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Charte canadienne des droits et libertés
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  a. 24
[Expand]DISPOSITIONS GÉNÉRALES
[Expand]APPLICATION DE LA CHARTE
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Article 24

 
Charte canadienne des droits et libertés (partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11)
 
RECOURS
 
 

Article 24
Recours en cas d’atteinte aux droits et libertés
  • (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

  • Irrecevabilité d’éléments de preuve qui risqueraient de déconsidérer l’administration de la justice

    (2) Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s’il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

Section 24
Enforcement of guaranteed rights and freedoms
  • (1) Anyone whose rights or freedoms, as guaranteed by this Charter, have been infringed or denied may apply to a court of competent jurisdiction to obtain such remedy as the court considers appropriate and just in the circumstances.

  • Exclusion of evidence bringing administration of justice into disrepute

    (2) Where, in proceedings under subsection (1), a court concludes that evidence was obtained in a manner that infringed or denied any rights or freedoms guaranteed by this Charter, the evidence shall be excluded if it is established that, having regard to all the circumstances, the admission of it in the proceedings would bring the administration of justice into disrepute.

Annotations
Alter Ego : Chartes des droits de la personnee (2022) par Henri Brun, Pierre Brun et Fannie LafontaineInformation
FermerExtraits de : Henri Brun, Pierre Brun et Fannie Lafontaine, Chartes des droits de la personne : Législation, jurisprudence et doctrine, Collection Alter Ego, 35e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2022 (version intégrale dans eDOCTRINE).
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Traité de droit criminel. Tome IV, Les garanties juridiques (2021) par Hugues ParentInformation
FermerExtraits de : Parent, Hugues, Traité de droit criminel. Tome IV, Les garanties juridiques, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2021 (version intégrale dans eDOCTRINE).

Chapitre sixième - Le paragraphe 24(2)

577. Aux termes du par. 24(2) de la Charte, « les éléments de preuve qui ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, sont écartés s’il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice2376 ». Une fois la violation des droits établie, le tribunal doit déterminer si la preuve contestée a été obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la Charte. Si la réponse est oui, la preuve sera écartée s’il est démontré que son

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utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice2377. Sur ce point, la Cour suprême retient les trois critères suivants : (1) la gravité de la conduite attentatoire de l’État, (2) l’incidence de la violation sur les droits garantis par la Charte et, enfin, (3) l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond2378. De façon générale, « plus la conduite attentatoire est grave et plus l’incidence sur les droits garantis par la Charte est grande, plus l’exclusion sera justifiée2379 ». Un impact plus limité sur les droits de l’accusé rehaussera l’importance de la gravité de la conduite alléguée afin « de faire pencher la balance en faveur de l’exclusion des éléments de preuve2380 » . Quant à l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond, il milite généralement pour l’admission de la preuve. Cela est d’autant plus vrai lorsque les éléments de preuve obtenus suite à la violation du droit allégué sont fiables et essentiels pour la poursuite. Lorsque les deux premières questions penchent fortement en faveur de l’exclusion de la preuve, la troisième question permettra rarement de conclure que son utilisation n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Si le poids des deux premières questions est moins concluant, la troisième question fera souvent pencher la balance en faveur de l’utilisation d’une telle preuve.

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Première section : Les critères gouvernant l’application du par. 24(2) de la Charte

578. Pour que la preuve contestée soit écartée en application du par. 24(2) de la Charte, la défense doit démontrer, selon la balance des probabilités, (1) que la preuve a été obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la Charte, et (2) que son utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice2381. La première exigence est parfois désignée comme la « condition préalable ou préliminaire » (« threshold requirement »), tandis que la seconde renvoie aux trois critères de l’arrêt Grant (« evaluative stage »)2382.

(1) La preuve a-t-elle été obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la Charte ?

579. Comme l’exclusion des éléments de preuve ne s’applique que si le tribunal a conclu que ces derniers ont été obtenus

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dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la Charte, c’est de ce côté que nous allons commencer notre analyse du par. 24(2). Que signifie l’expression « obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la charte » ? Est-ce que tous les éléments de preuve associés de près ou de loin à la violation alléguée satisfont au critère, peu importe leur degré de connexité ? Ou, exige-t-on, au contraire, la présence d’un lien de causalité si strict qu’il aurait pour effet d’exclure tout ce qui ne découle pas directement de la violation alléguée ? Et si la réponse se trouvait entre les deux, dans le rapport qui existe entre la violation des droits de l’accusé et les éléments de preuve ainsi obtenus ? Discutant de l’admissibilité d’un aveu arraché par un policier après avoir confronté un suspect avec une déclaration antérieure qu’il avait donnée à un autre enquêteur à la suite d’une violation de son droit à l’avocat, le juge Fish, dans R. c. Wittwer, écarte l’exigence d’un lien de causalité strict entre la violation et la seconde déclaration au profit d’un lien « temporel, contextuel, causal ou un mélange des trois2383 ». Sans être « direct », le lien ne

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doit pas être trop « éloigné » ou « ténu ». Cette exigence s’applique autant au lien temporel, qu’au lien causal2384. Au lien temporel,

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tout d’abord, puisqu’il est évident qu’un aveu arraché après que le suspect fut confronté à une déclaration incriminante obtenue la veille dans des conditions qui violent la Charte répond à cette exigence. Sans être contemporaine dans le temps, une déclaration illégale obtenue il y a quelques mois peut également créer une incitation immédiate à parler chez le suspect qui est confronté à la déclaration incriminante. La détermination d’un lien temporel ne se limite donc pas à compter les jours, les semaines ou les mois qui séparent les deux événements en question2385. Suffisante dans la plupart des cas2386, l’existence d’un lien temporel entre la violation et la preuve obtenue n’est pas toujours concluante en présence d’un lien « éloigné » ou « ténu2387 ». Dans une décision récente,

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la Cour d’appel du Québec s’interroge sur la validité d’une perquisition effectuée chez un trafiquant de drogues après que deux policiers soient entrés dans son appartement afin de sécuriser les lieux en attendant la délivrance du télémandat2388. Comme il n’y avait pas de situation urgente au sens du par. 11(7) LRCDAS, l’entrée sans mandat violait les droits à la vie privée du suspect. Cette constatation, précise la Cour d’appel, ne signifie pas pour autant que le tribunal doive automatiquement s’interroger sur les critères de l’arrêt Grant. Le Tribunal, en effet, doit d’abord vérifier si les fruits de la perquisition ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Charte. Après avoir rappelé la nécessité d’un lien étroit, d’une connexité suffisante entre la violation et la preuve découverte, la Cour souligne que l’existence d’un tel lien ne se limite pas à « constater la proximité dans le temps de deux incursions dans un même lieu2389 ». Le Tribunal doit tenir compte « de ce qui s’est passé » durant les 90 minutes qui ont séparé les deux interventions. Comme le policier est entré dans le logement de l’appelant pour s’assurer que personne ne s’y trouvait, qu’il est demeuré deux à trois minutes sans fouiller les lieux, qu’il est sorti par la suite en fermant la porte derrière lui et qu’aucune des observations faites dans le but de sécuriser les lieux n’a été utilisée afin d’obtenir le télémandat, le Tribunal conclut qu’il s’agissait plutôt « de deux événements distincts qui n’ont en commun que leur proximité dans le temps et la nature de l’incursion dans la vie privée de l’appelant qui permettent tout au plus d’y voir un lien très ténu entre eux. Il appert, en effet, que la violation des droits constitutionnels de l’appelant a pris fin dès la sortie du policier Fortier du logement et est sans effet sur les événements subséquents, lesquels aboutissent à l’obtention de la preuve2390 ».

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Encore une fois, « un lien “éloigné” ou “ténu” ne sera pas suffisant2391 ». La preuve doit démontrer un lien suffisamment « étroit » entre la violation et les éléments de preuve contestés pour conclure qu’ils ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Charte2392.

580. La question de savoir si la preuve a été obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la Charte, se pose fréquemment lorsqu’une personne est arrêtée pour une infraction relative aux stupéfiants et que son accès à un avocat est injustement retardé par les policiers afin de ne pas compromettre l’obtention ou l’exécution d’un mandat de perquisition à son domicile. Bien qu’il n’existe pas de lien de causalité entre la découverte de la drogue et la violation de l’al. 10b), la présence d’un lien temporel étroit peut être suffisante pour remplir la première condition2393. Les tribunaux, précise le juge Fish dans R. c. Wittwer, doivent privilégier « une approche généreuse et fondée sur l’objet visé [par le par. 24(2)]2394 ». Cette approche permet de sanctionner la découverte de la preuve qui se produit non seulement après la violation du droit, mais également avant sa constatation. C’est du moins ce que soutient la Cour d’appel de l’Ontario, sous la plume du juge Laskin, dans R. c. Pino2395. À la suite d’une enquête concernant la production de cannabis, des policiers ont obtenu un mandat de perquisition pour fouiller deux résidences. Une opération de surveillance ayant été mise en place avant l’exécution des mandats, les policiers ont aperçu l’accusée sortir de l’une des maisons avec une boite qu’elle déposa dans le coffre

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arrière de sa voiture. L’appelante ayant pris un homme à bord, les policiers procédèrent à son arrestation, puis fouillèrent la valise du véhicule pour y saisir la boite qui contenait 50 plants de marijuana. Après avoir été informée de son droit à l’avocat d’une manière plutôt inadéquate, l’accusée fut transportée au poste de police où elle fut détenue pendant 5 heures et demie afin de ne pas compromettre l’exécution du mandat. En plus des deux violations de l’al. 10b), l’arrestation et la fouille subséquente de Madame Pino ont été effectuées d’une manière déraisonnable par un policier cagoulé qui pointa son arme en sa direction. À la suite d’une analyse fouillée de la jurisprudence, la Cour d’appel proposa une liste de facteurs pouvant guider les tribunaux au moment de déterminer si la preuve a été obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la Charte. En effet :

« – the approach should be generous, consistent with the purpose of s. 24(2);

– the court should consider the entire “chain of events” between the accused and the police;

– the requirement may be met where the evidence and the Charter breach are part of the same transaction or course of conduct;

– the connection between the evidence and the breach may be causal, temporal or contextual, or any combination of these three connections;

– but the connection cannot be either too tenuous or too remote2396. »

581. Ces facteurs, une fois considérés, amènent la Cour à conclure que les deux violations de l’al. 10b) jumelées à celle de l’art. 8 remplissent la condition liminaire du par. 24(2) de la Charte. En effet, la saisie des plants de marijuana et les trois violations en question font partie de la même opération, à savoir l’arrestation de l’accusée. Toujours selon la Cour, le lien entre la preuve et les violations alléguées est à la fois temporel et contextuel et ni l’un ni l’autre n’est trop « éloigné » ou « ténu ». Temporel, tout d’abord,

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puisque les trois violations sont rapprochées dans le temps et font partie du même continuum se rapportant à l’arrestation de l’accusée. Contextuel, ensuite, car les deux violations de l’al. 10b) et celle de l’art. 8 découlent de l’arrestation et font partie de l’ensemble des circonstances entourant l’intervention policière2397.

582. Cette décision doit être distinguée de celle rendue par la même Cour dans R. c. Do2398. À la suite de l’exécution d’un mandat de perquisition dans une maison, des policiers ont trouvé

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une quantité importante de cannabis et des éléments de preuve reliant l’appelante à la propriété. L’accusée ayant été arrêtée par les policiers à son arrivée à la résidence en question plusieurs heures après l’exécution du mandat de perquisition, une fouille incidente à son arrestation a permis de récupérer la clé de la résidence. L’accusée ayant exprimé son intention d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat, les policiers lui ont demandé de demeurer sur place afin de leur permettre de compléter leur travail, puis l’ont transportée au poste de police où elle a dû attendre encore quelques heures avant de parler à son avocat. La poursuite ayant reconnu la violation de l’al. 10b) de la Charte, la Cour devait déterminer si la preuve obtenue à la suite de la perquisition et la clé trouvée dans le cadre de la fouille accessoire à l’arrestation étaient admissibles. D’après la Cour d’appel, la saisie de la drogue et des autres éléments de preuve obtenus à la suite de l’exécution du mandat de perquisition était pratiquement terminée au moment de l’arrivée de l’accusée et de son arrestation. S’agissant de deux événements distincts qui ne font pas partie de la même opération, il n’y avait pas de lien temporel, causal ou contextuel entre l’obtention de la preuve et la violation subséquente du droit à l’avocat2399. En ce qui concerne la découverte de la clé suite à la fouille accessoire à l’arrestation, celle-ci possède un lien temporel suffisamment étroit avec la violation de l’al. 10b) pour engager l’analyse des trois critères de l’arrêt Grant.

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(2) Est-ce que l’utilisation de la preuve ainsi obtenue est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ?

583. Pour déterminer si l’utilisation d’un élément de preuve obtenu en violation d’un droit prévu dans la Charte est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, le tribunal doit mesurer l’impact que peut avoir son utilisation « sur la confiance de la société envers le système de justice » en tenant compte des trois questions suivantes : « (1) la gravité de la conduite attentatoire de l’État, (2) l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte et (3) l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond2400 ». Regardons brièvement en quoi consistent ces trois questions.

1. La gravité de la conduite attentatoire de l’État

584. Le premier critère se rapporte à la gravité de la conduite attentatoire de l’État. En effet, le tribunal doit veiller au respect de la primauté du droit et une conduite qui constitue une violation grave ou délibérée des droits fondamentaux de l’accusé ne serait être tolérée sans miner la confiance du public envers l’administration de la justice2401. Plus les gestes reprochés aux policiers sont graves, plus les tribunaux doivent s’en dissocier2402. Pour déterminer la gravité de la conduite attentatoire de l’État, l’ancienne juge

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en chef McLachlin et la juge Charron proposent une classification de la conduite reprochée en fonction de sa nature et de son impact sur la confiance du public à l’égard de l’administration de la justice :

« À une extrémité de l’éventail des possibilités, l’utilisation d’éléments de preuve obtenus par suite de violations mineures ou commises par inadvertance peut ébranler minimalement la confiance du public à l’égard de la primauté du droit. Par ailleurs, à l’autre extrémité, celle d’éléments de preuve obtenus au mépris délibéré des droits garantis par la Charte ou en ne s’en souciant pas aura nécessairement une incidence néfaste sur cette confiance et risquera de déconsidérer l’administration de la justice2403. »

585. À l’extrémité inférieure de l’échelle de gravité2404, se trouvent les violations mineures, techniques ou commises par

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inadvertance. Sur ce point, citons l’arrêt R. c. Nolet2405 dans lequel la Cour suprême confirma l’admissibilité des éléments de preuve découverts à la suite d’une fouille à des fins d’inventaire de la cabine d’un semi-remorque qui avait été saisi quelques heures plus tôt dans le cadre d’une arrestation pour possession de produits de la criminalité. D’après le juge Binnie, qui rédigea le jugement au nom de la Cour, les documents supplémentaires relativement au transport routier et les « autocollants » s’y rapportant doivent être admis en vertu du par. 24(2). En effet, « [l]a fouille ultérieure à des fins d’inventaire, effectuée pour des raisons administratives, d’un camion saisi qui avait déjà fait l’objet d’une fouille (moins méticuleuse toutefois) devrait être considérée comme une violation technique ayant une incidence minime sur les intérêts des appelants protégés par la Charte2406 ». S’agissant d’une violation mineure, technique ou commise par inadvertance, celle-ci a moins d’impact sur la primauté du droit et la considération dont jouit l’administration de la justice qu’une violation délibérée, flagrante ou manifeste des droits en question2407.

586. Aux violations mineures, techniques ou commises par inadvertance s’ajoutent les erreurs compréhensibles ou commises de bonne foi et sans négligence de la part des policiers. C’est du moins ce qu’indique la Cour suprême dans R. c. Grant2408. Après avoir attiré l’attention de policiers qui patrouillaient près d’une école où l’on avait rapporté une série d’infractions, l’accusé fut interpellé par un agent de police en uniforme. Comme le suspect semblait nerveux et continuait à regarder autour de lui, deux policiers habillés en civil se sont approchés d’eux, ont montré leur insigne, puis se sont placés derrière l’agent Gomes, bloquant ainsi le chemin au suspect. Très rapidement les questions d’ordre général ont fait place à un interrogatoire plus ciblé. À la question : « Avez-vous quelque chose sur vous que vous ne devriez pas avoir ? », le suspect a répondu qu’il avait un petit sac de pot. Le

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policier ayant demandé des précisions supplémentaires, le suspect admit également la possession d’une arme à feu. D’où les accusations portées contre lui. D’après la Cour suprême, l’accusé était en détention au moment de ses déclarations. Comme les policiers n’avaient pas de motifs raisonnables de soupçonner que l’individu était impliqué dans la commission d’un crime et qu’il était nécessaire de le détenir, sa détention reposait uniquement sur de simples soupçons et devenait, par conséquent, abusive au sens de l’article 9 de la Charte. Ne sachant pas que le suspect était en détention, les policiers ont également omis d’informer l’individu des motifs de sa détention et de son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat. Discutant de la gravité de la violation des droits du suspect à la lumière des critères prévus au par. 24(2) de la Charte, la Cour souligna les difficultés entourant la détermination du moment précis où le contact initial, permis dans le cadre des fonctions d’assistance et de maintien de l’ordre, s’était transformé en détention, illégale en l’absence de soupçons raisonnables. Ainsi, bien que « les policiers ont commis une erreur en détenant l’appelant au moment où ils l’ont fait, [...] l’erreur est compréhensible. Ils ont également commis une erreur en n’informant pas l’appelant de son droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat, mais puisqu’ils croyaient à tort que ce dernier n’était pas en détention, cette erreur est, elle aussi, compréhensible2409 ». La Cour suprême ayant profité de l’occasion pour préciser davantage la notion de détention, on peut s’attendre à ce que les tribunaux se montrent plus sévères dans l’avenir à l’égard de cas similaires2410. Quant à

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l’incertitude entourant certaines questions juridiques, « les policiers ne peuvent prendre le moyen le moins compliqué lorsque le droit comporte une zone grise. En général, lorsqu’ils sont vraiment incertains, les policiers devraient redoubler de prudence en optant pour une ligne de conduite qui est plus respectueuse des droits [de] l’accusé2411 ». L’absence de mauvaise foi, précise la Cour suprême dans R. c. Le, ne permet pas d’établir automatiquement la bonne foi des policiers2412. Pour conclure à la violation commise de bonne foi, le ministère public doit prouver « que les policiers “se sont conduits d’une manière [...] compatible avec ce qu’ils [croyaient] subjectivement, raisonnablement et non négligemment être la loi” (R. c. Washington, 2007 BCCA 540, 248 B.C.A.C. 65, par. 78)2413 ». L’erreur sincère et de bonne foi est donc pardonnable lorsqu’elle

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est raisonnable2414. Il ne faut pas « confondre » ici la bonne foi avec la négligence ou l’aveuglement volontaire du policier2415. Avec la négligence, tout d’abord, puisqu’un agent ne peut pénétrer sans mandat sur le terrain d’un suspect afin d’enquêter ou de valider ses soupçons. La demeure d’un individu faisant l’objet d’une protection accrue en matière de respect de la vie privée, « ou bien les policiers savaient que c’était une intrusion, ou bien ils auraient dû le savoir. Dans l’un ou l’autre cas, on ne peut pas dire qu’ils ont agi “de bonne foi”, au sens où on l’entend dans la jurisprudence fondée sur le par. 24(2)2416 ». Au même effet, citons le cas des

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policiers qui ont demandé l’émission d’un mandat de perquisition sans rencontrer les exigences minimales à sa délivrance ou respecter les conditions essentielles à sa validité. D’après l’ancien juge en chef Dickson, dans R. c. Genest, « les vices que comportait le mandat de perquisition étaient graves et les policiers auraient dû les remarquer. Je ne crois pas que l’intimée puisse prétendre que l’erreur résultait d’une inadvertance de la part de la police. [...] Ces vices ne suffisent peut-être pas pour justifier l’exclusion de la preuve, mais ils laissent supposer un comportement inconsidéré de la part des policiers2417 ». Comme l’indiquent les arrêts Kokesch

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et Genest, l’ignorance de celui qui peut et doit savoir neutralise l’argument « de bonne foi » des policiers et accentue la gravité de la violation alléguée. Cette règle n’est pas nouvelle. Déjà, au XIIIe siècle, saint Thomas d’Aquin avait formulé le principe. En effet, « l’ignorance des choses que l’on est tenu de savoir peut être reprochée à l’agent dans le cas où celui-ci ne prend pas garde actuellement à ce qu’il peut et doit considérer; dans ce cas, l’ignorance des choses que chacun est tenu de connaître est dite volontaire comme provenant de la négligence2418 ». La diligence, précisent les tribunaux, impose au policier « de chercher activement à connaître les obligations qui lui sont imposées2419 » par la loi et la jurisprudence. Sans exiger une interprétation parfaite des questions juridiques encore débattues, les policiers ne peuvent ignorer les principes proclamés à plusieurs reprises par les tribunaux

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canadiens2420. En effet, l’agent qui a des doutes et qui ne pousse pas plus loin son analyse agit de façon volontaire. Dans ce cas, il est impératif, écrivent l’ancienne juge en chef McLachlin et la juge Charron dans l’arrêt Grant, « de ne pas récompenser ou encourager l’ignorance des règles établies par la Charte et de ne pas assimiler la négligence ou l’aveuglement volontaire à la bonne foi2421 ». C’est

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d’ailleurs ce que souligne la juge Arbour, dans R. c. Buhay2422, en confirmant la décision du juge du procès d’exclure la preuve d’un sac contenant de la marijuana, saisi sans mandat dans un casier loué par l’accusé dans une gare routière de Winnipeg. Comme le premier policier n’a jamais pensé à obtenir un mandat et que le second y avait songé mais avait conclu que l’accusé n’avait pas d’attente raisonnable de vie privée relativement au casier loué ou que, s’il en avait une, il n’avait pas les motifs suffisants pour obtenir un mandat, la Cour souligne, d’une part, la désinvolture du premier agent et, d’autre part, le mépris flagrant du second policier pour les droits fondamentaux de l’accusé2423. Comme l’indique la juge Arbour, en citant les auteurs Sopinka, Lederman et Bryant : « [Traduction] la bonne foi ne peut être invoquée lorsqu’une atteinte à la Charte découle d’une erreur déraisonnable d’un agent de police ou de la méconnaissance de l’étendue de son pouvoir. Puisque le casier avait été loué pour un usage privé et était verrouillé, et vu l’interprétation libérale par la Cour du droit à la vie privée, je ne pense pas que la perception de l’agent selon laquelle l’appelant avait “renoncé” au respect de sa vie privée était de quelque façon raisonnable2424 ». Sans être délibérée, l’erreur déraisonnable doit être imputée à son auteur comme provenant de

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sa mauvaise interprétation du droit ou de la situation2425. C’est l’erreur qu’un policier raisonnable, placé dans la même situation, n’aurait pas commise2426. Sans nécessairement engager la mauvaise foi des policiers, l’erreur déraisonnable peut constituer une « grave inconduite » de leur part. Il en va ainsi lorsque, par exemple, des agents entrent sans mandat, sans consentement et sans s’annoncer, dans la cour arrière d’une propriété privée pour enquêter sur des personnes qui ne faisaient rien de mal et qui étaient juste en train de discuter.

587. Si l’absence de mauvaise foi ne permet pas d’établir automatiquement la bonne foi des policiers2427, on peut dire également que l’erreur déraisonnable n’équivaut pas toujours à de la

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mauvaise foi2428. C’est l’exemple des policiers qui croient erronément, mais sincèrement, avoir suffisamment de motifs pour procéder à l’arrestation d’un suspect. Comme l’indique le juge Doherty dans R. c. Kitaitchik : « Police conduct can run the gamut from blameless conduct, through negligent conduct, to conduct demonstrating a blatant disregard for Charter rights .... What is important is the proper placement of the police conduct along that fault line, not the legal label attached to the conduct2429 ». Nous sommes tout à fait d’accord avec cette affirmation. La négligence peut, selon les circonstances, être simple, marquée ou grossière. Les policiers qui croient sincèrement mais erronément avoir des motifs suffisants pour procéder à une arrestation, alors qu’ils n’ont en fait que des soupçons raisonnables, ne font pas preuve d’un mépris flagrant à l’égard des droits de l’individu. La distinction entre des soupçons raisonnables et des motifs raisonnables de croire étant parfois difficile à établir, les erreurs sont toujours possibles. Sans être irréprochable, l’erreur qui découle d’une mauvaise évaluation de la preuve, et donc d’une simple négligence, n’équivaut pas nécessairement à une « violation délibérée » ou à un « mépris flagrant » des droits de l’accusé2430. En effet, « negligent police conduct itself may fall on a spectrum. Clear violations of well-established rules governing state conduct may exist at one end of a negligence spectrum, while less clear violations of less clear rules may be at the other2431 ». Les éléments de preuve se situant, en l’espèce, à la couture des motifs raisonnables et probables de croire, la conduite

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des policiers ne correspondait pas à une « violation délibérée, volontaire ou flagrante » de la Charte. Cette conclusion, de toute évidence, serait différente si les policiers avaient agi précipitamment sur la base de simples soupçons concernant l’implication possible du suspect dans le trafic de drogues. En l’absence d’une enquête sérieuse visant à confirmer les informations obtenues, la décision des policiers de procéder à l’arrestation du suspect sur la base de renseignements non corroborés constitue une inconduite sérieuse de la part des agents de police2432.

588. À l’extrémité supérieure de l’échelle de gravité de la conduite des policiers se trouvent les « violations délibérées, volontaires ou flagrantes2433 » de la Charte. Une violation délibérée est celle qui est « commise dans le but de contrevenir à la Charte2434 ». C’est l’exemple des policiers qui, malgré le refus clairement exprimé de la part de l’accusé, ont procédé, après avoir menacé le suspect de recourir à la force, à des prélèvements de cheveux et de poils pubiens ainsi qu’à la prise d’empreintes dentaires. Une fois les prélèvements effectués, le suspect, qui était adolescent, fut interrogé pendant plus d’une heure en l’absence de son avocat. D’après le juge Cory, les policiers ont fait preuve d’un « mépris flagrant » à l’égard des droits fondamentaux de l’accusé et de la volonté du suspect2435. S’agissant d’une violation délibérée et

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volontaire de ses droits protégés par la Charte, les échantillons de cheveux et de poils, les empreintes dentaires et les prélèvements faits dans la bouche du suspect furent écartés conformément au par. 24 (2) de la Charte. Sera également fortement réprimé par les tribunaux, « le mépris flagrant et systématique » des garanties constitutionnelles de l’accusé. On n’a qu’à penser aux policiers qui se rendent chez la conjointe d’un individu décédé à la suite d’une blessure à la tête. Les policiers s’étant présentés à la résidence de la suspecte dans le but d’enquêter sur l’homicide de son mari, les agents ont (1) fouillé l’intérieur et l’extérieur de la maison sans consentement ni mandat préalable, (2) interrogé la suspecte sans l’informer de la blessure par balle à la tête de son mari, (3) procédé à sa détention sans l’aviser des motifs à son appui ni de son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat, (4) fourni des déclarations incomplètes, voire trompeuses, dans le but d’obtenir un mandat général et de perquisition, (5) dénigré le rôle de l’avocat et (6) donné des conseils inappropriés quant à l’opportunité de parler ou non aux policiers. Comme les exigences reconnues par les tribunaux en semblable matière sont claires et sans équivoques, « le mépris flagrant et systématique des droits constitutionnels de Mme Côté n’exige rien de moins que l’exclusion de l’ensemble de la preuve2436 ». Sans prétendre à un acte délibéré, l’atteinte à un droit garanti par la Charte qui résulte d’un « abus systématique ou institutionnel » constitue une conduite blâmable qui doit également être fortement dénoncée2437.

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2. L’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte

589. En plus de déterminer la gravité de la conduite attentatoire de l’État, le tribunal doit évaluer l’incidence de la violation sur les droits en question. En effet, plus l’incidence de la violation sur les droits garantis par la Charte est grande, plus l’admission de la preuve ainsi obtenue risque de donner l’impression que ces droits ne sont pas importants. On n’a qu’à penser au policier qui obtient une déclaration incriminante sans avoir informé le suspect de son droit à l’assistance d’un avocat. Les conséquences de l’omission étant importantes sur la décision de l’accusé de parler ou non aux policiers, son admission risque fortement de déconsidérer l’administration de la justice2438. Malgré l’importance du droit à l’avocat, l’incidence de la violation peut être plus faible lorsque l’inconduite policière n’a pas eu d’impact significatif sur le choix de l’accusé de parler aux policiers2439. C’est l’exemple du trafiquant de drogues qui a fait une déclaration spontanée après avoir été informé à trois

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reprises de ses droits de garder le silence et d’avoir recours à l’assistance d’un avocat. La déclaration incriminante ayant précédé les questions subséquentes et le délai de 52 minutes avant d’avoir accès à un téléphone, il est évident, poursuit la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Miller, que l’appelant aurait fait sa déclaration nonobstant toutes les violations subséquentes2440. En ce qui concerne les policiers qui pénètrent dans la demeure d’un suspect sans obtenir de consentement ni d’autorisation judiciaire préalable, l’attente de vie privée étant particulièrement élevée à l’égard du domicile, l’impact de cette violation sur les droits de l’accusé peut s’avérer « profondément attentatoire2441 ». Envisagée sous l’angle du droit à la vie privée, il est évident que la fouille ou la saisie abusive qui se produit dans des circonstances où l’attente raisonnable de vie privée est très élevée s’avère plus préjudiciable que celle ayant lieu dans un contexte où l’attente est moins grande ou

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diminuée2442. Si la première violation milite en faveur de l’exclusion de la preuve, la seconde risque moins de miner la confiance du public envers la primauté du droit et l’administration de la justice. L’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte peut donc être « fortement attentatoire », « grave sans être des plus extrêmes2443 », « minime2444 », « anodine2445 », « passagère ou d’ordre simplement formel2446 ». Sans entraîner des conséquences irrémédiables pour l’accusé, une violation moins importante peut tout de même s’avérer suffisante pour militer en faveur de l’exclusion de la preuve2447. Cela est particulièrement

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vrai lorsque l’ampleur des conséquences sur la reconnaissance des « intérêts protégés par le droit transgressé2448 » s’avère plus importante que les effets ressentis par l’accusé. Enfin, mentionnons que l’accumulation des violations aux droits protégés par la Charte augmentera l’effet de la violation2449.

3. L’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond

590. Le troisième critère se rapporte à l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond. Cette question vise à déterminer si la recherche de la vérité est « mieux servie par l’utilisation ou l’exclusion » des éléments de preuve obtenus en contravention des droits fondamentaux de l’accusé. En effet, la société, écrit le juge Cory dans R. c. Askov, « a intérêt à s’assurer que ceux qui transgressent la loi soient traduits en justice et traités selon la loi2450 ». Dans la poursuite de cet objectif, le tribunal doit considérer non seulement les conséquences négatives que peut avoir l’utilisation d’éléments de preuve obtenus illégalement sur la considération dont jouit l’administration de la justice, mais également celles que pourrait avoir son exclusion. La fiabilité de la preuve et son importance pour la poursuite sont des considérations pertinentes

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aux fins de l’analyse2451. La fiabilité, tout d’abord, puisqu’une preuve obtenue dans des conditions qui permettent de douter de sa véracité nuit au droit de l’accusé à la tenue d’un procès juste et équitable et à l’intérêt du public à ce que la vérité soit connue. L’exemple de l’accusé qui confesse la commission d’un crime après avoir été soumis à un interrogatoire abusif et trompeur, illustre bien cette situation. L’accusé ayant admis le crime pour

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échapper à son mauvais traitement, la déclaration obtenue ne résulte pas de sa volonté de parler ou de confesser son crime, mais plutôt, de mettre fin à l’interrogatoire. D’où son absence de fiabilité. Quant à la preuve dont la fiabilité ne peut être contestée, son exclusion va à l’encontre de la recherche de la vérité et risque de miner la confiance du public à l’égard de l’administration de la justice. L’importance des éléments de preuve pour la poursuite est un second facteur à considérer dans l’analyse de l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond. En effet, l’inadmissibilité d’éléments de preuve d’une grande fiabilité peut entraver la recherche de vérité si leur exclusion mène au rejet de la poursuite. « Plus l’infraction est grave, plus l’exclusion de la preuve est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, surtout lorsque la preuve est essentielle à une déclaration de culpabilité2452. » Ce principe, une fois compris, ne signifie pas qu’une personne accusée d’une infraction grave doive être condamnée sur la base d’une preuve dont la fiabilité est douteuse. « La société a certes grandement intérêt à ce qu’une affaire de crime grave soit jugée au fond, mais elle a un intérêt tout aussi important à ce que le système de justice demeure à l’abri de tout reproche, particulièrement lorsque l’accusé encourt de lourdes conséquences pénales2453. » Il en va ainsi lorsque la preuve est fiable, mais

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recueillie à la suite d’une violation extrêmement grave des droits fondamentaux de l’accusé. En somme, « bien qu’elle puisse découler de l’exclusion d’éléments de preuve pertinents et fiables (Grant, par. 81), la déconsidération pourrait aussi résulter de l’utilisation d’éléments de preuve qui privent l’accusé d’un procès équitable ou qui équivalent à « l’absolution judiciaire d’une conduite inacceptable de la part des organismes enquêteurs ou de la poursuite » (Collins, p. 281)2454 ». Cela est particulièrement évident lorsque l’obtention de la preuve résulte de la violation de plusieurs droits constitutionnels de l’accusé2455.

591. Après avoir soigneusement soupesé la preuve relativement à chaque question, le tribunal doit déterminer si l’utilisation des éléments de preuve contestés serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Aucune question n’est déterminante à elle seule. L’approche est holistique et prospective. Elle appréhende son objet comme un tout et doit tenir compte de la considération dont jouit à long terme l’administration de la justice. Évidemment, la justice doit se prémunir contre les « violations délibérées, volontaires ou flagrantes2456 » de la Charte. Même si la preuve est fiable et que l’infraction est grave, la recherche de la vérité doit céder le pas devant les dangers qui guettent à long

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terme la considération dont jouit l’administration de la justice. « La fin ne justifie pas les moyens », écrit la juge Cronk dans R. c. Harrisson2457. On ne peut tolérer l’intolérable au nom d’un pragmatisme juridique qui a trop souvent démontré ses limites.

Deuxième section : L’application de la méthode requise aux termes du par. 24(2) aux différents types de preuve

592. Ayant décrit et examiné la méthode requise par les tribunaux afin de déterminer si l’utilisation d’éléments de preuve obtenus à la suite d’une violation d’un droit garanti par la Charte déconsidérerait l’administration de la justice, il nous faut maintenant appliquer cette méthode aux différents types de preuve faisant l’objet d’une demande d’exclusion fondée sur le par. 24(2). À l’analyse des déclarations faites par l’accusé, succédera un examen de la preuve corporelle, de la preuve matérielle non corporelle et de la preuve dérivée.

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1. Les déclarations faites par l’accusé

593. En plus des déclarations échappant à la règle des confessions et obtenues en contravention du droit de garder le silence, le par. 24(2) s’applique aux déclarations faites en violation du droit à l’assistance d’un avocat ou à la suite d’une détention illégale.

594. Envisagées sous l’angle de la gravité de la conduite policière, il est évident que les règles développées dans les arrêts Hebert, Liew et Singh sont bien connues des policiers et font partie du paysage juridique canadien depuis plusieurs années. Les policiers qui utilisent un artifice afin d’obtenir activement des renseignements d’une personne qui a exprimé clairement sa volonté de ne pas parler aux enquêteurs agissent en contravention du droit de l’accusé de garder le silence2458. Sans être toujours fatale à la

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poursuite, l’utilisation d’éléments de preuve auto-incriminante obtenus en violation des droits protégés par la Charte milite fortement en faveur de leur exclusion. La même conclusion s’impose à l’égard du droit à l’assistance d’un avocat. Les devoirs et obligations imposées aux policiers s’étant cristallisés au cours des années, tout doute concernant le droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat doit être interprété en faveur de l’accusé. Malgré l’importance du droit à l’assistance de l’avocat, certaines incertitudes subsistent quant à son application. Des erreurs mineures, techniques ou compréhensibles peuvent donc se produire sans engager la mauvaise foi des policiers ou mettre en doute leur compétence. Si la « violation délibérée » ou le « mépris flagrant » des droits constitutionnels de l’accusé ne peut être toléré par les tribunaux, l’indulgence s’impose parfois à l’égard des « irrégularités mineures ou involontaires » ne découlant pas de la négligence ou de l’insouciance des policiers.

595. En ce qui concerne l’incidence de la violation sur les droits garantis par la Charte, l’accusé doit connaître ses droits

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et obtenir des conseils sur la manière de les exercer. Ainsi, mis à part certaines violations mineures, techniques ou compréhensibles, l’omission d’informer l’individu de son droit à l’assistance d’un avocat ou de lui offrir la possibilité raisonnable de l’exercer place le suspect dans une situation qui facilite grandement son auto-incrimination et milite en faveur de l’exclusion de la preuve. Malgré l’importance des droits impliqués dans l’obtention d’une déclaration de l’accusé, ce ne sont pas toutes les violations qui ont la même incidence sur les droits protégés. Un vice de forme qui se produit après que l’accusé ait été clairement informé de son droit de garder le silence n’a pas le même impact qu’un manquement substantiel affectant directement le choix de l’accusé de parler ou non aux policiers. On n’a qu’à penser à l’individu qui a admis avoir agressé sa femme après avoir été informé de son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat, de la possibilité de se prévaloir de l’aide juridique s’il ne pouvait en assumer les frais et de son droit de garder le silence. Bien que les policiers n’ont pas renseigné le suspect de l’existence, à Winnipeg, d’un service d’avocats de garde et de la façon d’y accéder, l’omission de s’acquitter pleinement de leur obligation d’information n’a pas influencé la décision de l’accusé de parler aux policiers. Le suspect, selon l’ancien juge en chef Lamer, dans R. c. Harper, souhaitait passer aux aveux et tout indique « qu’il aurait fait sa déclaration incriminante même s’il n’y avait pas eu violation des droits que lui garantit l’al. 10b) de la Charte2459 ».

596. Comme la déclaration obtenue dans des conditions qui mettent en doute son caractère volontaire, celle obtenue en contravention du droit de garder le silence ou d’avoir accès à l’assistance d’un avocat peut parfois s’avérer douteuse. Son impact fortement préjudiciable jumelé à l’incertitude quant à sa fiabilité ne favorise pas son admission même lorsqu’il s’agit d’une preuve essentielle à la poursuite. L’absence de fiabilité qui surplombe l’obtention de certaines déclarations incriminantes tend donc à diminuer l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond.

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597. En résumé, le besoin d’une conduite policière adéquate et conforme aux obligations reconnues depuis plusieurs années par les tribunaux et l’importance des intérêts protégés se rapportant à l’auto-incrimination et au choix de parler ou non aux policiers, favorisent l’exclusion générale des déclarations obtenues en violation de la Charte. Quant à l’utilisation de déclarations dont la fiabilité semble douteuse, celle-ci doit être prise en considération dans l’évaluation de l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond. L’examen des trois facteurs retenus par la Cour suprême dans l’arrêt Grant confirme donc « le principe de l’exclusion générale présomptive, mais non automatique, de déclarations obtenues en violation de la Charte2460 ».

2. La preuve corporelle

598. Comme son nom l’indique, la preuve corporelle se rapporte à des éléments de preuve qui proviennent du corps de l’accusé. Au Canada, l’article 8 protège le suspect contre les fouilles, perquisitions ou saisies abusives. Une fouille n’est pas abusive (1) si elle est autorisée par la loi ou la common law, (2) si la loi ou la règle de common law qui confère le pouvoir de fouille n’est pas abusive et (3) si la fouille ou la perquisition n’est pas effectuée d’une manière abusive. Une fouille qui ne respecte pas ces exigences est abusive et contrevient à l’article 8 de la Charte. L’obtention illégale d’une preuve corporelle peut également provenir d’une détention arbitraire au sens de l’article 9 ou de la violation du droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat prévu à l’al. 10b) de la Charte.

599. Comme pour les autres types de preuve, l’évaluation de la gravité de la conduite policière à l’origine de l’obtention illégale de la preuve « doit s’ancrer dans les particularités de chaque

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dossier2461 ». Si la conduite qui résulte d’une erreur mineure, technique ou compréhensible est plus facilement pardonnable, celle découlant de la négligence, de l’indifférence ou de la désinvolture du policier face aux droits de l’accusé favorise l’exclusion de la preuve. En ce qui concerne la violation délibérée des droits fondamentaux ou l’obtention d’une preuve à la suite du « mépris flagrant » des droits de l’accusé, celle-ci risque fortement de déconsidérer l’administration de la justice2462.

600. Lorsque l’obtention de la preuve fait suite à une violation de l’article 8, les tribunaux doivent mesurer le degré d’empiètement de la fouille ou de la saisie sur le droit de l’accusé à la vie privée, à l’intégrité corporelle et à la dignité humaine. Sur le droit à la vie privée, tout d’abord, puisqu’une fouille abusive qui est effectuée dans un contexte où l’attente raisonnable de vie privée est particulièrement élevée est plus grave que celle exécutée dans des circonstances où l’attente est diminuée. Envisagée du point de vue de l’intégrité corporelle, il est évident que la prise d’échantillons de sang ou d’empreintes dentaires comporte un degré d’intrusion plus élevé que la prise d’empreintes digitales ou d’un échantillon d’haleine. D’après la Cour suprême, « plus l’atteinte est grande, plus il importe que le tribunal écarte les éléments de preuve afin de donner corps aux droits garantis par la Charte aux accusés2463 ». En ce qui concerne la dignité humaine, la fouille qui porte atteinte à la dignité de l’accusé est plus grave que celle qui n’a pas un tel impact. En effet, le prélèvement par écouvillonnage

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du pénis d’un suspect implique un degré d’empiètement beaucoup plus élevé que le simple fait de ramasser une gomme à mâcher qui se trouve dans un gobelet laissé sur la table d’une chambre d’hôtel. Quant à la preuve corporelle obtenue à la suite d’une violation du droit à l’assistance d’un avocat, il existe une forte tendance à l’encontre de son utilisation. Bien que le prélèvement d’un échantillon d’haleine ne constitue pas un procédé intrusif, la violation du droit de l’accusé de consulter immédiatement un avocat à la suite d’un échec au test de l’ADA peut avoir une incidence considérable compte tenu de l’importance consacrée de ce droit. Cela est particulièrement évident lorsque le refus de permettre au conducteur de communiquer sans délai avec son avocat se fonde sur l’absence d’une « politique interne permettant la consultation sur place2464 », ou sur la présence d’une pratique « systématique ou institutionnelle » autorisant l’accès à un avocat seulement au poste de police2465. Ainsi, compte tenu de l’absence totale de considération à l’égard du droit à l’assistance d’un avocat, de la nature auto-incriminante de la preuve obtenue et de la valeur psychologique d’une telle consultation, la Cour d’appel confirme, dans R. c. Tremblay, la décision d’exclure les résultats de l’alcootest.

601. L’intérêt du public à ce que l’affaire soit jugée au fond favorise généralement l’inclusion des preuves corporelles en raison de leur grande fiabilité2466. « La recherche de la vérité n’est cependant pas le seul élément à considérer même lorsque des éléments

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de preuve pertinents et fiables ont été obtenus par des procédés relativement non intrusifs. » Le prélèvement de substances corporelles à la suite d’une violation délibérée ou du « mépris flagrant » des droits de l’accusé est susceptible de miner à long terme la considération dont jouit la justice. Cela est d’autant plus vrai lorsque la violation a des effets importants sur la vie privée, l’intégrité corporelle et la dignité de l’accusé; sur le droit à l’assistance d’un avocat ou sur la protection contre les détentions arbitraires. « À l’inverse, lorsque la violation est moins inacceptable et l’atteinte moins sévère, les éléments de preuve corporelle fiables pourront être admis. Ce sera souvent le cas, par exemple, des échantillons d’haleine, qui s’obtiennent par des procédés relativement non intrusifs2467. »

3. Les éléments de preuve matérielle non corporelle

602. De façon générale, les éléments de preuve matérielle non corporelle sont obtenus suite à une violation du droit à la vie privée reconnu à l’article 8 de la Charte. L’attente raisonnable de vie privée est un concept juridique dont les contours sont relativement bien définis, mais dont l’application demeure parfois difficile. Sur ce point, citons la décision de la Cour suprême dans R. c. Cole2468. À la suite de travaux de maintenance, un technicien en informatique a trouvé dans l’ordinateur portatif de M. Cole un dossier caché contenant des photographies d’une élève nue et partiellement nue. L’ordinateur portatif et deux disques comportant des copies furent remis à la police qui a examiné le contenu et fait une copie du disque dur. Comme la police n’avait pas de mandat et que l’accusé pouvait s’attendre au respect de sa vie privée relativement au contenu de son ordinateur, la Cour devait déterminer si l’utilisation des éléments de preuve obtenus à la suite de la violation de

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l’article 8 était susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. D’après le juge Fish, qui s’exprimait au nom de la majorité, « le policier n’a pas sciemment ou délibérément fait abstraction de l’exigence d’un mandat2469 ». L’existence d’une attente raisonnable de vie privée à l’égard d’un ordinateur fourni par l’employeur, mais également utilisé à des fins personnelles, n’étant pas encore bien définie à l’époque, le policier a cru, sincèrement mais erronément, qu’il pouvait procéder sans mandat2470. S’agissant d’une erreur à la fois compréhensible et raisonnable, la preuve fut admise au procès2471.

603. Considérées sous l’angle de la possibilité de découvrir la preuve autrement2472, la bonne foi du policier et la présence

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d’une situation d’urgence devraient généralement diminuer la gravité de la conduite reprochée. À l’inverse, des policiers qui n’ont pas songé à demander un mandat alors qu’ils le pouvaient ou qui ont procédé sans mandat parce qu’ils croyaient, à tort, ne pas avoir les motifs suffisants pour en obtenir un, agissent avec désinvolture ou font preuve d’un « mépris flagrant » à l’endroit des droits fondamentaux de l’accusé2473.

604. La deuxième question examine l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte2474. Plus l’attente raisonnable de vie privée est grande, plus l’incidence de la violation sur les droits protégés risque d’être importante. Une fouille effectuée dans une résidence ou sur le terrain d’une propriété privée n’a donc pas le même degré d’empiètement qu’une

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fouille exécutée dans une voiture2475, dans un casier loué2476 ou dans un ordinateur portatif fourni par l’employeur.

605. En plus des intérêts se rapportant au respect de la vie privée, la collecte de ce type de preuve peut se produire dans un contexte portant atteinte à la dignité humaine. Une fouille à nu est beaucoup plus envahissante qu’une perquisition périphérique ou qu’une fouille sommaire des vêtements ou des poches de l’accusé. Elle comporte un degré très élevé d’empiètement à la liberté et à la dignité humaine. D’où son incidence importante sur les droits de l’accusé.

606. La présence de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise et que des éléments de preuve se trouvent

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à l’endroit perquisitionné diminue généralement l’incidence de la violation sur le droit à la vie privée et à la dignité protégé par la Charte. D’après le juge Fish, dans l’arrêt Cole, « le policier avait les motifs raisonnables et probables requis pour obtenir un mandat. S’il s’était conformé aux exigences constitutionnelles applicables, la preuve aurait forcément été découverte. Cela diminuait davantage l’incidence de la violation sur les droits constitutionnels de M. Cole2477 ». Quant à l’absence de tels motifs, elle tend à augmenter l’empiètement sur le droit garanti par la Charte en accentuant le lien de causalité entre la violation et l’obtention de la preuve en question.

607. L’examen de la troisième question milite généralement pour son admission. Contrairement aux déclarations incriminantes, les éléments de preuve matérielle non corporelle sont fiables. Comme la fiabilité des éléments de preuve matérielle ne dépend pas de la violation des droits allégués, il est évident que ce facteur favorise son utilisation. Quant à la gravité de l’infraction reprochée, il s’agit d’un facteur « qui peut jouer dans les deux sens2478 ». S’il est vrai qu’une violation moins grave s’inscrivant dans le cadre d’une infraction comportant de lourdes peines favorise l’intérêt à court terme de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond, on ne peut en dire autant de la violation délibérée ou de celle témoignant du « mépris flagrant » des policiers à l’égard des droits fondamentaux de l’accusé, laquelle accroît l’intérêt du public en la présence d’un système irréprochable à long terme.

4. La preuve dérivée

608. La preuve dérivée est une preuve matérielle découverte à la suite d’une déclaration obtenue en contravention d’un droit prévu par la Charte2479. Comme nous l’avons expliqué, les

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déclarations involontaires font l’objet d’une exclusion automatique en common law2480. Cette exclusion ne s’étend pas aux preuves matérielles découvertes à la suite d’une confession involontaire2481. S’agissant d’une preuve fiable, la recherche de la vérité s’impose au détriment du principe interdisant l’auto-incrimination. Quant à la preuve matérielle découverte à la suite d’une déclaration obtenue en contravention d’un droit prévu par la Charte, son statut est régi par le par. 24(2) et plus précisément par le principe de l’irrecevabilité des éléments de preuve dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

609. La première question se rapporte à la gravité de la violation du droit à l’origine de l’obtention de la déclaration incriminante ayant permis la découverte de la preuve matérielle. Encore une fois, la présence d’une erreur mineure, technique ou compréhensible risque moins de miner la confiance du public dans la primauté du droit. Quant à la négligence, l’indifférence ou la désinvolture des policiers à l’égard des droits fondamentaux de l’accusé, celles-ci favorisent l’exclusion de la preuve. Il en va également du « mépris flagrant » des policiers à l’endroit du détenu ou de la violation délibérée de ses droits.

610. La deuxième question a trait à l’incidence de la violation sur les droits protégés de l’accusé. Dans la plupart des cas, la déclaration incriminante découle d’une violation du droit à l’assistance d’un avocat. Ce droit permettant au suspect d’être informé de ses droits et d’obtenir des conseils sur la manière de les exercer, la violation du droit à l’avocat nuit considérablement au choix de l’accusé de parler ou non aux policiers. Comme une personne détenue ou en état d’arrestation n’est pas obligée de coopérer avec la police, les tribunaux doivent être particulièrement sensibles aux conséquences d’une telle violation. La possibilité de découvrir la preuve indépendamment de l’obtention de la déclaration incriminante est un aspect important lorsqu’il s’agit d’examiner l’incidence de la violation sur les droits protégés par la Charte. Ce critère

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permet de mesurer le lien qui existe entre la déclaration obtenue illégalement et la découverte des éléments de preuve. « Plus il est probable que ces derniers auraient été obtenus même sans la déclaration, moins les incidences de la violation sur l’intérêt sous-jacent de l’accusé de ne pas s’incriminer ont d’importance2482. » Pour s’en convaincre, citons la décision de la Cour suprême dans R. c. Black2483. À la suite d’une agression au couteau commise dans un appartement de la région d’Halifax, l’accusée fut arrêtée pour tentative de meurtre. La victime étant décédée entretemps, une nouvelle mise en garde relativement à une accusation de meurtre au premier degré fut faite à l’accusée. Cette dernière n’ayant pu consulter son avocat en raison de l’heure tardive, l’accusée a refusé de parler à un autre procureur. Une conversation s’est alors ensuivie au cours de laquelle le policier a demandé à l’appelante où se trouvait le couteau. L’accusée a souri puis a affirmé que l’arme se trouvait chez elle. Après avoir tout raconté à la police, des agents ont raccompagné l’accusée à son appartement où elle prit le couteau qui se trouvait dans un tiroir de la cuisine en affirmant qu’il s’agissait de l’arme du crime. D’après la juge Wilson, qui rédigea le jugement au nom de la Cour, la déclaration de l’accusée fut obtenue en violation de l’al. 10b) de la Charte. Comme l’utilisation de la déclaration incriminante de l’appelante déconsidérait l’administration de la justice, celle-ci fut écartée par le Tribunal. En ce qui concerne le couteau obtenu à la suite de la déclaration de l’accusée, il s’agissait, en l’espèce, d’un « élément de preuve matérielle qui existait peu importe que les policiers aient violé ou non les droits garantis à l’appelante par l’al. 10b) [...]. Cet élément de preuve n’a pas vu le jour par suite de la participation de l’accusée, bien que la police l’ait obtenu à cause de cette participation. Je ne doute nullement que les policiers auraient procédé à une fouille de l’appartement de l’appelante avec ou sans son aide et que cette fouille leur aurait permis de découvrir le couteau. D’où son admission au procès2484 ». La possibilité de découvrir la preuve matérielle indépendamment de la violation du droit en question diminue donc l’incidence de la violation et favorise son utilisation au procès. À

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l’inverse, une preuve qui n’aurait pas été découverte autrement accroît les préoccupations relatives à l’auto-incrimination.

611. L’examen de l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond met en lumière la fiabilité de la preuve dérivée, découlant de sa matérialité et de son existence préalable à la violation de la Charte. Au-delà des considérations à long terme pour la réputation du système de justice, l’intérêt du public à ce qu’un procès soit instruit sur le fond militera généralement en faveur de son utilisation.

612. Sans constituer une règle infaillible, on s’entend généralement pour dire qu’une violation mineure, compréhensible ou de bonne foi à l’origine de l’obtention d’une preuve fiable qui ne porte pas gravement atteinte aux droits protégés par la Charte sera plus facilement admise qu’une preuve obtenue dans des conditions qui met en doute la bonne foi ou la compétence des policiers tout en empiétant considérablement sur les intérêts et droits protégés. Cette conclusion s’impose particulièrement lorsqu’il y a des indices permettant de croire qu’un policier a sciemment violé les droits de l’accusé dans le but d’obtenir une déclaration qui lui a permis de recueillir éventuellement des éléments de preuve matériels.

Troisième section : La norme de contrôle judiciaire

613. Les tribunaux doivent faire preuve de retenue à l’égard de la décision du juge du procès d’admettre ou non la preuve obtenue en contravention d’un droit garanti par la Charte. « Lorsque le juge du procès a pris en compte les considérations applicables et n’a tiré aucune conclusion déraisonnable, sa décision justifie une grande déférence en appel (Grant, par. 86, et Beaulieu, par. 5)2485. » Il en va autrement lorsque ses conclusions sont « spéculatives et

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ne tiennent pas compte du fardeau de preuve de la poursuite2486 ». En somme, « bien que la décision d’écarter un élément de preuve doive être raisonnable, la cour siégeant en révision ne modifiera pas les conclusions du juge de première instance concernant le par. 24(2) en l’absence d’une “erreur manifeste quant aux principes ou aux règles de droit applicables” ou d’une “conclusion déraisonnable”2487 ».

Conclusion

614. Toute cette analyse sur l’application du par. 24(2) nous a montré combien la réparation des droits conférés par la Charte était étroitement associée au respect des droits individuels, au devoir de l’État d’enquêter et de réprimer le crime et au maintien de la confiance du public envers l’administration de la justice. Fidèle à ces trois grands objectifs, le traitement réservé aux éléments de preuve obtenus en violation des droits garantis par la Charte résulte d’un exercice de pondération judiciaire aux termes duquel transparaissent les notions de « justice », d’« équité » et d’« efficacité juridique ».

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Notes de bas de page

2376. Cette expression (« administration de la justice »), qui renvoie traditionnellement au processus d’enquête, d’accusation, de jugement et de sanction, englobe également la préservation et le respect des droits garantis par la Charte ainsi que du principe de la primauté du droit. L’examen fondé sur le par. 24(2) suppose une analyse des effets à long terme, et non simplement ponctuels, de l’utilisation de la preuve sur l’intégrité et la réputation du système de justice. L’examen est objectif : est-ce qu’une personne raisonnable, qui connaît les circonstances de l’affaire et les valeurs qui surplombent l’application de la Charte, conclurait que l’utilisation d’éléments de preuve obtenus illégalement serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Cet examen s’enracine dans le passé, dans une conduite qui porte atteinte aux droits fondamentaux de l’accusé, pour se concrétiser dans l’avenir, dans la certitude que les éléments de preuve ainsi obtenus « ne déconsidèrent pas davantage le système de justice » (R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 69). Il s’agit d’un examen fondé sur le passé mais orienté vers l’avenir. La dimension prospective de la Charte se double d’un objet sociétal qui ne vise pas à sanctionner la conduite des policiers ou à dédommager la partie lésée, mais à tenir compte des « importantes répercussions de l’utilisation d’éléments de preuve sur la considération à long terme portée au système de justice. » (R. c. Grant, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 70).

2377. R. c. Manchulenko, 2013 ONCA 543 (CanLII), 116 O.R. (3d) 721, par. 71 (C.A. Ont.) :

« Section 24(2) of the Charter only excludes evidence where an accused has demonstrated, on a balance of probabilities, an infringement or denial of his or her enumerated Charter rights or freedoms, and that the evidence proposed for admission was “obtained in a manner” that infringed or denied the accused’s Charter right or freedom. This latter requirement insists that there be a nexus, expressed in the language “obtained in a manner” in s. 24(2), between the infringement and the evidence proposed for admission. In the absence of a nexus, or of an infringement, s. 24(2) has no application and the admissibility issue must be resolved otherwise. »

2378. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353; R. c. Côté, 2011 CSC 46 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 215, par. 46 :

« En formulant ce nouveau cadre d’analyse, la Cour dit clairement que même si ces questions ne recoupent pas exactement celles énoncées dans la jurisprudence antérieure, elles englobent les facteurs pertinents pour trancher une demande fondée sur le par. 24(2) qui avaient été formulés auparavant. Dans Beaulieu, s’exprimant au nom de la Cour, la juge Charron souligne ce point et fait observer que Grant n’a pas modifié les facteurs pertinents pour l’analyse fondée sur le par. 24(2). »

2379. R. c. Le, 2019 CSC 34 (CanLII), [2019] A.C.S. No. 34, par. 141, citant R. c. McGuffie, 2016 ONCA 365, 131 O.R. (3d) 643, par. 62.

2380. R. c. Le, 2019 CSC 34 (CanLII), [2019] A.C.S. No. 34, par. 142.

2381. R. c. Wittwer, 2008 CSC 33 (CanLII), [2008] 2 R.C.S. 235, par. 19 :

« Pour décider s’il y a lieu d’écarter une déclaration en vertu du par. 24(2) de la Charte, le tribunal doit être convaincu (i) que cette déclaration a été obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la Charte, et (ii) que son utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice : R. c. Strachan, 1988 CanLII 25 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 980. »

2382. R. c. Beaver, [2020] A.J. No. 581, par. 13 (C.A. Alb.) :

« The first requirement is sometime referred to as the “threshold requirement” of s.24(2) (R v. Plaha (2004), 2004 CanLII 21043 (ON CA), 189 OAC 376, 188 CCC (3d) 289 at para 44 and R v. McSweeney, 2020 ONCA 2 at para 57). The second part of the s.24(2) test, which requires an assessment under Grant and associated caselaw, need not be addressed unless the “obtained in a manner” element is established. »

R. c. Robertson, [2019] B.C.J. No. 569, par. 59 (C.A. C.-B.) :

« In my respectful view, it is clear from the language of s. 24(2) itself that the question of whether evidence was “obtained in a manner” that infringed a Charter right is confined to the threshold inquiry. At the evaluative stage, the claimant has already met that threshold test. The court’s task at this stage is to consider whether admission of the evidence so obtained would bring the administration of justice into disrepute. »

2383. L’exigence d’un lien de causalité entre la violation et la preuve obtenue avait été catégoriquement rejetée par la Cour suprême dans R. c. Strachan, 1988 CanLII 25 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 980, par. 39 et 40 :

« Je suis porté à souscrire à l’opinion du juge Esson et à rejeter la façon d’interpréter la première exigence du par. 24(2), proposée par le ministère public. À mon avis, interpréter les mots “obtenus dans des conditions” comme créant une exigence de causalité soulève toute une série de difficultés. Un lien de causalité strict exigerait des tribunaux qu’ils se demandent si les éléments de preuve auraient été découverts s’il n’y avait pas eu violation de la Charte. Conjecturer sur ce qui aurait pu arriver représente une tâche extrêmement artificielle. Distinguer les événements qui ont permis d’obtenir les éléments de preuve de ceux qui ne l’ont pas fait relève du sophisme. Les événements sont complexes et changeants. Il ne sera jamais possible de préciser ce qui serait arrivé s’il n’y avait pas eu de violation de la Charte. À mon avis, ce genre de conjectures ne constitue pas une méthode d’examen appropriée pour les tribunaux.

Une exigence de causalité entraîne également une interprétation restrictive du lien qui existe entre une violation de la Charte et la découverte des éléments de preuve. Le fait d’exiger un lien de causalité aura tendance à fausser l’analyse de la conduite qui a mené à la découverte des éléments de preuve. L’examen aura tendance à porter strictement sur les actes qui ont contribué le plus directement à la découverte des éléments de preuve plutôt que sur l’ensemble des événements qui ont mené à cette découverte. Une telle situation entraînera presque inévitablement un exercice intellectuel équivalant essentiellement à “se couper les cheveux en quatre” pour distinguer la conduite qui était contraire à la Charte de celle qui ne l’était pas. »

R. c. Wittwer, 2008 CSC 33 (CanLII), [2008] 2 R.C.S. 235, par. 21 :

« Les tribunaux appelés à décider si une déclaration est viciée par une violation antérieure de la Charte ont privilégié une approche généreuse et fondée sur l’objet visé. Il n’est pas nécessaire d’établir un lien de causalité strict entre la violation et la déclaration subséquente. La déclaration sera viciée s’il est possible d’affirmer que la violation et la déclaration en cause font partie de la même opération ou de la même ligne de conduite : Strachan, p. 1005. Le lien exigé entre la violation et la déclaration subséquente peut être [Traduction] “temporel, contextuel, causal ou un mélange des trois” : R. c. Plaha (2004), 2004 CanLII 21043 (ON CA), 189 O.A.C. 376, par. 45. Un lien qui est simplement “éloigné” ou “ténu” ne sera pas suffisant : R. c. Goldhart, 1996 CanLII 214 (CSC), [1996] 2 R.C.S. 463, par. 40; Plaha, par. 45. »

Voir également R. c. Manchulenko, 2013 ONCA 543 (CanLII), 116 O.R. (3d) 721, par. 72 et 73 (C.A. Ont.) :

« To determine whether the nexus requirement has been met, the trial judge must undertake a contextual and case-specific analysis : Simon, at para. 69. Courts have adopted a purposive and generous approach to the nexus requirement : Wittwer, at para. 21. An accused need not establish a strict causal relationship between the breach and the subsequent evidence. The subsequent evidence will be tainted if the breach and the evidence can be said to be part of the same transaction or course of conduct : Wittwer, at para. 21; R. v. Strachan, 1988 CanLII 25 (CSC), [1988] 2 S.C.R. 980, [1988] S.C.J. No. 94, at p. 1005 S.C.R. The essential nexus between the breach and the evidence acquired later may be temporal, contextual, causal or the three in combination : Plaha, at para. 45; Wittwer, at para. 21; and R. v. Goldhart, 1996 CanLII 214 (CSC), [1996] 2 S.C.R. 463, [1996] S.C.J. No. 76, at para. 40. Remote or tenuous connections fall short of establishing the necessary nexus : Goldhart, at para. 40; Plaha, at para. 45; and Wittwer, at para. 21.

As a general rule, a temporal connection between the Charter breach and the acquisition of the evidence will suffice to make out the nexus requirement under s. 24(2). But the temporal connection involves more than simply counting up the time that has elapsed between the two events. What happened between the breach and the evidence collection can colour the significance of the passage of time : Plaha, at para. 49. »

2384. R. c. Goldhart, 1996 CanLII 214 (CSC), [1996] 2 R.C.S. 463, par. 43 :

« Le concept du caractère éloigné s’applique non seulement au lien temporel, mais aussi au lien causal. Il s’ensuit que la seule existence d’un lien temporel n’est pas nécessairement suffisante. Conformément à la directive voulant qu’on examine l’ensemble du rapport entre la violation et la preuve obtenue, il convient que la cour examine la force du rapport causal. Si le lien temporel et le lien causal sont ténus tous les deux, la cour peut très bien conclure que la preuve n’a pas été obtenue dans des conditions qui portent atteinte à un droit ou à une liberté garantis par la Charte. Par contre, le lien temporel peut être fort à ce point que la violation de la Charte fait partie intégrante d’une seule et même opération. Dans un tel cas, la faiblesse ou même l’absence d’un lien causal sera sans importance. Une fois les principes de droit définis, la force du lien entre la preuve obtenue et la violation de la Charte est une question de fait. Par conséquent, la possibilité d’appliquer le para. 24(2) sera déterminée cas par cas, comme l’a proposé le juge en chef Dickson dans l’arrêt Strachan. »

2385. Sur le critère du lien temporel, voir également R. c. Lewis, [2019] A.J. No. 1138, par. 30 (C.A. Alb.) :

« To be precise, the appellant’s counsel is taken to be only discussing the question of causation in conceding that only one witness, and a witness already known, was potentially influenced to be more forthcoming by any content of the emails. But the frailty of any link remains evident. In temporal terms, there was a significant gap in time between the review of the emails and the interviews, and a long chasm of time separated the trial testimony. On the broader point, see also R v. Plaha (2004), 2004 CanLII 21043 (ON CA), 189 OAC 376, at para. 45; R v. Andel, 2014 BCCA 179 at paras 31 to 32, 355 BCAC 214; R v. Glessman, 2012 ABCA 113 at paras 5 to 7, 76 Alta LR (5th) 348; R v. Do, 2019 ONCA 482 at paras 9 to 14, [2019] OJ No 3018 (QL). »

2386. R. c. Tremblay, [2021] J.Q. No. 69, par. 72 (C.A.) :

« Il est vrai qu’aucun élément de preuve n’a été découvert avant que l’intimée n’ait parlé à son avocat, ce que l’on pourrait être tenté d’assimiler à une absence de préjudice réel. Pourtant il n’en est rien. D’une part, il n’est pas exigé qu’il y ait toujours un lien causal entre la violation de la Charte et la découverte d’éléments de preuve; le lien temporel revêt généralement une importance particulière : R. c. Strachan, précité, à la p. 1005. »

2387. Voir par exemple R. c. Boutros, [2018] O.J. No. 2063, par. 25 (C.A. Ont.) :

« The appellant’s arrest occurred three or four days before the police applied for the production order and obtained the text messages. The officers involved in the s. 10(b) violations at the time of the appellant’s arrest and arrival at the police station had nothing to do with the steps taken to obtain the production order. There is no evidence that the officer who applied for the production order was even aware of anything the appellant may have said at the time of his arrest. The ITO contains no hint that the officer relied on anything the appellant may have said, or any evidence obtained as a result of something he said, in applying for the production order. The obtaining of the text messages under the authority of the production order was unrelated to those s. 10(b) breaches. Those breaches could not precipitate an inquiry under s. 24(2) into the admissibility of the text messages. It is not enough that the s. 10(b) breaches occurred during the same investigation that yielded the text messages. »

2388. Blais c. R., [2018] J.Q. No. 3685 (C.A.).

2389. Blais c. R., [2018] J.Q. No. 3685, par. 8 (C.A.).

2390. Blais c. R., [2018] J.Q. No. 3685, par. 44 (C.A.).

2391. R. c. Wittwer, 2008 CSC 33 (CanLII), [2008] 2 R.C.S. 235, par. 21.

2392. Blais c. R., [2018] J.Q. No. 3685, par. 44 (C.A.). Voir également Biron c. R., [2019] J.Q. No. 4690 (C.A.).

2393. R. c. La, [2018] O.J. No. 5357, par. 35 (C.A. Ont.) :

« While there was no causal connection between the discovery of the odour of marijuana and the water bill, and the s. 10(b) breach, there was a close temporal connection. There was no dispute that the connection is sufficient to engage s. 24(2) : see R. v. Pino, 2016 ONCA 389, 130 O.R. (3d) 561, at paras. 52, 72 and 74; R. v. Rover, 2018 ONCA 745, at para. 35. »

2394. R. c. Wittwer, 2008 CSC 33 (CanLII), [2008] 2 R.C.S. 235, par. 21.

2395. R. c. Pino, 2016 ONCA 389 (CanLII), 130 O.R. (3d) 561, par. 72 (C.A. Ont.).

2396. R. c. Pino, 2016 ONCA 389 (CanLII), 130 O.R. (3d) 561, par. 72 (C.A. Ont.).

2397. R. c. Pino, 2016 ONCA 389 (CanLII), 130 O.R. (3d) 561, par. 73-78 (C.A. Ont.) :

« Here, the two s. 10(b) breaches along with the s. 8 breach meet the “obtained in a manner” requirement. The marijuana seized from the trunk of Ms. Pino’s car and all three Charter breaches are part of the same transaction. That transaction or the common link between the evidence and the breaches is Ms. Pino’s arrest.

The connection between the evidence and the breaches is both temporal and contextual, and is neither too tenuous nor too remote. The connection is temporal because the three breaches are relatively close in time and are part of a continuum straddling Ms. Pino’s arrest. The connection is also “contextual”. I take “contextual” – a word often used by lawyers and judges – to mean pertaining to the surroundings or situation in which something happens. In this case, the something that happened is Ms. Pino’s arrest. And the two s. 10(b) breaches and the s. 8 breach surrounded her arrest or arose out of it. Indeed, the trial judge found that the s. 10(b) breaches form “part of the context” in which the s. 8 breach occurred.

The following hypothetical example helps to illustrate my point. Suppose the s. 10(b) breaches had crystallized before the search of Ms. Pino’s car. The police advised Ms. Pino of her right to counsel without delay immediately upon her arrest, but gave her incomplete advice and decided to delay her access to counsel to prevent her from compromising the search of 21 St. Claire Avenue.

In this hypothetical example, the “obtained in a manner” requirement would unquestionably be met. Both s. 10(b) breaches occurred before the discovery of the marijuana. But as in Mian, the gravity of the s. 10(b) breaches, especially the implementation breach, would occur after the search of the car.

So, should it make a difference whether the s. 10(b) breaches occurred before or after the discovery of the evidence ? I do not think so. In either case, the administration of justice could be brought into disrepute if the court condoned serious Charter violations.

On this issue, I therefore conclude that the “evidence”, the marijuana, was “obtained in a manner” that breached Ms. Pino’s s. 8 and s. 10(b) rights. In concluding otherwise, the trial judge erred in law. »

2398. R. c. Do, 2019 ONCA 482 (CanLII), [2019] O.J. No. 3018 (C.A. Ont.).

2399. R. c. Do, 2019 ONCA 482 (CanLII), [2019] O.J. No. 3018, par. 9 et 11 (C.A. Ont.) :

« The earlier seizure of the drugs and other items under a valid search warrant properly executed was a transaction largely completed at the time of the appellant’s arrest, and was not precipitated by it, as in Pino. It was causally, temporally and contextually distinct and separate from the arrest, in the sense captured by Doherty J.A. in R. v. Plaha (2004), 2004 CanLII 21043 (ON CA), 188 C.C.C. (3d) 289 (Ont. C.A.), at para. 45 :

Because the earlier seizure of the drugs and other items under a valid search warrant properly executed was a transaction largely completed at the time of the appellant’s arrest, it was causally, temporally and contextually distinct and separate from the arrest. Any possible breach of s. 10(b) in the time following the appellant’s arrest does not attach to that evidence. »

2400. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 71.

2401. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 72 et 73.

2402. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 72 et 73 :

« Lorsqu’il se penche sur la première question à se poser dans le cadre de l’analyse requise par le par. 24(2), le tribunal doit évaluer si l’utilisation d’éléments de preuve déconsidérerait l’administration de la justice en donnant à penser que les tribunaux, en tant qu’institution devant répondre de l’administration de la justice, tolèrent en fait les entorses de l’État au principe de la primauté du droit en ne se dissociant pas du fruit de ces conduites illégales. Plus les gestes ayant entraîné la violation de la Charte par l’État sont graves ou délibérés plus il est nécessaire que les tribunaux s’en dissocient en excluant les éléments de preuve ainsi acquis, afin de préserver la confiance du public envers le principe de la primauté du droit et de faire en sorte que l’État s’y conforme.

Cet examen requiert donc l’évaluation de la gravité de la conduite de l’État ayant donné lieu à la violation. Il ne s’effectue pas dans le but de sanctionner la conduite des policiers ou pour prévenir d’autres violations par la dissuasion, bien qu’un tel résultat puisse être heureux. Son but principal est de préserver la confiance du public envers le principe de la primauté du droit et envers les processus qui le mettent en œuvre. Pour évaluer l’effet de l’utilisation d’éléments de preuve sur la confiance du public envers le système de justice, le tribunal saisi d’une demande fondée sur le par. 24(2) doit examiner l’importance de l’atteinte sous l’angle de la gravité de la conduite répréhensible des autorités étatiques qui, en vertu du principe de la primauté du droit, sont tenues de respecter les droits garantis par la Charte. »

2403. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 74. Voir également R. c. Kitaitchik (2002), 2002 CanLII 45000 (ON CA), 166 C.C.C. (3d) 14 (C.A. Ont.), cité en français dans R. c. Harrison, 2009 CSC 34 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 494 :

« [Traduction] La conduite de la police peut couvrir tout le spectre des comportements, de la conduite irréprochable à la conduite démontrant un mépris flagrant des droits garantis par la Charte en passant par la conduite négligente [...]. Ce qui importe, c’est de positionner correctement la conduite de la police sur ce spectre plutôt que de s’arrêter à sa qualification juridique. »

2404. La Cour suprême utilise l’expression « échelle de culpabilité ». Voir sur ce point R. c. Marakah, 2017 CSC 59 (CanLII), [2017] 2 R.C.S. 608, par. 61 :

« Comme notre Cour l’a récemment expliqué dans l’arrêt R. c. Paterson, 2017 CSC 15, [2017] 1 R.C.S. 202, “[l]orsqu’elle apprécie la gravité d’une mesure de l’État qui porte atteinte à un droit garanti par la Charte, la Cour doit situer cette conduite sur [une] échelle de culpabilité” sur laquelle les “violations mineures ou commises par inadvertance” se trouvent à une extrémité et “[le] mépris délibéré des droits garantis par la Charte” se trouve à l’autre (par. 43, citant l’arrêt Grant, par. 74). »

2405. R. c. Nolet, 2010 CSC 24 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 851.

2406. R. c. Nolet, 2010 CSC 24 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 851, par. 54.

2407. R. c. Le, 2019 CSC 34 (CanLII), [2019] A.C.S. No. 34, par. 143.

2408. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353.

2409. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 133. Voir également R. c. Harrison, 2009 CSC 34 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 494, par. 22 :

« À ce stade, le tribunal saisi de l’affaire examine la nature de la conduite de la police qui a porté atteinte aux droits protégés par la Charte et mené à la découverte des éléments de preuve. S’agit-il d’une inconduite dont le tribunal devrait souhaiter se dissocier ? C’est le cas si la dérogation aux normes prescrites par la Charte était flagrante, ou si le policier savait (ou aurait dû savoir) que sa conduite ne respectait pas la Charte. En revanche, si la violation ne consiste qu’en une simple irrégularité ou résulte d’une erreur compréhensible, il n’est pas aussi crucial de s’en dissocier. »

2410. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 133 :

« Nous ajoutons toutefois que le présent arrêt fera en sorte que, dorénavant, il sera plus difficile de justifier des gestes similaires. Si la police n’est pas tenue d’entreprendre une réflexion juridique au sujet de précédents contradictoires, elle doit cependant connaître l’état du droit. »

2411. R. c. Fearon, 2014 CSC 77 (CanLII), [2014] 3 R.C.S. 621, par. 94. Voir également R. c. G.T.D., 2018 CSC 7 (CanLII), [2018] 1 R.C.S. 220, par. 5 :

« Compte tenu des circonstances, la réponse à la question de savoir si cette forme de mise en garde respecte ou non la portée de l’obligation “d’abstention” n’était pas, de l’avis du juge en chef, suffisamment claire pour permettre de conclure que l’erreur des policiers, indépendamment de son caractère systémique, était déraisonnable ou dénuée de bonne foi. Selon lui, nous ne sommes pas non plus en présence d’un cas où les policiers ont irrégulièrement choisi “le moyen le moins compliqué lorsque [la Charte comportait] une zone grise” (R. c. Fearon, 2014 CSC 77, [2014] 3 R.C.S. 621, par. 94). »

2412. R. c. Szilagyi, 2018 ONCA 695 (CanLII), 142 O.R. (3d) 700, par. 55 (C.A. Ont.) :

« In this case, the trial judge concluded that the police officer was acting in good faith. A conclusion as to good faith cannot be grounded on a lack of bad faith. The trial judge was incorrect to equate a lack of bad faith on the officer’s part to good faith conduct. »

Voir également Sylvain c. R., [2020] J.Q. No. 1607, par. 64 (C.A.) :

« Au mieux, les policiers étaient subjectivement de bonne foi, agissant dans l’ignorance d’un principe de droit bien établi comme la théorie de l’objet bien en vue. Ce faisant, les tribunaux ne peuvent pas tolérer une telle ignorance sans mettre en péril la confiance du public en l’administration de la justice. »

Voir enfin R. c. Del Corro, [2019] A.J. No. 489, par. 68 (C.A. Alb.) :

« For the purposes of s 24(2), an honestly held belief on its own does not constitute good faith. The trial judge found that it was unreasonable for Detective Lindemann to believe he had grounds to arrest Mr. Del Corro (for reasons we have summarized at para 22 above) and yet she concluded that the breaches of ss 8 and 9 of the Charter were in good faith. That conclusion was a legal error because a Charter breach committed on the basis of an officer’s honest but unreasonable belief about his authority is not a good faith breach : Buhay at para 59. »

2413. R. c. Le, 2019 CSC 34 (CanLII), [2019] A.C.S. No. 34, par. 147.

2414. R. c. Paterson, 2017 CSC 15 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 202, par. 44 :

« Mon collègue, le juge Moldaver, rappelle que, selon le juge du procès, les policiers ont agi de bonne foi (par. 66; motifs du juge du procès, par. 79). Certes, “le tribunal aura moins à se dissocier de la conduite de la police lorsque celle-ci a agi de ‘bonne foi’“ (Grant 2009, par. 75), mais les erreurs commises de bonne foi doivent être raisonnables (R. c. Buhay, 2003 CSC 30, [2003] 1 R.C.S. 631, par. 59). La Cour a bien dit qu’il ne peut y avoir de bonne foi en cas de négligence dans l’observation des normes constitutionnelles (Grant 2009, par. 75). »

R. c. Orlandis-Habsburgo, [2017] O.J. No. 4143, par. 131 et 132 (C.A. Ont.) :

« “I come to the police use of the information obtained from Horizon. The police proceeded on the basis that they were entitled to examine and use the data provided by Horizon without first obtaining any judicial authorization. I have concluded that they were wrong in doing so. It is, however, difficult to criticize their actions, given the state of the law at the time of the search. Under the existing case law (Gomboc and Plant), the police understanding that they were entitled to use the data was reasonable. Indeed, this court’s analysis in Ward, which post-dated the search, supports that understanding. The error in that viewpoint became apparent only after Spencer, decided long after the relevant events.”

The police acted reasonably in examining and using the data provided by Horizon without first obtaining judicial authorization to obtain the material. The nature of the state conduct does not favour exclusion of the evidence : Spencer, at para. 77; Cole, at paras. 86-87; R. v. Vu, 2013 SCC 60, [2013] 3 S.C.R. 657, at paras. 69-71; and R. v. Saeed, 2016 SCC 24, [2016] 1 S.C.R. 518, per Karakatsanis J., concurring, at para. 126. »

2415. Lévesque Mandanici c. R., [2014] J.Q. No. 8430, par. 83 (C.A.) : « La bonne foi des policiers est un facteur important sous ce chapitre. Il ne faut toutefois pas confondre bonne foi et négligence ou ignorance de la loi ».

2416. R. c. Kokesch, 1990 CanLII 55 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 3, par. 52; R. c. Feeney, 1997 CanLII 342 (CSC), [1997] 2 R.C.S. 13, par. 74 :

« Dans la présente affaire, la police n’avait pas de motifs d’arrestation subjectifs et, en conséquence, les conditions pour effectuer une arrestation sans mandat dans une maison d’habitation, énoncées dans l’arrêt Landry, n’étaient pas remplies. En fait, les conditions établies par la loi pour effectuer une arrestation sans mandat dans quelque lieu que ce soit n’étaient pas remplies. Dans ces circonstances, comme dans Kokesch, les policiers savaient ou auraient dû savoir qu’ils commettaient une intrusion. Il n’était pas possible de conclure qu’ils avaient agi de bonne foi et le juge du procès a commis une erreur à cet égard. »

Voir également R. c. Morelli, 2010 CSC 8 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 253, par. 100 et 101 :

« Par contre, vu la dénonciation sur laquelle repose le mandat, elles le sont. Le policier qui a préparé la dénonciation n’a pas fait preuve d’une diligence raisonnable ni du souci de respecter son obligation d’exposer les faits de manière complète et sincère. Au mieux, la dénonciation a été rédigée de façon imprévoyante et insouciante. Non seulement la dénonciation ne mentionnait pas la bonne infraction (accès à la pornographie juvénile plutôt que possession), mais son libellé était trompeur, ce qui a entraîné la délivrance d’un mandat sans motifs suffisants. Bien que la juge du procès ait conclu à l’absence de toute tentative délibérée d’induire en erreur, aucun policier dénonciateur, agissant raisonnablement, n’aurait pu ignorer que les mentions répétées de “Lolita Porn” sur l’écran et de la suppression de “toute la porno juvénile sur l’ordinateur” amèneraient la plupart des lecteurs – et, plus particulièrement, le juge saisi de la demande d’autorisation – à croire à l’existence d’éléments prouvant que le témoin, M. Hounjet, avait effectivement vu de la pornographie juvénile à l’écran.

De même, le policier aurait dû savoir – s’il ne le savait pas – que la juxtaposition de ces déclarations trompeuses et de la description incomplète de la [Traduction] “webcaméra dirigée vers des jouets” serait indûment incendiaire. »

2417. R. c. Genest, 1989 CanLII 109 (CSC), [1989] 1 R.C.S. 59, par. 47. Voir également Demers c. R., [2019] J.Q. No. 2250, par. 13-15 (C.A.) :

« De plus, le juge se limite à considérer l’absence de mauvaise foi du policier, sans preuve, faut-il le rappeler.

La mauvaise foi se situe à un niveau élevé de gravité et, ici, il ne s’agit pas d’une violation mineure ou faite par inadvertance, mais plutôt d’une conduite s’apparentant à de la négligence grossière. En se limitant à l’appréciation de la bonne foi des policiers (ou à l’absence de mauvaise foi), le juge n’a pas adéquatement considéré la gravité de la conduite des agents de l’État.

Bref, en raison des nombreuses et importantes inexactitudes dans la dénonciation, la preuve ne permettait au juge de conclure à l’absence de mauvaise foi. Dans ces circonstances, la gravité de la conduite de l’État militait en faveur de l’exclusion de la preuve et la nécessaire mise en balance des divers facteurs devait mener le juge à exclure les éléments de preuve saisis. Ce faisant, il ne pouvait déclarer l’appelant coupable. »

R. c. Szilagyi, 2018 ONCA 695 (CanLII), 142 O.R. (3d) 700, par. 71 et 77 (C.A. Ont.) :

« To conclude on this point, in my view, the trial judge erred in law by treating the officer’s negligent investigation of the informant’s tip and negligent preparation of the ITO as demonstrating good faith, mitigating the seriousness of the police conduct.

[...]

Dealing with the first Grant factor, the police conduct falls at the more serious end of the spectrum, favouring exclusion of the evidence. Although the police applied for and obtained a warrant, the ITO was seriously deficient : it did not provide the type of information from the informant that Debot (S.C.C.) and Araujo require, it used misleading language regarding the informant’s criminal record, and the police failed to corroborate any information beyond the fact that the accused signed a lease for the target residence and none of the three lessees had a firearms licence. [...] It was an error by the trial judge to mitigate the seriousness of the police conduct by characterizing it as good faith, even if the police did not have the specific intent to mislead. »

2418. Thomas D’AQUIN, Somme théologique, t. 2, Paris, Éditions du Cerf, 1997, quest. 6, art. 8, p. 73.

2419. Définition de la diligence raisonnable retenue dans un autre contexte par le juge LeBel, dans Ville de Lévis c. Thétreault, 2006 CSC 12 (CanLII), [2006] 1 R.C.S. 420, par. 30.

2420. R. c. Kokesch, 1990 CanLII 55 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 3, par. 51 et 53 :

« En second lieu, même si le juge Cashman a conclu que l’agent a cru honnêtement mais à tort qu’il avait le pouvoir de perquisitionner, j’estime que, dans ces circonstances, celui-ci ne peut tout simplement pas prétendre qu’il avait mal compris la portée de son autorité. Comme le juge en chef Dickson l’a clairement démontré dans ses motifs en l’espèce, “[n]otre Cour a toujours dit que les droits que la common law reconnaît au détenteur d’un bien de ne pas subir d’intrusion policière ne peuvent être restreints que par des pouvoirs conférés par des dispositions législatives claires” (p. 17). Tout argument contraire est, selon les termes du juge en chef Dickson, “sans fondement”. La police est censée être au courant des arrêts Eccles et Colet de notre Cour et de la restriction des pouvoirs policiers qui découle de ces jugements.

Je ne veux pas que l’on pense que j’impose à la police l’obligation d’interpréter instantanément les décisions judiciaires. La question du délai qui devrait être alloué après un jugement pour que la police soit censée avoir pris connaissance de son contenu, aux fins de déterminer sa bonne foi, est une question intéressante, mais elle ne se pose pas en l’espèce. La police a bénéficié d’un peu plus de douze ans pour étudier l’arrêt Eccles, d’un peu moins de six ans pour examiner l’arrêt Colet, et d’un peu plus de deux ans pour comprendre l’exigence du mandat énoncée dans l’arrêt Hunter. Tout doute qu’elle aurait pu avoir quant à sa capacité de commettre une intrusion en l’absence d’un pouvoir expressément prévu par la loi à cette fin était manifestement déraisonnable et ne saurait, en droit, être invoqué pour justifier sa bonne foi aux fins du par. 24(2). »

R. c. Paterson, 2017 CSC 15 (CanLII), [2017] 1 R.C.S 202, par. 46 :

« Les policiers ne sont pas intervenus dans un contexte juridique inconnu : leur intention d’effectuer une saisie “sans poursuite” importait peu en droit compte tenu des principes juridiques bien établis qui régissent le pouvoir des policiers d’entrer sans mandat dans une résidence. Le caractère déraisonnable présumé d’une perquisition sans mandat et l’attente élevée en matière de vie privée d’une personne à l’égard de sa résidence sous-tendent depuis longtemps notre conception des justes rapports entre les citoyens et l’État. Qui plus est, la Cour exige depuis longtemps (voir les arrêts Grant 1993, Silveira et Feeney), en ce qui concerne l’urgence de la situation entraînant une entrée sans mandat, que le ministère public démontre l’existence d’une situation d’urgence, spécialement lorsque la perquisition est effectuée dans une résidence. »

2421. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 75. Voir également Cossette c. R., [2011] J.Q. No. 18912, par. 55 (C.A.).

2422. R. c. Buhay, 2003 CSC 30 (CanLII), [2003] 1 R.C.S. 631.

2423. R. c. Buhay, 2003 CSC 30 (CanLII), [2003] 1 R.C.S. 631, par. 60 :

« Je partage l’avis du juge Aquila que le fait qu’un des agents n’a même pas pensé à obtenir un mandat indique une certaine désinvolture envers les droits constitutionnels de l’appelant. De plus, le fait que l’agent Riddell a reconnu qu’il y avait songé, mais pensait ne pas avoir de motifs suffisants pour obtenir un mandat, indique également un mépris flagrant des droits de l’appelant. »

2424. R. c. Buhay, 2003 CSC 30 (CanLII), [2003] 1 R.C.S. 631, par. 59. Voir également R. c. Marakah, 2017 CSC 59 (CanLII), [2017] 2 R.C.S. 608, par. 65 :

« Même si les policiers ont agi de bonne foi en attendant plus de deux heures avant de procéder à la fouille de l’iPhone, cette erreur ne saurait être qualifiée de raisonnable (voir Paterson, par. 44, citant Buhay, par. 59). Le droit était tout aussi clair à ce sujet avant l’arrêt Fearon qu’il l’est maintenant. À défaut d’explication pour ce délai, les agissements des policiers, qui ont attendu deux heures après l’arrestation de M. Winchester avant de fouiller son iPhone sans mandat, “relevaient de l’imprudence et témoignaient d’un manque de respect à l’égard des droits garantis par la Charte” (R. c. Harrison, 2009 CSC 34, [2009] 2 R.C.S. 494, par. 24). »

2425. Lacasse c. R., [2017] J.Q. No. 6220, par. 60 et 61 (C.A.) :

« La preuve ne permet pas de conclure que les policiers ont ici agi de mauvaise foi, mais leur conduite dénote une certaine insouciance et certainement une erreur qui peut difficilement être qualifiée de raisonnable.

Les circonstances permettant à des policiers de pénétrer dans une résidence sans mandat sont généralement bien connues et il est surprenant qu’ici les agents aient été si prompts à agir. »

2426. R. c. Morelli, 2010 CSC 8 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 253, par. 100.

2427. R. c. Szilagyi, 2018 ONCA 695 (CanLII), 142 O.R. (3d) 700, par. 55 (C.A. Ont.) :

« In this case, the trial judge concluded that the police officer was acting in good faith. A conclusion as to good faith cannot be grounded on a lack of bad faith. The trial judge was incorrect to equate a lack of bad faith on the officer’s part to good faith conduct. »

Voir également Sylvain c. R., [2020] J.Q. No. 1607, par. 64 (C.A.) :

« Au mieux, les policiers étaient subjectivement de bonne foi, agissant dans l’ignorance d’un principe de droit bien établi comme la théorie de l’objet bien en vue. Ce faisant, les tribunaux ne peuvent pas tolérer une telle ignorance sans mettre en péril la confiance du public en l’administration de la justice. »

R. c. Del Corro, [2019] A.J. No. 489, par. 68 (C.A. Alb.) :

« For the purposes of s 24(2), an honestly held belief on its own does not constitute good faith. The trial judge found that it was unreasonable for Detective Lindemann to believe he had grounds to arrest Mr. Del Corro (for reasons we have summarized at para 22 above) and yet she concluded that the breaches of ss 8 and 9 of the Charter were in good faith. That conclusion was a legal error because a Charter breach committed on the basis of an officer’s honest but unreasonable belief about his authority is not a good faith breach : Buhay at para 59. »

2428. R. c. Buchanan, [2020] O.J. No. 1492, par. 52 (C.A. Ont.) :

« As well, I do not agree with the suggestion that all negligent police conduct must push toward exclusion. While negligence cannot be equated with good faith (see Grant, at para. 75), neither can it necessarily be equated with bad faith. The key determining factor is not the name given to the conduct, but the underlying findings about the conduct. »

2429. R. c. Kitaitchik, 2002 CanLII 45000 (ON CA), [2002] O.J. No. 2476, par. 41 (C.A. Ont.).

2430. R. c. Buchanan, [2020] O.J. No. 1492, par. 50 (C.A. Ont.) :

« The placement of the police conduct on the spectrum requires an exercise of discretion that the trial judge is uniquely positioned to undertake from her or his chair in the courtroom. It was open to the trial judge to find, as a fact, that the police were merely “mistaken” about whether they had sufficient grounds to arrest and that their conduct was worse than “blameless” but less serious than conduct that shows a “wilful” or “reckless” or “blatant” disregard for the Charter. Rather, it was negligent conduct. »

2431. R. c. Buchanan, [2020] O.J. No. 1492, par. 53 (C.A. Ont.).

2432. R. c. Chioros, 2019 ONCA 388 (CanLII), [2019] O.J. No. 2426 (C.A. Ont.).

2433. R. c. Therens, 1985 CanLII 29 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 613, par. 72.

2434. R. c. Harrison, 2009 CSC 34 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 494, par. 24.

2435. R. c. Stillman, 1997 CanLII 384 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 607, par. 123 :

« Les violations des art. 7 et 8 de la Charte, qui ont permis d’obtenir la preuve en question, sont de nature très grave. La police a fait preuve d’un mépris flagrant pour les droits fondamentaux de l’appelant. Malgré le refus explicite de l’appelant de fournir des échantillons de substances corporelles ou de faire une déclaration, les policiers ont délibérément attendu le départ des avocats de l’appelant pour immédiatement commencer, en recourant à la force, aux menaces et à la contrainte, à prélever des échantillons de ses substances corporelles et à l’interroger dans le but d’obtenir une déclaration. Ils ont arraché et coupé des échantillons de cheveux de l’appelant et l’ont forcé à s’arracher des poils pubiens. Ils lui ont introduit dans la bouche un moule de plasticine afin d’obtenir ses empreintes dentaires et ont demandé, par la suite, à un dentiste de procéder à une prise d’empreintes plus précises qui a duré deux heures. »

2436. R. c. Côté, 2008 QCCS 3749 (CanLII), [2008] J.Q. No. 7951, par. 337. Voir également R. c. Ducharme, [2017] J.Q. No. 4106.

2437. R. c. Paterson, 2017 CSC 15 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 202, par. 44; R. c. Rover, 2018 ONCA 745 (CanLII), [2018] O.J. No. 4646, par. 40 et 42 (C.A. Ont.) :

« Constitutional breaches that are the direct result of systemic or institutional police practices must render the police conduct more serious for the purposes of the s. 24(2) analysis. A police practice that is inconsistent with the demands of the Charter produces repeated and ongoing constitutional violations that must, in the long run, negatively impact the due administration of justice. [...]

The Charter-infringing state conduct in this case must be viewed as very serious. A police practice that routinely holds detained individuals incommunicado while the police go about obtaining and executing a search warrant must, over time, bring the administration of justice into disrepute. »

Voir plus récemment R. c. Tremblay, [2021] J.Q. No. 69, par. 65 (C.A.); Freddi c. R., [2021] J.Q. No. 852, par. 73 (C.A.) :

« Le rôle des policiers consiste à analyser l’ensemble des circonstances pour déterminer quand l’appel aura lieu, ce qui doit être à la première occasion raisonnable. Ceci exige de leur part une évaluation au cas par cas : R. c. Taylor, précité, paragr. 32 et 33; R. v. La, 2018 ONCA 830, paragr. 39; R. v. Rover, précité, paragr. 32 et 33. Lorsqu’une pratique policière routinière ou une directive restreignent indûment un droit, cela tend à aggraver la violation qui devient systémique. »

2438. R. c. Hamilton, 2017 ONCA 179 (CanLII), [2017] O.J. No. 1062 (C.A. Ont.); R. c. Wong, 2015 ONCA 657 (CanLII), [2015] O.J. No. 5049 (C.A. Ont.).

2439. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 96 :

« Cela étant dit, il est possible que des circonstances particulières tempèrent l’incidence de l’obtention d’une déclaration en violation de la Charte sur les intérêts protégés d’un accusé. Par exemple, si une personne est clairement informée qu’elle est libre de parler ou non à la police, mais qu’un vice de forme survient soit au stade de l’information soit à celui de la mise en application du droit garanti par l’al. 10b), l’atteinte à la liberté et à l’autonomie de l’accusé en matière de choix éclairé peut être moindre. De même, lorsqu’une déclaration est faite spontanément à la suite d’une violation de la Charte ou dans des circonstances exceptionnelles permettant de conclure avec assurance que cette déclaration aurait été faite même s’il n’y avait pas eu de violation (voir R. c. Harper, 1994 CanLII 68 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 343), l’incidence de la violation sur l’intérêt protégé de l’accusé à exercer un choix éclairé peut être atténuée. En l’absence de telles circonstances, l’examen de cette question favorise l’exclusion générale des déclarations obtenues en violation de la Charte. »

2440. R. c. Miller, [2018] O.J. No. 6342, par. 22 (C.A. Ont.) :

« In our view, the impact on the appellant’s rights was at the lowest end of the spectrum. The agents fully and repeatedly advised the appellant that he had the right to remain silent and that he had the right to contact counsel. Despite these cautions, the appellant spontaneously made his statement. The spontaneous statement preceded the clarifying follow-up questions and the 52 minute delay, and it is evident that the appellant would have made the statement notwithstanding any subsequent breaches. Accordingly, neither the 52 minute delay nor the clarifying questions had a meaningful impact on his Charter-protected interests. »

2441. R. c. Côté, 2011 CSC 46 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 215, par. 47; R. c. Davidson, 2017 ONCA 257 (CanLII), [2017] O.J. No. 1572, par. 50 (C.A. Ont.) :

« Contrary to the trial judge’s finding, I consider that the impact of the breaches on Davidson’s Charter-protected interests was significant for two reasons. First, the police entered an area where Davidson had a high expectation of privacy : his home. Second, once inside the home, the police engaged in conduct that infringed on Davidson’s dignity. They searched his cupboards and refrigerator, and then questioned him in front of his family. See Grant, at paras. 78, 113. »

Voir également L’Espérance c. R., [2011] J.Q. No. 948, par. 55 (C.A.) :

« L’examen de cet élément milite en faveur de l’exclusion de la preuve. La fouille et perquisition de la résidence des appelants, une maison d’habitation où l’attente raisonnable en matière de vie privée est très importante, doit être qualifiée de grave, même si elle n’a pas été effectuée dans un contexte qui porte atteinte à la dignité individuelle. »

2442. R. c. Paterson, 2017 CSC 15 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 202, par. 49 :

« Par conséquent, lorsque le droit constitutionnel à la protection de la vie privée est en jeu (comme en l’espèce), l’atteinte qui se produit dans un contexte d’« attente [...] élevée en matière de vie privée » milite en faveur de l’exclusion de la preuve alors que, toutes les autres considérations étant par ailleurs égales, l’atteinte dans un contexte d’attente moindre en la matière ne milite pas autant dans ce sens. Comme le dit la Cour dans l’arrêt Grant 2009 : “La fouille ou perquisition abusive qui est effectuée dans un contexte d’attente raisonnablement élevée en matière de vie privée ou qui porte atteinte à la dignité individuelle est plus grave” (par. 78). »

2443. R. c. Harrison, 2009 CSC 34 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 494, par. 32 et 35.

2444. R. c. Côté, 2011 CSC 46 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 215, par. 47 :

« L’incidence peut être minime et formelle comme elle peut être profondément attentatoire. Plus cette incidence est marquée, plus l’utilisation de la preuve est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. »

2445. R. c. Harrison, 2009 CSC 34 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 494, par. 28.

2446. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 76.

2447. Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Girouard, [2016] J.Q. No. 11504, par. 112-115 :

« On peut comprendre que pour la majorité des citoyens être en état d’arrestation et subir la contrainte de l’État est une expérience profondément éprouvante, d’où l’importance de pouvoir avoir recours aux conseils d’un avocat connu et en qui on a confiance. Peu importe le contexte, il ne doit jamais s’agir d’une simple formalité qu’on expédie pour passer à autre chose.

Sous un autre angle cependant, le prélèvement d’un échantillon d’haleine n’est pas une démarche particulièrement intrusive. De plus, peu importe de quel avocat viennent les conseils, il y a fort à parier que la suite sera, à moins de circonstances exceptionnelles, la même, soit que le prévenu devra se conformer à l’ordre donné de souffler dans l’éthylomètre.

En conclusion, la mise en balance de ces différents éléments ne s’avère pas un exercice facile. Le Tribunal pense cependant qu’il est de première importance de sauvegarder la règle énoncée à l’article 10b) de la Charte et, malgré le résultat que cela entraînera, d’exclure la preuve obtenue à la suite de la violation.

En effet, agir autrement pourrait donner l’impression que le Tribunal ne se dissocie pas avec suffisamment de vigueur de l’entorse au droit de l’accusé de consulter l’avocat de son choix et qu’il s’agit là d’une simple formalité qui peut être traitée à la légère. Conséquemment, on peut craindre qu’admettre malgré tout les éléments de preuve obtenus puisse implicitement inviter à perpétuer cette façon de faire, ce qui serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. »

2448. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 77.

2449. Lévesque Mandanici c. R., [2014] J.Q. No. 8430, par. 94 (C.A.) :

« Plusieurs droits de l’appelant protégés par la Charte ont été violés : ceux protégés par l’art. 6 (liberté de circulation), l’art. 8 (saisie abusive) et l’art. 9 (détention arbitraire), sans parler du droit à l’intégrité physique. Cette accumulation augmente l’effet de la violation : R. c. Boudreau-Fontaine, 2010 QCCA 1108, paragr. 59. »

2450. R. c. Askov, 1990 CanLII 45 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1199, par. 44.

2451. R. c. Côté, 2011 CSC 46 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 215, par. 47 :

« La troisième question a trait à l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond. Il s’agit de savoir si la fonction de la procédure criminelle qui consiste à rechercher la vérité est mieux servie par l’utilisation d’éléments de preuve ou par leur exclusion. La fiabilité de la preuve et son importance pour la poursuite sont les considérations clés. L’utilisation d’éléments de preuve non fiables ne sert ni l’intérêt de l’accusé à ce qu’un procès équitable soit tenu ni l’intérêt du public à ce que la vérité soit découverte. À l’inverse, écarter des éléments de preuve fiables risque de compromettre la fonction de recherche de la vérité du système de justice et de rendre le procès inéquitable aux yeux du public. L’importance des éléments de preuve pour la poursuite constitue un corollaire à l’examen de la fiabilité. L’utilisation d’éléments de preuve d’une fiabilité douteuse est davantage susceptible de déconsidérer l’administration de la justice lorsque ces éléments représentent la totalité de la preuve dont dispose la poursuite, mais l’exclusion d’éléments de preuve d’une grande fiabilité peut être plus dommageable pour la fonction de recherche de la vérité qui est inhérente à la procédure criminelle lorsqu’elle se révèle fatale à la poursuite. »

R. c. McGuffie, 2016 ONCA 365 (CanLII), [2016] O.J. No. 2504, par. 62 et 63 (C.A. Ont.) :

« The first two inquiries work in tandem in the sense that both pull toward exclusion of the evidence. The more serious the state-infringing conduct and the greater the impact on the Charter-protected interests, the stronger the pull for exclusion. The strength of the claim for exclusion under s. 24(2) equals the sum of the first two inquiries identified in Grant. The third inquiry, society’s interests in an adjudication on the merits, pulls in the opposite direction toward the inclusion of evidence. That pull is particularly strong where the evidence is reliable and critical to the Crown’s case : see R. v. Harrison, 2009 SCC 34, [2009] 2 S.C.R. 494, at paras. 33-34.

In practical terms, the third inquiry becomes important when one, but not both, of the first two inquiries pushes strongly toward the exclusion of the evidence : see e.g. Harrison, at paras. 35-42; Spencer, at paras. 75-80; R. v. Jones, 2011 ONCA 632, 107 O.R. (3d) 241, at paras. 75-103; Aucoin, at paras. 45-55. If the first and second inquiries make a strong case for exclusion, the third inquiry will seldom, if ever, tip the balance in favour of admissibility : see e.g. R. v. Côté, 2011 SCC 46, [2011] 3 S.C.R. 215, at paras. 81-89; R. v. Morelli, 2010 SCC 8, [2010] 1 S.C.R. 253, at paras. 98-112. Similarly, if both of the first two inquiries provide weaker support for exclusion of the evidence, the third inquiry will almost certainly confirm the admissibility of the evidence : see e.g. Grant, at para. 140. »

2452. R. c. Côté, 2011 CSC 46 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 215, par. 54. R. c. Paterson, 2017 CSC 15 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 202, par. 52 :

« Les accusations portées contre l’appelant sont assurément graves. Aussi, je fais droit aux prétentions du ministère public : les éléments saisis sont d’une grande fiabilité et essentiels à la preuve du poursuivant, un constat qui milite fortement en faveur de leur admission en preuve malgré l’atteinte aux droits de l’appelant garantis à l’art. 8. »

2453. R. c. Côté, 2011 CSC 46 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 215, par. 53; R. c. Wong, 2015 ONCA 657 (CanLII), [2015] O.J. No. 5049, par. 87 (C.A. Ont.) :

« The driving factor in the s. 24(2) analysis is the long-term repute of the administration of justice. The seriousness of the offence is simply one of the factors to be considered. »

R. c. Ahmed-Kadir, 2015 BCCA 346 (CanLII), [2015] B.C.J. No. 1581, par. 111 (C.A. C.-B.) :

« In my view, the scales tip towards exclusion of the handgun found in Mr. Ahmed-Kadir’s residence. The importance of maintaining respect for Charter rights and ensuring that the justice system remains above reproach outweighs the collective cost of his acquittal. To admit the handgun in the face of the breaches that occurred here would send the message that when the charges are serious, individual rights count for little. »

2454. R. c. Le, 2019 CSC 34 (CanLII), [2019] A.C.S. No. 34, par. 158.

2455. R. c. Mohammed, [2020] O.J. No. 29, par. 22 (C.A. Ont.) :

« Plainly, there is a strong interest in the adjudication of this case on the merits. The appellant was charged with drug trafficking and serious firearms offences, and the evidence in this case is cogent and reliable. However, in all of the circumstances of this case, the public interest in adjudication on the merits is outweighed by the seriousness of the breaches of Charter rights and their impact on the appellant’s protected interests. The police misconduct was extremely serious. It involved the significant violation of not one but several constitutional rights, all governed by well-established caselaw. Admitting the evidence connected to these breaches would bring the administration of justice into disrepute in the long term, despite the lawfulness of the search of the appellant’s car and its connection to evidence that might have been discovered lawfully in any event. Accordingly, all of the evidence must be excluded. »

2456. R. c. Therens, 1985 CanLII 29 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 613, par. 72.

2457. R. c. Harrison, 2009 CSC 34 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 494, par. 40 :

« Comme l’a souligné la juge Cronk, permettre aux facteurs de la gravité de l’infraction et de la fiabilité des éléments de preuve de supplanter l’analyse fondée sur le par. 24(2) [Traduction] “priverait les personnes accusées de crimes graves de la protection des libertés individuelles garanties par la Charte à tous les Canadiens et, en fait, attesterait que dans l’administration du droit pénal, ‘la fin justifie les moyens’“ (par. 150). Les protections garanties par la Charte doivent être interprétées de façon à s’appliquer à tous, même à ceux qui sont accusés d’avoir commis les infractions criminelles les plus graves. Dans les circonstances, en se fondant sur Puskas, le juge de première instance a semblé vouloir dire que, lorsque l’infraction est grave et que les éléments de preuve sont fiables, ces derniers seront toujours admissibles. Comme l’indique clairement l’arrêt Grant, ce n’est pas la règle applicable. »

2458. R. c. Hebert, 1990 CanLII 118 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 151, par. 88-91 :

« Traitant de l’effet de l’utilisation de la preuve sur l’équité du procès, le juge Lamer a fait une distinction entre une preuve matérielle obtenue d’une manière contraire à la Charte et une confession soutirée à un accusé contrairement à la Charte. Il a dit, à la p. 284 :

Il en est toutefois bien autrement des cas où, à la suite d’une violation de la Charte, l’accusé est conscrit contre lui-même au moyen d’une confession ou d’autres preuves émanant de lui. Puisque ces éléments de preuve n’existaient pas avant la violation, leur utilisation rendrait le procès inéquitable et constituerait une attaque contre l’un des principes fondamentaux d’un procès équitable, savoir le droit de ne pas avoir à témoigner contre soi-même.

Je suis d’avis que la preuve que l’on cherche à produire en l’espèce rendrait le procès inéquitable. Je n’affirme cependant pas que la violation du droit qu’a un accusé de garder le silence en vertu de l’art. 7 signifie automatiquement que la preuve doive être écartée en vertu du par. 24(2). Je ne veux pas écarter la possibilité qu’il y ait des circonstances dans lesquelles une déclaration peut être reçue lorsque le suspect n’a pas eu pleinement le choix au sens d’avoir décidé, suite à un respect absolu de tous ses droits, de faire une déclaration volontairement. Mais lorsque, comme en l’espèce, l’accusé est appelé à faire une déclaration qui l’incrimine, après avoir clairement choisi de ne pas le faire, au moyen d’un artifice inéquitable utilisé par les autorités, et lorsque la déclaration qui en résulte est la seule preuve qui pèse contre lui, il faut certainement conclure que la réception de cette preuve rendrait le procès inéquitable. L’accusé serait privé de sa présomption d’innocence et se trouverait tenu de témoigner s’il voulait contrecarrer l’effet préjudiciable de la confession. Toute déclaration de culpabilité de l’accusé s’appuierait presque entièrement sur sa propre déclaration incriminante obtenue un moyen d’un artifice contrairement à la Charte.

Je suis également convaincue que la violation de la Charte est grave en l’espèce. La conduite des policiers était intentionnelle et délibérée. Ils ont volontairement décidé de miner le droit de l’appelant de garder le silence, même s’il avait expressément invoqué ce droit, en utilisant un agent banalisé pour engager la conversation avec lui. On a dit que les policiers avaient agi de bonne foi, en s’appuyant sur l’arrêt Rothman pour procéder comme ils l’ont fait. Toutefois, l’ignorance de l’effet de la Charte n’empêche pas l’application de son par. 24(2) (Therens, précité), ni ne remédie à un procès inéquitable.

L’effet de l’exclusion en l’espèce est grave. Elle donnerait lieu à un acquittement puisqu’en pratique la seule preuve qui pèse contre l’accusé est la déclaration qu’il a faite à l’agent banalisé.

En soupesant ces facteurs, j’arrive à la conclusion que le critère du par. 24(2) est rempli. Comme le démontrent amplement la jurisprudence et la doctrine que j’ai déjà citées, il y a longtemps qu’on estime inacceptable qu’un accusé soit tenu de se trahir lui-même. Lorsqu’en pratique la seule preuve qui pèse contre lui résulte de cette trahison, il en résulte que l’accusé est tenu de se condamner lui-même. Cela est contraire aux notions de justice fondamentale de notre système juridique et a pour effet, à mon avis, de déconsidérer l’administration de la justice. »

2459. R. c. Harper, 1994 CanLII 68 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 343, par. 17. « L’atteinte aux droits garantis par l’al. 10b) était mineure. »

2460. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 92.

2461. Expression empruntée à l’arrêt R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 575, par. 68.

2462. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 108 :

« Le premier point à examiner dans le cadre de l’analyse requise par le par. 24(2) – la gravité de la conduite attentatoire – est d’ordre factuel. L’utilisation d’éléments de preuve obtenus à la suite d’une conduite policière délibérée, inacceptable et faisant fi des droits de l’accusé peut amener à penser que les tribunaux tolèrent implicitement ce genre de conduite et ébranler le respect dont jouit l’administration de la justice. Par contre, lorsque les policiers ont agi de bonne foi, il se peut que l’utilisation des éléments preuve en dépit de la violation ait peu d’effet préjudiciable sur la considération dont jouit le processus judiciaire. »

2463. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 109.

2464. R. c. Tremblay, [2018] J.Q. No. 12046, par. 14 (C.Q.).

2465. R. c. Tremblay, [2021] J.Q. No. 69, par. 68 (C.A.) :

« Par ailleurs, une directive générale, ou l’absence de directive, ne peut remplacer l’exercice d’analyse requis, basé sur les circonstances. Ce sont les policiers qui sont astreints à un examen de la situation, ce qui exige de leur part une évaluation au cas par cas : R. v. La, précité, paragr. 40; R. v. Rover, précité, paragr. 32 et 33. Lorsqu’une pratique policière routinière ou une directive restreignent indûment un droit, cela tend à aggraver la violation : R. v. La, précité, paragr. 40. »

2466. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 110 :

« Le troisième point – l’incidence de l’utilisation des éléments de preuve sur l’intérêt du public à ce que l’affaire soit jugée au fond – favorisera généralement l’utilisation des éléments de preuve lorsqu’il s’agit d’échantillons de substances corporelles. En effet, contrairement aux déclarations forcées, les éléments de preuve corporelle sont généralement fiables, et le risque d’erreur qui surgit nécessairement lorsque le juge des faits est privé d’éléments de preuve peut faire pencher la balance du côté de l’utilisation. »

2467. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 111.

2468. R. c. Cole, 2012 CSC 53 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 34.

2469. R. c. Cole, 2012 CSC 53 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 34, par. 86.

2470. R. c. Cole, 2012 CSC 53 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 34, par. 86 :

« Alors que se déroulaient les faits en l’espèce, les principes de droit régissant les attentes en matière de vie privée à l’égard des ordinateurs de travail n’étaient pas encore bien établis. Sans le bénéfice de la jurisprudence des cours d’appel, le gendarme – détective Burtt a cru, à tort, ce qui est compréhensible, qu’il avait le pouvoir d’effectuer une fouille sans mandat. »

2471. R. c. Cole, 2012 CSC 53 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 34, par. 87 :

« Il n’a pas fait preuve de négligence ou de mauvaise foi. Sa conduite ne dénote pas non plus de l’indifférence pour les valeurs consacrées par la Charte, ni une ignorance inacceptable des droits garantis par la Charte à M. Cole. Le policier ne s’est pas fondé exclusivement, comme l’ont laissé entendre les tribunaux d’instance inférieure, sur sa conviction erronée que la propriété de l’ordinateur portatif était nécessairement déterminante. Bien qu’il s’agisse d’un facteur important sous-tendant sa décision de ne pas obtenir de mandat de perquisition, le policier s’est également demandé si M. Cole pouvait s’attendre au respect de sa vie privée à l’égard de l’ordinateur portatif (p. 130). Il était conscient de la possibilité que le disque dur contienne des renseignements privés ou privilégiés (p. 130-131 et 164). Et il a déclaré qu’il avait l’intention de respecter le droit de M. Cole en matière de protection de la vie privée à cet égard (p. 131). »

2472. R. c. Côté, 2011 CSC 46 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 215, par. 66 :

« Cependant, j’associe la “possibilité de découvrir” à la situation où une preuve, quelle qu’elle soit, obtenue de manière inconstitutionnelle, aurait pu être recueillie en toute légalité si les policiers s’en étaient donné la peine. Dans cette optique, la possibilité de découvrir la preuve constitue, si les circonstances s’y prêtent, une considération pertinente dans l’analyse que commande le par. 24(2) lorsqu’un autre droit que celui à la protection contre l’auto-incrimination est en jeu. »

2473. R. c. Côté, 2011 CSC 46 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 215, par. 71 :

« Examinons d’abord le premier volet, à savoir la gravité de la conduite attentatoire de l’État. Le fait que les policiers auraient pu effectuer la fouille légalement, mais qu’ils n’ont pas songé à obtenir un mandat ou qu’ils ont pensé ne pas être en mesure de convaincre un officier de justice qu’ils avaient les motifs raisonnables et probables requis ajoute à la gravité de la conduite de l’État. Comme dans Buhay, la désinvolture envers des droits garantis par la Charte ou le mépris délibéré accroît généralement la gravité de la conduite attentatoire de l’État. Par contre, la bonne foi du policier ou l’existence d’un motif légitime de ne pas demander une autorisation judiciaire avant d’effectuer la fouille ou la perquisition devrait généralement atténuer la gravité de cette conduite. »

2474. R. c. Cole, 2012 CSC 53 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 34, par. 91 :

« En ce qui concerne l’importance de l’effet qu’a la violation sur les droits garantis par la Charte à M. Cole, il s’agit de déterminer “la portée réelle de l’atteinte aux intérêts protégés par le droit en cause” (Grant, par. 76). Dans le contexte d’une violation de l’art. 8, comme en l’espèce, il s’agit de déterminer l’ampleur ou l’intensité de l’attente raisonnable du particulier en matière de respect de sa vie privée, et si la fouille ou perquisition portait atteinte à la dignité individuelle (R. c. Belnavis, 1997 CanLII 320 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 341, par. 40; Grant, par. 78). »

2475. R. c. Harrison, 2009 CSC 34 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 494, par. 30 :

« Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont souligné la durée relativement courte de la détention et l’attente peu élevée de l’appelant, concernant son VUS, en matière de protection de sa vie privée. Ils ont conclu que l’incidence de la violation sur l’appelant était relativement mineure. Il est vrai que l’attente des automobilistes en matière de protection de la vie privée concernant leurs véhicules est moins élevée que celle qu’ils ont à l’égard de leur résidence. Comme ils participent à une activité hautement réglementée, ils savent qu’ils peuvent être arrêtés pour des motifs ayant trait à la sécurité routière – par exemple, lors d’un contrôle routier pour vérifier la consommation d’alcool. Si elle n’avait pas donné lieu à la découverte d’éléments de preuve incriminants, la détention aurait été brève. À cet égard, l’atteinte à la liberté et à la vie privée que représente la détention est moins grave qu’elle ne le serait dans le cas d’un piéton. De plus, rien dans le contact n’a porté atteinte à la dignité de l’appelant. »

Voir également R. c. Beaulieu, 2010 CSC 7 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 248, par. 8 :

« Pour ce qui est de l’incidence de la violation, la juge du procès a pris en considération le droit restreint de M. Beaulieu au respect de sa vie privée en ce qui concerne sa voiture, ainsi que la portée limitée et le caractère peu attentatoire de la fouille. »

2476. R. c. Buhay, 2003 CSC 30 (CanLII), [2003] 1 R.C.S. 631, par. 65 :

« D’autres éléments doivent être considérés, et certains militent en faveur de l’utilisation de la preuve. La fouille n’a pas été particulièrement envahissante, et l’appelant avait une attente de vie privée moins grande que si l’objet de la fouille avait été son corps, sa résidence ou son bureau. Le juge Cory souligne, dans Belnavis, précité, par. 40 : “De toute évidence, plus l’attente en matière de vie privée est grande, plus la violation est grave. Il est clair que l’inverse doit aussi être vrai.” »

2477. R. c. Cole, 2012 CSC 53 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 34, par. 93.

2478. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 84.

2479. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 116.

2480. Sur ce point, voir la section consacrée à la règle des confessions.

2481. Sur ce point, voir la section consacrée à la règle des confessions.

2482. R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353, par. 112.

2483. R. c. Black, 1989 CanLII 75 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 138.

2484. R. c. Black, 1989 CanLII 75 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 138, par. 44.

2485. R. c. Côté, 2011 CSC 46 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 215, par. 44.

2486. R. c. Edwards (appel de Pino), 2016 ONCA 389 (CanLII), [2016] O.J. No. 2656, par. 98 (C.A. Ont.) :

« Although a trial judge’s findings of fact are entitled to deference from an appellate court, appellate intervention is justified in this case because the trial judge’s findings are speculative and do not take account of the onus on the Crown. »

2487. R. c. Law, 2002 CSC 10 (CanLII), [2002] 1 R.C.S. 227, par. 32.

Wilson et Lafleur

La diffusion de l'ouvrage Traité de droit criminel. Tome IV, Les garanties juridiques de Hugues Parent, et publié par Wilson et Lafleur, est rendue possible grâce à une licence accordée au CAIJ par Wilson et Lafleur.

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