III — DE LA STIPULATION POUR
AUTRUI
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III — STIPULATION FOR
ANOTHER
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Art. 1444. On peut, dans un contrat, stipuler en faveur d’un tiers.
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Art. 1444. A person may, in a contract,
stipulate for the benefit of a third person.
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Cette stipulation confère au tiers
bénéficiaire le droit d’exiger directement du promettant l’exécution de l’obligation
promise.
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The stipulation gives the third person
beneficiary the right to exact performance of the promised obligation directly
from the promisor.
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C.C.B.-C.
1029. On peut
pareillement stipuler au profit d’un tiers, lorsque telle est la condition d’un
contrat que l’on fait pour soi-même, ou d’une donation que l’on fait à un
autre. Celui qui fait cette stipulation ne peut plus la révoquer si le tiers a
signifié sa volonté d’en profiter.
C.c.B.-C : art. 1029.
C.c.Q. : art. 1667, 1773, 1806, 2323, 2369, 2389, 2419,
2445, 2455 et 2456.
1. Généralités
2614. Cet
article introduit la codification d’une série de règles développées par la
jurisprudence qui portent sur la stipulation pour autrui. La stipulation pour
autrui est l’opération juridique par laquelle une partie, appelée le
promettant, s’engage à l’égard d’une autre partie, appelée le stipulant, à
exécuter une obligation au profit d’un tiers bénéficiaire. Le tiers, qui n’est
pas partie au contrat, devient créancier contractuel du promettant.
Ce mécanisme juridique peut servir à acquitter une dette ou à constituer une
libération pure et simple.
2. Conditions de validité de la stipulation pour autrui
2615. Afin d’être
valable, la stipulation pour autrui doit remplir un certain nombre de
conditions. D’abord, la base de
la stipulation, soit le contrat entre le stipulant et le promettant, doit être valide
et exprime une intention claire et non équivoque de créer des droits en faveur
d’un tiers au contrat. Il faut noter qu’un
contrat nul pour défaut de forme ou de fond ne peut donner lieu à la création d’une
stipulation pour autrui. Par
contre, la nullité de la stipulation pour autrui ne rend pas le contrat nul, à
moins que cette stipulation ne soit l’élément principal qui a déterminé le
consentement du stipulant. Il faudrait alors
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qu’il soit aussi
impossible de remplacer cette stipulation ou faire bénéficier une autre
personne de l’obligation assumée par le promettant, procurant ainsi à ce
dernier un enrichissement injustifié.
2616. Il faut
ensuite que la stipulation suscite l’intérêt du stipulant à obtenir l’engagement
du promettant à exécuter une obligation en faveur d’un tiers. Il serait assez
curieux qu’une personne stipule, sans aucun intérêt légal ou moral, au bénéfice
d’un tiers. Mentionnons qu’une stipulation au profit de la succession, des
ayants cause ou représentants légaux d’une personne ne saurait constituer une
véritable stipulation pour autrui puisque le produit de la stipulation n’est
pas affecté à un autre patrimoine, celui-ci restant dans le patrimoine du
stipulant, ce qui équivaut à une stipulation envers soi-même. Aussi, suivant l’article
1445 C.c.Q., le bénéficiaire doit être déterminable et exister au moment où le
promettant doit exécuter ses obligations en sa faveur.
Et finalement, pour que la stipulation pour autrui soit définitive et
irrévocable, le tiers bénéficiaire doit l’accepter. Ce faisant, et comme nous
le verrons plus loin, il rendra irrévocable la stipulation en sa faveur.
A. Caractère
accessoire de la stipulation pour autrui
2617. Le premier
alinéa de l’article 1444 C.c.Q. reprend le principe énoncé au début de l’article
1029 C.c.B.-C. quant à la possibilité de stipuler pour un tiers lors de la
conclusion d’un contrat. En effet, le législateur n’a pas codifié les
conditions édictées par l’article 1029 C.c.B.-C. quant au caractère accessoire
de la stipulation pour autrui par rapport à un contrat de donation ou à un
contrat que le stipulant a fait pour lui-même.
Ceci correspond à la reconnaissance, d’une part, de la stipulation
pour autrui comme une institution autonome permettant de
stipuler valablement en faveur d’un tiers pour le seul motif que l’exécution d’une
telle obligation va lui profiter et, d’autre part, du
principe que l’intérêt moral du stipulant est suffisant pour que la stipulation
pour autrui puisse exister. Les anciennes
exigences issues du droit romain,
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portant sur le caractère accessoire de la stipulation pour
autrui, n’ont donc pas été reprises
dans le nouveau Code civil.
B. Intention de
créer un droit au bénéfice du tiers
2618. Le
deuxième alinéa de l’article 1444 C.c.Q.
codifie la règle jurisprudentielle selon laquelle la stipulation crée un lien
direct et immédiat entre le promettant et le bénéficiaire.
L’intention de créer un droit en faveur du tiers peut être expresse ou tacite.
Il n’est pas nécessaire que les parties qui désirent inclure dans leur contrat
une stipulation pour autrui le fassent en utilisant une formule sacramentelle.
L’intention de stipuler pour autrui peut découler de l’ensemble des
stipulations du contrat et des circonstances ayant entouré sa conclusion.
Elle doit cependant être claire et sans équivoque.
Une intention claire de créer un véritable droit en faveur d’un tiers doit se
dégager de l’acte. Ainsi, il n’y a pas
une intention claire de faire une stipulation pour autrui et de créer un droit
définitif en sa faveur lorsque le stipulant se réserve le droit de révoquer le
bénéficiaire et d’en
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désigner un autre à sa
place. De même, le simple
fait que des avantages puissent être créés en faveur des tiers ne permet pas de
conclure automatiquement à une stipulation pour autrui en l’absence d’une
intention claire à cet effet.
C. Acceptation
du tiers bénéficiaire
2619. Comme nous
l’avons dit, le tiers bénéficiaire doit accepter la stipulation. Il doit
également s’assurer de porter son acceptation à la connaissance du stipulant ou
du promettant comme l’exige l’article 1446 C.c.Q. La connaissance par ce dernier de l’acceptation du tiers
bénéficiaire aura pour effet d’écarter la possibilité de révocation de la stipulation par le stipulant.
2620. Le droit à
la révocation de la stipulation appartient au stipulant
et, pour être valide, celle-ci doit être parvenue au promettant afin que
celui-ci l’accepte, avant que l’acceptation
du bénéficiaire n’ait été signifiée aux parties. Elle doit également être
claire et sans équivoque afin de prendre effet dès qu’elle sera portée à la
connaissance du promettant. Si elle remplit ces conditions de validité, la
révocation de la stipulation n’entraîne pas l’annulation du contrat principal.
Ainsi, le stipulant peut se désigner ou désigner toute autre personne
bénéficiaire de l’obligation assumée par le promettant. Il est à noter que la
preuve de l’acceptation du tiers est soumise aux règles de preuve ordinaires.
3. Rapport entre le promettant et le stipulant
A. Les recours
du bénéficiaire à l’encontre du promettant
2621. Le lien de
droit entre le promettant et le tiers bénéficiaire créé par la stipulation
permet au bénéficiaire d’intenter une action directe en exécution forcée à l’encontre
du promettant pour l’exécution
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de l’obligation.
Il peut d’abord exiger du promettant l’exécution de l’obligation entièrement,
conformément aux stipulations du contrat et à l’intérieur du délai imparti.
Il peut exercer tous les recours offerts par les lois à un créancier, notamment
ceux prévus aux articles 1590, 1601, 1602 et 1603 C.c.Q., selon la nature de l’obligation
contractée par le promettant. Il peut ainsi demander l’exécution forcée en
nature contre ce dernier, exécuter ou faire exécuter l’obligation par un tiers
aux frais du promettant lorsque son défaut persiste après avoir été mis en
demeure. Il peut également réclamer des dommages-intérêts. Cependant, le tiers
bénéficiaire ne peut avoir des droits plus étendus que ceux créés par le contrat.
Advenant une poursuite, le promettant pourra lui opposer en défense tous les
moyens qui résultent du contrat.
2622. Le
bénéficiaire d’une stipulation pour autrui peut également prendre toutes les
mesures nécessaires pour assurer la protection de ses droits. Il peut ainsi exercer une saisie avant jugement ou un
recours en injonction mandatoire ou préventive conformément à l’article 510
C.p.c.
1) Le recours
du bénéficiaire en résolution ou en résiliation du contrat
2623. Il faut noter
que la résolution du contrat et la remise en état ne peuvent profiter au tiers
bénéficiaire car celui-ci n’est pas partie au contrat. L’action directe qu’il
peut intenter contre le promettant lui permet cependant de passer outre au
patrimoine du stipulant, évitant ainsi tout risque de saisie de cette créance
par les créanciers du stipulant (art. 2455 et 2456 C.c.Q.). La créance
résultant de l’obligation contractée en faveur du tiers ne fait, en aucun
temps, partie du patrimoine du stipulant.
2624. Une question
se pose à savoir si le tiers bénéficiaire peut exercer un recours en résolution
ou en résiliation du contrat advenant le défaut du promettant d’exécuter son
obligation. La réponse à cette question doit être nuancée. D’abord, la stipulation pour autrui ne fait pas du
bénéficiaire une partie contractante. Elle ne crée, en effet, qu’un lien
obligationnel entre le bénéficiaire et le promettant. Il est donc difficile,
compte tenu de l’absence de lien contractuel entre ces derniers, d’affirmer que
le bénéficiaire peut exercer une action en résolution ou en
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résiliation de contrat.
En principe, ce recours est mis à la disposition d’une partie au contrat. Un
créancier bénéficiaire d’une obligation résultant d’un contrat auquel il ne
fait pas partie ne peut donc pas exercer ce recours. Il peut cependant l’exercer
lorsque le contrat permet de conclure que le stipulant lui a cédé son droit à
la résolution ou à la résiliation du contrat.
2625. La cession du
droit à la résolution ou à la résiliation du contrat peut être expresse ou
implicite. Elle est expresse lorsque la stipulation pour autrui prévoit
également le droit du bénéficiaire de mettre fin au contrat, advenant le défaut
de l’exécution de l’obligation par le promettant. La cession peut être
implicite lorsque le contrat contient une clause rédigée en termes généraux
prévoyant le droit du bénéficiaire d’agir contre le promettant et de prendre
tous les moyens légaux pour assurer la protection de ses droits. Dans ce
dernier cas, et avant de conclure au droit du bénéficiaire à la résolution ou à
la résiliation, le tribunal doit vérifier si le stipulant a encore intérêt dans
le contrat et de maintenir un lien contractuel avec le promettant ou s’il y a d’autres
bénéficiaires ayant aussi des intérêts ou des droits dans le contrat qui seront
affectés par sa résolution ou sa résiliation.
2626. Dans certains
cas, la résolution ou la résiliation du contrat peut être le seul recours
efficace permettant la réalisation de l’intention du stipulant. On peut penser
au cas où le stipulant cède à titre gratuit son droit de propriété dans un bien
par un contrat à une personne, moyennant son engagement à payer une rente à une
autre personne bénéficiaire dont le stipulant cherche à assurer le bien-être.
Il en est de même lorsque la stipulation pour autrui a été contractée par le
promettant, moyennant un droit d’usage ou d’occupation du bien. Dans ces cas,
la résolution ou la résiliation du contrat doit être permise au bénéficiaire
lorsqu’elle constitue la solution efficace pour réaliser ou atteindre l’objectif
du stipulant, surtout si c’est là l’élément essentiel qui a déterminé la
conclusion d’un contrat contenant la stipulation pour autrui.
4. Rapport entre le
stipulant et le promettant
2627. Il faut
souligner que le lien contractuel entre le stipulant et le promettant demeure
toujours, tout au long de la vie juridique de la stipulation pour autrui. En d’autres
termes, le stipulant, en sa qualité de contractant, peut exercer tous les
recours mis par la loi à la disposition d’une partie contractante tant que l’obligation
du promettant n’est pas
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éteinte.
Il peut demander la nullité du contrat lorsque les conditions de sa formation
ne sont pas réunies. Il peut aussi, en cas de défaut du promettant d’exécuter
son obligation, demander la résolution ou la résiliation du contrat. Cependant,
la résolution du contrat ne pourra avoir lieu qu’advenant une inexécution
substantielle ou totale par le promettant de l’obligation qu’il avait
contractée. De plus, elle ne pourra avoir lieu qu’en absence d’une
manifestation expresse ou tacite par le tiers bénéficiaire de son intention de
bénéficier de la stipulation.
2628. Le
stipulant pourra néanmoins poursuivre le promettant en exécution forcée de son
obligation ou en
dommages-intérêts compensatoires ou moratoires. Il peut lui réclamer une
indemnité lorsque l’exécution de son obligation au bénéfice du tiers est
tardive et lui cause une perte ou un préjudice quelconque. Il en est ainsi
lorsque la stipulation pour autrui
a été contractée par le stipulant en remplacement d’une obligation à laquelle
il est tenu envers le tiers et que le défaut du promettant d’exécuter l’obligation
faisant l’objet de la stipulation pour autrui a engendré par la suite le défaut
du stipulant d’exécuter sa propre obligation qui fut la cause de la stipulation. Quant aux créanciers du stipulant,
ils ne peuvent ni intervenir ni attaquer la stipulation à moins de prouver qu’elle
est faite en fraude de leur droit. Dans ce cas, elle peut être déclarée
inopposable à leur égard afin de permettre la saisie de la créance, comme si
elle appartenait toujours à leur débiteur-stipulant.
5. Rapport entre le stipulant et le tiers bénéficiaire
2629. Il ne faut
toutefois pas confondre une situation particulière avec le rapport que crée en
général la stipulation pour autrui entre le stipulant et le tiers bénéficiaire.
En effet, ce dernier ne devient pas créancier du stipulant pour l’obligation
assumée par le promettant en sa faveur. Le droit au
bénéfice de l’obligation lui échoit directement de
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la stipulation pour
autrui et non pas par l’intermédiaire du stipulant.
Ce dernier ne devient pas non plus garant pour l’exécution ou la bonne
exécution de l’obligation faisant l’objet de la stipulation pour autrui. Le
défaut d’exécution ou la mauvaise exécution de l’obligation par le promettant
ne peut engager la responsabilité du stipulant envers le tiers bénéficiaire. Il
faut également préciser qu’il n’est pas possible pour le stipulant de
transmettre au tiers un droit qu’il ne possède pas lui-même. Ainsi, le tiers
bénéficiaire ne peut réclamer un montant d’argent, telle une commission, si le
stipulant ne possède pas le droit à de tels montants.
De même, un sous-traitant ne peut bénéficier d’une clause de limitation de
responsabilité plus avantageuse que celle statuée par le stipulant et le
promettant lors de la rédaction du contrat initial.
2630. Le tiers
bénéficiaire d’une stipulation prévue en sa faveur peut exiger du
promettant-débiteur l’exécution de l’obligation assumée dans la mesure où
toutes les formalités prescrites par le contrat, pour la mise en application de
la stipulation, ont été respectées. Ainsi, dans le cas d’un contrat de
cautionnement contenant une stipulation au bénéfice des sous-traitants qui
exécutent des travaux à la demande de l’entrepreneur général, le sous-traitant
pourra, en tant que bénéficiaire, s’adresser à la caution pour lui réclamer les
coûts des travaux exécutés ou des matériaux fournis s’il avait rempli les
conditions d’applications du contrat de cautionnement, notamment la
dénonciation de son contrat de sous-traitance, à l’intérieur du délai prévu.
En d’autres mots, le tiers bénéficiaire ne peut, à moins d’une stipulation
contraire dans le contrat, exiger au promettant-débiteur d’exécuter son obligation
en dehors du contexte du contrat de cautionnement.
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2631. La
stipulation pour autrui ne peut accorder à son bénéficiaire des droits plus
étendus que ceux que le stipulant lui-même aurait pu avoir si l’obligation
devait être exécutée à son bénéfice. Ainsi, lorsqu’un contrat de cautionnement
contient une stipulation en faveur d’une tierce personne, cette dernière ne
peut exiger de la caution plus que ce qui est prévu pour elle. Elle ne peut pas
ainsi rendre l’exécution de cette obligation plus onéreuse que ce qui était prévu lorsque le promettant a accepté de
l’assumer à la demande du stipulant. En d’autres termes, le bénéficiaire d’une
stipulation pour autrui ne peut se prévaloir de la stipulation prévue pour son
bénéfice en réclamant que celle-ci soit exécutée de manière qui rend la
responsabilité du débiteur plus étendue. Ainsi, un sous-traitant qui cherche à
se prévaloir d’une stipulation contenue dans un cautionnement émis par une
compagnie d’assurance à la demande d’un entrepreneur général ne peut exiger son
exécution de manière à aggraver la responsabilité de la caution ou à rendre l’obligation
de celle-ci plus coûteuse que ce qui était prévu.
6. Cas d’illustration de la stipulation pour autrui
2632. La
stipulation pour autrui représente une dérogation véritable au principe de l’effet
relatif des contrats. En effet, la
stipulation pour autrui constitue une véritable exception au principe de l’effet
relatif des contrats puisqu’elle accorde au tiers bénéficiaire le droit d’exiger
directement du promettant le respect de l’obligation promise.
À l’origine, le mécanisme de la stipulation pour autrui était très restrictif
et ne s’appliquait que dans le cas du contrat fait pour soi et pour autrui et
dans celui d’une donation avec charge. Le droit
moderne a cependant étendu l’application de ce mécanisme afin de valider un
grand nombre d’opérations juridiques comme l’assurance-vie.
2633. L’utilité du
mécanisme de la stipulation pour autrui est reconnue par la pratique et la
jurisprudence. Elle est aujourd’hui
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omniprésente dans le
domaine des assurances, de la donation à
charge, du recours direct
(dans le cadre du contrat d’entreprise) de la victime d’un dommage contre l’entrepreneur,
de la vente avec stipulation de paiement du prix à un tiers,
de la vente d’un terrain avec obligation personnelle envers un tiers.
2634. Il a été
décidé qu’un engagement auprès du gouvernement du Québec de subvenir, pendant
une période déterminée, aux besoins essentiels d’une personne immigrante
constitue une stipulation pour autrui. Ainsi la personne parrainée peut se
prévaloir, devant les tribunaux, de cet engagement, pour forcer le parrain à
subvenir à ses besoins. Le cas échéant, le
gouvernement du Québec qui aide financièrement la personne parrainée sera
subrogé dans les droits de cette dernière à l’encontre du promettant-parrain.
2635. Aussi, un
lien obligationnel résultant d’une convention entre actionnaires peut
constituer une stipulation pour autrui. Une personne morale peut donc être la
bénéficiaire d’une stipulation en sa faveur. Le stipulant a intérêt à s’assurer
que les promettants respectent leur engagement envers le bénéficiaire. De plus,
le stipulant, en sa qualité d’actionnaire du bénéficiaire, a un intérêt direct
à protéger son patrimoine et à conserver ses droits contractuels.
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2636. L’engagement
pris par une compagnie mère d’assumer les dettes d’une de ses filiales dans un
document visant l’obtention de sa dissolution constitue une stipulation pour
autrui en faveur des créanciers de la filiale. Conséquemment, et advenant la
dissolution de la filiale par le gouvernement, ces créanciers peuvent invoquer
l’engagement pris par la compagnie mère pour lui réclamer le paiement des
dettes contractées par sa filiale.
1) Différentes formes de stipulation pour autrui dans les contrats de
construction
a) Clause des
retenues sur le prix
2637. En matière
de contrats d’entreprise, le client cherche à introduire une clause prévoyant
son droit de faire des retenues sur les montants dus à l’entrepreneur générale
pour s’assurer les paiements des ouvriers et des sous-traitants et ainsi éviter
l’inscription par ces derniers d’un avis d’hypothèque légale. Une telle clause
ne constitue pas une stipulation pour autrui puisque son application est
souvent laissée à la discrétion du client maître de l’ouvrage ce qui exclut l’idée
qu’un sous-traitant peut se prévaloir de cette clause comme étant une
stipulation en sa faveur. Pour qu’il en soit ainsi, l’intention de faire
bénéficier de cette clause les sous-traitants doit être exprimée clairement et
sans équivoque. Or, lorsqu’un engagement clair est pris par le client à l’égard
des sous-traitants de l’entrepreneur et qui complète la stipulation relative au
droit de retenue, cet engagement produit ses effets même lorsque le client fait
défaut de se prévaloir de son droit à la retenue au moment approprié. Il
importe de noter que l’engagement du client, en tant que promettant, est
souvent conditionnel au défaut de l’entrepreneur de respecter
son obligation envers ses sous-traitants. Ainsi, le droit
d’action d’un sous-traitant à l’encontre du client-promettant ne prendra
naissance que lorsque l’entrepreneur qui est le débiteur envers ce dernier ne
lui paye pas le prix de son contrat.
2638. Il importe
cependant de souligner que le client, en tant que promettant, ne peut être tenu
envers les sous-traitants que jusqu’à concurrence du montant prévu à titre de
retenue. En d’autres mots, le client maître de l’ouvrage ne peut être tenu à
payer aux sous-traitants une somme qui dépasse les montants à être retenus en
conformité à ce qui est stipulé dans le contrat.
Ainsi, il faut bien distinguer la
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stipulation pour les
sous-traitants incluse dans le contrat intervenu entre le
maître de l’ouvrage et l’entrepreneur général de la situation où le
sous-traitant publie un avis d’hypothèque légale sur le meuble. Dans le premier
cas, le client peut être obligé à payer au sous-traitant en vertu de la
stipulation pour autrui, alors que dans le deuxième cas le client en tant que
propriétaire de l’immeuble aura intérêt à payer aux sous-traitants le montant
réclamé afin d’éviter la perte de son immeuble à la suite de l’exercice d’un
droit hypothécaire par ce dernier. Cette distinction devient évidente lorsque le sous-traitant ne remplit pas les conditions requises pour la naissance et la
conservation d’une hypothèque légale de construction. Dans ce dernier cas, le
client en tant que tierce personne par rapport au contrat de sous-traitance ne
pourra être tenu à aucun paiement envers le sous-traitant.
b) L’obligation de
fournir une prestation de services
2639. Constitue
toutefois une stipulation pour autrui l’engagement d’un ingénieur pris dans le
cadre d’un contrat intervenu avec le propriétaire d’un immeuble aux termes
duquel l’ingénieur doit fournir des prestations de services, à savoir des
renseignements et des conseils à un entrepreneur lié au propriétaire par un
contrat de construction.
c) Cautionnement
pour le paiement des ouvriers et sous-traitants
2640. Il y a
aussi une stipulation pour autrui dans la garantie fournie par l’entrepreneur
général au maître d’ouvrage afin de lui assurer le paiement des salariés, des sous-traitants et des fournisseurs.
Pour que la caution ou le garant soit tenu à son obligation assumée envers le
maître d’ouvrage, le droit des salariés, des sous-traitants et des fournisseurs
doit être lié au contrat principal intervenu entre le client et l’entrepreneur.
Cependant, le sous-sous-traitant ne peut prétendre à être bénéficiaire de l’engagement
pris par la caution ou le garant envers le client
lorsque l’objet de cet engagement se limite à payer les ouvriers et les
sous-traitants de l’entrepreneur général. Dans ce cas, l’obligation de la
caution ou du garant, ne peut être étendue pour
[Page 1068]
couvrir le paiement des
sous-sous-traitants ayant conclu son contrat avec un sous-traitant.
2641. Il importe
cependant de mentionner que le maître de l’ouvrage ou le client peut être tenu
à payer un sous-sous-traitant dans le cas où celui-ci avait dénoncé son contrat
à ce dernier et a publié une hypothèque légale dans le délai prévu. Cette
exception peut avoir pour effet d’étendre l’obligation de la caution ou du
garant envers le client dans la mesure où les travaux exécutés par le
sous-sous-traitant font partie du contrat intervenu avec l’entrepreneur général.
La caution ne peut prétendre que son obligation se limite à payer les
sous-traitants de l’entrepreneur lorsque son engagement porte sur le paiement
des intervenants ayant participé à l’exécution des travaux prévus dans le
contrat de l’entrepreneur. Il ne peut non plus invoquer le fait qu’il s’agit
tout simplement d’une reconnaissance jurisprudentielle au droit à l’hypothèque
légale pour le sous-sous-traitant dans la mesure où celui-ci remplit toutes les
conditions requises à la naissance et à la conservation de l’hypothèque légale
de construction.
d) Renonciation au
droit à l’hypothèque légale
2642. Il y a aussi
une stipulation pour autrui en faveur du maître d’ouvrage lorsqu’un
sous-traitant renonce, dans son contrat avec l’entrepreneur, à son droit à une
hypothèque légale de construction ou s’il signe une déclaration sous-serment
qui a été bien remise à l’entrepreneur au terme de l’accord de laquelle admet
et reconnaît de ne plus disposer d’aucun droit à l’hypothèque légale sur l’immeuble
faisant l’objet des travaux prévus au contrat. Une telle renonciation constitue
une stipulation pour autrui permettant au propriétaire de faire respecter cette
renonciation par le sous-traitant et de le forcer à radier le préavis de l’exercice
d’un droit hypothécaire qu’il a inscrit sur l’immeuble.
2) Engagement
du client de payer les sous-traitants
2643. La
stipulation pour autrui est aussi une pratique courante en matière de contrats
d’entreprise qui contiennent bien souvent une stipulation prévoyant le paiement
par le maître de l’ouvrage aux sous-traitants les coûts de leurs travaux, de
leurs prestations ou des matériaux fournis, bien que ces coûts soient prévus
dans des contrats auxquels le maître de l’ouvrage n’est pas parti. Une telle
stipulation présente en
[Page 1069]
réalité un avantage
pour les sous-traitants qui seront assurés de recevoir les prix de leurs
contrats directement du maître de l’ouvrage. Une telle stipulation peut être
incluse au contrat d’entreprise en conformité aux cahiers de charge même si l’identité
des futurs sous-traitants n’est pas encore connue ni par l’entrepreneur ni par
le maître de l’ouvrage. En un tel cas, le sous-traitant qui entend se prévaloir
de la stipulation pour autrui, doit non seulement l’accepter, mais aussi aviser
sans retard le maître de l’ouvrage (promettant) de l’existence de son contrat
de sous-traitance et du montant de celui-ci afin que le maître de l’ouvrage
puisse faire les retenues nécessaires à même le prix du contrat convenu avec l’entrepreneur
et ainsi lui payer directement le prix convenu dans le contrat de
sous-traitance.
2644. Afin que le
sous-traitant puisse se prévaloir de la stipulation pour autrui formulée en
termes généraux et au bénéfice de plusieurs sous-traitants, il doit dénoncer
son contrat de sous-traitance au client dans les meilleurs délais. Cette
dénonciation est requise non seulement pour valoir acceptation de la
stipulation, mais aussi comme condition à la mise en exécution de l’obligation
du client. En effet, bien souvent, l’identité des sous-traitants n’est pas
connue ni par l’entrepreneur ni par le client au moment de la conclusion du
contrat d’entreprise, mais qui sera connue plus tard lors de la conclusion du
contrat de sous-traitance sans l’intervention ou l’implication du client. Ce
dernier a donc besoin de connaître le nom des sous-traitants bénéficiaires de
la stipulation et du prix convenu avec l’entrepreneur général. En d’autres
termes, le bénéficiaire de la stipulation pour autrui contenue dans un contrat
d’entreprise peut ne pas être déterminé, mais il le sera postérieurement à la
suite de la conclusion du contrat de sous-traitance avec l’entrepreneur
général.
2645. L’avis de
dénonciation donné au client par le sous-traitant quant à la conclusion d’un
contrat avec l’entrepreneur général a pour but de faire connaître l’identité du
bénéficiaire de la stipulation pour autrui de sorte que le client sera tenu à
partir de ce moment au paiement du prix du contrat de sous-traitance. Le défaut
par le sous-traitant d’aviser le client de son contrat et de son prix peut
constituer une fin de non-recevoir de son recours exercé à l’encontre de ce
dernier qui a déjà payé de bonne foi le prix du contrat à l’entrepreneur
général. Par son défaut de dénoncer l’existence de son contrat, le
sous-traitant empêche le client
[Page 1070]
de connaître le montant de son obligation assumée par la stipulation pour autrui ainsi que l’identité de son bénéficiaire. Cela dit, l’absence
d’un avis de dénonciation du contrat de sous-traitance rend difficile la tâche
du client de prendre les mesures appropriées pour protéger le droit du
sous-traitant au paiement et plus particulièrement de faire les retenues
nécessaires à même le prix du contrat convenu avec l’entrepreneur général.
2646. La
dénonciation au maître de l’ouvrage (promettant) par le sous-traitant de son
contrat intervenu avec l’entrepreneur général (stipulant) est nécessaire pour
valoir acceptation de la stipulation et rendre l’identité du bénéficiaire bien
déterminée et connue par le promettant. En effet, lorsque la détermination et l’identité
du sous-traitant, en tant que bénéficiaire de la stipulation contenue dans le
contrat d’entreprise, dépendent de la conclusion du contrat de sous-traitance
par l’entrepreneur, la dénonciation de ce contrat est une condition essentielle
pour rendre exécutable l’obligation du promettant. Il est de l’intérêt du
sous-traitant de faire connaître au maître de l’ouvrage (promettant) son statut
et son identité comme bénéficiaire de l’obligation que ce dernier a contractée
envers l’entrepreneur général. En l’absence d’une telle dénonciation, le maître
de l’ouvrage (promettant) qui acquitte de bonne foi le prix prévu dans le
contrat d’entreprise conclu avec l’entrepreneur, pourra se libérer de son
obligation faisant l’objet de la stipulation pour autrui. En d’autres mots, l’absence
d’une dénonciation par le sous-traitant de son contrat alors qu’il est inconnu
par le maître de l’ouvrage peut être invoquée par celui-ci en tant que
promettant pour faire rejeter la réclamation du sous-traitant.
2647. Enfin, il
importe d’ajouter que la dénonciation du contrat par le sous-traitant est
nécessaire même si ce dernier avait déjà renoncé à son droit à l’inscription d’une
hypothèque légale de construction, car une telle dénonciation est une condition
à la détermination du bénéficiaire de la stipulation pour autrui contenue dans
le contrat d’entreprise intervenu entre l’entrepreneur général et le client.