Art. 2727. L’hypothèque légale en faveur des
personnes qui ont participle à la construction ou à la renovation d’un
immeuble subsiste, quoiqu’elle n’ait pas été publiée, pendant les trente
jours qui suivent la fin des travaux.
Elle est conservée si, avant l’expiration
de ce délai, il y a eu inscription d’un avis désignant l’immeuble grevé et
indiquant le montant de la créance. Cet avis doit être signifié au
propriétaire de l’immeuble.
Elle s’éteint six mois après la fin des
travaux à moins que, pour conserver l’hypothèque, le créancier ne publie une
action contre le propriétaire de l’immeuble ou qu’il n’inscrive un préavis d’exercice
d’un droit hypothécaire.
|
|
Art. 2727. A legal hypothec in favour of persons having taken part in the construction
or renovation of an immovable subsists, even if it has not been published,
for 30 days after the work has been completed.
It subsists if, before the 30 days expire,
a notice describing the charged immovable and indicating the amount of the claim
is registered. The notice shall be served on the owner of the immovable.
It is extinguished six months after the
work is completed, unless, to preserve the hypothec, the creditor publishes
an action against the owner of the immovable or registers a prior notice of
the exercise of a hypothecary right.
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C.c.B.-C.
2013d. L’ouvrier
a un privilège, à raison des travaux qu’il a faits sur un immeuble, pour vingt
jours d’arrérages, soit qu’il ait contracté avec le propriétaire, ou avec un entrepreneur. Ce privilège n’est soumis à
aucune formalité.
Ce privilège subsiste pendant trente jours
après la fin des travaux et n’a pas besoin d’être enregistré. Mais le privilège
est éteint, faute par l’ouvrier, de poursuivre son débiteur pendant ce délai et
de mettre en cause le propriétaire, de même que le régistrateur de la division
où est situé l’immeuble, afin de dénoncer à ce dernier les privilèges, lequel
doit noter telle poursuite dans l’index de l’immeuble.
Le propriétaire, pendant toute la durée et à
la fin des travaux, a droit de retenir, sur le prix du contrat, un montant
suffisant pour acquitter les créances privilégiées. Tout montant établi par un
certificat assermenté donné par l’architecte ou l’ingénieur en charge des
travaux, est réputé suffisant, et, à défaut de tel architecte ou ingénieur,
semblable certificat peut être décerné par un architecte licencié ou ingénieur
dûment qualifié de cette province, dont les parties intéressées peuvent
convenir, et, à défaut d’entente, nommé par un juge de la Cour supérieure.
Le constructeur ne peut exiger aucun paiement
sur le prix du contrat avant d’avoir fourni au propriétaire un état, sous sa
signature, de tous les montants par lui dus pour construction
et matériaux.
Plusieurs ouvriers peuvent se joindre dans
une même action dont les frais sont ceux d’une action personnelle pour le
montant réclamé.
2013e. Le
fournisseur de matériaux a un privilège sur l’immeuble dans la construction
duquel entrent des matériaux qu’il a fournis au propriétaire ou au constructeur,
ou qu’il a spécialement préparé pour telle construction.
[Page 983]
Toutefois, dans le cas où le fournisseur de
matériaux contracte avec le propriétaire lui-même, ce privilège n’est conservé
que par l’enregistrement, avant l’expiration des trente jours qui suivent la
fin des travaux, d’un avis contenant :
7. Les noms, prénoms et domiciles du
créancier et du débiteur;
8. La désignation de l’immeuble affecté par
le privilège;
9. Un état de la créance, spécifiant la
nature et le prix des matériaux fournis au propriétaire ou spécialement
préparés pour les lui fournir.
Dans le cas où le fournisseur de matériaux
contracte avec le constructeur, il doit informer par écrit le propriétaire de l’héritage
qu’il a fait un contrat avec le constructeur pour la livraison de matériaux.
Son privilège est conservé pour tous les matériaux fournis après cet avis
pourvu qu’il fasse enregistrer, dans les trente jours qui suivent la fin des
travaux, un avis semblable à celui mentionné dans l’alinéa précédent.
Pour faire face aux créances privilégiées des
fournisseurs de matériaux, le propriétaire de l’héritage a le droit de retenir
sur le prix de contrat de construction un montant suffisant pour les payer et
ce, tant que le constructeur ne lui aura pas remis soit une quittance, soit une
renonciation à leur privilège, signée par eux.
Ce privilège s’éteint, faute par le
fournisseur de matériaux de poursuivre son débiteur dans les trois mois après
la fin des travaux et de mettre en cause le régistrateur, afin de lui faire noter
l’action dans l’index aux immeubles. Dans le cas où l’action est dirigée contre
le constructeur, il doit aussi mettre en cause le propriétaire.
Le fournisseur de matériaux a également
droit, au cas où l’insolvabilité du propriétaire ou du constructeur, ou à
défaut de paiement aux époques stipulées, de revendiquer les matériaux qu’il a
fournis, mais qui ne sont pas encore incorporés à la construction.
L’enregistrement de ces avis se fait par
dépôt.
2013f. Le
constructeur et l’architecte ont un privilège sur l’héritage, à raison de leurs
travaux comme tels, pourvu que, avant l’expiration des trente jours qui suivent
la fin des travaux, ils fassent enregistrer, au bureau d’enregistrement de la
division où est situé l’immeuble un état de leurs créances respectives. Avis de
cet enregistrement doit être donné, dans le même délai, au propriétaire.
Ce privilège est éteint après les six mois
qui suivent la fin des travaux, à moins que le créancier ne prenne une action
contre le propriétaire pour le conserver. Le régistrateur doit être mis en
cause dans cette action, afin de lui dénoncer l’action et de la lui faire noter
dans l’index des immeubles.
Dans le cas où le constructeur fait exécuter,
en tout ou en partie, l’ouvrage par sous-contrat, si le sous-entrepreneur a
dénoncé son contrat au propriétaire, ce sous-entrepreneur a un privilège sur l’immeuble
pour les travaux exécutés après telle dénonciation, pourvu qu’il fasse
enregistrer, avant l’expiration de trente jours qui suivent la fin des travaux,
un état de sa créance. Ce privilège est soumis aux mêmes formalités que celui
du constructeur et de l’architecte quant à sa création et son extinction. Le
propriétaire, dans le cas où le sous-entrepreneur lui a dénoncé son
sous-contrat, a le droit de retenir sur le prix du contrat un montant suffisant
pour faire face au privilège du sous-entrepreneur et tout montant établi par un
certificat décerné suivant les formalités de l’article 2013d sera réputé
suffisant.
L’enregistrement de ces avis se fait par
dépôt.
[Page
984]
C.c.Q. : art. 1317, 2110, 2667, 2735, 2748, 2750, 2757, 2728, 2757, 2758,
2761, 2765, 2923, 2925, 2959, 2966, 2981, 2991, 3061.
C.p.c. : art. 112, 116, 117, 169, 189, 467, 768.
C.c.B.-C. : art. 2013d, 2013e, 2013f.
1. Généralités
relatives au droit à l’hypothèque de construction
2599. Les articles 2726, 2727 et
2728 C.c.Q., qui traitent de l’hypothèque
légale de construction, constituent un droit strict, fondé sur certaines
formalités qui représentent des conditions requises à l’existence de cette
hypothèque et à sa conservation. En effet, outre les conditions spécifiques
énumérées aux articles 2727 et 2728 C.c.Q., la jurisprudence a imposé, au fil
des ans, d’autres conditions qui doivent aussi être remplies afin de bénéficier
d’une hypothèque légale de la construction. Nous référons à cet effet le
lecteur à ces conditions que nous avons traitées tout au long sous l’article
2726 C.c.Q.
2600. Quant à l’article 2727 C.c.Q.,
celui-ci affirme qu’avant la fin des travaux, l’hypothèque légale de la construction
existe même si elle n’était pas encore publiée, étant donné que l’entrepreneur
ou le sous-entrepreneur pourra toujours inscrire un avis d’hypothèque tant que
le délai n’est pas écoulé. D’ailleurs, lorsque la vente d’un immeuble ayant
bénéficié de travaux de construction ou de rénovation a lieu alors même que l’hypothèque
légale de la construction existe, mais avant qu’elle ne soit publiée, le
vendeur a l’obligation de révéler l’existence de cette hypothèque à l’acheteur.
Cependant, certaines formalités relatives à l’existence et à la conservation de
l’hypothèque doivent être accomplies postérieurement à la fin des travaux. Ces
exigences sont incontournables pour les intervenants qui veulent bénéficier de
la garantie légale. Le défaut de s’y
conformer est sanctionné par l’extinction du droit à l’hypothèque légale.
2601. Sous le Code civil du Bas-Canada, les délais d’inscription et de
conservation de l’hypothèque légale de la construction étaient différents selon
le rôle joué par l’intervenant. Ainsi, le fournisseur de matériaux ne
bénéficiait que d’un délai de trois mois après la fin des travaux pour intenter
une action contre le propriétaire de l’immeuble,
alors
[Page 985]
que l’ouvrier
disposait d’un délai de trente
jours. Les autres intervenants, quant à eux,
bénéficiaient d’un plus long délai, à savoir six mois.
Sous le Code civil du Québec, les intervenants bénéficient tous des
mêmes délais relatifs à l’inscription de l’avis de l’hypothèque légale et du
préavis de l’exercice d’un droit hypothécaire. De plus, contrairement à ce qui
était le cas sous le Code civil du Bas-Canada,
l’ouvrier est soumis aux mêmes formalités d’existence et de conservation
que les autres intervenants, bien qu’il soit dispensé de l’exigence de dénoncer
son contrat au propriétaire.
2602. Le Code civil du Québec prévoit trois étapes de formalités que
doit remplir l’intervenant pour bénéficier de l’hypothèque légale de la
construction. Premièrement, l’intervenant doit inscrire un avis d’hypothèque au
Registre foncier de l’immeuble construit ou rénové.
Deuxièmement, il doit signifier cet avis au propriétaire de l’immeuble.
Finalement, l’intervenant doit publier une action intentée contre le
propriétaire ou un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire.
2603. Finalement,
un immeuble destiné à l’usage public ne peut pas être grevé d’une hypothèque
légale. Ce principe puise ses fondements dans la théorie de la dualité
domaniale prévue à l’article 916 C.c.Q., selon laquelle les biens qui
appartiennent à une personne morale de droit public et qui profitent à la
communauté sont insaisissables. Suivant l’article 2668 C.c.Q., les biens insaisissables ne peuvent être grevés d’une
hypothèque. La jurisprudence et
la doctrine s’accordent pour dire que ce qui est considéré comme étant à usage
public doit être interprété de façon large. En ce sens, les biens appartenant à
une municipalité sont en général destinés à l’usage public s’ils sont
nécessaires au moins en partie au fonctionnement de la ville ou encore s’ils
permettent à celle-ci d’offrir gratuitement des services aux citoyens.
[Page 986]
2. L’inscription de l’avis d’hypothèque :
formalités et contenus
2604. S’il est vrai
que l’hypothèque légale de la construction puise sa source de la loi, il est
également vrai que son existence et sa conservation dépendent de certaines conditions et formalités qui doivent être
remplies. Ainsi, pour que l’intervenant en construction bénéficie d’une
garantie légale, il est nécessaire qu’il inscrive un avis d’hypothèque au
Registre foncier dans les 30 jours suivant la fin des travaux. Cette première
condition d’inscription est essentielle et primordiale à l’existence de l’hypothèque
légale de la construction.
2605. L’avis d’inscription
d’une hypothèque légale de construction constitue une mesure absolument
nécessaire à la conservation du droit à la garantie accordée par la loi à ceux
qui ont participé à la construction de l’immeuble. Ils doivent ainsi inscrire
un avis d’hypothèque dans le délai prévu dans la loi. À défaut de le faire, ils
ne peuvent pas profiter du droit d’être payé par préférence, à même la
plus-value donnée par les travaux, à la valeur de l’immeuble.
A. Date limite pour l’inscription de l’avis
d’hypothèque : délai de 30 jours
2606. L’intervenant
dispose de 30 jours après la fin des travaux pour inscrire un avis d’hypothèque
légale. Pendant la durée des travaux, une publicité suffisante de l’hypothèque
légale se fait par les travaux qui sont effectués sur l’immeuble aux vues de
tous. Ces travaux offrent par conséquent un bon indice pour les créanciers du
propriétaire quant à l’existence probable d’une hypothèque légale de la
construction. Cette publicité indirecte et occulte se termine bien évidemment
au moment où prennent fin les travaux de construction et de rénovation, date à
laquelle il n’y a plus d’intervenants sur le chantier.
C’est à ce titre que le législateur impose aux intervenants l’obligation d’inscrire
au Registre foncier un avis d’hypothèque dans les 30 jours de la fin des
travaux afin que la garantie puisse subsister postérieurement à cette date. Ce
délai est de rigueur. À l’expiration de ce
délai, l’inscription d’une hypothèque légale par un intervenant en construction
est illégale et peut être radiée
[Page 987]
non seulement par
une demande faite par le propriétaire de l’immeuble, mais aussi par tout autre intéressé,
notamment les créanciers
hypothécaires, y compris ceux qui détiennent
une hypothèque légale de la construction.
2607. Le créancier qui cherche à faire valoir son droit à une hypothèque
légale de construction doit établir la date exacte de la fin des travaux
lorsque celle-ci fait l’objet d’une contestation. Ainsi, si le créancier ne
peut remplir son fardeau de preuve démontrant que l’hypothèque légale a été
inscrite dans les 30 jours de la
date réelle de la fin des travaux, il ne pourra bénéficier de l’hypothèque
légale de construction et risque de voir son avis d’inscription radié par
ordonnance de la cour.
2608. Le défaut de
publier un avis d’hypothèque légale dans le délai prévu à l’article 2727 C.c.Q.
aura pour effet d’éteindre le droit à l’hypothèque légale de l’intervenant. L’inscription
d’un avis après l’expiration de ce délai est illégale et peut être radiée à la
demande de tout intéressé. Cela dit, le
propriétaire qui établit que l’entrepreneur a inscrit tardivement l’avis d’hypothèque
légale, soit après l’écoulement du délai de 30 jours qui court depuis la date de la fin des travaux, peut demander au
tribunal sa radiation. Cependant, la perte
du droit à l’hypothèque légale n’a pas pour effet de faire perdre le droit à l’action
personnelle que détient l’intervenant à l’encontre du propriétaire de l’immeuble
qui demeure débiteur de la créance dans la mesure où il y a un lien contractuel
entre les deux. L’intervenant de la
construction qui voit son droit à l’hypothèque légale s’éteindre devient
créancier chirographaire. En effet, la créance de l’intervenant en
construction, même si elle n’est plus garantie par une hypothèque, existe de la
même manière et produit son plein effet à l’encontre du débiteur
personnellement. Ainsi, l’entrepreneur peut s’adresser au tribunal en tant que
créancier chirographaire pour le client afin d’obtenir le paiement des sommes
qui lui sont dues, malgré que son hypothèque légale de construction
ait été radiée par le tribunal.
[Page 988]
2609. Dans le cas d’un
sous-traitant qui n’a pas contracté directement avec le propriétaire de l’immeuble,
le défaut de remplir les formalités requises à l’existence et à la conservation
de l’hypothèque légale lui fait non seulement perdre son droit à l’hypothèque
légale, mais aussi toute possibilité de faire pression sur le propriétaire de l’immeuble
pour obtenir le paiement de sa créance. La perte de ses recours hypothécaires
lui enlève toute possibilité de contraindre le propriétaire de l’immeuble à
payer sa créance en raison de l’absence de lien contractuel avec ce dernier ou
d’un lien créant une obligation en vertu d’une stipulation pour autrui en sa
faveur introduite dans le contrat principal intervenu entre ce dernier et l’entrepreneur
général.
2610. L’article
2727 C.c.Q. affirme que l’inscription de l’avis d’hypothèque légale doit se
faire avant l’expiration du délai de 30 jours, dès la fin des travaux. Il
appert de cette formulation que tout ce qui importe est que l’avis soit publié
au plus tard le 30e jour suivant la fin des travaux. En effet, l’intervenant
ne doit pas attendre la fin des travaux pour pouvoir inscrire son avis d’hypothèque
légale. L’inscription de cet
avis peut se faire à tout moment après la conclusion du contrat d’entreprise ou
la dénonciation du contrat de sous-traitance. Avant la date de conclusion du contrat ou sa dénonciation, l’hypothèque
ne peut être valablement inscrite, car l’intervenant doit détenir un droit à
une hypothèque au moment de l’inscription de son avis. L’avis ne peut donc être
publié avant la naissance de l’hypothèque légale.
2611. L’intervenant
peut ainsi inscrire son avis d’hypothèque soit à partir du moment où il a
conclu un contrat d’entreprise avec le propriétaire, soit à partir du moment où
il a dénoncé son sous-contrat au propriétaire avec qui il n’a pas directement
contracté. Cette possibilité est d’autant plus pertinente pour l’intervenant
qui termine ses travaux dans les premières semaines de l’ouverture du chantier.
Il serait impensable d’exiger de lui qu’il suive constamment l’état des travaux
pour que la fin de ceux-ci ne lui passe pas inaperçue et qu’il ne perde pas son
droit d’inscrire une hypothèque légale.
2612. L’intervenant
en construction devrait en principe bénéficier d’une hypothèque dont le rang
dépend de la date de son inscription au Registre foncier pour le surplus de sa
créance non couverte par le montant de la plus-value. Il a donc intérêt à
inscrire son hypothèque dès la
[Page 989]
première journée de sa naissance. Il peut bénéficier d’un rang plus avantageux pour
garantir le montant de la créance qui reste impayé, advenant le cas où le
montant de la plus-value serait insuffisant pour acquitter toutes les dettes
dues aux intervenants de la construction.
B. Contenu de l’avis
1) La description de l’immeuble : cas
des plusieurs immeubles faisant une seule unité d’exploitation
2613. L’article
2727 C.c.Q. mentionne deux éléments que doit contenir l’avis de l’hypothèque
légale de la construction. Celui-ci doit
contenir une description de l’immeuble construit ou rénové, ce qui comprend un
seul immeuble et non plusieurs immeubles, exception faite de la situation où l’on
se trouve en présence d’une unité d’exploitation.
Ainsi, dans le cas d’une construction de deux immeubles destinés à contenir
chacun un nombre déterminé d’unités de condominium, il est possible que ces
immeubles forment une seule unité d’exploitation. Il en est ainsi lorsque
certains critères sont remplis, notamment le fait que
ces immeubles soient construits sur des lots contigus distincts, mais qu’ils ne
sont séparés que par un mur mitoyen, de sorte qu’ils semblent, aux yeux d’un
observateur ordinaire, ne constituent qu’une seule unité d’exploitation. Dans
ce cas, le même avis d’hypothèque légale peut être publié aux index de ces
immeubles.
2614. L’existence d’une
seule unité d’exploitation doit être appréciée au moment où les travaux étaient
en cours d’exécution ou lors de l’inscription de l’avis de l’hypothèque légale
de construction. Le fait que plus tard, après l’achèvement des travaux de
construction, les immeubles en question seront exploités de façon autonome ne
doit pas être pris en considération. Il suffit que les critères de l’existence
d’une seule unité d’exploitation soient apparemment remplis lors de l’inscription
de l’avis
[Page 990]
d’hypothèque.
Par contre, l’avis d’hypothèque grevant plusieurs lots ne constituant pas une unité
d’exploitation doit être déclaré invalide.
2615. La description de l’immeuble construit ou rénové implique la
désignation précise de l’immeuble selon sa localisation sur le plan cadastral de la région. Cet élément est
essentiel car, faute d’une désignation adéquate de l’immeuble, le droit à l’hypothèque
s’éteint. Si la description figurant dans l’avis ne correspond pas à l’immeuble
construit ou rénové, l’inscription de l’hypothèque sera faite sous le mauvais
lot. Une telle erreur fait perdre à l’intervenant le droit à l’hypothèque
légale, à moins qu’elle ne
soit rectifiée dans les 30 jours
de la fin des travaux.
2) Le
montant de la créance : éléments à inclure
2616. L’article 2727 C.c.Q.
affirme que l’avis doit préciser le montant qui correspond à la créance de l’intervenant.
Il n’est plus nécessaire de dresser un état de créance qui exige de la part de
l’officier de la publicité une vérification des montants déclarés en fonction
des factures produites, comme c’était le cas sous l’ancien Code civil du Bas-Canada.
Toutefois, le contenu de cet avis relativement au montant de la créance
ainsi qu’aux autres éléments qu’on y retrouve doit être exempt de fausse
déclaration et doit être rédigé de bonne foi.
Aussi, désormais, seul le
[Page 991]
montant global de la
créance de l’intervenant doit figurer dans l’avis de l’hypothèque.
Dans le cas d’un consortium d’entrepreneurs et en présence d’une stipulation de
solidarité entre eux, chacun de ces intervenants en construction a le droit d’inscrire
son hypothèque légale individuellement pour le total de la créance, car le
paiement de celle-ci à l’un de ces créanciers solidaires, par le débiteur,
libère ce dernier à l’égard des autres et il ne sera donc pas tenu de payer
plus que le montant de la créance.
2617. La créance de
l’intervenant représente le montant dû en capital pour les travaux, services et
matériaux fournis qui reste impayé par le propriétaire de l’immeuble ou dans le
cas du sous-traitant par l’entrepreneur général. Elle comprend aussi les
intérêts échus durant l’année courante et les trois années suivantes.
Par ailleurs, sont susceptibles d’être garantis par l’hypothèque légale, les
frais au sens de l’article 2667 C.c.Q. Ainsi, seront garantis les frais
légitimement et légalement engagés pour le recouvrement de la créance ainsi que
les frais encourus pour la conservation de l’immeuble. La disposition de l’article
2667 C.c.Q. est d’ordre public. Toute stipulation contractuelle qui prévoit le
droit à l’intervenant de se voir garantir les frais et honoraires
extrajudiciaires par son hypothèque est nulle, sans effet et inopposable non
seulement à l’égard du propriétaire de l’immeuble, mais aussi à tous les autres
créanciers qui détiennent une hypothèque légale ou conventionnelle grevant l’immeuble
construit ou rénové. En effet, ces derniers ont intérêt à faire réduire, du
montant garanti par l’hypothèque légale, tout montant couvrant les frais et
honoraires extrajudiciaires. L’article 2667 C.c.Q. étant d’ordre public, tout
intéressé peut invoquer la nullité de la clause contractuelle autorisant l’intervenant
en construction à inclure dans sa créance les montants correspondant aux frais
et honoraires extrajudiciaires.
2618. Une question
demeure : savoir quelle est la validité d’une clause incluse dans un contrat
d’entreprise conclu avant l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition de l’article
2667 C.c.Q. Cette disposition peut-elle
être appliquée rétroactivement, de sorte qu’une clause antérieure à l’entrée en
vigueur de l’amendement récent de cet article
[Page 992]
serait également annulée, ou cette clause
demeurerait-elle valide suivant le
courant jurisprudentiel et doctrinal développé
antérieurement à cet amendement ?
2619. Le principe est la non-rétroactivité des lois, sauf stipulation
contraire. Cependant, la Cour suprême a affirmé qu’il est possible qu’une loi
ait un effet rétroactif même en l’absence de mention expresse lorsque le texte
de la loi mérite une telle application. En effet, les
dispositions d’ordre public de direction peuvent recevoir une application
rétroactive au moment de leur entrée en vigueur.
2620. Il nous semble que le but recherché par la nouvelle disposition de l’article 2667 C.c.Q. ne se
limite pas à une protection du débiteur, mais s’étend plutôt à une protection
de l’ensemble des créanciers de ce dernier. Si l’hypothèque garantit aussi les
frais et honoraires extrajudiciaires au même rang que la créance, cette
garantie peut avoir des conséquences néfastes sur les droits des autres
créanciers ayant une hypothèque de rang inférieur.
2621. Par ailleurs,
la clause prévoyant le droit du créancier de réclamer les frais et honoraires
extrajudiciaires est une clause ne contenant qu’une obligation sous condition
suspensive dont la naissance dépend d’un événement futur, soit le défaut du
débiteur d’acquitter sa dette principale, ce qui revient à dire que le paiement
des frais et honoraires extrajudiciaires ne constitue qu’une obligation à
naître postérieurement à la date de la conclusion du contrat. En d’autres
termes, c’est la date du défaut du débiteur d’acquitter sa dette principale qui
constitue la date de la naissance de l’obligation de payer des frais et
honoraires extrajudiciaires. Par exception au principe de la rétroactivité des obligations conclues sous condition suspensive,
l’obligation du débiteur en vertu d’une telle clause ne peut être rétroactive à
la date de la conclusion du contrat. En effet, cette obligation de payer les
frais et honoraires extrajudiciaires n’est pas une obligation en soi, mais une
sanction d’un défaut d’exécution d’une obligation principale, soit le prix
convenu au contrat. Cette sanction, qui est l’obligation d’indemniser le
créancier en raison du défaut du débiteur, ne peut avoir d’existence avant que
ce défaut ne survienne. En suivant ce raisonnement, on peut conclure que la
validité de la clause prévoyant la possibilité de payer les frais et honoraires
extrajudiciaires ne peut être évaluée que lors de la mise en application de la clause et non lors de la
conclusion du contrat. Si la mise en
[Page 993]
application de cette
clause survient après l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition de l’article
2667 C.c.Q., sa validité peut être mise en cause par l’application de cette
disposition.
2622. En somme, le
montant impayé de la créance de l’entrepreneur qui figure dans l’avis de l’hypothèque
doit être suffisamment précis pour que le propriétaire soit en mesure de
remédier au défaut.
3) L’assiette de l’hypothèque
2623. En présence d’une
unité d’exploitation, le montant de la créance doit être ventilé entre chaque
immeuble. À défaut d’une telle ventilation, l’hypothèque légale sera frappée de
nullité. En matière de construction de copropriété divise, l’intervenant en
construction qui a effectué des travaux sur les parties communes, après la
déclaration de copropriété, peut inscrire, pour chaque fraction, le plein
montant de la créance dans son avis d’hypothèque. Chaque fraction ne comprenant
qu’une quote-part des parties communes, l’hypothèque légale ne vaut que pour
cette quote-part à l’égard de chaque fraction. En effet, l’immeuble est l’assiette
de l’hypothèque légale pour la créance totale de l’intervenant. L’avis d’hypothèque
désignant le montant total de la créance et identifiant tous les lots détenus
en copropriété divise a pour caractéristique de se diviser de plein droit et de
n’affecter chaque fraction que
proportionnellement à sa valeur relative.
2624. Il faut
cependant faire la distinction entre une hypothèque légale qui naît avant l’inscription
de la déclaration de copropriété et celle qui naît après cette inscription.
Dans le premier cas, l’hypothèque légale, qu’elle soit publiée avant ou après
la publication de copropriété, sera divisée conformément à l’article 1051
C.c.Q.. Par contre, l’hypothèque
légale de la construction qui est née après la déclaration de copropriété ne
pourra pas être divisée selon ce dernier article et il appartiendra au
bénéficiaire de faire la ventilation, dans l’avis de l’hypothèque légale, de la
plus-value donnée à chaque unité par les travaux. En l’absence d’une telle
ventilation ou d’informations suffisantes et précises dans l’avis d’hypothèque
publié, cet avis pourra être déclaré nul. En effet, la naissance du droit à l’hypothèque
légale après la publication de la déclaration de copropriété oblige son détenteur
à ventiler, dans son avis d’hypothèque légale, la plus-value dont chaque unité
a bénéficié. Cependant, une telle ventilation ne doit pas être requise lorsque
le bénéficiaire de l’hypothèque légale a construit lui-même et entièrement ses
[Page 994]
unités puisque, dans ce
cas, la plus-value est facile à déterminer. En effet, elle sera égale à la
valeur marchande de l’unité. La nécessité de faire la ventilation dans l’avis d’hypothèque
légale sera requise dans les cas où les travaux ont été effectués sur un
immeuble existant et non pas lorsqu’il s’agit d’une construction complète d’un
immeuble divisé plus tard en unités.
2625. Il importe de
faire aussi la distinction entre une hypothèque conventionnelle et l’hypothèque
légale de la construction. L’hypothèque conventionnelle demeure régie par le
principe de l’indivisibilité de l’hypothèque prévu à l’article 2662 C.c.Q. et
ne se divisera pas suite à la publication de la déclaration de copropriété. Par contre, l’hypothèque légale de la
construction qui a été publiée avant la publication de la déclaration de
copropriété sera divisée conformément à l’article 1051 C.c.Q..
2626. La
détermination de l’assiette d’hypothèque légale revêt une importance
particulière lors de l’évaluation de la plus-value sur laquelle doit s’exercer
le droit de préférence. L’assiette doit être constituée de l’immeuble ou des
immeubles ayant fait l’objet de travaux de construction. Ainsi, l’importance de
la plus-value dépend de l’importance de l’assiette de l’hypothèque légale. De
façon générale, il faut en comprendre qu’un immeuble a une plus-value unique,
malgré que plusieurs immeubles puissent se retrouver au même endroit. Chaque
immeuble doit être affecté d’une hypothèque dont la plus-value sera différente
de celle dont un autre immeuble a pu bénéficier, même si les immeubles en
question font l’objet du même projet immobilier. Cela dit, l’entrepreneur qui a
exécuté des travaux sur un ensemble d’immeubles doit publier un avis d’hypothèque
légale sur chaque immeuble et selon le montant de créance attribuable à chacun
de ces immeubles plutôt que pour l’ensemble de sa créance. Le contrat unique
visant des travaux de construction sur plusieurs immeubles et qui indique un
seul montant pour l’ensemble des travaux ne signifie pas qu’il y a unicité et
que chaque immeuble sera donc affecté d’une hypothèque légale pour le montant
total. Au contraire, il faut attribuer à chaque immeuble une part dans la
créance qui correspond au coût des travaux exécutés sur l’immeuble en question.
En conséquence, l’entrepreneur doit publier une hypothèque légale distincte
pour la créance attribuée à chaque immeuble, même si tous les immeubles
appartiennent à un même propriétaire.
[Page 995]
2627. Néanmoins, pour faire obstacle à ce principe de privilège distinct et
pour appliquer selon un principe d’unicité une seule hypothèque légale sur un
ensemble d’immeubles, ces immeubles doivent tous appartenir au même
propriétaire, mais surtout être utilisés comme un tout, de sorte que les
bâtiments sont contigus et interdépendants. L’exemple parfait d’une telle
situation est le cas d’un centre commercial appartenant au même propriétaire,
mais composé de plusieurs lots ayant fait l’objet des travaux de construction
ou de rénovation par un entrepreneur ayant œuvré sur l’ensemble du chantier.
4) La
mention de la plus-value dans l’avis d’hypothèque
2628. Il n’est pas nécessaire de mentionner, dans l’avis d’hypothèque légale,
le montant de la plus-value accordée à l’immeuble en raison des travaux
exécutés. En effet, l’inscription
peut se faire dès la naissance du droit à l’hypothèque légale, soit après la
conclusion du contrat et le commencement des travaux. L’avis de l’hypothèque
légale peut donc être publié même si les travaux ne sont pas encore terminés et
ce, bien que la plus-value risque d’être inexistante à la date de cette
inscription.
2629. D’ailleurs, les prestations rendues par certains intervenants peuvent
ne pas conférer de plus-value à l’immeuble, sans pour autant qu’ils perdent
leur droit à l’hypothèque légale, à condition, d’une part, que ces prestations
soient nécessaires et indispensables aux autres travaux de construction qui,
eux, confèrent une plus-value à l’immeuble. Ainsi, l’entrepreneur qui procède à
la démolition d’une partie de l’immeuble afin de préparer le chantier à la
réception de la construction envisagée peut avoir droit à une hypothèque
légale. Bien que la démolition ne confère pas une plus-value à l’immeuble, elle
est une étape essentielle à la réalisation des travaux de construction. La
notion de plus-value englobe donc l’ensemble des travaux et permet à l’entrepreneur
d’inscrire un avis d’hypothèque légale pour les travaux qu’il avait exécutés
même en l’absence d’une plus-value, donnée spécifiquement par ces travaux.
[Page 996]
2630. D’ailleurs, une
mention dans l’avis que les travaux exécutés ou les prestations fournies ont
donné à l’immeuble une plus-value d’un montant déterminé ne fait pas la preuve
ni du montant ni de l’existence de la plus-value. Cette preuve doit se faire en
cas de contestation de la validité de l’hypothèque légale, lors de l’audition
au fond d’une demande en délaissement.
2631. Il importe
cependant de souligner que s’il n’est pas requis légalement que l’avis d’hypothèque
légale de construction mentionne le montant de la plus-value, il est absolument
nécessaire que la plus-value existe lors de l’exercice d’un recours
hypothécaire sur l’immeuble faisant l’objet de l’hypothèque.
Il faut toutefois admettre que selon une pratique courante, on mentionne dans l’avis de l’hypothèque que les travaux
exécutés, les prestations ou les matériaux fournis ont conféré à l’immeuble une
plus-value au moins égale au prix du contrat. Il s’agit d’une présomption
établie sous l’ancien régime des privilèges de construction. D’ailleurs, la
Cour d’appel a déjà confirmé que les travaux exécutés ou les matériaux fournis
sont présumés avoir donné à l’immeuble une plus-value égale à la valeur des
travaux exécutés ou des prestations fournies.
Le nouveau régime, comme nous l’avons souligné, permet à l’intervenant en
construction d’avoir droit à une hypothèque légale, même avant l’achèvement des
travaux, sans qu’il soit nécessaire de faire la preuve d’une plus-value à la
date de son inscription.
2632. Enfin, il se
peut que le montant de la créance figurant dans l’avis d’hypothèque inscrit au
Registre foncier soit erroné en raison d’une faute commise par inadvertance ou
autrement. Une telle inexactitude n’est
pas fatale à l’existence de l’hypothèque légale, lorsqu’il s’agit d’une erreur
commise de bonne foi. Dans ce cas, il est possible pour le détenteur de l’hypothèque
légale de construction de rectifier ultérieurement le montant erroné afin que
le montant exact de sa créance apparaisse au Registre foncier.
2633. Il n’est pas
donc nécessaire de mentionner qu’il existe une plus-value et encore moins d’en
déterminer la valeur dans l’avis d’hypothèque légale pour que ce dernier soit
valide. En effet, l’article 2728 C.c.Q. précise que la créance pour laquelle on
inscrit une hypothèque légale de la construction est garantie par la plus-value
donnée à
[Page 997]
l’immeuble. Cette
affirmation législative vaut tout le temps et ne nécessite pas qu’on la
réaffirme.
2634. Aussi, l’article 2727 C.c.Q.,
qui traite du contenu de l’avis d’hypothèque légale, n’exige aucune mention
relative à la plus-value comme condition à sa validité.
De même, l’article 2981 C.c.Q., qui traite de façon générale du contenu de la
réquisition d’inscription sur le Registre foncier, n’exige non plus aucune
mention au sujet de la plus-value. La jurisprudence établie depuis longtemps a
d’ailleurs expressément écarté tout argument à l’effet que la mention de la
plus-value soit un critère de validité d’un avis d’hypothèque légale ou une
condition relative à l’existence ou à la conservation d’une telle hypothèque.
Il suffit que l’avis précise le fait que des travaux ont été exécutés pour un
montant déterminé. Toute interprétation
contraire déborderait donc le texte employé par le législateur : il s’agirait d’un ajout d’une exigence, alors que la réforme du droit du
privilège remplacé par le régime de l’hypothèque légale de la construction
visait à simplifier les recours et à permettre un meilleur accès pour les
intervenants de la construction à leur créance.
Il n’est pas inutile de rappeler que le but d’un avis d’hypothèque légale est d’informer
le propriétaire et les tiers de la nature du droit réel enregistré contre l’immeuble
concerné et de permettre une identification précise de la source de l’hypothèque,
afin d’éviter toute fraude ou confusion.
a) Date de la détermination de la plus-value
2635. Par ailleurs, selon l’article 768 C.p.c., la valeur de la plus-value ne doit être déterminée qu’après la
vente en justice de l’immeuble, et ce, seulement dans le cas où il y a
insuffisance de deniers pour payer
[Page 998]
tous les créanciers
hypothécaires. En effet, la
ventilation de la plus-value ne saurait être déterminée avant que la vente de l’immeuble
ne cristallise le prix. De même, la preuve de
la valeur de la plus-value ne sera pas requise dans le cas où le créancier de
la construction exerce une demande en délaissement forcé pour prise en
paiement.
2636. Suite à l’audition au mérite, le tribunal doit, que l’on soit en
présence d’une demande en délaissement forcé pour prise en paiement de l’immeuble
ou d’une demande en délaissement forcé pour vente sous contrôle de justice,
déterminer le montant de la créance garantie par l’hypothèque légale de
construction. Une telle détermination est nécessaire, même en présence d’une
demande en délaissement pour prise en paiement, puisque le tribunal est obligé
d’accorder au propriétaire de l’immeuble un délai raisonnable (habituellement
de 30 jours) dès l’avis du jugement pour acquitter le montant dû au créancier
de construction et éviter la prise en paiement. Dans le cas d’une demande en
délaissement pour vente sous contrôle de justice, la détermination du montant
de la créance revêt un double intérêt, puisque cette détermination permet, d’une
part, au propriétaire d’acquitter ce montant dans le délai accordé par le
jugement et ainsi éviter la vente de son immeuble sous contrôle de justice et,
d’autre part, en cas de vente postérieurement de l’immeuble, de voir si le prix
de vente est insuffisant, compte tenu de la totalité des créances garanties par
des hypothèques qui grèvent l’immeuble vendu. En effet, ce n’est qu’en cas d’insuffisance
du prix obtenu par la vente que la preuve de la valeur de la plus-value sera
requise.
5) Demande
en radiation de l’hypothèque légale
2637. Le propriétaire peut faire une demande fondée sur l’article 467 C.p.c. afin d’obtenir la radiation d’un
avis d’hypothèque légale de construction au Registre foncier de son immeuble.
Une telle demande ne peut cependant avoir trait qu’à l’illégalité ou à l’irrégularité
de sa publication. Elle ne doit
donner lieu qu’à de courts débats devant la cour, puisqu’il ne s’agit pas d’un
moyen approprié pour débattre de la valeur de la créance de l’entrepreneur
ayant fait les travaux. En effet, comme le
spécifie l’article 3063 C.c.Q., la
radiation d’une inscription ne
[Page 999]
peut être ordonnée que
lorsqu’elle a été consignée sans droit ou irrégulièrement, sur un titre nul ou
informe, ou lorsque le droit inscrit est notamment annulé, résolu, résilié ou
éteint par prescription.
2638. De même,
toute demande en radiation d’un avis d’hypothèque légale au motif que celui-ci
ne contient aucune mention quant à la valeur de la plus-value donnée à l’immeuble
par les travaux doit être rejetée. Le tribunal doit non seulement réserver le
droit du créancier de faire la preuve de l’existence d’une plus-value donnée
par ses prestations à l’immeuble lors de l’audition de la demande en
délaissement, mais il devra également, plus tard, faire la preuve de la valeur
de celle-ci suite à la vente de l’immeuble en justice et lorsque le prix de
vente sera insuffisant pour acquitter l’ensemble des montants dus aux
créanciers détenteurs d’une hypothèque de construction et aux autres créanciers
détenteurs d’une hypothèque conventionnelle.
2639. Le tribunal
peut, exceptionnellement, avant l’audition au mérite d’une demande en
délaissement forcé, réduire le montant de la créance mentionné dans l’avis de l’hypothèque
légale. En effet, le propriétaire de l’immeuble ayant reçu un avis d’hypothèque
légale peut, dans le cadre d’une demande en radiation de l’avis d’hypothèque,
demander subsidiairement la réduction du montant de la créance mentionné dans
cet avis lorsque, selon une preuve évidente, ce montant est erroné. Il en est ainsi
lorsque l’auteur de cet avis d’hypothèque légale admet qu’une partie du montant
de la créance mentionné dans cet avis n’est pas dû ou lorsque le solde de la
créance due est exagéré en tenant compte du prix convenu pour les travaux et du
montant déjà payé par le propriétaire alors que la preuve de ce paiement n’est
pas contestée.
6) Mention relative à la fin des travaux
2640. Afin que l’information
concernant la créance soit complète, l’avis doit également indiquer la source
et les fondements de celle-ci. Ainsi, si cet avis est donné par l’entrepreneur
général, il faut, de plus, mentionner si les travaux sont terminés ou s’ils
sont toujours en cours. Il nous semble que cette mention représente une
information pertinente pour les tiers concernés et peut aussi éviter toute
manipulation postérieure de la preuve. Cependant, la
facturation contenant un avis écrit
[Page 1000]
indiquant la fin des
travaux peut être écartée, car elle ne constitue pas nécessairement une preuve
objective. Il s’agit d’une
question de fait qui doit être évaluée en toute objectivité et conformément à l’état
du chantier. Par contre, il n’est
pas nécessaire de préciser ni la date du début des travaux
ni celle à laquelle ils prennent fin. Dans certains
cas, il sera pertinent d’attribuer la fin des travaux à la date où l’architecte
a signé un certificat attestant la fin des travaux de façon générale.
7) Mentions
relatives à l’avis du sous-traitant
2641. S’il s’agit d’un avis de l’inscription d’une hypothèque légale donné
par un sous-entrepreneur ou un fournisseur de matériaux, il doit contenir,
outre les informations dont nous avons fait état ci-dessus, une mention quant à
la dénonciation du sous-contrat au propriétaire ainsi que la date de cette
dénonciation. Il n’est pas nécessaire de décrire la nature, la qualité ou la
quantité des matériaux fournis par un fournisseur.
Il n’est pas non plus nécessaire de préciser que les matériaux ont été
incorporés dans l’immeuble. Il suffit d’indiquer
qu’il a fourni des matériaux. Quant à l’entrepreneur et au sous-entrepreneur,
il suffit d’indiquer dans leur avis que la créance est née d’un contrat de construction ou de rénovation.
8) Le nom des parties
2642. Bien que l’article 2727 C.c.Q.
ne le mentionne pas, l’avis doit contenir le nom du propriétaire de l’immeuble
ainsi que celui de l’intervenant qui bénéficie de l’hypothèque légale.
Aussi, il convient de préciser que lorsque le propriétaire est insolvable, l’intervenant
en construction ne se trouve pas empêché, par l’article 69 (1) de la Loi sur la faillite et
[Page 1001]
l’insolvabilité, d’inscrire un avis sur l’immeuble concerné, étant donné le fait qu’il s’agit
d’une simple mesure conservatoire. De plus, aux termes de l’article 2991
C.c.Q., l’avis doit être attesté conforme par un avocat ou un notaire. Cette
exigence est requise pour assurer la fiabilité des renseignements figurant au
registre de la publicité foncière. Le rôle du professionnel est de vérifier l’exactitude
de l’identité, de la qualité et de la capacité des parties ainsi que la
validité de l’acte quant à sa forme. Elle est incontournable et le défaut de s’y
conformer rend l’acte nul pour vice de fond.
L’attestation assure donc la validité du fond de l’avis d’hypothèque. Pour ce
qui est de la forme de l’avis, sa conformité est assurée par le respect des
conditions prescrites par le Règlement provisoire sur le Registre foncier.
2643. Dans le cas
de l’inscription d’une hypothèque légale sur l’immeuble faisant l’objet de
travaux alors que le donneur d’ouvrage n’est pas le propriétaire, l’entrepreneur
peut être contraint à sa radiation. Ce dernier peut cependant éviter la radiation en faisant la preuve que le donneur
d’ouvrage a été dûment mandaté par le propriétaire pour conclure le contrat ou
bien que son contractant est le véritable propriétaire de l’immeuble malgré le
fait qu’une autre personne est enregistrée comme propriétaire apparent agissant
ainsi comme prête-nom. L’entrepreneur doit faire la preuve de l’une ou l’autre
de ces situations pour justifier l’inscription de l’hypothèque légale alors qu’il
a conclu le contrat avec une personne qui n’est pas le propriétaire enregistré
de l’immeuble. L’absence d’une telle preuve pourrait engager sa responsabilité
s’il refuse de procéder à la radiation de l’hypothèque qu’il a inscrite.
Cependant, le débat sur l’existence d’une convention de prête-nom et sur l’inopposabilité
du titre de propriété doit avoir lieu dans le cadre d’une demande introductive
d’instance en simulation ou en inopposabilité intentée par le créancier.
Ce débat ne peut se faire dans le cadre d’une demande en radiation de l’avis d’hypothèque
légale de construction.
3. La signification de l’avis de l’hypothèque
au propriétaire de l’immeuble
A. Signification par huissier
2644. Le deuxième
alinéa de l’article 2727 C.c.Q. précise que la deuxième étape nécessaire à l’existence
de l’hypothèque est la signification de l’avis au propriétaire de l’immeuble.
Cette signification doit se
[Page 1002]
faire par huissier,
tel que l’exigent les articles 2727 C.c.Q. et 117 C.p.c. Il s’agit d’une question de preuve. Tout ce qui importe est que l’intervenant
puisse prouver la signification de l’avis au propriétaire.
2645. Une question se pose quant à la validité de la transmission d’une copie
de l’avis d’hypothèque légale par télécopieur au propriétaire de l’immeuble.
Une telle transmission pourrait équivaloir signification en l’absence d’un
préjudice subi par le propriétaire. Cependant, la seule preuve de la
transmission de la copie de l’avis d’hypothèque légale par télécopieur peut
être insuffisante pour exclure le préjudice. L’auteur de l’hypothèque légale
doit aussi faire la preuve que le propriétaire en a pris connaissance en temps
opportun et qu’il avait la possibilité de réagir immédiatement et de prendre
les mesures ou les moyens appropriés pour contester le droit à cet avis ou sa
validité.
2646. Avant l’entrée
en vigueur du nouveau Code de procédure civile, la Cour du Québec avait
déjà décidé que la signification au propriétaire devait être faite par
huissier, à moins qu’une partie n’ait été autorisée par le tribunal à faire la
signification d’une manière différente. La Cour avait
alors ordonné la radiation de l’hypothèque légale qui fut signifiée par
télécopieur. Elle a fondé sa décision sur l’article 2727
C.c.Q., qui utilise le mot « signification » plutôt
que « notification ». L’article 116 C.p.c., entré en vigueur le 1er janvier 2016, va dans le même sens que l’article 2727 C.c.Q. Ainsi, la signification par
télécopieur n’est pas valide et peut entraîner la radiation de l’hypothèque
légale de la construction.
2647. Le même
raisonnement s’applique au préavis d’exercice d’un recours hypothécaire. Ainsi,
il est important, pour le détenteur de l’hypothèque légale qui rencontre de la
difficulté lors de la signification du préavis d’exercice d’un droit
hypothécaire, de se servir de l’article 112 C.p.c. afin d’obtenir une
ordonnance permettant de faire la signification aux personnes concernées par un
mode spécial et ainsi de remplir la condition de la validité du préavis.
B. Délai de l’inscription et de la
signification de l’avis d’hypothèque
2648. L’article 2727 C.c.Q. omet
de préciser le délai à l’intérieur duquel cette signification doit être faite.
Il importe cependant de faire la distinction entre l’inscription d’un avis d’hypothèque
légale et la
[Page 1003]
signification de cet
avis au propriétaire. Le délai de l’inscription de l’avis d’hypothèque légale
de la construction est de rigueur, de sorte que celle-ci doit se faire dans les
30 jours de la fin des travaux. Le dépôt de l’avis d’hypothèque légale au
bureau de la publicité des droits relatifs au Registre foncier du Québec dans
les 30 jours pourra toutefois remplir la condition requise par la loi
relativement au respect de ce délai. Le fait que l’avis de l’hypothèque ait été
enregistré au Registre foncier du Québec le lendemain de l’expiration du délai
de 30 jours ne doit pas être considéré comme un défaut de non-conformité
pouvant justifier la radiation de
l’hypothèque légale. Il est évident que le bureau de la publicité des droits
relatifs au Registre foncier du Québec reçoit un nombre important de dossiers à
traiter et que les personnes en charge n’arrivent pas nécessairement à procéder
à l’inscription de l’avis d’hypothèque légale le jour même du dépôt de
celui-ci. Un tel retard ne doit pas être imputé à une négligence de la part du
créancier détenteur du droit à l’hypothèque légale. Au contraire, il s’agit d’un
retard administratif qui ne doit pas affecter la validité de l’avis de l’hypothèque
légale.
2649. L’avis d’hypothèque,
une fois publié au Registre foncier du Québec, doit être signifié au
propriétaire de l’immeuble. Bien qu’en principe, cette signification doit être
faite dans les 30 jours de la fin des travaux, le fait d’être en dehors de ce
délai ne constitue pas une irrégularité pouvant mettre en question la validité
de l’hypothèque légale. En effet, la signification de l’avis d’hypothèque au
propriétaire doit se faire après son inscription au Registre foncier du Québec.
Il arrive souvent que cette publicité ait lieu dans ce délai, mais la
signification peut être difficile à
faire, voire impossible à l’intérieur de ce même délai. Ainsi, une
signification de l’inscription de l’avis d’hypothèque légale, dans un délai
raisonnable, doit être considérée conforme aux exigences de la loi. Rappelons
que l’avis d’hypothèque légale doit être signifié avec une copie du certificat
émis par l’officier du Registre foncier du Québec attestant l’inscription de
cet avis d’hypothèque, ce qui oblige l’auteur de l’hypothèque légale à attendre
pour recevoir cette attestation avant de signifier son avis au propriétaire. En
conséquence, un retard de quelques jours dans la signification de l’avis d’hypothèque
au propriétaire de l’immeuble peut être justifié.
2650. Il importe à
ce sujet de faire une distinction entre l’avis d’hypothèque légale de la
construction et le préavis d’exercice d’un droit hypothécaire. Contrairement à
l’avis d’hypothèque, le préavis doit être signifié au propriétaire avant son
inscription au Registre foncier. Ce préavis, bien qu’il soit une formalité
requise pour conserver le droit à l’hypothèque légale de la construction,
constitue en réalité une mise en demeure que la loi impose au créancier pour
donner une dernière chance
[Page 1004]
au propriétaire de
payer le montant de la créance avec les intérêts et les frais dans le délai de
60 jours, et ainsi éviter la procédure en délaissement forcé, ou de laisser l’immeuble
volontairement à l’intérieur de ce délai et ainsi permettre au créancier
hypothécaire sa prise en paiement ou sa vente sous contrôle de la justice.
2651. Il ne suffit
cependant pas d’invoquer une signification de l’inscription de l’avis d’hypothèque
légale en dehors de 30 jours. Le propriétaire qui prétend à l’irrégularité de l’avis
d’hypothèque légale et qui veut faire invalider celui-ci devant les tribunaux,
au motif qu’il y a un retard dans sa signification, doit, de plus, faire la
preuve d’un préjudice causé par ce retard. En l’absence d’une preuve d’un
préjudice résultant de ce retard dans la signification, la demande en radiation
de l’avis d’hypothèque, pour ce seul motif, devra être rejetée. Dans le cas d’un
sous-traitant, la preuve du préjudice peut se faire par la démonstration que n’eût
été ce retard, le propriétaire aurait pu, avant de payer l’entrepreneur,
retenir à même le prix du contrat, un montant suffisant pour acquitter le
montant réclamé par le créancier auteur de l’hypothèque légale. Pour que le
tribunal prenne cette preuve en considération et attribue le préjudice au
retard dans la signification de l’avis d’hypothèque légale, le propriétaire
doit également établir en preuve qu’il avait des motifs sérieux et valables
permettant de croire que ce créancier de construction n’avait plus d’intérêt
dans l’avis de dénonciation de son contrat avec l’entrepreneur et qu’il y avait
absence de suivi de sa part auprès du propriétaire suite à la réception par ce
dernier de la dénonciation de son contrat.
2652. Il appert de
l’absence d’un délai précis à l’intérieur duquel la signification doit être faite
que celle-ci peut se faire en tout temps après l’inscription de l’avis d’hypothèque.
Tel que la disposition est formulée, il est difficile de déduire une intention
du législateur d’imposer à l’intervenant la charge de signifier l’avis au
propriétaire dans les 30 jours de la fin des travaux.
Par contre, le délai entre l’acte d’inscription et l’acte de signification doit
être raisonnable. L’entrepreneur ne
doit pas retarder indûment l’acte de signification de l’avis. Si tel est le
cas, le défaut d’avoir signifié l’avis au propriétaire dans un délai
déraisonnable peut éteindre le droit à l’hypothèque. Par contre, si le retard
est justifié
[Page 1005]
par une cause
valable et qu’aucun préjudice n’est
causé au propriétaire
de l’immeuble, il ne doit pas être fatal à l’existence de l’hypothèque légale.
À titre d’exemple, le retard causé par l’horaire inflexible d’un huissier, par
un retard dans le service postal ou par des négociations entre l’entrepreneur
général et le sous-traitant auteur de l’avis d’hypothèque légale, constitue un
motif valable justifiant le retard dans la signification de l’avis d’inscription
d’hypothèque légale au propriétaire de l’immeuble.
C. La nécessité de signification de l’avis
2653. Il reste à savoir si la signification de l’avis est une condition de validité de l’hypothèque légale.
Depuis toujours, cette question suscite une controverse au sein de la doctrine
et de la jurisprudence. Certains croient qu’il ne s’agit que d’une formalité à
remplir pour accommoder le propriétaire de l’immeuble, qui doit nécessairement
être au courant de l’inscription de l’hypothèque,
et que l’omission de signifier l’avis au propriétaire n’est pas fatale au droit
hypothécaire. D’autres pensent
plutôt qu’il s’agit d’une réelle condition, essentielle à l’existence du droit
à l’hypothèque légale. À notre avis, bien qu’il
puisse vérifier aisément le Registre foncier, le propriétaire doit être averti
en bonne et due forme qu’une hypothèque légale a été inscrite sur un lot lui
appartenant. L’intervenant doit, pour conserver son droit à l’hypothèque
légale, prévenir le propriétaire de l’avis inscrit au Registre foncier. La
signification est donc une condition essentielle à l’existence d’un droit
hypothécaire.
2654. La
jurisprudence rendue en la matière depuis l’entrée en vigueur du Code civil
du Québec, a adopté la position majoritaire qui prévalait sous le Code
civil du Bas-Canada. En effet, le
législateur a
[Page 1006]
apporté des changements
au délai prévu pour l’inscription de l’avis d’hypothèque légale de la
construction, il n’a certainement pas oublié de retirer de l’article 2727
C.c.Q. l’exigence de signifier cet avis au propriétaire de l’immeuble. La
signification demeure donc une règle de forme prévue et exigée par la loi. Bien
que la consultation du Registre foncier soit plus accessible qu’auparavant, le
législateur n’impose pas une telle obligation de consultation du Registre
foncier au propriétaire. Il serait paradoxal de substituer au droit à la
réception de la signification d’un avis d’hypothèque légale une obligation pour
son détenteur de consulter le Registre foncier. On ne peut pas, non plus,
prévoir deux règles de droit différentes selon l’utilité pour le propriétaire
de recevoir cette signification ou l’absence d’utilité relative à cet avis. Si
l’on compare cette formalité avec une autre formalité semblable, soit la
dénonciation du contrat d’un sous-traitant n’ayant pas contracté directement
avec le propriétaire, celle-ci est toujours obligatoire, et non uniquement dans
les cas où le propriétaire ignore l’existence du sous-contrat.
2655. Enfin, on
peut considérer la signification comme étant issue d’une disposition d’ordre
public de protection : une réception tardive entraînant un préjudice causé
au propriétaire ou une absence de cette signification auront pour effet d’invalider
l’avis d’hypothèque légale, pour irrégularité dans son inscription.
Exceptionnellement, le tribunal peut
juger que l’absence de signification de l’avis d’hypothèque légale ne permet
pas la radiation de l’hypothèque légale lorsque le propriétaire de l’immeuble n’a
prouvé aucun préjudice subi. Il en est ainsi lorsque le délai entre la
publication de l’avis et le délai de la demande en radiation
était tellement court que le propriétaire n’a pu subir aucun
préjudice. Il convient également
de préciser que la signification du préavis d’exercice d’un droit hypothécaire
ne modifie en rien cette exigence de signifier, tout d’abord, l’avis d’hypothèque
légale. La signification, plus tard, d’un préavis d’exercice d’un droit
hypothécaire ne sera pas suffisante pour remédier à l’irrégularité résultant du
défaut de signifier l’avis d’hypothèque légale qui sera considéré comme étant
invalide.
2656. Il importe de
noter qu’en cas de copropriété, le sous-traitant doit dénoncer son contrat à
tous les propriétaires afin qu’il puisse avoir droit à l’hypothèque légale de
la construction. Dans le cas d’une dénonciation à un seul copropriétaire, le
sous-traitant ayant conclu un contrat avec l’entrepreneur général pourra voir
son hypothèque invalidée à la
[Page 1007]
demande du
copropriétaire qui n’a pas reçu une copie de la dénonciation. En effet, étant
donné l’absence d’un contrat entre les copropriétaires de l’immeuble et le
sous-traitant, celui-ci ne peut réclamer le prix à ces derniers. L’absence de
contrat exclut aussi la présomption quant à l’existence d’une représentation
mutuelle entre les copropriétaires, et ce, même si le contrat intervenu entre
eux et l’entrepreneur général est un contrat d’entreprise au sens de l’article
1525 alinéa 3 C.c.Q. Conséquemment, la réception d’une dénonciation du contrat
par l’un des copropriétaires de l’immeuble ne produit pas ses effets à l’égard
de l’autre copropriétaire.
2657. Le
propriétaire de l’immeuble, qui n’est pas intervenu dans le contrat conclu par
le sous-traitant avec l’entrepreneur général, est un tiers par rapport à ce
contrat et il ne pourra être tenu au paiement du prix convenu entre ces
derniers. L’hypothèque légale prévue en faveur des sous-traitants de l’entrepreneur
n’aura pas pour effet de rendre le propriétaire débiteur de la dette de ce
dernier. L’article 2727 C.c.Q.
exige, comme condition à la naissance et à l’existence d’une hypothèque légale
en faveur des sous-traitants, une dénonciation devant être signifiée au
propriétaire ou à son représentant dûment autorisé, avant même le début des
travaux. Cette condition doit être remplie à l’égard de tous les
copropriétaires.
D. Personne à être signifiée
2658. L’article
2727 C.c.Q. prescrit que la signification de l’avis doit être faite au
propriétaire de l’immeuble. De quel propriétaire s’agit-il ? Est-ce le
propriétaire inscrit au Registre foncier au moment de l’inscription de l’avis d’hypothèque
ou le propriétaire de l’immeuble ayant conclu le contrat d’entreprise avec l’entrepreneur
général ? Il nous semble que l’expression « propriétaire de l’immeuble »
signifie le propriétaire au moment de l’inscription de l’avis.
1) Droits et recours du nouveau
propriétaire
2659. Mais, quels
sont les droits du nouveau propriétaire de l’immeuble qui voit son nouvel
immeuble grevé d’une hypothèque légale alors qu’il n’était pas au courant d’une
telle possibilité lors de son achat ? Dans le cas où ce dernier n’était
pas informé de l’existence d’une hypothèque légale en faveur de l’intervenant
en construction, il dispose d’un recours en garantie du droit de propriété
prévu par les articles 1723 à
[Page 1008]
1725 C.c.Q. En effet, l’inscription de l’hypothèque
légale constitue un vice du titre de propriété pouvant faire perdre l’immeuble
à l’acheteur. Ce dernier peut alors soit intenter une action en résolution de
la vente pour vice de titre, soit intenter une action en réduction du prix de
vente pour le montant correspondant au montant de l’hypothèque inscrite.
2660. Il peut
également intenter une demande introductive d’instance pour forcer le vendeur
soit à désintéresser le créancier qui a inscrit une hypothèque légale, soit à
faire une demande en radiation d’hypothèque advenant le cas où cette hypothèque
a été publiée illégalement. De plus, il peut intenter une action en annulation
de la vente pour cause de dol lorsqu’il n’a pas été informé de l’existence d’une
créance en faveur d’un constructeur et ainsi que de la possibilité que l’immeuble
puisse être grevé d’une hypothèque légale. L’exercice de l’un ou l’autre de ces
recours à l’encontre du vendeur de mauvaise foi peut être accompagné d’une
demande en dommages-intérêts.
2) Ancien propriétaire ayant commandé les
travaux
2661. Une autre
question peut être soulevée : est-il nécessaire de signifier l’avis de l’inscription
de l’hypothèque légale à l’ancien propriétaire de l’immeuble qui a commandé les
travaux de construction ou de rénovation ? L’article 2727 C.c.Q. n’exige
que la signification de l’avis au propriétaire de l’immeuble et non au débiteur
de la créance faisant l’objet de l’avis de l’hypothèque. En effet, qu’il y ait
un changement de propriétaire ou non, le débiteur de la créance des
intervenants en construction peut être une personne autre que le propriétaire
de l’immeuble, tel que l’entrepreneur général qui a conclu un contrat de
sous-traitance ou un locataire autorisé à faire exécuter les travaux par le
propriétaire de l’immeuble. Ainsi, le
sous-traitant qui inscrit un avis d’hypothèque légale doit signifier son avis
au propriétaire de l’immeuble, bien que son débiteur soit l’entrepreneur
général. L’article 2727 C.c.Q. n’exige pas la signification de l’avis d’hypothèque
au débiteur de la créance, mais au propriétaire de l’immeuble, car celui-ci
sera la personne concernée plus tard par l’avis de l’exercice d’un droit
hypothécaire ainsi que par la demande en délaissement.
2662. Le
propriétaire de l’immeuble qui reçoit signification d’un avis d’hypothèque
légale, alors qu’il n’est pas débiteur de la créance, n’est pas obligé d’entamer
immédiatement les procédures appropriées
[Page 1009]
pour faire radier l’hypothèque
légale inscrite sur son immeuble. Il peut se contenter d’avertir son vendeur de
cette inscription et ainsi le mettre en demeure de remédier à la situation
(art. 1738 C.c.Q.). Par contre,
advenant la réception d’une demande en délaissement intentée par le créancier
détenant une hypothèque légale, le nouveau propriétaire peut appeler le vendeur
en garantie pour qu’il prenne fait et cause de l’action dirigée contre son
immeuble. Rappelons que cet appel en garantie n’exige pas la permission
préalable de la Cour à moins que le demandeur en garantie ne cherche à obtenir
la suspension des procédures pour faire appeler son vendeur en garantie.
Dans ce dernier cas seulement, le nouveau propriétaire doit faire une demande
pour suspendre les procédures afin d’avoir un délai raisonnable pour faire
intervenir son vendeur dans la procédure principale.
2663. Le nouveau propriétaire a intérêt à faire intervenir le vendeur de l’immeuble
en garantie pour que celui-ci puisse faire valoir tous ses moyens légaux à l’encontre
du créancier détenteur de l’hypothèque légale. En effet, son vendeur est le
mieux placé pour se défendre à l’occasion d’une demande en délaissement. Le
nouveau propriétaire qui ne fait pas intervenir le vendeur dans la procédure
risque de voir son recours récursoire contre ce dernier rejeté si celui-ci
réussit à prouver qu’il avait des moyens valables pour faire rejeter la demande
en délaissement et ainsi faire radier l’hypothèque, mais qu’il n’a pas eu la
chance de le faire valoir puisque le propriétaire ne l’a pas fait intervenir en
temps opportun dans les procédures intentées contre son immeuble. Il en est de
même lorsque l’hypothèque légale est inscrite par un sous-traitant ayant
contracté avec l’entrepreneur. Le propriétaire de l’immeuble peut appeler en
garantie l’entrepreneur pour faire rejeter la demande en délaissement du
sous-traitant et à défaut de lui faire obtenir une condamnation de l’entrepreneur
à lui payer le montant et les frais engagés en rapport avec cette procédure.
3) Mandataire
du propriétaire
2664. Enfin, la signification de l’avis faite au mandataire du propriétaire
vaut au même titre que celle faite directement à ce dernier.
[Page 1010]
Ainsi, les
copropriétaires d’un immeuble en copropriété divise peuvent désigner un
mandataire autorisé pour regrouper leurs recours en une seule instance.
Cependant, si les copropriétaires n’ont désigné aucun mandataire autorisé, le
président du syndicat des copropriétaires est le représentant du syndicat, mais
il n’est ni le représentant ni le mandataire des copropriétaires. En effet, le
syndicat n’est propriétaire ni des parties privatives ni des parties communes
de l’immeuble. La signification de l’avis d’hypothèque légale ne concerne donc
pas la collectivité des copropriétaires, mais plutôt chaque copropriétaire qui
détient individuellement le droit de propriété concernant cet immeuble.
Conséquemment, la signification de l’avis d’hypothèque légale faite au syndicat
des copropriétaires ou à son président ne sera pas valide et pourra entraîner
la radiation de cet avis.
4. L’inscription
d’une action ou d’un préavis : formalité
de conservation
2665. Une fois l’inscription de l’avis de l’hypothèque légale faite et sa
signification au propriétaire de l’immeuble effectuée, l’existence de l’hypothèque
est assurée pendant un délai de six mois. Avant l’expiration de ce délai, l’intervenant
doit avoir publié une action personnelle qu’il a intentée contre le
propriétaire de l’immeuble ou inscrire un préavis d’exercice d’un droit
hypothécaire. Il s’agit d’une condition essentielle à la conservation du droit
à l’hypothèque légale de la construction. Le défaut de procéder à cette
formalité a pour effet de faire perdre à l’intervenant le droit d’invoquer son
hypothèque légale.
A. Délai de six mois de la fin des
travaux ou de l’inscription de l’hypothèque
2666. Le troisième alinéa de l’article 2727 C.c.Q. affirme que l’inscription d’une action ou d’un préavis d’exercice
d’un droit hypothécaire doit être faite dans les six mois de la fin des
travaux, à défaut de quoi le droit à l’hypothèque légale s’éteint.
Parallèlement, l’article 3061 C.c.Q.
affirme que l’inscription de l’avis d’une hypothèque légale peut être
[Page 1011]
radiée, une fois que le
délai de six mois est expiré, à compter de la fin des travaux ou de l’inscription
de l’avis d’hypothèque, selon la dernière éventualité, si aucune formalité de
conservation n’a été accomplie. La lecture conjointe de ces deux articles peut
mener à un résultat contradictoire étant donné que l’inscription de l’avis d’hypothèque
ne se fait pas nécessairement après la fin des travaux. Par conséquent, une
lecture de l’article 3061 C.c.Q. pourrait conduire à l’idée qu’un intervenant
qui inscrit son hypothèque peu de temps après l’ouverture du chantier pourrait
voir radier son hypothèque six mois plus tard, même avant la fin des travaux.
Une telle interprétation mènerait à un résultat absurde et causerait un
mouvement excessif d’institution des actions hypothécaires ou d’inscription des
préavis d’exercice d’un droit hypothécaire de façon prématurée et inutile par
les intervenants en construction.
2667. Il serait
impensable que le législateur ait voulu imposer à l’intervenant la charge d’instituer
son action contre le propriétaire tant que le délai de six mois de la fin des
travaux n’est pas expiré. C’est à ce titre que nous insistons sur le fait que l’article
3061 C.c.Q. doit être interprété de manière à ce que la radiation de l’inscription
de l’avis d’hypothèque légale ne soit accordée que s’il s’est écoulé six mois depuis
le dernier événement à se produire, à savoir l’inscription de l’avis de l’hypothèque
légale ou de la fin des travaux. La radiation d’une inscription sera donc
accordée à l’expiration d’un délai de six mois de la fin des travaux lorsque l’avis
de l’inscription de l’avis d’hypothèque est publié avant la fin des travaux.
Par contre, la demande en radiation sera accordée à l’expiration d’un délai de
six mois après l’inscription de l’avis d’hypothèque légale lorsque cette
inscription a été faite dans les 30 jours de la fin des travaux. Enfin, il
convient de préciser que le délai de six mois prévu à l’article 2727 C.c.Q. n’est
pas un délai de prescription, et les règles de suspension de la prescription ne
lui sont donc pas applicables. Il s’agit plutôt d’un délai d’exercice de
formalités.
B. Action intentée contre le
propriétaire
2668. Il importe de
préciser que l’action dont parle le législateur à l’article 2727 alinéa 3
C.c.Q. est une action personnelle devant être intentée contre le propriétaire
de l’immeuble et qui vise la réalisation de la créance garantie par l’hypothèque
légale. Ainsi, une demande signifiée à ce dernier en vertu de l’article 467
C.p.c. pour faire reconnaître par la Cour le droit à l’inscription de l’hypothèque
légale de la construction, ne
[Page 1012]
remplit pas la
condition requise par l’article 2727 C.c.Q. à moins qu’il s’agisse d’une
demande accessoire à une demande principale en nullité. Notons à cet effet qu’il
n’est pas possible de demander la radiation de l’inscription d’une hypothèque
légale en vertu de la disposition prévue à l’article 467 C.p.c. sauf dans des
cas exceptionnels, notamment lorsque le droit à l’hypothèque légale a été
annulé ou éteint de manière évidente et incontestable
ou bien lorsque l’auteur de l’inscription de l’hypothèque légale de
construction avait déjà renoncé valablement à son droit à l’hypothèque légale.
2669. Tout intéressé
peut demander la radiation de l’inscription d’un préavis d’exercice ou d’une
action intentée contre le propriétaire faite hors délai et sans droit.
Cependant, malgré la perte de son droit à l’hypothèque légale, le créancier
détient toujours une créance dont le propriétaire ou l’entrepreneur général est
toujours débiteur personnel. En d’autres termes, bien qu’il ne soit plus
créancier hypothécaire, l’intervenant en construction détient tout de même les
droits d’un créancier chirographaire.
2670. L’action dont
il est question à l’article 2727 C.c.Q. peut-être aussi celle prévue à l’article
2735 C.c.Q. qui vise la reconnaissance de l’hypothèque légale de la
construction et interrompt le délai de prescription. Cette action est nécessaire pour la conservation de l’hypothèque légale
d’un intervenant dont la créance ne deviendra pas exigible dans les six mois
qui suivent la fin des travaux en raison du terme accordé au propriétaire pour
le paiement de sa créance. Le fait que le propriétaire dispose d’un délai pour
acquitter sa dette à l’entrepreneur empêche celui-ci de donner un préavis d’exercice
d’un droit hypothécaire étant donné qu’un tel préavis exige le défaut du
propriétaire de payer les montants dus à l’entrepreneur. Dans ce cas, le
préavis d’exercice d’un droit hypothécaire ne peut être ni donné ni publié dans
les six mois de la fin des travaux lorsque la créance de l’entrepreneur n’est
pas exigible.
[Page 1013]
2671. La
disposition particulière contenue à l’article 2735 C.c.Q. prévoit donc la possibilité
pour l’entrepreneur de conserver son hypothèque légale et d’éviter son
extinction en intentant une action en reconnaissance d’hypothèque. Par cette action, l’entrepreneur cherche à obtenir un
jugement déclaratoire qui reconnaît la validité de l’hypothèque légale qui
grève l’immeuble construit ou rénové. L’entrepreneur ne cherche pas, par cette
action, à réaliser sa créance par l’obtention d’une condamnation du
propriétaire à payer une somme d’argent ni une ordonnance contre ce dernier de
délaisser l’immeuble grevé de l’hypothèque, mais tout simplement à faire
reconnaître par le tribunal l’existence et la validité de son hypothèque
légale.
2672. Le
propriétaire qui reçoit signification de l’action en reconnaissance
d’hypothèque doit faire valoir tous ses moyens légaux pour
faire rejeter cette action et ainsi invalider l’hypothèque de ce dernier. En
effet, une fois que la Cour déclare l’immeuble hypothéqué en faveur de l’entrepreneur,
le jugement aura force de chose jugée et le propriétaire ne pourra plus mettre
en question ni l’existence de l’hypothèque légale, ni sa validité. Une fois que
la créance est devenue exigible, le détenteur de l’hypothèque légale n’aura qu’à
intenter une action qui détermine le montant de la créance lorsque celle-ci n’est
pas liquidée ou que son montant est litigieux et ainsi obtenir une condamnation
du propriétaire à payer le montant de la créance ou à délaisser l’immeuble, qui
sera vendu sous contrôle de la justice ou pris en paiement s’il n’acquitte pas
le montant auquel il est condamné dans le délai imparti par le jugement.
2673. Il en est de
même lorsqu’il s’agit d’un fournisseur de matériaux ou d’un sous-entrepreneur
ayant contracté directement avec le propriétaire. Dans le cas où un terme a été
accordé à ce dernier pour le paiement de la créance, les fournisseurs de
matériaux et les sous-entrepreneurs peuvent également intenter une action en
reconnaissance d’hypothèque (art. 2735 C.c.Q.) afin d’éviter l’extinction de l’hypothèque
après six mois de la fin des travaux ou de son inscription.
2674. Quant aux
sous-traitants qui n’ont pas contracté directement avec le propriétaire, mais
qui ont dénoncé à celui-ci leur contrat et inscrit une hypothèque légale dans
les 30 jours de la fin des travaux, ils ne disposent d’aucun recours personnel
contre le propriétaire. Leur débiteur est en
effet l’entrepreneur général avec qui ils ont contracté. Toute action en
paiement doit être dirigée contre leur débiteur personnel et non contre le
propriétaire de l’immeuble. Ils disposent,
[Page 1014]
cependant, d’un recours
hypothécaire à l’encontre de l’immeuble ayant fait l’objet de leurs travaux et
grevé de leur hypothèque. Ils doivent mettre le propriétaire en cause afin de
lui rendre tout jugement opposable et plus particulièrement l’ordonnance de
délaissement pour prise en paiement de l’immeuble ou pour sa vente sous
contrôle de la justice.
2675. Le recours
hypothécaire des sous-traitants doit être précédé d’un préavis d’exercice d’un
droit hypothécaire. Ce préavis ne peut être valide ni conforme aux
prescriptions de la loi qu’en cas de défaut du débiteur principal d’acquitter
la dette ou de payer la créance garantie par l’hypothèque légale. Lorsque le
sous-traitant a déjà donné un délai de paiement à son cocontractant, débiteur
personnel de la dette, la créance ne peut être exigible qu’à l’expiration de ce
délai, ce qui empêche nécessairement le sous-traitant d’exercer ses recours
hypothécaires à l’encontre de l’immeuble. Dans cette situation, afin d’éviter l’extinction
de son hypothèque à l’expiration du délai de six mois de la fin des travaux, le
sous-traitant peut se prévaloir de la disposition de l’article 2735 C.c.Q. et
ainsi intenter une action en reconnaissance d’hypothèque.
2676. Dans le cas d’une
action en reconnaissance d’hypothèque intentée par le sous-traitant, le
débiteur du sous-traitant peut-il être poursuivi également ? Il nous
semble que le sous-traitant n’est pas tenu de poursuivre aussi son débiteur, l’entrepreneur,
puisqu’il s’agit d’une action en reconnaissance d’hypothèque et non d’une
action en paiement. Le propriétaire a cependant intérêt à appeler ce dernier en
garantie afin qu’il fasse rejeter la demande du sous-traitant et même faire
radier son hypothèque. En effet, l’entrepreneur peut être mieux placé pour
faire valoir des moyens permettant de rejeter l’action du sous-traitant, tels
que le paiement de la créance, l’irrégularité de l’inscription de l’hypothèque
(inscription hors délai), la renonciation au droit à l’hypothèque, etc. Le
propriétaire qui ne fait pas intervenir l’entrepreneur dans une action en
reconnaissance d’hypothèque, alors que celui-ci avait à sa disposition des moyens valables pour radier l’inscription
de l’hypothèque du sous-traitant, risque de perdre tout recours plus tard à l’encontre
de l’entrepreneur. En effet, le défaut de permettre à l’entrepreneur d’intervenir
en temps et lieu pour faire rejeter l’action du sous-traitant alors qu’il avait
des moyens valables de le faire constitue une fin de non-recevoir à tout
recours postérieur du propriétaire à l’encontre de l’entrepreneur. Toutefois,
le propriétaire peut toujours réclamer à ce dernier toute somme due au
sous-traitant, mais demeurée impayée par l’entrepreneur. Il ne faut pas
permettre à ce dernier de s’enrichir injustement pour le seul motif que le
propriétaire a fait défaut de le faire intervenir dans les procédures entamées
par le sous-traitant.
[Page 1015]
2677. Toute action
portant sur un droit réel concernant un immeuble peut faire l’objet d’une
publicité au Registre foncier. Cet enregistrement peut se faire par la
signification d’une copie de la procédure à l’officier du registre de la
publicité foncière concerné. Ce dernier doit être mis en cause. Pour ce faire,
les règles relatives à la forme en matière de publicité doivent être respectées
(art. 2966 C.c.Q.).
2678. Ainsi, l’intervenant
qui a contracté directement avec le propriétaire de l’immeuble, au lieu d’intenter
une action en reconnaissance d’hypothèque prévue à l’article 2735 C.c.Q., peut
intenter une action visant à réaliser sa créance. Celle-ci peut être une
demande en délaissement forcé pour prise en paiement ou une demande en
délaissement forcé pour vente sous contrôle de justice. Dans les deux cas, l’officier
du registre de la publicité foncière doit être mis en cause afin qu’il procède
à l’inscription de la demande introductive d’instance au Registre foncier pour
conserver son hypothèque légale. L’inscription de cette action produit le même
effet que celui produit par l’inscription d’un préavis d’exercice d’un droit
hypothécaire. Il va de soi qu’une action en reconnaissance d’hypothèque sera
alors inutile.
C. Préavis d’exercice d’un droit
hypothécaire
2679. Seul l’entrepreneur
qui dispose d’une créance liquide et exigible (art. 2748 al. 2 C.c.Q.) dans les
six mois de la fin des travaux peut inscrire un préavis d’exercice d’un droit
hypothécaire (art. 2757 et suiv. C.c.Q.) afin de conserver son droit à l’hypothèque
légale (art. 2727 C.c.Q.). En l’absence d’une créance liquide et exigible, il
est impossible d’inscrire un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire. L’intervenant
doit alors intenter une action en reconnaissance d’hypothèque (art. 2735
C.c.Q.) afin que son droit hypothécaire puisse être conservé. Il importe
cependant de souligner qu’une créance liquide ne signifie pas une créance
litigieuse. Le montant réclamé à titre de créance est souvent contesté par le
client, même s’il est indiqué dans un document dûment préparé et signé par les
parties. La créance n’est pas liquide lorsque les coûts des travaux n’ont pas
fait l’objet des négociations entre les parties avant leur exécution. En effet,
les parties peuvent s’entendre sur la nature des travaux à exécuter ou sur les
matériaux à fournir ainsi que sur les modalités selon lesquelles le prix sera
déterminé. À défaut de s’entendre sur ce prix, le montant devra être déterminé
par la Cour.
2680. Le préavis d’exercice
d’un droit hypothécaire offre la possibilité au propriétaire de l’immeuble de
remédier au défaut avant que le recours hypothécaire ne soit intenté contre son
immeuble. Ce délai prévu légalement est de 60 jours ou de 10 jours, lorsque le
recours choisi
[Page 1016]
est une prise de possession pour fins d’administration (art. 2758 al. 2 C.c.Q.). Il nous
semble qu’une créance exigible, dont le montant est litigieux, peut faire l’objet
d’un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire. Le créancier peut, dans le
cadre de son recours hypothécaire, demander à la Cour de constater le montant
de sa créance et ainsi condamner le débiteur à le payer dans un délai
raisonnable et, à défaut de le faire, d’ordonner au propriétaire de délaisser l’immeuble
pour être pris en paiement ou vendu sous contrôle de la justice. Même lorsque
le débiteur du créancier est l’entrepreneur général, une telle demande peut
être formulée dans la demande en délaissement dont le propriétaire sera mis en
cause. Celui-ci aura l’opportunité de faire le paiement à la place de l’entrepreneur
et ainsi, d’éviter la perte de son immeuble.
2681. Le préavis d’exercice d’un droit hypothécaire est publié avec la preuve
de sa signification au débiteur, au propriétaire de l’immeuble et à toute autre
personne contre qui il entend exercer ses droits (art. 2757
C.c.Q.). Toute signification faite au représentant du
propriétaire est valable au même titre que celle faite directement à celui-ci.
Le défaut de procéder à une telle signification entraîne la nullité du préavis
et, par conséquent, de toutes procédures dont le préavis est l’étape préalable.
2682. L’irrégularité
ou le manquement à l’obligation de la signification du préavis d’exercice d’un droit hypothécaire peut, dans certains cas, être fatal. Notons que le
détenteur d’une hypothèque légale de construction peut toujours remédier au
défaut de signification du préavis d’exercice d’un droit hypothécaire par la
signification d’un nouveau préavis, à condition qu’il soit toujours à l’intérieur
du délai de six mois prévu à l’article 2728 C.c.Q. Par contre, si ce délai est
déjà écoulé alors que le préavis d’exercice d’un droit hypothécaire n’a pas été
dûment signifié, ce préavis non seulement sera déclaré invalide par la Cour,
mais le recours exercé en conformité avec ce préavis peut être rejeté. En un
tel cas, le détenteur de l’hypothèque légale de construction ne peut plus
signifier un nouveau préavis étant donné l’expiration du délai de six mois
prévu pour la conservation de son hypothèque.
2683. Il est
possible que celui contre qui le recours est intenté ait renoncé au droit de
recevoir signification du préavis d’exercice du droit hypothécaire. Cependant,
les articles 2757 et suivants du Code civil du
[Page 1017]
Québec étant d’ordre public, la renonciation ne peut avoir lieu avant que le
droit d’être signifié ne naisse.
2684. L’article
2757 C.c.Q. n’exige la signification qu’au « débiteur, [au] constituant ou
[à] toute personne contre qui il entend exercer son recours » et non aux
autres intéressés, tels que les autres créanciers hypothécaires.
Le défaut de signifier le préavis à ces derniers n’entraîne donc pas la nullité
du préavis. D’ailleurs, le législateur a laissé à l’officier de la publicité
des droits le soin de notifier à tous les créanciers hypothécaires l’inscription
du préavis (art. 3017 C.c.Q.). En revanche, bien que ce ne soit pas un motif de
nullité du préavis, le défaut de signifier le préavis d’exercice à la caution
du débiteur ou au codébiteur de la dette peut engager la responsabilité du
créancier qui exerce son recours hypothécaire. En effet, une telle omission
constitue un manquement à son obligation de renseigner le codébiteur ou la caution des démarches entamées par le créancier
à l’encontre de son débiteur principal.
1) Le contenu du préavis
2685. L’article
2758 C.c.Q. précise tous les éléments qui doivent apparaître dans le préavis d’exercice
du droit hypothécaire. À ce titre, le Code civil du Québec se montre
beaucoup plus exigeant qu’en ce qui concerne l’avis d’hypothèque qui doit être
inscrit dans les 30 jours de la fin des travaux (art. 2727 al. 2 C.c.Q.).
Premièrement, le préavis doit dénoncer le défaut du débiteur d’acquitter sa
créance envers l’intervenant et rappeler que le débiteur ou tout tiers
intéressé peut remédier à ce défaut dans le délai imparti (art. 2758 al. 2
C.c.Q.). Il doit également mentionner le montant de sa créance en capital et en
intérêts. De plus, le préavis doit préciser la nature du recours hypothécaire
que l’intervenant entend exercer, fournir une description précise de l’immeuble
grevé de l’hypothèque et sommer le propriétaire de l’immeuble de délaisser le
bien dans le délai imparti (art. 2758 al. 2 C.c.Q.).
2686. Il arrive que
le préavis d’exercice d’un droit hypothécaire signifié et inscrit contienne
tous les éléments devant y apparaître, mais qu’on y retrouve une erreur d’écriture
concernant une date qui n’a cependant pas de conséquence sur les droits des
différentes parties. Dans ce cas, le tribunal peut déclarer le préavis valide
lorsqu’il a été signé, signifié et inscrit dans les délais prévus et que l’erreur
n’a pas
[Page 1018]
d’incidence ni de
conséquence sur la signification et le défaut du débiteur et qu’aucun préjudice
n’en découle.
2687. Enfin, il importe de souligner qu’il n’est pas nécessaire d’exiger un
trop grand formalisme dans la description du défaut du débiteur. En effet,
lorsque le débiteur ne subit pas de préjudice du fait que le préavis contient
une imprécision ou une information erronée, le tribunal peut conclure tout de
même à la validité du préavis. Il appartient cependant au créancier qui cherche
à voir la validité de son préavis sauvegardée de démontrer que l’information erronée
ou l’imprécision dans le préavis d’exercice du droit hypothécaire, bien qu’existante,
n’a causé aucun préjudice à son débiteur.
5. La
notion de fin des travaux
2688. La fin des travaux est le point de départ de tous les délais dont il
est question à l’article 2727 C.c.Q. Il est primordial de bien déterminer la
date précise où les travaux ont pris fin avant d’affirmer la régularité ou non
de l’accomplissement d’une formalité conservatoire de l’hypothèque légale de
construction.
2689. La notion de fin des travaux demeure ambiguë malgré la définition
offerte par le Code civil du Québec à son article 2110.
Cet article, comme nous l’avons vu, affirme que la fin des travaux survient
lorsque l’immeuble ayant fait l’objet des travaux de construction ou de rénovation
est en état de servir à l’usage auquel il est destiné.
Les tribunaux, confrontés à de nombreux cas particuliers, ont tenté de donner
une définition de la fin des travaux. Certains critères élaborés par la
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jurisprudence au fil
des ans permettent de déterminer plus aisément le moment où les travaux
prennent fin.
2690. La fin des
travaux survient lorsque le contrat d’entreprise est intégralement exécuté.
Ceci comprend tout ce qui est une suite logique des travaux expressément
mentionnés au contrat d’entreprise. Il n’est pas nécessaire que tous les
travaux aient été précisément prévus au contrat par le propriétaire pour que
ceux-ci retardent la fin des travaux. Par contre, les travaux inexécutés qui
étaient prévus au contrat reportent la fin des travaux qui ne survient alors
que lorsque tous ces travaux sont terminés.
2691. Il importe
cependant de préciser que des travaux prévus dans le contrat et qui demeurent
inexécutés pourraient empêcher la fin des travaux. Chaque cas constitue un cas
d’espèce et il appartient au tribunal d’évaluer, eu égard à l’importance et à
la valeur des travaux inexécutés, si la fin des travaux est arrivée ou doit
être reportée pour que ces travaux soient exécutés au préalable. Il importe de
rappeler que des travaux mineurs peuvent reporter la fin des travaux, à moins
qu’il ne s’agisse de petites retouches à apporter aux travaux déjà exécutés
telles qu’une retouche de peinture, un nettoyage ou un ajustement des portes ou
des armoires, etc. Il s’agit d’une question de fait laissée à l’appréciation du
tribunal qui pourra alors, à la lumière de la preuve, évaluer si vraiment les
travaux mineurs permettent de reporter ou non la fin des travaux.
2692. Par contre,
il y a fin des travaux lorsque les travaux inexécutés ont été abandonnés par le
client et qu’un avis a dûment été donné à l’entrepreneur pour l’informer de cet
abandon. Ainsi, des escaliers
reposant sur des fondations temporaires sont considérés comme n’étant pas des
travaux complétés. Dans le contexte de la construction d’un projet de
copropriété résidentielle, des travaux exécutés de façon temporaire ainsi que
des travaux d’aménagement paysager inexécutés, mais qui avaient été
préalablement présentés aux acheteurs comme faisant
[Page 1020]
partie du projet domiciliaire
suffisent à retarder la fin des travaux jusqu’à leur exécution.
2693. Dans certains cas, le reste des travaux mineurs inexécutés ou
incomplets ne pourra pas empêcher la fin des travaux lorsque l’entrepreneur
quitte le chantier sans avoir l’intention de compléter ces travaux ou en cas de
désaccord entre les parties quant à la nécessité ou l’opportunité de les faire.
En présence d’une atmosphère tendue entre les parties, qui laisse penser qu’une
conciliation n’est plus possible, le tribunal peut conclure à une fin des
travaux qui coïncide avec la dernière journée de la présence de l’entrepreneur
sur les lieux de l’ouvrage.
2694. Par contre, les travaux non exécutés et non énumérés expressément au
contrat doivent être d’une certaine importance pour qu’ils puissent retarder la
fin des travaux. Ils doivent en effet avoir un impact sur l’utilité de l’immeuble.
Il n’est pas nécessaire qu’ils soient des travaux majeurs, car même les travaux
mineurs peuvent avoir un impact sur l’immeuble construit ou rénové. À titre d’exemple,
ne sont certes pas importants pour l’utilité de l’immeuble construit ou rénové,
les travaux de retouche de peinture ou les travaux de décoration, les travaux
de finition qui ne sont pas prévus dans le contrat signé à l’origine par les
parties ne sont pas de nature à occasionner un retard dans la fin des travaux.
De même, la correction des malfaçons, la réparation des défectuosités, le
changement d’équipements déjà montés et les travaux de mise au point ne
retardent pas la fin des travaux. N’empêchent pas non
plus la fin des travaux, l’aménagement et la construction de l’intérieur de l’immeuble
lorsque le contrat écrit n’inclut que l’extérieur de l’immeuble, soit la « coquille ».
[Page 1021]
2695. Afin de déterminer le moment auquel survient la fin des travaux, d’autres
éléments peuvent être pris en compte, dont, entre autres, la description de la
prestation pour laquelle chaque partie s’est obligée et le certificat d’achèvement
des travaux émis par un professionnel compétent. Le tribunal accorde aussi une
importance à la qualité de la preuve soumise quant aux travaux qui demeurent
inexécutés. Ainsi, une preuve directe et objective de l’état des travaux à
effectuer tels qu’ils sont définis au contrat, primera sur une preuve indirecte
et spéculative.
2696. Lorsque le projet comporte plusieurs phases, l’usage auquel est
destinée chacune des phases peut être pertinent à la détermination d’une fin
des travaux pour chacune d’elles. L’évaluation de l’usage
de chaque phase peut se faire par l’examen des plans et devis. Le tribunal peut
également accorder une importance accrue au moment où l’ouvrage est devenu prêt
à servir aux fins auxquelles on le destine.
2697. La prise de possession de l’immeuble par le propriétaire peut être,
selon les circonstances, un indice pouvant démontrer que l’immeuble est en état
de servir à l’usage auquel on le destine. Il importe cependant de noter que l’occupation
de l’immeuble par le propriétaire, bien qu’elle soit un fait corroboratif, n’est
pas en soi une preuve suffisante dans la détermination de la date de la fin des
travaux. Il convient également de rappeler que la détermination de l’étendue du
contrat est primordiale afin de pouvoir fixer une date de fin des travaux. À
cet effet, plusieurs éléments peuvent être pris en considération, notamment, l’objectif
et la finalité du contrat, les circonstances ayant entouré sa conclusion, la relation contractuelle entre les
parties, la nature et l’objet de l’entente, la finalité de cette entente, les
circonstances liées à la conclusion de l’entente et le fait que l’objectif pour
lequel le contrat a été donné est atteint. L’absence de plans et devis entraîne
la considération particulière de ces indices : la réintégration de l’immeuble par les défendeurs et le fait que la
maison est en état de servir à l’usage auquel on la destine (importance accrue).
[Page 1022]
2698. Peuvent
représenter cependant des indices à considérer pour déterminer la date de la
fin des travaux : l’acceptation
des travaux par le propriétaire de l’ouvrage, la faillite de ce dernier, l’acceptation
des travaux par l’architecte, un état de compte final envoyé par l’entrepreneur
au client, le parachèvement apparent de la construction, la renonciation du
propriétaire à exécuter les travaux, la vente de l’immeuble ou l’absence d’ouvriers
au chantier lorsque le travail initialement prévu est complété.
Aussi, en matière de copropriété divise, la formation du
[Page 1023]
syndicat des copropriétaires est considérée
comme étant un indice qui permet de conclure à la fin des
travaux.
2699. Par contre, le fait que des travaux ne soient pas conformes à la
réglementation applicable en vigueur ne constitue pas un élément déterminant de
la date de fin des travaux. De même, l’inexistence
de travailleurs sur le chantier peut être une preuve parmi d’autres pour
établir la date de la fin des travaux, mais ne permet pas, à elle seule, de
prouver que les travaux sont terminés. Une absence de travailleurs sur le
chantier peut se produire en raison de la faillite d’un intervenant en
construction ou d’une suspension des travaux, mais elle n’est pas
nécessairement due à la fin des travaux. Encore faut-il que le propriétaire de
l’immeuble exprime clairement son intention de fermer le chantier et de mettre
fin aux travaux.
A. Suspension des travaux
2700. La jurisprudence a déjà défini clairement les notions de « suspension » et d’« abandon des travaux ». La suspension des travaux n’est pas de nature à fixer la date de fin
des travaux; il s’agit de l’interruption
des travaux avec l’intention de les reprendre. La suspension des travaux ne
doit soulever aucun doute lorsque la reprise de ceux-ci est prévisible.
L’intention de reprendre l’exécution des travaux peut être établie par une
preuve probante. Notons que la
suspension de l’exécution des travaux se produit souvent lorsque le
propriétaire éprouve des difficultés financières temporaires.
Ainsi, en faisant des demandes pour obtenir du financement, l’exécution des
travaux peut être suspendue en attendant de recevoir la réponse à la demande de
financement ou de la mise de fonds faite par le client sans qu’il y ait
nécessairement un
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abandon des travaux. Il
arrive également que les travaux soient suspendus pendant une courte période en
raison d’une mésentente entre les parties sur le montant de la retenue pour
malfaçons ou sur le coût des travaux supplémentaires. Ainsi, le refus du
propriétaire de payer les sommes dues à l’entrepreneur donne à ce dernier un
motif légitime de suspendre les travaux afin de faire des pressions sur le
client et de l’obliger à payer ce qui est dû, conformément à l’article 1591 C.c.Q. En un tel cas, le client ne peut
prétendre à un abandon des travaux. La suspension
des travaux peut être aussi due à un retard dans la livraison de matériaux
destinés à être utilisés dans le cadre des travaux de construction, ou à l’attente
de conditions climatiques plus clémentes aux fins d’exécuter certains travaux.
De même, les délais d’obtention d’un financement ou d’une indemnité d’assurance
sont autant de situations susceptibles de justifier une suspension des travaux.
B. Abandon des travaux
2701. On oppose
à la définition de suspension celle de l’abandon des travaux qui donne aussi
lieu à une interruption des travaux, mais qui survient au moment où le propriétaire
exprime l’intention manifeste et sans équivoque de ne pas reprendre les
travaux. L’abandon des travaux constitue alors une façon de déterminer la date
de fin des travaux. Ainsi, la vente de
terrains destinés à un projet domiciliaire, suite à l’interruption des travaux,
fait présumer l’abandon des travaux. Également, il
y a abandon des travaux lorsque le propriétaire exprime son intention à cet
effet par l’envoi d’une lettre de notification à l’entrepreneur de mettre fin
aux travaux à une date fixe ou par l’envoi d’un avis de résiliation du contrat
ou par l’intervention d’une entente entre les parties quant à la cessation des
travaux. De même, le jugement rendu qui autorise la vente sous contrôle de
justice d’un immeuble en cours de construction constitue un abandon des
travaux. Cependant, il importe de préciser que lorsque l’entrepreneur offre un
crédit au propriétaire qui permet de mettre fin au contrat, en échange de quoi
le propriétaire
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terminera lui-même l’exécution
des travaux, il n’y a pas abandon des travaux, mais continuation de ceux-ci par
le propriétaire. L’intention d’abandonner
les travaux par le propriétaire peut également être tacite lorsque les faits et
les gestes qu’il pose sont incompatibles avec la volonté de poursuivre
éventuellement le projet de construction ou de rénovation.
2702. L’intention d’abandonner les travaux par l’entrepreneur peut également
constituer la date de la fin des travaux. À ce titre, la conduite de l’entrepreneur
qui ne se présente plus sur le chantier pendant plusieurs mois, malgré les avis
envoyés par le propriétaire à ce dernier lui demandant de reprendre l’exécution des travaux, permet au tribunal
de conclure que par cette attitude, l’entrepreneur a abandonné le projet. L’entrepreneur
pourra difficilement convaincre le tribunal qu’il n’a pas abandonné le projet
lorsque aucune reprise des travaux n’était prévisible. En un tel cas, la date
de la fin des travaux sera celle de la dernière fois où l’entrepreneur était
sur le chantier. Son départ du chantier sera alors la date du départ du délai
de 30 jours prévu à l’article 2727 C.c.Q. L’hypothèque légale de construction inscrite par ce dernier
après l’écoulement de ce délai sera illégale et pourra être radiée à la demande
du propriétaire.
2703. Enfin, les faits et circonstances qui permettent de déterminer s’il y a
abandon des travaux ou non doivent être appréciés tels qu’ils étaient connus à
l’époque par le propriétaire et l’intervenant de la construction; on ne doit donc pas prendre en considération ce
qui a été connu à la suite d’événements postérieurs.
Le propriétaire doit avoir une intention claire de mettre fin aux travaux et ce
de manière permanente. En d’autres mots, l’intention
d’abandonner les travaux doit être évaluée et déterminée selon les faits connus
au moment où ils ont eu lieu et non pas selon les événements qui ont suivi.
Également, la preuve de l’abandon des travaux repose sur celui qui l’invoque.
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La volonté ou l’intention
d’abandonner définitivement les travaux doit être démontrée par une preuve
prépondérante. Chaque cas constitue
un cas d’espèce.
2704. Le Code civil du Québec ne prévoit qu’une seule fin des travaux
pour l’ensemble des travaux exécutés sur un même ouvrage. Ainsi, l’intervenant
chargé des travaux exécutés dans les premières semaines de l’ouverture du
chantier bénéficiera des mêmes délais que les intervenants dont les travaux se
terminent durant la dernière journée de l’ouverture du chantier.
C. Suspension des travaux en cas de
faillite
2705. La date de la faillite n’a pas d’impact sur la fin des travaux puisque
le syndic peut décider de continuer les travaux si c’est dans l’intérêt des
créanciers. L’inscription de l’avis d’hypothèque, en vertu de l’article 2727 alinéa 1 C.c.Q., doit se faire dans les 30 jours de la décision du syndic de mettre fin aux travaux. Celle-ci ne
se produit que lorsque le syndic décide d’arrêter complètement les travaux.
2706. Par conséquent, la date de la signification de la demande pour mise en
faillite forcée, la date de la proposition ou de l’intention de faire une
proposition concordataire aux créanciers, de même que la date de la suspension
des travaux, n’ont pas d’impact sur la fin des travaux.
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2707. Il importe
aussi de noter que même en cas de faillite de l’entrepreneur général et du
refus du syndic de la faillite d’assumer l’achèvement des travaux, il n’y aura
pas, en réalité, une fin des travaux lorsqu’il y a un cautionnement d’exécution.
En effet, le client peut contraindre la caution soit à payer le coût des
travaux qu’il reste à achever, ou à corriger et ainsi confier à un nouvel
entrepreneur le contrat d’achèvement des travaux. Il peut aussi, dépendamment
de la nature du cautionnement de bonne exécution, forcer la caution à engager
elle-même un entrepreneur pour compléter les travaux. Ainsi, la fin des travaux
ne sera pas la date de la faillite, mais la date d’achèvement des travaux par
le nouvel entrepreneur.
D. Effet de la résiliation du contrat
par l’entrepreneur
2708. La
résiliation du contrat d’entreprise par l’entrepreneur en construction ne
signifie pas qu’il y a fin des travaux lorsqu’il y a un motif sérieux qui
justifie la résiliation. Ainsi, le manquement à l’obligation de paiement du propriétaire
pour une part significative des travaux complétés est un motif sérieux de
résiliation du contrat par l’entrepreneur. De ce fait, le défaut de payer les
travaux justifie simplement la résiliation du contrat, et non pas la fin des
travaux au sens de l’article 2727 C.c.Q..
2709. Ainsi, bien
que par cette résiliation l’entrepreneur abandonne l’ouvrage, il n’y a pas lieu
de conclure à la fin des travaux. L’abandon qui vaut pour fin des travaux n’est
possible que par la preuve de l’intention claire du propriétaire que celle-ci
soit permanente. Ainsi, le fait que l’entrepreneur cesse tout travail et
procède à la résiliation du contrat pour un motif sérieux avant d’avoir
complété les travaux prévus n’empêche pas le propriétaire de faire poursuivre l’exécution
des travaux par un autre entrepreneur.
6. Extinction de l’hypothèque légale
2710. À l’instar de
l’hypothèque conventionnelle, l’hypothèque légale est un accessoire à la
créance et son sort dépend de cette dernière. En d’autres mots, l’hypothèque
légale a pour but de garantir le paiement d’une créance que l’intervenant en
construction détient suite à l’exécution des travaux ou la fourniture des
prestations de services ou des matériaux. Son existence dépend donc de l’existence
d’une créance et en tant qu’accessoire qui suit le principal, elle sera éteinte
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par l’extinction de
cette créance suite à l’écoulement du délai
prévu à l’article 2925 C.c.Q. pour intenter l’action en
réclamation de celle-ci. D’ailleurs,
l’article 2797 C.c.Q., qui prévoit que l’hypothèque s’éteint par l’extinction de l’obligation dont elle garantit l’exécution, s’applique également
à l’hypothèque légale.