Table des matières
| Masquer
Charte canadienne des droits et libertés
[Expand]GARANTIE DES DROITS ET LIBERTÉS
[Expand]LIBERTÉS FONDAMENTALES
[Expand]DROITS DÉMOCRATIQUES
[Expand]LIBERTÉ DE CIRCULATION ET D’ÉTABLISSEMENT
[Collapse]GARANTIES JURIDIQUES
  a. 7
  a. 8
  a. 9
  a. 10
  a. 11
  a. 12
  a. 13
  a. 14
[Expand]DROITS À L’ÉGALITÉ
[Expand]LANGUES OFFICIELLES DU CANADA
[Expand]DROITS À L’INSTRUCTION DANS LA LANGUE DE LA MINORITÉ
[Expand]RECOURS
[Expand]DISPOSITIONS GÉNÉRALES
[Expand]APPLICATION DE LA CHARTE
[Expand]TITRE
 
Sélectionner       eDICTIONNAIRE

Article 11

 
Charte canadienne des droits et libertés (partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11)
 
GARANTIES JURIDIQUES
 
 

Article 11
Affaires criminelles et pénales

Tout inculpé a le droit :

  • a) d’être informé sans délai anormal de l’infraction précise qu’on lui reproche;

  • b) d’être jugé dans un délai raisonnable;

  • c) de ne pas être contraint de témoigner contre lui-même dans toute poursuite intentée contre lui pour l’infraction qu’on lui reproche;

  • d) d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable;

  • e) de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable;

  • f) sauf s’il s’agit d’une infraction relevant de la justice militaire, de bénéficier d’un procès avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l’infraction dont il est accusé est un emprisonnement de cinq ans ou une peine plus grave;

  • g) de ne pas être déclaré coupable en raison d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle est survenue, ne constituait pas une infraction d’après le droit interne du Canada ou le droit international et n’avait pas de caractère criminel d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations;

  • h) d’une part de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement acquitté, d’autre part de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni;

  • i) de bénéficier de la peine la moins sévère, lorsque la peine qui sanctionne l’infraction dont il est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence.

Section 11
Proceedings in criminal and penal matters

Any person charged with an offence has the right

  • (a) to be informed without unreasonable delay of the specific offence;

  • (b) to be tried within a reasonable time;

  • (c) not to be compelled to be a witness in proceedings against that person in respect of the offence;

  • (d) to be presumed innocent until proven guilty according to law in a fair and public hearing by an independent and impartial tribunal;

  • (e) not to be denied reasonable bail without just cause;

  • (f) except in the case of an offence under military law tried before a military tribunal, to the benefit of trial by jury where the maximum punishment for the offence is imprisonment for five years or a more severe punishment;

  • (g) not to be found guilty on account of any act or omission unless, at the time of the act or omission, it constituted an offence under Canadian or international law or was criminal according to the general principles of law recognized by the community of nations;

  • (h) if finally acquitted of the offence, not to be tried for it again and, if finally found guilty and punished for the offence, not to be tried or punished for it again; and

  • (i) if found guilty of the offence and if the punishment for the offence has been varied between the time of commission and the time of sentencing, to the benefit of the lesser punishment.

Annotations
Alter Ego : Chartes des droits de la personnee (2022) par Henri Brun, Pierre Brun et Fannie LafontaineInformation
FermerExtraits de : Henri Brun, Pierre Brun et Fannie Lafontaine, Chartes des droits de la personne : Législation, jurisprudence et doctrine, Collection Alter Ego, 35e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2022 (version intégrale dans eDOCTRINE).
L'authentification est requise pour accéder à ce contenu
Se connecter

Créer un compte

Traité de droit criminel. Tome IV, Les garanties juridiques (2021) par Hugues ParentInformation
FermerExtraits de : Parent, Hugues, Traité de droit criminel. Tome IV, Les garanties juridiques, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2021 (version intégrale dans eDOCTRINE).

Table des matières

Chapitre cinquième - L’article 11

475. S’adressant à des « atteintes spécifiques au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes1988 », les garanties prévues à l’article 11 constituent « des éléments essentiels d’un système d’administration de la justice fondé sur la foi en la dignité et la valeur de la personne humaine et en la primauté du droit1989 ». De la présomption d’innocence au droit d’être jugé dans un délai raisonnable, en passant par le droit de ne pas être déclaré coupable en raison d’une action ou d’une omission qui ne constituait pas une infraction au moment de sa commission, l’article 11 de la Charte protège l’accusé contre des atteintes à ses droits fondamentaux et rétablit sensiblement l’équilibre entre les intérêts de l’État et ceux de l’accusé.

476. Sans prétendre à l’exhaustivité, ce chapitre propose une analyse des plus importantes garanties ou protections offertes par l’article 11. Si la présomption d’innocence trône au sommet des droits conférés par la Charte (al. 11d)), le droit de ne pas être déclaré coupable en raison d’une action ou d’une omission qui ne constituait pas une infraction au moment de sa commission (11g)), et de bénéficier de la peine la plus douce (11i)) assure la primauté du droit en régissant l’application des lois criminelles dans le temps. Quant au droit d’être jugé dans un délai raisonnable, nul besoin de rappeler son importance compte tenu de son actualité et de la controverse qui entoure son application (11b)).

[Page 726]

Première section : La présomption d’innocence (al. 11d) de la Charte)

477. Reconnue par la common law1990, garantie par la Charte, la présomption d’innocence est le « fil d’or » de la procédure criminelle, le principe qui surplombe son application au point de vue éthique et spirituel. Aux termes de ce principe fondamental : une personne accusée d’une infraction est présumée innocente tant et aussi longtemps que l’État n’a pas prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. La présomption d’innocence exprime la foi du système de justice dans l’intégrité et l’honnêteté des citoyens. Son application contrebalance le pouvoir coercitif de l’État et atténue, dans la mesure du possible, la stigmatisation et l’opprobre qui découlent d’une accusation criminelle. Comme l’indique le juge en chef Dickson, dans R. c. Oakes :

« La présomption d’innocence est un principe consacré qui se trouve au cœur même du droit criminel. Bien qu’elle soit expressément garantie par l’al. 11d) de la Charte, la présomption d’innocence relève et fait partie intégrante de la garantie générale du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, contenue à l’art. 7 de la Charte (voir Renvoi : Motor Vehicle Act de la C.-B., 1985 CanLII 81 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 486, le juge Lamer). La présomption d’innocence a pour effet de sauvegarder la liberté fondamentale et la dignité humaine de toute personne que l’état accuse d’une conduite criminelle. Un individu accusé d’avoir commis une infraction

[Page 727]

criminelle s’expose à de lourdes conséquences sociales et personnelles, y compris la possibilité de privation de sa liberté physique, l’opprobre et l’ostracisme de la collectivité, ainsi que d’autres préjudices sociaux, psychologiques et économiques. Vu la gravité de ces conséquences, la présomption d’innocence revêt une importance capitale. Elle garantit qu’un accusé est innocent tant que l’état n’a pas prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Voilà qui est essentiel dans une société qui prône l’équité et la justice sociale. La présomption d’innocence confirme notre foi en l’humanité; elle est l’expression de notre croyance que, jusqu’à preuve contraire, les gens sont honnêtes et respectueux des lois1991. »

478. La présomption d’innocence a pour corollaire l’exigence que la culpabilité de l’accusé soit établie hors de tout doute raisonnable (1) et que ce soit à l’État qu’incombe la charge de la preuve (2). Malgré son importance, la présomption d’innocence comporte plusieurs entorses et exceptions qui, tout en reconnaissant ses limites, en consacrent le principe et l’application (3).

Première sous-section : La culpabilité de l’accusé doit être prouvée hors de tout doute raisonnable

479. Comme la culpabilité de l’accusé doit être prouvée hors de tout doute raisonnable et que la notion de doute raisonnable est au cœur de l’obligation qui échoit à la poursuite, c’est de ce côté qu’il faut commencer notre analyse de la présomption d’innocence. Tout d’abord, en quoi consiste la notion de doute raisonnable ? Quel est son contenu ? Quelles sont ses limites ? Telles sont les questions auxquelles tente de répondre le juge Cory, dans l’arrêt R. c. Lifchus1992. Comme la signification « positive » d’un concept, de ce qu’il est ou représente au point de vue juridique, se révèle, bien souvent, plus clairement de manière « négative », à travers ce

[Page 728]

qu’il n’est pas, le Tribunal commence son analyse du doute raisonnable en indiquant les définitions qui devraient être évitées.

480. Premièrement, la notion de doute raisonnable n’est pas un concept ou une expression « ordinaire », mais un terme juridique dont la signification en droit pénal ne peut être confondue avec la norme de preuve que les citoyens utilisent à tous les jours, dans leur vie quotidienne, afin de régler leurs affaires courantes ou de prendre des décisions importantes. Il ne s’agit pas ici de tirer une conclusion « raisonnable » sur la culpabilité de l’accusé, mais bien de décider si la poursuite a prouvé « hors de tout doute raisonnable » la culpabilité de l’accusé. La norme de preuve exigée en droit criminel suppose donc un niveau de certitude plus élevé que la norme de probabilité utilisée dans notre vie quotidienne. Résultat : « Dire au jury que le doute raisonnable ne signifie rien de plus que ce que ces mots signifient dans leur “sens [...] de tous les jours” est trompeur et constitue une erreur donnant lieu à révision1993 ».

481. L’expression « hors de tout doute raisonnable » n’est pas non plus synonyme de « certitude morale ». Ce qui est certain au point de vue moral peut ne pas l’être au point de vue légal. « Par conséquent, si la norme de preuve est expliquée comme étant l’équivalent de la “certitude morale”, sans plus, les jurés peuvent penser qu’ils sont habilités à conclure à la culpabilité s’ils se sentent “certains”, même si le ministère public n’a pas réussi à prouver les accusations hors de tout doute raisonnable1994. » Le degré de preuve requis pour être « moralement certain » de la culpabilité de l’accusé pouvant varier d’un juré à l’autre, le danger de confusion est bel et bien réel. Sans être fatal à tout coup, l’emploi de l’expression « certitude morale » dans les exposés et directives au jury devrait donc être évité.

[Page 729]

482. Enfin, il faut s’empêcher de qualifier le mot « doute » par d’autres adjectifs que « raisonnable ». Le juge qui dit au jury qu’un doute « raisonnable » est un doute « obsédant », « substantiel » ou « sérieux » commet une erreur puisqu’il emploie une expression dont le sens n’est pas consacré en droit pénal. Comme ces expressions renvoient à une norme de preuve plus élevée pour certains, et moins exigeante pour d’autres, il est préférable de s’en tenir à la notion de « doute raisonnable ». Cette mise en garde s’applique également au juge qui explique au jury qu’un doute « raisonnable » est « un doute à ce point sérieux qu’il leur fait perdre l’appétit ou le sommeil1995 », puisqu’une telle définition a pour effet d’élever le seuil de certitude exigé en semblable matière et de semer la confusion dans l’esprit du jury.

483. Après avoir identifié certains écueils à éviter, le juge Cory examine la notion de doute raisonnable à travers son rapport avec la présomption d’innocence, la certitude morale et la prépondérance des probabilités.

484. Premièrement, le juge doit indiquer au jury que la notion de doute raisonnable est étroitement liée à la présomption d’innocence. En effet, « si la présomption d’innocence est le fil d’or de la justice pénale, alors la preuve hors de tout doute raisonnable en est le fil d’argent, et ces deux fils sont pour toujours entrelacés pour former la trame du droit pénal1996 ». Le ministère public, rappelons-le, doit prouver la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable. Ce fardeau, qui ne devrait pas se déplacer sur les épaules de l’accusé, doit être clairement rappelé au moment d’instruire le jury sur la charge de preuve qui incombe à la poursuite.

485. Sans parler d’une pratique généralisée, plusieurs tribunaux associent la présence d’un doute raisonnable à l’existence

[Page 730]

« d’un doute que l’on peut motiver1997 ». Cette approche repose sur l’idée qu’un juré devrait être en mesure d’expliquer pourquoi il a conclu qu’il existait ou non un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé. Dans le premier cas, il devrait dire, par exemple, « j’ai un doute raisonnable parce que je ne crois pas le témoignage de A et de B. J’estime que ces témoins ne sont pas crédibles en raison des contradictions et des incohérences relevées dans leur témoignage ou de l’absence de preuve à l’appui de leurs dépositions1998 ». Dans l’hypothèse contraire, le juré devra également expliquer sa décision. Il pourrait dire, par exemple, que les témoignages de A et B l’ont convaincu de la culpabilité de l’accusé en raison de la crédibilité des témoins ou de la solidité de leurs versions qui, sans être contredites, s’appuyaient sur la preuve admise au procès. Malgré sa pertinence, cette approche soulève certaines difficultés. On craint, par exemple, que les personnes qui sont incapables d’exprimer clairement leur pensée ne soient pas en mesure de motiver la présence d’un doute raisonnable. Les raisons menant à la décision finale d’un juré ne sont pas toujours faciles à expliquer : certaines conclusions quant à la culpabilité ou non de l’accusé découlent d’impressions, de jugements qui, tout en étant pleinement ressentis par le sujet, ne peuvent être identifiés clairement. Pourquoi un juré rejette telle ou telle déposition : les explications sont légion sans toutefois pouvoir être formulées expressément. C’est pourquoi la Cour suprême met en garde les tribunaux contre les risques d’une telle approche et rappelle l’importance d’indiquer au jury « qu’un doute raisonnable est un doute fondé sur la raison et le bon sens, et qui doit reposer logiquement sur la preuve ou l’absence de preuve1999 ». L’existence ou non d’un doute raisonnable ne peut s’appuyer sur la sympathie ou sur un préjugé2000. Le jury qui acquitte, malgré la preuve écrasante, un individu accusé d’avoir aidé sa femme lourdement handicapée à se suicider ne juge pas en fonction de la raison et de la preuve, mais des émotions et de la compassion. Quant au jury qui condamne, malgré l’absence de preuve incriminante, un jeune noir d’une agression sexuelle

[Page 731]

commise sur une blanche, celui-ci ne juge pas en fonction de la preuve mais sur la base de préjugés raciaux2001. Ce qui est interdit, avons-nous dit.

486. En plus de ne pas être fondé sur la sympathie ou les préjugés, « un doute raisonnable n’est pas un doute imaginaire ou frivole qui repose sur des conjectures ou des suppositions2002 ». Le jury est donc appelé « à fonder leur verdict non pas sur des impressions ou des intuitions, mais sur un examen sérieux de la preuve2003 ».

487. L’expression « hors de tout doute raisonnable » n’exige pas une certitude absolue. Cette norme étant quasi impossible à respecter, une personne peut être condamnée malgré l’existence d’un doute résiduel. La culpabilité, en effet, n’exclut pas la notion d’incertitude. Par contre, s’il subsiste dans l’esprit du juge ou des jurés un doute raisonnable sur la culpabilité de l’accusé ou une possibilité raisonnable que ce dernier ne soit pas coupable, il doit être acquitté des charges qui pèsent contre lui.

488. Il est important d’expliquer au jury la distinction entre la norme de preuve en droit pénal et celle utilisée en droit civil. L’expression « hors de tout doute raisonnable » exige « quelque

[Page 732]

chose de plus » que la prépondérance des probabilités. Moins sévère qu’en droit pénal, le fardeau qui incombe au demandeur en droit civil est rencontré lorsque la preuve apportée « est suffisante pour rendre l’existence d’un fait plus probable que son inexistence2004 ». Quant à la norme de preuve utilisée en droit pénal, celle-ci doit démontrer la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable : « le jury qui conclut seulement que l’accusé est probablement coupable doit acquitter l’accusé2005 ».

489. Des directives indiquant aux jurés « qu’ils peuvent déclarer l’accusé coupable s’ils sont “sûrs” ou “certains” de sa culpabilité2006 » peuvent s’avérer « insuffisantes » ou même « trompeuses » suivant les circonstances, car si l’acquisition de la certitude peut être encouragée, voire même recherchée, le chemin menant à cette conviction n’est pas toujours clairement indiqué. Résultat : « Ce n’est qu’après avoir donné aux jurés des directives appropriées sur le sens de l’expression “hors de tout doute raisonnable” qu’il est possible de leur dire qu’ils peuvent déclarer l’accusé coupable s’ils sont “certains” ou “sûrs” de sa culpabilité2007 ».

490. Si un exposé conforme à ces principes est suffisant pour éclairer le jury sur la signification de la norme de preuve exigée en droit pénal, le juge Cory va plus loin et propose, à la suite du souhait exprimé par la Cour d’appel du Québec dans R. c. Girard2008, un modèle de directives concernant le sens de l’expression « hors de tout doute raisonnable ». D’après le juge Cory :

« Au début du procès, l’accusé est présumé innocent. Cette présomption demeure tant et aussi longtemps que le ministère public ne vous a pas convaincus hors de tout doute raisonnable de sa culpabilité à la lumière de la preuve qui vous est présentée.

[Page 733]

Que signifie l’expression “hors de tout doute raisonnable” ?

L’expression “hors de tout doute raisonnable” est utilisée depuis très longtemps. Elle fait partie de l’histoire et des traditions de notre système judiciaire. Elle est tellement enracinée dans notre droit pénal que certains sont d’avis qu’elle se passe d’explications. Néanmoins, certaines précisions s’imposent.

Un doute raisonnable n’est pas un doute imaginaire ou frivole. Il ne doit pas reposer sur la sympathie ou sur un préjugé. Il doit reposer plutôt sur la raison et le bon sens. Il doit logiquement découler de la preuve ou de l’absence de preuve.

Même si vous croyez que l’accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, cela n’est pas suffisant. Dans un tel cas, vous devez accorder le bénéfice du doute à l’accusé et l’acquitter, parce que le ministère public n’a pas réussi à vous convaincre de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

Cependant, vous devez vous rappeler qu’il est virtuellement impossible de prouver quelque chose avec une certitude absolue, et que le ministère public n’est pas tenu de le faire. Une telle norme de preuve est impossiblement élevée.

En bref, si, en vous fondant sur la preuve soumise à la cour, vous êtes sûrs que l’accusé a commis l’infraction, vous devez le déclarer coupable, car cela démontre que vous êtes convaincus de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable2009. »

[Page 734]

491. Bien que forts utiles, certaines précisions furent apportées aux directives proposées par le juge Cory, dans R. c. Lifchus. Ces précisions concernent le rapport entre la « certitude morale », la « prépondérance des probabilités » et la notion de « doute raisonnable ». Comme nous l’avons vu, la « certitude absolue » exclut la présence de tout doute quant à la culpabilité de l’individu. C’est la conviction absolue et inébranlable en la culpabilité de l’accusé. Cette norme, qui se situe à l’extrémité supérieure de l’échelle de certitude, est quasi impossible à rencontrer et n’est pas requise en droit criminel. Quant à la « prépondérance des probabilités », celle-ci signifie que l’accusé doit « probablement » ou « vraisemblablement » être coupable. Il ne s’agit pas d’une simple possibilité, mais d’une norme exigeant que la culpabilité de l’accusé soit plus probable qu’improbable. Entre les deux se situe la preuve « hors de tout doute raisonnable ». « Contrairement à la certitude absolue ou à la prépondérance des probabilités, le doute raisonnable n’est pas une norme facile à quantifier2010. » Sa position sur l’échelle de certitude « se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités2011 ». « Comme l’arrêt Lifchus l’a précisé, le juge du procès est tenu d’expliquer qu’il faut moins que la certitude absolue et plus que la culpabilité probable pour que le jury prononce une déclaration de culpabilité. Ces deux normes subsidiaires se comprennent assez facilement. Il sera très utile au jury que le juge du procès situe la norme du doute raisonnable de la bonne façon entre ces deux normes2012. » Malgré ces précisions, certaines incertitudes peuvent demeurer quant à la notion de doute raisonnable. Dans ce cas, la répétition textuelle de l’exposé initial peut s’avérer suffisante lorsque le texte de cet exposé n’a pas été remis au jury et que les questions posées semblent indiquer que ce dernier a oublié certains détails de l’exposé. Lorsque le texte de l’exposé initial se trouve entre les mains du jury, le juge peut utiliser d’autres mots afin d’expliquer la notion de doute raisonnable. Si le juge refuse d’apporter des éclaircissements supplémentaires ou se contente de la répétition textuelle de l’exposé initial, il doit « impérativement laisser au jury la

[Page 735]

possibilité de revenir poser d’autres questions, plus précises, si la notion de doute raisonnable demeurait obscure pour lui2013 ».

492. Appliquée concrètement, dans le cadre d’un procès en droit pénal, la notion de doute raisonnable peut causer des problèmes importants dans les cas de preuves contradictoires. Cela est particulièrement évident lorsque l’accusé et le plaignant témoignent en l’absence de preuves extrinsèques pouvant corroborer leur version. La tentation de favoriser la version la plus crédible étant grande, le juge des faits doit se prémunir contre ce danger et considérer l’ensemble de la preuve en fonction du fardeau qui incombe à la poursuite. Pour s’en convaincre, citons la décision R. c. W.(D.)2014 dans laquelle l’appelant fut déclaré coupable de deux chefs d’accusation d’agression sexuelle commise sur sa nièce qu’il hébergeait à l’époque des événements reprochés. Au cours de sa déposition, la plaignante a affirmé avoir eu, à deux reprises, des rapports sexuels avec l’accusé alors qu’il la conduisait chez son ami. À chaque fois, l’accusé stationnait sa voiture dans un endroit isolé pour ensuite lui demander d’avoir des rapports sexuels. La victime affirme s’être soumise aux rapports sexuels en raison de la crainte de l’emploi de la force à son égard. Après les deux événements, l’accusé aurait conduit la plaignante chez son ami. Les éléments de preuve pouvant corroborer sa version des faits sont plutôt faibles. Des taches de liquide séminal du groupe A ont été trouvées dans ses petites culottes. Près du tiers des hommes appartiennent à ce groupe. L’accusé en fait partie. La victime qui aurait passé deux nuits chez son ami n’a pas changé de sous-vêtements. On ne sait pas à quel groupe son ami appartient, ni si elle a eu des rapports sexuels avec lui. L’accusé, toujours selon la plaignante, aurait éjaculé dans un papier mouchoir lors des deux épisodes rapportés. De son côté, l’accusé nie catégoriquement les accusations de la poursuite. Selon lui, il aurait reconduit tout simplement la victime chez son ami. Les allégations de la plaignante seraient motivées par la vengeance et plus particulièrement par le fait que sa femme et lui auraient indiqué à la jeune fille qu’ils ne

[Page 736]

pouvaient plus l’héberger en raison de leurs difficultés financières. Aucune preuve ne corrobore sa version des faits. Plusieurs contradictions ont été relevées dans son témoignage. Il est difficile de dire si ces incohérences découlent de son manque d’instruction et d’une intelligence limitée, ou d’une « dénégation incohérente de la vérité2015 ». Quoi qu’il en soit, après avoir expliqué, dans son exposé principal, que le ministère public avait le fardeau de prouver les chefs d’accusation hors de tout doute raisonnable, le juge est revenu quelques minutes plus tard afin d’apporter des précisions sur la question de la crédibilité des témoins. Au cours de son exposé supplémentaire, le juge du procès a indiqué aux membres du jury qu’ils devaient déterminer s’ils croyaient la plaignante ou s’ils croyaient l’appelant. D’après le juge Cory, « il est manifeste que le juge du procès a commis une erreur dans son exposé supplémentaire. Il est incorrect d’indiquer aux jurés, dans une affaire criminelle que, pour arriver à un verdict, ils doivent décider s’ils ajoutent foi à la preuve de la défense ou à celle de la poursuite2016 ». Rappelant l’importance de la présomption d’innocence et de son corollaire, l’obligation de prouver la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable, le juge Cory proposa les directives suivantes :

« Premièrement, si vous croyez la déposition de l’accusé, manifestement vous devez prononcer l’acquittement.

Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l’accusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer l’acquittement.

Troisièmement, même si vous n’avez pas de doute à la suite de la déposition de l’accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de l’accusé2017. »

[Page 737]

493. Comme l’exposé principal sur le fardeau de la preuve était correct et que les directives supplémentaires ont été données moins de dix minutes plus tard, le jury savait que l’existence d’un doute raisonnable devait bénéficier à l’accusé et entraîner son acquittement. Malgré l’erreur commise par le juge du procès lors de son exposé supplémentaire, le jury n’a pas été laissé avec l’impression qu’il devait croire la déposition de l’accusé pour l’acquitter. D’où le rejet du pourvoi logé par la défense.

494. Malgré son utilité, la démarche proposée par le juge Cory, dans R. c. W.(D.), « peut ne pas être suivie à la lettre2018 ». En effet, c’est la substance de ce qui a été dit au jury qui compte et non le formalisme des mots utilisés. L’omission de se conformer à ces directives n’est pas préjudiciable « si l’exposé, considéré dans son ensemble, indique clairement que le fardeau de la preuve incombe toujours au ministère public et que si le jury conserve un doute raisonnable fondé sur l’ensemble de la preuve, il doit prononcer l’acquittement2019 ». Regardons brièvement en quoi consistent ces directives.

[Page 738]

495. La première directive prévoit que le jury doit acquitter l’accusé s’il croit sa déposition. Cette règle, qui ne souffre d’aucune difficulté, découle du fardeau qui incombe à la poursuite et de la présence d’un doute raisonnable.

496. La seconde directive permet au tribunal qui ne croit pas l’accusé, mais qui conserve un doute raisonnable sur sa culpabilité, de prononcer l’acquittement2020. Cette hypothèse fut examinée par la Cour suprême, dans R. c. Dinardo2021. L’accusé, un chauffeur de taxi, conduisait la victime, une jeune femme souffrant de déficience intellectuelle, de la résidence spécialisée où elle habitait la semaine, jusqu’à une « maison des jeunes » où elle passait plusieurs après-midis en compagnie de ses amies. En cours de route, l’accusé aurait procédé à des attouchements sexuels sur la plaignante. D’après la victime, l’accusé aurait touché ses seins et lui aurait mis le doigt dans le vagin tout en l’invitant à lui toucher le pénis. Ce qu’elle refusa. À son arrivée à la maison des jeunes, la plaignante a rapporté les événements à une enseignante, récit qu’elle répéta, au cours de l’après-midi, à une employée de la résidence. Accusé d’agression sexuelle et d’exploitation sexuelle d’une personne ayant une déficience, M. Dinardo nia catégoriquement les allégations de la poursuite et prétendit, photos à l’appui, que la configuration intérieure de sa voiture l’empêchait de poser

[Page 739]

les gestes qu’on lui reprochait. Quant à la plaignante, celle-ci admit, en contre-interrogatoire, avoir inventé cette histoire pour ensuite nier, en ré-interrogatoire, l’avoir inventée et affirmer ne pas savoir ce que signifie le mot « inventer ». Après avoir déclaré que l’accusé « avait bien témoigné », le juge du procès rejeta son argument à l’effet qu’il ne pouvait pas toucher à la plaignante sans se pencher. L’accusé ayant été déclaré coupable des charges qui pesaient contre lui, la défense porta la cause en appel. Dans une forte dissidence, le juge Chamberland affirma que « l’appelant, qui nie avoir posé les gestes reprochés et qui, selon le juge de première instance, a “bien témoigné” a le droit fondamental de savoir précisément non seulement pourquoi le juge ne le croit pas, mais également pourquoi son témoignage ne soulève pas de doute raisonnable2022 ». Après avoir rappelé que la démarche proposée par le juge Cory, dans R. c. W.D., n’est pas une formule « sacramentelle », la Cour suprême réitéra le principe qui surplombe l’analyse sur la question et, plus particulièrement, l’obligation pour le juge du procès « de répondre à la question déterminante de savoir si la preuve offerte par l’accusé, appréciée au regard de l’ensemble de la preuve, soulève un doute raisonnable quant à sa culpabilité2023 ». Privilégiant une analyse de la substance plutôt que de la forme, la Cour suprême poursuivit son analyse en disant que « le juge du procès doit déterminer si la preuve dans son ensemble établit la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable2024 ». Comme la défense reposait sur le manque de crédibilité du témoignage de la plaignante et sur les dénégations de l’accusé, le juge du procès se devait d’expliquer « comment il avait résolu les problèmes que posait ce témoignage pour rendre un verdict hors de tout doute raisonnable2025 ». Le juge qui ne croit pas l’accusé, mais qui conserve un doute raisonnable sur sa culpabilité doit l’acquitter des charges qui pèsent contre lui. Comme le rappelle le juge LeBel, dans R. c. Van, les jurés « n’ont pas à accepter la preuve de la défense dans son entier pour prononcer l’acquittement2026 ». Le

[Page 740]

juge peut écarter certaines parties de la déposition de l’accusé, tout en acceptant d’autres parties. S’il subsiste un doute raisonnable dans l’esprit du juge ou des jurés, l’accusé doit être acquitté. Au-delà des mots utilisés, c’est la substance de ce que le jury a compris qui compte. Des directives claires quant au fardeau de la preuve qui incombe à la poursuite ainsi qu’à l’obligation de prononcer l’acquittement dans les cas où le jury conserve un doute raisonnable sur la culpabilité de l’accusé, peuvent pallier les lacunes ou erreurs dans la directive du juge aux jurés.

497. Sans convaincre le tribunal, le témoignage de l’accusé peut donc laisser planer un doute raisonnable sur sa culpabilité. C’est l’exemple de Gilbert Rozon qui fut accusé d’attentat à la pudeur et de viol relativement à des événements qui se seraient produits au tournant des années 19802027. Les faits peuvent être résumés brièvement. L’accusé, qui s’occupait de l’organisation d’un festival réunissant plusieurs artistes, a invité la victime, une employée à temps partiel dans une station de radio avec laquelle il entretenait des liens d’affaires, à prendre un verre. Une fois dans la voiture, l’accusé et la plaignante se rendirent à une discothèque où ils passèrent une partie de la soirée. Comme l’heure de fermeture approchait, M. Rozon et AB décidèrent de quitter les lieux. Bien que leurs versions se contredisent sur la suite des événements, les deux personnes se retrouvèrent dans une résidence à laquelle M. Rozon avait accès. À partir de ce moment, les choses se compliquent. D’après la plaignante, l’accusé se serait jeté sur elle pour ensuite tenter de l’embrasser et de la toucher. Celle-ci ayant résisté énergiquement, l’accusé s’arrêta après quelques instants. La victime s’étant endormie dans une chambre de la résidence, elle se réveilla le lendemain matin avec l’accusé sur elle. Manifestement, M. Rozon souhaitait avoir une relation sexuelle. Comme la victime n’avait plus la force de résister, elle se résigna à le laisser faire. Quant à l’accusé, il est catégorique : après être entrés dans la résidence, lui et la plaignante se sont embrassés, puis la jeune femme aurait manifesté son inconfort en se raidissant alors que l’accusé glissa sa main le long de sa cuisse. Surpris et contrarié

[Page 741]

par la réaction de la victime, ce dernier se serait arrêté pour ensuite lui demander d’aller se coucher dans une chambre de la résidence. L’accusé se dirigea alors vers une autre chambre où il s’endormit. À son réveil, la victime, selon l’accusé, le chevauchait à moitié nue. Après avoir eu une relation sexuelle consensuelle, M. Rozon a reconduit la jeune femme chez elle. Dans un jugement bien fouillé, la juge Mélanie Hébert, procéda à l’analyse de la culpabilité de l’accusé à l’aune des principes issus de l’arrêt W.(D.). D’entrée de jeu, la juge rappelle qu’il n’est pas question ici de choisir la version la plus crédible ou la plus plausible, mais de déterminer si la poursuite a prouvé hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé. D’après la juge Hébert, les deux premières étapes de l’analyse énoncée dans l’arrêt W.(D.) se concentrent sur le témoignage de l’accusé. Est-ce que le tribunal croit la version de l’accusé ? Si oui, l’acquittement doit être prononcé. Dans le cas contraire, le tribunal doit décider si le témoignage de M. Rozon soulève néanmoins un doute raisonnable quant à sa culpabilité. Cette évaluation, précise la magistrate, doit se faire à la lumière de la preuve présentée au procès et, plus précisément, du témoignage de la victime. D’après la juge Hébert, le témoignage de Gilbert Rozon est plausible. Sa version des faits ne comporte pas de contradictions pouvant en miner la crédibilité ou la fiabilité. Elle précise toutefois que l’accusé a parfois une tendance à exagérer et à rapporter certains faits d’une manière plus affirmative que sa mémoire pourrait lui permettre de le faire, compte tenu du passage des années, ce qui a pour effet « d’affecter la crédibilité de son témoignage2028 ». De son côté, le témoignage de la victime est honnête et sincère; la présence d’imprécisions doit toutefois être relevée. De plus, la qualité des souvenirs de la victime relativement à des événements importants s’étant produits le lendemain matin est de nature à affaiblir la fiabilité de son témoignage. Bien que le tribunal ne croit pas l’accusé, « l’analyse du témoignage de monsieur Rozon, à la lumière de l’ensemble de la preuve, incluant le témoignage de AB, ne révèle pas d’éléments suffisamment sérieux permettant au Tribunal de l’écarter. Dit autrement, le tribunal ne peut pas priver monsieur Rozon du doute raisonnable sur la question de la crédibilité, et ce, même si sa version apparaît moins plausible

[Page 742]

que celle de AB2029 ». L’analyse est impeccable. Le tribunal ne croit pas la version de l’accusé, mais conserve néanmoins un doute raisonnable sur sa culpabilité. Ce doute raisonnable, poursuit la juge Hébert, « découle à la fois des qualités intrinsèques du témoignage donné par monsieur Rozon et des faiblesses précédemment identifiées quant à la fiabilité du témoignage de AB2030 ». Le ministère public n’ayant pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé, ce dernier fut acquitté des charges qui pesaient contre lui.

498. Lorsque la déposition de l’accusé n’est pas crue ou ne soulève aucun doute raisonnable, le juge ou le jury doit se demander si la culpabilité de l’accusé, à la lumière de la preuve qu’il accepte, a été établie hors de tout doute raisonnable. Si la réponse est affirmative, le tribunal doit déclarer l’accusé coupable2031. Dans

[Page 743]

le cas contraire, l’acquittement doit être prononcé2032. Cette situation est magnifiquement illustrée par la juge Beauchemin, dans R. c. Laraque2033. En l’espèce, la poursuite reprochait à l’accusé, un ancien joueur de hockey professionnel, d’avoir frauduleusement

[Page 744]

détourné à son bénéfice personnel des sommes d’argent qui appartenaient à sa compagnie. Après avoir soigneusement examiné la crédibilité des témoins, dont l’accusé et le plaignant, la juge Beauchemin souligne les « lacunes » et les « faiblesses dans la preuve principale » et prononce l’acquittement malgré « le rejet de la version présentée en défense2034 ». Selon la magistrate, « même en dépit du mensonge que l’accusé admet (au sujet du versement d’une commission due à un tiers, alors que cela n’était pas le cas), il subsiste néanmoins un doute raisonnable dans l’esprit du Tribunal quant à la culpabilité de celui-ci2035 ». En effet, « ce dernier est possiblement, voire probablement, coupable. S’il était permis au Tribunal de choisir entre les deux versions des protagonistes, celle du plaignant pèserait davantage dans la balance. Celle-ci s’avère plus compatible avec les témoignages respectifs de MM. Ho et Léger et les messages textes échangés, et ce, en dépit des réserves déjà exprimées à son égard. Or, dans un procès criminel, cela n’est pas permis, ni souhaitable2036 ». Bien que la juge Beauchemin ne retienne pas les explications fournies par l’accusé, elle conclut que la preuve de la poursuite ne l’a pas convaincue hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé. Cette décision n’est pas sans analogie avec celle rendue par le juge Dalmau dans le procès d’Éric Salvail, cet animateur de télévision et de radio bien connu de la scène artistique québécoise, qui fut accusé de harcèlement, de séquestration et d’agression sexuelle à l’endroit d’un ancien collègue de travail à Radio-Canada2037. Même si le tribunal ne croit pas la version de l’accusé et que « sa défense ne laisse pas de doute raisonnable » sur sa culpabilité2038, les lacunes soulevées à l’égard de la crédibilité et de la fiabilité du témoignage du plaignant sont préoccupantes2039 et empêchent le tribunal de conclure à la

[Page 745]

culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable. Sans prétendre catégoriquement que le plaignant invente certaines portions de son récit, « la fiabilité de son témoignage et sa crédibilité sont tout de même grandement affectées par l’évolution de sa mémoire, parfois fautive, le refus du plaignant d’admettre des faiblesses apparentes à cet égard, [sa tendance à exagérer et dramatiser les faits] et la trop grande confiance qu’il accorde à celle-ci2040 ». D’où le verdict d’acquittement sur tous les chefs reprochés.

499. Comme la plupart des concepts juridiques, la crédibilité des témoins ne se résume pas à une question de tout ou rien. C’est d’ailleurs ce que rappelle la juge en chef McLachlin, au nom de la Cour suprême, dans R. c. R.E.M.2041. Statuant sur le pourvoi logé contre un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique qui avait annulé les déclarations de culpabilité de l’accusé relativement à diverses infractions de nature sexuelle qu’il aurait commises sur sa belle-fille lorsqu’elle avait entre 9 et 17 ans, la Cour accueille le pourvoi et rétablit les verdicts de culpabilité. Même s’il a conclu que, sur certains points, sa déposition n’avait pas été mise en doute, le juge du procès n’a pas cru le témoignage de l’accusé. Quant à la plaignante, le juge estime qu’il s’agit d’un témoin crédible. En effet, il retient en grande partie sa déposition, mais relève certaines erreurs qu’il attribue au jeune âge de

[Page 746]

la plaignante au moment des événements en question2042. Estimant que la plaignante était généralement sincère et « fort crédible », le juge du procès affirma « que son témoignage sur des événements précis n’était [Traduction] “pas sérieusement mis en doute”2043 ». Comme les trois infractions que l’on reprochait à l’accusé étaient « étayées par la preuve relative à plusieurs incidents2044 » et que « les condamnations elles-mêmes permettaient d’inférer raisonnablement que l’accusé n’a pas réussi à soulever un doute raisonnable en niant les accusations2045 », la Cour écarta la décision de la Cour d’appel et rétablit les verdicts de culpabilité.

500. L’application du fardeau de la preuve et de la notion de doute raisonnable dans le contexte de l’évaluation de la crédibilité des témoins fut étudiée de nouveau par la Cour suprême, dans R. c. H.S.B.2046. Discutant de la suffisance des motifs au soutien de la déclaration de culpabilité de l’accusé relativement à diverses infractions de nature sexuelle, l’ancienne juge en chef indique que les contradictions ou incohérences relevées dans la déposition de la plaignante se rapportent à des questions secondaires ou accessoires à la commission des actes reprochés. Ces lacunes n’affectent pas sa crédibilité et sont attribuables (1) au nombre élevé des incidents rapportés, (2) au jeune âge de la plaignante au moment des événements reprochés et (3) à son désir de « refouler ses souvenirs » douloureux2047. Comme il « ressort clairement des motifs du juge du procès que son verdict découlait de son acceptation du témoignage de la plaignante quant à savoir si les incidents s’étaient produits, de son rejet de la défense d’absence

[Page 747]

de possibilité de l’accusé, de sa conclusion selon laquelle l’accusé n’était pas un témoin crédible et du fait que l’ensemble de la preuve ne laissait aucun doute raisonnable dans son esprit2048 », la Cour conclut à la suffisance des motifs à l’appui de la déclaration de culpabilité de l’accusé.

501. Lorsqu’un ou plusieurs éléments essentiels de l’infraction reposent uniquement ou en grande partie sur des éléments de preuve circonstancielle, des explications sur la distinction entre une preuve directe et une preuve circonstancielle s’imposent au tribunal. Sur ce point, les Modèles de directives au jury, établis par le Comité national sur les directives au jury du Conseil canadien de la magistrature, proposent dans la directive 10.2 un exemple d’explications pouvant être données aux jurés :

« (1) Comme je vous l’ai expliqué au début du procès, vous pouvez vous fonder sur la preuve directe et sur la preuve circonstancielle pour arriver à votre verdict. Je vais passer en revue la signification de ces termes.

(2) Habituellement, les témoins racontent ce qu’ils ont eux-mêmes vu ou entendu. Par exemple, un témoin peut dire qu’il a vu qu’il pleuvait dehors. Il s’agit là d’une preuve directe.

(3) Cependant, les témoins relatent parfois des choses dont on vous demande de tirer certaines inférences. Par exemple, un témoin peut dire qu’il a vu quelqu’un entrer dans le palais de justice vêtu d’un imperméable et tenant à la main un parapluie, tous deux ruisselants d’eau. Si vous croyez ce témoin, vous pourriez déduire qu’il pleuvait dehors, même si cette preuve est indirecte. La preuve indirecte est parfois appelée preuve circonstancielle. »

502. Pour écarter le « danger que les jurés tirent des conclusions hâtives injustifiées dans des affaires reposant sur des éléments

[Page 748]

de preuve circonstancielle2049 », la Cour suprême suggère de « dire au jury qu’une inférence de culpabilité tirée d’éléments de preuve circonstancielle doit être la seule inférence raisonnable qui peut être tirée de ces éléments2050 ». Si après avoir examiné l’ensemble de la preuve, les jurés concluent qu’il existe d’autres conclusions raisonnables que la culpabilité, l’accusé doit être acquitté, faute de preuve hors de tout doute raisonnable. La présence d’un doute raisonnable ou d’une inférence compatible avec l’innocence de l’accusé peut découler de l’absence de preuve ou de sa faiblesse quant à un élément essentiel de l’infraction. Il ne faut pas confondre ici l’existence d’une « autre thèse plausible » ou d’une « autre possibilité raisonnable », avec la présence d’une « pure conjoncture2051 ». À l’image de la preuve hors de tout doute raisonnable, la seule inférence raisonnable n’exclut pas toute autre possibilité théorique2052. En effet, le ministère public n’a pas à « réfuter toutes les

[Page 749]

hypothèses, si irrationnelles et fantaisistes qu’elles soient, qui pourraient être compatibles avec l’innocence de l’accusé2053 ». Par contre, s’il existe, à la lumière de la preuve présentée au procès ou de son absence, une « autre thèse plausible » ou une « autre possibilité raisonnable », l’accusé ne peut être condamné en raison de la présence d’un doute raisonnable. La preuve hors de tout doute raisonnable est donc incompatible avec l’existence d’une « autre possibilité raisonnable ». Les principes énoncés par la Cour suprême dans R. c. Villaroman furent repris et développés par la Cour d’appel du Québec dans Duboug c. R.2054. En l’espèce, l’accusé avait été déclaré coupable notamment de voies de fait graves après avoir lancé un objet en verre à la figure de la victime. Comme celle-ci avait reçu le coup alors qu’elle se retournait pour rentrer dans le bar, elle n’était pas en mesure d’identifier l’objet qui l’avait frappée ni celui qui l’avait lancé. Sans pouvoir affirmé qu’ils ont vu l’accusé lancer l’objet en question, des témoins ont aperçu l’appelant faire un « mouvement vers l’avant », un « lancer vers l’avant » un « geste de l’épaule » et noté des éclats de verre au sol2055. Le verdict de culpabilité ayant été porté en appel, la défense prétendit que la culpabilité de l’accusé n’était pas la seule conclusion raisonnable pouvant être tirée de la preuve circonstancielle. Dans un jugement bien étoffé, la Cour d’appel, sous la plume du juge Healy, apporte les précisions suivantes : tout d’abord « la seule inférence raisonnable se distingue de la seule inférence rationnelle puisqu’une inférence peut être rationnelle sur un plan logique sans pour autant être raisonnable après une évaluation de tous les éléments de preuve et même l’absence de la preuve2056 ». Ensuite, « la seule inférence raisonnable n’implique aucunement que cette inférence soit la seule possible dans le même sens qu’une preuve hors de

[Page 750]

tout doute raisonnable n’équivaut pas à une preuve hors de tout doute possible2057 ». Appliquant ces principes aux faits de l’espèce, le Tribunal rejeta la prétention de la défense voulant qu’une autre personne se trouvant à l’extérieur du bar aurait pu lancer l’objet qui a atteint l’accusé au visage. Compte tenu de l’animosité qui existait entre l’accusé et la victime, de l’altercation qui avait eu lieu entre eux quelques instants avant l’incident et du témoignage de deux personnes qui ont aperçu l’accusé effectuer un « mouvement vers l’avant » avec son bras coïncidant avec la chute de la victime au sol, la juge du procès était justifiée, selon la Cour d’appel, de conclure de la preuve que la seule inférence raisonnable en l’espèce était que l’appelant avait lancé l’objet en question2058.

Deuxième sous-section : La charge de la preuve incombe à l’État

503. Ayant, dans un premier temps, défini la notion de doute raisonnable, vu en quoi elle consiste et dans quelle mesure elle se distingue des autres types de preuve, il convient maintenant de s’interroger sur la charge de preuve qui incombe à la poursuite en matière criminelle. Sur ce point, les tribunaux sont catégoriques : le ministère public doit prouver chaque élément de l’infraction hors de tout doute raisonnable. Cette obligation se rapporte autant à l’actus reus (culpabilité matérielle) qu’à la mens rea de l’infraction (culpabilité psychologique). À l’actus reus, tout d’abord, puisque la poursuite doit toujours prouver l’élément matériel de l’infraction hors de tout doute raisonnable. Ce principe, qui ne connaît aucun tempérament, s’applique autant aux infractions criminelles, que pénales ou réglementaires. À la mens rea, ensuite, puisque les « infractions dans lesquelles la mens rea qui consiste en l’existence réelle d’un état d’esprit, comme l’intention, la connaissance, l’insouciance2059 » ou dans l’omission de prévoir et

[Page 751]

de prévenir un risque, comme la négligence pénale et criminelle, « doit être prouvée par la poursuite soit qu’on puisse conclure à son existence vu la nature de l’acte commis, soit par preuve spécifique2060 ». Le fardeau de prouver l’élément psychologique de l’infraction s’applique donc autant aux crimes de faute subjective, qu’objective. C’est pourquoi l’individu qui touche intentionnellement les seins d’une jeune fille sans son consentement sera déclaré coupable d’agression sexuelle, contrairement à l’article 271 du Code criminel. Quant à la personne dont la conduite s’écarte de façon marquée de la norme de diligence qu’un conducteur raisonnablement prudent aurait respectée dans les circonstances, elle sera déclarée coupable de conduite dangereuse. La faute en matière de conduite dangereuse consiste donc dans l’omission d’envisager ou d’éviter un risque qu’une personne raisonnable aurait envisagé ou évité dans des circonstances qui révèlent la présence d’un écart marqué par rapport à la norme de diligence applicable2061. Ce principe, de toute évidence, s’étend à toutes les infractions dont la mens rea repose sur la négligence pénale.

[Page 752]

504. Contrairement aux infractions de mens rea traditionnelle, les infractions de responsabilité stricte s’articulent sur une présomption de négligence qui intervient à la suite de l’établissement de l’élément matériel de l’infraction. Une fois l’actus reus prouvé hors de tout doute raisonnable, la faute est présumée et il incombe alors à la défense de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’accusé a fait preuve de diligence raisonnable ou qu’il a agi sous l’emprise d’une erreur de fait raisonnable. Discutant des conditions générales gouvernant la responsabilité stricte en droit pénal, les auteurs Jacques Fortin et Louise Viau formulent les commentaires suivants :

« La poursuite n’a pas à établir que l’accusé a commis l’infraction par négligence. Sa seule obligation consiste à faire la preuve que l’accusé a commis l’actus reus, cette preuve faisant présumer la négligence. Précisons toutefois que l’arrêt Sault Ste-Marie n’entend pas modifier le fardeau de persuasion quant à l’actus reus. La poursuite a l’obligation de prouver celui-ci au-delà du doute raisonnable. Ce n’est qu’une fois cette preuve de l’actus reus acquise que la négligence s’infère de droit. Pour éviter une condamnation, l’accusé doit, dès lors, réfuter l’imputation de négligence par une preuve d’erreur de fait raisonnable ou de diligence raisonnable qui doit convaincre le juge de son innocence2062. »

505. Convaincre le juge de son innocence, voilà le problème ! L’imposition à l’accusé du fardeau de preuve – en l’occurrence la nécessité de convaincre le tribunal de l’absence de négligence – enfreint la présomption d’innocence garantie par l’article 11d) de la Charte. Comme l’indique l’ancien juge en chef Lamer, dans R. c. Whyte2063, c’est l’effet final d’une disposition sur le verdict qui est décisif : « Si une disposition oblige un accusé à démontrer certains faits suivant la prépondérance des probabilités pour éviter d’être déclaré coupable, elle viole la présomption d’innocence

[Page 753]

parce qu’elle permet une déclaration de culpabilité malgré l’existence d’un doute raisonnable dans l’esprit du juge des faits quant à la culpabilité de l’accusé2064 ». Malgré cette violation, l’inversion de la charge de persuasion imposée à l’accusé en matière de responsabilité stricte est justifiée dans la mesure où « l’allégement de la charge incombant à l’accusé créerait, d’un point de vue pratique, des obstacles insurmontables pour le ministère public dans sa tentative de faire appliquer des dispositions réglementaires2065 ».

[Page 754]

506. Si les infractions de faute subjective et objective exigent la preuve d’une faute préalable à la constatation du crime, il en va autrement des infractions de responsabilité absolue. « Ici, le fait parle de lui-même2066. » Malgré l’absence de considération accordée aux données psychologiques de l’offenseur, la responsabilité absolue demeure une infraction pénale et, comme toutes les infractions pénales, elle commande, à ce titre, une certaine forme de blâme moral. Ce blâme, qui résulte de la capacité de l’accusé d’orienter intelligemment et librement son action (imputabilité) et de la violation de la disposition concernée, se concrétise dans la primauté accordée aux données matérielles de l’infraction et dans l’indifférence des données psychologiques, autres que celles détruisant l’imputabilité. Sur ce point, nous nous accordons avec l’auteur Adrien-Charles Dana pour affirmer l’importance de l’actus reus et de l’imputabilité en matière d’infractions de responsabilité absolue :

« Il faut partir de l’idée que la culpabilité conçue en termes psychologiques joue un rôle sélectif dans l’application de la loi pénale. Lorsqu’une action matérielle imputable à son auteur est constatée à l’encontre du prévenu, le seul moyen qui lui reste pour écarter sa responsabilité pénale, consiste à établir qu’il est psychologiquement irréprochable. Il lui reste à prouver qu’il ne réalisait pas au moment de l’action l’attitude psychologique nécessaire pour que sa culpabilité soit retenue.

Or, que peut faire dans l’application positive de la loi pénale celui qui est poursuivi pour avoir commis une contravention et à l’égard duquel la réalité ainsi que l’imputabilité de son action sont établies ? Rien. Absolument rien. Toute discussion portant sur des considérations psychologiques sera stérile. Celles-ci, au lieu de justifier la violation de la loi, aboutiraient en fait à expliquer cette violation.

Du côté du prévenu, la seule défense possible est donc celle qui porte sur l’existence d’une cause de non-imputabilité, ou sur l’inexistence des faits matériels eux-mêmes. Dans un cas comme

[Page 755]

dans l’autre, l’agent pénal n’invoque pas ces considérations psychologiques, censées être de l’essence de la faute pénale, pas plus d’ailleurs que le ministère public n’a l’obligation de les viser dans les actes de poursuites2067. »

507. Limpide dans sa formulation, ce passage nous oblige à constater l’importance de l’imputabilité en matière de responsabilité absolue et l’indifférence accordée à la culpabilité psychologique de l’offenseur. Aussi, prétendre comme l’a fait le juge Dickson, dans l’arrêt Sault Ste-Marie, que « l’accusé peut être moralement innocent sous tous rapports et malgré cela être traité de criminel et puni comme tel2068 » est une affirmation qui participe à la fois de l’erreur et de la vérité2069, car si nul ne peut plaider son absence de culpabilité en matière de responsabilité absolue, rien ne l’empêche de soulever son absence d’imputabilité (facteur préalable à la constatation de la responsabilité pénale).

[Page 756]

508. Ayant identifié les éléments constitutifs des différentes infractions, il convient maintenant de s’interroger sur le fardeau de preuve qui incombe à la poursuite2070. Sur ce point, les tribunaux distinguent entre la charge de présentation et celle de persuasion. Comme son nom l’indique, la charge de présentation intervient dans le cadre de la présentation de la preuve de la poursuite. Pour s’acquitter de sa charge, la poursuite doit produire des éléments de preuve qui, s’ils étaient crus, « permettrai[en]t à un jury ayant reçu des directives appropriées de conclure rationnellement que l’accusé est coupable hors de tout doute raisonnable2071 ». À ce stade, la preuve doit être tenue pour avérée. Il n’y a aucune appréciation de la crédibilité des témoins ni de la probabilité ou non d’une déclaration de culpabilité. S’agissant de déterminer si un jury raisonnable, ayant reçu des directives appropriées, pourrait conclure à la culpabilité de l’accusé, le dossier doit renfermer des éléments de preuve sur tous les éléments constitutifs de l’infraction. Une poursuite pour meurtre exigerait, à titre d’exemple, la présence d’éléments de preuve se rapportant à l’identité du meurtrier, au décès de la victime, au lien de causalité (actus reus), ainsi qu’à l’état d’esprit coupable de l’accusé (mens rea)2072. Une demande de non-lieu présentée lors d’un procès devant juge seul ou de verdict imposé dans les cas de procès devant juge et jury

[Page 757]

devrait donc être rejetée « chaque fois qu’il existe des éléments de preuve admissibles qui pourraient, s’ils étaient crus, entraîner une déclaration de culpabilité2073 ». À défaut, le juge du procès doit prononcer l’acquittement. Le critère est le même qu’il s’agisse d’une affaire reposant sur des preuves directes ou circonstancielles. S’il existe une preuve directe se rapportant à tous les éléments de l’infraction, le procès doit se poursuivre. Lorsque la preuve relativement à un ou plusieurs éléments de l’infraction est circonstancielle, « le juge doit procéder à une évaluation limitée de l’ensemble de la preuve [c.-à-d. qui comprend la preuve de la défense] pour déterminer si elle est raisonnablement susceptible d’étayer l’inférence de culpabilité. [...] Des inférences irrationnelles ou déraisonnables de la preuve circonstancielle, ou de la spéculation, ne peuvent appuyer une citation à procès2074 ». Quant au fardeau de

[Page 758]

persuasion, celui-ci incombe à la poursuite qui doit prouver tous les éléments de l’infraction hors de tout doute raisonnable.

509. Transposée dans le cadre des moyens de défense, des excuses et des justifications pouvant être soulevées par l’accusé, la charge de présentation s’incarne dans la notion de vraisemblance, dans l’établissement d’un fondement probant suffisant pour que le moyen de défense soit soumis à l’attention du jury. Un moyen de défense est vraisemblable lorsqu’il existe au dossier des

[Page 759]

éléments de preuve « qui permettraient à un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant raisonnablement de prononcer l’acquittement, s’il y ajoutait foi2075 ». Le fardeau de présentation incombe à l’accusé. Les éléments de preuve peuvent découler de l’interrogatoire principal ou du contre-interrogatoire de l’accusé, des dépositions des témoins de la poursuite ou de la défense, des faits mis en preuve et de tout autre élément de preuve versé au dossier. L’imposition d’un seul critère de vraisemblance s’applique à tous les moyens de défense, qu’il s’agisse d’un moyen de défense « ordinaire » ou « affirmatif », ou emportant une « inversion du fardeau de la preuve2076 ». La nécessité, la contrainte morale, la légitime défense, la croyance sincère mais erronée au consentement communiqué et l’intoxication volontaire constituent des moyens de défense « ordinaires » ou « affirmatifs ». Ainsi, pour satisfaire à la charge de présentation en matière de nécessité, la défense doit soumettre une preuve qui permettrait à un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant raisonnablement de conclure que l’accusé a agi involontairement, c’est-à-dire en état de nécessité. Le critère de vraisemblance doit s’appliquer à toutes les conditions d’ouverture. Si, après avoir pris connaissance de la preuve, « le juge conclut qu’il n’y a pas apparence de vraisemblance pour l’une d’elles, le moyen de défense fondé sur la nécessité ne doit pas être soumis à l’appréciation du jury2077 ». Cette règle s’applique également à la contrainte morale, à la légitime défense, à l’erreur sur le consentement communiqué et à l’intoxication volontaire. En ce qui concerne plus précisément la croyance sincère mais erronée au consentement communiqué, la vraisemblance sera établie « s’il existe une preuve qui permette à un juge des faits raisonnable agissant d’une manière judiciaire de conclure (1) que l’accusé a pris des mesures raisonnables pour s’assurer du consentement et

[Page 760]

(2) que l’accusé croyait sincèrement que le plaignant avait communiqué son consentement2078 ». En l’absence d’une telle preuve, le moyen de défense ne sera pas présentée au jury.

510. La défense d’automatisme, d’aliénation mentale et d’intoxication extrême constituent des moyens de défense emportant une « inversion du fardeau de la preuve ». Comme tous les moyens de défense reconnus en droit pénal canadien, l’automatisme est soumis à la règle de la vraisemblance. Ainsi, lorsque le juge du procès décide si la partie s’est acquittée de la charge de présentation applicable au moyen de défense, il doit déterminer s’il existe une preuve « qui permettrait à un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant raisonnablement de prononcer l’acquittement, s’il y ajoutait foi2079 ». Pour s’acquitter de la charge de présentation applicable à l’automatisme, l’accusé doit alléguer qu’il a agi involontairement au point de vue physique. Une allégation de caractère involontaire « appuyée par l’opinion logiquement probante d’un expert compétent, constituera normalement un fondement suffisant pour soumettre le moyen de défense au jury2080 ». Quant à l’évaluation de la « vraisemblance » de la preuve soumise au procès, le juge « doit s’assurer qu’elle a un fondement probant, mais s’il a un doute sur le respect du critère de la vraisemblance,

[Page 761]

il doit trancher ce doute en faveur de la présentation du moyen de défense au jury2081 ».

511. Si la charge de présentation qui incombe à l’accusé qui souhaite soulever un moyen de défense est toujours la même (« Existe-t-il au dossier une preuve qui permettrait à un juge des faits raisonnable, ayant reçu des directives appropriées et agissant judiciairement, de conclure que le moyen de défense est retenu ?2082 »), il en va autrement de la charge de persuasion applicable en semblable matière. Ici, la distinction entre les moyens de défense « ordinaires » ou « affirmatifs » et ceux emportant une « inversion du fardeau de la preuve » prend tout son sens. « En ce qui concerne les moyens de défense “ordinaires”, par opposition aux moyens de défense emportant “inversion du fardeau de la preuve”, aucune charge de persuasion n’incombe à l’accusé. Dès que la preuve “fait jouer” le moyen de défense invoqué (R. c. Schwartz, 1988 CanLII 11 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 443), celui-ci sera retenu à moins que son application ne soit réfutée hors de tout doute raisonnable par le ministère public2083. » Quant aux moyens de défense emportant une « inversion

[Page 762]

du fardeau de la preuve », « c’est l’accusé qui a la charge de persuasion et la charge de présentation. Dans un tel cas, une preuve selon la prépondérance des probabilités permet de satisfaire à la charge de persuasion; il s’agit d’une norme de preuve moins exigeante que la preuve hors de tout doute raisonnable2084 ». Cette inversion du fardeau de la preuve s’applique dans les cas d’aliénation mentale, d’automatisme et d’intoxication extrême au seuil de l’automatisme ou de l’aliénation mentale. En matière d’aliénation mentale, tout d’abord, puisqu’en vertu du par. 16 (2) du Code criminel : « Chacun est présumé ne pas avoir été atteint de troubles mentaux de nature à ne pas engager sa responsabilité criminelle sous le régime du paragraphe (1); cette présomption peut toutefois être renversée, la preuve des troubles mentaux se faisant par prépondérance des probabilités ». En obligeant « l’accusé à réfuter qu’il était sain d’esprit selon la prépondérance des probabilités2085 », le paragraphe 16(4) C.cr. (aujourd’hui 16(2)) porte atteinte à la présomption d’innocence « parce qu’il permet une déclaration de culpabilité malgré l’existence d’un doute raisonnable dans l’esprit du juge des faits quant à la culpabilité de l’accusé2086 ». Cette disposition, qui fut mise de l’avant afin d’épargner au ministère public « la charge écrasante de prouver l’inexistence de l’aliénation afin d’obtenir une déclaration de culpabilité » constitue une restriction raisonnable dont la justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique2087.

[Page 763]

512. En matière d’automatisme, ensuite, puisque si le juge du procès, après avoir appliqué la méthode « plus globale » décrite par le juge Bastarache dans l’arrêt Stone, conclut à l’absence de troubles mentaux au sens du Code, seule une défense d’automatisme sans troubles mentaux peut être soumise au jury (dans les cas de procès devant jury) ou considérée par le juge du procès (dans les cas de procès devant juge seul)2088. Pour bénéficier d’un acquittement, la défense devra alors prouver selon la prépondérance des probabilités que l’accusé a agi involontairement au point de vue physique. D’après la Cour d’appel du Québec, dans R. c. Boivin2089 :

« L’accusé qui soulève une défense d’automatisme sans troubles mentaux assume une double charge de preuve.

Dans un premier temps, il est responsable d’une charge de présentation. À cette étape, l’accusé doit convaincre le juge du droit que la défense d’automatisme peut être soumise au juge des faits, en l’occurrence le jury...

L’accusé s’acquitte de cette charge de présentation s’il existe une preuve permettant à un jury ayant reçu des directives appropriées de trancher raisonnablement la question de l’automatisme. L’accusé doit présenter une allégation de caractère involontaire, confirmée par le témoignage d’expert, d’un psychiatre ou d’un psychologue.

Une fois cette étape franchie, la défense d’automatisme est soumise au juge des faits. L’accusé assume alors une charge depersuasion. Il lui incombe de prouver au juge des faits le caractère involontaire de l’acte selon la règle de la prépondérance des probabilités2090. »

[Page 764]

513. Si le juge du procès arrive à la conclusion que l’accusé souffrait d’un trouble mental au moment du crime, « seule la défense d’automatisme avec troubles mentaux sera soumise à l’appréciation du juge des faits2091 ». Dans ce cas, « l’affaire sera dès lors instruite comme toute autre cause comportant l’application de l’art. 16, et il appartiendra au juge des faits de trancher la question de savoir si la défense a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’accusé était atteint de troubles mentaux qui le rendaient incapable de juger de la nature et de la qualité de l’acte reproché. » La charge de persuasion applicable en matière d’automatisme avec troubles mentaux est donc la preuve selon la prépondérance des probabilités2092.

514. En ce qui concerne finalement la défense d’intoxication extrême au seuil de l’automatisme ou de l’aliénation mentale, celle-ci doit être établie selon la prépondérance des probabilités2093. Cette violation flagrante de l’alinéa 11d) peut cependant être justifiée en vertu de l’article premier. En effet, d’après le juge Cory :

« L’ivresse au degré extrême nécessaire pour constituer un facteur pertinent ne se produira qu’en de rares occasions. Seul l’accusé est en mesure de témoigner quant à la quantité d’alcool qu’il a consommée et aux effets que cela lui a causés. Il faudra recourir

[Page 765]

au témoignage d’experts pour confirmer que l’accusé se trouvait probablement dans un état voisin de l’automatisme ou de l’aliénation mentale par suite de son ivresse2094. »

[Page 766]

515. L’obligation d’établir selon la prépondérance des probabilités l’absence de volonté ou d’intention découlant de l’intoxication extrême du prévenu ne s’applique qu’à l’égard d’une infraction d’intention générale. Une personne accusée d’une infraction d’intention spécifique (p. ex. : le meurtre) qui se trouve dans un état d’intoxication extrême n’est pas soumise à une charge de preuve plus onéreuse que si elle était dans un état d’intoxication avancée. Dans ce cas, l’atteinte à sa capacité de prévoir les conséquences de ses actes peut s’avérer suffisante pour susciter un doute raisonnable quant à la mens rea requise (p. ex. : prévisibilité subjective de la mort découlant des lésions corporelles).

Troisième sous-section : Les entorses au principe de la présomption d’innocence

516. Si la poursuite doit, conformément à la présomption d’innocence, prouver tous les éléments de l’infraction hors de tout doute raisonnable, il existe dans le Code criminel certaines exceptions, certaines présomptions, qui en permettant l’établissement d’un fait essentiel à l’infraction visent à faciliter le travail de la poursuite. Ces présomptions peuvent être classées selon qu’elles obligent l’accusé à « établir » ou « prouver » un fait selon la prépondérance des probabilités, ou simplement à soulever un doute raisonnable sur l’existence du fait présumé.

517. L’obligation pour la défense d’« établir » ou de « prouver » un fait selon la prépondérance des probabilités fut examinée par la Cour suprême, dans R. c. Whyte2095. À la suite d’une patrouille de routine, des policiers ont aperçu la voiture de l’accusé immobilisée le long de la route, le moteur arrêté, le capot encore chaud, les clés dans le contact et le voyant du tableau de bord allumé. L’appelant, qui occupait le siège du conducteur, avait le corps affaissé sur le volant de sa voiture. Ce dernier ayant été accusé d’avoir eu la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur

[Page 767]

alors que ses facultés étaient affaiblies par l’effet de l’alcool, la poursuite s’est prévalue de la présomption de garde ou contrôle énoncée à l’ancien al. 237(1)a) du Code criminel. Aux termes de cette disposition, « lorsqu’il est prouvé que le prévenu occupait la place ordinairement occupée par le conducteur d’un véhicule à moteur, il est réputé avoir eu la garde ou le contrôle du véhicule, à moins qu’il n’établisse qu’il n’avait pas pris place dans ou sur le véhicule afin de le mettre en marche ». Discutant de la constitutionnalité de la présomption prévue à l’al. 237(1)a) C.cr., la Cour rappela l’importance de la présomption d’innocence et plus particulièrement de l’obligation de la poursuite de prouver tous les éléments de l’infraction hors de tout doute raisonnable. En effet, « une disposition qui permet ou qui exige une déclaration de culpabilité malgré un doute raisonnable quant à l’existence d’au moins un des éléments de l’infraction porte atteinte à la présomption d’innocence2096 ». Comme l’al. 237(1)a) présume que l’accusé avait la garde ou le contrôle du véhicule à moteur sur la simple preuve que ce dernier occupait le siège du conducteur, l’accusé doit « établir » qu’il n’avait pas l’intention de mettre le véhicule en marche. L’expression « à moins qu’il n’établisse » ayant été interprétée comme exigeant une preuve selon la prépondérance des probabilités, une personne pourrait être déclarée coupable malgré la présence d’un doute raisonnable sur l’existence d’un élément essentiel de l’infraction : la garde ou contrôle du véhicule à moteur. Cette violation de la présomption d’innocence est toutefois justifiée au sens de l’article premier en raison de la nécessité de protéger le public contre les conducteurs en état d’ébriété, de l’existence d’un lien rationnel entre la disposition contestée et l’objectif recherché et de la poursuite d’un équilibre entre la suppression des risques de dangers pour la population et l’acquittement des personnes qui n’ont rien à se reprocher2097.

518. Si la présomption qui oblige l’accusé à « établir » ou à « prouver » un fait exige une preuve selon la prépondérance des probabilités, les expressions « en l’absence de toute preuve

[Page 768]

contraire », « sauf preuve contraire » demandent, quant à elles, uniquement à l’accusé de soulever un doute raisonnable sur l’existence du fait présumé. C’est du moins ce qu’indique la Cour suprême dans R. c. Proudlock2098. Discutant de la culpabilité d’un individu accusé de s’être introduit par effraction dans un restaurant avec l’intention d’y commettre un acte criminel, la Cour examine la présomption d’intention prévue à l’al. 306(2)a) du Code. Aux termes de cette disposition, « la preuve qu’un accusé s’est introduit dans un endroit par effraction constitue, en l’absence de toute preuve contraire, une preuve qu’il s’y est introduit par effraction, avec l’intention d’y commettre un acte criminel ». Ici, l’accusé n’a pas à démontrer son innocence. L’existence d’un doute raisonnable sur la formation de l’intention spécifique suffit amplement2099. Ce doute peut émaner de la preuve de la poursuite, des faits de l’affaire ou de tout autre élément de preuve versé au dossier, mais en l’absence d’une telle preuve, l’accusé devra offrir une explication qui peut raisonnablement être vraie ou présenter toute autre preuve à l’effet contraire2100. En somme, « [l]’accusé peut garder le silence mais lorsqu’il y a une preuve prima facie contre lui et qu’il est, comme en l’espèce, la seule personne susceptible de présenter une

[Page 769]

“preuve contraire”, il doit en fait choisir entre faire face à une condamnation certaine ou témoigner pour offrir une explication ou une excuse2101 ».

519. La constitutionnalité des présomptions permettant de conclure à la présence d’un fait « sauf preuve contraire » ou en « l’absence de preuve contraire » fut étudiée par la Cour suprême, dans R. c. Downey2102. M. Downey et sa compagne Mme Reynolds étaient en charge de l’administration et du fonctionnement d’une agence d’escortes. Des frais de présentation ou d’agence étaient perçus et déposés dans un compte appartenant à Mme Reynolds. Cette dernière offrait également des services sexuels contre rémunérations. Quant à M. Downey, il s’occupait des affaires courantes de l’agence : la réception des appels, la préparation des reçus et la gestion des affaires bancaires constituaient la majeure partie de ses activités professionnelles. Sans emploi, M. Downey a dirigé l’agence d’escortes pendant un mois en l’absence de Mme Reynolds. M. Downey et Mme Reynolds ayant été conjointement accusés d’avoir vécu des produits de la prostitution, contrairement à l’al. 195(1)j) (maintenant abrogé) du Code criminel, le ministère public s’est prévalu de la présomption du par. 195(2) du Code, selon laquelle « [l]a preuve qu’une personne vit ou se trouve habituellement en compagnie de prostitués, [...] constitue, en l’absence de preuve contraire, une preuve qu’elle vit des produits de la prostitution ». Partant du principe que la preuve d’un fait essentiel peut être établie par la preuve d’un élément différent si la preuve de cet élément permet de conclure à l’existence du fait essentiel hors de tout doute raisonnable, le juge Cory conclut que la présomption du par. 195(2) contrevient à l’al. 11d) de la Charte, puisqu’elle peut « donner lieu à une déclaration de culpabilité malgré l’existence d’un doute raisonnable2103 ». Citant l’exemple du conjoint d’une prostituée qui occupe un emploi stable sans tirer profit du revenu que sa partenaire obtient de la prostitution, le juge Cory conclut que le conjoint pourrait, en raison de la présomption prévue au

[Page 770]

par. 195(2), être déclaré coupable malgré l’existence d’un doute raisonnable sur le fait qu’il vit des produits de la prostitution2104. Bien que l’ancienne présomption du par. 195(2) contrevenait à la présomption d’innocence, il s’agissait d’une restriction raisonnable dont la justification pouvait se démontrer au sens de l’article premier.

520. La légalité des « présomptions par lesquelles la preuve d’un fait est présumée être la preuve de l’un des éléments essentiels d’une infraction » fut examinée récemment par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Morrison2105. Après avoir pris connaissance d’une petite annonce publiée par l’accusé sur un site de rencontre et portant le titre suivant : « Papa recherche sa petite fille », une policière se faisant passer pour une jeune fille de 14 ans a contacté l’accusé, puis commencé une correspondance avec ce dernier. Dès le premier message, l’agente de police a indiqué à l’accusé qu’elle avait 14 ans. La conversation ayant rapidement glissé sur des sujets plus intimes, M. Morrison l’a questionnée sur ses expériences antérieures et l’a invitée à se toucher de manière sexuelle. À différentes reprises, au cours des conversations suivantes, l’accusé a suggéré à la victime de regarder de la pornographie et de se toucher les seins et les parties génitales. L’accusé aurait également invité la victime à le rencontrer afin de s’adonner à des activités sexuelles. M. Morrison ayant été accusé de leurre contrairement à l’al. 172.1(1)b) du Code criminel, ce dernier prétend qu’il croyait s’adonner à un jeu de rôle entre adultes. L’al. 172.1(1)b) interdit la communication par un moyen de télécommunication avec une personne âgée de moins de seize ans ou qu’il croit telle, en vue de faciliter la perpétration à son égard d’une infraction visée notamment à l’article 152 (incitation à des contacts sexuels). Pour établir la croyance de l’accusé que l’autre personne n’avait pas encore seize ans, la poursuite bénéficie d’une présomption prévue au par. 172.1(3) C.cr. Cette présomption prévoit que la preuve que la personne faisant l’objet des infractions visées par la disposition « a été présentée à l’accusé comme ayant moins de seize ans, constitue, sauf preuve contraire, la preuve que l’accusé la croyait telle ». La

[Page 771]

constitutionnalité de la présomption établie au par. 172.1(3) ayant été soulevée au procès, la Cour suprême devait déterminer si elle contrevenait à l’al. 11d) de la Charte. D’après le juge Moldaver, la preuve que l’autre personne a été présentée à l’accusé comme ayant moins de 16 ans ne permet pas de conclure hors de tout doute raisonnable que l’accusé croyait que l’autre personne n’avait pas encore 16 ans. On ne peut pas dire que l’un (le fait prouvé) établit inexorablement l’existence de l’autre (l’élément essentiel)2106. En effet, ce n’est pas parce qu’une personne se présente sur Internet comme ayant moins de 16 ans, que son interlocuteur va croire nécessairement qu’elle n’a pas encore 16 ans. À preuve, même l’accusé, en l’espèce, avait menti sur son âge en prétendant qu’il avait 45 ans alors qu’il était dans la soixantaine. Comme « la preuve que l’autre personne a été présentée comme ayant un certain âge ne mène pas inexorablement à l’existence de l’élément essentiel que l’accusé croyait qu’elle n’avait pas atteint l’âge fixé – même en l’absence d’une preuve contraire –, la présomption établie au par. 172.1(3) viole la présomption d’innocence garantie par l’al. 11d) de la Charte2107 ». Cette violation, poursuit le juge Moldaver, n’est pas justifiée au sens de l’article premier en raison de la présence d’un moyen moins « envahissant » d’établir la connaissance de l’accusé et de la prédominance de ses effets préjudiciables2108.

521. Au-delà de la formulation de la présomption établissant un fait essentiel, c’est donc son impact final sur la présomption d’innocence qui compte. En effet, « la présomption d’innocence exige que la Couronne “[établisse] hors de tout doute raisonnable

[Page 772]

la culpabilité de la personne accusée avant que celle-ci n’ait à répondre”2109 ». Seule une présomption fondée sur un fait établi qui mène inexorablement à l’existence du fait présumé peut être conforme à la présomption d’innocence consacrée à l’al. 11d) de la Charte2110.

Deuxième section : Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable (al. 11b) de la Charte)

522. Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est consacré à l’al. 11b) de la Charte. Ce droit, qui s’exprime dans le célèbre adage « un retard à rendre justice équivaut à un déni de justice2111 », vise à préserver les intérêts de l’accusé, de la victime, de leurs familles et du public2112. Envisagé du point de vue de

[Page 773]

l’accusé, de la personne présumée innocente, le droit d’être jugé dans un délai raisonnable protège ses droits à la liberté, à la sécurité de sa personne et à un procès équitable2113. À la liberté, tout d’abord, puisqu’un inculpé qui tarde à subir son procès peut être privé plus longtemps de sa liberté en raison de sa détention préventive ou de ses conditions de remise en liberté sous caution2114. À la sécurité de sa personne, ensuite, car le retard à procéder avec célérité peut être source de stress, d’angoisse et d’anxiété2115. La

[Page 774]

stigmatisation subséquente au dépôt d’accusation criminelle et le bouleversement de la « vie familiale, sociale et professionnelle » consécutif à une poursuite pendante constituent également des conséquences négatives qui s’aggravent avec le temps2116. Quant au droit à un procès équitable, l’accusé doit avoir la chance de « se défendre de l’accusation portée contre lui » et de « rétablir sa réputation » le plus rapidement possible2117. L’écoulement du temps, en effet, peut affecter la mémoire des témoins, la qualité de la preuve disponible ou carrément empêcher certaines personnes de déposer en raison de leur absence, de leur disparition ou de leur état de santé2118. Mis sur pied afin de protéger les droits de l’accusé,

[Page 775]

« le droit que confère l’al. 11b) [...] peut souvent se transformer en arme offensive entre les mains de l’accusé2119 ». Les tribunaux doivent donc veiller à sauvegarder les droits en question, tout en limitant les risques d’abus de la part de certains inculpés.

523. Au-delà des répercussions sur les droits des accusés, le retard dans les procédures affecte également les victimes d’actes criminels. Qu’il s’agisse d’alléger la souffrance subie ou de satisfaire leur besoin de justice, les victimes ont tout intérêt à ce que les procès soient instruits en temps utile. Un procès tenu rapidement permet alors de « tourner la page2120 » et de continuer à vivre sans subir la frustration d’un procès qui n’en finit plus.

524. La peur de se lancer dans des procédures qui s’éternisent peut également freiner les dénonciations et miner la confiance du public envers l’administration de la justice2121. En effet, « le défaut de tenir les procès criminels avec équité, rapidité et efficacité amène inévitablement la société à douter [...] et, en fin de compte, à mépriser les procédures judiciaires2122 ». Quant à l’arrêt des procédures découlant de délais déraisonnables, il « place l’innocent dans une situation incertaine et permet au coupable de rester impuni2123 ». L’équité, rappelons-le, ne signifie pas automatiquement l’absence de célérité. Un procès peut être juste, rapide et équitable si tous les acteurs au sein du système judiciaire contribuent à son bon fonctionnement2124. C’est le défi lancé au

[Page 776]

gouvernement, aux avocats et aux juges à la suite des arrêts Jordan et Cody. À l’étude du cadre d’analyse applicable aux demandes fondées sur l’al. 11b) de la Charte, succédera un examen de la mesure transitoire exceptionnelle mise en place afin de tenir compte du droit applicable au moment du procès.

Première sous-section : Le cadre d’analyse applicable aux demandes fondées sur l’al. 11b) de la Charte

525. L’arrêt de principe en matière de délais déraisonnables est R. c. Jordan2125. Cette décision, au retentissement national, fut rendue nécessaire compte tenu des difficultés résultant de l’application des anciennes règles développées dans l’arrêt R. c. Morin2126.

[Page 777]

Son but était de simplifier le droit applicable en semblable matière, de contrer la « culture des délais2127 » qui s’était installée dans les palais de justice et d’inviter les différents acteurs du système judiciaire à participer activement à la réduction de ces délais. Dans la poursuite de ces objectifs, la Cour a proposé un nouveau cadre d’analyse applicable aux demandes fondées sur l’al. 11b) de la Charte2128. Ce cadre, qui est de nature préventive et proactive, repose sur l’imposition d’un « plafond présumé au-delà duquel le délai est présumé déraisonnable2129 ». Des consignes supplémentaires sont également prévues pour traiter des instances déjà en cours. Voyons brièvement en quoi consistent les différentes étapes de ce nouveau cadre d’analyse.

[Page 778]

a) Le calcul du délai total entre le dépôt des accusations et la conclusion réelle ou anticipée du procès

526. L’imposition d’un plafond au-delà duquel le délai est présumé déraisonnable constitue, sans aucun doute, la contribution la plus importante de l’arrêt Jordan. « Ce “plafond présumé” est fixé à 18 mois pour les affaires instruites devant une cour provinciale et à 30 mois pour celles instruites devant une cour supérieure (ou celles instruites devant une cour provinciale à l’issue d’une enquête préliminaire)2130. » Le plafond applicable au prévenu qui devait être jugé devant la Cour supérieure mais qui change d’idée et opte pour un procès devant un juge de la cour provinciale avant que ne commence son enquête préliminaire, est celui de 18 mois2131. L’instauration d’un plafond présumé a pour effet de simplifier les

[Page 779]

règles applicables en matière de délais déraisonnables et de contribuer à l’augmentation à long terme de la confiance du public envers l’administration de la justice2132. Malgré le besoin accru de procéder rapidement lorsque des accusations sont portées contre des adolescents, les plafonds adoptés par l’arrêt Jordan s’appliquent également au procès mettant en cause de jeunes délinquants2133.

527. La première étape de l’analyse proposée par la Cour suprême dans l’arrêt Jordan, débute donc avec le calcul du délai total entre « la dénonciation ou l’acte d’accusation s’il n’y a pas de dénonciation et la conclusion réelle ou anticipée du procès2134 ».

[Page 780]

Bien que la protection offerte par l’al. 11b) de la Charte « s’étend jusqu’à la date du prononcé de la peine inclusivement2135 », les plafonds fixés par l’arrêt Jordan « s’appliquent jusqu’à la fin de la présentation de la preuve et des plaidoiries dans le cadre du procès, et pas plus2136 ». Ce qui exclut la période requise pour délibérer sur la cause et rendre un verdict2137. Quant aux accusations qui découlent de la même affaire, mais qui sont déposées à des dates différentes, le tribunal doit calculer la période de temps qui s’est écoulée séparément, à partir du dépôt de chaque accusation2138.

[Page 781]

D’après la Cour d’appel de l’Alberta, dans R. c. J.E.V., les plafonds fixés dans l’arrêt Jordan ne tiennent pas compte du temps requis pour tenir un nouveau procès2139. Dans ce cas, le décompte doit repartir à zéro à compter de l’ordonnance de nouveau procès. Naturellement, on s’attend à ce que les nouveaux procès se déroulent d’une manière raisonnablement expéditive et puissent se conclure en moins de temps que le plafond présumé pour le procès initial2140. Même si le délai redémarre à zéro à compter de l’ordonnance de nouveau procès, la Cour d’appel du Québec, sous la plume du juge Lévesque, précise que cette ordonnance n’empêche pas « un accusé d’invoquer une violation à l’alinéa 11b) pour le délai occasionné durant son premier procès2141 ». Résultat : L’accusé qui a subi son premier procès à la suite de l’arrêt Jordan peut invoquer pour la première fois une violation de son droit d’être jugé dans un délai raisonnable lors de son second procès sans

[Page 782]

craindre de se faire reprocher la présentation tardive de sa requête et l’absence de préjudice qui en découle si la durée du premier procès dépasse les plafonds établis2142. Dans ce cas, les délais sont présumés déraisonnables sans égard à la présence ou non d’un préjudice. La présentation tardive d’une requête en arrêt des procédures pour délais déraisonnables ne constitue donc pas une renonciation claire et non équivoque à la protection constitutionnelle2143.

b) La soustraction des délais imputables à la défense

528. Après avoir calculé le délai total entre le dépôt des accusations et la conclusion réelle ou anticipée du procès, le tribunal doit en soustraire le délai imputable à la défense de manière à obtenir le délai net aux fins de la comparaison avec le plafond présumé applicable2144. Le délai est imputable à la défense lorsque (1) l’accusé renonce à invoquer certaines périodes dans le calcul ou (2) le délai résulte de la conduite de la défense2145.

[Page 783]

1) La renonciation

529. La renonciation à invoquer certaines périodes dans le calcul peut être « explicite ou implicite, mais elle doit être éclairée, claire et sans équivoque2146 ». La renonciation explicite ne pose aucune difficulté aux tribunaux et doit, conformément aux arrêts Askov2147, Morin2148, Jordan2149 et Cody2150, entraîner la soustraction de la période faisant l’objet de la renonciation. Si, par exemple, l’accusé a renoncé expressément à invoquer un délai de treize mois sur une période totale d’environ 60,5 mois, le délai net sera d’environ 47,5 mois2151. Comme la « ré-option » du mode de procès de

[Page 784]

l’accusé est soumise au consentement du poursuivant, le ministère public pourrait subordonner son accord à la renonciation du délai encouru à la suite de ce nouveau choix2152. L’ajournement nécessaire en raison du changement d’avocat de la défense peu de temps avant le procès ne peut être comptabilisé dans le délai total reproché2153. Quant à la renonciation implicite de l’accusé, celle-ci doit se faire librement et en toute connaissance de cause2154. L’avocate de la défense qui s’entend avec le procureur de la poursuite sur la date d’un procès permet donc de conclure à la renonciation du délai en question, lorsqu’il ne s’agit pas en l’espèce « d’une simple reconnaissance de l’inévitable2155 ». Le fardeau de démontrer la

[Page 785]

renonciation implicite repose sur les épaules du poursuivant2156. L’avocat qui s’entend avec le procureur sur une date qui ne peut être respectée en raison de l’indisponibilité de la Cour n’a pas renoncé implicitement au délai en question, surtout lorsqu’il s’agit, encore une fois, « d’une simple reconnaissance de l’inévitable2157 ». Il y aura renonciation implicite, à titre d’exemple, lorsque le

[Page 786]

tribunal propose différentes dates à la défense qui choisit celle la plus éloignée malgré sa disponibilité2158. Quant à la remise de consentement qui engendre des délais importants, elle constitue généralement une « renonciation implicite, sinon explicite, de la défense à cette portion de délai2159 ».

2) Le délai causé par la conduite de la défense

530. Le délai qui résulte « uniquement ou directement » de la conduite de la défense n’est pas comptabilisé dans le délai reproché2160. Ce second volet a pour but d’éviter que la défense ne profite de « sa propre action ou de son inaction lorsque celle-ci a pour effet de causer un délai2161 ». Comme les plafonds présumés de 18 et 30 mois tiennent déjà compte des procédures légitimes entreprises par la défense pour répondre aux accusations2162, « le seul délai imputable à la défense qui peut être déduit en vertu de ce volet est donc un délai qui : 1) est causé uniquement ou directement par l’accusé; et 2) découle d’une mesure prise illégitimement par la défense dans la mesure où elle ne vise pas à répondre aux accusations2163 ». En droit, « nul ne peut bénéficier de sa propre

[Page 787]

turpitude. » La défense, poursuit la Cour, ne peut adopter une conduite dilatoire ou se lancer dans des demandes frivoles, futiles ou sans fondement. D’où la décision de la Cour d’appel de l’Ontario, dans R. c. D.C., de déduire du délai applicable en l’espèce, l’ajournement de plusieurs mois requis en raison de l’omission du procureur de la défense de présenter une requête écrite afin de contre-interroger la plaignante sur une activité sexuelle antérieure2164. Quant à l’avocat de la défense qui n’est pas prêt à procéder lorsque le tribunal et le procureur sont disposés à le faire, il ne peut profiter du délai supplémentaire qui découle de son propre retard2165.

[Page 788]

La situation serait différente, par contre, si la poursuite n’était pas prête à procéder avant la date fixée par les parties2166. Dans ce cas, le consentement aux différentes remises ne pourrait lui être reproché2167. La liste des mesures ayant engendré des délais supplémentaires n’étant pas exhaustive, d’autres conduites peuvent retarder

[Page 789]

le procès. Parmi les circonstances permettant de déterminer si une action ou une omission est légitime et vise à répondre à une accusation, mentionnons « le nombre total des demandes présentées par la défense, leur solidité, leur importance, la proximité des plafonds établis dans Jordan, le respect de toutes les exigences en matière de préavis ou de dépôt et la présentation de ces demandes dans les délais impartis2168 ». Qu’elle soit fondée ou non, une action peut-être illégitime si elle vise simplement à gagner du temps, à retarder le déroulement de l’instance, ou si elle démontre une « inefficacité ou une indifférence marquées à l’égard des délais2169 ». Quant à l’inaction, celle-ci peut être imputée à l’accusé comme provenant de sa volonté de ne pas procéder. Il ne faut pas confondre ici la diligence raisonnable avec la passivité ou l’absence de mauvaise foi2170. « Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable garanti par l’al. 11b) a pour corollaire la responsabilité d’éviter de causer un

[Page 790]

délai déraisonnable2171. » L’avocat doit donc « faire valoir activement les droits de son client à un procès tenu dans un délai raisonnable2172 », participer à la réduction des délais inutiles en collaborant si possible avec l’avocat de la poursuite et s’assurer qu’il utilise à bon escient le temps du tribunal2173. Le délai résultant d’un changement d’avocat doit être déduit en vertu de ce volet puisqu’il relève directement de la conduite de la défense2174. Une demande de récusation injustifiée doit également être imputée à l’accusé lorsqu’elle résulte d’une « conduite frivole et illégitime de la part de la défense qui entraîne directement un délai2175 ». L’accusé qui arrive en retard à la cour pour la tenue d’un voir-dire sur l’admissibilité d’une déclaration qu’il a faite à un policier est en partie imputable du délai qui en résulte si son défaut de se présenter à l’heure fixée « est à l’origine du besoin de trouver une date à laquelle on pouvait tenir une audience de cinq heures plutôt que de deux heures et demie2176 » Quant à la demande du procureur de l’accusé d’interroger l’enquêteur principal lors de l’enquête

[Page 791]

préliminaire, ne s’agissant pas d’une demande frivole, le délai de 13 mois résultant du report de l’enquête préliminaire, causé par l’absence de l’enquêteur principal, ne peut donc lui être imputé2177. Il en va de même lorsque la communication tardive de la preuve amène la défense à repousser la tenue de l’enquête préliminaire2178.

c) Le délai net est supérieur au plafond présumé

531. Si le délai net obtenu à la suite de la soustraction des délais imputables à l’accusé demeure supérieur au plafond applicable, le délai est présumé déraisonnable. Cette présomption peut être réfutée par la preuve du ministère public que certains délais sont attribuables à la présence d’événements distincts devant être déduits du délai net. Si, malgré cette déduction, le délai excède encore le plafond admissible, la poursuite peut démontrer que le délai était raisonnable compte tenu de la complexité particulièrement élevée de l’affaire2179. La présomption selon laquelle le délai

[Page 792]

est déraisonnable peut donc être repoussée par la preuve de circonstances exceptionnelles attribuables soit à la présence d’événements distincts ou d’une affaire particulièrement complexe2180. « Des circonstances exceptionnelles sont des circonstances indépendantes de la volonté du ministère public, c’est-à-dire (1) qu’elles sont raisonnablement imprévues ou raisonnablement inévitables, et (2) que l’avocat du ministère public ne peut raisonnablement remédier aux délais lorsqu’ils surviennent2181. » Les deux critères sont cumulatifs. « Le premier volet de la définition des circonstances exceptionnelles requiert donc uniquement que l’événement en cause ait été raisonnablement imprévisible ou raisonnablement inévitable2182 », alors que le second « consiste à se demander si le ministère public a pris des mesures raisonnables pour remédier à l’erreur et réduire les délais au minimum2183 ».

[Page 793]

532. Les événements exceptionnels distincts qui affectent la longueur des procédures peuvent se produire, par exemple, lorsqu’une partie à l’instance ou l’un de ses proches tombe malade ou fait face à une situation d’urgence2184. Dans J.B. c. R., la Cour d’appel mentionne que « la maladie du procureur de la poursuite, l’accouchement de la policière et la manifestation d’une troisième

[Page 794]

victime sont des événements distincts2185 ». Des délais supplémentaires imputables à une grève des représentants du ministère public constituent également une circonstance exceptionnelle au sens de l’arrêt Jordan2186. Il en va de même des procédures intentées contre des personnes faisant l’objet d’une demande d’extradition2187 et du délai imputable à un avortement de procès auquel la poursuite n’a pas contribué2188. Les délibérés en cours d’instance qui retardent le procès peuvent être considérés comme des événements distincts2189. On n’a qu’à penser au juge de l’enquête préliminaire qui a pris plus de deux mois pour délibérer sur la question interlocutoire et la décision de citer l’accusé à son procès2190. Quant au juge

[Page 795]

qui « prend la question “sous réserve” » sans freiner la procédure, aucun délai ne doit être déduit2191. À l’image des délais imputables à la défense, les périodes de retard découlant d’événements exceptionnels distincts doivent être soustraites du délai reproché. L’analyse est donc purement mathématique. Si la cause est retardée de 4,5 mois en raison de la nomination de l’ancien procureur de l’accusé à la magistrature, il faudra donc retrancher 4,5 mois du délai total applicable2192. S’agissant d’événements exceptionnels distincts, le délai doit satisfaire à l’analyse à deux volets retenue par la Cour suprême dans R. c. Jordan2193, puis confirmée dans les arrêts Cody et K.J.M.2194. C’est ainsi qu’il faut envisager le délai de 28 jours qui résulte de la transmission incomplète de la

[Page 796]

transcription du voir-dire tenu afin de déterminer l’admissibilité de la déclaration faite par l’accusé à un policier. Les erreurs étant toujours possibles, le retard découlant de l’erreur de transmission correspond à celles qui peuvent arriver dans le cours normal des choses. En plus d’être raisonnablement imprévisible ou inévitable, cette erreur ne pouvait d’aucune façon être imputée à la poursuite qui ne pouvait rien faire pour remédier à la situation. Quant au système judiciaire, même si on peut dire que la juge aurait pu se rendre compte que la transcription n’était pas complète si elle n’avait pas pris de vacances et avait écouté l’enregistrement audio au moment de sa réception, « il ne s’agit pas d’une attente raisonnable. En conséquence, le système judiciaire n’aurait pas raisonnablement pu atténuer cette portion du délai2195 ». Dans R. c. Reinbrecht, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique confirme la décision du juge du procès de ne pas imputer à la poursuite le délai de deux mois entre le moment où l’un des témoins clés de la poursuite a informé la police de son intention de modifier sa déclaration initiale et son interrogatoire subséquent. Comme le témoin était enceinte de 8 mois et faisait des cauchemars en raison de l’incident en question, la décision de la police de repousser le nouvel interrogatoire après son accouchement était raisonnable dans les circonstances2196.

[Page 797]

533. Pour réfuter la présomption applicable, le ministère public ne peut simplement se rabattre sur des problèmes antérieurs2197. Il doit démontrer qu’il a pris des mesures raisonnables afin d’éviter le prolongement des délais au-delà du plafond présumé admissible2198. Il ne s’agit pas ici d’une obligation de résultat, mais de moyens. Parmi les mesures suggérées par la Cour, mentionnons le recours rapide « aux processus de gestion d’instance pour obtenir l’aide du tribunal2199 », les demandes d’assistance formulées à la défense « pour simplifier la preuve ou les questions en litige ou pour coordonner les demandes préalables au procès2200 », ou encore l’utilisation de « tout autre moyen procédural approprié » permettant de réduire les délais encourus2201.

534. Le délai causé par des événements exceptionnels distincts survenant au cours du procès ne peut être imputé à la poursuite. C’est l’exemple du plaignant qui se rétracte à la dernière minute et qui oblige le ministère public à repenser sa stratégie2202, ou celui du juge qui ne peut continuer de siéger en raison d’une

[Page 798]

plainte formulée contre lui au sujet d’une affaire différente2203. Dans les deux cas, l’événement était raisonnablement imprévisible ou raisonnablement inévitable. Le retard qui s’ensuit doit donc être déduit du délai total applicable. Un procès qui s’éternise malgré les estimés réalistes des deux parties peut également constituer une circonstance exceptionnelle au sens de l’arrêt Jordan2204. Est-ce que le ministère public a pris les moyens raisonnables pour remédier à la situation en temps opportun ? Si la réponse est oui, le délai sera déduit. Dans le cas contraire, le retard sera imputé à la poursuite2205. Bien que le refus de la défense de signer un engagement relatif à la communication de la preuve puisse s’avérer imprévisible compte tenu de la pratique courante reconnue en l’espèce, le défaut

[Page 799]

du ministère public d’agir sur-le-champ pour régler le problème peut lui être reproché2206.

535. « Pour satisfaire à l’obligation de diligence raisonnable, le ministère public n’a pas à épuiser toutes les solutions imaginables en vue de remédier à l’événement en question2207. » Le procureur qui communique rapidement la preuve concernant des allégations d’inconduite d’un policer impliqué dans l’arrestation de l’accusé n’est donc pas responsable du retard qui s’ensuit. Même si la poursuite aurait pu renoncer à utiliser la preuve provenant de cet agent, le délai ne peut lui être reproché, comme provenant de sa volonté2208. Le ministère public, rappelons-le, doit faire preuve de diligence raisonnable. Plus la question est soulevée tardivement, plus il sera difficile pour la poursuite de réagir à temps. Si le problème surgit peu avant l’expiration du délai applicable, il sera parfois impossible pour le ministère public de respecter le plafond présumé2209. En somme, comme la défense, le ministère public ne doit pas rester les bras croisés. Il doit prendre les mesures raisonnables qui s’imposent en l’espèce pour atténuer les conséquences inévitables de circonstances exceptionnelles en donnant priorité, par exemple, aux causes qui se prolongent en raison d’imprévus2210. Le défaut de procéder avec diligence pourrait être reproché au ministère public et empêcher la déduction de certaines

[Page 800]

portions du délai qui auraient pu être corrigées par la poursuite et le système judiciaire.

536. Si après avoir procédé à toutes les déductions permises, le délai net continue d’excéder le seuil maximal admissible, le juge « doit se demander si le délai net est raisonnable compte tenu de la complexité globale de cette affaire2211 ». L’analyse est qualitative et non quantitative2212. Sont particulièrement complexes, les affaires qui, « eu égard à la nature de la preuve ou des questions soulevées, exigent un procès ou une période de préparation d’une durée exceptionnelle, si bien que le délai est justifié2213 ». Bien que la communication d’une preuve volumineuse puisse être un indice de la complexité de la cause, cela ne signifie

[Page 801]

pas automatiquement qu’il s’agisse d’une affaire particulièrement complexe2214. Il en va également de « la complexité de l’enquête

[Page 802]

qui ne reflète pas nécessairement le degré de difficulté du procès »2215. C’est donc la complexité de l’affaire « dans son ensemble »

[Page 803]

qui compte et non simplement la façon dont se déroule le procès. Quant à la complexité découlant de la nature des questions soulevées, il est évident que le « nombre d’accusations et de demandes préalables au procès », la présence de questions de droit compliquées ou qui n’ont pas encore été tranchées et la pluralité des sujets qui devront être abordés peuvent parfois justifier le délai reproché2216. « La poursuite peut poursuivre des accusés conjointement même si cela augmente la complexité et les délais dans un dossier lorsque c’est dans l’intérêt de la justice et qu’elle a un plan réaliste de poursuite2217. » Bien que la gravité de l’infraction ne puisse justifier la présence de délais supplémentaires2218, les causes les

[Page 804]

plus complexes sont souvent celles qui sont associées à des infractions graves telles que le terrorisme, le gangstérisme et autres activités se rapportant au crime organisé2219. La préparation par le ministère public d’un plan de travail ou d’un échéancier pour contrôler les délais et contenir les dangers de dépassement résultant de la complexité de la cause, fait partie des mesures raisonnables auxquelles un tribunal peut s’attendre dans les circonstances2220. À défaut, le ministère public ne pourra démontrer que les retards engendrés étaient irrésistibles, donc indépendants de sa volonté2221.

[Page 805]

Une réflexion sur l’à-propos d’accusations multiples pour une seule et même conduite ou sur l’opportunité d’instituer des poursuites contre plusieurs coaccusés en même temps peut s’avérer également pertinente afin de concilier l’intérêt public et le droit de l’accusé d’être jugé dans un délai raisonnable2222.

537. Si le tribunal, après avoir soigneusement examiné la nature de la preuve ou des questions soulevées, « conclut que l’affaire était particulièrement complexe, de sorte que sa durée était justifiée, le délai est jugé raisonnable et aucun arrêt des procédures n’est ordonné2223 ». Même si un procès pour meurtre « typique » ne constitue généralement pas une circonstance exceptionnelle2224, il en va autrement lorsque la complexité de l’affaire découlant en partie du fait que l’on a pas retrouvé le corps des victimes, a contribué de manière appréciable à justifier le délai2225.

[Page 806]

d) Le délai net est inférieur au plafond présumé

538. Lorsque le délai net est inférieur au plafond présumé, la défense doit démontrer que le délai a été déraisonnable. Il s’agira alors pour elle d’établir « (1) qu’elle a pris des mesures utiles qui font la preuve d’un effort soutenu pour accélérer l’instance, et (2) que le procès a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être2226 ». Comme les plafonds présumés applicables tiennent déjà compte du délai institutionnel raisonnable reconnu par la Cour suprême dans R. c. Morin et de la complexité grandissante des affaires criminelles, l’arrêt des procédures sera accordé que dans les cas les plus évidents2227.

1. Les mesures utiles et soutenues entreprises par la défense

539. Pour démontrer que le délai inférieur au plafond présumé applicable a été déraisonnable, la défense doit, tout d’abord, établir qu’elle « a pris des mesures précises et soutenues pour accélérer » le déroulement de l’instance2228. Encore une fois, il ne s’agit pas d’une obligation de résultat, mais de moyens. La défense doit avoir fait preuve de diligence raisonnable pour que l’accusé soit jugé rapidement. Pour ce faire, « la défense doit démontrer qu’elle a essayé d’obtenir les dates les plus rapprochées possible pour la tenue de l’audience, qu’elle a collaboré avec le ministère public et le tribunal et a répondu à leurs efforts, qu’elle a avisé le ministère public en temps opportun que le délai commençait à poser problème, et qu’elle a mené toutes les demandes (y compris celle fondée sur l’al. 11b)) de manière raisonnable et expéditive2229 ». Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation de résultat, des mesures concrètes doivent avoir été entreprises afin de rencontrer le degré de diligence requis en semblable matière. La passivité n’est donc

[Page 807]

pas synonyme de diligence. De même, le simple fait de consigner au dossier sa volonté d’obtenir une date plus rapprochée ne suffit pas à ce stade2230. L’obligation imposée à l’accusé lorsque le délai est inférieur au plafond présumé constitue donc le pendant du fardeau qui incombe au ministère public lorsqu’il entend démontrer que le délai excédant le plafond maximal applicable n’était pas déraisonnable.

2. Le procès a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être

540. En plus des mesures précises et soutenues qu’elle a prises pour accélérer le déroulement de l’instance, la défense doit démontrer que « le procès a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être2231 ». Comme l’indique le juge Moldaver dans R. c. K.J.M., « la question ici n’est pas de savoir si l’affaire aurait raisonnablement dû être réglée plus rapidement. Il s’agit plutôt de savoir si le procès a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être2232 ». Le temps raisonnablement nécessaire pour juger d’une affaire est tributaire de plusieurs facteurs dont la complexité de la cause, la nécessité accrue de procéder rapidement dans les cas d’instances impliquant des adolescents, les particularités propres à chaque juridiction et les mesures entreprises par le ministère public pour que l’accusé soit jugé plus rapidement2233. En effet, plus la cause est compliquée, plus le procès risque d’être long. Une affaire relativement simple exige, à l’inverse, beaucoup moins de temps de préparation et nécessite des délais moins importants. Le juge appelé à déterminer le délai raisonnable nécessaire pour juger de l’affaire doit tenir compte également « des circonstances locales et systémiques2234 » qui peuvent influer sur le temps généralement requis pour juger d’une affaire

[Page 808]

similaire. Quant aux mesures raisonnables prises par le ministère public pour accélérer l’instance, il est peu probable que le délai encouru dépasse largement le délai raisonnablement nécessaire pour juger d’une affaire lorsque de telles mesures ont été entreprises à la satisfaction du tribunal. Afin de déterminer si le procès a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être, le tribunal doit également tenir compte du contexte et du fait que les parties « se sont fiées à l’état du droit » existant au moment du procès2235. Cela est particulièrement évident lorsque la cause s’est déroulée en grande partie avant l’arrêt Jordan. La « tolérance » à l’égard des délais institutionnels étant plus grande auparavant, « un arrêt des procédures sera encore plus difficile à obtenir pour les causes en cours d’instance lorsque le délai est inférieur au plafond2236 ». Cette conclusion s’impose d’autant plus lorsque la gravité de l’infraction et le préjudice subi par l’accusé amènent la poursuite à croire que le délai n’était pas déraisonnable à la lumière des principes antérieurs à l’arrêt Jordan2237. Enfin, mentionnons que le juge qui se demande si le temps qu’a pris la cause excède de manière manifeste le temps raisonnablement nécessaire pour juger l’affaire, ne doit pas se lancer dans des calculs scientifiques, ni dans une analyse trop minutieuse des délais ou des démarches entreprises, mais plutôt analyser le procès dans son ensemble2238.

[Page 809]

Deuxième sous-section : La mesure transitoire exceptionnelle

541. Comme l’arrêt Jordan s’applique aux affaires déjà en cours, le Tribunal prévoit la mise sur pied d’un mécanisme de transition permettant à la poursuite de justifier la présence d’un délai présumé déraisonnable2239. Cette mesure transitoire exceptionnelle, prévient la Cour, ne doit s’appliquer que lorsque la déduction relative aux événements distincts ne permet pas d’abaisser le délai sous le seuil critique admissible et que la complexité de l’affaire ne suffit pas à justifier le délai excédentaire2240.

[Page 810]

542. À l’instar de la complexité de la cause, la mesure transitoire exceptionnelle suppose une appréciation qualitative et non quantitative de l’affaire. La poursuite ayant été entreprise sous la gouverne des principes établis dans l’arrêt Morin, le ministère public pourra invoquer la mesure transitoire exceptionnelle s’il est en mesure de démontrer que « le temps qui s’est écoulé est justifié du fait que les parties se sont raisonnablement conformées au droit tel qu’il existait au préalable2241 ». L’application de la mesure transitoire exceptionnelle est souple et contextuelle. « Pour déterminer si les parties se sont raisonnablement conformées au droit antérieur, il faut notamment tenir compte des facteurs suivants : “la complexité de l’affaire, la durée de la période qui excède les lignes directrices de l’arrêt Morin, les efforts de la poursuite et ceux de la défense pour faire progresser le dossier, la gravité de l’infraction [...] et le préjudice subi par l’accusé”2242. » À ce chapitre, il est

[Page 811]

évident que la détention avant procès et l’imposition de conditions restrictives de remise en liberté accentuent le préjudice relativement au droit à la liberté de l’accusé. Le stress, l’angoisse et l’anxiété qui découlent d’une accusation criminelle pendante et la disparition ou l’absence de certains témoins due au retard à procéder affectent respectivement le droit de l’accusé à la sécurité de sa personne et celui de présenter une défense pleine et entière2243. Si l’absence de préjudice concret jumelée à la gravité de l’affaire peuvent justifier un délai légèrement supérieur au seuil admissible lorsque le procès s’est tenu près de trois ans avant l’arrêt Jordan2244, le tribunal sera plus sévère lorsque la cause introduite à la suite de graves accusations est simple, que la défense a fait preuve de diligence raisonnable pour accélérer les procédures et que le ministère public n’a rien fait pour « atténuer le long délai institutionnel qui

[Page 812]

empoisonnait la poursuite2245 ». Quant à la gravité du préjudice subi par l’accusé, l’inaction ou la passivité de la défense à procéder rapidement peut être soulevée afin de démonter l’absence de préjudice réellement subi2246. Le délai d’une cause qui s’est déroulée entièrement avant l’arrêt Jordan et qui demeure raisonnable selon l’arrêt Morin peut justifier un délai supérieur au plafond2247. Ce qui n’est pas le cas d’une cause simple qui s’étire largement au-delà du plafond admissible « en raison d’erreurs et d’impairs répétés du ministère public2248 ».

[Page 813]

543. L’arrêt Morin accorde également une attention particulière aux districts judiciaires qui sont aux prises avec des délais institutionnels considérables. « La mesure transitoire exceptionnelle dont il est question ici reconnaît qu’il faut du temps pour implanter des changements et que les délais institutionnels – même s’ils sont importants – ne donneront pas automatiquement lieu à des arrêts de procédures2249. » Un délai présumé déraisonnable peut donc être justifié grâce à la mesure transitoire exceptionnelle lorsque la cause est « moyennement complexe dans une région confrontée à des problèmes de délais institutionnels importants2250 ». Les deux conditions sont impératives. « Une cause dont le seuil de complexité se situe en deçà du dossier moyennement complexe ne pourra pas faire l’objet de la mesure transitoire malgré la présence de problèmes institutionnels importants2251. » Quant à l’absence de diligence de la poursuite qui contribue ou aggrave les délais institutionnels problématiques d’un district, elle s’oppose à l’application de la mesure transitoire et ne peut justifier un délai qui dépasse largement ce qui était raisonnable selon l’ancien cadre d’analyse2252. De toute évidence, l’application de la mesure transitoire exceptionnelle n’est pas simple. Le déroulement des procédures entreprises avant l’arrêt Jordan doit être évalué à l’aune des critères établis dans l’affaire Morin alors que la portion complétée après le prononcé de la décision de la Cour suprême doit être appréciée en fonction du temps disponible pour s’adapter aux critères et recommandations formulés dans l’arrêt Jordan2253.

[Page 814]

Troisième sous-section : Le « délai attribuable au temps de délibération en vue du prononcé du verdict » et le droit de l’accusé d’être jugé dans un délai raisonnable

544. Sans être soumis aux plafonds fixés par l’arrêt Jordan, le « délai attribuable au temps de délibération en vue du prononcé du verdict2254 » peut porter atteinte au droit de l’accusé d’être jugé dans un délai raisonnable lorsqu’il « a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être compte tenu de l’ensemble des circonstances2255 ». Encore une fois, il ne suffit pas de démontrer que le temps de délibération en vue du prononcer du verdict a été long, mais bien qu’il a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être dans les circonstances. Aussi, compte tenu de la présomption d’intégrité dont jouissent les juges, le tribunal chargé de l’affaire présumera que le « temps qu’il a fallu au juge du procès pour arriver à son verdict n’a pas été plus long qu’il était raisonnablement nécessaire qu’il le soit2256 ». Pour repousser cette présomption, la défense devra démontrer « que le temps consacré aux délibérations a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être compte tenu de l’ensemble des circonstances2257 ». Le défi est de taille, précise le juge Moldaver, dans R. c. K.G.K. Considérant l’importance de la présomption d’intégrité et des considérations qui en découlent, les arrêts de procédures seront plutôt rares et ne se présenteront que dans les cas les plus manifestes2258. Sans se produire fréquemment, il peut arriver que le temps de délibération soit si long, « si manifestement excessif », qu’il est suffisant à lui seul pour conclure à une violation du droit en question2259. La présence d’un procès qui s’étire et qui s’approche du plafond admissible est un autre facteur dont le juge doit tenir

[Page 815]

compte afin de prioriser les dossiers les plus problématiques au regard du droit d’être jugé dans un délai raisonnable2260. La complexité de l’affaire qui résulte notamment du volume et du type de preuve présenté, du « nombre de coaccusés », des questions débattues et de la position respective de chaque partie impliquée dans le procès constituent également des facteurs pertinents au moment de déterminer si le temps de délibération « a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être compte tenu de l’ensemble des circonstances2261 ». Il en va de même des renseignements communiqués par la cour ou le juge aux parties concernant, par exemple, l’état de santé du magistrat, sa charge de travail ou le besoin de traiter certains dossiers prioritaires2262. Enfin, une comparaison du temps qui s’est écoulé avec celui qui est normalement requis afin de régler une affaire semblable peut parfois s’avérer utile dans les circonstances2263.

545. Bien que la protection constitutionnelle prévue à l’al.11b) « s’étend jusqu’à la date du prononcé de la peine inclusivement2264 », les plafonds fixés par l’arrêt Jordan ne s’appliquent pas aux procédures relatives à la détermination de la peine2265. Le

[Page 816]

temps pour rendre une décision sur la peine peut donc porter atteinte au droit d’être jugé dans un délai raisonnable si les procédures « s’éternisent indûment2266 », ou pour être plus précis, si le temps requis pour déterminer la peine « a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être compte tenu de l’ensemble des circonstances2267 ».

Quatrième sous-section : La norme d’intervention

546. La norme d’intervention en appel fut examinée par la Cour d’appel du Québec dans Gariépy c. Autorité des marchés financiers2268. D’après le juge Mainville, « la qualification des délais aux fins de l’alinéa 11b) de la Charte est une question de droit à l’égard de laquelle la norme d’intervention en appel est celle de la décision correcte; toutefois, les constations de faits qui sous-tendent cette qualification sont assujetties à la norme de l’erreur manifeste et dominante2269 ». Le choix du mauvais cadre d’analyse

[Page 817]

constitue une erreur de droit2270. Quant aux conclusions de fait, le Tribunal doit s’abstenir d’intervenir en l’absence d’une « analyse déraisonnable de la preuve » ou de conclusions dépourvues de toute « base factuelle2271 ». Comme les juges de première instance sont les mieux placés pour évaluer la légitimité des actions de la défense, leur décision mérite une grande déférence2272. Il en va également

[Page 818]

des conclusions relatives à la présence de circonstances exceptionnelles et à la complexité de l’affaire2273. Quant à l’application de la mesure transitoire, celle-ci fait appel au bon sens du juge de première instance. En effet, « si le cadre d’analyse doit nécessairement être suivi et correct, la pondération des différents facteurs menant à une évaluation et à un résultat raisonnable demeure à l’abri d’une intervention du tribunal d’appel2274 ».

Troisième section : L’application dans le temps des lois criminelles (al. 11g), h) et i) de la Charte)

547. L’application dans le temps des lois criminelles est régie par des règles d’interprétation jurisprudentielles et législatives ainsi que par certaines dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés2275. De façon générale, les lois qui portent atteinte

[Page 819]

à des droits acquis ou substantiels ne s’appliquent pas aux actes commis avant leur entrée en vigueur. Ces lois sont « présumées n’avoir d’effet que pour l’avenir, à moins qu’il soit possible de discerner une intention claire du législateur qu’elle[s] s’applique[nt] rétrospectivement2276 ». En ce qui concerne les lois qui n’affectent

[Page 820]

pas les droits substantiels de l’individu, mais qui se rapportent, par exemple, au déroulement du litige ou à la collecte de la preuve, elles sont, sauf exceptions, d’application immédiate2277.

548. Malgré leur facture procédurale, certaines dispositions peuvent porter atteinte à des droits substantiels et ne pas s’appliquer immédiatement2278. La question n’est donc pas de savoir s’il s’agit d’une loi criminelle de nature substantielle ou procédurale,

[Page 821]

mais bien si la disposition porte atteinte à des droits substantiels, auquel cas la présomption de non-rétrospectivité s’applique en l’absence d’indications contraires du législateur2279. En ce qui concerne les lois de pure procédure (« procedure only »; « mere procedure »), celles-ci n’ayant aucune « conséquence sur le fond ou la substance du droit2280 », elles s’appliquent à l’instance en cours.

549. Peu importe sa qualification juridique, une loi ne sera pas rétrospective lorsqu’elle commande la présentation d’éléments de preuve que l’accusé « n’avait aucune raison de réunir2281 » ou que la poursuite ne pouvait exiger du temps de l’ancienne disposition. L’exemple de l’individu qui fut arrêté en état d’ébriété au volant de sa voiture le 22 avril 1976 et qui a subi son procès le 3 août 1976 et le 5 mai 1977, illustre bien cette situation. Comme les dispositions applicables au moment de son arrestation permettaient uniquement aux policiers d’exiger un échantillon d’haleine, le tribunal devait déterminer si les nouvelles dispositions prévoyant la prise de deux échantillons d’haleine s’appliquaient à une infraction commise quelques jours avant leur entrée en vigueur. D’après le juge Pratte, qui s’exprimait au nom de la majorité, il est évident que « le nouvel art. 237 ne peut en fait s’appliquer rétroactivement. Lorsque l’on n’a prélevé qu’un seul échantillon parce qu’on n’en a exigé qu’un seul et qu’on ne pouvait en exiger qu’un seul à ce moment-là, la loi ne peut rendre possible qu’on en ait prélevé

[Page 822]

deux2282 ». Ce principe s’applique également aux nouvelles dispositions limitant la preuve nécessaire afin de réfuter la présomption de validité des résultats d’analyse des échantillons d’haleine. Comme « l’accusé pourrait avoir besoin de renseignements sur l’alcootest utilisé dans son cas ou de comptes rendus d’utilisation qui lui permettraient d’établir si l’appareil a bien fonctionné ou a été utilisé correctement2283 » et que ses renseignements risquent fort probablement de ne plus être disponibles, « l’accusé ne peut présenter des éléments de preuve qu’il n’avait aucune raison de réunir avant l’entrée en vigueur des modifications2284 ». D’où son absence d’application rétrospective.

Première sous-section : Les dispositions substantielles

550. Les dispositions qui portent atteinte aux droits substantiels d’un accusé sont présumées ne pas s’appliquer rétrospectivement2285. S’agissant d’une présomption, celle-ci peut être repoussée par « une intention claire du législateur qu’elles

[Page 823]

s’appliquent rétrospectivement2286 ». Cette intention peut se manifester expressément ou se déduire, par implication nécessaire, des dispositions de la loi2287. Se manifester expressément, tout d’abord, puisqu’une loi qui comporte une « disposition transitoire indiquant expressément que les modifications s’appliquent rétrospectivement » peut s’étendre aux actes commis avant son entrée en vigueur2288. Ici, l’intention du législateur est claire et la loi s’applique aux faits survenus dans le passé (retro agere)2289. Par implication nécessaire

[Page 824]

des dispositions de la loi, enfin, puisqu’une lecture attentive des nouvelles dispositions nous révèle l’intention du législateur que celles-ci s’appliquent rétrospectivement. Une disposition conférant au juge, par exemple, le pouvoir d’interdire certaines activités à un contrevenant déclaré coupable d’une infraction sexuelle commise à l’égard d’une personne âgée de moins de seize ans, trahit l’intention du législateur « de soumettre aux nouvelles interdictions tout contrevenant, y compris celui qui a commis l’acte criminel avant l’entrée en vigueur des modifications. Autrement dit, l’intention du législateur était que les modifications de 2012 s’appliquent de manière rétrospective2290. » Au-delà de sa formulation expresse ou tacite, c’est l’intention claire du législateur qui compte. Est-ce que le législateur a suffisamment exprimé son intention afin de repousser l’application de la présomption ? Voilà la question. S’agissant d’une règle d’interprétation, « il suffit que le libellé de la disposition soit tel qu’elle ne puisse raisonnablement être autrement interprétée2291 ». De façon générale, une loi criminelle de nature substantielle vise la création, la modification ou l’abrogation d’une infraction (1), d’un moyen de défense (2) ou d’une peine2292 (3). Quant aux dispositions procédurales qui portent atteinte à des

[Page 825]

droits substantiels, celles-ci s’opposent également à l’application rétrospective de la loi en l’absence d’indications claires du législateur à l’effet contraire (4).

551. (1) Les infractions : Adoptées afin d’interdire une action ou une omission, les infractions affectent directement la responsabilité de l’agent à travers la description de l’élément matériel et psychologique de l’infraction.

552. a) La création d’une infraction : En sanctionnant une conduite qui n’était pas interdite ou qui l’était sous une autre forme au moment de sa perpétration, le législateur porte atteinte aux droits de l’accusé et l’empêche d’orienter convenablement sa conduite. En effet, « un tribunal devrait se prononcer sur la conduite d’une personne et sur les conséquences juridiques qui en découlent en fonction du droit qui s’appliquait au moment de la conduite reprochée2293 ». Ce principe, qui est enchâssé à l’al. 11g) de la Charte, confère « à tout inculpé, le droit de ne pas être déclaré coupable en raison d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle est survenue, ne constituait pas une infraction d’après le droit interne du Canada ou le droit international et n’avait pas de caractère criminel d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations ». Ainsi, sous réserve d’une « restriction prescrite par une règle de droit et justifiée au sens de l’article premier2294 », une personne peut être accusée uniquement des infractions qui existaient au moment de l’accomplissement des faits reprochés.

553. b) La modification d’une infraction : En supprimant, en ajoutant ou en modifiant un élément constitutif de l’infraction, la nouvelle disposition affecte la culpabilité de l’agent et porte atteinte à ses droits substantiels. D’où son absence d’application

[Page 826]

rétrospective. L’exemple du jeune homme de 18 ans qui a fréquenté une adolescente de 15 ans pendant trois mois en 2007 et qui fut par la suite poursuivi pour contacts sexuels en 2009, illustre bien cette situation. Comme l’article 151 interdisait à quiconque de toucher, à des fins d’ordre sexuel, une partie du corps d’un enfant âgé de moins de quatorze ans, l’accusé devra être acquitté de l’infraction reprochée malgré le rehaussement subséquent de l’âge de consentement de quatorze à seize ans, en mars 2008. Sur ce point, citons également le cas de l’individu poursuivi pour avoir exploité des ouvrages ou entreprises entraînant la perturbation, la détérioration ou la destruction de l’habitat du poisson, contrairement aux anciens articles 35 et 40(1)(a) de la Loi sur les pêches2295. L’individu ayant été aperçu au volant de son tracteur en train de répandre du sable le long de la berge, il prétendit que la nouvelle disposition entrée en vigueur le 26 novembre 2013 et exigeant la preuve de « dommages sérieux » causés à des poissons s’appliquait à son cas. Le tribunal écarta sa prétention. En effet, la nouvelle infraction, telle que rédigée à l’article 35(1), porte atteinte à des droits substantiels et ne s’applique pas rétrospectivement en l’absence d’intention contraire du législateur. Comme les modifications apportées à l’infraction reprochée n’avaient pas pour conséquence d’empêcher la poursuite des infractions au texte modifié, le défendeur fut déclaré coupable. La culpabilité, rappelons-le, est déterminée en fonction de l’infraction qui existait au moment des faits reprochés.

554. c) L’abrogation d’une infraction : L’abrogation d’une infraction empêche la poursuite des comportements postérieurs à l’entrée en vigueur de la nouvelle mesure législative. En ce qui concerne les infractions commises avant l’abrogation de la disposition, celles-ci demeurent sanctionnables aux termes de l’ancienne loi. Ce principe, qui fut repris et développé à l’article 43d) de la Loi d’interprétation, prévoit que « l’abrogation, en tout ou en partie, n’a pas pour conséquence d’empêcher la poursuite des infractions au texte abrogé ou l’application des sanctions – peines, pénalités ou confiscations – encourues aux termes de celui-ci ». C’est l’exemple du gérant d’artiste qui s’est livré à plusieurs reprises,

[Page 827]

entre le 7 juillet 1980 et le 7 juillet 1987, à des gestes sexuels sur deux jeunes victimes. Certaines infractions s’étant produites entre le 7 juillet 1980 et le 3 janvier 1983, des accusations d’attentat à la pudeur, de grossière indécence et de viol ont été portées contre Guy Cloutier. Quant aux gestes posés après l’abrogation des anciennes dispositions, une accusation d’agression sexuelle fut déposée conformément aux dispositions en vigueur au 4 janvier 1983.

555. Si l’abrogation, en tout ou en partie, d’une infraction qui suppose l’adhésion à des valeurs criminelles n’a pas pour conséquence d’empêcher la poursuite des infractions au texte abrogé, celle touchant des comportements qui sont désormais pleinement acceptés ne devrait plus faire l’objet de poursuite criminelle. On n’a qu’à penser à l’infraction de sodomie prévue à l’ancien article 147 du Code criminel. Aux termes de cette disposition : « Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement de quatorze ans, quiconque commet la sodomie [...] ». Évidemment, aucune poursuite pour sodomie ne devrait être autorisée aujourd’hui en présence de consentement mutuel. Conclure autrement aurait pour effet d’ignorer complètement le fait que la légalisation du comportement interdit visait justement à combattre la discrimination que sa criminalisation engendrait. Il en va ainsi de la possession de marijuana à des fins récréatives qui est passée en quelques années d’une activité illégale à un service essentiel... Quant aux infractions qui révèlent l’adhésion de son auteur à des valeurs criminelles, nous croyons que ce dernier s’expose à une condamnation en dépit de l’abrogation du comportement criminel. Ici, l’article 43d) prend tout son sens : « éviter qu’une loi, dont on entrevoit l’abrogation prochaine, ne perde pour cette raison toute vertu dissuasive2296 ». Si l’abrogation d’un texte de loi n’a pas pour conséquence d’empêcher la poursuite des infractions au texte abrogé ou l’application des sanctions qui s’y rapportent, le tribunal qui impose la peine ne peut ignorer la légalisation du comportement interdit et son absence de remplacement par une infraction équivalente. Comme les objectifs de dénonciation et de dissuasion

[Page 828]

générale s’avèrent moins importants en raison de la décriminalisation du comportement interdit, on doit s’attendre à l’imposition de peines plus clémentes2297.

556. (2) Les moyens de défense : Comme l’indique la juge Deschamps dans R. c. Dineley, « le droit d’un accusé d’invoquer un moyen de défense est de nature substantielle2298 ». Les dispositions qui influent sur l’existence ou le contenu d’un moyen de défense sont donc assujetties à la présomption de non-rétrospectivité des lois qui portent atteinte à des droits substantiels.

557. a) La création ou la modification d’un moyen de défense : En détruisant la raison ou la liberté de choix de l’individu au moment du crime, les moyens de défense suppriment sa responsabilité pénale ou empêchent la formation de l’élément de faute requis aux termes de l’infraction. S’agissant de dispositions substantielles, la présomption de non-rétrospectivité s’applique à moins d’indication contraire du législateur. Il en va de même des restrictions ou interdictions apportées à un moyen de défense. Une personne accusée d’agression sexuelle commise le 30 mai 1992 ne peut donc être reconnue coupable en raison de l’absence de mesures raisonnables prises pour s’assurer du consentement. Comme « l’article 273.2 n’est pas entré en vigueur avant le 15 août 1992, soit environ deux mois et demi après le 30 mai 1992, date établie par la preuve quant à la perpétration de l’infraction, cet article n’aurait pas dû être pris en considération2299 ». Cette règle s’applique indépendamment du fait qu’il s’agisse d’une excuse, d’une justification ou d’un autre moyen permettant « d’éviter une déclaration de culpabilité2300 ».

[Page 829]

558. L’application rétrospective ou non des modifications touchant la présentation d’un moyen de défense fut examinée récemment par la Cour suprême, dans R. c. Dineley2301. Après avoir embouti un véhicule stationné, l’accusé fut arrêté puis soumis à des alcootests qui révélèrent un taux d’alcool légèrement supérieur à la limite permise. À l’ouverture du procès, le 15 juin 2008, la défense avisa le tribunal de son intention de contester l’exactitude des résultats de l’alcootest. Comme le toxicologue de la défense n’était pas présent et que la poursuite avait l’intention de contre-interroger l’auteur du rapport, les parties ont convenu de poursuivre la présentation de la défense un mois plus tard, soit le 15 juillet 2008. Entretemps, des modifications importantes furent apportées à l’al. 258(1)c) du Code. Ces modifications avaient pour effet de créer une présomption d’exactitude des résultats de l’alcootest et une présomption de conformité de ces résultats avec le taux d’alcoolémie de l’accusé au moment de l’infraction. Selon l’al. 258(1)c), ces deux présomptions ne peuvent être réfutées en l’absence d’éléments de preuve tendant à démontrer le mauvais fonctionnement de l’appareil ou l’utilisation incorrecte de l’alcootest. Or, d’après l’al. 258(1)d.01), « ne constituent pas une preuve tendant à démontrer le mauvais fonctionnement ou l’utilisation incorrecte de l’alcootest approuvé ou le fait que les analyses ont été effectuées incorrectement les éléments de preuve portant : (i) soit sur la quantité d’alcool consommé par l’accusé, (ii) soit sur le taux d’absorption ou d’élimination de l’alcool par son organisme, (iii) soit sur le calcul, fondé sur ces éléments de preuve, de ce qu’aurait été son alcoolémie au moment où l’infraction aurait été commise ». Comme l’accusé ne peut plus « se fonder simplement sur l’avis d’un expert selon lequel la quantité d’alcool qu’il a consommé est incompatible avec les résultats de l’analyse, ce que l’on appelait la “défense de type Carter2302 », la Cour devait déterminer si les modifications apportées à l’al. 258(1)c) portaient atteinte à des droits substantiels ou procéduraux. D’après la juge Deschamps, qui s’exprimait alors au nom de la majorité, les modifications apportées à l’al. 258(1)c) interdisent désormais le recours à la défense de type Carter. Cette interdiction « indique que les

[Page 830]

dispositions ne sont pas simplement de nature procédurale; elles ont une incidence sur un moyen de défense dont dispose l’accusé et sont, par le fait même, assujetties à la présomption de non-rétrospectivité des nouvelles mesures législatives2303 ». Cette conclusion s’applique indépendamment du fait que les modifications apportées au moyen de défense soient favorables ou non à l’accusé. En effet, « sous réserve d’un contrôle de conformité avec la Constitution, le législateur conserve le pouvoir de limiter ou d’éliminer complètement l’accès à un moyen de défense en matière criminelle2304 ».

559. Si la modification législative d’un moyen de défense ne s’applique pas rétrospectivement à défaut d’une intention claire du législateur à l’effet contraire, qu’en est-il de la suppression de conditions qui contreviennent à l’article 7 de la Charte ? Sur ce point, nous croyons que l’individu peut bénéficier des nouvelles dispositions lorsqu’elles sont modifiées entre le moment de la perpétration du crime et celui de la sentence. Nous nous expliquons. En 2001, la Cour suprême du Canada a supprimé, dans R. c. Ruzic2305, les exigences d’« immédiateté » et de « présence » que l’on retrouvait à l’article 17 du Code criminel, consacré à la défense de contrainte morale2306. Selon la Cour, la liberté de choix qu’incarne la notion d’acte volontaire au point de vue moral ou normatif est un principe de justice fondamentale reconnu à l’article 7 de la Charte. Or, « en exigeant qu’il y ait des menaces de mort immédiate ou de lésions corporelles de la part d’une personne présente lorsque l’infraction est commise », l’article 17 violait l’article 7 de la Charte puisqu’il permettait la condamnation de personnes qui avaient agi involontairement au point de vue moral ou normatif. Conformément au principe de la rétroactivité de la jurisprudence en common law2307, la décision de supprimer les exigences

[Page 831]

d’« immédiateté » et de « présence » permettait alors à un individu qui avait commis une infraction avant la décision de la Cour suprême dans R. c. Ruzic, mais qui subissait son procès après celle-ci, de se prévaloir des modifications apportées par le plus haut tribunal. Ce qui aurait été impossible, à moins d’indications contraires du législateur, si les modifications avaient été introduites par le Parlement en raison du principe de la non-rétroactivité des lois criminelles de nature substantielle. Or, celui qui est jugé en fonction des nouvelles dispositions législatives n’est pas privé de moins de liberté que celui qui subit son procès à la suite des modifications judiciaires. La possibilité de bénéficier des modifications découlant de l’application des principes de justice fondamentale contenus à l’article 7, lorsque la disposition qui régit le moyen de défense est modifiée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence, assure l’équité des procédures criminelles et garantit la primauté du droit. Permettre la condamnation d’une personne qui n’a pas agi volontairement irait à l’encontre

[Page 832]

de l’article 7 et devrait être justifié en vertu de l’article premier. En ce qui touche les modifications législatives introduites après la sentence, celles-ci ne sont pas applicables à l’accusé (au même titre que les changements apportés à la peine).

560. b) L’abrogation d’un moyen de défense : L’abrogation d’un moyen de défense empêche les personnes accusées d’une infraction commise après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de plaider ce moyen de défense, mais permet à ceux dont les gestes reprochés sont antérieurs à la date d’abrogation de soulever le moyen de défense. Le remplacement des anciennes dispositions par de nouveaux articles n’échappe pas à la présomption de non-rétrospectivité des lois criminelles de nature substantielle, à moins d’indications claires du législateur. C’est d’ailleurs ce qu’indique la Cour d’appel de l’Ontario, dans R. c. Bengy2308, au moment de décider du droit applicable à un individu accusé d’avoir causé la mort de la personne qui avait agressé son ami avec un bâton de baseball. L’accusé ayant été déclaré coupable de meurtre au deuxième degré, la défense porta sa condamnation en appel avec l’intention de se prévaloir des nouvelles dispositions applicables en matière de légitime défense. La Loi sur l’arrestation par des citoyens et la légitime défense qui est entrée en vigueur le 11 mars 20132309, soit quelque mois après le procès de Bengy, « vise à simplifier le texte législatif lui-même afin de faciliter l’application des principes fondamentaux de la légitime défense, sans les modifier substantiellement2310 ». Après avoir rappelé la confusion entourant l’application rétrospective ou non des nouvelles dispositions, le juge Hourigan opta pour l’absence de rétrospectivité. D’après ce dernier, les nouvelles dispositions portent atteinte aux droits

[Page 833]

substantiels de l’accusé. Les changements proposés étant bénéfiques pour certains et désavantageux pour d’autres, le nouvel article 34 « influe sur l’existence ou le contenu du moyen de défense2311 » et non seulement sur la manière utilisée pour le présenter. La présomption de non-rétrospectivité étant engagée, seule une intention claire du législateur pouvait conférer à la nouvelle loi un effet dans le passé. Or, comme il « n’y a aucune disposition transitoire indiquant expressément » que le nouvel article 34 s’appliquait rétrospectivement2312, celui-ci ne pouvait être invoqué à l’encontre des actes commis avant son entrée en vigueur2313.

561. (3) La peine : La peine est la sanction infligée au condamné en conséquence de l’infraction qu’il a commise. Cette peine, qui se rattache à l’infraction reprochée, doit être « conforme à l’objectif et aux principes de la détermination de la peine » ou

[Page 834]

avoir « une grande incidence sur le droit du contrevenant à la liberté ou à la sécurité2314 ».

562. a) L’adoption d’une nouvelle peine ou la modification d’une peine déjà existante : Comme la peine porte atteinte directement aux droits substantiels d’un individu, l’adoption d’une nouvelle peine ne peut s’appliquer rétrospectivement à moins d’être plus clémente. Ce principe, maintes fois reconnu par les tribunaux, est garanti par l’al. 11i) de la Charte qui confère « à tout inculpé le droit de bénéficier de la peine la moins sévère, lorsque la peine qui sanctionne l’infraction dont il est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence2315 ». On n’a qu’à penser à l’individu qui commet une infraction quelques mois avant l’entrée en vigueur des dispositions créant l’emprisonnement avec sursis, le 3 septembre 1996, et qui demande à la suite de sa déclaration de culpabilité de purger sa peine dans la collectivité. Bien qu’il ne s’agisse pas de la peine qui sanctionne l’infraction précise dont l’accusé est déclaré coupable, il s’agit d’une mesure punitive qui s’applique à la suite de sa déclaration de culpabilité. L’al. 11i) permet donc à une personne qui a commis une infraction avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi de bénéficier de celle-ci lorsqu’elle peut se traduire par l’imposition d’une peine plus clémente2316. Quant à l’alourdissement de

[Page 835]

la peine qui sanctionne l’infraction dont l’accusé est déclaré coupable, celle-ci ne peut s’appliquer rétrospectivement2317. Résultat : une personne qui est déclarée coupable d’avoir agressé sexuellement ses deux petites filles n’est pas soumise à l’application de la peine minimale d’emprisonnement obligatoire, si les faits se sont produits avant l’adoption des nouvelles dispositions concernant la protection des victimes âgées de moins de 16 ans2318. Il en va ainsi

[Page 836]

du jeune conducteur d’un VTT qui a causé la mort de sa passagère après avoir dérapé dans une courbe et s’être retrouvé dans la voie d’un véhicule qui s’en venait en sens inverse. L’accident s’étant produit le 4 août 2007, soit environ trois mois avant l’entrée en vigueur des modifications interdisant le recours à l’emprisonnement avec sursis dans les cas de sévices graves à la personne (30 novembre 2007), le prévenu fut condamné à 18 mois d’emprisonnement à purger dans la collectivité2319. Comme l’indiquent, avec justesse d’ailleurs, les auteurs François Chevrette et Hugo Cyr : « L’alinéa 11i) de la Charte eut donc pour conséquence de hausser au rang de règles constitutionnelles deux principes qui étaient traditionnellement de simples principes d’interprétation, à savoir le principe du bénéfice de la loi nouvelle en matière de peine et le principe de la non-rétroactivité de la peine aggravée2320. » Ainsi, sous réserve de restrictions qui seraient justifiées au sens de l’article premier, l’attention particulière que doit accorder le tribunal aux objectifs de dénonciation et de dissuasion dans les cas d’infraction constituant un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de dix-huit ans ne peut s’appliquer rétrospectivement2321. Il en va également de l’ajout des objectifs de dénonciation et de dissuasion spécifique contenus à l’al. 38(2)f) de la Loi

[Page 837]

sur le système de justice pénale pour les adolescents2322, de l’infliction de peines consécutives prévues à l’article 718.3(4) C.cr.2323, ainsi que des modifications apportées dernièrement aux objectifs de la peine2324.

[Page 838]

563. La portée du droit prévu à l’alinéa 11i) de la Charte fut examiné récemment par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Poulin2325. L’accusé, une personne âgée de 82 ans au moment de son procès, fut reconnu coupable en 2016 de deux chefs de grossière indécence relativement à des gestes posés entre 1979 et 1983 et d’un chef d’agression sexuelle commise entre 1983 et 1987. L’accusé fut condamné notamment à une peine d’emprisonnement de deux ans moins un jour à purger dans la collectivité pour les deux chefs de grossière indécence. Cette peine, qui n’existait pas au moment de la commission du crime et qui n’était plus disponible au moment de la sentence, fut adoptée en 1996 et s’est appliquée pendant quelques années entre la perpétration des crimes reprochés et la sentence. Le jugement condamnant l’accusé à une peine d’emprisonnement avec sursis ayant été confirmé en appel, le ministère public se pourvoit contre la décision devant la Cour suprême. La question est simple : Est-ce que l’al. 11i) confère à l’accusé un droit « binaire » lui permettant de bénéficier de la peine la plus clémente en vigueur au moment précis de la perpétration de l’infraction ou de la sentence ? Ou s’agit-il plutôt d’un droit « global » lui permettant de revendiquer la peine la plus clémente existant également pendant un certain temps entre ces deux moments ? Après une analyse exhaustive de la nature et des objectifs du droit en question, la Cour opte pour la première solution. « L’alinéa. 11i) confère au contrevenant le droit de bénéficier de la peine la moins sévère entre 1) la peine prévue par les lois en vigueur au moment de la perpétration de l’infraction, et 2) la peine prévue par les lois en vigueur au moment de la sentence2326. » Au moment de la perpétration de l’infraction, tout d’abord, puisque s’agissant du droit en vigueur lors de la commission des actes reprochés, l’individu savait à quoi s’attendre en adoptant une telle conduite. Au moment de la sentence, ensuite, car la peine applicable reflète les valeurs et l’opinion de la société à l’égard de la nature et de la gravité du crime reproché et de la responsabilité du délinquant. Comme l’emprisonnement avec sursis n’existait pas au moment de la perpétration du crime et que cette option n’était plus disponible lors de la sentence, le tribunal ne pouvait opter pour une telle peine. Bien que l’al. 11i)

[Page 839]

ne garantisse pas à « chaque contrevenant le bénéfice de chaque modification apportée à la peine dans l’intervalle entre la perpétration de l’infraction et la sentence2327 », le Tribunal ne se prononce pas sur l’existence d’une « règle autorisant les contrevenants à bénéficier des peines les moins sévères sur lesquelles ils se sont appuyés pour assurer leur défense ou pour s’incriminer2328 ». S’agissant d’un facteur pertinent dans la prise de décisions touchant à leur « liberté2329 », des considérations en matière d’équité militent en faveur de l’adoption d’une telle règle2330.

564. Applicable lorsque la peine qui sanctionne l’infraction dont l’accusé est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence, l’al. 11i) n’est d’aucun secours lorsqu’une peine plus clémente a été adoptée après l’épuisement de tous les recours d’appel. Dans ce cas, l’accusé doit « comme toute autre personne qui est régulièrement déclarée coupable et condamnée, purger intégralement sa peine2331 ».

565. Réservée aux peines, la garantie offerte à l’al. 11i) de la Charte ne s’applique pas aux mesures qui, tout en s’approchant de la peine, n’en constituent pas une au sens de la loi2332. On n’a

[Page 840]

qu’à penser au prélèvement d’échantillons d’ADN pour analyse génétique2333 et à l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels (LERDS)2334. En effet, la garantie conférée à l’al. 11i) ne s’applique pas aux mesures dont le but « est principalement de faciliter l’enquête relative à de futurs crimes, plutôt que de dissuader, de dénoncer, d’isoler ou de réinsérer socialement en lien avec une infraction antérieure2335 ». En conséquence, ces mesures « ne font pas davantage partie des sanctions dont est passible la personne accusée d’une infraction donnée que la prise de photographies ou des empreintes digitales2336 ». Contrairement aux ordonnances d’interdiction de conduire prévues au Code criminel2337, la suspension du permis de conduire provincial ne constitue

[Page 841]

pas une peine au sens de l’al. 11i) de la Charte2338. En ce qui concerne finalement la réduction du crédit accordé pour la détention présentencielle découlant de la modification du par. 719(3) C.cr., l’art. 5 de la Loi sur l’adéquation de la peine et du crime (LAPC) prévoit qu’elle peut s’appliquer aux personnes qui ont commis des infractions avant l’entrée en vigueur de la LAPC, mais inculpées après celle-ci2339. C’est l’exemple des deux individus

[Page 842]

condamnés pour des infractions relatives aux stupéfiants qui ont passé 50 mois en détention présentencielle à la suite d’accusations portées après l’entrée en vigueur de la LAPC. Le crédit maximum accordé pour la détention provisoire étant désormais de 75 mois en vertu des nouvelles dispositions prévoyant l’octroi d’un jour et demi pour chaque jour passé sous garde, les accusés auraient pu bénéficier d’un crédit de 100 mois, conformément à la pratique établie à l’époque d’accorder deux jours pour chaque jour passé en prison, n’eût été de « l’application rétrospective des changements apportés à l’article 719 C.cr. par l’art. 5 de la LAPC2340 ». La nouvelle disposition ayant « ajouté minimalement 25 mois à leurs attentes en matière d’emprisonnement2341 », celle-ci a une incidence concrète sur la « probabilité d’une incarcération prolongée2342 » et contrevient à l’al. 11i) de la Charte en privant l’accusé d’une peine plus clémente.

566. Si la présomption de non-rétrospectivité qui surplombe les dispositions substantielles peut être repoussée expressément par le législateur, qu’en est-il de la peine qui est aggravée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence ? Est-ce que l’intention du législateur voulant que la nouvelle disposition s’applique rétrospectivement suffit à écarter la garantie conférée par l’al. 11i) de la Charte ? La réponse est non. Dans R. c. K.R.J., la Cour suprême confirme la supériorité de l’al. 11i) sur l’intention du législateur. Dans cette affaire, l’accusé avait plaidé coupable à des accusations d’inceste et de production de pornographie juvénile commises entre 2008 et 2011. En 2012, soit plusieurs mois avant la détermination de la peine de l’accusé, de nouvelles dispositions furent introduites dans le Code criminel permettant au juge d’interdire à un contrevenant qui avait été déclaré coupable d’actes sexuels à l’égard d’un mineur, d’avoir des contacts avec une personne âgée de moins de seize ans (al. 161(1)c)) ou d’utiliser Internet ou tout autre réseau numérique (al. 161(1)d)).

[Page 843]

Comme « les nouvelles dispositions s’appliquent à toute personne qui se voit infliger une peine pour avoir commis, peu importe le moment, une infraction énumérée2343 », le Tribunal devait déterminer si l’application rétrospective des nouvelles interdictions contrevenait à l’al. 11i) de la Charte. D’après la Cour suprême, les interdictions d’avoir des contacts avec une personne âgée de moins de seize ans (al. 161(1)c)) ou d’utiliser Internet ou tout autre réseau numérique (al. 161(1)d)) constituent des peines au sens de l’al. 11i) de la Charte. Comme cette disposition permet au délinquant de bénéficier de la peine la plus clémente, lorsque la peine qui sanctionne l’infraction dont il est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence, l’application rétrospective de ces interdictions, malgré l’intention claire du législateur, contrevenait donc au droit garanti par l’al. 11i) de la Charte. En ce qui concerne la légalité des dispositions contestées, disons simplement que contrairement à l’interdiction de tout contact avec une personne âgée de moins de 16 ans, l’application rétrospective de celle concernant l’utilisation d’Internet constitue une restriction raisonnable dont la justification peut se démontrer au sens de l’article premier de la Charte.

567. b) L’abrogation d’une peine : Aux termes de l’article 43d) de la Loi d’interprétation, « l’abrogation, en tout ou en partie d’un texte de loi, n’a pas pour conséquence d’empêcher la poursuite des infractions au texte abrogé ou l’application des sanctions – peines, pénalités ou confiscations – encourues aux termes

[Page 844]

de celui-ci ». La personne qui est reconnue coupable d’avoir enfreint une disposition qui fut par la suite abrogée, puis remplacée ou non par une autre disposition, est passible, lorsque cela est possible, de la peine que prévoyait l’ancienne infraction. L’al. 11i) ne s’applique pas à l’abrogation d’une infraction, mais à l’adoucissement de la peine qui s’y rattache2344. Un individu qui est arrêté en possession de cannabis et qui est poursuivi après l’abrogation de cette infraction demeure passible des peines applicables au moment de son arrestation. La situation serait différente si l’infraction abrogée était remplacée par une disposition qui sanctionne le même comportement. Dans ce cas, l’individu pourrait bénéficier de l’adoucissement de la peine prévue au nouveau texte. Comme l’indique le juge Lambert, de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, dans R. c. E.R. : « s. 11(i) relates only to sentencing matters and in my opinion, only where there is a “true correspondence” between the offence as originally described, where the earlier punishment was set out, and the offence as later described where the lower punishment is set out2345. » En l’absence d’une « véritable correspondance » entre les deux infractions, la peine demeure celle qui était encourue aux termes de la disposition abrogée2346. Discutant de la peine à imposer à un individu qui avait été reconnu coupable d’avoir violé une femme de 19 ans, la juge Barrette-Joncas déclare que « la peine qui sanctionne le viol, l’infraction dont il a été déclaré coupable, n’a pas été modifiée entre le 4 novembre 1982 et la présente date, c’est le crime lui-même qui a été transformé et qui est disparu comme tel. L’incident du 4 novembre 1982 étant soumis aux arts. 143a) et 144 du Code criminel en vigueur à cette date, il constitue un viol. Les dispositions de l’art. 11i) de la Charte

[Page 845]

ne s’appliquent pas et la cour, aux fins de déterminer la sentence appropriée, considère que l’emprisonnement à vie est toujours la peine maximum applicable aux personnes qui en sont trouvées coupables2347 ». Les nouvelles infractions d’agression sexuelle ne remplacent pas celle de viol. La correspondance entre les deux infractions n’est pas suffisante, selon la juge Barrette-Joncas, pour satisfaire au critère de la continuité2348. C’est ce que confirme d’ailleurs la Cour d’appel du Québec dans R. c. Vernacchia2349. Statuant sur le pourvoi logé à l’encontre d’un jugement condamnant un gynécologue à 15 mois d’emprisonnement relativement à une accusation de viol commis sur une patiente le 23 novembre 1982, soit près de deux mois avant l’abrogation de l’infraction de viol et son remplacement par les infractions d’agression sexuelle, la Cour d’appel conclut que les amendements au Code criminel entrés en vigueur le 4 janvier 1983 « ne visent pas la peine mais l’infraction2350 ». D’où l’absence d’application de l’al. 11i) de la

[Page 846]

Charte2351. Quant à l’al. 44e) de la Loi d’interprétation, celui-ci prévoit qu’en cas « d’abrogation et de remplacement, les sanctions dont l’allégement est prévu par le nouveau texte sont, après l’abrogation, réduites en conséquence ». Cette disposition, qui est parfois invoquée afin de justifier l’application rétrospective d’une peine plus clémente à une infraction différente mais correspondante, ne s’applique que dans les cas de « véritable correspondance2352 ». Cette position est fidèle à l’interprétation de l’al. 11i) de la Charte et au principe contenu à l’al. 43d) de la Loi d’interprétation.

568. c) L’imposition d’une double peine : L’application rétrospective d’une nouvelle loi peut parfois contrevenir au droit garanti par l’al. 11h) de la Charte de ne pas être puni deux fois pour la même infraction. Cette situation fut examinée par la Cour

[Page 847]

suprême dans Canada (Procureur général) c. Whaling2353. Les intimés, M. Whaling, Mme Slobbe et M. Maidana, ont tous été condamnés, en 2010, pour des crimes graves commis sans violence. En vertu de la procédure d’examen expéditif (PEE) applicable à l’époque de leur condamnation, les délinquants primaires non violents qui avaient purgé le sixième de leur peine ou six mois (selon la plus longue de ces périodes) pouvaient bénéficier d’une semi-liberté. Suite aux critiques exprimées à l’endroit de la PEE, le Parlement fédéral adopta, en 2011, la Loi sur l’abolition de la libération anticipée des criminels (LALAC). En plus d’abolir la procédure d’examen expéditif, la nouvelle loi avait pour effet de repousser la période d’admissibilité à la semi-liberté à six mois avant la date d’admissibilité à la libération conditionnelle totale, soit le tiers de la sentence. Comme l’article 10(1) de LALAC prévoyait que l’abolition de la PEE s’appliquait rétrospectivement aux délinquants purgeant déjà leur peine, la Cour devait déterminer si « l’augmentation rétrospective du temps d’épreuve pour l’admissibilité à la semi-liberté à l’égard des détenus condamnés et punis avant l’abrogation des dispositions créant la PEE portait atteinte au droit des intimés, garanti par l’al. 11h) de la Charte, de ne pas être punis de nouveau pour les infractions commises ?2354 ». La réponse est oui. D’après le juge Wagner, l’al. 11h) n’exige pas la tenue de nouvelles procédures judiciaires, mais s’applique également aux personnes déjà jugées et punies pour leur crime. Cette protection s’étend aux « changements apportés rétrospectivement aux conditions de la sanction originale ayant pour effet d’aggraver la peine du délinquant (être “puni de nouveau”)2355 ». Comme les intimés pouvaient s’attendre légitimement à bénéficier des mesures existantes au moment de leur condamnation, l’application rétrospective des nouvelles dispositions avait pour effet de retarder leur admissibilité à la semi-liberté et de prolonger leur incarcération de plusieurs mois2356. Résultat : « Un changement qui trompe

[Page 848]

si catégoriquement l’attente en matière de liberté d’un délinquant qui a déjà été condamné et puni représente l’un des cas les plus manifestes d’un changement rétrospectif qui emporte une double peine dans le contexte de l’al. 11h)2357 ». Cette violation n’étant pas justifiée en vertu de l’article premier, l’admissibilité à la semi-liberté anticipée prévue à l’article 119.1 de la LSCMLSC devait donc continuer de s’appliquer « aux délinquants condamnés avant l’entrée en vigueur de la LALAC, le 28 mars 20112358 ».

569. Si « l’augmentation rétrospective du temps d’épreuve pour l’admissibilité à la semi-liberté à l’égard des détenus condamnés et punis avant l’abrogation des dispositions créant la PEE » contrevient à l’al. 11h) de la Charte2359, qu’en est-il de la personne qui commet une infraction alors que le programme est en place, mais condamnée après son abolition. La question fut abordée par la Cour d’appel du Québec dans Parent c. Guimond2360. D’après la Cour, « l’abolition de la PEE constitue une peine au sens de l’alinéa 11i) de la Charte2361 ». Cette conclusion est conforme à l’opinion de la Cour suprême dans R. c. Whaling et, plus précisément, au principe voulant « qu’un changement rétrospectif aux conditions de la peine est punitif s’il augmente considérablement le risque d’une incarcération prolongée2362 ». Comme « l’abolition

[Page 849]

de la PEE a pour effet d’augmenter de façon appréciable le temps de détention des personnes condamnées qui y auraient eu droit en vertu de la loi alors en vigueur, [l]e délinquant est alors puni plus sévèrement qu’il ne l’aurait été s’il avait été condamné de façon contemporaine à son crime2363 ». L’accusé ayant le droit de bénéficier de la peine la moins sévère lorsque la peine est modifiée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence, la Cour renvoie le dossier de l’appelant au Service correctionnel du Canada et à la Commission des libérations conditionnelles du Canada afin de procéder à son analyse conformément à la procédure d’examen expéditif. Le par. 10(1) de la Loi sur l’abolition de la libération anticipée des criminels porte donc atteinte à l’al. 11i) de la Charte et cette violation n’est pas justifiée au sens de l’article premier.

570. (4) Les dispositions procédurales qui portent atteinte aux droits substantiels de l’accusé : L’application rétrospective d’une disposition qui n’est pas de nature substantielle, mais qui porte atteinte aux droits substantiels de l’accusé fut examinée par la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. R.S.2364. En l’espèce, les quatre appelants, qui n’avaient aucun lien entre eux, ont tous été accusés en 2018 d’agressions sexuelles à l’égard d’événements distincts. Tous les accusés avaient choisi d’être jugés en Cour supérieure et demandé la tenue d’une enquête préliminaire. Le 19 septembre 2019, les amendements au Code criminel limitant la tenue des enquêtes préliminaires aux actes criminels passibles d’un emprisonnement de quatorze ans ou plus entrent en vigueur. Comme l’agression sexuelle ne prévoit pas une telle peine, la Cour devait déterminer si les amendements en question s’appliquaient aux causes qui avaient déjà été engagées au moment de l’entrée en vigueur des amendements. D’après le juge Doherty, les accusés avaient rempli toutes les conditions nécessaires leur permettant d’acquérir le droit à une enquête préliminaire et le tribunal avait

[Page 850]

l’obligation correspondante de tenir une telle enquête. Ce qui n’est pas le cas des personnes qui ont été accusées avant l’entrée en vigueur des amendements, mais qui n’avaient pas encore choisi leur mode de procès et demandé une enquête préliminaire2365. Ayant conclu que les accusés avaient acquis le droit statutaire à une enquête préliminaire, le tribunal se demanda par la suite si ce droit était de nature substantielle ou s’il portait atteinte aux droits substantiels des appelants. Sans conclure à l’existence en soi d’un droit substantiel, le juge Doherty affirme que l’abolition de l’enquête préliminaire porte atteinte aux droits substantiels des appelants et, plus précisément, au droit d’être libéré au stade de l’enquête préliminaire lorsque la poursuite ne rencontre pas son fardeau de preuve2366. Comme le droit d’avoir une évaluation préliminaire de la preuve offerte par la poursuite dans le but d’éviter un procès inutile a un impact tangible sur la liberté et la sécurité des accusés, la disposition porte atteinte à des droits substantiels et n’a pas d’effet rétrospectif en l’espèce.

571. Au-delà de sa qualification de « procédurale » ou de « substantielle », c’est donc l’effet de la nouvelle disposition sur les droits substantiels de l’accusé qui compte. La nature du droit touché par la nouvelle législation étant déterminante, les dispositions qui affectent négativement des droits constitutionnels portent

[Page 851]

généralement atteinte à des droits substantiels2367. Bien entendu, tous les droits substantiels ne sont pas des droits constitutionnels et le tribunal doit fonder son analyse sur la législation qui existait avant les amendements, et plus particulièrement sur la nature du droit touché par les nouvelles dispositions.

Deuxième sous-section : Les dispositions procédurales

572. D’après la juge Deschamps, dans R. c. Dineley, « les nouvelles dispositions procédurales destinées à ne régir que la manière utilisée pour établir ou faire respecter un droit n’ont pas d’incidence sur le fond de ces droits. De telles mesures sont présumées s’appliquer immédiatement, à la fois aux instances en cours et aux instances à venir2368 ». S’agissant d’une simple présomption, l’application immédiate des lois de nature procédurale « doit céder le pas à l’intention contraire exprimée par le législateur2369 ». Sans

[Page 852]

aspirer à une définition exhaustive, on s’accorde généralement pour dire que les dispositions procédurales touchent la conduite des tribunaux, le déroulement du litige, ainsi que l’administration, l’admissibilité et la collecte de la preuve.

573. L’application immédiate des lois de nature purement procédurale fut proclamée à plusieurs reprises par les tribunaux. Dans une décision récente, la Cour suprême conclut que les modifications visant à éliminer les récusations péremptoires et à confier aux juges de première instance le pouvoir de trancher les récusations motivées en matière de sélection des jurés sont « purement procédurales, et qu’elles s’appliquent donc rétroactivement2370 ». La même conclusion s’impose à l’égard de la possibilité de recourir à une ordonnance de non-publication dans les cas d’anciennes infractions à caractère sexuel non prévues dans la nouvelle disposition2371, et de bénéficier d’un procès devant un juge et un jury lorsque le crime reproché fut commis par un adolescent avant l’adoption de la nouvelle disposition permettant un tel choix2372. Comme il n’y avait aucune indication contraire du législateur et que la poursuite de l’accusé pouvait se dérouler conformément à la modification apportée, l’article 19 de la Loi sur les jeunes contrevenants s’appliquait aux crimes commis avant son entrée en vigueur.

[Page 853]

574. L’application immédiate des dispositions touchant l’administration ou la collecte de la preuve fut confirmée par le juge Labrèche, dans R. c. Tremblay2373. En l’espèce, l’accusé, qui était inculpé d’une agression sexuelle, aurait commis les gestes reprochés le 7 avril 1993. Les dispositions permettant le prélèvement d’échantillons de substances corporelles pour fins d’analyses génétiques ont été adoptées le 22 juin 1995 et sont entrées en vigueur le 13 juillet 1995. Un mandat autorisant le prélèvement d’échantillons de substances corporelles, pour analyse génétique, fut décerné le 20 octobre 1995 et effectué trois jours plus tard, soit le 23 octobre 1995. L’accusé a comparu devant le tribunal et a plaidé non coupable le 26 octobre 1995. Il soutient notamment que les résultats de l’analyse génétique ne devraient pas être admis en preuve en raison de la non-rétroactivité des dispositions de nature substantielle. D’après le juge Labrèche, les nouvelles dispositions permettant le prélèvement d’échantillons de substances corporelles aux fins d’analyses génétiques ne portent pas atteinte à des droits substantiels, mais se rapportent uniquement à la collecte de la preuve. D’où leur application immédiate dans le procès en cours.

575. S’agissant d’une présomption, l’application immédiate des dispositions de nature procédurale n’est pas absolue, « mais aura lieu seulement dans la mesure où les nouvelles règles de procédure peuvent s’adapter aux poursuites entamées relativement à des choses survenues avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles; cela veut clairement dire que la nouvelle procédure ne s’appliquera pas rétroactivement si elle ne peut être adaptée ou dans la mesure où elle ne peut l’être2374 ». La mise en œuvre des nouvelles dispositions aux causes pendantes doit être possible en pratique2375. Lorsqu’elles ne peuvent être adaptées à la situation

[Page 854]

juridique qui existait avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, la présomption de rétrospectivité est réfutée et la loi ne peut s’appliquer dans le passé.

Conclusion

576. De la présomption d’innocence au droit d’être jugé dans un délai raisonnable, en passant par le droit de ne pas être déclaré coupable en raison d’une action ou d’une omission qui ne constituait pas une infraction au moment de sa commission, l’article 11 de la Charte protège l’accusé contre des atteintes à ses droits fondamentaux et rétablit sensiblement l’équilibre entre les droits de l’accusé et l’intérêt du public. Comme tous les droits protégés par la Charte, ceux conférés par l’article 11 ne sont pas à l’abri d’une violation éventuelle de la part des agents de l’État. D’où l’importance d’étudier les mécanismes de réparation mis sur pied par le législateur afin de corriger de telles violations.

[Page 855]


Notes de bas de page

1988. Renvoi sur la Motor Vehicle Act de la C.-B., 1985 CanLII 81 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 486, par. 62.

1989. Renvoi sur la Motor Vehicle Act de la C.-B., 1985 CanLII 81 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 486, par. 62.

1990. Woolmington v. Director of Public Prosecutions, [1935] A.C. 462 (H.L.), 481 et 482 :

« [Traduction] Dans toute la toile du droit criminel anglais se retrouve toujours un certain fil d’or, soit le devoir de la poursuite de prouver la culpabilité du prévenu, sous réserve de ce que j’ai déjà dit à propos de la défense excipant de l’aliénation mentale et sous réserve, également, de toute exception créée par la loi. Si, à l’issue des débats, la preuve produite, soit par la poursuite, soit par le prévenu, fait naître un doute raisonnable quant à savoir si ce dernier a tué la victime avec préméditation, la poursuite a échoué et le prévenu a droit à un acquittement. Peu importe la nature de l’accusation ou le lieu du procès, le principe obligeant la poursuite à prouver la culpabilité du prévenu est consacré dans la common law d’Angleterre et toute tentative d’y porter atteinte doit être repoussée. »

1991. R. c. Oakes, 1986 CanLII 46 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 103, par. 29.

1992. R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320.

1993. R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 23 (citant le juge en chef Scott en Cour d’appel (aux pp. 234 et 235)).

1994. R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 25.

1995. R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 26.

1996. R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 27.

1997. R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 28.

1998. R. c. Griffin, 2009 CSC 28 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 42.

1999. R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 30.

2000. R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 31.

2001. R. c. Williams, 1998 CanLII 782 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 1128, par. 28 :

« Les préjugés raciaux contre l’accusé peuvent lui nuire de bien des façons. C’est lorsque le crime comporte un “aspect interracial” ou qu’un lien est perçu entre les gens de la race de l’accusé et le crime reproché que le lien entre les préjugés et le verdict est le plus évident. Mais les préjugés raciaux peuvent jouer un rôle d’autres manières moins évidentes. Les stéréotypes racistes peuvent influer sur l’appréciation de la crédibilité de l’accusé par les jurés. Les préjugés peuvent déformer les informations reçues au cours du procès : voir Parks, précité, à la p. 372. Les jurés qui ont des préjugés raciaux peuvent considérer que les gens de la race de l’accusé sont moins respectables ou encore percevoir un lien entre les gens de la race de l’accusé et le crime en général. De cette manière, le racisme subconscient peut porter à conclure plus facilement que l’accusé noir ou autochtone a commis le crime, peu importe la race du plaignant : voir Kent Roach, “Challenges for Cause and Racial Discrimination” (1995), 37 Crim. L.Q. 410, à la p. 421. »

2002. R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 31.

2003. R. c. Griffin, 2009 CSC 28 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 42, par. 42.

2005. R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 36.

2006. R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 33.

2007. R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 34.

2008. R. c. Girard, [1996] J.Q. No. 1528, 1591.

2009. R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 39; R. c. Layton, 2009 CSC 36 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 540, par. 2 :

« Bien qu’il ne constitue pas une “formule magique”, l’exposé formulé dans Lifchus a été suivi par les juges de première instance et constitue l’assise des modèles de directives au jury publiés par le Conseil canadien de la magistrature à l’intention des juges qui doivent expliquer aux jurys la nature de la norme de preuve criminelle et les questions touchant spécifiquement la cause dont ils sont saisis : voir R. c. Tymiak, 2005 ABCA 22, 363 A.R. 126, par. 6. Lorsque les juges suivent l’exposé proposé dans Lifchus ou le modèle de directives au jury publié par le Conseil canadien de la magistrature, leurs exposés sur la question du doute raisonnable sont inattaquables : voir Lifchus, par. 40. »

2010. R. c. Starr, 2000 CSC 40 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 144, par. 241.

2011. R. c. Starr, 2000 CSC 40 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 144, par. 242.

2012. R. c. Starr, 2000 CSC 40 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 144, par. 242.

2013. R. c. Layton, 2009 CSC 36 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 540, par. 29.

2014. R. c. W. (D.), 1991 CanLII 93 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 742.

2015. R. c. W. (D.), 1991 CanLII 93 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 742, par. 6.

2016. R. c. W. (D.), 1991 CanLII 93 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 742, par. 26.

2017. R. c. W. (D.), 1991 CanLII 93 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 742, par. 28; R. c. Van, 2009 CSC 22 (CanLII), [2009] 1 R.C.S. 716, par. 20 :

« Dans l’arrêt W. (D.), notre Cour a conclu que le juge doit indiquer aux jurés qu’ils doivent prononcer l’acquittement : (1) s’ils croient la déposition de l’accusé; (2) s’ils ne croient pas la déposition de l’accusé mais ont un doute raisonnable à la suite de celle-ci; (3) s’ils ne croient pas la déposition de l’accusé mais ont malgré tout un doute raisonnable concernant la culpabilité de l’accusé compte tenu du reste de la preuve qu’ils ont acceptée (p. 758). Cette directive s’avère particulièrement importante lorsqu’il faut choisir entre la crédibilité de l’accusé et celle d’un témoin du ministère public, comme dans la présente espèce. Dans un tel cas, l’exposé doit être examiné dans son ensemble pour déterminer si le jury a reçu des directives adéquates; le libellé tiré de l’arrêt W. (D.) peut ne pas être suivi à la lettre. »

Pour un exposé succinct des directives, voir Merchergui c. R., [2019] J.Q. No. 8030, par. 13 (C.A.) :

« R. c. W.(D.) énonce une démarche à suivre lorsque le procès oppose la version de l’accusé à celle d’autres témoins. Cette démarche se résume comme suit : si le juge croit la version des faits découlant du témoignage de l’accusé, il doit l’acquitter; s’il ne croit pas la version de l’accusé, il doit se demander si son témoignage soulève néanmoins un doute raisonnable considérant l’ensemble de la preuve. Si ce n’est pas le cas, il doit alors décider si la preuve qu’il accepte établit néanmoins hors de tout doute raisonnable que l’accusé a commis l’infraction dont il est accusé. »

2018. R. c. Van, 2009 CSC 22 (CanLII), [2009] 1 R.C.S. 716, par. 20.

2019. R. c. Van, 2009 CSC 22 (CanLII), [2009] 1 R.C.S. 716, par. 23; Merchergui c. R., [2019] J.Q. No. 8030, par. 18 et 19 (C.A.) :

« Même si le juge n’a pas adhéré mécaniquement à la démarche proposée dans R. c. W.(D.), il n’était pas obligé de le faire. Il suffit que l’application des principes qui s’en dégagent soit respectée. La question décisive en l’espèce est donc celle de savoir si le juge du procès a correctement appliqué la norme de preuve en matière criminelle en se penchant sur les risques que pose la preuve testimoniale contradictoire quant au fardeau de preuve du ministère public. Il est manifeste que c’est le cas en l’espèce.

Tel que le signalait la juge en chef Nicole Duval Hesler dans J.R. c. R., “le constant ressassement de l’argument selon lequel le ou la juge seul/e ne se serait pas conformé/e en toutes lettres au test W.(D.) mobilise indûment le temps des juges d’appel et épuise sans raison les ressources déjà très sollicitées des cours d’appel”. On doit constater que c’est malheureusement le cas en l’espèce, le moyen de l’appelant fondé sur l’application de R. c. W.(D.) n’ayant aucun fondement. »

2020. Dinardo c. R., 2007 QCCA 287 (CanLII), [2007] J.Q. No. 1320, par. 110 (C.A.) :

« La deuxième étape de la démarche énoncée dans W. (D.) exige du juge, même s’il ne croit pas l’accusé, qu’il se pose la question de savoir si son témoignage soulève tout de même un doute raisonnable et, dans l’affirmative, qu’il l’acquitte. »

2021. R. c. Dinardo, 2008 CSC 24 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 788.

2022. Dinardo c. R., 2007 QCCA 287 (CanLII), [2007] J.Q. No. 1320, par. 120 (C.A.).

2023. R. c. Dinardo, 2008 CSC 24 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 788, par. 23.

2024. R. c. Dinardo, 2008 CSC 24 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 788, par. 23.

2025. R. c. Dinardo, 2008 CSC 24 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 788, par. 29.

2026. R. c. Van, 2009 CSC 22 (CanLII), [2009] 1 R.C.S. 716, par. 23.

2027. R. c. Rozon, [2020] J.Q. No. 12391.

2028. R. c. Rozon, [2020] J.Q. No. 12391, par. 138.

2029. R. c. Rozon, [2020] J.Q. No. 12391, par. 140.

2030. R. c. Rozon, [2020] J.Q. No. 12391, par. 141.

2031. R. c. A.G.W., 2017 ABCA 247 (CanLII), [2017] A.J. No. 808, par. 23, conf. à 2018 CSC 9 :

« The reasons of the trial judge, in the context of all of the evidence, disclose he was mindful of and addressed the contradictions in the evidence. He did not believe the appellant and his evidence did not raise a reasonable doubt. He was satisfied that the offence of sexual assault was established beyond a reasonable doubt based upon the evidence of the complainant which was consistent with the damaged bra, her aunt’s corroborative evidence that she was wearing the appellant’s T-shirt and that she was very upset when her aunt picked her up. »

R. c. Teed, [2020] A.J. No. 992, par. 8 et 9 (C.A. Alb.) :

« The trial judge correctly set out the well-known three-step analysis required by R v. W(D), 1991 CanLII 93 (CSC), [1991] 1 SCR 742. He explained why he disbelieved the appellant’s evidence, listing a number of concerns with that evidence, including major inconsistencies with the evidence of the accompanying officer. He was also troubled by the appellant’s lack of notes of the incident and his failure to follow certain procedures. Having concluded that the appellant was not telling the truth, the trial judge considered whether the appellant’s evidence raised a reasonable doubt. He concluded that it did not.

The trial judge addressed the complainant’s evidence in his consideration of the third prong of W(D), which he stated depended in large part on her credibility. He recognized inconsistencies in her evidence, but found them to be minor. On the whole of the evidence he did accept, the trial judge found that the appellant conducted the second pat down search in the manner described by the complainant and for a sexual purpose. He also accepted that the appellant propositioned the complainant, as she had described. »

2032. L’Espérance c. R., [2020] J.Q. No. 135, par. 12 (C.A.); J.D. c. R., [2020] J.Q. No. 5677, par. 71 (C.A.) :

« Essentiellement, l’arrêt prévoit que le juge doit s’assurer que les jurés comprennent que, même s’ils ne croient pas la version de l’accusé, ce n’est pas suffisant pour le condamner parce que le fardeau de la preuve demeure la preuve hors de tout doute raisonnable. »

2033. R. c. Laraque, [2017] J.Q. No. 7715. Voir également Gauthier c. R., [2020] J.Q. No 3382, par. 27, 30-32, 38-40 (C.A.) :

« La juge analyse ensuite les chefs d’accusation concernant B en se demandant en premier, conformément à la méthode de R. c. W. (D.), si elle croit la version offerte par l’accusé, ce à quoi elle répond par la négative. Ses motifs sont nombreux.

La juge procède ensuite à la deuxième étape de l’arrêt R. c. W. (D.), à savoir si la preuve de la défense suscite un doute raisonnable. Au terme de son analyse, la juge conclut que les témoignages apparaissent insuffisants, voire inutiles pour soutenir la thèse de l’accusé. C’est le cas notamment du témoignage de la mère de l’appelant. Pour la juge, l’étroitesse de la relation qu’elle entretient avec l’accusé, l’altération de la mémoire, de même que le fait que, plutôt que de nier ou d’admettre l’existence des événements, elle exprime son regret de voir cette histoire devant les tribunaux, ce qui rend son témoignage inutile.

Pour ces raisons, la juge conclut que la défense ne soulève pas de doute raisonnable en faveur de l’accusé.

La juge aborde enfin la dernière étape de l’analyse de R. c. W. (D.) visant à déterminer si la preuve de la poursuite établit hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé. C’est essentiellement sur cette partie de l’analyse que portent les moyens d’appel.

En guise de conclusion, la juge note l’absence d’intérêt personnel de la démarche de B. Au terme de cette analyse, la juge écrit :

[477] Sa longue tentative de briser le silence de la famille en parlant de façon répétée des abus, l’opprobre subi et la période dépressive consécutivement vécue, la longue et courageuse démarche thérapeutique et les circonstances l’ayant convaincue de dénoncer les crimes soutiennent, par leur logique et caractère raisonnable, la conclusion qu’elle dit vrai.

Puis, plus loin :

[482] La défense a plaidé certains écarts de témoignages ou divergences de versions qu’il n’apparait pas ici utile de relater de façon exhaustive puisqu’ils n’ont pas pour effet de modifier la conviction acquise par le Tribunal, hors de tout doute raisonnable, que les abus révélés par la plaignante ont été commis par l’accusé.

La juge conclut donc à la culpabilité de l’accusé pour les chefs d’accusation 5 à 8, mais ordonne la suspension conditionnelle à l’égard des infractions d’inceste (chefs 7 et 8). »

2034. R. c. Laraque, [2017] J.Q. No. 7715, par. 269.

2035. R. c. Laraque, [2017] J.Q. No. 7715, par. 270.

2036. R. c. Laraque, [2017] J.Q. No. 7715, par. 270-272.

2037. R. c. Salvail, [2020] J.Q. No. 12494.

2038. R. c. Salvail, [2020] J.Q. No. 12494, par. 311.

2039. Sur les notions de crédibilité et de fiabilité, voir J.R. c. R., [2006] J.Q. No. 4867, par. 49 et 50 (C.A.) :

« Comme le soutient l’appelant, les notions de fiabilité et de crédibilité sont distinctes. La fiabilité a trait à la valeur d’une déclaration faite par un témoin, alors que la crédibilité se réfère à la personne. Mon collègue, le juge François Doyon, expose fort bien la différence qu’on doit faire entre ces concepts :

La crédibilité se réfère à la personne et à ses caractéristiques, par exemple son honnêteté, qui peuvent se manifester dans son comportement. L’on parlera donc de la crédibilité du témoin.

La fiabilité se réfère plutôt à la valeur du récit relaté par le témoin. L’on parlera de la fiabilité de son témoignage, autrement dit d’un témoignage digne de confiance.

Ainsi, il est bien connu que le témoin crédible peut honnêtement croire que sa version des faits est véridique, alors qu’il n’en est rien, et ce, tout simplement parce qu’il se trompe; la crédibilité du témoin ne rend donc pas nécessairement son récit fiable.

Une personne crédible peut donc faire une déclaration non fiable. »

2040. R. c. Salvail, [2020] J.Q. No. 12494, par. 402.

2041. R. c. R.E.M., 2008 CSC 51 (CanLII), [2008] 3 R.C.S. 3.

2042. R. c. R.E.M., 2008 CSC 51 (CanLII), [2008] 3 R.C.S. 3, par. 61 :

« En résumé, il ressort des motifs du jugement que, sur la plupart des points, le juge du procès a retenu le témoignage de la plaignante et rejeté celui de l’accusé. Cela dit, il a écarté certains aspects du témoignage de la plaignante et retenu certains aspects du témoignage de l’accusé. Le juge du procès a finalement déclaré l’accusé coupable de trois infractions. »

2043. R. c. R.E.M., 2008 CSC 51 (CanLII), [2008] 3 R.C.S. 3, par. 66.

2044. R. c. R.E.M., 2008 CSC 51 (CanLII), [2008] 3 R.C.S. 3, par. 63.

2045. R. c. R.E.M., 2008 CSC 51 (CanLII), [2008] 3 R.C.S. 3, par. 66.

2046. R. c. H.S.B., 2008 CSC 52 (CanLII), [2008] 3 R.C.S. 32.

2047. R. c. H.S.B., 2008 CSC 52 (CanLII), [2008] 3 R.C.S. 32.

2048. R. c. H.S.B., 2008 CSC 52 (CanLII), [2008] 3 R.C.S. 32, par. 14.

2049. R. c. Villaroman, 2016 CSC 33 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 1000, par. 27.

2050. R. c. Villaroman, 2016 CSC 33 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 1000, par. 30.

2051. R. c. Villaroman, 2016 CSC 33 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 1000, par. 38-40 :

« Il va de soi que la ligne de démarcation entre une “thèse plausible” et une “conjecture” n’est pas toujours facile à tracer. Cependant, la question fondamentale qui se pose est celle de savoir si la preuve circonstancielle, considérée logiquement et à la lumière de l’expérience humaine et du bon sens, peut étayer une autre inférence que la culpabilité de l’accusé.

J’ai trouvé deux énoncés particulièrement utiles de ce principe.

Le premier est tiré d’un vieil arrêt australien, l’affaire Martin c. Osborne (1936), 55 C.L.R. 367 (H.C.), p. 375 :

[Traduction] Pour inculper une personne, les circonstances constituant la preuve ne doivent appuyer aucune autre explication raisonnable. Cela signifie que, dans le cours ordinaire de la vie, le degré de probabilité que les faits établis s’accompagnent du fait qui doit être établi est si élevé qu’on ne saurait raisonnablement supposer le contraire. [Je souligne.]

Bien qu’une telle façon de s’exprimer ne soit pas appropriée dans une directive à des jurés, j’estime que l’idée exprimée dans ce passage – à savoir que pour justifier une déclaration de culpabilité, la preuve circonstancielle, appréciée à la lumière de l’expérience humaine, doit être telle qu’elle exclut toute autre possibilité raisonnable – constitue une façon utile de décrire la ligne de démarcation entre une thèse plausible et une conjecture. »

2052. Secondo c. R., [2019] J.Q. No. 454, par. 4 (C.A.) :

« Contrairement à ce que plaide l’appelant, la juge considère bien l’ensemble de la preuve et l’évalue. En outre, il n’y a aucune erreur dans l’évaluation de la preuve par experts qui permet de conclure que la victime n’a pas signé les chèques litigieux. Que l’experte Bergeron affirme, dans un rapport complémentaire, être incapable d’exclure la possibilité que la victime ait signé les chèques en litige ne reflète qu’une simple possibilité théorique qui ne peut pas, en soi, soulever un doute raisonnable : R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 30 et repris récemment dans R. c. Cyr-Langlois 2018 CSC 54. »

2053. R. c. Villaroman, 2016 CSC 33 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 1000, par. 37 :

« Une “autre thèse plausible” ou une “autre possibilité raisonnable” doit être basée sur l’application de la logique et de l’expérience à la preuve ou à l’absence de preuve, et non sur des conjectures. »

2054. Dubourg c. R., [2018] J.Q. No. 11296 (C.A.).

2055. Dubourg c. R., [2018] J.Q. No. 11296, par. 12 (C.A.).

2056. Dubourg c. R., [2018] J.Q. No. 11296, par. 21 (C.A.).

2057. Dubourg c. R., [2018] J.Q. No. 11296, par. 21 (C.A.).

2058. Voir également R. c. W.L.S., 2019 CSC 27; R. c. Youssef, 2018 CSC 49 (CanLII), [2018] 3 R.C.S. 259.

2059. R. c. Sault Ste-Marie (Ville), 1978 CanLII 11 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 1299, par. 45.

2060. R. c. Sault Ste-Marie (Ville), 1978 CanLII 11 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 1299, par. 45.

2061. R. c. Roy, 2012 CSC 26 (CanLII), [2012] 2 R.C.S. 60, par. 36 :

« L’analyse relative à la mens rea doit être centrée sur la question de savoir si la façon dangereuse de conduire résultait d’un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation (Beatty, par. 48). Il est utile d’aborder le sujet en posant deux questions. La première est de savoir si, compte tenu de tous les éléments de preuve pertinents, une personne raisonnable aurait prévu le risque et pris les mesures pour l’éviter si possible. Le cas échéant, la deuxième question est de savoir si l’omission de l’accusé de prévoir le risque et de prendre les mesures pour l’éviter si possible constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé. »

R. c. Chung, [2020] A.C.S. No. 8, par. 24 :

« À un moment donné dans l’analyse relative à la mens rea, les juges doivent travailler avec les faits tels que constatés et se demander si, eu égard à toutes les circonstances, une personne raisonnable aurait prévu le risque et agi de la même façon que la personne accusée. Ce n’est qu’une fois avoir activement pris en compte le tableau complet de ce qui s’est produit que les juges peuvent trancher la question de savoir si le comportement de la personne accusée représentait un écart marqué par rapport au comportement d’un conducteur raisonnable et prudent. »

2062. Jacques FORTIN et Louise VIAU, Traité de droit pénal général, Montréal, Éditions Thémis, 1982, p. 153.

2063. R. c. Whyte, 1988 CanLII 47 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 3.

2064. R. c. Whyte, 1988 CanLII 47 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 3, par. 32.

2065. R. c. Wholesale Travel Group Inc., 1991 CanLII 39 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 154, par. 207. Voir cependant l’opinion, fort intéressante, de l’ancien juge en chef Lamer aux par. 78 et 79 :

« L’imposition de la charge de persuasion a un lien rationnel avec l’objectif, mais elle ne porte pas, à mon avis, aussi peu que possible atteinte aux droits garantis par la Constitution. Le ministère public n’a pas établi qu’il était nécessaire de déclarer coupables ceux qui ont fait preuve de diligence raisonnable afin de “prendre” ceux qui n’ont pas fait preuve de diligence raisonnable.

Le législateur avait de toute évidence la possibilité d’employer une présomption impérative de négligence (découlant de la preuve de l’actus reus) qui pourrait être réfutée par quelque moyen moins rigoureux que la preuve par l’accusé de la diligence raisonnable selon la prépondérance des probabilités. C’est en fait le choix qu’a recommandé la Commission de réforme du droit de l’Ontario dans son Report on the Basis of Liability for Provincial Offenses (1990). La Commission dit (à la p. 48) :

[Traduction] Quant à la charge de la preuve dans le cas des infractions de responsabilité stricte, la Commission propose une solution de compromis qui constitue un juste milieu entre les droits fondamentaux de l’accusé et la nécessité de la mise en application efficace de nos lois. Nous recommandons que soit adoptée une présomption impérative au lieu de l’inversion de la charge. Autrement dit, jusqu’à preuve du contraire, la négligence sera présumée. Il continuera d’incomber au ministère public de prouver l’élément matériel ou l’actus reus hors de tout doute raisonnable. Toutefois, dans un cas de responsabilité stricte, il sera nécessaire de présenter une preuve de conduite susceptible de correspondre à des précautions raisonnables, soit par le témoignage de l’accusé, soit par l’interrogatoire ou le contre-interrogatoire d’un témoin à charge ou à décharge, soit d’une autre manière. L’accusé ne devra s’acquitter que de la charge de présentation et n’aura plus à s’acquitter de la charge de persuasion pour ce qui est d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’a pas été négligent. S’il est prouvé que des précautions raisonnables ont été prises, ce qui réfuterait la présomption, la poursuite devrait, pour obtenir la déclaration de culpabilité, être obligée d’établir la négligence de l’accusé hors de tout doute raisonnable. »

2066. Adrien-Charles DANA, Essai sur la notion d’infraction pénale, Paris, L.G.D.J., 1982, p. 325.

2067. Adrien-Charles DANA, Essai sur la notion d’infraction pénale, Paris, L.G.D.J., 1982, p. 299.

2068. R. c. Corporation de la ville de Sault Ste-Marie, 1978 CanLII 11 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 1299, par. 20.

2069. Jacques FORTIN et Louise VIAU, Traité de droit pénal général, Montréal, Éditions Thémis, 1982, p. 155 :

« L’interprétation littérale de ce passage signifierait, comme le souligne un juge, que le conducteur qui ne respecte pas un feu de circulation sous la menace d’un terroriste qui lui braque un revolver sur la tempe, n’aurait pas de défense. De la même manière, si le conducteur est âgé de cinq ans (à supposer qu’il ait pu mettre le véhicule en marche) ou est inconscient pour avoir reçu un coup à la tête, il devrait être condamné.

Ce n’est pas ce que dit le juge Dickson : il dit simplement que la responsabilité absolue exclut la faute. Or celle-ci suppose la liberté d’action, la capacité de discernement, la conscience. En d’autres termes, la faute ne peut être que le fait d’une personne normale (c’est-à-dire non aliénée mentale) en possession de ses moyens (c’est-à-dire non inconsciente) dans une situation où elle a le choix d’agir (absence de contrainte morale) et la possibilité d’agir (absence de contrainte physique ou impossibilité matérielle) et agissant contrairement à la loi (non en conformité avec celle-ci comme dans le cas de l’exécution de la loi) ou pour éviter un plus grand mal (comme c’est le cas en matière de légitime défense ou de nécessité). Du reste, dans le passage précité, le juge Dickson n’indique pas son intention d’écarter la jurisprudence existante qui, déjà, acceptait ces moyens de défense généraux à l’encontre d’infractions n’exigeant pas la mens rea. »

2070. R. c. Fontaine, 2004 CSC 27 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 702, par. 53 :

« En ce qui concerne la question ultime de la culpabilité, les deux charges incombent au ministère public. Ce dernier ne peut s’acquitter de sa charge de persuasion qu’en offrant une preuve hors de tout doute raisonnable. Par conséquent, comme l’a expliqué la juge McLachlin dans l’arrêt Charemski, précité, la preuve contre l’accusé ne peut être soumise au jury que si le dossier renferme des éléments de preuve permettant à un jury ayant reçu des directives appropriées de conclure rationnellement que l’accusé est coupable hors de tout doute raisonnable. »

2071. R. c. Fontaine, 2004 CSC 27 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 702, par. 53; R. c. Charemski, 1998 CanLII 819 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 679, par. 35 :

« ... [L]’expression “éléments de preuve suffisants” doit s’entendre d’éléments de preuve suffisants pour étayer un verdict de culpabilité hors de tout doute raisonnable; la simple mention d’“éléments de preuve suffisants” est incomplète étant donné que “suffisants” se rapporte toujours à l’objectif ou au seuil de preuve hors de tout doute raisonnable. Il faut toujours avoir cela à l’esprit en évaluant si la preuve est susceptible d’étayer les inférences nécessaires pour établir les éléments essentiels de l’infraction. »

2072. R. c. Charemski, 1998 CanLII 819 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 679, par. 3.

2073. R. c. Mezzo, 1986 CanLII 16 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 802, par. 9 :

« Au Canada, le critère qui régit le verdict imposé a été énoncé ainsi par le juge Ritchie dans l’arrêt États-Unis d’Amérique c. Shephard, 1976 CanLII 8 (CSC), [1977] 2 R.C.S. 1067 à la p. 1080 :

... selon qu’il existe ou non des éléments de preuve au vu desquels un jury équitable, ayant reçu des directives appropriées, pourrait conclure à la culpabilité. Conformément à ce principe, j’estime que le “juge de paix” doit renvoyer la personne inculpée pour qu’elle subisse son procès chaque fois qu’il existe des éléments de preuve admissibles qui pourraient, s’ils étaient crus, entraîner une déclaration de culpabilité. »

2074. R. c. François, [2020] J.Q. No. 4190, par. 29; Hunt c. R., [2018] Q.J. No. 8318, par. 30 (C.A.) :

« A preliminary inquiry thus serves a screening function. The presiding judge must commit the accused to trial if the evidence is sufficient to support a finding of guilt by the trier of fact; otherwise the accused must be discharged. In this regard there is a link between the test of sufficiency at the preliminary inquiry and the presumption of innocence because the accused must be discharged if the evidence discloses no case to answer. Unreasonable or irrational inferences from circumstantial evidence, or mere speculation, cannot support an order to commit an accused to trial. »

R. c. Dancause, [2018] J.Q. No. 6845, par. 4 :

« Pour décider de la requête, le Tribunal doit vérifier la présence d’éléments de preuve qui permettraient au jury, correctement instruit en droit, de pouvoir raisonnablement prononcer un verdict de culpabilité. Il n’y a pas lieu pour le Tribunal d’évaluer la force probante de la preuve, c’est-à-dire que le Tribunal doit se garder de se prononcer sur la fiabilité ou la crédibilité des témoins et des divers autres éléments de preuve présentés. Le critère est le même qu’il s’agisse d’une preuve directe ou circonstancielle. Toutefois, en matière de preuve circonstancielle, le Tribunal doit procéder à une évaluation limitée de la preuve pour s’assurer que celle-ci est raisonnablement susceptible d’étayer les inférences avancées. En fait, le critère est le même que celui qui s’applique à l’enquête préliminaire (R. c. Arcuri, 2001 CSC 54 (CanLII), [2001] 2 RCS 828; R. c. Charemski, 1998 CanLII 819 (CSC), [1998] 1 RCS 679; R. c. Rowbotham, 1994 CanLII 93 (CSC), [1994] 2 RCS 463; R. c. Monteleone, 1987 CanLII 16 (CSC), [1987] 2 RCS 154; et États-Unis d’Amérique c. Shephard, 1976 CanLII 8 (CSC), [1977] 2 RCS 1067). »

R. c. Arcuri, 2001 CSC 54 (CanLII), [2001] 2 R.C.S. 828, par. 23 et 34 :

« La tâche qui incombe au juge devient un peu plus compliquée lorsque le ministère public ne produit pas une preuve directe à l’égard de tous les éléments de l’infraction. Il s’agit alors de savoir si les autres éléments de l’infraction – soit les éléments à l’égard desquels le ministère public n’a pas présenté de preuve directe – peuvent raisonnablement être inférés de la preuve circonstancielle. Pour répondre à cette question, le juge doit nécessairement procéder à une évaluation limitée de la preuve, car la preuve circonstancielle est, par définition, caractérisée par un écart inférentiel entre la preuve et les faits à être démontrés – c’est-à-dire un écart inférentiel qui va au-delà de la question de savoir si la preuve est digne de foi : voir Watt’s Manual of Criminal Evidence, op. cit., par. 9.01 (la preuve circonstancielle s’entend de [Traduction] “tout élément de preuve, qu’il soit de nature testimoniale ou matérielle, autre que le témoignage d’un témoin oculaire d’un fait important. Il s’agit de tout fait dont l’existence peut permettre au juge des faits d’inférer l’existence d’un fait en cause”) [...]

La seconde réserve que j’ai à propos des motifs du juge Lampkin porte sur sa déclaration au par. 96 selon laquelle [Traduction] “s’il ‘existe des éléments de preuve admissibles qui pourraient, s’ils étaient crus, entraîner une déclaration de culpabilité’, [...] il doit y avoir renvoi à procès indépendamment de l’existence d’une preuve exculpatoire”. Encore une fois, la portée de cette affirmation est trop large. Si la preuve du ministère public est directe, il est vrai que la question relève toujours du jury; puisque, par définition, il n’y a aucun écart inférentiel entre la preuve directe et le fait qui doit être prouvé, il n’existe alors aucune inférence dont la raisonnabilité doit être examinée par le juge présidant l’enquête préliminaire. Cependant, si le ministère public se fonde sur une preuve circonstancielle, le juge présidant l’enquête préliminaire doit alors procéder à l’évaluation limitée de l’ensemble de la preuve (c.-à-d. qui comprend la preuve de la défense) afin de déterminer si un jury équitable ayant reçu des directives appropriées pourrait raisonnablement parvenir à un verdict de culpabilité. »

2075. R. c. Cinous, 2002 CSC 29 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 3, par. 65.

2076. R. c. Fontaine, 2004 CSC 27 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 702, par. 70 : « Quel que soit le moyen de défense invoqué, l’accusé s’est acquitté de la charge de présentation s’il existe une preuve qui permettrait à un jury raisonnable, ayant reçu des directives appropriées et agissant judiciairement, de prononcer l’acquittement sur le fondement de cette défense ».

2077. R. c. Latimer, 2001 CSC 1 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 3, par. 36.

2078. R. c. Barton, 2019 CSC 33 (CanLII), [2019] A.C.S. No. 33, par. 121. Voir également au par. 122 de la décision :

« Par conséquent, s’il n’y a pas de preuve qui permette au juge des faits de conclure que l’accusé a pris des mesures raisonnables pour s’assurer du consentement, la défense de la croyance sincère mais erronée au consentement communiqué est dépourvue de vraisemblance et ne doit pas être laissée à l’appréciation du jury. Cette analyse préliminaire joue un rôle important : elle soustrait à l’appréciation du jury les moyens de défense ne s’appuyant pas sur une preuve suffisante, évitant ainsi le risque que le jury puisse retenir à tort un moyen de défense défectueux. Par conséquent, contrairement à ce qui s’est produit au procès en l’espèce, on ne devrait pas faire abstraction du critère de la vraisemblance. »

2079. R. c. Cinous, 2002 CSC 29 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 3, par. 65.

2080. R. c. Fontaine, 2004 CSC 27 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 702, par. 89 : « Une opinion logiquement probante est une opinion qui s’il elle était cru, tendrait à appuyer la défense d’automatisme. »

2081. R. c. Cairney, [2013] A.C.S. No. 55, par. 22.

2082. R. c. Fontaine, 2004 CSC 27 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 702, par. 57.

2083. R. c. Fontaine, 2004 CSC 27 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 702, par. 56 :

« Par exemple, en matière de nécessité, si la preuve est suffisante pour que la question soit soumise au jury, le ministère public doit prouver hors de tout doute raisonnable l’élément contesté, par exemple que l’accusé n’a pas fait face à une situation urgente de danger imminent et évident qui l’empêchait d’agir autrement dans les cas de nécessité. Comme l’indique le juge Dickson, dans R. c. Perka :

“Bien que la nécessité soit désignée comme un moyen de défense en ce sens que c’est l’accusé qui l’invoque, il incombe toujours à la poursuite de faire la preuve d’un acte volontaire. La poursuite doit prouver chacun des éléments du crime imputé. Un de ces éléments est le caractère volontaire de l’acte. Normalement, le caractère volontaire peut se présumer, mais si l’accusé soumet à la cour, au moyen de ses propres témoins ou d’un contre-interrogatoire des témoins de la poursuite, des éléments de preuve suffisants pour soulever un doute que la situation engendrée par des forces extérieures était à ce point urgente que l’omission d’agir pouvait mettre en danger la vie ou la santé de quelqu’un et que, suivant une analyse raisonnable des faits, il était impossible d’observer la loi, alors la poursuite se doit d’écarter ce doute. Le fardeau de la preuve ne repose pas sur l’accusé.” »

2084. R. c. Fontaine, 2004 CSC 27 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 702, par. 54.

2085. R. c. Chaulk, 1990 CanLII 34 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 1303, par. 39.

2086. R. c. Chaulk, 1990 CanLII 34 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 1303, par. 39.

2087. R. c. Chaulk, 1990 CanLII 34 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 1303, par. 57, 74 et 75 :

« L’objectif du par. 16(4) est, en conséquence, d’éviter d’imposer au ministère public un fardeau dont il ne pourrait s’acquitter et d’assurer ainsi la condamnation des coupables. À mon avis, cet objectif est suffisamment important pour justifier la restriction de droits protégés par la Constitution et le par. 16(4) satisfait donc au premier volet du critère de l’arrêt Oakes.

[...] Bien que le par. 16(4) ait clairement pour effet de porter atteinte à la présomption d’innocence, je suis d’avis, compte tenu de l’importance que revêt l’objectif de ne pas encombrer le ministère public d’un fardeau trop lourd et vu ma conclusion précédente selon laquelle le par. 16(4) porte aussi peu que possible à l’al. 11d), qu’il y a proportionnalité entre les effets de la mesure et l’objectif poursuivi.

En conséquence, le par. 16(4) constitue une limite raisonnable à la présomption d’innocence qui peut être maintenue en vertu de l’article premier de la Charte. »

2088. R. c. Stone, 1999 CanLII 688 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 290, par. 219; R. c. Bélanger, [2013] J.Q. No. 12882, par. 46.

2089. R. c. Boivin, [2007] J.Q. No. 74 (C.A.).

2090. R. c. Boivin, [2007] J.Q. No. 74, par. 22-25 (C.A.). Voir également R. c. Bélanger, [2013] J.Q. No. 12882, par. 39; R. c. Spears, [2009] O.J. No. 5648, par. 60.

2091. R. c. Stone, 1999 CanLII 688 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 290, par. 221.

2092. R. c. Fontaine, 2004 CSC 27 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 702, par 54 :

« Dans le cas d’une défense emportant “inversion du fardeau de la preuve”, par exemple l’automatisme avec troubles mentaux, c’est l’accusé qui a la charge de persuasion et la charge de présentation. Dans un tel cas, une preuve selon la prépondérance des probabilités permet de satisfaire à la charge de persuasion; il s’agit d’une norme de preuve moins exigeante que la preuve hors de tout doute raisonnable. »

2093. R. c. Daley, 2007 CSC 53 (CanLII), [2007] 3 R.C.S. 523, par. 38 :

« Il faut avoir été intoxiqué au point d’être réduit à l’état d’automate pour bénéficier de ce moyen de défense. Dans R. c. Stone, 1999 CanLII 688 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 290, la Cour a indiqué que, dans Daviault, elle avait “examiné la question de l’intoxication extrême s’apparentant à un état d’automatisme” (par. 162) et elle a proposé une méthode unifiée applicable à la preuve relative aux défenses d’automatisme. »

2094. R. c. Daviault, 1994 CanLII 61 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 63, par. 63. Sur la nécessité de recourir au témoignage d’experts pour confirmer que l’accusé se trouvait probablement dans un état voisin de l’automatisme ou de l’aliénation mentale par suite de son ivresse, voir R. c. Bennett, [2006] N.J. No. 309, par. 51-56 :

« IS EXPERT TESTIMONY ALWAYS NECESSARY ?

In B.(S.J.), the Alberta Court of Appeal considered Daviault and concluded that expert testimony will not always be necessary when the defence of extreme intoxication is raised (at paragraph 42) :

There can be no question that the Supreme Court of Canada in R. v. Daviault, supra, contemplated that the testimony of an expert witness would “undoubtedly” be required to support a defence of automatism. I do not, however, read the judgment of Cory J. to require as a condition precedent that expert evidence be called where the trial judge is of the view that there is an air of reality to the defence that the accused “was virtually unconscious and unaware of what he was doing”.

In R. v. Cedeno (2005), 2005 ONCJ 91 (CanLII), 195 C.C.C. (3d) 468 (O.C.J.), however, it was held that the defence of extreme intoxication “requires that the defendant establish his absence of basic intent on a balance of probabilities and further, that he present expert evidence in support.”

In R. v. White (2000), 2000 NFCA 63 (CanLII), 195 Nfld. & P.E.I.R. 319 (N.L.C.A.), the Court of Appeal stated in very explicit terms that the presentation of expert evidence is always necessary when the defence of automatism is raised :

Before the trial judge is required to submit the defence to the trier of fact, an accused who asserts it must, in all cases, lead confirming expert evidence to satisfy the trial judge that automatism is plausible.

The Court of Appeal concluded in White that there was no basis for the trial judge to have considered the defence of automatism in that case because no expert evidence had been presented : (at paragraph 19) :

...There was no medical, psychiatric, other expert evidence, or any evidence at all, to establish that the trauma of the altercation in the bar, or the blows to the head of the respondent, could have resulted in the respondent acting in an automatistic state when he took care and control of the motor vehicle. There was therefore, on the basis of the principles set out in Stone, no basis on which the trial judge, as the trier of fact, could consider the question of the voluntariness of the action of the respondent in taking care and control of the motor vehicle.

As a result, in this Province the presentation of expert evidence is a prerequisite to the defence of automatism being considered. Mr. Bennett did not present any expert evidence.

The evidence presented clearly establishes that Mr. Bennett was extremely intoxicated, but there is no evidence that it was to the point that it could be described as being akin to automatism or insanity.

As a result, I conclude that based upon the evidence presented the defences of intoxication and extreme intoxication do not apply. The Crown having proven all of the elements of the offence, a finding of guilt is hereby entered. »

2095. R. c. Whyte, 1988 CanLII 47 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 3.

2096. R. c. Whyte, 1988 CanLII 47 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 3, par. 26.

2097. R. c. Whyte, 1988 CanLII 47 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 3, par. 49 et 50.

2098. R. c. Proudlock, 1978 CanLII 15 (CSC), [1979] 1 R.C.S. 525.

2099. R. c. Proudlock, 1978 CanLII 15 (CSC), [1979] 1 R.C.S. 525, par 50 :

« Si la preuve prima facie consiste en celle de faits dont on peut déduire par présomption de fait la culpabilité de l’accusé, la jurisprudence est clairement à l’effet que, puisqu’en fin de compte la preuve à charge doit être établie au-delà de tout doute raisonnable, il n’est pas nécessaire que l’accusé démontre son innocence, il lui suffit de soulever un doute raisonnable. Il peut le faire en offrant en preuve une explication qui peut raisonnablement être vraie et cela suffit, à moins que le juge du fond n’y ajoute pas foi, car alors ce témoignage ne constitue pas une preuve. De toute façon, le témoignage de l’accusé ou toute autre preuve doit au moins soulever un doute raisonnable quant à sa culpabilité; sinon, la preuve prima facie demeure et la condamnation doit être prononcée. »

2100. R. c. Proudlock, 1978 CanLII 15 (CSC), [1979] 1 R.C.S. 525, par. 44 :

« Ce n’est pas le cas lorsque la présomption ne constitue qu’une preuve prima facie. Le fardeau de la preuve n’est pas déplacé. L’accusé n’a pas à “établir” une défense ou une excuse, il lui suffit de soulever un doute raisonnable. S’il n’y a rien dans la preuve présentée par le ministère public qui puisse soulever un doute raisonnable, il incombe nécessairement à l’accusé de présenter une preuve s’il veut éviter une condamnation. Toutefois il n’a pas a prouver son innocence, il suffit qu’à la fin du procès, le juge du fond ait un doute raisonnable. »

2101. R. c. Proudlock, 1978 CanLII 15 (CSC), [1979] 1 R.C.S. 525, par. 49.

2102. R. c. Downey, 1992 CanLII 109 (CSC), [1992] 2 R.C.S. 10.

2103. R. c. Downey, 1992 CanLII 109 (CSC), [1992] 2 R.C.S. 10, par. 35.

2104. R. c. Downey, 1992 CanLII 109 (CSC), [1992] 2 R.C.S. 10, par. 35.

2105. R. c. Morrison, 2019 CSC 15 (CanLII), [2019] 2 R.C.S. 3, par. 52.

2106. R. c. Morrison, 2019 CSC 15 (CanLII), [2019] 2 R.C.S. 3, par. 53 :

« En termes clairs, l’exigence d’établir un lien pour démontrer qu’une présomption législative ne contrevient pas à la présomption d’innocence est stricte. Il ne s’agit pas d’une exigence où il faut établir une simple “vraisemblance” ou “probabilité”, ni d’une exigence à laquelle on peut satisfaire par une inférence “conforme au bon sens” ou “rationnelle”. La jurisprudence de la Cour démontre plutôt que le lien entre la preuve du fait substitué et l’existence de l’élément essentiel qu’il remplace ne doit être rien de moins qu”‘inexorable”. Un lien “inexorable” est un lien qui demeure nécessairement valable dans tous les cas. »

2107. R. c. Morrison, 2019 CSC 15 (CanLII), [2019] 2 R.C.S. 3, par. 62.

2108. R. c. Morrison, 2019 CSC 15 (CanLII), [2019] 2 R.C.S. 3, par. 70-72.

2109. R. c. Morrison, 2019 CSC 15 (CanLII), [2019] 2 R.C.S. 3, par. 56 :

« Selon la Couronne, la présomption établie au par. 172.1(3) ne contrevient pas à l’al. 11d), puisqu’elle peut être réfutée lorsqu’il existe une preuve contraire. En toute déférence, je ne puis souscrire à cette proposition. Une présomption fondée sur un fait établi contreviendra à l’al. 11d) si la preuve du fait établi n’est pas, en soi, capable de convaincre le juge des faits hors de tout doute raisonnable du fait présumé. (Il s’agit d’une autre façon de formuler le critère du “lien inexorable”.) La possibilité qu’a l’accusé de présenter ou de relever des éléments de preuve contraire ne résout pas ou n’atténue pas le problème lié à l’al. 11d) lorsque la preuve d’un fait établi ne mène pas inexorablement à l’acceptation du fait présumé. Il en est ainsi parce que la présomption d’innocence exige que la Couronne “[établisse] hors de tout doute raisonnable la culpabilité de la personne accusée avant que celle-ci n’ait à répondre” : St-Onge Lamoureux, par. 24 (je souligne); voir aussi Downey, p. 23. »

2110. R. c. Morrison, 2019 CSC 15 (CanLII), [2019] 2 R.C.S. 3, par. 60 :

« La présomption établie au par. 172.1(3) contrevient donc à l’al. 11d); nous ne pourrions accepter qu’un accusé supporte le fardeau tactique de réfuter une présomption fondée sur un fait établi que lorsque la preuve du fait établi mènera inexorablement à l’acceptation du fait présumé. »

2111. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 19. Voir également « Justice différée, justice refusée ».

2112. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 19. Voir également les commentaires des juges Moldaver, Karakatsanis et Brown au par. 2 :

« La population canadienne s’attend en outre à ce que son système de justice criminelle juge les inculpés de manière diligente. Quand les mois suivant une inculpation au criminel deviennent des années, tout le monde en pâtit. Les inculpés demeurent dans l’incertitude et souvent détenus avant leur procès. Les victimes et leurs familles, qui dans bien des cas ont subi des pertes tragiques, ne peuvent tourner la page. Le public, quant à lui, dont l’intérêt est servi lorsque les inculpés sont traduits rapidement en justice, est frustré avec raison de voir des années passer avant la tenue d’un procès. »

Voir plus récemment R. c. K.J.M., [2019] A.C.S. No. 55, par. 38 :

« L’alinéa 11b) de la Charte prévoit que “[t]out inculpé a le droit [...] d’être jugé dans un délai raisonnable”. Ce droit est important tant pour les individus que pour la société dans son ensemble (voir Jordan, par. 19-28). À l’échelle de l’individu, il protège “[la] liberté [de l’accusé], en ce qui touche sa détention avant procès ou ses conditions de mise en liberté sous caution; la sécurité de sa personne, c’est-à-dire ne pas avoir à subir le stress et le climat de suspicion que suscite une accusation criminelle; et le droit de présenter une défense pleine et entière, dans la mesure où les délais écoulés peuvent compromettre sa capacité de présenter des éléments de preuve, de contre-interroger les témoins ou de se défendre autrement” (R. c. Godin, 2009 CSC 26, [2009] 2 R.C.S. 3, par. 30, voir également Morin, p. 801-803, et Jordan, par. 20). A l’échelle de la société, “les procès instruits dans un délai raisonnable permettent aux victimes et aux témoins d’apporter la meilleure contribution possible au procès et minimisent ‘[l’]angoiss[e] et [la] frustration [qu’ils ressentent] jusqu’au témoignage lui-même’“ et leur permettent de tourner la page (voir Jordan, par. 23-24, citant Askov, p. 1220). La société a aussi un intérêt à ce que les citoyens accusés de crimes soient traités de façon humaine et équitable (voir Morin, p. 786), et les procès instruits rapidement aident à préserver la confiance du public envers l’administration de la justice, qui est “essentielle à la survie du système lui-même” (Jordan, par. 25-26). “Bref, les procès instruits en temps utile servent l’administration de la justice” (ibid., par. 28). »

2113. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 19.

2114. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 20.

2115. R. c. Askov, 1990 CanLII 45 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1199, par. 43 :

« Je souscris à l’avis exprimé par le juge Lamer que l’al. 11b) vise explicitement le droit individuel à la liberté et à la sécurité de la personne. Comme les autres droits garantis par l’art. 11, cet alinéa vise principalement un aspect particulier de la justice fondamentale garantie en vertu de l’art. 7 de la Charte. Il est difficile d’imaginer pire frustration pour des personnes innocentes qui sont accusées d’une infraction que celle d’être privées pendant un temps démesurément long de la possibilité de prouver leur innocence, et cela, en raison de délais excessifs à leur faire subir leur procès. L’attente d’un procès doit être un supplice pour les accusés et leur famille immédiate. Il existe un précepte fondamental de notre droit criminel selon lequel toute personne est présumée innocente jusqu’à preuve de sa culpabilité. »

2116. R. c. Rahey, 1987 CanLII 52 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 588, par. 22 :

« Quant à la sécurité de la personne, j’estime que, dans le contexte de l’al. 11b), la notion de sécurité de la personne ne doit pas se limiter à l’intégrité physique. Elle doit plutôt englober celle de protection contre [Traduction] “un assujettissement trop long aux vexations et aux vicissitudes d’une accusation criminelle pendante” (Anthony G. Amsterdam, “Speedy Criminal Trial : Rights and Remedies” (1975), 27 Stan. L. Rev. 525, à la p. 533). Ces vexations et vicissitudes comprennent la stigmatisation de l’accusé, l’atteinte à la vie privée, la tension et l’angoisse résultant d’une multitude de facteurs, y compris éventuellement les perturbations de la vie familiale, sociale et professionnelle, les frais de justice et l’incertitude face à l’issue et face à la peine. »

2117. R. c. Askov, 1990 CanLII 45 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1199, par. 43.

2118. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 19; R. c. Askov, 1990 CanLII 45 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1199, par. 45 :

« Il n’y a pas de doute que le souvenir des événements s’estompe avec le temps. Les témoins sont probablement plus fiables quand ils parlent d’événements récents plutôt que d’événements survenus plusieurs mois, voire plusieurs années, avant le procès. Le temps peut éroder non seulement la mémoire des témoins, mais aussi les témoins eux-mêmes. Les témoins sont des gens ordinaires; leur employeur peut les muter à l’étranger, leur emploi ou leur situation de famille peuvent les amener à aller vivre à l’autre bout du pays; ils peuvent tomber malades et être incapables de témoigner; ils peuvent subir des accidents graves; ils peuvent mourir et leur déposition être perdue à tout jamais. Les témoins également souhaitent déposer aussi vite que possible. »

2119. R. c. Askov, 1990 CanLII 45 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1199, par. 48.

2120. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 23.

2121. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 24.

2122. R. c. Askov, 1990 CanLII 45 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1199, par. 47.

2123. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 25.

2124. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 112-114 :

« Du point de vue du ministère public, le cadre d’analyse en question clarifie l’obligation constitutionnelle qu’il a toujours eue de traduire l’accusé en justice dans un délai raisonnable. Lorsque le plafond est dépassé, le ministère public ne se sera acquitté de son fardeau de preuve que s’il est en mesure de démontrer qu’il ne devrait pas être tenu responsable des circonstances ayant mené au dépassement du plafond, puisqu’elles étaient véritablement indépendantes de sa volonté. L’avocat du ministère public sera motivé à agir de façon proactive tout au long de la procédure pour rester en mesure, au besoin, de justifier un délai qui excède le plafond applicable. En deçà du plafond, la présence au dossier d’un représentant du ministère public diligent et proactif est une indication forte que la cause n’a pas pris plus longtemps de manière manifeste que ce qu’il était raisonnable qu’elle prenne.

Le nouveau cadre d’analyse encourage également la défense à contribuer à la résolution du problème. Si l’accusé présente une demande fondée sur l’al. 11b) avant que le délai total – moins les retards qui lui sont imputables et ceux attribuables à des circonstances exceptionnelles distinctes – ne dépasse le plafond, pour obtenir un arrêt des procédures, la défense doit démontrer qu’elle a pris des mesures utiles et soutenues pour accélérer le cours de l’instance. De plus, la déduction des retards attribuables à la défense comme point de départ de l’analyse indique clairement qu’elle ne peut tirer avantage de sa propre action ou de sa propre inaction lorsque celle-ci a pour effet de causer un délai.

Le nouveau cadre d’analyse responsabilise aussi davantage les tribunaux. En l’absence de circonstances exceptionnelles, le plafond applicable maximal fixé établit une limite en ce qui a trait à la mesure dans laquelle les juges peuvent tolérer des délais avant de devoir ordonner un arrêt des procédures. En effet, les tribunaux jouent un rôle important pour changer la culture en salle d’audience. Ils sont nombreux à avoir établi des procédures solides de gestion d’instance et de planification des audiences, en portant une attention particulière aux sources potentielles de délai (comme les requêtes préalables au procès ou les estimations irréalistes de la durée de procès), tentant ainsi d’éviter ou d’atténuer les délais inutiles. Certains tribunaux, toutefois, ne l’ont pas fait. »

2125. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631.

2126. R. c. Morin, 1992 CanLII 89 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 771.

2127. Expression empruntée à la décision R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 29.

2128. R. c. Coulter, 2016 ONCA 704 (CanLII), [2016] O.J. No. 5005, par. 34-41 (C.A. Ont.) :

« A. The New Framework Summarized

Calculate the total delay, which is the period from the charge to the actual or anticipated end of trial (Jordan, at para. 47).

Subtract defence delay from the total delay, which results in the “Net Delay” (Jordan, at para. 66).

Compare the Net Delay to the presumptive ceiling (Jordan, at para. 66). If the Net Delay exceeds the presumptive ceiling, it is presumptively unreasonable. To rebut the presumption, the Crown must establish the presence of exceptional circumstances (Jordan, para. 47). If it cannot rebut the presumption, a stay will follow (Jordan, para. 47). In general, exceptional circumstances fall under two categories : discrete events and particularly complex cases (Jordan, para. 71).

Subtract delay caused by discrete events from the Net Delay (leaving the “Remaining Delay”) for the purpose of determining whether the presumptive ceiling has been reached (Jordan, para. 75).

If the Remaining Delay exceeds the presumptive ceiling, the court must consider whether the case was particularly complex such that the time the case has taken is justified and the delay is reasonable (Jordan, at para. 80). If the Remaining Delay falls below the presumptive ceiling, the onus is on the defence to show that the delay is unreasonable (Jordan, para. 48).

The new framework, including the presumptive ceiling, applies to cases already in the system when Jordan was released (the “Transitional Cases”) (Jordan, para. 96). »

2129. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 46.

2130. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 46. R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 40 (C.A.) :

« Les plafonds varient selon la procédure suivie pour poursuivre l’accusation. Le délai total ou le “plafond présumé déraisonnable” est de 18 mois pour des accusations qui procèdent devant une cour provinciale sans enquête préliminaire et 30 mois devant une cour supérieure ou dans le cas de la tenue d’une enquête préliminaire. »

Autorité des marchés financiers c. Desjardins, [2019] J.Q. No. 4905, par. 27 (C.A.) :

« Puisqu’il ne s’agit pas d’un procès (Cour du Québec) tenu après une enquête préliminaire, ce n’est pas un délai maximum de 30 mois qui s’applique, mais plutôt de 18 mois entre l’inculpation et la date prévue pour la conclusion du procès. »

R. c. Bulhosen, 2019 ONCA 600 (CanLII), [2019] O.J. No. 3666, par. 70 (C.A. Ont.) :

« Second, in Cody, the Supreme Court did not adopt the submission of the intervener, the Criminal Lawyers’ Association of Ontario, which invited the court to carve out an exception to the 30-month ceiling for cases that have proceeded in a superior court without a preliminary inquiry. The absence of reference to this issue in Cody suggests that the Supreme Court felt that its reasons in Jordan were clear. It is reasonable to conclude that if the Supreme Court had intended an 18-month ceiling for cases tried in a superior court without a preliminary inquiry, it would have taken the opportunity in Cody to say so. »

2131. R. c. Shaikh, 2019 ONCA 895 (CanLII), [2019] O.J. No. 5778, par. 52 (C.A. Ont.) : « Here, the re-election to provincial court did not occur after the preliminary inquiry, but before it commenced. Applying the standards expressed in Jordan, the 18-month period applies. »

2132. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 50 et 55 :

« Un plafond présumé est nécessaire pour donner des directives valables à l’État sur ses obligations constitutionnelles ainsi qu’aux personnes qui jouent un rôle important pour garantir que le procès se conclut dans un délai raisonnable : les fonctionnaires responsables de l’administration des tribunaux, les policiers, les avocats du ministère public, les inculpés et leurs avocats, de même que les juges. Il vise aussi à donner aux inculpés, aux victimes et à leurs familles de même qu’aux témoins et au public une certaine assurance que l’al. 11b) n’est pas une promesse creuse.

[...]

En quatrième lieu, le plafond présumé a une dimension d’intérêt public importante. La clarté et l’assurance qu’il offre aideront à bâtir la confiance du public envers l’administration de la justice. »

2133. R. c. K.J.M., [2019] A.C.S. No. 55, par. 68 :

« Pour ces motifs, je ne modifierais pas les plafonds établis dans l’arrêt Jordan pour qu’ils s’appliquent différemment aux procès instruits devant les tribunaux pour adolescents. Cela ne veut toutefois pas dire que l’âge de l’accusé ne joue aucun rôle dans le cadre d’analyse établi par l’arrêt Jordan. Plus particulièrement, comme je l’expliquerai, la nécessité accrue d’agir rapidement dans les affaires mettant en cause des adolescents peut et devrait être prise en considération au moment de déterminer si un délai inférieur au plafond présumé est déraisonnable. Le cadre d’analyse actuel énoncé dans l’arrêt Jordan est ainsi en mesure de répondre à la nécessité accrue d’agir rapidement dans les dossiers mettant en cause des adolescents. »

2134. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par. 31 :

« Interprétés correctement, les plafonds fixés par l’arrêt Jordan s’appliquent à compter de la date du dépôt des accusations jusqu’à la fin réelle ou anticipée de la présentation de la preuve et des plaidoiries, c’est-à-dire lorsque la participation des parties quant au fond du procès est terminée, et que l’affaire est remise au juge des faits. Comme je l’expliquerai, cette date permet d’appliquer simplement le cadre établi dans Jordan conformément à sa conception et à ses objectifs. »

Voir également R. c. Williamson, 2016 CSC 28 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 741, par. 19 :

« Comme nous l’avons mentionné dans Jordan, la première chose à faire pour trancher une demande fondée sur l’al. 11b) est d’établir le délai total entre le dépôt des accusations et la conclusion réelle ou anticipée du procès. M. Williamson a été inculpé le 7 janvier 2009 et son procès s’est terminé le 20 décembre 2011, ce qui donne un délai total d’environ 35 mois et demi. »

R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par 21 :

« En l’espèce, une dénonciation a été déposée contre M. Cody le 12 janvier 2010, et, selon les dates qui avaient été fixées pour la tenue de son procès, celui-ci devait se terminer le 30 janvier 2015. Il en découle donc un délai total d’environ 60,5 mois. »

2135. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par. 3

2136. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par. 3

2137. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par. 23 et 24 :

« Bien que le droit d’être jugé dans un délai raisonnable enchâssé dans l’al. 11b) de la Charte s’applique au-delà de la fin de la présentation de la preuve et des plaidoiries dans le cadre du procès, j’estime que ce n’est pas le cas des plafonds présumés fixés par la Cour dans l’arrêt Jordan.

L’arrêt Jordan visait la culture de complaisance qui avait pris racine dans le système de justice criminelle – une culture qui contribuait à l’écoulement de longs délais avant que l’on traduise un accusé en justice. Lorsque l’arrêt Jordan a été rendu, rien ne suggérait que le temps de délibération en vue du prononcé du verdict s’inscrivait dans cette culture ou contribuait d’une quelconque façon à la création des délais qui s’écoulaient avant que l’on traduise un accusé en justice. »

Belle-Isle c. R., [2021] J.Q. No. 3577, par. 62 (C.A.) :

« La première étape, selon l’arrêt Jordan, consiste à déterminer le délai total entre la dénonciation et la conclusion réelle ou anticipée de la présentation de la preuve et des plaidoiries. En ce qui concerne le premier procès, ce délai est de 1 581 jours (soit tout près de 52 mois). »

2138. R. c. Kaulback, 2018 NUCA 7 (CanLII), [2018] N.J. No. 34, par. 9 (C.A. T.-N.) :

« The trial judge erred in concluding that the charges should be assessed together without regard to when they were laid. The calculation of time for purposes of an analysis under section 11(b) of the Charter commences when the charge is laid, regardless of when the Crown may have been in a position to lay the charge (R. v. Hunt, 2017 SCC 25, [2017] 1 S.C.R. 476). That principle is consistent with the language of section 11(b) which sets out protections afforded to any person “charged with an offence”. As applied to this appeal, each charge must be considered on its own merits for purposes of the section 11(b) analysis. »

2139. R. c. J.E.V., [2019] A.J. No. 1296, par. 31 (C.A. Alb.) :

« I am of the view that the presumptive ceiling established in Jordan does not contemplate time for a retrial. The presumptive ceiling in Jordan includes only the net time required to prepare for and complete the first trial. The issue of retrial time was not before the Court in Jordan. Moreover, a fair reading of Jordan suggests that the presumptive ceiling was intended to apply only to the time between charging an accused and the actual or anticipated end of a single trial (see the discussion in Jordan at paras 46-49; R v. Manasseri, 2016 ONCA 703 at para 337, 344 CCC (3d) 281). »

2140. R. c. J.E.V., [2019] A.J. No. 1296, par. 37 et 38 (C.A. Alb.) :

« I agree with the Court of Appeal in MacIsaac that the constitutional clock should start running the moment a new trial is ordered; and that it should start running from zero at that time (i.e. no credit for any unused time prior to the presumptive limit for a Charter-compliant trial). Doing so is logical in the absence of any suggestion that the time it took to complete the original trial was unreasonable (see R v. Gakmakge, 2017 QCCS 3279 at para 41; R v. Ferstl, 2017 ABPC 266 at para 48).

I also agree with the Ontario Court of Appeal in MacIsaac that retrials should be prioritized and ordinarily be conducted in significantly less time than the applicable presumptive ceiling for the original trial. There is a duty on every actor in the justice system to prioritize retrials and to move them forward expeditiously (see MacIsaac at paras 25, 27; R v. Simon, 2017 ABQB 585; R v. Bowers, 2017 NSPC 21 at para 105; and R v. Richard, 2017 MBQB 11 at para 32). »

2141. R. c. J.F., [2020] J.Q. No. 3213, par. 59 (C.A.).

2142. R. c. J.F., [2020] J.Q. No. 3213, par. 69 (C.A.) :

« Cela étant, il faut voir qu’un accusé dont le premier procès se déroule sous l’ère Jordan et qui invoque pour la première fois une violation de son droit à l’occasion de son second procès ne pourrait se faire opposer la présentation tardive de sa requête si les délais nets du premier procès sont supérieurs aux plafonds de Jordan. En effet, puisque la mesure transitoire exceptionnelle ne trouverait pas application, le ministère public ne pourrait pas tenter de renverser la présomption en faisant valoir l’argument que l’absence de requête lors du premier procès indique que l’accusé était satisfait de la durée du procès et que les délais ne lui causaient pas de préjudice. »

2143. R. c. J.F., [2020] J.Q. No. 3213, par. 64 (C.A.).

2144. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 22 :

« Une fois le délai total calculé, “il faut en soustraire le délai imputable à la défense” (Jordan, par. 60). Le résultat de ce calcul – ou délai net – doit ensuite être comparé au plafond présumé qui s’applique. La suite de l’analyse “dépend de la question de savoir si le reste du délai – c’est-à-dire le délai qui n’a pas été causé par la défense – se situe au-delà de ou en deçà du plafond présumé” (Jordan, par. 67 (en italiques dans l’original)). »

2145. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 61, 63 et 76 :

« Le délai imputable à la défense comporte deux volets. Le premier concerne le délai que la défense renonce à invoquer (Askov, p. 1228-1229; Morin, p. 790-791).

[…]

Le deuxième volet du délai imputable à la défense concerne le délai qui résulte uniquement de la conduite de cette dernière. Ce genre de délai englobe “les cas où la conduite de l’accusé a causé directement [...] le délai [...] ou ceux où les actes de [ce dernier] révèlent le recours délibéré à une tactique qui vise à retarder le procès” (Askov, p. 1227-1228).

[...]

Les délais imputables à la défense sont de deux ordres : ceux auxquels la défense renonce et ceux qui résultent de sa conduite illégitime. »

Guimont c. R., [2017] J.Q. No. 15548, par. 38 (C.A.) :

« En résumé, il faut retenir que le délai imputable à la défense est celui qu’elle renonce clairement à invoquer, ainsi que celui qui est engendré par les retards causés uniquement ou directement par sa conduite lorsque celle-ci découle d’une mesure prise illégitimement qui ne vise pas à répondre aux accusations. »

2146. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 27.

2147. R. c. Askov, 1990 CanLII 45 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1199.

2148. R. c. Morin, 1992 CanLII 89 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 771.

2149. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631.

2150. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659.

2151. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 27. Voir également Dupuis c. R., [2016] J.Q. No. 17250, par. 14 (C.A.) :

« À la fin de l’enquête préliminaire, le 1er mars 2012, l’intimée communique une nouvelle preuve à l’appelant. Les parties s’entendent alors pour reporter le dossier pro forma au 3 mai 2012. L’appelant déclare à cette occasion qu’il renonce au délai allant du 1er mars au 3 mai 2012. On parle ici d’un délai de 2 mois et 2 jours à retrancher du délai global. »

R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 117 (C.A.) :

« Tous les avocats renoncent explicitement aux délais entre le 1er octobre 2010 et le 18 avril 2011, soit 6,5 mois. Les parties s’entendent ensuite pour reporter au 25 octobre 2011 et elles renoncent aux délais entre le 18 avril et le 25 octobre 2011, soit 6 mois. »

2152. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 62 :

« Les accusés ont parfois des raisons valables de vouloir réexercer leur option et de choisir – soit avant, soit pendant leur enquête préliminaire – de ne plus être jugés par une cour supérieure, mais plutôt de l’être par une cour provinciale. Pour ce faire, ils doivent obtenir le consentement du poursuivant (Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46, art. 561). Bien sûr, il serait généralement loisible au ministère public de poser comme condition à son consentement que l’accusé renonce à invoquer le délai découlant du nouveau choix. »

2153. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 120 :

« Nous ne voyons aucune raison de modifier la conclusion du juge de première instance selon laquelle M. Jordan a renoncé à invoquer une période de quatre mois lorsqu’il a changé d’avocat peu de temps avant le début du procès, ce qui a nécessité un ajournement. »

2154. Guimont c. R., [2017] J.Q. No. 15548, par. 45 (C.A.) :

« Certes, le consentement à des ajournements peut, suivant les circonstances, équivaloir à une renonciation. Mais comme le mentionne la Cour suprême dans ses arrêts les plus récents, si renonciation il y a, celle-ci doit être claire et sans équivoque. »

2155. Voir sur ce point les commentaires du juge Cromwell dans R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 191 :

« Je conclus donc que, lorsque l’accusé donne son consentement à la date de procès proposée par le tribunal ou à un ajournement réclamé par le ministère public, ce consentement, s’il est isolé, ne constitue pas une renonciation. Il incombe au ministère public de démontrer que l’accusé a renoncé à invoquer ce délai. Autrement dit, en pareil cas, le ministère public doit d’abord prouver que, par sa conduite, l’accusé a signifié qu’il ne s’agissait pas de sa part d’une “simple reconnaissance de l’inévitable”. Ensuite, il doit satisfaire au critère rigoureux qui l’oblige à établir que l’accusé a accepté de façon claire, non équivoque et éclairée que ce délai ne soit pas imputé à l’État. »

R. c. Klassen, [2018] A.J. No. 921, par. 82 (C.A. Alb.) : » In any event, courts should not draw any inference of waiver where the accused’s consent to a trial date amounted to “mere acquiescence in the inevitable” because of the limited availability of court time : Morin at 790. »

R. c. Regan, 2018 ABCA 55 (CanLII), [2018] A.J. No. 147, par. 83 (C.A. Alb.) :

« The record does not reveal whether anyone actually spoke to the Assistant Chief Judge, but Mr. Royal’s agent had already voiced her concerns about the proposed dates. This is inconsistent with the Crown’s argument that the accused was indifferent to the delay and knowingly waived it. We do not know whether any earlier dates were in fact available; it appears there were not, and the accused had merely acquiesced to the inevitable. As the trial judge noted during submissions on the Jordan application, this record could support the inference that the parties did make inquiries of the Assistant Chief Judge, only to be told that nothing could be done to expedite the matter. It would be unfair to infer waiver in light of this ambiguous record, and we cannot conclude that the accused clearly and unequivocally waived this period of delay. »

2156. R. c. Chang, [2019] A.J. No. 1155, par. 42 (C.A. Alb.) :

« Can there ever be circumstances in which defence waiver may lawfully be implied from an agreement to a trial date ? The short answer is : yes. This view is consistent with Cromwell J’s reasoning that the onus of establishing implied waiver for a specified time period rests with the Crown, having regard to all the relevant circumstances. [...] The onus remains on the Crown to prove waiver, but depending on the strength of the Crown’s allegation the defence may bear a persuasive burden to present evidence to show a specified period was not waived. »

Voir également Béliveau c. R., [2016] J.Q. No. 12366, par. 114 (C.A.) :

« Il est vrai qu’il incombe généralement à l’intimée d’établir, selon la balance des probabilités, que les actes d’un accusé constituent une renonciation au droit garanti par l’article 11(b) de la Charte, mais si la préoccupation de l’accusé ou de son avocat à l’égard d’un report de la cause n’est pas exprimée, cela équivaut, en l’absence d’une preuve que ces consentements représentent un acquiescement à l’inévitable, à une renonciation de sa part à invoquer le délai ainsi causé. »

2157. R. c. Chang, [2019] A.J. No. 1155, par. 54 (C.A. Alb.) :

« In our view, whether one applied pre-Jordan or post-Jordan law, the trial judge erred in finding defence waiver based on defence counsel’s statement of availability regarding a date that could not, in fact, be set because the court was unavailable. To find defence waiver where counsel agreed to a hypothetical date that was in fact unavailable due to lack of court resources is a reading of Smith that is simply too broad, particularly when all other evidence points to the fact that such “agreement” to set dates in February was nothing more than “acquiescence to the inevitable”. This acquiescence did not meet the standard of “unequivocal and informed” waiver as was required in Morin and Askov. »

2158. R. c. Schenkels, 2017 MBCA 62 (CanLII), [2017] M.J. No. 188, par. 52.

2159. R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 160 et 161 (C.A.) :

« Certes, des “discussions” ou d’autres motifs peuvent motiver les remises “de consentement”. Si la remise n’a pas d’impact réel sur la progression du dossier, notamment lorsque le ministère public n’est pas prêt à tenir le procès, il n’y a pas lieu d’imputer le délai à la défense : R. c. Guimont, 2017 QCCA 1754, par. 40.

Si une remise de consentement est accordée et qu’elle a un impact réel sur la progression du dossier, il ne fait aucun doute qu’un juge aura peu de difficulté à conclure qu’elle comporte une renonciation implicite, sinon explicite, de la défense à cette portion de délai : R. c. Béliveau, 2016 QCCA 1549, par. 114; R. c. D’Urso, 2017 QCCQ 4706, par. 133. La renonciation, pour être claire, n’a pas à être verbalisée, mais il faut éviter les ambiguïtés. »

2160. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 68.

2161. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 113.

2162. Côté c. R., [2017] J.Q. No. 14071, par. 34 :

« Il est entendu que le délai plafond de 18 mois inclut le temps nécessaire pour procéder aux différentes demandes devant mener à la mise en état du dossier, incluant la divulgation de la preuve. »

2163. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 30.

2164. R. c. D.C., 2017 ONCA 483 (CanLII), [2017] O.J. No. 3138, par. 5 (C.A. Ont.) :

« We agree with Crown counsel on the appeal that the defence position at trial in June 2011 was frivolous, as a s. 276 application was required, as subsequently ruled by the trial judge. In para. 63 of Jordan, the Supreme Court identifies taking frivolous positions as conduct by the defence that is defence delay that will be subtracted from the presumptive ceiling. As a result, we find there was no s. 11(b) breach based on Jordan. We similarly reject the submission that it was an error by the trial judge in the s. 11(b) analysis he conducted under R. v. Morin, 1992 CanLII 89 (CSC), [1992] 1 S.C.R. 771, not to characterize the 11-month adjournment as institutional delay. »

2165. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 123 :

« Cela dit, la défense devrait assumer une part de responsabilité pour le délai qui a résulté de l’ajournement de l’enquête préliminaire ordonné parce que son avocat n’était pas disponible pour présenter ses observations finales le 22 décembre 2010, soit la dernière journée prévue pour l’enquête préliminaire. Nous sommes cependant d’avis d’attribuer seulement un mois et demi de ce retard à la défense puisque, selon la preuve, l’avocat du ministère public ne pouvait pas se présenter à la première date disponible pour la reprise de l’enquête préliminaire, soit le 3 février 2011. »

Voir également R. c. Williamson, 2016 CSC 28 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 741, par. 22; R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 55 :

« [É]tant donné que l’avocate de la défense n’était pas disponible en septembre, l’affaire a été repoussée en octobre 2013. Comme ce délai d’un mois a été causé par l’indisponibilité de l’avocate de la défense (Jordan, par. 64), et non par le temps de préparation nécessaire pour répondre aux accusations (Jordan, par. 65), il doit être déduit. »

R. c. Balogh, 2020 BCCA 96 (CanLII), [2020] B.C.J. No. 448, par. 29 (C.A. C.-B.); R. c. Mallozzi, 2017 ONCA 644 (CanLII), [2017] O.J. No. 4303, par. 34 (C.A. Ont.) :

« First, from October 4, 2011 to the first trial date on October 7, 2013, the court repeatedly offered dates and attempted to accommodate the appellant’s counsel. As confirmed in Jordan, and subsequently in Cody, at para. 30 : “where the court and Crown are ready to proceed, but the defence is not, the resulting delay should also be deducted”. Here, the court and Crown were ready to proceed on October 3, 2011. The appellant’s counsel was unavailable until May 2012 and then sought a further adjournment to the summer of 2013 which then stretched into the fall. The 24-month delay from October 2011 to October 2013 is attributable to the defence. »

R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 72-75 (C.A.) :

« Avec l’arrêt Jordan, sous réserve d’un temps de préparation raisonnable, lorsque la poursuite et le tribunal sont prêts, on imputera à la défense les délais causés par l’avocat qui retarde le procès en raison de son indisponibilité : voir R. c. Khoury, 2016 QCCS 5009, ou en raison d’une substitution de procureur.

L’accusé a certainement le droit que son nouveau procureur obtienne un délai pour se préparer : R. c. Guimont, 2017 QCCA 1754, par. 50, mais il revient au juge d’évaluer ce qui est nécessaire et, selon les circonstances, le juge peut imputer ce délai à la défense ou constater un événement distinct. Arrivera un moment où, possiblement, l’accusé devra revoir ses choix si son avocat est incapable de se rendre disponible dans un délai raisonnable compte tenu de toutes les circonstances. Le droit à l’avocat de son choix n’est pas absolu. Il doit accepter les conditions liées au mandat : R. c. Racine, 2011 QCCA 2025; Québec (Procureur général) c. C. (R.), 2003 CanLII 33470 (QC CA), [2003] R.J.Q. 2027, par. 112, 120, ce qui comporte d’être disponible pour le compléter dans un délai raisonnable car le droit constitutionnel garanti à l’alinéa 11b) de la Charte comporte une dimension collective et il est donc faux de prétendre qu’il n’appartient qu’à l’accusé.

Une fois la date fixée pour le procès, la responsabilité de l’avocat est d’être disponible à cette date. Dans l’attitude proactive qu’on exige de lui, il peut évidemment consentir à la devancer, mais on ne saurait, dans tous les cas, lui tenir rigueur de s’être engagé dans d’autres affaires qui réduisent sa disponibilité. »

2166. Voir sur ce point R. c. Vu, [2019] J.Q. No. 8571, par. 43 (C.A.) :

« Ainsi, contrairement à la prétention de l’appelante, le principal motif de la remise n’est pas l’arrivée de nouveaux avocats, mais le besoin de se préparer davantage avant de tenir la gestion. Cette demande de remise n’est donc pas uniquement attribuable à la défense. Au surplus, même si l’arrivée des nouveaux avocats constituait un motif de remise, l’appelante a déclaré qu’“on n’aurait pas été prêts de toute façon”. Par conséquent, même si la substitution d’avocat peut entraîner des délais imputables à la défense en certaines circonstances, ce n’est pas le cas en cette affaire puisque l’appelante n’était pas elle-même prête à procéder. Comme l’écrit le juge Vauclair dans l’arrêt Rice, “si la remise n’a pas d’impact réel sur la progression du dossier, notamment lorsque le ministère public n’est pas prêt à tenir le procès, il n’y a pas lieu d’imputer le délai à la défense”. »

2167. Guimont c. R., [2017] J.Q. No. 15548, par. 45 (C.A.) :

« Visiblement, l’intimée n’était pas prête à aller à procès avant cette date. Aussi, même si les appelants ont consenti à plusieurs remises, ils ne pouvaient pas faire autrement. Aucun délai ne peut leur être imputé jusqu’au 29 novembre 2012. »

2168. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 32.

2169. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 32. À titre d’exemple, voir R. c. Faulkner, 2018 ONCA 174 (CanLII), [2018] O.J. No. 1045, par. 156 (C.A. Ont.) :

« The nature of the third party records sought, together with the failure of the defence to pursue the motion with even an atom of effort, leads irresistibly to the conclusion that this was anything but a motion pursued with a bona fide intention of making full answer and defence to the charges. It would be better described as a fishing expedition with the singular purpose of delaying the trial and humiliating the complainant. In the end, on November 12, 2010, it was abandoned. When raised again by the appellant, amicus said that he could see no basis for it, and it was discarded again. »

2170. R. c. Antic, 2019 ONCA 160 (CanLII), [2019] O.J. No. 1125, par. 6 (C.A. Ont.) :

« We do not see any error in the trial judge’s analysis on this point. There wound up being two institutional delays arising from the setting of dates – one was the preliminary inquiry date and the other was the trial date. Had the appellant waived the right to a preliminary inquiry at the outset, the institutional delay in setting a date for the preliminary inquiry would have been avoided. At the very least, had the appellant decided to waive the preliminary hearing well in advance of its scheduled commencement, the time could have been used for other matters. The Crown had subpoenaed witnesses and was prepared to conduct the preliminary inquiry on the scheduled date. The appellant appeared on that date and without warning to any of the other participants indicated that he wanted an adjournment to retain new counsel. Jordan indicates at para. 138 that defence counsel are expected to use court time efficiently. The fact that that delay was not avoided lies at the feet of the appellant. The trial judge was correct to deduct that period of time as defence delay. »

2171. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 33.

2172. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 138.

2173. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 138.

2174. Dupuis c. R., [2016] J.Q. No. 17250, par. 16 (C.A.) :

« Enfin, le 5 juin 2013, date où le juge Lavergne rejette la requête en arrêt des procédures de l’appelant, ce dernier congédie son avocat. Ceci provoque une remise de son procès qui débutera seulement le 15 avril 2014. Nous devons donc soustraire un autre délai de 10 mois et 10 jours pour un grand total de 13 mois et 26 jours imputables à l’appelant. »

2175. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 42.

2176. R. c. K.J.M., [2019] A.C.S. No. 55, par. 96 :

« En fin de compte, c’est la comparution tardive de l’appelant qui est à l’origine du besoin de trouver une date à laquelle on pouvait tenir une audience de cinq heures plutôt que de deux heures et demie. Il y a donc de bonnes raisons de traiter au moins une partie du délai entre le 2 mars 2016 et le 28 juillet 2016 (soit près de cinq mois) comme étant imputable à la défense, même si un ajournement était inévitable. Sans jeter le blâme sur qui que ce soit, tout comme le délai occasionné par le changement d’avis du ministère public quant à la présentation de la déclaration de l’appelant est imputable au ministère public, je suis d’avis que le délai causé par le défaut de l’appelant de se présenter à la cour à l’heure est imputable à la défense. Évidemment, il est difficile de déterminer la portée exacte du délai qui lui est attribuable, et je ne lui imputerais pas le plein délai de cinq mois. A mon avis, il est toutefois juste et raisonnable de lui imputer deux ou trois mois du délai. Le délai net est donc de 16 ou 17 mois. »

2177. R. c. Huard, [2016] J.Q. No. 14122, par. 20-23 (C.A.).

2178. R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 142 (C.A.) :

« L’appelante ne me convainc pas que le juge a erré dans son évaluation et dans l’attribution des délais relativement à l’enquête préliminaire, sauf pour les deux périodes de renonciation dont j’ai fait mention. La décision du juge d’instance s’appuie sur le dossier et sur les observations des parties. Il pouvait par conséquent conclure que la communication tardive de la preuve était à l’origine des décisions de la défense de retarder l’enquête préliminaire. »

2179. R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 37 (C.A.) :

« S’il est supérieur, c’est à la poursuite de démontrer qu’il est néanmoins raisonnable. Pour réussir, elle peut faire valoir que des événements distincts sont survenus et que les délais causés par ceux-ci doivent être déduits, en tout ou en partie. Si, en dépit de cette déduction, le délai demeure supérieur au plafond, la poursuite peut démontrer que l’affaire est particulièrement complexe. Il ne s’agit alors pas de déduire un délai, mais de démontrer que la complexité du dossier justifie le dépassement constaté, de sorte que le délai est raisonnable. »

R. c. Bulhosen, 2019 ONCA 600 (CanLII), [2019] O.J. No. 3666, par. 46 (C.A. Ont.) :

« If the net delay exceeds the presumptive ceiling, it is presumptively unreasonable and the Crown bears the onus of establishing that the delay was reasonable : Jordan, at paras. 47, 68. It may do so by establishing that the delay was caused by “exceptional circumstances” : Jordan, at paras. 47, 68. These have two components : (1) they are reasonably unforeseen or reasonably unavoidable; and (2) the Crown cannot reasonably remedy the delays emanating from these circumstances once they arise : Jordan, at para. 69. Exceptional circumstances generally fall into two categories, either “discrete events”, which are not at issue in this case, or cases that are particularly complex as a result of the evidence or issues : Jordan, at para. 71; and Coulter, at para. 37. »

2180. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 71; R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 46 :

« Les circonstances exceptionnelles se divisent généralement en deux catégories : les événements distincts et les affaires particulièrement complexes (Jordan, par. 71). En outre, il est possible de tenir compte de considérations d’ordre transitoire comme troisième forme de circonstances exceptionnelles dans les cas où, comme celui qui nous occupe, l’instance était déjà en cours lorsque l’affaire Jordan a été tranchée (Jordan, par. 94-98). »

2181. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 69.

2182. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 58.

2183. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 59 :

« La question à laquelle il faut répondre dans le cadre du deuxième volet de la définition des circonstances exceptionnelles consiste à se demander si le ministère public a pris des mesures raisonnables pour remédier à l’erreur et réduire les délais au minimum. Le ministère public “n’est pas tenu de démontrer que les mesures qu’il a prises ont été couronnées de succès – il doit plutôt uniquement établir qu’il a pris des mesures raisonnables pour éviter le délai” (Jordan, par. 70). En l’espèce, après avoir découvert l’erreur, le ministère public en a avisé promptement l’avocate de la défense ainsi que le tribunal, et il a soutenu que l’erreur était sans importance. Le tout a néanmoins entraîné un délai de 7,5 mois. »

À titre d’exemple, voir R. c. Ellis, [2020] N.S.J. No. 446, par. 105 (C.A. N.-É.) :

« Furthermore, the failure to disclose the SANE-related disclosure was not a discrete event. The failure of the police to properly manage the evidence, with the result that it was not located for some time, cannot be characterized as an unforeseeable or unavoidable circumstance that could not have been mitigated. »

2184. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 72; R. c. Huard, [2016] J.Q. No. 14122, par. 19 (C.A.) :

« À titre d’illustration, la Cour suprême indique que pourraient constituer des circonstances exceptionnelles du premier type les urgences médicales ou familiales (affectant l’accusé, des témoins importants, un avocat ou la ou le juge de première instance), les affaires revêtant une dimension internationale (comme celles qui exigent que l’accusé soit extradé d’un pays étranger), et certaines situations imprévues survenant lors du procès (telle celle d’un plaignant qui se rétracte). »

R. c. K.N., [2018] B.C.J. No. 1161, par. 6 (C.A. C.-B.) :

« The judge in the present case began by determining that the total delay between the laying of the Information and the anticipated completion date of the trial was precisely 18 months (at para. 6). He noted that defence and Crown counsel agreed none of the delay was attributable to the defence. The judge had no hesitation in determining that the prosecutor’s sudden diagnosis with a terminal illness about one week before the scheduled trial date constituted an exceptional and reasonably unforeseeable discrete event that should be deducted from the total delay (at paras. 19-21). »

Pour une liste d’événements distincts déjà reconnus par les tribunaux, voir Doudou-Traoré c. R., [2018] J.Q. No. 11419, par. 58 (C.A.) :

« Les évènements suivants, qui ont en commun d’être indépendants de toute décision prise par le ministère public, ont été qualifiés de circonstances exceptionnelles : les urgences médicales ou familiales, la rétractation inattendue d’un témoin lors de son témoignage obligeant le ministère public à changer son approche, la nomination d’un procureur à la magistrature, l’erreur administrative du tribunal, la découverte d’une nouvelle preuve vidéo qui n’avait pu l’être plus tôt, la nécessité d’ajouter une journée à l’enquête préliminaire à la suite de l’appel inattendu d’un témoin par la défense, une grève des avocats du bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales, les difficultés du ministère public à rejoindre la plaignante ainsi que l’exercice par un accusé d’un nouveau choix afin que son procès se tienne devant la Cour du Québec. »

2185. J.B. c. R., [2019] J.Q. No. 3436, par. 27 (C.A.).

2186. Dupuis c. R., [2016] J.Q. No. 17250, par. 27 (C.A.) :

« De plus, dans un district comme Montréal qui, de façon notoire, peine déjà à maintenir des délais d’audition acceptables, on peut facilement concevoir que le surplus de dossiers (backlog) remis en raison de la grève a nécessairement eu pour effet d’allonger les délais. Si on tient compte du contexte, la Cour ne trouve donc rien à redire sur le délai de 12 mois et 15 jours occasionné par la grève des représentants du DPCP qui doit, en conséquence, être soustrait du délai global de 40 mois et 20 jours parce que constituant une circonstance exceptionnelle au sens de l’arrêt Jordan. »

2187. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 72.

2188. R. c. T.W.S., [2020] A.J. No. 475, par. 36 (C.A. Alb.). Voir également R. c. Mallozzi, 2017 ONCA 644 (CanLII), [2017] O.J. No. 4303, par. 41 et 43 (C.A. Ont.) :

« In my view, the two mistrials qualify as discrete, exceptional events that were reasonably unforeseeable.

The second mistrial was July 14, 2014. Although all parties agreed that a mistrial had to be declared when it was discovered that five members of the jury had been on the panel summoned in October 2013, I do not agree that a mistrial was necessary. Again, the appellant submits that this was a failure of the system. Again, I disagree. These events were unforeseeable and were not contributed to by the Crown. They were exceptional. »

2189. R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 86 (C.A.) :

« Je note ici, bien que la question ne soit pas directement soulevée par les pourvois, que les délibérés en cours d’instance qui freinent le procès et rendent, pour cette raison, le tribunal indisponible, peuvent constituer des événements distincts au sens auquel l’entend la Cour suprême. Ils peuvent également traduire la complexité des questions soulevées et donc, de la complexité particulière de l’affaire : R. c. Mamouni, 2017 ABCA 347, par. 55. À cet égard, on peut se fier au bon sens et à l’expérience des juges et des avocats. »

2190. R. c. Thanabalasingham, 2019 QCCA 1765 (CanLII), [2019] Q.J. No. 9048, par. 86 (C.A.), conf. à [2020] A.C.S. No. 18.

2191. R. c. Thanabalasingham, 2019 QCCA 1765 (CanLII), [2019] Q.J. No. 9048, par. 85 (C.A.), conf. à [2020] A.C.S. No. 18.

2192. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 49.

2193. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 73 et 75.

2194. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 48; R. c. K.J.M., [2019] A.C.S. No. 55, par. 98 :

« Le délai causé par des “événements exceptionnels distincts” qui sont raisonnablement imprévisibles ou inévitables est aussi déduit, dans la mesure où il ne pouvait raisonnablement être atténué ni par le ministère public ni par le système judiciaire. »

R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 84 et 85 (C.A.) :

« L’événement distinct et exceptionnel (Discrete, exceptional events), expression utilisée par la Cour, est celui qui perturbe le cours normal de l’affaire et sans que rien ni personne, comprendre ici le ministère public et le système de justice, n’ait pu faire quoi que ce soit pour le prévenir : R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 75.

Par contre, une fois l’événement survenu, on attend du ministère public et du système de justice qu’ils s’activent pour régler le problème en donnant la priorité aux causes affectées. L’absence de mobilisation pourrait faire en sorte qu’une partie du délai ne soit pas déduit du délai net : R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 75. »

R. c. Locknick, [2019] O.J. No. 3943, par. 12 (C.A. Ont.) :

« Second, the trial judge deducted three months to account for the unexpected, unforeseen and unavoidable delay caused by the preliminary inquiry judge’s desire to review the content of each intercept separately. As this court noted in R. v. Antic, 2019 ONCA 160, at para. 11, application for leave to appeal to S.C.C. filed, 38605 (April 25, 2019), “there are some events that no one can anticipate and those events should simply be removed from the delay analysis.” See Jordan, at paras. 73-75. The Crown had taken all reasonable steps to mitigate the delay. The appellant has not established that the trial judge was incorrect in making this deduction. This reduces the Jordan delay to 37 months. »

2195. R. c. K.J.M., [2019] A.C.S. No. 55, par. 102.

2196. R. c. Reinbrecht, [2019] B.C.J. No. 105, par. 66 et 67 (C.A. C.-B.) :

« On appeal, Mr. Reinbrecht submits the judge erred in not attributing the two-month delay between when the witness told the police she intended to revise her statement and when the police re-interviewed her to the Crown. In his view, the Crown should have arranged to re-interview the witness as soon as it knew she intended to change her statement (August 2013). In August 2013, the witness was eight months pregnant and experiencing nightmares as a result of the incident. In my view, the Crown’s decision to re-interview the witness after she delivered her baby was a reasonable one in the circumstances.

Pursuant to the Jordan framework, I am satisfied this was a discrete exceptional event that (1) was reasonably unavoidable and unforeseeable, (2) could not be remedied by the Crown, and (3) the Crown acted reasonably in re-interviewing the witness after the baby was born. In my view, the six-and-a-half-month delay caused by this unforeseen event must also be deducted from the total delay. »

2197. Voir par exemple R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 129 :

« Notons qu’une part importante du délai a découlé de la mauvaise évaluation du temps nécessaire pour procéder à l’enquête préliminaire, et notamment, de l’omission par le ministère public de communiquer avec les parties afin de préciser quelle preuve il devait produire durant cette enquête préliminaire. Un problème similaire s’est posé quant au procès. S’il est vrai que le temps qu’il a fallu pour amener le présent dossier à procès n’est pas uniquement attribuable à l’avocat du ministère public, il est tout aussi manifeste que les procureurs de ce dernier assignés au dossier n’avaient pas de stratégie solide pour que le procès se tienne dans un délai raisonnable. Le ministère public savait, dès décembre 2010, que des questions fondées sur l’al. 11b) étaient susceptibles d’être soulevées. Or, il n’a pris que peu de mesures pour accélérer le processus. Il s’est plutôt contenté de s’appuyer sur une estimation exagérée de la durée du procès sans tenter de simplifier les questions en litige ou d’examiner la possibilité de dissocier le coaccusé de l’acte d’accusation. »

2198. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 70.

2199. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 70.

2200. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 70.

2201. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 70.

2202. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 73.

2203. R. c. Antic, 2019 ONCA 160 (CanLII), [2019] O.J. No. 1125, par. 11 (C.A. Ont.) :

« The third and final issue involves a further period of delay that resulted from the fact that the original trial judge, Zabel J., was suspended from presiding over any matters as a result of a complaint to the Ontario Judicial Council completely unrelated to this case. Consequently, the trial could not continue in December as planned. The trial judge treated the delay that resulted from that event also as an exceptional circumstance. We agree with her treatment of that issue. While the appellant contends that he should not be tarred with the delay that resulted from that unusual event, the flip side is that neither should the Crown. That is the whole point behind treating the time as an exceptional circumstance. As Jordan pointed out, there are some events that no one can anticipate and those events should simply be removed from the delay analysis. The issue arising from the conduct of the original trial judge falls squarely within that category. That conduct was in no way connected to this trial. The Crown took prompt proactive measures to deal with the delay caused by this event. Once it became clear that the trial judge could not continue with the trial, new dates were obtained only two months away. »

2204. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 73; R. c. Jurkus, 2018 ONCA 489 (CanLII), [2018] O.J. No. 2899, par. 55 (C.A. Ont.) :

« In the end, the reality is that the testimony of both Langford and McFadden added to the need for a fifth day. These are precisely the types of discrete events that Jordan contemplated. Trials are not “well-oiled machines” and things can quickly go awry in a way that leads to delay : Jordan, at para. 73. An example given in Jordan, is where a trial goes longer than “reasonably expected”, even where the parties have in good faith attempted to establish realistic timelines. In these circumstances, it is “likely the delay was unavoidable” and will constitute an exceptional circumstance : Jordan, at para. 73. These comments have equal application when it comes to a preliminary inquiry. »

2205. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 51 et 52.

2206. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 52 :

« Même si cet événement avait été raisonnablement imprévisible, il incombait au ministère public d’agir sur-le-champ pour régler le différend concernant l’engagement. Toutefois, il aura plutôt fallu trois déplacements additionnels devant les tribunaux, le dépôt d’une série de demandes en cour supérieure et une période de 3,5 mois pour résoudre ce différend. Nous faisons nôtre la conclusion du juge de première instance selon laquelle [Traduction] “c’est le refus du ministère public de communiquer la preuve qui a prolongé le délai au-delà de ce qui pourrait autrement être considéré comme raisonnable” (par. 187). Comme le ministère public n’est pas en mesure de satisfaire au deuxième volet de la définition des circonstances exceptionnelles, cette période ne peut en conséquence être déduite. »

2207. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 54.

2208. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 54.

2209. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 74.

2210. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 75.

2211. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 64. Voir sur ce point R. c. Powell, 2020 ONCA 743 (CanLII), [2020] O.J. No. 5104, par. 7 (C.A. Ont.) :

« On that point, in determining whether a case is particularly complex, the following factors are of importance :

• case complexity requires a qualitative, not quantitative, assessment : R. v. Cody, 2017 SCC 31, [2017] 1 S.C.R. 659, at para. 64.

• complexity is an exceptional circumstance only where the case as a whole is particularly complex : Cody, at para. 64.

• complex cases are cases that, because of the nature of the evidence or the nature of the issues, require an inordinate amount of trial or preparation time such that the delay is justified : Jordan, at para. 77.

• if the case is complex, then the court must look at whether the Crown developed and followed a concrete plan to minimize the delay occasioned by the complexity : Ontario (Ministry of Labour) v. Nugent, 2019 ONCA 999, 384 C.C.C. (3d) 189, at para. 31. »

2212. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 64 :

« La complexité ne constitue une circonstance exceptionnelle que dans les cas où l’affaire dans son ensemble est particulièrement complexe. Elle ne peut être utilisée pour déduire des portions précises du délai. Au contraire, une fois effectuées toutes les déductions d’ordre quantitatif applicables, si le délai net continue d’excéder le plafond présumé, il est alors possible d’invoquer la complexité de l’affaire dans son ensemble pour justifier sa durée et réfuter la présomption que le délai était déraisonnable (Jordan, par. 80). »

2213. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 77 :

« Pour ce qui est de la nature de la preuve, les affaires particulièrement complexes présentent notamment les caractéristiques suivantes : la communication d’une preuve volumineuse, un grand nombre de témoins, des exigences importantes applicables au témoignage d’experts, ainsi que des accusations qui portent sur de longues périodes. »

R. c. Thanabalasingham, 2019 QCCA 1765 (CanLII), [2019] Q.J. No. 9048, par. 229 (C.A.), conf. à [2020] A.C.S. No. 18 :

« Dans l’arrêt Jordan, les juges majoritaires précisent que la complexité d’une affaire s’apprécie “eu égard à la nature de la preuve ou des questions soulevées”. À titre d’exemple – et cela ne constitue pas une liste exhaustive –, les tribunaux ont retenu les facteurs suivants comme facteurs pertinents à l’analyse : le nombre de coaccusés; la nature et le nombre d’infractions portées; la durée de la période infractionnelle; la production et l’écoute de nombreuses conversations électroniques ou de vidéos; la présence d’écueils juridiques importants pour le juge et les avocats; une divulgation détaillée de la preuve; la compilation d’expertises et de nombreuses déclarations de témoins; la présence d’expertises contradictoires ou sur des domaines rébarbatifs; le nombre de témoins; la préparation de tableaux ou de résumés portant sur des données complexes afin de faciliter la présentation de la cause; la durée de l’enquête préliminaire; les admissions de la défense; la durée estimée du procès; l’existence de contestations fondées sur la Charte ou autres requêtes préalables au procès; l’accusé qui subit un autre procès en parallèle; la nomination d’un juge responsable de la gestion de l’instance; et la présence de questions de droit nouvelles, complexes ou nombreuses. »

R. c. Bulhosen, 2019 ONCA 600 (CanLII), [2019] O.J. No. 3666, par. 79 et 80 (C.A. Ont.) :

« The appellants do not challenge the application judge’s finding that the case was complex. Nor could they possibly do so in my view. The complexity of the evidence ticked every box in Jordan and then some : the number of co-accused (initially 14 and ultimately reduced to 7), some of whom spent long periods of time without counsel and many of whom, as the application judge noted, were not involved in, or apparently not interested in, negotiating a shorter process; the complex nature of the charges; the time span of the charges (3.5 years); the volume and complexity of the evidence; the number of witnesses (anticipated at 220); the need for complex expert evidence (22 experts); the international aspects of the case; and the projected length of trial (6 months). Moreover, as the application judge noted, presenting the evidence against each accused would involve piecing together a massive jigsaw puzzle of evidence and would raise complex evidentiary issues.

It is important to reiterate that the application judge’s analysis did not end with his finding that the case was particularly complex. He went on to conclude that the Crown had a plan to manage the case, that the plan was reasonable, that it was implemented in a reasonable manner and that the delay to the projected end of trial was reasonable in light of the particular complexity of the case. »

2214. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 65 :

« Bien qu’une preuve volumineuse à communiquer constitue un aspect caractéristique des affaires particulièrement complexes, la présence d’une telle preuve ne démontre pas automatiquement qu’une affaire est complexe. La question consiste plutôt à déterminer si l’affaire est suffisamment complexe, “si bien que le délai est justifié” (Jordan, par. 77). En l’espèce, une preuve considérable a effectivement été communiquée, mais le reste de l’instance semble avoir été relativement simple. À notre avis, même en tenant compte de la preuve volumineuse qui a été communiquée, la présente affaire ne saurait être qualifiée de particulièrement complexe. »

R. c. Regan, 2018 ABCA 55 (CanLII), [2018] A.J. No. 147, par. 102 (C.A. Alb.) :

« This case is probably more complicated than the average homicide prosecution in the 1980s, but the Jordan ceilings reflect the increased complexity of criminal trials over the last several decades. Voluminous disclosure, on its own, is generally not enough to justify invoking the complex case exception : Cody at para 65. »

R. c. J.C., 2018 ONCA 986 (CanLII), [2018] O.J. No. 6918, par. 29 (C.A. Ont.) :

« In this case, the application judge erred by simply accepting that child pornography cases are necessarily complex and therefore require a long intake period. As a general proposition, not all cases involving voluminous disclosure are complex. The question to be determined in each case is “whether the case is sufficiently complex such that the delay is justified” : Jordan, at para. 77; Cody, at para. 65. As such, the application judge should have examined more closely the specific circumstances of this case when attributing periods of time to intake. »

2215. R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 183 (C.A.). Voir également les commentaires du juge Vauclair au par. 184 :

« Je nuance donc l’opinion exprimée dans l’arrêt R. c. Picard, 2017 ONCA 692 voulant que la complexité d’une affaire ne soit pas limitée à la complexité du procès lui-même, mais aussi à la complexité de sa préparation, notamment en raison d’une importante enquête policière. Pour ma part, j’estime que la complexité de l’enquête policière avec tout ce qui en découle pour la préparation du procès, doit d’abord être examinée au chapitre des délais imputables à la défense pour sa préparation, avant d’être envisagée comme un indice autonome du caractère particulièrement complexe d’une affaire. À la suite d’une enquête policière d’envergure, dans la plupart des cas, la défense aura besoin d’une plus longue préparation, mais pas nécessairement. Pour sa part, le ministère public sera en principe prêt, avant de déposer les accusations, dans la plupart des dimensions du dossier, entre autres en ayant préparé le cahier de procès et la communication de la preuve. Il pourrait être tenu d’expliquer pourquoi ce n’est pas le cas et le juge devra évaluer si, effectivement, la préparation additionnelle de la poursuite est nécessaire en raison de l’envergure de l’enquête policière et justifie de qualifier l’affaire de particulièrement complexe. »

Voir également R. c. Picard, 2017 ONCA 692 (CanLII), 137 O.R. (3d) 401, par. 62 (C.A. Ont.) :

« In Cody, at para. 64, the court explained that complexity “is an exceptional circumstance only where the case as a whole is particularly complex” (emphasis added). A case can be complex in the earlier stages and require extensive disclosure, the compiling of expert evidence and numerous witness statements, only to be made simpler and more straightforward when it comes time for trial. This can be the result of factors such as concessions made by the defence, the negotiation of a comprehensive agreed statement of facts, changes in the charges or number of accused, or even, as here, the preparation of charts or summaries that distill extensive and complex data so as to assist in the presentation of the case. These kinds of complexity in the early stages may result in inevitable delays due to extensive disclosure, a lengthy preliminary inquiry and so on, although the case is simple by the time of trial. »

Voir enfin R. c. Thanabalasingham, 2019 QCCA 1765 (CanLII), [2019] Q.J. No. 9048, par. 231 et 232 (C.A.), conf. à [2020] A.C.S. No. 18; R. c. Houle (appeal by Baron), 2017 ONCA 772 (CanLII), [2017] O.J. No. 5170, par. 71 (C.A. Ont.); R. c. Lemioer, [2019] S.J. No. 357, par. 71 (C.A. Sask.).

2216. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 77.

2217. Agostini c. R., [2018] J.Q. No. 1702, par. 17 (C.A.).

2218. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 81. Voir sur ce point R. c. Williamson, 2016 CSC 28 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 741, par. 33-37 :

« L’analyse que fait notre collègue illustre en outre les difficultés qui découlent de la prise en compte de la gravité de l’infraction comme facteur d’analyse dans le contexte d’une demande fondée sur l’al. 11b).

Premièrement, le droit garanti à une personne d’être jugé dans un délai raisonnable ne peut être restreint uniquement sur le fondement de la nature des accusations portées contre elle. Comme la Cour l’a écrit dans R. c. Harrison, 2009 CSC 34, [2009] 2 R.C.S. 494, par. 40, “[l]es protections garanties par la Charte doivent être interprétées de façon à s’appliquer à tous, même à ceux qui sont accusés d’avoir commis les infractions criminelles les plus graves.” De nombreuses cours d’appel de partout au pays, y compris la Cour, ont ordonné l’arrêt de procédures relatives à des accusations graves, même lorsque le délai total (moins celui attribuable à la défense) était inférieur au délai dont il est question dans le présent appel.

À cet égard, nous soulignons que l’al. 11b) garantit le droit “d’être jugé dans un délai raisonnable”. Il n’autorise pas l’application de divers degrés de raisonnabilité lorsque les accusations sont graves. Par exemple, il ne garantit pas le droit d’être jugé dans un délai qui a “quelque peu dépassé” ce qui aurait été un délai raisonnable, ou dans un délai qui est “excessif, mais pas au point d’être manifestement déraisonnable” si les accusations sont graves (le juge Cromwell, par. 43 et 80). Le délai est déraisonnable ou il ne l’est pas. Ainsi, c’est sur ce que nous estimons raisonnable que nous divergeons d’opinion avec notre collègue. Bref, nous avons des points de vue différents sur une norme subjective.

Deuxièmement, notre collègue utilise la gravité de l’infraction pour diluer le droit constitutionnel à un procès dans un délai raisonnable. Or, nous sommes d’avis que le droit garanti par la Charte est respecté, et l’intérêt public le mieux servi, lorsque les accusations relatives à des crimes graves sont jugées au fond en temps utile. En effet, à notre avis, il s’agit précisément des causes qui devraient être entendues rapidement, et être jugées à la lumière de la meilleure preuve possible.

Troisièmement, la gravité de l’infraction ne cadre pas très bien avec la notion de délai raisonnable. Certaines accusations pour des crimes graves peuvent être jugées en très peu de temps tandis que des accusations portant sur des crimes moins graves peuvent mettre plus de temps à faire l’objet d’une décision. »

2219. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 81 : « La gravité de l’infraction ne peut servir à justifier le délai, même si les causes plus complexes seront souvent celles qui mettent en cause des accusations graves, comme le terrorisme, le crime organisé et les activités liées à une organisation criminelle. »; R. c. Bulhosen, 2019 ONCA 600 (CanLII), [2019] O.J. No. 3666, par. 51 (C.A. Ont.) : « While the gravity or seriousness of the offence cannot be used to establish complexity, more complex cases will often be those involving serious charges, such as terrorism, organized crime and gang-related activity : Jordan, at para. 81. »

2220. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 79; R. c. Ny, 2016 ONSC 8031 (CanLII), [2016] O.J. No. 6618, par. 32 :

« As circumstances that are within the Crown’s control cannot qualify as exceptional, a failure by the Crown to develop plans to minimize delay in a complex case may lead to a finding of unreasonable delay : Manasseri, at para. 314. »

2221. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 79; R. c. Wookey, [2021] O.J. No. 474, par. 83 (C.A. Ont.) :

« Under Jordan, a case that is sufficiently complex may justify a period of net delay that surpasses the applicable presumptive ceiling. It is not sufficient for the Crown to simply assert that the case was complex; it must link complexity to the delay that ensued and also demonstrate that, despite developing a plan to address the complexity and minimize the delay, it was unable to do so. In this case, although there was some measure of complexity, the Crown did not demonstrate that there was a plan to minimize the delay caused by it. »

2222. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 79.

2223. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 80.

2224. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 78 :

« Un procès pour meurtre typique ne sera en général pas suffisamment complexe pour constituer une circonstance exceptionnelle. Cependant, si un procès ou une période de préparation d’une durée exceptionnelle s’imposent compte tenu de la nature de la preuve ou des questions soulevées – de sorte que la durée de l’affaire est justifiée –, on pourra conclure que la complexité du dossier constitue une circonstance exceptionnelle. »

2225. R. c. Vader, 2019 ABCA 191 (CanLII), [2019] A.J. No. 643, par. 53 et 54 (C.A. Alb.) :

« Although a typical murder trial would not qualify as presenting an exceptional circumstance, this was not a typical murder case. That fact was properly acknowledged by the appellant, who at the s. 11(b) voir dire fairly observed that this was “an exceptionally complicated case”, with “exceptionally large disclosure”. And later, in his written submissions the appellant conceded that “this is one of the most unusual cases” (Appellant’s Factum at para 74).

In such situations, where the issues and the charges warrant inordinate time, the complexity of the case may be considered an exceptional circumstance, such that the time taken is justified and the delay is reasonable (Jordan at para 80). In our opinion, the complexity of this case, including the difficulties associated with prosecuting a murder trial “without a body”, though not a full answer, was a significant factor in justifying the delay. »

2226. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 82.

2227. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 83.

2228. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 84.

2229. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 85.

2230. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 85.

2231. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 82.

2232. R. c. K.J.M., [2019] A.C.S. No. 55, par. 107.

2233. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 87.

2234. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 89.

2235. R. c. K.J.M., [2019] A.C.S. No. 55, par. 111.

2236. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 101.

2237. R. c. K.J.M., [2019] A.C.S. No. 55, par. 117 :

« En l’espèce, la gravité des infractions et l’absence de préjudice démontré sont pertinentes en ce qu’elles expliquent pourquoi le ministère public avait de bonnes raisons de croire que le délai ne serait pas jugé être déraisonnable dans la présente affaire, qui était en cours durant la période transitoire. Si l’état du droit avait été différent – autrement dit, si l’arrêt Jordan avait été rendu avant que le procès commence –, le ministère public aurait sans doute agi différemment et fait des efforts plus soutenus pour que l’affaire progresse rapidement. Il serait toutefois injuste de s’attendre à ce que les normes qui s’appliquent aujourd’hui aient été appliquées à l’époque. À l’instar de la norme relative à l’initiative dont a fait preuve la défense, la norme qui s’applique à ce qui peut être raisonnablement attendu du ministère public doit être adaptée dans les cas transitoires pour tenir compte de la jurisprudence antérieure à l’arrêt Jordan. »

2238. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 91.

2239. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 93 et 94 :

« Nous reconnaissons que le nouveau cadre d’analyse établi en l’espèce s’écarte des règles qui s’appliquaient antérieurement aux demandes fondées sur l’al. 11b). Une modification judiciaire du droit applicable est présumée avoir une application rétroactive et s’appliquer à une conduite antérieure (Canada (Procureur général) c. Hislop, 2007 CSC 10, [2007] 1 R.C.S. 429, par. 84). Des règles légèrement plus souples s’appliquent lorsque les tribunaux modifient l’interprétation donnée à des dispositions constitutionnelles (par. 88). L’établissement d’une période de transition, la suspension de la période d’invalidité et les mesures de redressement valables uniquement pour l’avenir font partie du cadre réparateur discrétionnaire établi par notre droit constitutionnel (par. 88-92; R. c. Brydges, 1990 CanLII 123 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 190, p. 217-218; R. c. Feeney, 1997 CanLII 343 (CSC), [1997] 2 R.C.S. 117).

Dans le cas présent, il existe diverses raisons pour appliquer le cadre d’analyse selon le contexte et avec souplesse aux affaires déjà en cours, l’une étant qu’il ne serait pas juste de juger rigoureusement les participants au système de justice criminelle au regard de normes dont ils n’avaient pas connaissance. De plus, ce nouveau régime incite tant le ministère public que la défense à accélérer le déroulement des affaires criminelles. Cependant, dans les ressorts où les longs délais sont la norme, il va falloir du temps avant que ces mesures d’incitation n’opèrent un changement de culture. En outre, l’administration de la justice ne saurait tolérer une répétition de ce qui s’est passé après le prononcé de l’arrêt Askov, et l’application contextuelle que nous proposons du cadre d’analyse vise à garantir qu’une telle situation ne se reproduira pas. »

2240. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 25; R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par 101 (C.A.) :

« En dernier recours, si le délai net est supérieur au plafond, que celui lié aux événements distincts ne l’abaisse pas sous le plafond et que les délais ne se justifient pas en raison du caractère particulièrement complexe de l’affaire, le ministère public peut se rabattre sur la mesure transitoire exceptionnelle. »

2241. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 96; Guimont c. R., [2017] J.Q. No. 15548, par. 69 (C.A.) :

« À ce stade-ci de l’analyse, il ne reste donc qu’à se demander si le délai global de 39 ou 36 mois, selon l’hypothèse retenue, peut être néanmoins justifié par l’application de la mesure transitoire exceptionnelle étant donné que les accusations ont été portées avant le prononcé de l’arrêt Jordan et que la conduite des parties ne saurait être jugée trop rigoureusement en fonction d’une norme dont elles n’avaient pas connaissance. À cet égard, c’est encore au ministère public à qui il appartient d’établir que ce délai est justifié, et ce, parce qu’il s’est raisonnablement conformé au droit antérieur tel qu’établi par l’arrêt Morin. »

2242. R. c. Vu, [2019] J.Q. No. 8571, par. 78 (C.A.); R. c. Thanabalasingham, [2020] A.C.S. No. 18, par. 8; Wolfson c. R., [2020] J.Q. No. 4123, par. 87 (C.A.) :

« Après avoir analysé la source et la cause de ces délais, le juge d’instance soupèse les facteurs pertinents dont la complexité du dossier, la période de délai en excès des lignes directrices de l’arrêt Morin, la réponse de la poursuite aux délais institutionnels, les efforts de la défense pour faire avancer le dossier et le préjudice à l’accusé. »

Dejala c. R., 2021 QCCA 248 (CanLII), [2021] J.Q. No. 863, par. 44 (C.A.) :

« À l’occasion de l’analyse contextuelle commandée par la mesure transitoire, “la complexité de l’affaire, la durée de la période qui excède les lignes directrices de l’arrêt Morin, les efforts de la poursuite et ceux de la défense pour faire progresser le dossier, de même que le préjudice subi par l’accusé” sont tous des facteurs pertinents. Ainsi, le seul fait que les délais en cause excèdent les lignes directrices n’est pas en soi une justification pour ordonner un arrêt des procédures, en l’absence de considération de la durée de la période excédentaire et des autres facteurs pertinents. »

Voir enfin Belle-Isle c. R., [2021] J.Q. No. 3577, par. 71 (C.A.).

2243. Sur la question du préjudice, voir Wolfson c. R., [2020] J.Q. No. 4123, par. 98 et 101 (C.A.) :

« Dans l’arrêt Rice, le juge Vauclair affirme qu’au Québec, les tribunaux ont souvent erré en exigeant la preuve d’un préjudice réel. L’approche formulée dans Godin doit dorénavant prévaloir lorsqu’il est question de l’application de la mesure transitoire exceptionnelle. Autrement dit,

[199] [...] un délai déraisonnable sous l’ancien cadre d’analyse demeure déraisonnable sous le nouveau. Entre autres [...], les délais institutionnels anciennement tolérés seront déraisonnables s’ils l’ont été uniquement parce que l’accusé n’avait pas fait la preuve d’un préjudice concret ou insuffisant, alors que dans les circonstances, le préjudice pouvait se présumer au sens de l’arrêt R. v. Godin, 2009 CSC 26 (CanLII), [2009] 2 S.C.R. 3 (S.C.C.).

[...]

Même s’il appartenait à l’appelante de faire la preuve de l’absence de préjudice réel, le seul écoulement du temps était suffisant pour permettre au juge de conclure à l’existence d’un préjudice. Bien que le préjudice subi tienne un rôle prépondérant dans l’application de la mesure transitoire, celui-ci peut être déduit de la longueur du délai. Aucune preuve d’un préjudice réel n’est requise. »

2244. R. c. Adam, [2017] O.J. No. 6548, par. 5 et 6 (C.A. Ont.) :

« The appellant was on bail on liberal terms. There was no prejudice to the appellant’s liberty interest. Nor was there prejudice to the appellant’s ability to make full answer and defence in this largely document-driven matter. We give little weight to prejudice to the security interests of the appellant’s person, in the sense of being free from the stress and cloud of suspicion that accompanies a criminal charge. As indicated, the delay in excess of the Morin guidelines is, at best, one month and there was no evidence from the appellant as to the effect of the delay on him.

Finally, this was a serious fraud. There was a societal interest in bringing this case to trial. »

2245. R. c. Williamson, 2016 CSC 28 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 741, par. 30.

2246. Dupuis c. R., [2016] J.Q. No. 17250, par. 37 et 38; Tremblay c. R., [2014] J.Q. No. 2945, par. 53-55 (C.A.); R. c. J.F., [2020] J.Q. No. 3213, par. 60 (C.A.), demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême accueillie, 18 février 2021, no 39267 :

« En effet, il serait sans doute injuste qu’un accusé se voie opposer une fin de non-recevoir lors de la présentation d’une première requête pour le seul motif qu’il n’a pas invoqué une violation en temps opportun. La Cour suprême écrivait dans l’arrêt Morin qu’il faut “prendre soin de ne pas renverser le principe selon lequel il n’y a aucune obligation juridique de la part de l’accusé de faire valoir [son] droit”. Il est cependant reconnu que la présentation tardive d’une requête fondée sur l’alinéa 11b) permet généralement d’inférer que l’accusé était satisfait des délais jusqu’alors encourus. À ce titre, la Cour suprême rappelle dans le même arrêt que “l’inaction peut être pertinente pour évaluer le degré du préjudice, le cas échéant, qu’un accusé a subi par suite du délai”. »

Belle-Isle c. R., [2021] J.Q. No. 3577, par. 81 et 82 (C.A.) :

« La conduite de l’appelant, sans équivaloir à une renonciation, “peut néanmoins être symptomatique d’une absence de préjudice réel. L’absence d’empressement est par conséquent un facteur pertinent pour évaluer si la mesure transitoire trouve application parce que les parties se sont raisonnablement conformées au droit antérieur”.

J’irai plus loin, l’absence de préjudice joue, ici, un rôle décisif. Un accusé a toute latitude pour déterminer sa stratégie à court, moyen et long terme, mais on ne peut réclamer à la fois le beurre et l’argent du beurre. La présomption simple selon laquelle le seul écoulement du temps cause un préjudice est démolie. La juge de première instance tire, à bon droit, une inférence défavorable à l’appelant d’une pareille situation. J’estime donc que la mesure transitoire trouve application. »

2247. R. c. Gordon, 2017 ONCA 436 (CanLII), [2017] O.J. No. 2802, par. 23 (C.A. Ont.) :

« In most cases, especially when all of the delay occurred prior to the release of Jordan, if the court concludes that the delay was not unreasonable under Morin, the transitional exceptional circumstance described in Jordan will justify delays beyond the 30-month cap. »

2248. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 98. Sur l’importance de la conduite de la poursuite, voir Dejala c. R., 2021 QCCA 248 (CanLII), [2021] J.Q. No. 863, par. 49 (C.A.) :

« À cet égard, “[l]orsque la poursuite est diligente, les tribunaux sont plus enclins à appliquer la mesure transitoire”. En contrepartie, les délais institutionnels endémiques et la gravité de l’infraction ne suffisent pas toujours pour justifier les délais en application de la mesure transitoire en présence “d’erreurs et d’impairs répétés du ministère public” qui contrastent avec les efforts soutenus de la défense pour faire avancer le dossier. En effet, “la diligence de la poursuite est souvent un critère décisif pour l’application de la mesure transitoire”. »

2249. R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 97.

2250. R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 102. La Cour reprend les facteurs établis dans R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 96 et 97.

2251. R. c. Vu, [2019] J.Q. No. 8571, par. 70 (C.A.).

2252. R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 214, 218 et 220 (C.A.).

2253. R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 71.

2254. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par 4.

2255. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par 54.

2256. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par 55 et 56.

2257. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par 56.

2258. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par 65.

2259. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par 68.

2260. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par 69.

2261. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par 70.

2262. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par 71.

2263. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par 72.

2264. R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par 3.

2265. R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 41 et 42 (C.A.) :

« Le délai total se calcule du dépôt des accusations à la conclusion réelle ou anticipée du procès. D’une part, il faut donc comprendre que les plafonds et la grille d’analyse ne visent que le temps requis pour terminer la preuve au procès. En prenant comme point de repère la conclusion réelle du procès ou sa fin anticipée, laquelle correspond à la durée prévue par les parties pour compléter l’administration de la preuve et les plaidoiries, la Cour suprême ne pouvait croire que le verdict serait rendu au même moment. D’autre part, la Cour suprême a volontairement remis à un autre moment la question du délai relatif à la détermination de la peine : R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 49. Il n’est donc pas inclus dans les plafonds.

L’arrêt Jordan détermine ainsi ce qui est raisonnable pour traiter une accusation, c’est-à-dire administrer la preuve et entendre les parties pour décider du verdict. La Cour suprême a fixé ces plafonds en s’inspirant d’ »un examen qualitatif de pratiquement tous les arrêts publiés portant sur l’alinéa 11b) rendus en appel au cours des 10 dernières années de même que de nombreux jugements de première instance » : R. c. Jordan, 2016 CSC 27 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 631, par. 106. »

2266. Demers c. R., [2018] J.Q. No. 3147, par. 42 et 43 (C.A.) :

« En définitive, on peut retenir que l’alinéa 11b) de la Charte pourra s’appliquer si les procédures relatives à la détermination de la peine, par exemple, s’éternisent indûment, et ce, abstraction faite de la question des plafonds. Il n’y a pas lieu cependant de tenir compte en l’espèce des délais relatifs au processus de détermination de la peine, lesquels sont normaux. »

2267. Expression empruntée à l’arrêt R. c. K.G.K., [2020] A.C.S. No. 7, par 4.

2268. Gariépy c. Autorité des marchés financiers, [2016] J.Q. No. 4947 (C.A.).

2269. Gariépy c. Autorité des marchés financiers, [2016] J.Q. No. 4947, par. 58 (C.A.). Voir également Autorité des marchés financiers c. Desmarais, [2019] J.Q. No. 4208, par. 62 (C.A.) :

« La compétence de la Cour est limitée aux questions de droit, quel que soit son avis sur la valeur probante de la preuve retenue, de sorte que, si la qualification des délais peut constituer une erreur de droit, leur fondement factuel, tel que décrit par la juge du procès et le juge de la Cour supérieure, ne peut être l’objet d’une intervention de la Cour. Par ailleurs, tant la Cour suprême (R. c. Jordan, précité; R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659), que cette Cour (notamment dans R. c. Rice, 2018 QCCA 198) ont rappelé l’expérience et même l’expertise des juges de première instance dans ce domaine, ce qui engendre une nécessaire déférence de la part d’une cour d’appel. »

R. c. Pauls, 2020 ONCA 220 (CanLII), [2020] O.J. No. 1186, par. 40 (C.A. Ont.), conf. à R. c. Yusuf, [2021] A.C.S. No. 2 :

« Deference is owed to a trial judge’s underlying findings of fact. Characterizations of periods of delay and the ultimate decision concerning whether there has been unreasonable delay are reviewable on a standard of correctness : R. v. Jurkus, 2018 ONCA 489, 363 C.C.C. (3d) 246, at para. 25, leave to appeal refused, [2018] S.C.C.A. No. 325; R. v. Albinowski, 2018 ONCA 1084, 371 C.C.C. (3d) 190, at para. 27; R. v. Bulhosen, 2019 ONCA 600, 377 C.C.C. (3d) 309, at para. 73. Given these decisions, I decline the Yusuf respondents’ invitation to revisit the standard of review. »

2270. R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 32 (C.A.) :

« L’approche préconisée est rigoureuse, mais fondée sur des concepts généraux. Le juge doit respecter le cadre d’analyse pour déterminer s’il y a violation, sous peine de voir sa décision révisée par un tribunal d’appel qui constatera alors une erreur de droit. »

2271. Autorité des marchés financiers c. Desmarais, [2019] J.Q. No. 4208, par. 61 (C.A.) :

« Il n’est pas inutile de rappeler qu’en raison de la nature même de cet appel, la Cour n’a pas compétence pour réformer les conclusions de fait retenues par la juge du procès ou par le juge de la Cour supérieure, à moins que ces conclusions n’aient aucune base factuelle ou, en d’autres termes, soient le résultat d’une analyse déraisonnable de la preuve. »

Voir également R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 33 (C.A.) :

« Toutefois, il appartient aux juges d’instance d’évaluer les situations. Sous ce rapport, les tribunaux d’appel doivent faire preuve de déférence. À défaut de démontrer que le juge a tiré une inférence ou une conclusion clairement erronée, qui n’est pas fondée sur la preuve ou clairement déraisonnable ou encore une autre erreur manifeste et déterminante ayant un impact sur la décision finale, les tribunaux d’appel ne doivent pas intervenir : R. c. Clark, 2005 CSC 2 (CanLII), [2005] 1 R.C.S. 6, par. 9. »

2272. Vallières c. R., [2020] J.Q. No. 1390, par. 71 (C.A.); R. c. Cody, 2017 CSC 31 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 659, par. 31 :

« La détermination de la légitimité de la conduite de la défense ne participe “aucunement d’une science exacte” et elle constitue une question que “les juges de première instance sont particulièrement bien placés pour juger” (Jordan, par. 65). Il s’agit d’une décision présentant un caractère discrétionnaire élevé, à l’égard de laquelle les tribunaux d’appel doivent faire montre d’un degré de déférence similairement élevé. »

Voir sur ce point les commentaires de la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Jurkus, 2018 ONCA 489 (CanLII), [2018] O.J. No. 2899, par. 25 et 26 (C.A. Ont.) :

« First, I do not agree that the designation of a period of time as defence delay is a finding of fact that is owed deference. Although underlying findings of fact are reviewed on a standard of palpable and overriding error, the characterization of those periods of delay and the ultimate decision as to whether there has been unreasonable delay are subject to review on a standard of correctness : R. v. M.(N.N.) (2006), 2006 CanLII 14957 (ON CA), 209 C.C.C. (3d) 436 (Ont. C.A.), at para. 6; R. v. Schertzer, 2009 ONCA 742, 248 C.C.C. (3d) 270, at paras. 71-72, leave to appeal refused [2010] S.C.C.A. No. 3; R. v. Tran, 2012 ONCA 18, 288 C.C.C. (3d) 177, at para. 19.

Consequently, while I agree that the application judge’s determination of the facts is to be accorded deference, her decision to assign each of the respondents only a part of the delay from March 8 to July 29, 2016 is a decision reviewable on a standard of correctness. Applying that standard, I find that the application judge erred in how she characterized this period of delay. »

2273. Vallières c. R., [2020] J.Q. No. 1390, par. 72 (C.A.).

2274. R. c. Rice, 2018 QCCA 198 (CanLII), [2018] J.Q. No. 783, par. 207 (C.A.).

2275. Canada (Procureur général) c. Whaling, 2014 CSC 20 (CanLII), [2014] 1 R.C.S. 392, par. 55 :

« Outre la présomption de non-rétroactivité en common law, certains principes de non-rétroactivité en matière criminelle sont consacrés dans la Charte. À ce sujet, la disposition la plus claire est l’al. 11g), qui offre une protection contre l’application rétroactive des lois en matière criminelle. Pour reprendre les propos de Peter Hogg : [Traduction] “Sous réserve de l’al. 11g), le droit constitutionnel canadien n’interdit pas la rétroactivité (ex post facto) des lois” (p. 51-33). L’alinéa 11i) concerne la rétroactivité, quoiqu’il soit libellé en des termes moins explicites à cet égard que la disposition précédente, et assure une protection contre l’aggravation de la peine intervenue entre le moment de la perpétration du crime et le moment de la sentence. Ces deux dispositions témoignent de l’aversion de la société pour les peines rétroactives, dans un sens large – pour la loi rétroactive qui crée une infraction criminelle, dans le cas de l’al. 11g), et pour la loi rétroactive en vertu de laquelle une peine alourdie s’appliquerait à l’infraction commise avant son adoption, dans le cas de l’al. 11i). »

2276. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 10; R. c. Schoenborn, [2015] B.C.J. No. 2619, par. 19 :

« The term “retrospectivity” has been the subject of some confusion; therefore, a clarification of the terminology is of assistance to this analysis. In Thow v. B.C. (Securities Commission), 2009 BCCA 46, Groberman J.A. referred to paragraphs from an article written by Professor Driedger to explain the relevant terminology. At pp. 268-269 of Professor Driedger’s article, “Statutes : Retroactive Retrospective Reflections” (1978), 56 Can. Bar Rev, Professor Driedger provides the following explanation :

A retroactive statute is one that operates as of a time prior to its enactment. A retrospective statute is one that operates for the future only. It is prospective, but it imposes new results in respect of a past event. A retroactive statute operates backwards. A retrospective statute operates forwards, but it looks backwards in that it attaches new consequences for the future to an event that took place before the statute was enacted. A retroactive statute changes the law from what it was; a retrospective statute changes the law from what it otherwise would be with respect to a prior event. »

R. c. R.S., 2019 ONCA 906 (CanLII), [2019] O.J. No. 5773, par. 24-26 (C.A. Ont.) :

« The distinction between a law that operates retroactively and one that operates retrospectively can be a fine one. Drawing the distinction is made even more difficult by the interchangeable use of the two words in many judgments : Sullivan, at pp. 761-62; see e.g. Gustavson Drilling (1964) Ltd. v. Canada (Minister of National Revenue), 1975 CanLII 4 (CSC), [1977] 1 S.C.R. 271, at p. 279. I use the term “retroactive” in reference to the temporal operation of legislation in a narrow sense. Retroactive laws refer to legislation that deems the law to have been something different than it actually was as of a date that precedes the enactment of the law. Truly retroactive laws are rare and commonly target a specific situation with language aimed at addressing a very specific problem : see e.g. Air Canada v. British Columbia, 1989 CanLII 95 (CSC), [1989] 1 S.C.R. 1161.

Retrospective laws operate only from the date of enactment, but change the legal effects, on a going forward basis, of events that occurred before the enactment. The difference between a retroactive law and a retrospective law is the difference between a law that declares all requests for a preliminary inquiry void as of a date six months before the enactment, and a law that declares requests for a preliminary inquiry made before the enactment enforceable up to the time of the enactment, but not after the enactment : see E. Driedger, “Statutes : Retroactive Retrospective Reflections” (1978), 56 Can. Bar. Rev. 264, at pp. 268-76. The Crown correctly characterizes the scope of the amendments as retrospective and not retroactive. »

2277. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 10 :

« Les nouvelles dispositions procédurales destinées à ne régir que la manière utilisée pour établir ou faire respecter un droit n’ont pour leur part pas d’incidence sur le fond de ces droits. De telles mesures sont présumées s’appliquer immédiatement, à la fois aux instances en cours et aux instances à venir (Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), par. 57 et 62; Wildman, p. 331). »

LSJPA – 0914, [2009] J.Q. No. 4075, par. 12 (C.A.) :

« L’état du droit sur l’effet de la modification des règles de preuve et de procédure pénales est clair : les modifications du régime de procédure et de preuve pénales ont un effet immédiat et s’appliquent en principe à tout procès tenu après leur entrée en vigueur, même si l’infraction a été commise antérieurement. »

2278. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 11 :

« Ce ne sont pas toutes les dispositions procédurales qui s’appliquent rétrospectivement. Certaines peuvent, dans leur application, porter atteinte à des droits substantiels. De telles dispositions ne sont pas purement procédurales et ne s’appliquent pas immédiatement (P.-A. Côté, avec la collaboration de S. Beaulac et M. Devinat, Interprétation des lois (4e éd. 2009, p. 208). Par conséquent, la tâche qui s’impose pour statuer sur l’application dans le temps des modifications en cause consiste non pas à qualifier les dispositions de “dispositions procédurales” ou de “dispositions substantielles”, mais à déterminer si elles portent atteinte à des droits substantiels. »

R. c. Wildman, 1984 CanLII 82 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 311, par. 46 :

« Certaines règles de preuve doivent néanmoins être exclues car elles ne sont pas de simples règles de procédure, elles créent des droits et non simplement des expectatives et, comme telles, elles sont non seulement des règles de forme mais également des règles de fond. On a jugé qu’il en était ainsi des règles ou des lois créant des présomptions découlant de certains faits. »

2279. Guilde des employés de la Cie Toastess Inc. c. Boisclair, [1987] J.Q. No. 623, par. 31 (C.A.) :

« Par ailleurs, l’on admet, qu’en règle générale, les dispositions de pure procédure s’appliquent immédiatement à l’instance en cours (P.-André Côté, pp. 145-146). [...] Les règles de procédure ne sont pas toujours de pures règles de forme, sans conséquence sur le fond ou la substance du droit. Sans parler du droit à la compétence du tribunal, il reste que la procédure, dans certains cas, s’assimile si profondément au droit lui-même, l’affecte si radicalement, que la survie de la procédure existante devient une condition essentielle de celle du droit lui-même. »

2280. Guilde des employés de la Cie Toastess Inc. c. Boisclair, [1987] J.Q. No. 623, par. 31 (C.A.).

2281. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 12.

2282. R. c. Ali, 1979 CanLII 174 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 221, par. 38.

2283. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 22.

2284. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 25.

2285. R. c. K.R.J., 2016 CSC 31 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 906, par. 23 et 24 :

« Cette aversion de la Constitution pour les dispositions pénales d’application rétrospective tient en partie à la volonté de garantir la primauté du droit. Comme le dit lord Diplock, [Traduction] “l’acceptation de la primauté du droit en tant que principe constitutionnel exige qu’un citoyen, avant d’adopter une ligne de conduite, puisse connaître à l’avance les conséquences qui en découleront sur le plan juridique” (Black-Clawson International Ltd. c. Papierwerke Waldhof-Aschaffenburg A.G., [1975] A.C. 591 (H.L.), p. 638). Un auteur formule comme suit les répercussions d’une disposition d’application rétrospective sur la primauté du droit :

[Traduction] L’idéal de la primauté du droit veut que la loi permette à celui qui y est assujetti de s’y fier afin de pouvoir éviter d’y contrevenir ou de pouvoir se représenter les conséquences juridiques d’une contravention au moment d’envisager quelque action. Les gens doivent pouvoir connaître la teneur de la loi et en tenir effectivement compte dans leur réflexion. La loi doit éviter de prendre les gens au dépourvu, de leur tendre un piège, de les mettre en opposition avec ses exigences de manière à tromper leurs attentes et à contrecarrer leurs plans.

(J. Gardner, “Introduction”, dans H. L. A. Hart, Punishment and Responsibility : Essays in the Philosophy of Law (2e éd. 2008), xiii, p. xxxvi)

La disposition d’application rétrospective compromet aussi la primauté du droit en compromettant l’intégrité des dispositions actuellement en vigueur [Traduction] “parce qu’elle expose ces dernières au risque d’une modification rétrospective” (L. L. Fuller, The Morality of Law (éd. rév. 1969), p. 39). »

2286. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 10. Voir également R. c. Clarke, 2014 CSC 28 (CanLII), [2014] 1 R.C.S. 612, par. 1 : « Les lois concernant la détermination de la peine n’ont un effet rétrospectif que si elles le prévoient de manière non équivoque. »

2287. Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. Canada (ministre du Revenu national M.R.N.), 1975 CanLII 4 (CSC), [1977] 1 R.C.S. 271 :

« Selon la règle générale, les lois ne doivent pas être interprétées comme ayant une portée rétroactive à moins que le texte de la Loi ne le décrète expressément ou n’exige implicitement une telle interprétation. »

Pierre-André CÔTÉ (Stéphane BEAULAC et Mathieu DEVINAT coll.), Interprétation des lois, 4e éd., Thémis, Montréal, 2009, p. 174. Upper Canada College c. Smith, (1921) 1920 CanLII 8 (SCC), 61 R.C.S. 413, 419.

2288. Pierre-André CÔTÉ (Stéphane BEAULAC et Mathieu DEVINAT coll.), Interprétation des lois, 4e éd., Thémis, Montréal, 2009, p. 173.

2289. R. c. Clarke, 2014 CSC 28 (CanLII), [2014] 1 R.C.S. 612, par. 10 et 11 :

« Il est vrai qu’une disposition nouvelle sur la détermination de la peine devrait être présumée ne pas s’appliquer rétrospectivement (R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272). La présomption peut cependant être écartée par une manifestation claire de l’intention du législateur de conférer un effet rétrospectif à la disposition. Dans Dineley, la juge Deschamps dit de l’exigence de la clarté qu’elle assure le caractère exceptionnel des mesures législatives applicables rétrospectivement. [...] Ainsi, une nouvelle mesure législative qui porte atteinte à de tels droits est présumée n’avoir d’effet que pour l’avenir, à moins qu’il soit possible de discerner une intention claire du législateur qu’elle s’applique rétrospectivement ... [par. 10]

En l’espèce, le libellé est suffisamment clair pour écarter la présomption. Soit dit en tout respect, il est difficile d’imaginer une expression moins ambiguë de l’intention du législateur que celle qui correspond au texte simple de l’art. 5. La loi prévoit clairement que les nouvelles dispositions s’appliquent aux personnes inculpées après l’entrée en vigueur de la Loi. Le seul moment déterminant est celui de l’inculpation, peu importe celui de la perpétration des infractions. »

Voir également les par. 7 et 18 :

« Les 20 et 21 février 2010, M. Clarke a commis un certain nombre d’infractions, dont celle d’introduction par effraction. Les dispositions modificatives de la Loi ont été adoptées le 22 février 2010. L’inculpation a eu lieu en mars 2010.

M. Clarke a été inculpé après l’entrée en vigueur de la Loi. Il était donc assujetti aux limites apportées au crédit pour détention présentencielle conformément à l’art. 5. »

2290. R. c. K.R.J., 2016 CSC 31 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 906, par. 4 :

« Autrement dit, l’intention du législateur était que les modifications de 2012 s’appliquent de manière rétrospective. »

2291. Paton c. R., 1968 CanLII 102 (SCC), [1968] R.C.S. 341, 358. Voir également R. c. Phares, [1993] J.Q. No. 2118.

2292. Howard Smith Paper Mills c. La Reine, 1957 CanLII 11 (SCC), [1957] R.C.S. 403, 420 :

« Bien que l’art. 41 entraîne une modification majeure du droit de la preuve, il ne crée aucune infraction, il n’écarte aucun moyen de défense, il n’incrimine aucune conduite qui ne l’était pas déjà avant son adoption, il ne modifie la nature ou l’effet juridique d’aucune opération déjà complétée; il porte uniquement sur une question de preuve et, à mon avis, le savant juge de première instance a eu raison de conclure qu’il s’appliquait au procès sur l’accusation dont il était saisi. (Voir 1957 CanLII 11 (SCC), 1957 R.C.S. 403, à la p. 420.) Ces motifs s’appliquent également à l’interprétation de l’article qui nous occupe. »

2293. R. c. K.R.J., 2016 CSC 31 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 906, par. 1.

2294. Expression empruntée aux arrêts R. c. Suberu, 2009 CSC 33 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 460, par. 42; R. c. Orbanski; R. c. Elias, 2005 CSC 37 (CanLII), [2005] 2 R.C.S. 3; R. c. Lucas, 1998 CanLII 815 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 439; R. c. Simmons, 1988 CanLII 12 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 495.

2295. R. c. Paquette, [2015] J.Q. No. 2896.

2296. Pierre-André CÔTÉ (Stéphane BEAULAC et Mathieu DEVINAT coll.), Interprétation des lois, 4e éd., Thémis, Montréal, 2009, p. 165.

2297. Sur l’imposition de peines moins sévères, voir Association Pharmaceutique de la Province de Québec c. Livernois, (1898) 16 C.S. 536.

2298. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 18, citant l’avis du juge Mayrand dans Gervais c. R., [1978] J.Q. No. 181, par. 8 et 9.

2299. R. c. Jones, [1996] A.C.A.C. No. 6 (Court Martial Appeal Court of Canada).

2300. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 18

2301. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272.

2302. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 2.

2303. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 18.

2304. R. c. Ruzic, 2001 CSC 24 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 687, par. 23.

2305. R. c. Ruzic, 2001 CSC 24 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 687.

2306. R. c. Ruzic, 2001 CSC 24 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 687.

2307. Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2005 CSC 49 (CanLII), [2005] 2 R.C.S. 473, par. 72 :

« Il convient aussi de faire remarquer que la jurisprudence en common law a toujours eu un effet à la fois rétroactif et rétrospectif. »

R. c. Wigman, 1985 CanLII 1 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 246, par. 19-21 :

« Comme nous l’avons déjà dit, l’arrêt Ancio n’avait pas encore été rendu au moment où l’appelant a demandé et obtenu l’autorisation de pourvoi. L’appelant soutient toutefois que l’exposé du juge du procès au jury est contraire à la nouvelle interprétation du Code criminel qui est donnée dans l’arrêt Ancio. Comme le reconnaît le ministère public, il est évident que les directives sont inadéquates à cet égard. Le principal point en litige est de savoir si l’appelant peut invoquer ce qui est maintenant considéré comme la bonne interprétation du Code.

Le critère qu’il faut appliquer est de savoir si l’affaire de l’accusé est toujours en cours. Comme le dit le mémoire du ministère public, ce critère permet d’établir un équilibre entre [Traduction] “le rêve très peu réaliste d’assurer une justice parfaite à tous ceux qui ont été déclarés coupables en vertu du précédent rejeté et la nécessité pratique d’un certain caractère définitif du processus en matière criminelle”. Il est de la plus haute importance qu’une instance criminelle ait un caractère définitif, mais l’application normale du principe de l’autorité de la chose jugée répond adéquatement à ce besoin. Une affaire jugée définitivement ne peut être soumise de nouveau aux tribunaux. Ainsi la personne reconnue coupable en vertu de l’arrêt Lajoie ne sera pas en mesure de rouvrir son dossier à moins, bien entendu, que la déclaration de culpabilité ne soit pas définitive. Dans le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, 1985 CanLII 33 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 721, à la p. 757, la Cour fait observer que le principe de l’autorité de la chose jugée empêcherait même de rouvrir les dossiers sur lesquels les tribunaux ont statué en fonction de lois inconstitutionnelles. Le principe de l’autorité de la chose jugée s’appliquerait au moins tout autant aux affaires jugées en fonction d’une jurisprudence subséquemment rejetée. »

2308. R. c. Bengy, 2015 ONCA 397 (CanLII), [2015] O.J. No. 2958 (C.A. Ont.).

2309. R. c. Bengy, 2015 ONCA 397 (CanLII), [2015] O.J. No. 2958, par. 27 (C.A. Ont.) :

« Bill C-26 was drafted to overhaul the self-defence statutory regime by enacting a single unified section. It received Royal Assent on June 28, 2012. On March 11, 2013, the Citizen’s Arrest and Self-defence Act came into force, repealing the former ss. 34 to 37 of the Criminal Code and replacing them with a new s. 34 self-defence provision. »

2310. Projet de loi C-26 (2012 L.C. ch. 9), Réforme de la légitime défense et défense des biens : Guide technique à l’intention des praticiens, http://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/autre-other/rlddp-rsddp/p2.html.

2311. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 17.

2312. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 3.

2313. R. c. Bengy, 2015 ONCA 397 (CanLII), [2015] O.J. No. 2958, par. 59, 60, 66 et 67 (C.A. Ont.) :

« I do not agree with this analysis. The presumption against retrospectivity must be rebutted by evidence of a “clear legislative intent that [the statute] is to apply retrospectively” : Dineley, at para 10. There is nothing in the record that explicitly demonstrates such intent. At its highest, there is evidence that Parliament recognized the need to clarify the law of self-defence. From this, we are asked to draw an inference that Parliament must have intended that the change take effect retrospectively.

This, of course, begs the question : If the need for immediate reform of the law were so pressing, why would Parliament not explicitly make the law retrospective ? Moreover, virtually any piece of legislation could be categorized as addressing a pressing issue or an important legislative change in some respect, but that does not equate with a legislative intent to make its application retrospective. As the B.C. Court of Appeal noted in Evans, at para. 33, “[T]he fact that legislation is remedial does not, by necessary implication, mean that is intended to apply retrospectively.”

The court’s task, as mandated by the Supreme Court in Dineley, is limited to ascertaining whether there is clear evidence of a Parliamentary intent that the legislation be given retrospective effect. Absent clear legislative intent, courts have no residual discretion to rewrite the law to accord with a subjective view of optimal fairness.

The presumption against retrospectivity is a long-standing doctrine. Parliament can be assumed to understand the impact of not explicitly dealing with the issue of retrospectivity in the legislation it passes. As there is nothing in the Citizen’s Arrest and Self-defence Act suggesting a contrary intention, the presumption has not been rebutted and therefore applies. »

2314. R. c. K.R.J., 2016 CSC 31 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 906, par. 42; R. c. Hooyer, 2016 ONCA 44 (CanLII), [2016] O.J. No. 280 (C.A. Ont.).

2315. R. c. K.R.J., 2016 CSC 31 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 906, par. 22 :

« De pair avec l’al. 11g) – qui protège le droit de l’accusé “de ne pas être déclaré coupable en raison d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle est survenue, ne constituait pas une infraction” –, l’al. 11i) constitutionnalise la notion fondamentale voulant que, en matière pénale, une disposition ne doive généralement pas s’appliquer rétrospectivement. »

2316. R. c. Poulin, [2019] A.C.S. No. 47, par. 62 :

« En adoptant ce point de vue et en donnant au contrevenant le droit de bénéficier de peines actuelles moins sévères, l’al. 11i) élargit le droit que la common law confère au contrevenant d’être jugé en fonction des règles de droit en vigueur au moment de la perpétration de l’infraction. L’autre mesure de protection qu’offre l’al. 11i) est donc l’accès à un adoucissement de peine, ce qui coïncide avec une étape importante de l’instance, soit le prononcé de la sentence. Au lieu de garantir simplement au contrevenant le droit de bénéficier de la peine applicable au moment de la perpétration de son infraction, l’al. 11i) désigne cette peine comme la peine maximale qui peut lui être infligée. Un contrevenant a le droit de bénéficier de cette peine si elle lui est favorable et de bénéficier d’une peine moins sévère si une telle peine a remplacé celle qui s’appliquait au moment de la perpétration de l’infraction. Par conséquent, lorsque la peine applicable au moment de la perpétration de l’infraction est moins sévère, le contrevenant a le droit de bénéficier de cette peine même s’il peut ainsi obtenir une peine qui est maintenant considérée comme démesurément légère. À l’inverse, lorsque la peine actuelle est moins sévère, le contrevenant a le droit de bénéficier de cette peine même s’il était exposé à une peine beaucoup plus sévère au moment où il a enfreint la loi. L’alinéa 11i) concilie ainsi, d’une part, le principe de la primauté du droit (ou de la légalité) et, d’autre part, le principe de l’équité (voir F. Chevrette, H. Cyr et F. Tanguay-Renaud, “La protection lors de l’arrestation, la détention et la protection contre l’incrimination rétroactive”, dans G.-A. Beaudoin et E. Mendes, dir., Charte canadienne des droits et libertés (4e éd., 2005), p. 781). »

2317. Canada (Attorney General) c. Lalonde, 2016 ONCA 923 (CanLII), [2016] O.J. No. 6318, par. 11 (C.A. Ont.) :

« Section 11(i) of the Charter, like s. 11(g) and s. 11(h), reflects a constitutional aversion to retrospective criminal legislation. Retrospective criminal laws are viewed as unfair and undermining the rule of law because they effectively change the rules in the middle of the “game” to the detriment of the individual affected by those rules. Fairness and respect for the rule of law require that a person’s maximum exposure to punishment for a criminal act be fixed as of “the time of commission” of the criminal act for which he or she is to be punished : see R. v. K.R.J., 2016 SCC 31, 337 C.C.C. (3d) 285, at paras. 20-27. »

2318. R. c. G.V., [2014] J.Q. No. 8225, par. 2 :

« Plus précisément, l’accusé a été déclaré coupable de deux chefs d’accusation d’agression sexuelle (article 271(1)a) du Code criminel). Ces délits ayant été commis entre le 21 février 2001 et le 31 juillet 2007 pour la première victime et entre le 19 février 1993 et le 19 février 2003 pour la seconde victime.

(Note 2 : Il faut souligner que depuis le 9 août 2012, une peine minimale de 12 mois d’emprisonnement s’applique lorsque la victime est âgée de moins de 16 ans, soit depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, 2012, chapitre 1 (projet de loi 10). Cependant, en raison du principe de non-rétroactivité, l’imposition de cette peine minimale ne s’applique pas à l’accusé). »

2319. R. c. Beaupré, [2011] J.Q. No. 4996, par. 26 et 27 :

« Les événements, en l’espèce, sont survenus avant le 30 novembre 2007, la date d’entrée en vigueur des modifications à l’article 742.1 du Code qui prévoit, dans l’octroi de l’emprisonnement avec sursis, l’exclusion des sévices graves à la personne au sens de l’article 752, ce qui comprend l’infraction de conduite dangereuse ayant causé la mort.

Le Tribunal a donc l’obligation, ici, dans le cadre de l’alinéa 718.2d), avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner, parmi les sanctions moins contraignantes, la possibilité d’une peine d’emprisonnement dans la collectivité, puisque, d’autre part, les circonstances le justifient. »

2320. François CHEVRETTE et Hugo CYR, Charte canadienne des droits et libertés, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 1996, p. 633.

Voir également R. c. Tremblay, [1998] J.Q. No. 5327, par. 42 :

« Cette disposition reprend donc la présomption de la non rétroactivité de la loi pénale qui empêche d’imposer à un contrevenant la peine aggravée en vigueur au moment de l’imposition de la sentence et qui donne lieu à l’application de la peine existant au moment de l’infraction. »

2321. R. c. D.G., 2014 BCCA 84 (CanLII), [2014] B.C.J. No. 376, par. 16 (C.A. Alb.) :

« This section was not in force when the offence occurred. It does not have retrospective application. »

Voir également R. c. Stone, 1999 CanLII 688 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 290, par. 241 :

« Pour revenir au présent pourvoi, je tiens à souligner que le sous-al. 718.2a) (ii) du Code n’est entré en vigueur que le 3 septembre 1996, soit environ neuf mois après le prononcé de la sentence en l’espèce. Étant donné que le Code ne peut pas s’appliquer rétroactivement au détriment d’un accusé, la façon dont le juge qui a infligé la peine a traité le fait qu’il s’agissait d’un homicide sur la personne d’un conjoint doit être évaluée en fonction de la façon dont la common law traitait ce facteur avant l’entrée en vigueur du sous-al. 718.2a)(ii). Selon moi, une abondante jurisprudence appuie la thèse voulant que les tribunaux aient considéré le lien conjugal entre le contrevenant et la victime comme un facteur aggravant en matière de détermination de la peine en common law; voir R. c. Doyle (1991), 108 N.S.R. (2d) 1 (C.A.); R. c. Brown (1992), 1992 ABCA 132 (CanLII), 13 C.R. (4th) 346 (C.A. Alb.); R. c. Pitkeathly (1994), 1994 CanLII 222 (ON CA), 29 C.R. (4th) 182 (C.A. Ont.); R. c. Jackson (1996), 1996 ABCA 195 (CanLII), 106 C.C.C. (3d) 557 (C.A. Alb.); R. c. Edwards (1996), 1996 CanLII 1522 (ON CA), 28 O.R. (3d) 54 (C.A.)»

2322. R. c. L.L., [2014] A.J. No. 1099, par. 8 :

« Similarly, the 2012 amendments added the objectives of denunciation and deterrence to the purpose and principles of sentencing in s. 38(2)(f). They do not apply retrospectively. »

2323. R. c. Johnson, [1999] N.S.J. No. 28, par. 10 (C.A. N.-É.) :

« At the time of conviction for the break and enter by Justice Cacchione, Mr. Johnson was not “under sentence” for any other offence, accordingly, this sentence could not have been made consecutive to another sentence. Mr. Johnson was subsequently sentenced on the robbery. That sentence could not be made consecutive to the suspension of sentence imposed by Justice Cacchione on the break and enter. Pursuant to s. 718.3(4) we now have the power to make a sentence consecutive to any sentence that Mr. Johnson is serving whether it relates to an offence committed before arfter the sentence on appeal. To do so, however, would be to impose a more onerous punishment than could have been imposed if the section had not been amended between the date of the commission of the offence and the hearing of the appeal. (R. v. Lambert (1994), 1994 CanLII 4531 (NL CA), 93 C.C.C. (3d) 88 (Nfld. C.A.)) At that time s. 717(4) was still in force which on its wording precluded a court other than the court that convicted Mr. Johnson of the offence, from imposing a consecutive sentence (R. v. Paul (1982), 1982 CanLII 179 (CSC), 67 C.C.C. (2d) 97 (S.C.C.)). In other words, but for the amendment to s. 717(4) we would not have the power to order that the sentence be served consecutively. According to the Charter, s. 11(i), Mr. Johnson is entitled to the benefit of the “lesser punishment” of concurrent sentences. Were it not for the operation of these provisions, I would order that the sentence of two years be served consecutively to the robbery sentence. In the circumstances, however, I would order that the sentence run concurrently. »

2324. R. c. Ramla, [2016] J.Q. No. 3070.

2325. R. c. Poulin, [2019] A.C.S. No. 47.

2326. R. c. Poulin, [2019] A.C.S. No. 47, par. 3.

2327. R. c. Poulin, [2019] A.C.S. No. 47, par. 113.

2328. R. c. Poulin, [2019] A.C.S. No. 47, par. 112.

2329. R. c. Poulin, [2019] A.C.S. No. 47, par. 112.

2330. R. c. Poulin, [2019] A.C.S. No. 47, par. 114.

2331. R. c. Milne, 1987 CanLII 38 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 512, par. 23. Voir également Chartrand (Re), [1992] J.Q. No. 1239 (C.A.); Collin c. Villeneuve, [1990] J.Q. No. 1087 (C.A.).

2332. Voir sur ce point R. c. Poulin, [2019] A.C.S. No. 47, par. 38 :

« De nombreuses mesures et sanctions ont été évaluées en regard du concept de “peine” énoncé à l’al. 11i). Ainsi, les mesures suivantes sont assimilées à une peine : la période d’admissibilité à la libération conditionnelle (Liang c. Canada (Attorney General), 2014 BCCA 190, 355 B.C.A.C. 238, par. 27 et 43); la détention présentencielle (R. c. S. (R.), 2015 ONCA 291, 333 C.R.R. (2d) 160, par. 32); les conditions régissant le régime dit du [Traduction] “faible espoir” (R. c. Simmonds, 2018 BCCA 205, 362 C.C.C. (3d) 215, par. 88 et 89); les ordonnances d’interdiction de conduire relevant du Code criminel (R. c. Wilson, 2011 ONSC 89, 225 C.R.R. (2d) 234, par. 37); et les ordonnances d’interdiction de posséder des armes (Bent, par. 71; voir aussi R. c. Wiles, 2005 CSC 84, [2005] 3 R.C.S. 895, par. 3 (bien que cette affaire ne porte pas sur l’al. 11i)). Par contre, les sanctions suivantes ne sont pas assimilées à une “peine” au sens de l’al. 11i) : les ordonnances d’utilisation d’une banque de données génétiques après une déclaration de culpabilité (R. c. Rodgers, 2006 CSC 15, [2006] 1 R.C.S. 554, par. 64 et 65); les ordonnances d’enregistrement au registre des délinquants sexuels prononcées sous le régime de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels (ou la “LERDS”) (voir, par exemple, R. c. Cross, 2006 NSCA 30, 241 N.S.R. (2d) 349, par. 84); et les suspensions de permis de conduire provinciales imposées à la suite d’une déclaration de culpabilité au criminel (Wilson, par. 34). Toutefois, sans me prononcer sur leur bien-fondé, je constate que ces dernières décisions ont été rendues avant l’arrêt K.R.J. »

2333. R. c. Rodgers, 2006 CSC 15 (CanLII), [2006] 1 R.C.S. 554.

2334. Morin c. R., 2009 QCCA 187 (CanLII), [2009] J.Q. No. 510 (C.A.); Thériault c. R., 2009 QCCA 185 (CanLII), [2009] J.Q. No. 508 (C.A.); R. c. Whiting, 2013 SKCA 127 (CanLII), [2013] S.J. No. 710, par. 20 (C.A. Sask.); R. c. Redhead, (2006) 2006 ABCA 84 (CanLII), 206 C.C.C. (3d) 315 (C.A. Alb.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2006] S.C.C.A. No. 187; R. c. Cross, 2006 NSCA 30 (CanLII), [2006] N.S.J. No. 87 (C.A. N.-É.), par. 84; R. c. Aberdeen, (2006) 2006 ABCA 164 (CanLII), 212 C.C.C. (3d) 505 (C.A. Alb.); R. c. Warren, 2010 ABCA 133 (CanLII), [2010] A.J. No. 450 (C.A. Alb.).

2335. R. c. K.R.J., 2016 CSC 31 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 906, par. 53.

2336. R. c. Rodgers, 2006 CSC 15 (CanLII), [2006] 1 R.C.S. 554, par. 65.

2337. R. c. Wilson, 2011 ONSC 89 (CanLII), [2011] O.J. No. 40, par. 35-37 :

« I reach a different conclusion in relation to the punishment issue in relation to the prohibition imposed pursuant to s. 259 of the Criminal Code. While there are minimum periods of prohibitions depending on the offender’s record, the prohibition is part of the “arsenal of sanctions” available to the sentencing judge. Whether to impose it where it is discretionary or the length of the prohibition when it is mandatory or discretionary requires an examination of the purposes and principles of sentencing. It is imposed by the judge as part of the sentencing. Indeed, on occasion courts have found that lighter jail or monetary sentences are appropriate having regard to the length of the license prohibition. R. v. Ladouceur 1990 CanLII 108 (CSC), [1990] 1 S.C.R. 1257 at para. 53, R. v. Goudreault (2004), 2004 CanLII 34503 (ON CA), 190 C.C.C. (3d) 19 (Ont. C.A.)

Before the enactment of the regulation, there was an absolute driving prohibition for the total period imposed. After the regulation, there is a shorter absolute prohibition period followed by a modified prohibtion or restricted driving period during which the offender can drive his or her vehicle if they qualify for the provincial interlock program. It is either a less onerous form of prohibition although the prohibition is of the same length or it is a shorter prohibition period.

I am persuaded the Criminal Code driving prohibition is a punishment within the meaning of s. 11(i) of the Charter. »

2338. R. c. Fernandes, [2013] O.J. No. 2971, par. 98-100 (C.A. Ont.).

« It is also important to emphasize that driving prohibition orders under the Code, and provincially-imposed driving suspensions or restrictions are different in character and serve discrete purposes. Driving prohibition orders under the Code form part of a sentencing judge’s arsenal of sanctions on sentencing an accused for a criminal driving offence. In some instances, the imposition of a driving prohibition order is mandatory for such a conviction; in other instances, it is a discretionary sanction that may be imposed by the sentencing judge when crafting a fit sentence : see ss. 259(1), (2) and (3.1) to (3.4) of the Code. The important point is that, whenever imposed, a driving prohibition order under the Code is part of the penalty or punishment imposed for a criminal driving offence.

In contrast, provincial driving suspensions or restrictions do not constitute any part of a penalty or punishment imposed by the criminal law. Rather, they are a form of civil driving disability arising out of a conviction for a criminal offence. I endorse Durno J.’s observation in R. v. Wilson, 2011 ONSC 89, 270 C.C.C. (3d) 110, at para. 29, citing Prince Edward Island (Secretary) v. Egan, 1941 CanLII 1 (SCC), [1941] S.C.R. 396 : “[t]he provincial suspension is not a sanction that is imposed in furtherance of the purposes and principles of sentencing ... It is not part of the federal criminal law power and not imposed in furtherance of the purposes and principles of sentencing.”

Driving prohibition orders under the Code seek to facilitate the principles and objectives of sentencing in the criminal law. In contrast, provincially-imposed driving suspensions or restrictions form part of, and seek to advance, the civil regulation of the use of highways. Accordingly, they serve complementary, but distinct, statutory purposes and policy objectives. »

2339. Denis c. R., [2018] J.Q. No. 5352 (C.A.). Voir également R. c. R.S., 2015 ONCA 291 (CanLII), [2015] O.J. No. 2183 (C.A. Ont.).

2340. Denis c. R., [2018] J.Q. No. 5352, par. 100.

2341. Denis c. R., [2018] J.Q. No. 5352, par. 101.

2342. Canada (Procureur général) c. Whaling, 2014 CSC 20 (CanLII), [2014] 1 R.C.S. 392, par. 74.

2343. R. c. K.R.J., 2016 CSC 31 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 906, par. 132. Voir également les par. 4 et 18 :

« Le législateur entendait ainsi investir le juge qui détermine la peine d’un pouvoir discrétionnaire lui permettant de soumettre aux nouvelles interdictions tout contrevenant, y compris celui qui a commis l’infraction avant l’entrée en vigueur des modifications. Autrement dit, l’intention du législateur était que les modifications de 2012 s’appliquent de manière rétrospective.

[...]

Je remarque au préalable que, bien qu’il existe une présomption à l’encontre de l’application rétrospective d’une disposition législative qui porte atteinte à un droit substantiel (R. c. Dineley, 2012 CSC 58, [2012] 3 R.C.S. 272, par. 10), les parties ne contestent pas la conclusion de la Cour d’appel selon laquelle la présomption est réfutée en l’espèce, le législateur ayant voulu que les dispositions issues des modifications de 2012 s’appliquent de manière rétrospective. Je suis d’accord. »

2344. Pierre-André CÔTÉ (Stéphane BEAULAC et Mathieu DEVINAT coll.), Interprétation des lois, 4e éd., Thémis, Montréal, 2009, p. 165.

2345. R. c. E.R., [1992] B.C.J. No. 2396, par. 12 (C.A. C.-B.).

2346. François CHEVRETTE, Hugo CYR, François TANGUAY-BEAUDOIN et Errol MENDES, Charte canadienne des droits et libertés 4e éd., Éditions Lexis Butterworths, 2005, p. 785 :

« Ainsi, la personne accusée d’une infraction ne pourra invoquer l’alinéa 11i) afin de bénéficier de la peine plus légère qui sanctionne une infraction nouvelle et différente, encore que très parente, de celle dont on l’accuse; c’est plutôt cette dernière, même si elle est abrogée, et la peine dont elle était assortie qui lui seront applicable. »

2347. R. c. Tremblay, [1983] J.Q. No. 190, par. 9 et 10.

2348. Sur ce point, voir R. c. Kergan, 1985 ABCA 189 (CanLII), [1985] A.J. No. 502, par. 22 et 25 (C.A. Alb.) :

« No material put before us justifies the conclusion that parliament intended, by the substitution, that sexual intercourse without consent be regarded less seriously than previously and I decline to draw that inference from the legislation. The inference is said to arise “reasonable and necessary implication”. In my view it is neither reasonable nor necessary. It is not necessary to raise such an inference to give effect to the legislation and a “necessary implication” ought to meet that criterion.

In eliminating the specified crime of rape, Parliament also enabled the Crown to secure a conviction for any of the three classes of sexual assault without proof of intercourse. I could conclude, therefore, that a sexual assault not involving penetration might, on given facts, be treated as severely as an offence involving penetration, but it does not follow that the extent of sexual involvement is irrelevant to sentence, let alone that all assaults of a sexual nature are to be treated similarly. Intercourse without consent is a serious sexual assault, involving a serious invasion of the victim’s right to bodily integrity. Other invasions may now attract the same maximum punishment under each of the three categories, but that it not to say that all sexual assaults are to receive the same punishment. I see no legislative justification for a new lower range of sentence for a significant sexual assault that lacks the aggravating features described in s. 246.2 or s. 246.3. »

2349. R. c. Vernacchia, 1988 CanLII 244 (QC CA), [1988] J.Q. No. 29 (C.A.).

2350. R. c. Vernacchia, 1988 CanLII 244 (QC CA), [1988] J.Q. No. 29 (C.A.).

2351. Voir toutefois R. c. P.C., [2013] J.Q. No. 11249, par. 42 :

« En conclusion, il semble qu’il pourrait être possible que l’article 44e) L.I. s’applique à l’infraction de viol. Conséquemment, la peine de viol pourrait être réduite à celle prévue pour le crime d’agression sexuelle. Toutefois, en pareil cas, comme l’a écrit la professeure Dumont, l’article 44e) L.I. ne permettrait l’application de la règle de la peine la plus douce que s’il s’agit de la peine applicable au moment d’imposer la sentence ou au moment de la réalisation de l’acte illégal. »

2352. R. c. P.C., [2013] J.Q. No. 11249; R. c. J.W.B., [1989] P.E.I.J. No. 104 :

« The offence or offences that were created to replace former s. 146(1) cannot even be said to be “very similar” to s. 146(1). Consequently, s. 11(i) of the Charter can be of no assistance to the accused. This problem arose after the parties spoke on sentencing; however, both counsel now inform me that they agree with my conclusion that s. 11(i) of the Charter does not apply. Counsel further have agreed that s. 44(e) of the Interpretation Act, R.S.C. 1985 is applicable to this matter. That section reads :

44. Where an enactment in this section called the “former enactment”, is repealed and another enactment, in this section called the “new enactment” is substituted therefor,

(e) when any punishment, penalty or forfeiture is reduced or mitigated by the new enactment, the punishment, penalty or forfeiture if imposed or adjudged after the repeal shall be reduced or mitigated accordingly;...

I agree with counsel that s. 44(e) is applicable, and I must give the accused the benefit of that section when I pass sentence. As stated, in relation to the charges against the accused regarding the sisters T.M. and D.M., the maximum sentence is no longer life imprisonment but ten years imprisonment. This makes a difference in the accused’s sentence. »

2353. Canada (Procureur général) c. Whaling, 2014 CSC 20 (CanLII), [2014] 1 R.C.S. 392.

2354. Canada (Procureur général) c. Whaling, 2014 CSC 20 (CanLII), [2014] 1 R.C.S. 392, par. 8.

2355. Canada (Procureur général) c. Whaling, 2014 CSC 20 (CanLII), [2014] 1 R.C.S. 392, par. 54.

2356. Canada (Procureur général) c. Whaling, 2014 CSC 20 (CanLII), [2014] 1 R.C.S. 392, par. 17 :

« L’abrogation a eu pour effet immédiat de retarder l’admissibilité à la semi-liberté des trois intimés : de trois mois dans le cas de M. Whaling, de neuf mois dans le cas de Mme Slobbe et de vingt et un mois dans celui de M. Maidana. »

2357. Canada (Procureur général) c. Whaling, 2014 CSC 20 (CanLII), [2014] 1 R.C.S. 392, par. 60.

2358. Canada (Procureur général) c. Whaling, 2014 CSC 20 (CanLII), [2014] 1 R.C.S. 392, par. 89.

2359. Canada (Procureur général) c. Whaling, 2014 CSC 20 (CanLII), [2014] 1 R.C.S. 392, par. 8.

2360. Parent c. Guimond, [2016] J.Q. No. 602 (C.A.). Voir également Liang c. Canada (Attorney General), 2014 BCCA 190 (CanLII), [2014] B.C.J. No. 962 (C.A. C.-B.).

2361. Parent c. Guimond, [2016] J.Q. No. 602, par. 13 (C.A.).

2362. Tel que résumé dans Parent c. Guimond, [2016] J.Q. No. 602, par. 13 (C.A.). Voir sur ce point Liang c. Canada (Attorney General), 2014 BCCA 190 (CanLII), [2014] B.C.J. No. 962, par. 23 (C.A. C.-B.) :

« In other words, I see the objectively ascertainable effect of “extended incarceration” as constituting the relevant punishment (at para. 71). On this analysis, where the effect of changes to the parole system appreciably increases the amount of time an offender would be incarcerated, in comparison to what he or she would have been expected to serve under the prior regime, it will constitute punishment. What matters is whether the changes “substantially increase the risk of additional incarceration”, thereby frustrating an objective expectation of liberty, not whether the offender’s subjective expectations have been dashed. »

2363. Parent c. Guimond, [2016] J.Q. No. 602, par. 14 (C.A.).

2364. R. c. R.S., 2019 ONCA 906 (CanLII), [2019] O.J. No. 5773 (C.A. Ont.).

2365. R. c. R.S., 2019 ONCA 906 (CanLII), [2019] O.J. No. 5773, par. 4 (C.A. Ont.) :

« For the reasons that follow, I would hold that, as the appellants had elected their mode of trial and requested preliminary inquiries before the amendments came into force on September 19, 2019, the amendments do not apply to the appellants. They are entitled to their preliminary inquiries. I would further hold that accused persons who were before the courts prior to September 19, 2019, but had not elected their mode of trial and requested a preliminary inquiry, as of that date, had no right to a preliminary inquiry. Their entitlement to a preliminary inquiry is governed by the amendments, which limit that entitlement to offences that provide for a sentence of at least 14 years’ imprisonment. »

2366. R. c. R.S., 2019 ONCA 906 (CanLII), [2019] O.J. No. 5773, par. 49 (C.A. Ont.) :

« Although I would not describe the right to a preliminary inquiry as itself a substantive right, I am satisfied that the elimination of the preliminary inquiry does affect a substantive right of the appellants. That right lies in the appellants’ entitlement to be discharged at a preliminary inquiry if the Crown cannot meet its evidentiary burden : Criminal Code, s. 548(1)(b); R. v. Arcuri, 2001 SCC 54, [2001] 2 S.C.R. 828. »

2367. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 21 :

« Il s’agit d’une indication supplémentaire que les nouvelles mesures législatives portent atteinte à des droits substantiels puisque les droits constitutionnels sont forcément de nature substantielle. Ainsi, la règle générale interdisant l’application rétrospective des mesures législatives devrait s’appliquer en cas d’atteinte à des droits constitutionnels. »

2368. R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272, par. 10.

2369. Mailloux c. Deschênes, [2015] J.Q. No. 9916, par. 89 (C.A.) :

« L’intimé n’a pas tort, mais il faut noter que la règle de l’application immédiate des lois de procédure n’est pas absolue; il s’agit seulement d’un guide qui a pour but d’aider à découvrir la véritable intention du législateur. Il s’agit au mieux d’une présomption qui doit céder le pas à l’intention contraire exprimée par le législateur. Il faut alors considérer l’effet de la nouvelle disposition en tenant compte de l’ensemble des circonstances. »

R. c. Ali, 1979 CanLII 174 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 221, par. 32 :

« On ne conteste pas que la règle de l’application rétroactive des lois de procédure n’est pas absolue; il s’agit seulement d’un guide qui a pour but d’aider à découvrir la véritable intention du Parlement, ce qui est l’objet principal de l’interprétation des lois. La présomption favorable à l’application rétroactive de loi de procédure cède donc le pas à l’intention contraire du Parlement; une loi régissant une procédure ne doit pas être considérée rétroactive lorsque le Parlement a exprimé une intention contraire. »

On n’a qu’à penser à l’article 33 de la Loi de 1983 qui prévoyait que « la présente loi ne s’appliquait pas aux infractions commises avant son entrée en vigueur ». Le texte étant clair, l’abrogation des exigences relatives à la corroboration du témoignage de la plaignante en matière d’inceste ou de viol ne pouvait s’appliquer aux infractions commises avant le 4 janvier 1983. Cette exception n’est plus applicable de nos jours puisque « l’article 19 de la Loi de 1988, en abrogeant puis en remplaçant l’article 246.4 C.cr., a implicitement abrogé le régime transitoire qui aurait autrement été applicable en vertu de l’article 33 de la Loi de 1983. » LSJPA – 0914, [2009] J.Q. No. 4075, par. 35 (C.A.).

2370. R. c. Chouhan, [2020] A.C.S. No. 101, par. 1.

2371. R. c. Gallagher, [1995] B.C.J. No. 2805, par. 4 :

« Former sections 148 and 149 (pertaining to indecent assault and gross indecency) are not among the offences mentioned in s. 486(3). However, s. 486(3) deals with procedure, and the section therefore has retrospective application to the trial of this accused. Support for this conclusion is found in Wildman v. The Queen (1984), 1984 CanLII 82 (CSC), 14 C.C.C.(3d) 321 (S.C.C.), where, in discussing procedural amendments, the court held that, generally, a person has no vested right in procedure and a new procedure applies to pending actions where the following of the procedure is feasible. »

2372. R. c. A.S., [1996] O.J. No. 188.

2373. R. c. Tremblay, [1996] R.J.Q. 187.

2374. R. c. Ali, 1979 CanLII 174 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 221, par. 40.

2375. R. c. Wildman, 1984 CanLII 82 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 311, par. 46 :

« Cette disposition énonce la règle de common law selon laquelle il n’existe pas de droit acquis en procédure, pour autant que la mise en œuvre de la nouvelle procédure soit, en pratique, possible (voir R. c. Ali, 1979 CanLII 174 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 221). Par conséquent, une nouvelle procédure s’applique aux poursuites en cours sans qu’il y ait atteinte à la [Traduction] “règle d’interprétation selon laquelle les lois doivent, dans la mesure du possible, être interprétées de façon à respecter les droits acquis” (voir E.A. Driedger, ((The Retrospective Operation of Statutes)), Legal Essays in Honour of Arthur Moxon, University of Toronto Press, 1953, aux pp. 5 et suiv.) L’alinéa 36d) de la Loi d’interprétation emploie le mot procédure dans son sens large et cette expression comprend les règles de preuve. »

Wilson et Lafleur

La diffusion de l'ouvrage Traité de droit criminel. Tome IV, Les garanties juridiques de Hugues Parent, et publié par Wilson et Lafleur, est rendue possible grâce à une licence accordée au CAIJ par Wilson et Lafleur.

Haut

Législation citée  
Lancer une requête de législation citée, pour l'article, en
 
Haut

Questions de recherche  
 
Les recherchistes du CAIJ ont identifié la législation, la jurisprudence et la doctrine sur :
 
Haut

Les lois du Québec sont reproduites avec l'autorisation de l'Éditeur officiel du Québec.
Les Code civil du Bas Canada et Code civil du Québec (1980) sont reproduits avec l'autorisation de Wilson et Lafleur.