses données à ses questions étaient rassurantes.
Le fait de ne pas retenir les services d’un conseiller ou d’un professionnel
pour étudier davantage le contenu de son contrat ne doit être un obstacle ni à l’application de la disposition
de l’article 1379 C.c.Q. ni à une conclusion de l’existence d’un contrat d’adhésion.
La conduite des parties doit être
gouvernée par la bonne foi qui les oblige à être transparentes l’une envers l’autre
et à fournir les renseignements adéquats et pertinents pour que le consentement
donné soit fait en toute connaissance des choses.
575. Il importe
toutefois de souligner que lorsque la portée de certaines clauses lui semble
incertaine, l’adhérent a l’obligation de se renseigner. En effet, s’il néglige
de s’informer ou de prendre connaissance des clauses prévues au contrat, il ne
pourra pas, par la suite, invoquer sa propre turpitude en prétendant qu’il n’a
pas reçu toutes les informations nécessaires pour pouvoir négocier ces clauses
lors de la conclusion du contrat. Cette obligation de s’informer trouve
également sa source dans la règle de bonne foi prévue à l’article 1375 C.c.Q.
Cette exigence de bonne foi, qui doit gouverner la conduite des parties lors de
la conclusion, de l’exécution et de l’extinction du contrat, est une obligation bilatérale. Ainsi, si le stipulant
doit renseigner l’adhérent, ce dernier doit participer à son information. Par conséquent, l’aveuglement
volontaire ne peut être toléré ni devenir un moyen pour l’adhérent, a
posteriori, d’invoquer qu’il ne pouvait pas négocier les stipulations
essentielles prévues au contrat ou encore, faire annuler une clause qu’il
découvre plus tard qu’elle ne lui convient pas. L’adhérent qui fait face à une
clause ambiguë ou incompréhensible pour lui, a donc l’obligation de
[Page 252]
s’informer et de
poser des questions pour obtenir les explications pertinentes
sur sa portée et son étendue.
576. Notons
toutefois qu’une signature du contrat faite de manière précipitée par l’une des
parties pourrait créer une
présomption d’impossibilité de négocier ses conditions essentielles, si la
preuve révèle que la partie ayant préparé ce contrat, a fait des pressions pour
que l’autre le signe, et ce, dans un court laps de temps. C’est le cas
notamment d’un concessionnaire d’automobiles qui continue les opérations d’un
ancien concessionnaire et se conforme au sous-bail déjà existant, mais ayant
subi des pressions par le manufacturier pour signer rapidement un nouveau
sous-bail sous prétexte que le contrat précédent arrive à échéance sous peu et
qu’ils doivent remédier à ce problème.
577. Il est
important de préciser que le Code parle de la possibilité de discuter les
clauses essentielles du contrat sans toutefois parler de la possibilité de les
modifier. Ainsi, si après des discussions infertiles l’adhérent ne réussit pas
à modifier certaines clauses du contrat, ce dernier ne peut être qualifié de
contrat de gré à gré en raison du fait qu’il y ait eu des négociations entre
les parties alors que celles-ci n’étaient qu’apparentes et formelles. Au
contraire, il doit être qualifié de contrat d’adhésion, car malgré les efforts
et les démarches effectuées par l’adhérent, la volonté de son cocontractant d’imposer
les clauses essentielles, a dominé.
3. Qualification
et champs d’application
578. Les juges possèdent un large pouvoir discrétionnaire au moment de la
qualification d’un contrat d’adhésion. Cette qualification dépend en grande
partie des circonstances entourant la conclusion du contrat, en plus des
critères mentionnés à l’article 1379 C.c.Q. Ainsi, ont également été considérés
comme contrat d’adhésion un contrat octroyé
[Page 253]
suite à un appel d’offres,
un bail de logement ou un bail forestier,
l’adhésion à un club,
un contrat d’assurance collective, un contrat d’entreprise
ou de construction, une convention de
remboursement
[Page 254]
dans une demande de
prêt et bourse, une convention d’indemnisation
et une offre de location. La déclaration de
copropriété est un acte unilatéral posé par le promoteur. À partir du moment où
une personne achète une unité, elle devient en quelque sorte partie à un
contrat qu’elle n’a pas négocié ni rédigé et qu’elle n’a pas la possibilité de
refuser. En effet, en tant qu’acheteur, il doit accepter sans discussion les dispositions de la déclaration de copropriété,
ce qui fait de celle-ci un contrat d’adhésion au sens de l’article 1379 C.c.Q..
579. La
qualification de contrat d’adhésion est une question de fait qui doit s’analyser
cas par cas. Il est donc difficile
d’intenter un recours collectif contre une personne morale qui fait signer à
ses cocontractants de contrats identiques en se basant uniquement sur les
circonstances entourant la conclusion d’un seul de ces contrats. Les
circonstances entourant la formation de chaque contrat doivent faire l’objet d’une
évaluation distincte par le tribunal, même si tous les faits peuvent
[Page 255]
néanmoins donner
ouverture à un recours collectif. D’ailleurs, cette
qualification doit s’évaluer en fonction de la situation qui existait lors de
la signature du contrat. Ainsi, les
circonstances entourant la formation du contrat seront prises en considération
par le tribunal lors de son évaluation. À titre d’illustration, sera pris en considération
par le tribunal le fait pour une personne de signer une convention de franchise
avec empressement sans même la lire au complet, dû à son excitation à l’idée d’acquérir
une franchise. Conséquemment, cette personne ne pourra pas invoquer son impossibilité
de négocier le contrat afin que celui-ci soit qualifié d’un contrat d’adhésion.
580. Il importe
de rappeler que le contrat d’adhésion demeure un contrat valide et ce ne sont
que les clauses abusives, externes, illisibles ou incompréhensibles qui sont
susceptibles d’être annulées en vertu des articles 1435
à 1437 C.c.Q..
Le contrat ne sera annulé en entier que si les clauses sont indivisibles, tel
que prévu à l’article 1438 C.c.Q.
Cette situation se produit exceptionnellement dans des cas où la convention ne
peut être considérée que comme un tout indivisible en raison d’une stipulation
prévue par les parties, ou lorsque la nature des obligations qui en découlent s’oppose
à une telle division. Les tribunaux ne
doivent donc pas restreindre l’application de l’article 1379 C.c.Q. puisque cet
article n’affecte en rien la validité du contrat et des clauses qu’il contient.
4. Fardeau
de preuve
581. Il est important d’apporter quelques précisions quant au fardeau de la
preuve des éléments permettant la qualification du contrat. D’abord, il
convient de mentionner que certains contrats, tels que les contrats d’assurance,
de franchise et de crédit-bail, etc., sont préparés
[Page 256]
pour établir une uniformité entre tous les clients contractants. Souvent, le
stipulant se montre inflexible à l’idée de faire des modifications au contrat
proposé. C’est en raison de cette réalité qui domine leur conclusion que ces contrats sont présumés être
des contrats d’adhésion. En fait, les tribunaux
sont bien souvent, et avec raison, sous l’impression que ces types de contrats
sont en réalité des contrats d’adhésion. Ainsi, la partie qui prétend à l’existence
d’un contrat d’adhésion n’aura pas à faire beaucoup d’efforts pour convaincre
davantage le tribunal de la réalité qui règne dans ce domaine contractuel. Par
conséquent, il appartient à l’autre partie qui prétend le contraire de
démontrer que cette impression ne
doit pas être considérée comme une présomption bien fondée dans le cas d’espèce
et ainsi mettre en preuve les faits qui démontrent que le contrat a fait l’objet
des négociations ou que cette possibilité de négocier son contenu et d’y
proposer des modifications existait effectivement, mais qu’elle n’a pas été
saisie par la partie qui prétend maintenant que le contrat conclu est d’adhésion.
À titre d’exemple, le contrat relatif à l’acquisition et à l’utilisation d’une
carte de crédit bancaire sera présumé par les tribunaux être un contrat d’adhésion,
à moins que le stipulant ne puisse faire la preuve qu’il y a eu une réelle
négociation entre les parties concernant les clauses essentielles du contrat en
question.
582. Par contre,
dans les cas où la qualification est incertaine et dépend des circonstances
factuelles dans lesquelles le contrat a été conclu, le fardeau de preuve repose
sur celui qui veut obtenir la protection des règles établies aux articles 1379 et 1435 à 1437 C.c.Q..
583. Selon l’article
1432 C.c.Q., si le doute persiste
quant à l’interprétation à donner aux stipulations du contrat, celles-ci doivent
être interprétées de manière à favoriser l’adhérent à l’encontre de celui qui
les a stipulées (contra proferentem
accipiuntur verba chartorum).
[Page 257]
On se demande si cette
règle s’applique également lorsque le doute porte sur la nature ou la qualification
du contrat. Cette question peut être problématique étant donné que la règle qui
favorise l’adhérent en cas de doute exige que le caractère du contrat d’adhésion
soit déjà établi en preuve. En d’autres termes, l’application de cette règle
est une conséquence d’une preuve préalable ayant démontré que le contrat en question en est un d’adhésion. Le contractant
qui cherche donc à se prévaloir de cette règle d’interprétation doit d’abord
prouver les éléments permettant de conclure à l’existence d’un contrat d’adhésion.
Dans le cas où, malgré cette preuve, un doute persiste quant à la qualification
du contrat, le juge peut exceptionnellement prendre en considération l’absence
d’une contre preuve et l’attitude de la partie à qui on lui reproche d’avoir
imposé le contrat afin de tirer la conclusion qui s’impose. Ainsi, une attitude
intransigeante qui s’est concrétisée par l’insistance lors de la conclusion du
contrat, à exiger des conditions inutiles ou capricieuses, constitue un élément
devant être pris en considération par le tribunal dans la détermination de la
nature du contrat.
A. Preuve requise
584. La partie qui
invoque le caractère d’adhésion du contrat doit donc nécessairement faire une
preuve qui démontre que le deuxième critère prévu à l’article 1379 C.c.Q. est
rempli. En d’autres mots, il appartient à la partie qui cherche à faire
qualifier son contrat d’un contrat d’adhésion, de démontrer qu’il lui était
impossible de négocier son contenu avec l’autre partie et d’y proposer des
modifications. En l’absence de cette preuve, le contrat ne peut être qualifié d’un
contrat d’adhésion. Cette preuve se fait par la démonstration que l’adhérent n’avait
pas d’autres alternatives pour faire face au stipulant que d’adhérer à son
contrat et lui faire confiance. Cependant, cette condition ne sera pas remplie
si la personne ayant rédigé les stipulations essentielles du contrat démontre
qu’il a effectivement donné le temps suffisant à l’autre partie pour en prendre
connaissance et évaluer leur portée. Ainsi, la condition relative à l’impossibilité
de négocier et de proposer des modifications aux stipulations du contrat ne sera pas remplie en raison de l’opportunité
donnée à la personne de réfléchir sur son contenu avant de donner sa réponse.
Cette dernière pourra difficilement prétendre être en présence d’un contrat d’adhésion
si elle n’avait pas cherché à discuter avec son interlocuteur du contenu du
contrat et de ses clauses avant de procéder à sa signature. Le défaut d’agir
avec diligence avant
[Page 258]
l’acceptation du
contrat ne pourra être justifié par la crainte de déplaire à son interlocuteur,
à moins que cette crainte ne soit corroborée par une preuve démontrant que
toute proposition des modifications aurait été soldée par un refus de faire le
contrat.
585. De son
côté, le stipulant ne peut se limiter à prétendre que son cocontractant avait
la possibilité de négocier les clauses du contrat qu’il a rédigé, mais bien
souvent se voit imposer par le tribunal le fardeau de démontrer qu’il a rempli
son devoir de renseignement à l’égard de l’adhérent. Il doit prouver qu’il a
bien informé l’adhérent non seulement sur la nature et l’étendue de son
engagement, mais également de son droit de consulter son propre conseiller pour
qu’il lui explique davantage ses droits et obligations et lui fournisse les
conseils qui s’imposent.
586. La preuve doit
donc porter non seulement sur le contexte et les circonstances ayant entouré la
conclusion du contrat, mais aussi sur le fait que les stipulations essentielles
faisant l’objet du litige ont été imposées par la défenderesse et la partie qui
a imposé un contrat déjà préparé avait refusé les modifications proposées par l’autre
partie à ces stipulations.
587. Il convient
toutefois de mentionner que certains contrats, tels que les contrats d’assurance,
de franchise et de crédit-bail, de prêts hypothécaires, de location ou de vente
d’automobile, de transport, etc., sont préparés pour établir une uniformité
quant au contenu contractuel
[Page 259]
entre tous les
clients contractants. Le stipulant se montre donc souvent inflexible
à l’idée de faire des modifications au contrat proposé. C’est en raison de
cette réalité qui domine leur conclusion que ces contrats sont présumés être
des contrats d’adhésion. En fait, les tribunaux
sont bien souvent et avec raison, sous l’impression que ces types de contrats
sont en réalité des contrats d’adhésion. Ainsi, la partie qui prétend à l’existence
d’un contrat d’adhésion n’aura pas à faire beaucoup d’efforts pour convaincre
davantage le Tribunal de la réalité qui règne dans ce domaine contractuel. Il s’agit
cependant d’une présomption simple laissant ainsi à l’autre partie qui prétend
le contraire de mettre en preuve les faits qui démontrent que le contrat a fait
l’objet de négociations ou qu’il y avait effectivement une possibilité de
négocier son contenu et d’y proposer des modifications, mais que cette occasion
n’a pas été saisie par la partie qui prétend maintenant que le contrat conclu
est d’adhésion. À titre d’exemple, le contrat relatif à l’acquisition et à l’utilisation
d’une carte bancaire sera présumé par les Tribunaux être un contrat d’adhésion,
à moins que le stipulant puisse faire la preuve qu’il y a eu une réelle
négociation entre les parties concernant les clauses essentielles dudit contrat.
588. Ainsi, le
contrat d’adhésion doit généralement refléter une relation contractuelle
disproportionnée au point que la preuve soumise au tribunal devra démontrer l’imposition
des stipulations essentielles du contrat par l’une des parties et que l’autre
se trouvait dans l’impossibilité d’en discuter.
Ainsi, le fait que certaines dispositions secondaires du contrat puissent faire
l’objet de négociation n’enlève pas la possibilité de qualifier le contrat d’adhésion,
dès qu’il sera établi que ses stipulations principales n’ont pu être négociées.
Il ne faut donc pas tenir compte des dispositions du contrat qui ne sont pas
essentielles pour trancher la question de la possibilité de négocier au moment
de la formation du contrat et de son caractère d’adhésion.
[Page 260]
B. Critères d’appréciation
589. Le juge du fond doit procéder à une appréciation de l’ensemble des
faits et des circonstances ayant entouré la conclusion du contrat pour
déterminer si la partie qui cherche à établir le caractère d’adhésion du
contrat avait réellement l’opportunité de faire des négociations avec le
stipulant portant sur les stipulations essentielles.
Une ouverture restreinte d’accepter quelques modifications limitées devra être
considérée insuffisante pour conclure à un contrat négocié de gré à gré.
590. Il arrive
parfois que le tribunal tienne compte de la nature d’une clause, de l’endroit
où cette clause est placée dans le contrat ainsi que de l’étendue de l’obligation
imposée à la partie qui s’est vue imposer le contrat. Ainsi, une clause incluse
à l’endos d’un contrat de location de véhicule et prévoyant la responsabilité d’une
personne qui signe le contrat au nom et pour le compte d’une personne morale et
à laquelle le locateur n’a fait aucune référence et n’a donné aucun
renseignement, constitue une clause essentielle qui n’a pu librement être
discutée par le locataire ou par le signataire du contrat faisant ainsi de
celui-ci un contrat d’adhésion.
591. Il faut
noter que, bien souvent, la partie qui a imposé le contrat à son cocontractant
réfère la Cour durant le litige à certaines clauses qui sont à l’avantage de ce
dernier afin de démontrer que le contrat n’est pas un contrat d’adhésion. Le
tribunal ne doit pas se laisser impressionner par ces clauses lorsqu’elles sont
incluses dans le contrat depuis sa première rédaction, alors qu’elles n’ont pas
été ajoutées à la demande de la partie qui s’est vue imposer le contrat. Le
fait que le contrat contienne certaines clauses avantageuses à la partie
adhérente ne doit pas être un facteur ni un élément pouvant empêcher la Cour de
conclure à l’existence d’un contrat d’adhésion.
Par contre, lorsque des
[Page 261]
clauses avantageuses
ont été ajoutées ou incluses à la demande de la partie
qui cherche à faire qualifier le contrat d’un contrat d’adhésion, le tribunal
peut prendre en considération ce facteur afin d’évaluer s’il était possible de
négocier l’ensemble du contrat, et plus particulièrement les clauses qui font l’objet
du litige.
592. Le tribunal
peut également tenir compte d’une opportunité offerte à un contractant à une
époque où il avait la possibilité de négocier les conditions de son contrat,
mais il n’a pas saisi à temps cette opportunité. Le contrat intervenu par la
suite ne peut être qualifié d’un contrat d’adhésion. C’est le cas d’une entente
portant sur les conditions de retraite signée par un employé qui aurait pu
obtenir une entente plus avantageuse avant l’âge requis s’il avait entamé des
négociations avec son employeur, dans le but de faire faire par ce dernier des
démarches auprès du gestionnaire du fonds de retraite et ainsi obtenir des conditions plus avantageuses.
593. Par contre,
est un contrat d’adhésion le contrat de services éducatifs, puisqu’il est à la
base même de la relation contractuelle qui existe entre l’étudiant et l’Université
auprès de laquelle il est inscrit. Ainsi, en acceptant l’offre soumise par l’Université,
l’étudiant accepte simultanément de se conformer aux modalités établies par
celle-ci pour les cours (crédits) nécessaires à l’obtention du diplôme
convoité. Une Université peut offrir un programme déterminé qui, quoiqu’offert
par une autre Université, est en fait différent par la composition des cours
jugés obligatoires par cette dernière, ou alors la diversité des cours qui y
sont offerts. De même, il est possible qu’une seule Université offre un
programme qui intéresse particulièrement l’étudiant. Tous ces éléments
constituent des facteurs qui influencent la décision de l’étudiant d’effectuer
son inscription chez une institution plutôt qu’une autre.
[Page 262]
594. Il arrive
également que l’adhérent dispose seulement de la possibilité de négocier le
prix à payer, sans toutefois, avoir l’opportunité de discuter et de proposer
des modifications aux stipulations essentielles du contrat rédigé ou proposé
par l’autre partie. Il en est ainsi lorsqu’un franchisé réussit à obtenir une
dispense de payer des redevances pendant quelques mois après l’entrée en vigueur du contrat de franchise ou de
réduire le taux de redevances pendant une certaine période.
Comme cela aussi pourra se produire lors de la conclusion d’un bail commercial où l’éventuel locataire réussit à
réduire certains frais. Cette flexibilité de
la part de la partie qui a rédigé et imposé le contrat ne pourra pas être
considérée comme une possibilité de négocier de gré à gré le contrat en
question. Ce genre d’ouverture reflète en réalité la culture d’affaires du
stipulant et ne représente pas une véritable volonté de discuter librement avec
l’autre partenaire du contenu du contrat qu’il lui propose. D’ailleurs, les
négociations qui portent sur les clauses du prix, des frais ou des redevances à
payer constituent bien souvent des clauses accessoires ou secondaires et
beaucoup moins importantes pour le stipulant dans la conclusion du contrat.
C. Disproportion dans le rapport de
force entre les contractants
595. Malgré la primauté du principe de la liberté contractuelle sous l’ancien
droit, le législateur a choisi d’assurer la protection des adhérents, souvent
considérés comme étant la partie la plus faible.
[Page 263]
Lors de la
détermination de l’existence d’un contrat d’adhésion, le tribunal tient donc également compte des
caractéristiques propres au contractant adhérent. Le fait que les parties
soient égales quant à la force de négociation, ne permet pas à lui seul d’exclure
l’idée d’un contrat d’adhésion lorsque l’analyse et l’examen de son contenu
démontrent l’existence d’une disproportion importante entre les prestations
assumées par chacune d’elles. À cet effet, il est important de rappeler que le
contractant adhérent à un contrat n’est pas toujours considéré comme étant
faible, particulièrement lorsqu’il s’agit d’un homme d’affaires aguerri et bien
conseillé par plusieurs professionnels lors de la signature du contrat contesté.
Ainsi, ce contrat pourra tout de même être qualifié de contrat d’adhésion si la
possibilité de négocier les stipulations essentielles a été déniée à la partie
qui ne l’a pas rédigé et s’il lui était impossible d’aller contracter ailleurs
pour obtenir le même produit ou service. La force ou la faiblesse de la partie
adhérente n’est pas nécessairement un critère déterminant dans la qualification
du contrat d’adhésion.
596. En effet, dans
une situation d’égalité de force dans les négociations, le tribunal ne doit pas
conclure rapidement à un contrat négocié, mais doit se demander au contraire si
les conditions relatives à un contrat d’adhésion sont réunies. A fortiori, la
question doit être posée sérieusement lorsqu’il y a une disproportion importante
entre les forces de négociation des parties, alors qu’un déséquilibre entre les
obligations assumées par les parties est évident. Notons toutefois qu’un simple
déséquilibre entre les prestations n’est pas suffisant pour conclure à la
présence d’un contrat d’adhésion. Le critère déterminant demeure donc celui de
l’impossibilité pour la partie qui se voit imposer le contrat de négocier les
termes et les conditions de celui-ci et ainsi de proposer des modifications aux
stipulations essentielles.
597. On constate
toutefois que certains tribunaux prennent moins en considération les critères
de l’imposition des stipulations essentielles et de l’impossibilité de
négocier. Ils préfèrent parfois justifier leur décision en se basant sur le
déséquilibre des rapports de force entre les parties contractantes et la
possibilité pour la partie considérée comme
[Page 264]
plus faible de
contracter avec une autre personne. C’est ainsi, par
exemple, qu’un contrat de licence n’est pas considéré par les tribunaux comme un contrat d’adhésion.
598. Enfin, il
importe de souligner qu’à l’examen de la jurisprudence la question relative à
la qualification du contrat d’adhésion devient essentielle lorsque le tribunal
est saisi d’une demande relative à la validité de ses clauses. Dans ce cas, le
tribunal doit d’abord décider de la nature du contrat en question, afin de
pouvoir procéder à une évaluation de son contenu selon les critères établis à l’article
1437 C.c.Q., ainsi que du principe de la bonne foi.
5. Clauses
externes
599. Le contrat d’adhésion
peut contenir une référence à une clause externe qui, lorsqu’elle est portée à
la connaissance de l’adhérent, sera valide. Tel est le cas
du contrat de jeu auquel adhère la personne qui se procure un billet de loterie
instantanée à son dépanneur. Il s’agit d’un contrat d’adhésion puisque le
participant accepte implicitement de respecter toutes les conditions de
participation. En retour, Loto-Québec
s’engage, quant à elle, à remettre à l’acheteur le lot gagné s’il s’est
conformé aux règles du jeu. Bien que le tout semble assez anodin et clair pour
la grande majorité des gens, il arrive malheureusement que la situation se
complique. En effet, il n’y a que peu de personnes qui prennent connaissance
des explications qui se trouvent à l’endos du billet acheté et cela bien
souvent par manque d’intérêt ou simplement parce qu’elles croient, à tort, que
le concept est amplement clair.
[Page 265]
600. Pareillement,
une clause compromissoire peut être insérée dans un contrat d’adhésion.
Une telle clause a pour effet de contraindre les parties, en cas d’éventuel
litige, de soumettre celui-ci à l’arbitrage. Ainsi, il faudra écarter l’application
de l’article 1432 C.c.Q. lorsque les termes utilisés dans la clause
compromissoire sont clairs et non équivoques.
601. D’ailleurs,
il convient de mentionner qu’un contrat qui a été valablement négocié et qui,
au départ, était qualifié comme étant un contrat de gré à gré, peut devenir par
la suite un contrat d’adhésion si l’une des parties décide d’y ajouter des
clauses externes. En effet, au moment où il y a ajout de ces clauses externes,
le contrat de gré à gré cesse pour se qualifier à présent comme étant d’adhésion,
si l’autre partie n’a pas eu connaissance du contenu de ces clauses externes
ajoutées et si, par conséquent, elle était dans l’impossibilité de faire une
négociation à leur sujet.
6. Applications
particulières
A. Contrat entre particuliers
602. On ne peut nier que certains contrats peuvent soulever une controverse
quant à l’application de la notion de contrat d’adhésion lorsque ces contrats
sont conclus par des particuliers qui se trouvent à être de force égale où il
est difficile de conclure à l’existence d’un
[Page 266]
déséquilibre entre eux.
Chaque cas constitue un cas d’espèce qui nécessite de vérifier en premier temps
s’il y a véritablement eu un déséquilibre entre les parties avant de conclure à
l’existence d’un contrat d’adhésion. Cette vérification doit se faire à la
lumière des circonstances ayant entouré les négociations entre les parties. Il
appartient au contractant qui prétend avoir un contrat d’adhésion de faire la
preuve des éléments requis par l’article 1379 C.c.Q., et plus particulièrement, l’impossibilité d’obtenir des
modifications aux stipulations dont il était mécontent. Il doit également
démontrer qu’il lui était difficile de conclure le même contrat ailleurs et
ainsi avoir la possibilité de négocier son contenu.
En d’autres mots, il doit faire la preuve qu’il était dans l’impossibilité de
négocier les stipulations du contrat proposé ou d’aller contracter ailleurs
afin de bénéficier de la protection de la loi, notamment celle prévue aux
articles 1379 et 1435 à 1437 C.c.Q. Cette solution doit être adoptée dans la mesure où l’adhésion au
contrat est due à l’absence volontaire de négociations.
603. Il ne faut
pas toutefois refuser l’application de la notion du contrat d’adhésion, pour la
simple raison que le contrat mis en question est un contrat intervenu entre
deux particuliers. Un contrat d’adhésion peut en effet exister entre deux
individus dès que les conditions d’existence d’un tel contrat, énoncées à l’article
1379 C.c.Q., sont remplies.
Ainsi, la négociation ne peut avoir lieu entre deux individus lorsque l’un d’eux
mentionne clairement qu’il ne négocie pas. Dans ce cas, le fait que les deux
parties disposent du même rapport de force ne doit pas être le seul critère
pour refuser l’application de la notion de contrat d’adhésion au contrat conclu
par les parties.
604. Lors de son
appréciation, le tribunal doit, entre autres, tenir compte de l’ensemble des
circonstances qui ont entouré la conclusion du contrat, telle la rapidité avec
laquelle il a été conclu, le délai accordé pour étudier et examiner le contrat
proposé par l’une des parties, la
[Page 267]
possibilité de se procurer ailleurs le même bien ou service, etc.. Le fait que le contrat
proposé par l’une des parties
puisse faire l’objet d’une libre discussion ne peut être, en réalité, que théorique, lorsque l’autre partie fut avisée qu’en cas de refus des conditions proposées, elle n’aura pas la chance d’avoir le
contrat.
605. Il est
bien établi par la jurisprudence
et la doctrine que le contractant qui n’a pas cherché à
négocier les conditions de son contrat lors de sa
conclusion, ne peut prétendre que
son contrat en est un d’adhésion. Le
fait qu’il n’ait pas cru bon de négocier celui-ci avant sa conclusion ne peut remplir le deuxième critère requis par l’article 1379
C.c.Q., qui exige une preuve que le contractant était dans l’impossibilité de
négocier ou de discuter des
conditions proposées. D’ailleurs,
peut être considérée comme un
facteur défavorable la tentative
du cocontractant de négocier certaines
clauses incluses dans le contrat après sa conclusion puisque les négociations doivent, en principe, avoir lieu avant l’acceptation
et la conclusion du contrat. Ainsi, une tentative
tardive démontre, le cas échéant, que le contractant a agi de façon négligente et n’a pas
cherché à protéger son intérêt qu’à la suite de la conclusion du contrat.
B. Contrat d’entreprises
606. De la même façon, l’application de la définition contenue dans l’article
1379 C.c.Q. aux contrats
intervenus entre deux entreprises soulève de vives critiques.
Cette application ne doit connaître aucune restriction puisque, dans bien des
cas, les petites et moyennes entreprises sont vulnérables face aux géants de l’industrie.
La protection du
[Page 268]
public nécessite une intervention accrue de la part du législateur et des
tribunaux. Au cours des années à venir, ceux-ci auront à élaborer certains
critères permettant de dissiper l’inquiétude soulevée. Mais chose certaine,
tout contrat, quelle que soit sa nature, doit être déclaré un contrat d’adhésion
lorsque les éléments de la définition de l’article 1379
C.c.Q. sont réunis. Ainsi, les contrats de services
professionnels, les contrats de
travail, les contrats de
courtage immobilier, les contrats
[Page 269]
de crédit-bail
et les contrats de location, les contrats de
franchise pourraient
aussi être considérés comme des contrats d’adhésion dans la mesure où le
contractant n’a pas eu la possibilité effective et réelle de négocier et de
discuter le contenu de son contrat. Ainsi, le Cahier des
charges et devis généraux auxquels fait référence un contrat d’entreprise doit
mener le tribunal à considérer ce contrat comme un contrat d’adhésion lorsque
ces documents ont été élaborés par le maître de l’ouvrage alors que l’entrepreneur
ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour discuter de leur contenu. On
rencontre souvent cette situation dans les contrats de droit public où le
gouvernement ou l’organisme public en tant que maître d’ouvrage élabore dans le
Cahier de charges presque toutes les conditions relatives à l’ouvrage et à son
exécution. L’entrepreneur intéressé à présenter une soumission se limite
seulement à évaluer les coûts des travaux. En présence d’une telle situation,
le tribunal saisi d’un litige portant sur les stipulations contenues dans le
Cahier de charges pourra déclarer abusives les stipulations qui remplissent le
[Page 270]
critère de l’alinéa 3 de l’article
1437 C.c.Q., ou bien donner à ces
stipulations une interprétation restreinte.
C. Contrats types
607. Il faut noter que le fait pour une personne d’adhérer à un contrat sans
pouvoir négocier son contenu comporte des risques évidents, qu’il soit un
simple consommateur ou une personne ayant déjà une expérience dans le domaine
contractuel. Ces risques résident
dans le fait que ce type de contrat contient bien souvent des clauses
déraisonnables et abusives qui favorisent l’intérêt de la partie qui l’impose
au détriment de l’intérêt de l’adhérent. En fait, le contractant en position de
force cherche souvent à inclure dans le contrat des stipulations qui lui
procurent des avantages excessifs, sans le moindre équilibre avec ce qui est
prévu en termes de droits ou de protections pour l’autre partie, qui se trouve
alors dans une position de faiblesse.
608. Les
conséquences qui découlent de cette situation se réalisent par l’imposition des
stipulations essentielles du contrat par la partie qui se trouve dans une
position de force, alors que l’autre, malgré la volonté et les efforts entamés
pour négocier ces stipulations, se trouve dans l’impossibilité de pouvoir
discuter ou d’obtenir les modifications de ces stipulations.
609. Malgré les
désavantages inhérents à ce type de contrat, celui-ci s’avère toutefois être un
outil indispensable, notamment en raison de la rapidité et de la multiplication
des transactions qu’il permet. Cette façon de faire permet aux entreprises de
connaître à l’avance les obligations et les risques qu’elles assument, leur
permettant ainsi de réaliser des économies de coût qui se reflètent
incontestablement sur le prix imposé aux consommateurs.
610. Il importe
donc d’établir une distinction entre la notion de contrat d’adhésion et celle
de contrat type, qui sont souvent confondues. Le contrat type
est celui qui fait l’objet d’un écrit préparé à l’avance et qui est destiné à
servir de modèle, tel que les contrats préparés pour le
[Page 271]
compte des
concessionnaires de voitures. Certains vendeurs ou bailleurs acceptent des modifications proposées par des acheteurs ou des preneurs
qui expriment leur volonté de faire certaines modifications. Dans la mesure où
ces modifications portent sur des stipulations essentielles, l’idée d’un
contrat d’adhésion pourrait ainsi être écartée. À cet égard, la jurisprudence
confirme qu’un contrat type n’est pas toujours un contrat d’adhésion,
car bien que la liberté d’une partie de négocier son contrat puisse être
diminuée, il arrive cependant que celle-ci ait la possibilité de proposer des
modifications qui seront intégrées par la suite dans le contrat. C’est donc l’impossibilité
de négocier les stipulations essentielles du contrat qui permet d’établir la
différence entre un contrat d’adhésion et un contrat type.
611. Par ailleurs,
dans certaines activités commerciales, il est possible que le contrat utilisé
par le commerçant soit un contrat type, préparé et rédigé à l’avance, à sa
demande, afin d’être utilisé comme modèle avec tous ses clients, notamment dans
les domaines de l’offre de services et de produits, comme c’est le cas en
matière d’assurance et de bail commercial.
612. Il importe
donc de faire la distinction entre un contrat type et un contrat préparé et
rédigé par les parties suite à sa négociation. La Cour suprême a statué que la
manière d’effectuer l’interprétation d’un contrat type différait de l’interprétation
habituelle d’un contrat préparé et rédigé suite à sa négociation par les
parties concernées. Dans le premier cas, l’interprétation n’est pas une question mixte de fait et de droit
dont le contrôle en appel doit se faire avec déférence envers le Tribunal de
première instance. En effet, l’importance du fondement factuel est moins réelle
dans le cas des contrats types puisque les parties n’en négocient
habituellement pas les stipulations qui y sont incluses, notamment les
modalités de son exécution. Afin d’interpréter ce contrat, il faut plutôt
considérer son objet, sa nature et le marché concerné. Ces critères sont
habituellement peu axés sur les faits et l’interprétation d’un contrat type a
valeur de précédent, ce qui permet de le qualifier comme une pure question de
droit, alors que l’incidence de l’interprétation d’un contrat négocié n’a d’effets
que sur les parties concernées. Cela dit, l’interprétation d’un contrat type
revêt une grande importance, puisqu’elle établit une norme juridique et
jurisprudentielle. La Cour d’appel peut alors
[Page 272]
assurer la cohérence du
droit en contrôlant l’interprétation de ce contrat selon la norme de décision
correcte.
D. Documents relatifs à une
personne morale
1) Statut
constitutif de la compagnie
613. Le statut
constitutif de la compagnie ou de la société par actions peut être considéré
comme un contrat d’adhésion lorsque l’actionnaire concerné par la vente ou le
transfert de ses actions n’était pas signataire de ce statut en tant que
fondateur ou n’était pas non plus sur le premier conseil d’administration qui a
adopté le règlement de la compagnie ou de la société en conformité avec le
statut constitutif. Ainsi, un actionnaire pourrait mettre la validité d’une
clause de restriction au transfert d’actions en question, en faisant la
démonstration qu’il s’agit d’une clause déraisonnable ou abusive (art. 1435 et
1437 C.c.Q.). Une telle preuve peut être facile lorsque la clause n’indique pas
les critères qui doivent être appliqués par les administrateurs pour décider de
leur consentement ou de leur refus au transfert proposé par l’actionnaire.
2) Règlement interne
614. De même, l’actionnaire
qui n’a pas participé à l’adoption d’un règlement portant sur l’adoption d’une
clause restrictive pourra attaquer la validité de cette disposition dans la
mesure où il prouve son caractère déraisonnable ou abusif. Les règlements qui
ont été adoptés avant son arrivée par les administrateurs et les autres
actionnaires peuvent être considérés comme un contrat d’adhésion permettant
ainsi à cet actionnaire de faire annuler la clause de restriction en vertu de l’article 1437 C.c.Q.
615. Lorsque le
règlement adopté est modifié par la majorité des administrateurs et ses
actionnaires, l’actionnaire qui n’approuve
pas la restriction a le droit de dissidence à l’occasion de cette modification.
Dans ce cas, il pourra s’adresser au tribunal dans le cadre d’un recours pour
oppression si la modification
portant sur la restriction est abusive ou injuste à son égard.
[Page 273]
616. En l’absence d’une dissidence notée dans le procès-verbal lors de l’adoption
des modifications aux règlements, l’actionnaire pourra difficilement mettre en
question la validité de celles-ci postérieurement. Au contraire, son silence
sera interprété comme une acceptation. Cependant, l’acceptation des
modifications ou la présomption de cette acceptation ne pourrait enlever à l’actionnaire
ses recours contre la compagnie et les administrateurs en cas de mauvaise
application ou d’une application abusive du règlement modifié, notamment en ce qui concerne l’application de
clauses restrictives adoptées par règlement. Force est de noter que la
situation devient très délicate lorsqu’il s’agit de créer des restrictions par
voie de règlement, puisque la majorité des administrateurs et des actionnaires
pourra imposer sa volonté à la minorité et restreindre contre son gré le libre
exercice de son droit de propriété sur les actions.
3) Convention entre actionnaires
617. La convention entre actionnaires étant de nature purement consensuelle,
elle doit en principe recevoir l’aval de tous les actionnaires et ne saurait,
dans la majorité des cas, être qualifiée de contrat d’adhésion. Il en est ainsi
lorsque la convention a fait l’objet de discussions et de négociations libres
entre actionnaires ou lorsque la convention intervient entre deux actionnaires
ou plusieurs actionnaires à parts égales.
618. Il importe de noter que le conseil d’administration d’une compagnie ou
d’une société par actions ne peut imposer par résolution aux actionnaires ou
aux futurs actionnaires l’adhésion à une convention originale d’actionnaires ni
l’adhésion à une convention d’actionnaires amendée.
619. L’actionnaire qui se voit obligé d’adhérer à une convention d’actionnaires
existante ou à une convention d’actionnaires amendée pourra faire déclarer la
clause déraisonnable nulle en vertu de l’article 1437 C.c.Q. Une telle convention d’actionnaires constitue effectivement un
contrat d’adhésion au sens de l’article 1379 C.c.Q. lorsqu’un actionnaire fut obligé d’y adhérer suite à l’adoption
d’une résolution par le conseil d’administration ou lorsqu’il n’avait pas d’autre
choix que d’y adhérer, suite à une menace formulée par les actionnaires
majoritaires et pouvant mettre en péril ses intérêts dans la compagnie ou la
société. En effet, une convention entre actionnaires peut être qualifiée de
contrat d’adhésion au sens de l’article 1379 C.c.Q. lorsqu’elle est le fruit d’un
rapport de force inégal entre les parties, impliquant un actionnaire
majoritaire et un autre minoritaire. Ainsi, l’actionnaire « adhérent »
[Page 274]
pourra invoquer la
nullité d’une clause de restriction à laquelle fait référence la convention
(clause externe), ou lorsque cette
clause est illisible ou incompréhensible ou abusive.
E. Contrat de gré à gré
620. Par contre,
un contrat ne sera pas qualifié d’adhésion si les adhérents se sont obligés
librement et en toute connaissance de cause, sans aucune contrainte.
Il importe de rappeler que la présence d’une condition au contrat qui ne soit
pas négociable n’a pas pour effet de le transformer en un contrat d’adhésion.
Pareillement, si les stipulations essentielles pouvaient être discutées et
négociées, mais qu’elles ne l’ont pas été, le contrat sera qualifié de gré à
gré et le contractant ne pourra invoquer l’article 1437 C.c.Q. pour faire
annuler une clause ou réduire ses obligations.
En effet, si le contrat peut faire l’objet de négociations entre les parties,
mais que l’une d’elles omet de le faire, il ne peut s’agir d’un contrat d’adhésion,
car le fait de manquer une opportunité pour négocier son contrat ne remplit pas
la condition requise par l’article 1379 C.c.Q., puisque cela prend une
impossibilité de négocier. Par les articles 1379 et 1437 C.c.Q., le législateur a voulu assujettir, dans
[Page 275]
certains cas
exceptionnels, les contrats et les obligations qu’ils produisent entre les
parties à la recherche d’un équilibre contractuel favorisant la bonne foi et l’équité.
Il est donc très important de déterminer avec exactitude si les clauses du
contrat ont pu être négociées ou si l’une des parties a imposé sa volonté à l’autre.
F. Contrats réglementés
621. Il est
également important d’apporter quelques précisions quant aux contrats
réglementés. Dans ce type de contrat, les stipulations essentielles sont imposées par le législateur, le gouvernement ou
encore par une loi ou un règlement. Ce type de contrat se différencie d’un
contrat d’adhésion, car le fournisseur ne détient pas le pouvoir de fixer les
tarifs et les stipulations essentielles du contrat, et ni lui ni le client ne
peuvent proposer des modifications aux clauses qui sont prévues par règlement.
Ainsi, lorsqu’un contrat est réglementé par l’État, ce dernier pourra
uniquement être qualifié de contrat d’adhésion lorsque l’État est également une
partie à l’acte en question. Par contre, si l’État
n’est pas un des cocontractants, le contrat ne pourra être qualifié de contrat
d’adhésion, ne répondant pas aux critères de l’article 1379
C.c.Q. En effet, les stipulations essentielles ne sont pas
imposées par une partie à l’autre, aucune des deux parties n’ayant rédigé le
contrat. À titre d’illustration,
a été considéré comme un contrat
[Page 276]
réglementé par l’État,
un contrat d’approvisionnement en gaz naturel conclu avec Gaz Métropolitain,
un contrat de fourniture d’électricité conclu avec Hydro-Québec,
etc.
622. Bien que ces contrats soient toutefois réglementés par le gouvernement,
il arrive que des clauses soient ajoutées par l’organisme et qu’elles ne
fassent pas l’objet d’une disposition prévue dans le règlement. Si ces clauses
ajoutées ne peuvent faire l’objet d’une discussion ou des négociations par les
clients, cette partie du contrat peut être considérée d’adhésion. Dans ces cas,
si ces clauses sont déraisonnables ou abusives, elles peuvent être annulées par
la Cour ou les obligations qui en découlent peuvent être réduites.
623. Combiné aux articles 1435 à
1437 C.c.Q. relatifs aux clauses
externes, illisibles, incompréhensibles ou abusives, l’article 1379 C.c.Q. permet,
plus ou moins, de récupérer la notion de lésion entre majeurs, ce qui fait déjà
l’objet de vives critiques. Soulignons que
certains auteurs réclamaient l’adoption d’une règle générale sanctionnant les
contrats lésionnaires entre majeurs et les clauses abusives.
[Page 277]
7. Clause
induisant en erreur quant à la valeur du contrat
624. Il importe de souligner que lors de l’entrée en vigueur du Code
civil du Québec, certains contractants « économiquement forts », ayant toujours imposé à leur cocontractant un contrat type, ont cherché
à y introduire une clause laissant croire qu’il s’agit
d’un contrat librement discuté, alors qu’en réalité, cette clause visait tout
simplement à écarter l’application des nouvelles dispositions du Code civil,
plus particulièrement les articles 1379, 1435, 1436 et 1437 C.c.Q. Nous sommes
d’avis que l’introduction de ce genre de clause ne doit pas influencer la
décision du Tribunal. Celui-ci doit prendre en considération l’ensemble des
faits entourant la conclusion du contrat, plus particulièrement vérifier que la
partie qui a accepté ce contrat a eu la possibilité de négocier des
modifications aux clauses remises en question par le litige.
625. Enfin, il faut souligner qu’en vertu de l’article 82 de la Loi sur l’application du Code civil
du Québec, les articles 1379, 1432, 1435, 1436 et 1437 C.c.Q. s’appliquent à un contrat d’adhésion conclu avant l’entrée
en vigueur du Code civil du Québec, à condition que la situation
juridique faisant l’objet du litige se soit produite après l’entrée en vigueur
du Code civil du Québec, soit postérieurement au 1er janvier
1994. Par
[Page 278]
contre, s’il s’agit d’une
situation juridique survenue avant le 1er janvier 1994, les nouvelles dispositions ne s’appliquent
pas au litige, puisque décider autrement reviendrait à attribuer à ces
dispositions un effet rétroactif et non un effet immédiat.