LIVRE NEUVIÈME - DE LA PUBLICITÉ
DES DROITS
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BOOK NINE -
PUBLICATION OF RIGHTS
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CHAPITRE DEUXIÈME - DU RANG DES DROITS
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CHAPTER II - RANKING OF RIGHTS
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Art. 2952. Les hypothèques légales en faveur des personnes qui
ont participle à la construction ou à la renovation d’un immeuble prennent
rang avant toute autre hypothèque publiée, pour la plus-value apportée à l’immeuble;
entre elles, ces hypothèques viennent en concurrence, proportionnellement à
la valeur de chacune des créances.
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Art. 2952. Legal
hypothecs in favour of persons having taken part in the construction or
renovation of an immovable are ranked before any other published hypothec,
for the increase in value given to the immovable; such hypothecs rank
concurrently among themselves, in proportion to the value of each claim.
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C.c.B.-C.
2013. L’ouvrier,
le fournisseur de matériaux, le constructeur et l’architecte ont un privilège
et un droit de préférence sur l’immeuble, mais seulement quant à la plus-value
donnée à cet immeuble par leurs travaux ou matériaux, à l’encontre de tous les
autres créanciers.
C.c.Q. : art.
2783, 2941, 2945, 2956.
1. Le rang de l’hypothèque légale de
la construction
2972. L’article
2952 C.c.Q. prévoit que l’hypothèque légale de la construction prend rang avant
toutes les autres hypothèques publiées, pour le montant correspondant à la
plus-value conférée à l’immeuble. L’article omet cependant de préciser si l’hypothèque
légale prend rang avant toutes les hypothèques publiées avant l’hypothèque
légale ou toutes celles publiées après celle-ci. Une interprétation littérale
de l’article pourrait mener à la conclusion que l’hypothèque légale prend rang
avant toutes les hypothèques conventionnelles, qu’elles soient publiées avant
ou après l’hypothèque légale de la construction. Ce droit prioritaire est
restreint en cas de vente au montant qui correspond à la plus-value donnée à l’immeuble
par les travaux de construction ou de rénovation. Il confère aussi un droit
prioritaire quant à l’exercice des recours hypothécaires.
2973. Ainsi, l’hypothèque
légale doit avoir préséance sur toutes les hypothèques, même celles ayant été
publiées avant son inscription au registre de l’immeuble.
Une interprétation contraire ferait perdre à l’article 2952 C.c.Q. sa raison d’être.
Dans ce cas, il aurait été simple de se remettre au principe général du rang
des hypothèques, soit la détermination du rang selon la date d’inscription de l’hypothèque
(art. 2945 C.c.Q.). Il nous semble que ce n’est pas le cas et que le
législateur a voulu accorder à l’hypothèque légale de la construction un rang
privilégié pour la plus-value sur toutes les autres hypothèques publiées,
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que ce soit avant ou
après l’inscription de l’avis d’hypothèque légale de la construction.
2974. Il importe toutefois de noter que certaines créances prioritaires
seront colloquées avant les créances hypothécaires de la construction.
L’ordre des créances prioritaires demeure le même en cas de faillite du
débiteur, de sorte que les créanciers qui détiennent une hypothèque sur l’immeuble
faisant l’objet de la vente sous contrôle de la justice ne primeront pas sur
ces créances prioritaires. Ainsi, les frais de justice sont toujours colloqués
en premier lieu, puis les créances prioritaires de l’État qui sont dues en
vertu des lois fiscales et qui donnent lieu à une hypothèque légale selon l’article
2724 (1) C.c.Q., les créances prioritaires des municipalités et des commissions
scolaires qui sont constitutives d’un droit réel en vertu de l’article 2654.1
C.c.Q. C’est donc après la collocation de ces créances prioritaires que le
créancier de construction, qui a un droit de préférence en vertu de l’article
2952 C.c.Q. pour la valeur de la plus-value apportée à l’immeuble, pourra
recouvrer sa créance à même le produit de la vente sous contrôle de la justice
de cet immeuble par préférence à tous les autres créanciers détenteurs d’hypothèque.
A. L’impact du rang privilégié sur l’exercice
des recours hypothécaires
2975. Il découle du rang privilégié de l’hypothèque légale que l’intervenant
en construction peut toujours faire échec à l’exercice de droits hypothécaires
des autres créanciers en raison de l’antériorité de ses droits lorsque ses
travaux ont conféré une plus-value à l’immeuble et que son hypothèque a été
inscrite et conservée conformément aux prescriptions de l’article 2727 C.c.Q.. L’article 2750 C.c.Q.
accorde la priorité pour l’exercice des droits hypothécaires au créancier qui
détient une hypothèque de rang antérieur. Il doit
cependant invoquer son antériorité dans un délai raisonnable.
Il sera considéré avoir invoqué son
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droit d’antériorité
dans un délai raisonnable, lorsqu’il donne un avis au créancier auteur d’un
préavis d’exercice d’un droit hypothécaire dans le délai de soixante jours
prévu dans ce préavis.
2976. Il importe de
noter que le droit d’invoquer son rang antérieur peut toujours être exercé par
un créancier prioritaire en dehors d’un délai raisonnable, mais il sera
cependant tenu à payer les frais engagés par l’autre créancier ayant déjà
institué son recours hypothécaire. Il importe aussi de préciser que le droit d’invoquer
son rang antérieur peut toujours être exercé, tant que l’autre créancier
hypothécaire n’a pas atteint l’exercice effectif de son droit.
L’exercice effectif aura lieu, dans le cas d’une demande en délaissement forcé
pour la vente sous contrôle de justice, seulement au moment de la vente et non
pas à la date du jugement rendu sur cette demande. Par contre, dans le cas où
le créancier qui détient un rang inférieur exerce une demande en délaissement
forcé pour prise en paiement, l’exercice effectif de ce droit sera atteint par
le jugement qui accueille sa demande. En d’autres termes, le créancier
hypothécaire qui détient un rang antérieur, tel que le créancier détenteur d’une
hypothèque légale de la construction, pourra toujours invoquer son rang d’antériorité
et aviser le créancier qui a déjà institué un recours hypothécaire, tant que ce
dernier n’aura pas atteint l’exercice effectif de son droit.
1) La prise en paiement
2977. L’article 2783
C.c.Q. indique que le créancier qui prend le bien en paiement prend ce bien tel
qu’il est, mais libre des hypothèques publiées après la sienne. Une
interprétation littérale de cet article peut mener à la conclusion que l’hypothèque
légale de la construction serait radiée à la suite de la prise en paiement de l’immeuble
par un créancier dont l’hypothèque a été publiée avant l’inscription de l’avis
d’hypothèque de la construction. Or, l’interprétation
de l’article 2783 C.c.Q. doit s’harmoniser avec celle de l’article 2952 C.c.Q.
L’hypothèque légale de la construction prend rang, en ce qui a trait à la
plus-value conférée à l’immeuble, avant toute autre hypothèque, peu importe la
date d’inscription de celle-ci. Il serait impensable que le créancier d’une hypothèque
conventionnelle puisse échapper si facilement à la priorité accordée à l’hypothèque
légale de la construction. Au contraire, en cas de prise en paiement de l’immeuble
par ce dernier, l’hypothèque légale de la
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construction
continue de grever le bien après le transfert du droit de
propriété même si l’hypothèque légale a été inscrite après l’hypothèque
conventionnelle ayant donné lieu à la prise en paiement de l’immeuble.
Il suffit que l’hypothèque légale de la construction ait été créée avant l’inscription
du préavis d’exercice d’un droit hypothécaire par le créancier pour que la
portion de la créance garantie par l’hypothèque, et correspondant à la
plus-value donnée à l’immeuble, continue de grever cet immeuble.
2978. Toute interprétation contraire aurait pour effet non seulement d’enlever
à l’article 2952 C.c.Q. une partie
de ses effets juridiques, mais aussi de permettre à un créancier hypothécaire
conventionnel de contourner son application et ainsi de profiter des travaux
exécutés par l’intervenant en construction. Le législateur a clairement voulu
que ce dernier bénéficie d’une hypothèque de premier rang dans toutes les
circonstances où les travaux de construction ont conféré une plus-value à l’immeuble.
D’ailleurs, l’intervenant en construction peut toujours faire échec à la
demande en justice pour prise en paiement intentée par un autre créancier en
vertu de l’article 2750 C.c.Q. Une
demande en rétractation de jugement accueillant un recours hypothécaire de
prise en paiement a même déjà été accordée à un créancier de la construction
dont le rang était antérieur à celui du créancier ayant exercé ce recours.
2979. Par ailleurs, les autres créanciers hypothécaires peuvent faire échec
au recours en prise en paiement exercé par un intervenant en construction en se
prévalant de l’article 2779 C.c.Q., qui s’adresse à
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tous les créanciers
subséquents. Une telle
intervention sous l’article 2779 C.c.Q., pourra avoir lieu sur réception de l’avis
donné par l’officier de la publicité des droits et visant à informer de la
publication du préavis d’exercice d’un recours hypothécaire par l’intervenant
en construction. Elle permettra ainsi au créancier hypothécaire de sauvegarder
ses droits. Pour se prévaloir de
cet article, le créancier subséquent doit remplir plusieurs conditions. Il
doit, entre autres, fournir une caution à l’intervenant en construction pour
garantir le paiement de sa créance suite à la vente de l’immeuble sous contrôle
de la justice.
2980. Le créancier
qui détient une hypothèque légale de la construction occupe donc une place
privilégiée comparativement aux autres créanciers. En autant qu’une plus-value
ait été conférée à l’immeuble en raison de son apport, il détient une place de
premier rang qui lui permet de faire échec à tout recours intenté par les
autres créanciers hypothécaires. Par contre, son rang privilégié oblige les
autres créanciers qui veulent faire échec à son recours à lui fournir une
caution pour garantir le paiement de sa créance, à lui rembourser les frais
engagés et à lui avancer les sommes nécessaires à la vente de l’immeuble. Le
paiement de sa créance doit s’entendre ici comme désignant le montant total de
la créance de l’intervenant en construction, puisqu’à ce stade des procédures,
la valeur de la plus-value conférée à l’immeuble par les travaux exécutés par
cet intervenant en construction n’a pas encore été établie. Rappelons que la
preuve de la plus-value ne sera faite auprès du shérif que suite à la vente de
l’immeuble sous contrôle de la justice. Ainsi, le
créancier qui décide de faire échec à l’exercice d’un recours pour prise en
paiement par un créancier qui détient une hypothèque légale de la construction,
ne peut imposer un montant représentant la valeur de la plus-value donnée à l’immeuble
inférieur au montant de la créance de construction.
2981. Selon la
doctrine et la jurisprudence, le tribunal saisi d’une demande en délaissement
forcé peut conclure à une présomption simple à cette étape du litige,
les travaux exécutés ou les matériaux fournis ont donné une plus-value égale ou
supérieure au coût de ces travaux exécutés ou des matériaux fournis. Par
conséquent, ce créancier ne peut
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réussir dans ses
démarches, à moins d’offrir un cautionnement pour un montant qui correspond à
celui de la créance de construction.
2982. Le tribunal
saisi d’une demande en délaissement peut, à la lumière de son appréciation des
faits, notamment la nature des travaux exécutés et les types de matériaux
fournis, arriver à la conclusion qu’il y a une présomption simple que ces
travaux et matériaux ont donné une plus-value à l’immeuble d’une valeur
équivalente à leur valeur. Il peut également évaluer l’existence d’une
plus-value donnée à l’immeuble en faisant une analyse comparative de la valeur de
l’immeuble avant l’exécution des travaux et sa valeur après cette exécution.
À la simple constatation que la valeur de l’immeuble a été augmentée, le
tribunal peut conclure à l’existence d’une plus-value donnée à l’immeuble par
les travaux exécutés et ainsi accueillir la demande en délaissement sans
déterminer la valeur exacte de cette plus-value.
2983. Selon l’article
2761 C.c.Q., les autres créanciers hypothécaires peuvent également faire échec
au recours en prise en paiement exercé par l’intervenant en construction par le
paiement à ce dernier du montant de sa créance.
Les créanciers qui ne sont pas des intervenants de la construction alors que
leur hypothèque fut inscrite après la publication de l’avis d’hypothèque légale
de construction, pourront donc voir leur hypothèque radiée suite à un jugement
accueillant la demande pour prise en paiement du créancier de la construction.
Il importe toutefois de noter que le créancier de construction qui exerce son
recours hypothécaire de prise en paiement peut renoncer à son droit de faire
radier les hypothèques publiées postérieurement à son avis d’hypothèque légale,
et ainsi éviter la procédure de désintéressement que les créanciers détenteurs
de ces hypothèques peuvent entamer afin de préserver leur hypothèque.
2984. Une question
demeure, concernant le sort des hypothèques légales de la construction qui
grèvent un immeuble pris en paiement par un autre intervenant en construction.
À notre avis, les créances hypothécaires de la construction qui partagent le
même rang doivent survivre à la prise en paiement par l’un des intervenants en
construction.
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Celui-ci doit donc
assumer les créances garanties par
les hypothèques de la construction
qui grèvent l’immeuble qu’il a
pris en paiement.
2985. Par contre, tel que mentionné précédemment, pour que le créancier
hypothécaire ayant exercé une prise en paiement ou un autre recours
hypothécaire soit tenu de respecter l’hypothèque légale d’un intervenant en
construction, encore faut-il que l’hypothèque légale de la construction existe
au moment de la publication du préavis d’exercice d’un droit hypothécaire et qu’elle
ait été publiée avant l’exercice de ce droit. En effet, l’article 2783 C.c.Q.
précise que les droits réels créés à la suite de l’inscription du préavis d’exercice
d’un droit hypothécaire sont inopposables au créancier hypothécaire.
La conclusion du contrat d’entreprise ou la dénonciation du contrat de
sous-traitance doit être survenue avant l’inscription d’un préavis d’exercice d’un
droit hypothécaire pour que l’hypothèque légale de la construction puisse être
opposable au créancier auteur du préavis.
2986. L’inscription de l’hypothèque légale ayant pris naissance
postérieurement à l’inscription du préavis d’exercice du droit hypothécaire
peut donc être radiée. Une exception à ce
principe pourrait être admise dans le cas où un autre créancier de construction
avait publié son préavis d’exercice d’un droit hypothécaire avant la fin des
travaux alors qu’un autre intervenant a conclu un contrat avec le propriétaire
ou l’a dénoncé à celui-ci suite à la publication de ce préavis. Pour que cette
exception rencontre son application, une autre condition doit être remplie, à
savoir que ces hypothèques légales résultent du même ouvrage de construction.
Dans ce cas, aucune hypothèque légale ne devra être radiée puisque son
détenteur dispose des mêmes droits et doit recevoir le même traitement que le
créancier auteur du préavis d’exercice du droit hypothécaire conformément à l’article
2952 C.c.Q..
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2987. Enfin, le
vendeur d’un immeuble ayant introduit, dans son contrat de vente, une clause
résolutoire de vente, selon les articles 1742 et 1743 C.c.Q., pourra faire
radier toute hypothèque légale de construction résultant d’un contrat d’entreprise consenti par l’acheteur. En effet,
la résolution de la vente aura pour effet de placer le vendeur et l’acheteur
dans la même situation où ils étaient avant la vente. Le contrat résolu sera
considéré comme n’ayant jamais existé et le vendeur qui reprend l’immeuble sera
considéré comme n’ayant jamais cessé d’en être propriétaire. La clause
résolutoire ayant été dûment publiée sera opposable aux créanciers de
construction dont la créance et le droit à l’hypothèque résultent d’un contrat
d’entreprise attribué par un acheteur dont le titre de propriété est anéanti
par la résolution de son contrat. Cette résolution, rappelons-le, permet au
vendeur de reprendre l’immeuble libre de toutes les charges dont l’acheteur a
pu le grever, y compris les hypothèques légales de la construction. Ces
hypothèques seront ainsi éteintes, sauf si le créancier de la construction
utilise l’article 2779 C.c.Q., applicable à ce type de situation, afin de faire
en sorte que le vendeur renonce à la résolution de la vente et qu’il vende l’immeuble
sous contrôle de la justice. Il devra, cependant, donner caution au vendeur que
sa créance sera entièrement payée suite à la vente de l’immeuble. Il devra
également remplir les autres conditions prévues à cet article.
2988. Il importe
toutefois de noter que les créanciers de construction qui voient leurs hypothèques légales radiées par le vendeur suite à la
résolution du contrat de vente, disposent d’un recours contre ce dernier sur la base de l’enrichissement
injustifié pour la valeur de la plus-value donnée à l’immeuble par leurs
travaux. En effet, il sera inéquitable, voire injuste, de permettre à un
vendeur qui a anéanti rétroactivement, par la résolution, le titre de propriété
de son acheteur, de profiter des travaux de construction ou de rénovation demandés
par ce dernier et ainsi de s’enrichir injustement au détriment de l’intérêt des
intervenants de construction. Le fait que la clause résolutoire ayant servi à
cet anéantissement est opposable aux intervenants en raison de son inscription
au registre de l’immeuble objet des travaux, ne doit pas être un obstacle à un
recours basé sur l’enrichissement injustifié.
B. L’absence de rang entre les
intervenants
2989. L’article
2952 C.c.Q. précise qu’entre eux, les intervenants en construction viennent en
concurrence selon la valeur de leurs créances. Ce partage proportionnel ne se
fait, évidemment, que lorsque le montant de la plus-value est insuffisant pour
acquitter la totalité des créances des intervenants ou lorsque le produit de la
vente de l’immeuble est insuffisant pour acquitter les créances des
intervenants en construction et
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celles des créanciers
prioritaires. La portion du produit de la vente attribuable à chacun des
créanciers de la construction s’établit en multipliant le montant de la plus-value
par la créance de l’intervenant et en divisant le tout par le total des
créances du domaine de la construction.
2990. Il arrive
souvent que l’intervenant en construction qui a été le premier à intenter sa
demande en délaissement pour vendre l’immeuble en justice obtienne un jugement
définitif et exécutoire alors que les autres intervenants sont encore au stade
de l’inscription d’un avis d’hypothèque légale ou d’un préavis d’exercice d’un
droit hypothécaire ou d’une procédure pendante. Dans une telle situation, le
partage se fait conformément à l’article 2952 C.c.Q., car il suffit que l’intervenant
soit titulaire d’un droit hypothécaire pour participer au partage, que son
hypothèque fasse ou non l’objet d’un jugement ou qu’elle soit encore au stade d’une
mesure de conservation.
2991. L’inscription
d’une hypothèque légale par l’un des intervenants en construction peut être
contestée quant à sa validité ou quant au montant indiqué dans l’avis. Dans ce
cas, le shérif ayant procédé à la vente de l’immeuble en justice a deux options :
il peut soit suspendre la distribution du prix de vente en attendant qu’un
jugement règle la question de
cette créance, soit conserver la part de cet intervenant dans un compte détenu
en fidéicommis jusqu’à ce que le jugement soit rendu, tout en distribuant aux
autres créanciers leur part dans le produit de la vente de l’immeuble.
1) Impact sur l’exercice des recours
hypothécaires
2992. Sous le Code
civil du Bas-Canada, le rang des créanciers de la construction était défini
comme suit : l’ouvrier, le fournisseur de matériaux, le constructeur et l’architecte.
Or, sous le Code civil du Québec, en raison de l’absence de rang entre
les intervenants en construction, une question se pose : savoir lequel d’entre
eux peut choisir le recours hypothécaire à exercer, en cas de désaccord. Notons
d’abord, aucun intervenant en construction ne peut s’opposer à un recours en
prise en paiement intenté par un autre intervenant en construction en vertu de
l’article 2779 C.c.Q., car cet article ne concerne que les créanciers
hypothécaires subséquents. Or, peu importe la date de l’inscription de leurs
avis d’hypothèques légales, les intervenants en construction ne peuvent être
considérés comme étant subséquents l’un par rapport à l’autre, puisqu’ils
partagent tous le même rang en vertu de l’article 2952 C.c.Q.
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Pour la même raison,
ils ne pourraient pas, non plus, s’opposer à l’exercice du droit hypothécaire
en vertu de l’article 2750 C.c.Q., car celui-ci réfère aux créanciers hypothécaires
dont le rang est antérieur.
2993. Dans le cas
où un seul intervenant opte pour un recours en délaissement pour prendre l’immeuble
en paiement, alors que les autres opteraient plutôt pour la vente de l’immeuble
sous contrôle de la justice, deux solutions peuvent contribuer au règlement de
ce problème. D’abord, l’intervenant qui insiste pour prendre l’immeuble en
paiement peut être contraint à désintéresser les autres créanciers détenant une
hypothèque légale en payant leurs créances. À défaut de le faire, ces derniers
peuvent se servir de l’article 2779 C.c.Q. Dans ce cas, la caution à offrir
doit se limiter à sa part dans la plus-value. Le recours à cette disposition
peut augmenter la chance des créanciers de construction de recevoir paiement pour
les montants de leurs créances ou un montant plus élevé que la valeur de la
plus-value.
2994. Par contre,
si les créanciers détenteurs d’hypothèques de construction décident de ne pas
se prévaloir de l’article 2779 C.c.Q., ils ne peuvent réclamer que leur part
dans la plus-value. En effet, le droit de préférence en tant qu’une hypothèque
légale de premier rang ne garantit que la plus-value conférée à l’immeuble en
raison des travaux et non la totalité des créances des intervenants en
construction. L’intervenant exerçant un recours en prise en paiement ne doit
payer aux intervenants qu’un montant qui correspond à la plus-value donnée à l’immeuble.
Il s’ensuit que l’intervenant qui insiste ainsi sur la prise en paiement de l’immeuble
ne doit pas nécessairement acquitter la totalité des créances des autres
intervenants. Il faut alors procéder à une évaluation de l’immeuble, afin de
déterminer le montant de la plus-value. En effet, si, à la suite de cette
évaluation, le montant de la plus-value obtenu est supérieur au montant des
créances des intervenants, l’intervenant doit payer la totalité des créances de
ces derniers. En revanche, si l’évaluation donne un montant de la plus-value
inférieure au montant total des créances des intervenants, l’intervenant qui
prend l’immeuble en paiement ne doit acquitter la créance des intervenants que
jusqu’à concurrence du montant de la plus-value indiqué dans l’évaluation.
Rappelons qu’il n’y a qu’une seule plus-value et les intervenants en
construction auront à partager la valeur de celle-ci au prorata du montant de
leurs créances.
2995. Un problème
beaucoup plus sérieux se pose lorsque deux ou plusieurs intervenants veulent
prendre l’immeuble en paiement et exercent chacun un recours à cet effet. Il
nous semble que dans ce cas, le tribunal pourrait appliquer le principe général
du rang des hypothèques (art. 2945 C.c.Q.) et ainsi donner priorité à l’intervenant
qui a
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inscrit son hypothèque
en premier. Ce dernier doit, tout de même, désintéresser les autres intervenants
de la même manière que nous l’avons mentionné ci-dessus.
2. Cession
de rang
2996. Il est possible pour l’intervenant en construction de céder son rang au
profit d’un tiers. Celui-ci prendrait part au partage au même titre que l’intervenant
en construction. Ainsi, il entrerait en concurrence avec les autres
intervenants en construction, proportionnellement au montant de la créance de l’intervenant
qui a cédé son rang. La cession s’opère entre les créanciers dans le respect de
leurs créances respectives et de manière à ne pas nuire aux droits des autres
créanciers (art. 2956 al. 2 C.c.Q.). Ainsi, le cessionnaire ayant acquis
le rang d’intervenant en construction ne peut pas participer au partage du
produit de vente au-delà du montant dû au créancier cédant.
De toute évidence, la cession de rang n’engage que l’intervenant cédant et le
cessionnaire, et n’affecte pas le rang des autres créances de la construction.
2997. L’article 2956 C.c.Q.
précise que la cession doit être publiée. Cette formalité n’est certes pas
nécessaire à la validité de la cession qui continue à créer ses effets entre
les parties, même en absence de publication. Elle est cependant requise pour rendre la cession opposable aux tiers
(art. 2941 C.c.Q.).
À défaut d’une telle publication, le tiers de bonne foi qui acquiert et publie
une cession de rang sans être au courant d’une cession opérée antérieurement
par le même cédant est protégé dans ses droits. En revanche, le premier
cessionnaire, qui a omis de publier sa cession de rang, perd son droit d’invoquer
ce rang de collocation.
2998. Une cession de rang n’exige pas nécessairement un consentement exprès
de la part de l’intervenant en construction. Elle peut aussi être déduite des
agissements sans équivoque de ce dernier. Tel est le cas d’un créancier
prioritaire qui accepte d’intervenir dans une déclaration ou dans un contrat
conférant à un tiers une hypothèque conventionnelle de premier rang. En effet,
cette intervention équivaut à une cession de rang conclue en bonne et due forme.
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2999. Comme nous l’avons
déjà mentionné, l’antériorité du rang n’accorde pas seulement un droit de
préférence sur le partage du montant de la plus-value, mais aussi sur l’exercice
des droits hypothécaires. La cession de rang a donc pour effet de céder aussi
le droit de préférence quant à l’exercice des droits hypothécaires. Rien n’empêche
cependant que la convention de cession de rang ne restreigne la cession à
certains recours hypothécaires précis.
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